Filiere Lait Burkina
Filiere Lait Burkina
Filiere Lait Burkina
Éditée par :
MISEREOR
Œuvre de l’Eglise catholique d’Allemagne
pour la Coopération au Développement
Mozartstr. 9
D – 52064 Aachen
Allemagne
Auteur :
Père Maurice Oudet, Société des Missionnaires d’Afrique (Pères Blancs), né en 1944,
vit au Burkina Faso depuis 40 ans, directeur du SEDELAN (Service d'Édition en Langues Nationales)
B.P. 332 – Koudougou
Burkina Faso
Tél. : (226) 50/ 44 03 56
E-Mail : [email protected]
Web : www.abcburkina.net
Ceci est la version préliminaire de l’étude. Une version définitive est en préparation, également en allemand.
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la révolution blanche est-elle possible au burkina faso, et plus largement en afrique de l'ouest ?
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
Recommandations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
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la révolution blanche est-elle possible au burkina faso, et plus largement en afrique de l'ouest ?
Introduction
idée de cette étude est venue d’un constat et laitiers ? Comment se fait-il que les habitants de
L’ de quelques interrogations. Ouagadougou et des autres villes consomment
presque uniquement du lait importé ? Cela est-il
Un constat : « L’économie burkinabè repose es- dû essentiellement à la capacité productive des
sentiellement sur l’agriculture et l’élevage qui re- éleveurs? Ou bien la responsabilité incombe-t-
présente environ 40 % du Produit Intérieur Brut elle au dumping pratiqué sur le marché mondial,
(PIB), 86,6 % des exportations du pays et emplo- en particulier par les Européens ?
ient plus de 85 % de la population.1 » Les éle- Les analyses qui suivent ont pour but de nous
veurs (les familles qui vivent presque uniquement donner quelques éléments de réponse. Avec l’es-
de l’élevage) représentent plus de 10 % de la po- poir de pouvoir répondre à cette dernière question :
pulation. la révolution blanche (allusion à l’expansion gé-
nérale de la filière lait en Inde depuis les années
Quelques interrogations : Comment se fait-il, 70, connue comme « révolution blanche ») est-
dans ces conditions, que le Burkina Faso importe elle possible au Burkina Faso (et plus largement
des quantités importantes de lait et de produits en Afrique de l’Ouest) et à quelles conditions ?
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la révolution blanche est-elle possible au burkina faso, et plus largement en afrique de l'ouest ?
a filière lait, bien entendu, fait partie du sec- Dans la zone de Ouaga 2000 (quartier huppé et
L teur de l’élevage. Or tout le Sahel est une
zone traditionnelle d’élevage. Si, certaines an-
futuriste), des éleveurs ont été expropriés de ter-
res affectées à d’autres usages (habitation, com-
nées, la faiblesse des pluies a un impact négatif merce, administrations). A Dassasgho (quartier
sur les pâturages, il faut savoir que le Sahel reste situé à l’est de Ouagadougou), l’Etat avait délimi-
favorable à l’élevage, le bétail y subissant moins té une zone d’élevage dans les années 70. Mais
l’assaut des maladies parasitaires. A noter égale- avec la poussée démographique et l’urbanisation
ment que la mouche tsé-tsé a été éradiquée au croissante, la zone s’est retrouvée en pleine ville.
cours des années 70. Depuis des siècles, les éle- Les éleveurs ont dû purement et simplement éva-
veurs du Sahel écoulent une partie de leurs bêtes cuer leurs animaux.
vers les pays côtiers, le climat tropical humide y A présent, les éleveurs de la zone de Ouaga-
étant moins favorable à l’élevage. dougou s’installent à Zagtouli, à Loumbila, à
Il est important de noter également une premi- Yagma, à Gampéla, quartiers situés successive-
ère distinction entre les éleveurs traditionnels et ment à l’ouest, à l’est, au nord et au nord-est de
les éleveurs que l’on pourrait qualifier de moder- Ouagadougou dans un rayon d’environ 20 km.
nes. L’élevage traditionnel est pour l’essentiel aux Mais l’urbanisation ne tardera pas à les rejoindre.
mains des Peuls. Ils vivent uniquement des fruits En 2003, selon les résultats de l’Enquête Na-
de leur élevage. Ils pratiquent un élevage exten- tionale sur les Effectifs du Cheptel (ENEC II), le
sif. Ils pratiquent, le plus souvent, une certaine cheptel du Burkina était estimé à « 7.311.544 de
transhumance. Leurs troupeaux sont de petite taille bovins, 6.702.640 d’ovins et 10.035.687 de ca-
(5 à 20 têtes). C’est pourquoi certains d’entre eux prins » La plus grande partie des productions na-
se constituent en groupements pour mieux agir. Ils tionales est à porter au crédit des “petits exploi-
recourent quelques fois à la complémentation ali- tants” pratiquant un système d’élevage extensif.
mentaire et ils élèvent surtout des espèces locales Ces systèmes génèrent en effet près de 90 % de la
dont les capacités de production laitière sont fai- production totale de viande (hors gibier) et 95 %
bles. « 70 % du cheptel national répondrait à ce de la production de lait.
système traditionnel » 2. La production laitière D’une façon générale, il existe pour chaque
d’un éleveur traditionnel oscille entre 3 et 10 litres produit animal deux types de filières : une filière
par jour. Ces éleveurs traditionnels ne sont pas pro- “directe”, c’est-à-dire sans ou avec peu d’inter-
priétaires des terres où ils conduisent leurs troupe- médiaires, et une filière plus structurée et dite
aux. Or, en 40 ans (de 1965 à 2005), la popula- “longue”... Les filières directes traitent quant à
tion du Burkina est passée de 4 millions à 13,6 elles la majeure partie de l’approvisionnement de
millions. Si rien n’est fait, “ils risquent de dispa- proximité, de l’autoconsommation, du ravitaille-
raître avec les conditions de plus en plus difficiles ment direct des centres urbains... Ces filières di-
d’accès aux ressources pastorales et aux terres de rectes échappent le plus souvent aux contrôles
culture” (PAPISE 3 p. 20). Une autre façon de décrire tant d’un point de vue sanitaire, que statistique
cette situation, c’est de dire que l’espace se rétré- et fiscal.
cit. Ce qui explique, entre autres, la multiplication En terme de flux, les filières directes sont domi-
des conflits entre éleveurs et paysans d’une part, nantes en volume pour la viande (57,3 % des pro-
et des déguerpissements d’éleveurs d’autre part. ductions), et surtout pour les produits laitiers (92 %).
