Sémantique Générative
Sémantique Générative
Sémantique Générative
La sémantique générative
Développements théoriques:
Place des quantifieurs
Focus et présupposition
1
Les guerres linguistiques est l’expression couramment utilisée pour le long conflit académique de linguistique
générative américaine découlant d’une dispute entre Noam Chomsky et quelques-uns de ses collègues et élèves les
plus précoces. Il prend place essentiellement dans les années 1960 et 1970.Des linguistes tels que Paul Postal, John
R. Ross dit « Haj » Ross, George Lakoff et James McCawley, autoproclamés « Les Quatre Cavaliers de
l’Apocalypse », proposent une théorie alternative à la sémantique générative qui critique la théorie de Noam Chomsky
en se concentrant sur la sémantique plutôt que, comme le concept de structure profonde de Chomsky le fait, sur la
grammaire.
2
Les phénomènes s’avèrent déterminés par des contraintes structurelles. Le niveau
syntagmatique de forme logique fournit la plateforme conceptuelle pour une analyse
unifiée de cas divers. Les objets quantifiés sont généralement présumés être sujets à
l’opération transformationnelle de la montée quantifieurs.
3
Nous avons formulé une problématique qui s’articule sur l’interrogation
suivante : Comment des concepts comme : les quantifieurs, le focus et les
présupposés ont contribué au développement théorique de la sémantique générative?
I- La quantification
La quantification consistant à lier les variables libres d’une formule logique par des
quantificateurs. C’est est une série d'opérations de détermination qui sont
constitutives de la bonne formation de l'énoncé. Le terme de quantification, en tant
qu'opérations, a été introduit par C. S. Peirce et par G. Frege pour analyser des
particules grammaticales comme « quelques », « certains », « chaque », « tous les »,
« aucun » etc.
4
répartissent. Construit avec le suffixe -eur au lieu de la forme savante -ateur,
quantifieur est utilisé par Dominique Maingueneau.
2-l’étude de la quantification
(i) Une approche interne, concernant les quantifieurs eux-mêmes, leurs structures
morphosyntaxiques et leurs propriétés de base ;
5
informations nécessaires pour la dérivation des relations logico-sémantiques. Ce
phénomène, connu depuis longtemps, se traduit par une ambiguïté spécifique aux
structures quantifiées et interrogatives.
En incorporant aux structures sous-jacentes des représentations logiques, la
sémantique générative est confrontée à une double tache :
La logique est censée définir des lois de la pensée et fonder ainsi les relations
entre énoncés sur des rapports d’équivalence, implication etc.,
Tandis que la linguistique transformationnelle fonde en partie ces rapports
d’équivalence, qui définissent les énonces en relation de paraphrase, sur des
restrictions de sélection.
D’une part, nous devons avoir la capacité de penser logiquement, c’est-a-dire
conformément aux règles d’inférence et aux lois logiques. D’autre part, on est obligé
de constater qu’une langue particulière ne traite pas des énoncés logiquement
équivalents de la même manière.
Dans cet exemple un peu classique, il est évident que l'interprétation de (1) conduit
à un ensemble de vériconditions disparates et logiquement incompatibles.
(2a) [tous les (étudiants)] [[une (spécialité)] : Une spécialité a été choisie par tous
les étudiants
(2b) [une (spécialité)] ([tous les (étudiants)] : Il y a une spécialité que tous les
étudiants ont choisie.
6
Afin de comprendre le statut de la logique dans la sémantique générative, il est bon
d’évoquer les raisons qui ont motivé son introduction.
2. La réduction des catégories lexicales aux noms, verbes et phrases les rendait
assimilables aux prédicats, arguments, et propositions de la logique des
prédicats ;
7
Lorsqu’une proposition dépend d’un paramètre, on peut utiliser deux types de
quantificateurs :
Exemple : ∀x P(x) se lit « pour tout x P(x) » et signifie « tout objet du domaine
considéré possède la propriété P ».
