Memento Assainissement Chap7a
Memento Assainissement Chap7a
Memento Assainissement Chap7a
COMMUNICATION EN ASSAINISSEMENT
CHAPITRE 7A
OBJECTIFS DU CHAPITRE
I. LA COMMUNICATION SOCIALE
1.1 La communication
1
Bessières M., 2011-2016.
371
COMMUNICATION EN ASSAINISSEMENT
être évité en partageant avec la cible des valeurs communes afin de lui permettre de
débattre et de partager ce qui est reçu. C’est tout l’enjeu de la communication, et la dif-
férence avec la simple diffusion.
La communication d’influence a pour objet une cause, une idée, autrement dit quelque
chose d’immatériel. Elle a pour objectif d’influencer une habitude sociale, une politique,
un comportement, une décision, un projet de loi : autant d’objets qui n’ont pas de base
tangible mais qui entretiennent souvent un lien étroit avec des enjeux institutionnels
CHAPITRE 7A
ou commerciaux. Ces dernières années, le champ s’est tellement développé et profes-
sionnalisé que la notion de « communication d’influence » a été inventée pour définir
ses diverses formes : affaires publiques (lobbying, plaidoyer), communication politique
(électorale, concertation, mobilisation), scientifique, etc. C’est au sein de cette dernière
catégorie que se trouve la communication sociale.
La communication sociale a pour objet l’influence des normes sociales et sociétales d’un
individu ou d’un groupe social plus ou moins large (de la société dans son ensemble à
l’échelon de la « communauté ») dans l’objectif de modifier leurs mentalités, attitudes
et comportements. C’est une communication d’influence qui touche aux modes de vie
des populations, considérées comme habitants, usagers, citoyens ou encore « bénéfi-
ciaires » de projets de développement.
2
Boulle Martinaud C., 2015.
372
Aux trois stades de l’influence s’ajoute une déclinaison de l’« évolution durable des pra-
tiques et usages », proposée par le secteur de la santé pour le développement. Cette
déclinaison est résumée dans le schéma page suivante. Les stades 1 et 2 correspondent
aux mentalités, les stades 3 et 4 aux attitudes et les stades 5 et 6 aux comportements.
Il faut respecter chaque stade et ne pas sauter d’échelon : en effet, un individu ou un
groupe ne passera pas instantanément d’un état où il n’a pas conscience des enjeux (le
risque de maladie en cas de non-lavage des mains) à l’adoption d’une pratique (je me
lave les mains avec du savon). L’objectif de la communication sociale est de promouvoir
de manière progressive certaines pratiques afin que l’individu franchisse l’une après
l’autre les différentes étapes de leur adoption.
374
FIGURE N° 1
Échelle de l’évolution durable des pratiques et usages
Source : d’après O’Sullivan G.A. et al., 2003, p. 8
Une pratique se définit comme une action réalisée par des personnes spécifiques dans
certaines conditions3. Ainsi en hygiène, la pratique liée au lavage des mains peut être
définie par :
• une action (se laver les mains) ;
• des personnes spécifiques (les enfants) ;
• des conditions (avant le repas).
3
Smith W.A. et al., 2008, p. 22.
4
Bessières M., 2011-2016.
5
Petty R.E. et al., 1986.
375
COMMUNICATION EN ASSAINISSEMENT
Après avoir constaté les limites de ces modèles, deux nouvelles stratégies ont été expé-
rimentées :
• modèles intégrant une dimension émotionnelle (la joie, la peur, le choc) ;
• modèles prenant en compte la notion de groupe social et non plus seulement
d’individu.
La psychologie sociale apporte des notions qui influencent aujourd’hui les stratégies de
communication sociale, comme celle du contrôle social, qui montre comment les indi-
vidus adoptent des rôles ou se comportent en société en fonction de ce qu’ils pensent
que les autres membres du groupe attendent d’eux.