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Une autre distinction importante à faire est celle prix élevés. Il s’agit de produits réservés aux plus
entre les filières que l’on peut qualifier de “tradi- hauts revenus. Les filières traditionnelles assu-
tionnelles” et les filières que l’on considérera rent quant à elles le ravitaillement général de la
comme “modernes” car elles mettent en oeuvre population ; elles trouvent leur intérêt, pour les
des acteurs distincts. Cette distinction est à faire acteurs, davantage dans les volumes traités. La
au regard des produits finaux et / ou de leur con- demande traditionnelle est aussi beaucoup plus
ditionnement et de leur transformation : produits sensible aux prix.
traditionnels comme le lait cru ou la viande en La part des filières “modernes” est nettement
tas ; produits modernes comme le lait pasteurisé marginale en volumes... Les contraintes de pou-
en sachets ou la charcuterie. Cette distinction est voir d’achat, les coûts induits par la transforma-
indépendante du caractère direct ou long de la fi- tion ainsi que les habitudes alimentaires l’expli-
lière ou du système d’élevage. On trouve des pro- quent aisément (PAPISE p. 21-22). En fait, cette
duits “modernes” comme le lait pasteurisé. étude nous le montrera, c’est surtout, au moins
Les marchés sont différents pour ces deux pour le lait et les produits laitiers, la concurrence
types de produits. Les filières modernes se carac- des produits importés à bas prix qui freine le dé-
térisent par une forte valeur ajoutée et par des veloppement de ces filières.
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la révolution blanche est-elle possible au burkina faso, et plus largement en afrique de l'ouest ?
2.1 La production laitière plement reçu l’assurance que s’ils étaient capa-
bles de fournir du lait toute l’année, le centre
Le lait produit au Burkina est estimé à 180 mil- viendrait chaque jour leur acheter leur produc-
lions de litres selon l’étude IEPC (Initiative, Ele- tion. Les connaissances des Peuls (nourriture,
vage, Pauvreté et Croissance (étude réalisée entre santé) dans la conduite d’un élevage sont bien
avril 2002 et janvier 2004) contre 130 millions de évidemment remarquables, même si des forma-
litres pour le PAPISE (Plan d’Action et Programme tions complémentaires pour intensifier la produc-
d’Investissements du Secteur Elevage de l’an tion seront très utiles si on veut développer la fili-
2000). Beaucoup de nos chiffres proviennent du ère lait.
PAPISE. Pour plus de cohérence, nous travaille- La filière dite moderne (le plus souvent dans la
rons avec l’hypothèse de 130 millions de litres. périphérie des villes) est aux mains d’opérateurs
Cette production ne correspond pas à “une de- économiques, souvent spécialistes en matière
mande” de consommation. Elle correspond da- d’élevage. On en rencontre effectivement qui sont
vantage à la capacité du cheptel. Nous le verrons des zootechniciens, des vétérinaires ou des agro-
plus loin, les 4/5 de la production ne sont pas nomes. Les non-spécialistes quant à eux bénéfi-
commercialisés mais autoconsommés. Comme cient de stages et de formation dans des pays dé-
nous l’avons vu, l’essentiel de cette production veloppés comme la France et le Canada. C’est
provient de la filière traditionnelle (à 95 %). C’est ainsi qu’on voit apparaître des élevages dits mo-
donc cette filière qui détermine pour l’essentiel dernes (avec de nouvelles races ou des métis)
les moyennes nationales. La productivité de cette avec des vaches qui donnent jusqu’à 18 litres de
filière est très faible. Le plus souvent la vache est lait par jour. Cela s’explique par une alimentation
traite ”après le veau“. Le rendement est alors de plus riche de leurs troupeaux à travers l’utilisa-
3 litres (dans le meilleur des cas) à un quart de tion de compléments alimentaires (son de céréa-
litre en fin de saison sèche. Sur une année, la pro- les, foins, tourteaux de coton, ensilage, etc.).
ductivité est estimée à 110 kg / an / vache (à Leurs troupeaux connaissent également un suivi
comparer aux 6 000 kg / vache / an en Europe). sanitaire régulier. Pour améliorer leurs produc-
Rendements désespérants pour certains, rende- tions, des éleveurs modernes procèdent au croi-
ments qui laissent espérer de forts gains de pro- sement des espèces. Certains ont importé de
ductivité pour d’autres ! pays africains des zébus maures et des zébus
Ces faibles rendements de la part des éleveurs Azawak du Niger, des Gudali, espèces présentes
traditionnels ne doivent pas faire illusion. Cela ne au Nigeria jusqu’à la région de l’Adamaoua au Ca-
veut pas dire qu’ils n’ont pas les capacités de dé- meroun, des Holsten du Canada… D’autres éle-
velopper cette production. S’il est vrai qu’en mars veurs recourent à la technique de l’insémination
ou avril vous ne trouvez pas de lait à acheter dans artificielle.
la plupart des quartiers peuls du Burkina, il est En terme de production, la ferme d’un éleveur
vrai également que les Peuls de Massala (près de moderne peut produire de 100 à 200 litres de lait
Dédougou) fournissent chaque jour – même en par jour. Malgré ces rendements, comme nous
mars ou avril – plus de cent litres de lait au centre l’avons noté plus haut, au niveau national la pro-
de formation de Moundasso. Pourtant, ils n’ont duction laitière provient à 95 % des éleveurs tra-
reçu aucune formation particulière. Ils ont sim- ditionnels, beaucoup plus nombreux.
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la révolution blanche est-elle possible au burkina faso, et plus largement en afrique de l'ouest ?