Une propriété peut être : Universelle si elle est vraie (ou fausse) pour tous les
cas :
Une propriété peut être : Particulière si elle est vraie (ou fausse) dans au moins
un cas :
8
manifestent : les quantificateurs flottants (QF) et les quantificateurs à
distance (QAD).
L’exemple classique du QAD est beaucoup (on a aussi trop, peu, etc.), alors
que tous et chacun sont des exemples typiques de QF.
Tous : est un quantificateur flottant, qui modifie les étudiants mais qui est placé
séparément.
▪ plusieurs pommes, tous les jours, certains travaux, trois amis, beaucoup de
livres, etc.
9
➢ les quantificateurs à distance (QAD);( beaucoup, trop, peu).
(1)
(2)
(3)
10
➢ Beaucoup à l’intérieur du SN :
Cependant, avec les verbes à temps composé, c’est l'auxiliaire qui se déplace
vers la gauche ; le verbe (qui prend la forme participiale) reste sur place. Ceci nous
permet donc de faire la distinction entre beaucoup dans sa version nominale et le
QAD puisque l’ordre de surface ainsi obtenu n’est pas le même dans les deux cas.
(4)
➢ Beaucoup à l’intérieur du SN :
11
2. Les propriétés du quantificateur à distance beaucoup ;
1) Il est invariable ;
➢ Tout d’abord, beaucoup a toujours la même forme, peu importe les traits
morphologiques (genre, nombre) de l’objet qu’il quantifie :
(5)
(6)
12
lorsque beaucoup se trouve dans sa position canonique, (à l’intérieur du SN), comme
en (7b) :
(7)
(8)
(9)
13
a. Il a beaucoup vendu ce modèle.
Dans les deux phrases suivantes, beaucoup prend des sens différents en (a) et
en (b) : En (9a), beaucoup a le sens de « souvent », alors qu’en (9b), il a plutôt le
sens d’un adverbe de degré. La différence d’interprétation de beaucoup dépend du
verbe :
Les verbes comme visionner, vendre, marquer, etc. font partie du premier
groupe, Les verbes comme apprécier, impressionner, accélérer et inquiéter font
partie du second. Seule la première classe de verbes permet à beaucoup d’occuper la
position postverbale et d’agir comme QAD. Cette situation découle du fait que le
QAD beaucoup, dans sa position préverbale, exerce une quantification à la fois sur
le verbe et sur le SN postverbal.
(10)
14
Dans les deux exemples, beaucoup se place devant le même verbe, trouver. Il
s’agit d’un verbe qui permet l’interprétation itérative d’une action ;
➢ par exemple les prédicats dits « de masse », comme les verbes cracher et
transporter en (11).
Dans ces cas, la phrase décrit non pas une série d’événements consécutifs mais
plutôt un seul événement continu :
(11)
15
3. Les propriétés des quantificateurs flottants ;
Comme beaucoup, tous peut se placer soit à l’intérieur d’un SN, soit devant
le verbe :
(12)
On appelle tous dans la position préverbale (ou, plus généralement, dans une
position non canonique) un quantificateur flottant (QF). Bien qu’ils puissent tous
deux occuper une position préverbale, tous diffère de beaucoup sous plusieurs
aspects.
16
a. (13)
b. Les enfants (masc. plur.) ont tous (masc. plur.) fait leur devoir.
c. Les filles (fém. plur.) ont toutes (fém. plur.) fait leur devoir.
e. Les amis de Sylvie, que j’ai tous connus à l’âge de sept ans, sont
sympathiques.
(14)
17
(15)
b. * Tous ils sont partis. (à ne pas confondre avec Tous, ils sont partis).
Contrairement à beaucoup, le QF tous peut se placer à différents endroits de la
phrase, soit à la gauche, soit à la droite du SN qu’il quantifie.