En réponse à ces limites, les stratégies se fondent depuis les années 2000 sur la théo-
rie de l’engagement6. Celle-ci a fait émerger le concept de communication engageante,
qui se définit comme un ensemble de stratégies de communication sociale s’appuyant
sur les principes de liberté de décision et de raisons internes au changement (le chan-
gement vient de la personne et non d’une pression sociale externe). Elles permettent
d’obtenir des résultats notables sur le passage du stade des attitudes à celui des com- CHAPITRE 7A
portements grâce à la réalisation d’un acte préparatoire, rendu public, comme étape
préalable au changement de comportement.
6
Girandola F. et al., 2010.
376
Les « lois de Wiio » présentent de manière humoristique les défis liés à la conception
d’une stratégie. Quelques-uns sont présentés ci-dessous7 :
• la communication échoue le plus souvent à cause des différences de langage, de
culture ou de personnalité, et du fait de pertes d’information ;
• lorsqu’un message peut être interprété de plusieurs façons, il sera interprété de la
pire manière possible ;
• plus nous sommes loin d’un message (physiquement, intellectuellement et émotion-
nellement), moins nous sommes susceptibles de nous investir dans son contenu.
Les étapes et méthodologies de la communication sociale ont fait émerger des prin-
cipes pour la réussite d’une action ciblant le changement de comportements. On en
retiendra trois.
• La nécessité de coupler actions sur l’individu et actions sur le groupe, tous deux consi-
dérés comme sujets actifs : le « tout individu » ou le « tout groupe social » ont mon-
tré leurs limites. Les campagnes efficaces et éthiques se fondent sur le jeu entre la
liberté individuelle du sujet actif et le contexte social favorable à l’adoption du bon
comportement.
• Le respect de deux conditions pour mettre en place des changements durables :
- le temps long : vouloir passer, à l’occasion d’un projet, du stade des mentalités à
celui des comportements en trois ans est un non-sens, surtout lorsque les popula-
tions peuvent, sur certains sujets, mettre un demi-siècle à changer de pratiques. Il
convient donc, lors du diagnostic, d’identifier la phase à laquelle la population cible
se situe pour cibler la phase suivante, sans sauter d’étapes ;
- les raisons internes : la pression sociale, ainsi que l’utilisation de la honte ou de
la peur, provoquent des changements de comportements « réactifs », c’est-à-dire
en réaction à un stimulus. Par essence, ces changements ne sont pas pérennes.
Dans l’optique d’un développement durable, il faut privilégier les stratégies favori-
sant l’engagement individuel, libre et volontaire, réalisé dans des contextes sociaux
favorables, en déployant des messages valorisants et stimulants.
• La bonne connaissance des contextes socio-culturels : elle est nécessaire pour adapter
les messages et surtout pour concevoir des campagnes respectant les codes sociaux
et culturels des personnes ciblées, codes sur lesquels les campagnes vont essayer
d’influer. Cette connaissance est indispensable pour éviter la création de dommages
collatéraux (apparition de nouvelles discriminations, exclusion de certaines catégo-
ries de population, distorsion des messages, etc.). Il peut être utile de recourir à un
anthropologue afin de décrypter les représentations culturelles et sociales.
7
Sayers R., 2006, p. 5-7.
377
COMMUNICATION EN ASSAINISSEMENT
Dans les contextes des projets de développement, les bailleurs de fonds, agences inter-
nationales et ONG se sont appropriés les théories et stratégies de communication
sociale afin d’inventer des méthodologies dédiées. Cela vaut en particulier pour le sec-
teur de l’assainissement. À ce jour, les méthodologies restent liées aux théories des
années 1990 et n’incluent pas les dernières innovations des sciences sociales. Toutefois,
les acteurs de l’assainissement intègrent petit à petit dans leurs campagnes les nou-
veaux éléments, laissant à penser à l’apparition, dans les années à venir, de nouvelles
méthodologies, plus pertinentes et plus innovantes (approches par le marketing social,
méthodologies participatives sortant de la pression sociale, etc.).
CHAPITRE 7A
valoriser ?) ou de la communication antérieure sont souvent mises de côté au profit
de l’analyse des populations ciblées et de leurs pratiques, qui font l’objet de métho-
dologies détaillées et poussées.