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mateurs urbains. Elles se caractérisent par des Autre caractéristique : certaines laiteries transfor-
capacités de production journalière très faibles, ment du lait produit localement, mais aussi du
souvent de l’ordre de 20 à 30 litres. Cinq ou six lait en poudre importé et “reconstitué”. Cela s’ex-
seulement ont une capacité de transformation de plique facilement : comme nous le verrons plus
plus de cent litres. Elles se ravitaillent le plus bas, le lait importé reconstitué coûte moins cher
souvent auprès de fermes modernes. Les éle- que le lait frais produit localement. De plus, le
veurs traditionnels, aujourd’hui, ne profitent lait importé permet de compenser la baisse de
guère du développement, et surtout de la multi- production des vaches de race locale durant la
plication de ces mini-laiteries. Toutes ensemble, saison sèche. (Nous verrons plus bas que les éle-
elles ne récoltent pas, et donc ne transforment veurs traditionnels sont capables, et prêts à four-
pas un million de litres par an (moins de 0,5 % de nir du lait, même pendant la période sèche, mais
la production laitière du pays). pas au même prix. Autrement dit, dans les condi-
tions actuelles de production et d’importation, le
lait produit localement n’est pas concurrentiel
Une illustration des avec la poudre de lait importée).
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les revenus nécessaires pour consommer de tels L’objectif de promotion de cette filière (qui, bien
produits. que non-compétitive à cause des subventions à
La laiterie de Lumbila (à 15 km au nord-ouest l’origine dont bénéficient les produits laitiers im-
de Ouagadougou) est connue pour son fromage portés, reste rentable et stratégique pour le Bur-
de chèvre. Le centre de Moundasso pour sa kina Faso) est d’accroître la part de lait local
“tomme” ! Une bonne partie de cette tomme est dans la satisfaction des besoins nationaux à 65%
vendue sur Ouagadougou. La Laiterie Moderne (55 % actuellement).
de la Patte d’oie à Ouagadougou dont le promo- Dans une option de non-amélioration de la
teur a reçu une formation technique en Italie, fa- productivité, la production nationale en 2015
brique des fromages de type italien (Mozzarella, sera de 241 788 TEL. Un accroissement de la pro-
Caciotta, Ricotta). ductivité de 110 à 180 kg/an/vache devrait per-
Si Nestlé au Ghana produit du lait concentré li- mettre d’influencer positivement ce potentiel
quide (en boîte métallique) à partir de lait en (près de 400 000 TEL).
poudre importé, aucune multinationale ne s’est La formulation d’un plan d’actions est en cours.
installée au Burkina Faso. La transformation du
Les actions viseront à :
lait y est donc artisanale.
● améliorer la capacité des éleveurs en conduite
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3.1 La nature des importations qu’il a subi une transformation au Ghana. Nous y
reviendrons.
Les produits laitiers importés au Burkina Faso Pour les produits en provenance d’Europe, il
sont la poudre de lait, le lait concentré sucré ou est clair que le pays d’origine indiqué dans notre
non sucré, le yaourt nature, le yaourt additionné étude est le pays qui commercialise le lait (parfo-
de fruits, le beurre et toutes sortes de variétés de is le transforme) mais rien ne prouve que les va-
fromages. Ce faisant, le marché burkinabè est in- ches qui ont produit ce lait proviennent d’un seul
ondé de produits laitiers venus de l’extérieur. pays et que ce soit le pays indiqué.
Parmi les grands importateurs, on trouve des Nous reviendrons sur ces questions, plus en
spécialistes de l’alimentation générale, comme le détails, dans le chapitre 3.5 : Essai d’inventaire
groupe SCIMAS et Marina Market (opérateurs lo- des produits importés.
caux), mais aussi quelques entreprises spéciali-
sées comme Cowbell ou Sodilait. 3.2 La quantité de lait et
Les marques importées sont très variées, mais de produits laitiers importés
certaines dominent le marché.
Dès son indépendance, le Burkina s’est révélé
Au titre de la poudre de lait, les produits couram- être un grand importateur de lait. Les importa-
ment rencontrés sur le marché sont Nido, Vivalait, tions ont connu une croissance exponentielle
Cowbell, Belle France, France lait, Régilait. avec les famines des années 70. A l’époque, l’im-
portation de la poudre de lait fut conseillée pour
Comme crème de lait concentré sucré ou non
vaincre l’insécurité alimentaire et du même coup
sucré, il y a Bonnet rouge, Bonnet bleu, Nestlé,
pour enrichir l’alimentation des populations ur-
Russo, Belmona, Président, Jago, Bonita, Suisse
baines et rurales. Le pays consacrait des sommes
Milk.
très importantes à importer le lait… oubliant ses
Les marques de yaourts importés sont principale- potentialités à produire et à valoriser le lait local.
ment Yoplait, Danone et Flory. A titre d’exemple les importations de lait de la
Haute-Volta (ancien nom du Burkina) s’élevaient
Pour le beurre, on trouve surtout le Président et
« à 1.792.854 tonnes en 1972 ; à 1.957.153 ton-
Bridel.
nes en 1973 ; à 1.470.479 tonnes en 1974 » 1. Les
Pour chacune de ces marques il faudrait faire une importations massives ont continué jusqu’en
étude pour s’assurer de l’origine, de son proprié- 1994, année de la dévaluation du franc CFA.
taire. Pour certaines, c’est facile. Ainsi sur les boî- L’une des conséquences de cette dévaluation
tes de lait en poudre Nido, il est clairement indi- fut la hausse des prix de produits importés tel
qué qu’il s’agit d’une des marques de la multina- que le lait. Cependant, la baisse des importations
tionale Nestlé. Pour d’autres, c’est beaucoup plus engendrée par la dévaluation fut de courte durée.