➢ Tous à droite
(16)
(17)
18
La relation entre tous et le SN quantifié est soumise à une contrainte
hiérarchique. Ainsi, le SN quantifié ne peut pas être enchâssé à l’intérieur d’un
constituant si tous ne l’est pas aussi. C’est ce que montre l’agrammaticalité de la
phrase (18b) : (18)
(19)
Tous à gauche
(20)
19
a. Mélanie a lu tous les livres.
(21)
(22)
(23)
20
b. * Jean a tous remarqué que nous les avions embauchés.
(24)
(25)
21
3.2. Le quantificateur flottant chacun ;
(26)
Comme tous, chacun doit s’accorder (en genre seulement, cette fois) avec un
SN dans la phrase :
(27)
Chacun diffère toutefois de tous à plusieurs égards. Tout d’abord, il s’agit d’un
quantificateur de type binominal, c’est-à-dire qu’il exige la présence de deux
syntagmes nominaux d’un type particulier : ➢ un SN défini pluriel, normalement en
position sujet, ➢ un SN indéfini.
(28)
22
▪ Les policiers ont chacun appréhendé deux criminels. (= le policier A a
appréhendé deux criminels, le policier B a appréhendé deux criminels, etc.)
Dans ce cas, le SN lui-même peut être défini (ceci n’est pas sans rappeler les
cas d’occurrence de tous en position post-participiale que nous avons vus à la section
précédente) :
(29)
(30)
23
partie du SN post verbal - nous l’appellerons « chacun prénominal » , comme le
montre, par exemple, la phrase clivée suivante :
(31)
Il ne s’agirait donc pas d’un cas de chacun déplacé (soit à droite à partir de la
position préverbale, soit à gauche à partir de la position postnominale). En résumé,
le QF chacun a des propriétés à la fois similaires et différentes du QF tous. Comme
tous, il peut se placer à différents endroits dans la phrase et doit s’accorder (en genre
seulement) avec un SN.
24
Cette phrase est grammaticalement irréprochable. Mais, signifie-t-elle
"certains jours tous les guichets sont fermés" ? ou bien signifie-t-elle "chaque guichet
est fermé certains jours" ?
❖ Quantificateur existentiel
Cette phrase formelle affirme que la propriété "P" est vraie pour tous les
éléments x de l'ensemble E, ou encore qu'il n'y a pas dans E de contre-exemple à la
propriété "P". On remarquera que le quantificateur∀ est placé avant la propriété qu'il
25
quantifie. En français, pour traduire le caractère universel d'une propriété dans
l'ensemble E, on utilisera des expressions comme :
✓ pour tout x,
✓ quelque soit x,
✓ pour chaque x,
✓ pour un x quelconque.
(32)
26
rétablir le quantificateur manquant pour traduire cette phrase en une phrase
formalisée en mathématiques. On écrira :
➢ ∀x ∈ H, M(x)
➢ "n'importe quel n tier positif est plus grand que n 'importe quel entier
négatifʺ. Donc que cette phrase se traduit par :
➢ ∀p ∈ N, ∀n ∈ N, p≥−n.
On sait que cela veut dire que le résultat de la somme de deux entiers
(quelconques) ne dépend pas de l'ordre des termes. Si on veut formaliser cette
phrase, il faudra donc faire intervenir deux quantificateurs universels :
➢ ∃x ∈ E, P(x)
27
Cette phrase formelle affirme que dans E il existe au moins un élément x qui
vérifie la propriété "P". Il peut aussi en exister plusieurs. La seule affirmation faite
est la suivante :
➢ l'ensemble des éléments de E qui vérifie la propriété "P" est non vide.
▪ Il y a un x qui vérifie "P" peut vouloir dire un seul x, alors que dans le langage
mathématique le sens est précis :
❑ Pour illustrer :
➢ Si a Z, étudions la propriété :
L'équation a deux racines, x′=1 et x"=a/2 ; si a est pair, elles sont entières
toutes les deux, sinon, seule la première est entière. La propriété est donc vraie, bien
qu'il y ait quelquefois deux solutions entières ; elle doit être comprise comme :
∃x ∈ Z, 2x2−(a+2) x +a =0
28
fausse quelle que soit la propriété "P", puisque l'ensemble vide ne contient aucun
élément. La propriété "∃x ∈ E, P(x)" ne dépend pas de x.