• Des stratégies projet « sensibles » à la communication plutôt que de véritables straté-
gies de communication. Les projets de développement répondent à des objectifs spé-
cifiques pour lesquels la communication est un des éléments de réponse. Dans des
temps limités, des équipes souvent restreintes et pluridisciplinaires, pas forcément
expertes en communication, développent ainsi des stratégies en intégrant quelques
fondements (la définition d’objectifs et de cibles par exemple). Il s’agit rarement de
véritables stratégies : pas de positionnement, pas de parti pris, pas d’approches stra-
tégiques et pas de tactiques spécifiquement dédiées à la communication.
8
Smith W.A. et al., 2008, p. 22.
9
Strengths, Weaknesses, Opportunities, Threats (FFOM en français : Forces, Faiblesses, Opportunités,
Menaces).
378
• Des actions et outils d’information ou d’éducation souvent intégrés aux plans de com-
munication : ces outils et actions amènent à créer des campagnes hybrides, inspirées
de la communication publique (parfois d’ailleurs portées ou parrainées par les autori-
tés publiques locales ou nationales) et de l’éducation sanitaire et sociale (plutôt l’apa-
nage des travailleurs sociaux ou de la santé). Ces dernières n’ont pas vraiment de lien
avec la communication sociale en tant qu’activité d’influence.
Les projets de mise en place de biens ou de services payants (tels que l’eau et l’assai-
nissement) mobilisent de plus en plus deux approches concomitantes : la communica-
tion sociale (souvent restreinte à l’IEC) et le marketing social, en lien avec la commercia-
lisation de biens et services « sociaux » utilisée ici à des fins d’intérêt général et non pas
uniquement dans un but lucratif (notion de service public). La communication mise en
place au cours de cette démarche se trouve donc à la fois inspirée des méthodologies
de communication d’influence des comportements et des méthodologies de la commu-
nication commerciale. Il est important de clarifier ces deux approches, dont la complé-
mentarité ne facilite pas toujours, dans la pratique, la distinction.
ÉTUDE DE CAS
Dans le cadre du projet Sanya Kagni au Burkina Faso, le volet IEC de la communi-
cation utilise un déclenchement ATPC (voir chapitre 7B pour les détails de cette
méthode de sensibilisation) afin de faire prendre conscience aux habitants de
l’importance de s’équiper en latrines.
En parallèle, la communica-
tion commerciale des sanimar-
chés10 Yilemd-raaga apporte
une réponse concrète pour la
mise en œuvre de ces nouveaux
CHAPITRE 7A
comportements, en faisant des
latrines un produit attractif dont
les usagers seront fiers.
Panneau de signalisation du sanimarché du village de Toné
(Burkina Faso).
10
Les sanimarchés sont des boutiques qui vendent des latrines préfabriquées ainsi que d’autres ouvrages
et produits d’hygiène et d’assainissement.
380
Le marketing social est considéré comme étant une approche différente de la commu-
nication sociale (ou, de manière plus restrictive, de l’IEC) dans la mesure où tout mar-
keting, même social, garde un objectif de profit économique à travers la vente d’un
produit ou d’un service. Toutefois, les étapes de conception et de mise en œuvre de l’IEC
et du marketing social sont très similaires et peuvent être mises en parallèle, comme le
montre la figure n° 2. Il semble donc pertinent de créer des stratégies d’IEC et de marke-
ting qui se répondent et soient en synergie. Ces étapes sont étudiées de manière détail-
lée dans les chapitres 7B et 7C.
– Diagnostic
Stratégie créative et plan de communication – Définition des messages clés
– Choix des outils et des canaux
Planification des de diffusion
Construction
opérations, précisant pour – Test de la stratégie
des messages, des images
chacune les canaux et outils – Mise en oeuvre de la communication
et de l’argumentaire.
de communication.
– Évaluation de la communication
Évaluation Évaluation
FIGURE N° 2
Étapes de conception d’une stratégie d’IEC et de marketing
381
COMMUNICATION EN ASSAINISSEMENT
Les relais d’opinion, levier majeur des campagnes de communication sociale, sont dif-
ficiles à mobiliser dans le cadre des projets. Ils seront efficaces s’ils se mobilisent de
manière totalement libre, gratuite et volontaire, afin d’avoir une influence sur la popu-
lation ciblée dans un contexte de confiance et de crédibilité. Ces relais sont soit des
prescripteurs (professionnels comme les agents de santé), soit des journalistes, soit des
leaders d’opinion.