difficile, rien n’indiquant sur les boîtes l’origine En effet, l’adoption du TEC (Tarif Extérieur Com-
réelle du lait, ni le propriétaire de la marque. Un
exemple : on peut trouver du lait en poudre « fa-
briqué au Ghana » et s’apercevoir, après enquête, 1 Conférence de M. Zoubga Noaga Christophe,
ingénieur en industrie laitière, en 1976 à Bobo Dioulasso
que ce lait provient de la Nouvelle-Zélande, mais 3 Initiative, Elevage, Pauvreté et Croissance, p. 81
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mun) en l’an 2000 dans l’espace UEMOA a fait la neuf milliards de francs CFA par an, voire davan-
part belle aux produits laitiers. En effet, comme tage. Rien ne prouve que toutes les importa-
nous le verrons plus bas, la poudre de lait relève tions de produits laitiers soient comptabilisées
de la première catégorie (5% de taxe) dans la no- par le service des douanes.
menclature tarifaire du TEC. Le lait concentré
sucré ou non sucré et les préparations à base de
lait relèvent, eux, de la troisième catégorie (20 %
3.3 Origine des importations,
de taxe). De plus, tous ces produits sont importés quantité et pourcentage des
sans TVA (Taxe à la Valeur Ajoutée), alors qu’il importations en provenance
s’agit de produits transformés. de l’Union européenne
Or, la législation du Burkina sur la TVA dit ceci :
« Sont exonérés de la TVA les domaines de l’agri- Les importations en provenance
culture, élevage et pêche, assurance et réassu- de l’Union européenne
rance, soins médicaux, transports ferroviaires, Des 25 pays membres de l’UE, dix pays exportent
construction habitat social agréé, enseignement, de façon significative, à destination du Burkina,
locations nues, produits alimentaires non trans- du lait et des produits laitiers. Ces pays sont l’Al-
formés, pain et pâtisserie, médicaments, livres et lemagne, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la
journaux, lunetterie, appareils médicaux, pro- France, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-
duits phytosanitaires et engrais, matériels agrico- Bas et le Royaume-Uni. Ils ont fourni au Burkina 1
les, exportations… ». Autrement dit, a contrario, 720 tonnes de lait et de produits laitiers en 2002,
les produits alimentaires transformés sont thé- soit plus de 50 % des importations du Burkina.
oriquement imposables, donc au taux normal Mais ces chiffres par pays ne sont pas très signifi-
de 18%. catifs, les Pays-Bas, par exemple, pouvant impor-
Il est vrai que le lait produit au Burkina est ter du lait produit en Allemagne, le transformer et
commercialisé sans TVA, mais il s’agit de lait cru l’exporter en Afrique de l’Ouest.
ou de lait pasteurisé. Le Burkina Faso ne produi- La plupart des ménages de Ouagadougou con-
sant pas de lait en poudre, il pourrait mettre une somment grandement Bonnet Rouge ou Bonnet
TVA (de 18 %) sur le lait en poudre. Mais, en fait, Bleu (ces deux marques appartenant à Fries-
aujourd’hui, la politique économique du gouver- land Coberco Dairy Foods – Pays-Bas), Belle
nement découle du choix de nourrir les villes au France, France Lait, Bridel (une des marques –
moindre coût. Avec les conséquences désastreu- avec « Président » du groupe français Lactalis).
ses, pour les agriculteurs et les éleveurs, que Dans les kiosques et restaurants des grandes vil-
nous connaissons. les, le yaourt servi est fait à base de lait en poudre
Un tel désarmement tarifaire favorise l’entrée reconstitué provenant le plus souvent de l’Euro-
sur le territoire burkinabè de lait provenant de pe. Les femmes dans le cadre de leurs activités
divers pays.. Seulement, il est quasiment impos- génératrices de revenus vendent également du «
sible d’obtenir des statistiques fiables. Avec l’- dégué ». Il s’agit d’une bouillie faite d’un mélange
urbanisation, la demande en lait est croissante. de farine de petit mil et de lait reconstitué.
Le lait local est très peu répandu en ville, et
pourtant certains documents officiels font état Les importations de poudre de lait
d’une diminution des importations de produits En 2002, au total 560 tonnes (chiffre le plus ré-
laitiers. Nous avons donc été à la rencontre de cent) de poudre de lait en provenance de l’UE ont
personnes bien placées du Ministère des inondé le marché burkinabè. La France se taille la
Ressources Animales, qui ont confirmé mon part du lion avec 302 tonnes suivie des Pays-Bas
point de vue : l’importation de produits laitiers avec 80 tonnes. Si on ne tient pas compte de lé-
est croissante. Elle serait de l’ordre de huit à gères variations d’un produit à l’autre, on peut
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la révolution blanche est-elle possible au burkina faso, et plus largement en afrique de l'ouest ?
Quantité (en tonnes) des importations de poudre de lait en provenance de pays membres de l’Union européenne
(source : Ministère burkinabè du Commerce, de la Promotion de l’Entreprise et de l’Artisanat)
dire qu’il faut 130 g de lait en poudre pour recon- Il aurait été intéressant de pouvoir analyser ces
stituer 1 litre de lait à 3,5 % de matières grasses. statistiques. Elles manifestent une baisse des im-
Les 560 tonnes en provenance de l’Europe sont portations, alors qu’avec l’urbanisation croissan-
donc équivalentes à environ 4.300.000 litres de lait. te la consommation semble en augmentation.
Ces statistiques font apparaître des variations Est-ce l’apparition de la concurrence venue de
étonnantes. Nous n’avons pas trouvé d’explications Nouvelle-Zélande et surtout de l’Asie, avec des
satisfaisantes à cela. Serait-ce la qualité des stati- produits « semblables » comportant peu de lait,
stiques ? mais surtout du sucre et des matières végétales ?