❖ Pas de mélange ;
❖ L'ordre d'écriture ;
Considérons la propriété "P (x, y)" voulant dire x aime y. Si nous écrivons les
deux phrases formelles suivantes, leur sens est très différent.
29
▪ phrase 1 ∀x ∈ E, ∃y ∈ E, P (x, y)
▪ phrase 2 ∃y ∈ E, ∀x ∈ E, P (x, y)
➢ ou encore :
▪ phrase 1 ∀x ∈ E, Q(x)
➢ ou encore :
▪ phrase 2 ∃y ∈ E, R(y)
30
En général ;
➢ ∃y ∈ F, P (x, y),∀x ∈ E
À la recherche d'une solution, les différentes écoles linguistiques ont proposé divers
moyens pour sauver la conception compositionnelle et fonctionnelle de la
grammaire. L'approche générative est probablement la plus connue. Au lieu de
traiter chaque constituant in situ, l'interprétation d'un syntagme quantifié peut
s'opérer par la mise en relation de la position de surface avec la position de portée
respective. Cela peut être effectué par le biais d'une simple chaîne syntaxique, ou à
l'aide d'une transformation. En tout état de cause, l'idée est de simplifier la
composante sémantique au profit d'une syntaxe plus explicite. Il ne s'agit que d'un
changement au niveau de la division de travail interne entre deux composantes de la
grammaire. En fait, selon les propos de Robert May, la relation entre syntaxe et
sémantique se présente de la manière suivante :
"Indeed, the more highly articulated the syntactic properties of logical representations
[...] the more highly determined will be the interpretations such representations
31
receive. Moreover, the more highly determined semantic structure is by syntactic
structure, the more transparent" the relation of form and interpretation will be."2
Cela veut dire que plus les propriétés syntaxiques des représentations logiques sont
articulées avec précision, plus les interprétations reçues par ces représentations
seront déterminées. De plus la structure sémantique soit fortement déterminée par la
structure syntaxique, plus la relation de forme et d'interprétation sera transparente.
Les quantificateurs font varier la référence d'un groupe nominal sur un domaine
défini. Ces éléments modifient l'interprétation en fonction de la portée qu'ils ont au
sein de l'énoncé. Nous examinons les interprétations des phrases contenant les
quantifieurs tous et chacun dans les positions variées.
1. Quantifieur déterminant :
2. Quantifieur partitif :
2
R. May. Logical Form, Its Structure and Derivation, (Cambridge, 1985), p. 2.
3
Heirn, et A. Kratzer, op. ch, p. 186
32
b. Tous les enfants recevront un ballon
3. Quantifieur flottant :
4. Quantifieur binominal :
Notre travail consiste à faire une étude comparative entre ces types de quantificateurs
pour démontrer que plusieurs différences interprétatives sont dues à la position du
quantifieur en structure de surface, Nous considérons les quantifieurs tous et chacun
comme des opérateurs de distributivité, mais qui agissent différemment selon la
position qu'ils occupent dans la phrase. Nous en concluons que, bien que les
phénomènes de portée et interagissent de façon étroite avec la distributivité, la
distributivité mérite d'être traitée comme un phénomène à part.
33
1- chaque position du quantifieur dans la phrase correspond une
interprétation sémantique particulière
La phrase (5a) est vraie dans une situation où une foule composée d'adultes,
de personnes âgées, d'enfants, de bébés, assistent à une fête. Parmi les membres de
ce groupe, tout individu que nous considérons comme un enfant, quel que soit notre
critère personnel pour "enfant", est tel qu'il ou elle recevra un ballon. Cela peut être
les gens en-dessous de douze ans, ou bien ceux qui se comportent comme des
enfants, quel que soit leur âge, ou encore ceux qui sont habillés comme des enfants.