• Forces et faiblesses de l’objet de communication, de son émetteur et de la communication antérieure pour mener cette
campagne.
• Opportunités et contraintes du macro et micro-environnement pour mener la campagne : analyse des publics, des normes,
des discours, des influences, etc.
Définition du positionnement
Stratégie créative
• Définir et construire les messages et images en fonction des cibles et des facteurs déterminant les pratiques.
En fonction de l’efficacité et du budget disponible, déterminer les moyens de communication (média, hors média) et les outils
à mobiliser, les émetteurs et les conditions de mise en œuvre (calendriers, lieux, fréquence, etc.).
Évaluation
FIGURE N° 3
Logique de construction d’une campagne de communication
1.1 Le diagnostic
culturel, connaissance des pratiques actuelles des populations, de ce que font les autres
acteurs de la communication dans le domaine, etc.), et d’autre part d’étudier l’interne :
l’émetteur (c’est-à-dire l’entité qui conçoit et réalise la communication), sa capacité à
mettre en œuvre une campagne de communication, l’objet de la communication, son
potentiel communicationnel ainsi que son univers sémantique, et enfin la communica-
tion antérieure de l’émetteur avec ses répercussions passées. Cette analyse est généra-
lement menée à l’aide d’une matrice SWOT/FFOM (voir chapitre 7C), complétée par des
grilles d’analyse issues des sciences sociales11. La méthodologie générale d’un diagnos-
tic est présentée dans le chapitre 3B, et les éléments de diagnostic spécifiques à l’IEC
et au marketing social dans les chapitres correspondants (chapitre 7B et chapitre 7C).
Enfin, le diagnostic permet d’établir une problématique de communication à laquelle
il faudra répondre par une stratégie composée d’un positionnement, d’objectifs et de
cibles.
11
Ces analyses approfondies doivent être réalisées par des professionnels de la communication sociale. Si
vous souhaitez en savoir plus sur ce sujet, vous pouvez consulter le livre suivant : Libaert T., 2000.
12
O’Sullivan G.A. et al., 2003, p. 195.
384
Les messages peuvent être centrés sur l’émetteur, le récepteur ou l’objet de la commu-
nication, selon ce que le diagnostic aura révélé de plus efficace.
13
Smith W.A. et al., 2008, p. 25.
14
Sayers R., 2006, p. 30.
385
COMMUNICATION EN ASSAINISSEMENT
Un message centré sur le récepteur prendra en compte trois éléments : une popula-
tion cible, une action réalisable et un argument en lien avec la motivation. Par exemple :
« Les enfants, utilisez une latrine hygiénique pour être en bonne santé et pour pouvoir
jouer librement. » Les messages sont par ailleurs associés à un argumentaire détaillé.
La « stratégie des moyens » (voir le paragraphe III) fixe un planning d’activités associées à
des outils et canaux de diffusion, un budget et enfin l’implication d’acteurs compétents.
En résumé, une stratégie de communication s’appuie sur des données issues du dia-
gnostic initial de la situation afin de définir des objectifs à atteindre et d’agir sur les
CHAPITRE 7A
barrières gênant l’évolution des pratiques observées. Ce processus est réalisé avec la
participation active des partenaires et populations ciblées15. Le chapitre 7B détaille les
étapes de l’approche d’IEC, et le chapitre 7C celles du marketing social.
15
Piotrow P.T. et al., 2001, p. 251.
16
O’Sullivan G.A. et al., 2003, p. 11-15.