Au Bénin, à Cotonou, ayant commandé un café au
Les importations de crème de lait concentré lait dans un kiosque, on m’a servi un « Nescafé »
sucrée et/ou non sucrée auquel on a ajouté quelques cuillérées provenant
Les Burkinabè font une consommation importan- d’une boîte métallique de marque « Bonjour ». Ce
te de lait concentré liquide (appelé crème de lait produit, en provenance de Singapour, ne conte-
concentré, à ne pas confondre avec la crème du nait pas de lait, mais uniquement du sucre et des
lait, la matière grasse du lait), le plus souvent graisses végétales.
sucré. Ils s’en servent pour le petit déjeuner en Ce sont ces deux produits, la poudre de lait et
l’accompagnant de café ou de thé. la crème de lait concentré qui concurrencent ac-
Le lait hollandais est bien connu des Burkin- tuellement le plus le lait produit localement.
abé, spécialement la marque « bébé hollandais », C’est pourquoi nous avons poussé un peu plus l’-
si bien que certains s’amusent à traiter de ’’bébé analyse avec des statistiques sur les importa-
hollandais’’ tout enfant potelé et bien portant. En tions d’origine européenne de ces produits.
plus de la France et des Pays-Bas (Hollande), l’Al- Voici, maintenant, plus brièvement quelques
lemagne, l’Italie et l’Irlande exportent vers le Bur- éléments portant sur les importations de yaourts,
kina de la crème de lait. de fromage et de beurre.
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la révolution blanche est-elle possible au burkina faso, et plus largement en afrique de l'ouest ?
Allemagne 34 18 55 – –
Belgique et Luxembourg – – – – –
Espagne 1 – 81 78 –
France 2652 2534 1039 443 420
Irlande – – – – –
Italie – – 102 100 32
Pays-Bas 4227 5128 2400 1689 1660
Royaume-Uni – – – – –
Quantité (en tonnes) des importations de crème de lait concentré sucré et/ou non sucré ou contenant des matières grasses
en provenance de l’UE (source : Ministère du Commerce, de la Promotion de l’Entreprise et de l’Artisanat)
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la révolution blanche est-elle possible au burkina faso, et plus largement en afrique de l'ouest ?
Nomenclature tarifaire définie par le TEC et applicable aux produits dans l’espace UEMOA
Si l’ensemble des produits laitiers sont classés tra de fonder notre analyse de l’impact de ces
dans la catégorie 3, il existe une exception de prix sur la production locale.
taille : le lait en poudre. Ce lait en poudre est ha- Et comme au cours de ce travail, il nous est ap-
bituellement classé en différentes catégories paru que ce qui nuit le plus au développement de
selon sa teneur en matières grasses (plus de la filière lait au Burkina (et dans l’espace
1,5% de matières grasses et moins de 1,5 % de UEMOA), c’est l’importation à bas prix de poudre
matières grasses) ou selon son conditionnement de lait dans des sacs de 25 kg, nous avons appro-
(sac de 25 kg d’une part, et autres conditionne- fondi davantage l’étude de ce produit.
ments orientés davantage vers la consommation
humaine d’autre part). Le lait en poudre est tou- Essai d’inventaire des produits importés
jours classé dans la catégorie 1, soit avec seule- Poudre de lait
ment 5 % de droits de douane, quelle que soit sa Les principales marques présentes sur le marché
teneur en matières grasses ou sa présentation. burkinabè sont : Nido, Régilait , France Lait, Cow-
bell, La Belle hollandaise, Vivalait, Bridel, Lacstar,
3.5 Prix du lait et des produits Kerrygold, Millac…
laitiers entrant sur le marché
burkinabè a) Comme nous l’avons vu plus haut, nous nous
sommes surtout intéressés au sac de lait de 25
Il n’est pas possible d’être exhaustif dans ce do- kg. On trouve, sous cette forme, les marques sui-
maine. Les marques sont trop diverses ; les prix vantes :
peuvent varier d’une boutique à l’autre. Cepen- Bridel, du groupe français Lactalis. Il s’agit de
dant, nous fournirons assez d’éléments pour pou- lait entier possédant 28 % de matières grasses. Il
voir justifier notre conviction maintenant bien est très apprécié par les transformateurs, notam-
établie : quelle que soit l’origine du produit im- ment les fabricants de yaourts.
porté ou sa marque, les prix varient peu. En fait, Vivalait est une marque de lait d’origine irlan-
ils sont fixés par l’état du marché mondial. Les daise. Elle est commercialisée au Burkina par la
différences de prix constatées proviennent sou- société Sodilait.
vent davantage du commerçant local (du type de Kerrygold est également une marque irlandai-
commerce : moderne, tourné vers une clientèle se du groupe irlandais I.D.B. (IRISH DAIRY
aisée, ou simple kiosque d’un quartier populai- BOARD).
re). Nous verrons que, pour chaque type de pro- Lacstar, est également une marque irlandaise.
duit, il est possible de constater un ordre de Le cas de Cowbell est intéressant, mais plus
grandeur suffisamment précis. Cela nous permet- complexe. Cette marque est en train de se répan-
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la révolution blanche est-elle possible au burkina faso, et plus largement en afrique de l'ouest ?
dre dans toute l’Afrique de l’Ouest. Elle appar- breux fromages français comme des camemberts
tient à la multinationale d’origine sud-africaine (surtout le Président et Bridel), quelques bleus,
Promasidor (spécialisée dans les boissons). du Roquefort, de la tomme de Savoie, quelques
Après avoir créé des filiales « Cowbell » au Nige- fromages de chèvre. Ensuite, on trouve quelques
ria et au Ghana, Cowbell (pour la distribution) a fromages hollandais et quelques fromages ita-
actuellement une filiale au Burkina. Sur les sacs liens (voir ci-dessous le tableau des prix de quel-
Cowbell que nous avons personnellement exami- ques fromages).
nés il était indiqué : Lait écrémé en poudre d’ori- A Bobo-Dioulasso (la deuxième ville du pays),
gine néo-zélandaise, transformé au Ghana en le choix est déjà très réduit, et à Koudougou (la
ajoutant 28 % de matières grasses d’origine vé- troisième ville du pays), vous ne trouvez plus de «
gétale ! A noter que Promasidor semble avoir dé- fromage » digne de ce nom : vous trouverez seu-
placé son siège en Suisse (d’où la mention de la lement le fromage fondu le plus répandu (mais
Suisse présente sur bon nombre de ses produits). cette fois très répandu) : La vache qui rit !