D'une manière ou d'une autre, l'ensemble d'enfants dont il s'agit dans (5a) doit être
construit indépendamment par l'interlocuteur grâce au contexte. La phrase (5b) nous
donne plus d'information sur le groupe d'enfants. Ces enfants ont déjà été identifiés,
ils appartiennent à un terrain commun au locuteur et à l'interlocuteur.
34
Ce contraste est beaucoup plus vif entre le quantifieur déterminant tout et le
quantifieur partitif tous. Comparons (6a-b) :
La phrase (6a) est vraie dans une situation où, parmi les gens participant à la
fête, quiconque satisfait au critère d'enfant, aussi vague et dépendant du contexte
soit-il, recevra un ballon. La phrase (6b) est vraie pour chaque membre du groupe
particulier d'enfants qui assistent à la fête. Ce groupe est déjà présent dans le
discours, appartient à un terrain commun entre locuteur et interlocuteur, alors que
pour (5a), ce groupe doit être reconstruit à partir d'un contexte.
On pourrait objecter que la force du contraste en (5) est due au fait que le quantifieur
singulier tout sert à former des phrases génériques et qu'il ne s'agit absolument pas
du même type de quantifieur.
L'équivalent anglais de (5a) est mieux exprimé par le quantifieur any, qui sert à
construire des phrases génériques en anglais. Or, Carlson, revoyant son analyse des
génériques en terme de relation sujet-prédicat, propose qu'une analyse relationnelle
des génériques est la plus souhaitable, c’est-à-dire une analyse qui inclut justement
des éléments du discours et du contexte. Une telle analyse des génériques serait
35
compatible avec la distinction entre les quantifieurs partitifs et déterminant en terme
de réfèrent discursif et réfèrent contextuel, telle que nous l'avons formulée en (7).
Dans les deux cas, l'expression l'un après l'autre/one after the other induit une
interprétation où l'événement de prendre un ballon ne peut pas être unique pour tous
les enfants, mais où nous avons plusieurs événements de prendre, des événements
multiples, mais du même type.
36
4-Différences de configuration et d’interprétation entre le quantifieur partitif
et le quantifieur flottant
Les différences interprétatives que nous avons observées entre les phrases contenant
un quantifieur flottant et les phrases contenant un quantifieur partitif sont inscrites
dans la configuration syntaxique de ces phrases. Selon les représentations, le
quantifieur partitif est dans une configuration où il domine toute la phrase, alors que
le quantifieur flottant est adjacent au SV.
37
V- La logique des quantifieurs
38
Ce carré d’opposition, très utile pour représenter de façon synthétique
l’interprétation des quantificateurs et leurs relations, permet aussi de définir en
passant les notions de contrariété et de contradiction, souvent improprement
confondues. Ces notions s’appliquent à des propositions, dont on dira qu’elles sont
contradictoires si d’une part elles ne peuvent pas ˆêtre vraies en même temps, et
d’autre part elle ne peuvent pas être fausses en même temps. Cela signifie que de
deux propositions contradictoires, exactement une est vraie dans toute circonstance.
La d´définition du connecteur négatif adoptée ici permet de formuler encore
différemment la contradiction : sont contradictoires deux propositions dont l’une est
´équivalente `a la n´négation de l’autre. Les propositions contraires, quant `à elles,
sont telles qu’elles ne peuvent ˆêtre vraies en même temps (comme précédemment),
mais qu’elles peuvent être fausses en même temps.
Les formules quantifiées que nous avons abordées jusque-là parlaient apparemment
de tous les individus de l’univers. C’est en tout cas ce que signifie une formule
comme ∀xE(x) : tout individu (au sens d’entité) vérifie la propriété d’être éphémère
(si cette formule est vraie). Mais en pratique, la plupart des énoncés
quantificationnels, même celui-ci, supposent de façon sous-entendue un “univers”
dans lequel la quantification s’applique.