386
• s’appuyer sur des faits formellement établis par un diagnostic et des théories vali-
dées par la science du comportement et la psychologie sociale (les étapes d’évolution
des pratiques en assainissement, comme montré sur la figure n° 1) ;
• se centrer sur les usagers. Il est nécessaire de comprendre les questions d’hygiène,
d’assainissement ou de santé du point de vue des personnes ciblées. Il ne faut pas
hésiter à recourir à un anthropologue pour mieux cerner les représentations cultu-
relles et sociales liées à ces questions et accompagner leur traduction et leur intégra-
tion lors de l’élaboration des stratégies de communication et des messages ;
• être participative. Tous les acteurs doivent être impliqués dans la conception de la
stratégie de communication. Il faut également identifier des porte-paroles ou repré-
sentants des usagers afin que ces derniers participent aux processus de conception ;
• proposer aux personnes ciblées par la communication un bénéfice clair et identi-
fiable pour les convaincre de changer de comportement ;
• être liée à des services spécifiques et accessibles. Les populations sont alors en
mesure de résoudre seules les problèmes en recourant aux services disponibles
(ainsi, lors d’une campagne de promotion du lavage des mains, les populations
peuvent acheter du savon dans les petits commerces de la zone) ;
• utiliser divers canaux de diffusion. La combinaison de plusieurs outils de communi-
cation produit de meilleurs résultats que la surexploitation d’un seul média (comme
des messages radio diffusés tous les quarts d’heure par exemple) ;
• faire appel à des personnes qualifiées. La communication requiert des compétences
spécifiques. De ce fait, recourir à des spécialistes est plus efficace que de vouloir éco-
nomiser pour finalement produire une communication de piètre qualité ayant un
faible impact ;
• encourager la « résonance ». Les individus qui changent de comportement en pre-
mier peuvent à leur tour encourager leur entourage à suivre leur exemple (amener
les enfants à changer de pratique peut encourager leurs parents à faire de même).
• être adaptable à plus large échelle. Une communication peut certes être testée à
petite échelle, mais elle doit aussi pouvoir être utilisée à une échelle plus large qu’un
simple village ou un quartier ;
• être durable. La communication doit être continue pour assurer un effet à long terme.
Elle doit donc être programmée et prévue dans les budgets pour rester financière-
ment viable. Afin d’aboutir à une révolution profonde et réelle des pratiques, la com-
munication, et en particulier la sensibilisation, doivent s’étaler sur plusieurs années
pour que l’évolution s’ancre durablement dans les habitudes ;
• être rentable, grâce à l’optimisation du panel des activités et des outils. L’objectif est
d’être efficient afin de maximiser l’effet des ressources employées.
387
COMMUNICATION EN ASSAINISSEMENT
Cette partie ne propose pas d’éléments méthodologiques pour réaliser une stratégie
des moyens mais rappelle les grandes étapes de mise en œuvre d’un plan de commu-
nication sociale.
Les règles de base de la définition des opérations au sein d’un plan de communication
sont les suivantes :
• mettre en œuvre une action principale (qui requiert l’essentiel du budget et de l’éner-
gie) ainsi que des actions périphériques venant la soutenir (avant, pendant et après) ;
CHAPITRE 7A
• tenir compte de la communication menée par d’autres acteurs auprès des mêmes
populations, sur le même sujet ou sur un autre, afin d’éviter que ces dernières ne
soient saturées de messages ;
• adapter le choix des moyens ou des outils de communication aux pratiques des per-
sonnes ciblées. Si seulement 1 % de la cible écoute la radio, consacrer un budget
radio n’a aucun sens en termes d’efficacité économique. Il s’agit donc de connaître les
pratiques communicationnelles des populations ciblées pour s’y adapter, et non pas
d’être partout au motif de toucher de petits échantillons via chaque canal.
• réaliser simultanément une communication « directe » (par le biais des médias) et
« indirecte » (par le biais des leaders d’opinion) afin que la campagne ne repose pas
sur la notoriété et l’image de l’émetteur mais intègre bien des relais d’opinion proches
des habitants. Les leaders d’opinion doivent être en effet les premiers touchés, avant
la cible principale et le cœur de cible. L’idée est de les mobiliser en amont de la cam-
pagne afin qu’ils puissent, par la suite, renforcer les messages auprès des personnes
requérant leur avis ;
388
• développer des actions pour toucher la cible, tant au niveau individuel qu’au niveau
d’un groupe ou de la société, afin de faciliter l’appropriation individuelle et collective
d’un message ;
• durant la période où elle se déroule, la campagne doit comprendre des relances régu-
lières afin d’occuper l’espace communicationnel. Elle doit toutefois prendre garde
à ne pas saturer les personnes ciblées afin d’éviter que celles-ci, par lassitude ou
agacement, n’en viennent à rejeter le message.