C’est dire que le fromage, par son prix élevé (et
b) Les poudres de lait en boîtes métalliques parce qu’il ne fait pas partie des habitudes ali-
(pour la consommation familiale sont donc : Nido mentaires) est réservé à une portion réduite de la
(Nestlé), France Lait (d’origine française comme population (les expatriés et ceux qui ont fait un
son nom l’indique) est une marque de Régilait, séjour en Europe, pour l’essentiel).
La belle Hollandaise (d’origine hollandaise, mais
présente en Malaisie sous le nom de Dutch Lady Beurre
Milk industries Berhad), Millac bien présente au Deux marques françaises dominent très large-
Royaume-Uni et au Pakistan… ment : Président, Bridel.
Yaourts
Danone (groupe et marque français), Yoplait
(marque appartenant à Danone), Elle & Vire (mar-
que française).
Fromages
A Ouagadougou, il est possible de trouver des di-
zaines de sortes de fromages importés : de nom-
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Les prix
La poudre de lait
En sac de 25 kg (ce lait peut être vendu par sac,
mais le commerçant peut reconditionner ce sac
en sachet de 1 kg ou 500 g). Poudre de lait ayant
une teneur de 28 % de matières grasses :
Conditionnement familial :
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N.B. : On peut aussi trouver de la « crème fraîche », ce qui est évidemment un autre produit. Nous avons noté un pot de crème fraîche
de 20 cl de marque « Mont d’Auvergne » de 20 cl à 2 600 F !
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A noter, qu’actuellement (juin 2005), aux heures Le lait dit « frais » qui n’est en fait que
de grande écoute, vous pouvez voir sur la RTB, la du lait reconstitué !
Télévision nationale du Burkina, de la publicité A Ouaga, un litre de lait reconstitué demi-écrémé
pour le lait importé de marque Bridel. Je n’ai ja- de marque Candia est vendu 600 F le litre.
mais vu sur cette même chaîne (propriété de l’E-
tat) qui se dit être un service public, une invita-
tion à consommer du lait produit au Burkina Faso.
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expansion générale de l’industrie laitière en Mondiale). Si nous analysons ces chiffres, nous
L’ Inde, qui a commencé au début des années
70, est connue comme révolution blanche.2
voyons qu’un producteur fournit en moyenne 1 ou
2 litres par jour, et qu’une coopérative laitière col-
«Avec une production qui frôle désormais les 85 lecte chaque jour, en moyenne, environ 200 litres
millions de tonnes, l’Inde est devenue le premier par jour. Des réalités, qui a priori, ne sont pas hors
pays producteur de lait dans le monde. Cette cro- de portée des éleveurs traditionnels burkinabè.
issance a été le fruit d’une politique volontariste Dans les années 70 (le début de l’opération «
de l’Etat qui a compris l’importance d’une activité Flood », l’Inde a suivi « une politique de dévelop-
qui permet d’alimenter les populations, de fixer pement qui privilégiait fortement la substitution
les populations rurales et d’accroître le niveau de aux importations (politique qui est restée essen-
vie des producteurs. On estime qu’aujourd’hui tiellement la même jusqu’en 1991. C’est donc
l’élevage occupe environ 20 millions d’individus, cette période qui nous intéresse. Surtout qu’au-
soit 5 % de la population active du pays. jourd’hui les petits producteurs sont à nouveau
Pour atteindre ces objectifs, l’Inde a développé menacés par le libéralisme du pouvoir).
à partir de 1970 une puissante organisation coo- Dans le secteur laitier, il a été décidé de faire
pérative, le National Dairy Development Board appel à des coopératives de production pour dé-
(NDDB), ayant compétence sur l’ensemble des velopper l’industrie laitière et rendre la substitu-
Etats de l’Union. Le NDDB a lui-même mis en tion aux importations aussi efficace que possible.
place ou soutenu progressivement toutes les Les produits laitiers subventionnés au titre de
composantes de la filière : organisations de pro- l’aide alimentaire devaient ensuite être vendus
ducteurs, organisations professionnelles, écoles aux prix du marché et le produit de la vente de-
et centres de formation, sociétés d’ingénierie, fa- vait être affecté au financement de l’opération «
bricants de matériel, etc. Par ailleurs, l’Inde (prin- Flood ».
cipalement NDDB) a bénéficié pendant toute une Ces mesures ont permis de réduire les risques
période de l’appui de la Banque Mondiale et de de fluctuation des prix pour les producteurs, les
l’Union européenne au travers des opérations petits négociants, et les établissements privés de
Flood I, II, et III. » (Le secteur laitier en Inde) traitement du lait. Le croisement des vaches loca-
L’opération « Flood » (Inondation !) est une les avec des espèces élevées spécifiquement
entreprise de grande envergure, même si elle ne pour la production laitière a fourni la technologie
représente que 6,3 % de la production laitière et qui a permis un accroissement rapide de la pro-
22 % du lait commercialisé en Inde. C’est à elle duction de lait, et l’opération « Flood » a donné
que nous allons nous intéresser, car c’est elle qui l’exemple de grands établissements modernes de
s’adresse aux petits producteurs. C’est donc elle traitement du lait recevant la matière première
qui pourrait sans doute nous inspirer pour ac- d’un grand nombre de petits producteurs bien or-
compagner les éleveurs traditionnels du Burkina. ganisés fournissant une petite quantité de lait.
«En 1996, l’opération « Flood » touchait 9,3
millions de producteurs qui fournissaient en moy-
enne 10.900 tonnes de lait par jour, par l’entremi- 2 Le texte qui suit s‘inspire principalement de deux documents.
Le premier : Une fiche technique de l'Ambassade de France en Inde :
se de 55.042 coopératives villageoises, à 170 Le secteur laitier en Inde (Missions Economiques – Fiche de Synthèse);
Le deuxième est un document de la Banque Mondiale : India :
unions de producteurs laitiers (UPL). » (Banque The Dairy Revolution.