39
∀x(P(x) ∧ A(x)) ne serait vraie que dans un univers où il n’y a que des philosophes
(et ils sont tous assis).
C’est un peu moins direct, mais on peut voir pourquoi on utilise la conjonction
dans le second cas : la forme avec le conditionnel ∃x(P(x) → A(x)) serait vraie s’il
n’y a aucun philosophe, ce qui fait donc perdre à cette formule son caractère
existentiel.
On peut proposer maintenant une nouvelle version du carré sémiotique, avec des
phrases quantificationnelles dans lesquels on distingue une restriction et une portée
:
40
VI-Présupposition et focus
4
Article écrit dans le cadre du projet de recherche FNSRS Log Prag (Sémantique et pragmatique des mots logiques,
projet n° 100012_146093, 2014-2017). Merci à Joanna Blochowiak et à Karoliina Lohiniva pour leurs commentaires.
41
D’un autre côté, des notions anciennes, dans la perspective de la pragmatique
gricéenne, comme les implicatures conventionnelles, sont revenus au centre d’un
certain nombre de recherches, notamment sur les particules et des phénomènes
comme les clivées et les phrases exclusives (Beaver, 2014).
1. Essai de définition
La présupposition est ce qui résiste à la négation, ou, en d’autres termes, produit une
proposition vraie lorsque son déclencheur est une proposition fausse.
1. A présuppose B
42
2. Sémantique et pragmatique
5
Dans Austin (1962: 94), la signification (meaning) est définie comme sens et référence: « the utterance [of Certain
words with a certain construction] with a certain ‘meaning’ in the favourite philosophical sense, i.e., with a certain
sense and with a certain reference ».
6
Correspondant aux actes de référence et de prédication (Searle, 1969 : 23). « Referring and predicating performing
propositional acts » (ibid. : 24).
7
Le même argument peut être donné pour les actes de référence : l’attribution d’un référent à une expression
référentielle est un processus pragmatique (Strawson, 1950).
43
Cette première définition est conforme à l’un des premiers programmes de recherche
en pragmatique, qui a consisté à comprendre le rapport entre le sens littéral et le sens
non littéral, ou implicite. On citera, dans la théorie des actes de langage, les
hypothèses de Searle sur les actes de langage indirects, dans lesquels le locuteur
réalise deux actes illocutionnaires, un acte secondaire (par exemple de question
comme en 1) et un acte illocutionnaire primaire, ici de requête (2) (cf. Searle, 1979)
:
De même, dans sa théorie des métaphores, Searle décrit le sens métaphorique (PAR)
comme dérivé d’un sens littéral (MET), dont l’un des critères est la fausseté de la
proposition exprimée. Ce genre d’approche, que Ortony (1979) a qualifié de non-
constructiviste, à savoir distinguant entre sens littéral et sens non littéral, en faisant
de l’étape du sens non littéral un passage obligé pour obtenir le sens intentionné du
locuteur, correspond à la stratégie décrite par Grice pour la dérivation du sens
implicite (ou implicature). Voici comment Grice décrit le calcul d’une implicature :
44
b. Implicature conventionnelle : (i) Il est surprenant que Jean aime Marie ; (ii) Jean
n’est pas le seul à aimer Marie.
8
En revanche, et c’est un critère de définition des implicatures conventionnelles, une implicature conventionnelle ne
peut être fausse, sans entraîner une contradiction dans l’énoncé :
# Même Jean aime Marie, {mais il est en fait le seul à l’aimer, mais ce n’est pas surprenant}.
45
Figure 1 : la vision classique de la frontière entre sémantique et pragmatique
Ce tableau a été cependant mis en brèche dans les années quatre-vingt, avec
l’émergence de la Théorie de la Pertinence (Sperber et Wilson, 1986/1995, Wilson
et Sperber, 2004, Wilso et Sperber, 2012, Carston, 2002 ; voir aussi Moeschler et
Reboul, 1994 et Reboul et Moeschler, 1998 pour une présentation synthétique).