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Chaque jour, 3 femmes assurent la trans- en poudre que l’on peut acheter à 40.000 F).
formation du lait. En fait, il y a 3 groupes Ensuite, elles commercialisent ces yaourts
de 3 femmes qui se relaient chaque semai- dans des sachets en plastique transparent
ne pour ce travail. 25 F par litre de lait de faible qualité, sachets qu’elles nouent
transformé reviennent au groupe de travail avec un simple fil. Ces sachets présentent
du jour. En plus de ces femmes, il y a deux moins bien que ceux de la laiterie, mais
salariés : la gestionnaire et l’animatrice. sont vendus à 150 F le 1/3 de litre.
Cette dernière fait des tournées dans les De cet exemple de la mini-laiterie de Bit-
villages auprès des groupements. Elle en- tou, nous tirons deux conclusions.
seigne l’hygiène de la traite du lait, l’ali- 1) Il est possible de créer de telles mini-
mentation du bétail… laiteries dans de nombreuses petites villes
Les 5 groupements possèdent un fonds du Burkina.
de roulement pour un complément alimen- 2) Cependant, nous avons vu comment
taire des animaux. Ce fonds s’élève à deux cette mini-laiterie est fragilisée par la con-
millions de Francs environ, et permet aux currence du lait importé subventionné. La
groupements d’acheter du tourteau de filière lait doit être protégée de la concur-
graines de coton… et de le stocker à Bittou. rence déloyale. Il suffirait pour cela d’intro-
A la fin du mois, la laiterie règlera chaque duire une taxe significative sur l’importa-
producteur en fonction du nombre de litres tion du lait en poudre
de lait fournis, mais aussi de l’alimentation Source : Maurice Oudet, abc Burkina N° 123, février 2005
pour bétail qu’il aura prélevé sur le stock
de la laiterie.
La laiterie transforme 100 à 200 litres de
lait par jour. Elle produit du lait pasteurisé,
des yaourts et du ghee (beurre fondu). Le
lait et les yaourts sont commercialisés
dans des sachets imprimés au nom de la
laiterie. Le 1/2 litre de lait est vendu 200 F
par la laiterie ; il est revendu sur la ville de
Bittou à 225 F. Les yaourts (fabriqués à
partir de lait 1/2 écrémé) sont vendus en
sachets d’1/4 de litre, à 150 F le sachet.
Enfin le ghee est vendu à 600 F le 1/2 litre.
Depuis la crise de la Côte d’Ivoire (sep-
tembre 2002), le trafic vers le Ghana et le
Togo s’est beaucoup développé, et la ville
de Bittou aussi. On aurait pu penser que
cela allait faciliter la commercialisation des
produits de la laiterie. Il n’en a rien été. Car
si cela a apporté de nouveaux clients, cela
a surtout apporté une concurrence qui n’e-
xistait pas auparavant. Aujourd’hui plusie-
urs femmes fabriquent des yaourts à partir
de lait en poudre (des sacs de 25 kg de lait
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Recommandations
es enjeux de cette étude nous semblent con- lable pour d’autres produits. Il est temps que
L sidérables. Comme nous l’avons vu, à la lectu-
re d’un document officiel du Ministère des
l’Afrique fasse entendre sa voix et défende les in-
térêts de ses petits producteurs sur la scène
Ressources Animales du Burkina Faso, les éle- internationale.
veurs traditionnels sont menacés de disparition. Or, l’année 2005 risque d’être cruciale. En effet
Pour éviter ce drame, un seul moyen semble di- deux échéances majeures se présentent à nous.
sponible : développer la filière lait au Burkina Il s’agit, d’une part, des négociations consécuti-
Faso et dans tout le Sahel. Mais cette stratégie se ves aux accords dits de Cotonou qui ont pour but
heurte aux règles du commerce international. d’aboutir en 2007 à des Accords de Partenariats
Les experts européens consultés nous ont écrit Economiques (A.P.E.) entre l’Union européenne
que si la filière lait européenne n’était pas sub- (UE) et les pays A.C.P. (pour l’Afrique de l’Ouest,
ventionnée (à la production et à l’exportation), le il s’agit d’un accord entre l’UE et les pays de la
litre de lait européen reconstitué, à partir de la CEDEAO auxquels s’est jointe la Mauritanie), et
poudre de lait à 28 % de matières grasses, arrive- d’autre part des négociations sur l’Agriculture à
rait au Burkina (et autres pays du Sahel) à 0,45 l’O.M.C. L’essentiel de ces négociations, sauf blo-
EUR, soit environ 295 F. Si à ce lait, on faisait cage imprévisible, sera terminé en décembre 2005.
alors supporter une taxe à l’importation de 20 % Il nous faut donc travailler à trois niveaux.
au lieu des 5 % actuels, ce litre de lait serait com- Au niveau des responsables politiques de
mercialisé au Burkina autour de 340 F le litre (soit l’Afrique de l’Ouest, notamment de la CEDEAO.
68 000 F le sac de 25 kg de poudre de lait). Le lait En effet, l’U.E.M.O.A. est en train de se fondre
burkinabè serait non seulement rentable, mais dans un espace économique plus vaste : celui de
concurrentiel ! Il suffirait alors d’un léger accom- la CEDEAO, qui va donc du Nigeria à la Mauritanie
pagnement des éleveurs traditionnels pour que la (la Mauritanie qui a quitté la CEDEAO en son
production explose, et que des mini-laiteries col- temps est en train de la rejoindre à nouveau).
lectant et transformant le lait produit localement Le 19 janvier 2005 à Accra, les chefs d’Etat et
se mettent en place dans toutes les villes du Bur- de gouvernement de la CEDEAO ont signé une po-
kina Faso. litique agricole commune, nommée ECOWAP.