L’une des hypothèses centrales de l’approche gricéenne, comme nous l’avons vu,
est de faire du critère de vériconditionnalité le 6 critère décisif pour distinguer
sémantique et pragmatique. Mais il a été montré, notamment avec les travaux de
Carston (2002) et l’article de Wilson et Sperber (1993, cf. aussi Wilson et Sperber,
2012, chapitre 8), que le contenu explicite, ou explicature10, est d’une part le résultat
d’un développement (au sens d’enrichissement) pragmatique, et en second lieu
contribue aux conditions de vérité de l’énoncé.
46
méconnues-les grammaires traditionnelles elles-mêmes les avaient remarquées-
mais elles posaient de sérieux problèmes. Le fait de les mettre entre parenthèses n’a
pas empêché les travaux de syntaxe de se développer, mais plus tard, en explorant le
domaine de la sémantique.
Ex 1. Est-ce que JEAN est allé au cinéma ?
Le focus est Jean, et la présupposition est quelqu’un est allé au cinéma. En effet,
si à 1 il est possible de répondre 2 :
2-Non, c’est PAUL qui est allé au cinéma.
Il n’est absolument pas possible de considérer 3 comme une réponse linguistique
à1:
3-Non, c’est Jean qui est allé à la pêche.
C’est donc bien que la phrase 1 présupposait que quelqu’un est allé au cinéma,
et que le focus de cette phrase était Jean.
Le phénomène est le même dans une phrase affirmative, quoique moins net. Dans
4:
4-JEAN a bu mon vin.
Le focus est Jean et la présupposition est quelqu’un a bu mon vin. Au contraire,
dans 5 :
5- Jean a bu mon VIN.
Le focus est vin (ou mon vin) et la présupposition Jean a bu quelque chose.
Il est évident que l’interprétation sémantique doit tenir compte des notions de
focus et de présuppositions.
Le phénomène est le même dans une phrase affirmative, quoique moins net. Dans
4:
4-JEAN a bu mon vin.
47
Le focus est Jean et la présupposition est quelqu’un a bu mon vin. Au contraire,
dans 5 :
5- Jean a bu mon VIN.
Le focus est vin (ou mon vin) et la présupposition Jean a bu quelque chose.
Il est évident que l’interprétation sémantique doit tenir compte des notions de
focus et de présuppositions
Il n’est pas possible de prétendre décrire le sens des phrases1, 4 et 5 précédentes
sans préciser leur focus ni ce qu’elles présupposaient. Il faut donc intégrer ces
notions dans la composante qui engendre les phrases, c’est-à-dire la syntaxe, pour
que la composante sémantique puisse les prendre en considération lors de
l’application des règles de projection.
Mais un problème se pose. Si le focus est le terme qui porte l’accent d’insistance,
il ne peut être mis à jour que par l’observation des structures de surface.
48
l’interprétation sémantique. Mais cette affirmation ne remet pas en question le
fonctionnement de l’interprétation sémantique9.
4-Développement théorique
9
Auparavant, Chomsky a montré qu’il n’est pas possible de rendre compte des notions en question dans la base par
des règles de réécriture. Pour les arguments, on se rapportera à Chomsky (1968a) et à Chomsky (1970).
49
1- Convaincre Jean- est – difficile.
2- Jean-est- difficile à convaincre.
On voit aisément que difficile à convaincre est un syntagme de surface
uniquement. Pourtant on peut lui adjoindre même dans 3 :
Jean-est-même difficile à convaincre.
Même est donc placé en surface par une transformation opérant sur des
structures profondes ou même n’a aucune place définie :
(Même) – Convaincre Jean – est – difficile
Jean – est – même difficile à convaincre
Or, bien qu’elle ne soit pas définissable en structure profonde, la place de
même a une influence directe sur le sens des phrases. Reprenons l’exemple
désormais classique de Chomsky. La phrase 4a présuppose que les pygmées sont
petits. Jean est grand pour un pygmée.