Il est donc urgent que les règles du commerce Cette politique agricole se place résolument dans
international changent en faveur des éleveurs du la perspective de la souveraineté alimentaire et
Sahel. Que de petits producteurs de lait soient se propose de limiter les importations de produ-
subventionnés pour qu’ils puissent continuer à its alimentaires pour soutenir la production loca-
vivre et à travailler dans une région montagneuse le. Pour cela, il faudrait instaurer des taxes à l’im-
(par exemple dans les Alpes), cela ne dérangerait portation significatives. Pour le lait, qui nous in-
pas les éleveurs africains si l’Europe n’exportait téresse ici, tant que l’Europe continuera à expor-
pas de lait. Mais tant que du lait sera mis sur le ter du lait subventionné, il faut instaurer une taxe
marché mondial en dessous des coûts de produc- à l’importation de l’ordre de 60 à 70 %. Pour cela
tion, nous revendiquons le droit de taxer le lait à les Etats peuvent utiliser différents instruments,
l’importation à un niveau suffisant de protection notamment le TEC (Tarif Extérieur Commun) et la
(le Kenya protège sa filière lait par une taxe à TCI (Taxe Conjoncturelle à l’Importation). Il y a ac-
l’importation de 60 %). Ceci est bien entendu va- tuellement d’intenses négociations à ce sujet. Les
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échos qui nous parviennent de ces négociations CEDEAO. Ce qui serait, nous l’avons déjà dit, con-
ne sont pas rassurants. Il semble que le courant damner les agriculteurs et les éleveurs à la misè-
dominant (appuyé en coulisse par l’Union euro- re. Nous ne comprenons pas ce que cherche l’Eu-
péenne) voudrait tout simplement étendre à la rope. Quel intérêt, pour l’Europe, d’avoir un par-
CEDEAO le TEC de l’U.E.M.O.A. tenaire sans ressources?
Pour les agriculteurs et les éleveurs de la Au niveau de l’O.M.C. La prochaine réunion
CEDEAO, ce serait une catastrophe. ministérielle de l’O.M.C. se tiendra en décembre
Pour les chefs d’Etat qui ont adopté cette ECO- 2005 à Hong Kong. Les pays de la CEDEAO devrait
WAP, ce serait, une nouvelle fois, manifester leurs pouvoir défendre leur politique agricole commu-
contradictions, puisque l’ECOWAP ne serait pas ne, l’ECOWAP, comme l’Europe va défendre sa
applicable. PAC. Les pays africains devraient tenir ce langage
Pour les organisations paysannes ou d’éle- à l’Europe (et au reste du monde) : « Comment
veurs, il faudrait même aller plus loin. Il faudrait pouvez-vous prétendre défendre votre PAC à
faire une liste de produits sensibles (comme c’est l’O.M.C. et, dans le même temps, empêcher la
prévu dans les propositions d’actions de l’ECO- CEDEAO de mettre en place une politique agricole
WAP) qui ne seraient pas assujettis au TEC, mais commune (l’ECOWAP) ? Vous savez bien que vos
sur lesquels la CEDEAO pourrait instaurer des subventions (couplées ou découplées) dans le
taxes à l’importation suffisamment importante cadre de la PAC servent à protéger vos agricul-
pour constituer une protection efficace de la pro- teurs. Nous n’avons pas les moyens de subven-
duction locale. Cette taxe varierait en fonction tionner nos agriculteurs, mais nous sommes dé-
des cours du marché mondial. La CEDEAO ne se- terminés à les soutenir par des taxes à l’importa-
rait pas tenue à justifier le taux de ces taxes par tion. Cela d’autant plus que vous continuerez
des mesures compliquées. Elle serait seulement d’exporter certains produits, comme le lait, le blé
tenue à prévenir ses partenaires commerciaux. Le et le coton, en dessous de vos coûts de produc-
lait, comme le riz et le blé, ferait évidemment par- tion. » Comme le plan d’action de l’ECOWAP le
tie de cette liste. Et cette taxe (nommée TCI ou suggère, la CEDEAO devrait soumettre une liste
autrement) devrait être – pour le lait – de l’ordre de produits à l’O.M.C. sur lesquels elle se propo-
de 60 à 70 % actuellement (à comparer à la taxe à se de mettre des taxes à l’importation, variables
l’importation du Kenya sur les produits laitiers en fonction du marché mondial, pour soutenir ses
qui s’élève à 60 %). producteurs sans devoir se justifier par des pro-
Au niveau des responsables politiques euro- cédures trop lourdes pour être applicables. Le riz,
péens. Il y a un travail intense (et urgent) de lob- les confitures, le concentré de tomate, la viande…
bying à entreprendre. En effet, aujourd’hui, l’Eu- en feraient partie, mais aussi, bien évidemment,
rope fait pression sur les pays A.C.P. pour qu’ils le lait.
signent des A.P.E. à la convenance de l’Europe. En
fait, quand on y regarde de plus près, on s’aperç-
oit qu’il s’agit d’accords de libre-échange. C’est
ainsi qu’actuellement « des consultants » circu-
lent dans les ambassades pour faire en sorte que
le TEC de l’U.E.M.O.A. soit élargi, tel quel, à la
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Conclusion
ans un contexte mondial d’échanges inéqui- souveraineté alimentaire que sur un seul produit,
D tables, les prix des produits agricoles du
marché mondial n’ayant rien à voir avec les coûts
il faudrait choisir le lait. En effet, promouvoir la fili-
ère lait au profit des éleveurs traditionnels est sans
de production, accentuer le libre-échange entre doute le seul moyen de réduire les conflits entre
les pays riches et les pays pauvres, c’est condam- agriculteurs et éleveurs, et à terme d’éviter le gé-
ner les éleveurs et les agriculteurs à la misère. Il nocide des Peuls. Promouvoir la filière lait, c’est
suffit de se rendre dans une boutique d’alimenta- aider les éleveurs traditionnels à passer d’un éle-
tion générale d’un pays de l’UEMOA pour se ren- vage extensif qui demande de grands espaces (or,
dre compte que le libre-échange, ça ne marche avec la croissance démographique, ces espaces
pas pour les paysans des pays pauvres. Les pays ont disparu) à un élevage plus productif, plus in-
les plus forts bradent leurs produits auprès des tensif. Or cela n’est possible qu’en rendant le lait
populations urbaines de ces pays. S’il y a peu de local concurrentiel par la suppression des subven-
produits africains épargnés, le lait demande cer- tions à l’exportation et par l’instauration, en Afri-
tainement une attention particulière. Si les pays que de l’Ouest, de taxes à l’importation variables
de la CEDEAO ne devaient exercer leur droit de en fonction des prix du marché mondial.
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