Alors que la phrase 5a, qui présuppose que les Wattusis sont petits, est
sémantiquement anormale :
5a- Jean est grand pour un Wattusi.
Si l’on introduit même, 4 b présuppose la même chose que 4a, mais 4c est
sémantiquement anormale10 :
4b- Même Jean est grand pour un pygmée.
4c- Jean est grand même pour un pygmée.
Par contre, c’est 5b qui est sémantiquement anormale, et 5c qui présuppose
que les Wattusis sont grands et est donc tout à fait acceptable :
5b- Même Jean est grand pour un Wattusi.
5c- Jean est même grand pour un Wattusi.
10
Car chacun sait (pense) Chomsky que les Wattusis sont tous grands au contraire des pygmées.
50
Ces quelques phrases montrent donc que la place de « même » doit être prise
en considération pour la détermination du sens et des présuppositions.
Or, si comme nous l’avons montré ci-dessus même ne reçoit sa place
définitive qu’en surface, il faudra ici encore que la surface soit prise en compte par
la composante sémantique.
51
CONCLUSION
52
BIBLIOGRAPHIE
53
LAKOFF, George, Instrumental Adverbs and the Concept of Deep Structure, in:
“Foundations of Language” N° 4, 1968, pp. 4-29.
MCCAWLEY J. D., "Concerning the base component of a transformational grammar",
in: “Foundations of Language” N° 4, 1968.
MCCAWLEY J. D., L’insertion lexicale dans une grammaire sans structure profonde,
Chicago, Ill., Bailey et Darden, 1969.
PAVEAU M. A., et SARFATI G. E., Les grandes théories de la linguistique, Paris,
Armand Colin/VUEF, 2003.
54
Table des matières
INTRODUCTION ........................................................................................................................................ 2
I- La quantification ....................................................................................................................................... 4
1-Des dénominations différentes : quantificateur, quantifiant, quantifieur .............................................. 4
2-l’étude de la quantification .................................................................................................................... 5
3-Les fondements théoriques de la sémantique quantificationnelle.......................................................... 5
II- La quantification : typologie et portée des quantificateurs ................................................................... 9
1. Quantificateurs à distance et quantificateurs flottants ; ........................................................................ 9
2. Les propriétés du quantificateur à distance beaucoup ; ...................................................................... 12
3. Les propriétés des quantificateurs flottants ;....................................................................................... 16
4. Quantificateur universel et quantificateur existentiel ; ....................................................................... 24
5. Règles d'usage des quantificateurs ; .................................................................................................... 29
III- La montée des quantifieurs ................................................................................................................... 31
IV- Quantifieurs et distributivité ................................................................................................................. 32
1- chaque position du quantifieur dans la phrase correspond une interprétation sémantique particulière
................................................................................................................................................................ 34
2-Quantifieur déterminant et quantifieur partitif..................................................................................... 34
3-Quantifieur partitif et quantifieur flottant ............................................................................................ 36
Un quantifieur flottant requiert un contexte à événements multiples ................................................. 36
4-Différences de configuration et d’interprétation entre le quantifieur partitif et le quantifieur flottant 37
V- La logique des quantifieurs .................................................................................................................... 38
VI-Présupposition et focus .......................................................................................................................... 41
1. Essai de définition ........................................................................................................................... 42
2. Sémantique et pragmatique ................................................................................................................. 43
3- Problèmes sémantiques posés par l’interprétation du focus et du présupposé ................................... 46
4-Développement théorique .................................................................................................................... 49
4-1-Le déplacement de « même » ........................................................................................................... 49
4-2-Le rôle du sujet superficiel dans la détermination des présuppositions ........................................... 51
CONCLUSION ........................................................................................................................................... 52
BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................................................... 53
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