Il est nécessaire d’avoir dans l’équipe des compétences spécifiques pour définir et
mettre en œuvre la stratégie de communication. Les acteurs sont de deux sortes : ceux
qui gèrent, planifient et coordonnent (responsables de la communication), et ceux qui
mettent en œuvre la communication sur le terrain (animateurs).
Les activités de communication sont réalisées par des animateurs (agents d’hygiène ou
prestataires de service). Outre la maîtrise des techniques et outils de communication,
ces derniers doivent avoir des compétences spécifiques pour l’animation d’activités de
communication interpersonnelle : aisance à l’oral, capacité d’écoute, patience, faculté
d’adaptation, aptitude à se positionner en facilitateur17. Ils peuvent être des profession-
nels impliqués dans les domaines de l’hygiène, de la santé et de l’éducation, comme par
exemple le personnel de santé local, des techniciens d’hygiène et d’assainissement ou
encore des enseignants qui deviennent acteurs de la communication.
17
Désille D. et al., 2015, p. 30-31.
18
Kpizingui E., 2013, p. 12.
389
COMMUNICATION EN ASSAINISSEMENT
groupe permettent une interaction entre le communicant et sa cible qui facilite la com-
préhension et l’apprentissage de nouvelles pratiques. Les médias de masse sont plus
adaptés à la diffusion d’une information destinée à un public élargi19.
Il est conseillé d’utiliser plusieurs canaux de diffusion afin de renforcer l’impact et la cré-
dibilité des messages et de rendre la communication flexible et adaptable. Une fiche
méthodologique élaborée suite à une campagne d’IEC à Madagascar est fournie dans
la boîte à outils (outil n° 14). Elle détaille les éléments des activités de communication
interpersonnelle, de groupe et de masse20.
Communication de groupe
19
Désille D. et al., 2015, p. 33-37.
20
GRET, L’IEC pour changer les comportements d’hygiène, 2012.
21
Pour en savoir plus, des revues de communication sociale, telles que la revue québécoise Communiquer,
la revue espagnole Comunicar ou la revue française Hermès, permettent de suivre l’actualité dans le
domaine. Elles proposent aussi des études de cas.
22
GRET, L’IEC pour changer les comportements d’hygiène, 2012, p. 3.
390
ÉTUDE DE CAS
Par exemple, pour faire face aux épidémies de choléra au Ghana, l’Unicef, le gou-
vernement et le secteur privé se sont associés pour créer une plateforme appelée
Agoo, offrant trois services : un centre d’appels, un serveur vocal interactif et des
envois de SMS. Couplée à des outils de communication tels que des vidéos ou des
événements dans les écoles, la plateforme a déjà collecté plus de 200 000 numé-
ros qui pourront recevoir les SMS d’information lors des prochaines campagnes CHAPITRE 7A
de sensibilisation 24.
23
https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1385
24
Unicef Ghana Innovations, AGOO: Ghana’s interactive mobile platform to educate about Cholera, Ebola –
and a catchy song!, November 11, 2015 [consulté le 20/06/2017], http://unicefstories.org/2015/11/11/
agoo-ghanas-interactive-mobile-platform-to-educate-about-cholera-ebola-and-a-catchy-song/.
392
TABLEAU N° 1
Avantages et inconvénients des différents canaux de diffusion en fonction
du type de communication25
Coût relatif
Avantages Inconvénients Exemple de
Madagascar
25
Pour une présentation détaillée des avantages et inconvénients de chaque outil, le lecteur pourra se
référer au guide Concevoir et mettre en oeuvre une stratégie de sensibilisation à l’hygiène et de promotion
de l’assainissement (Désille D. et al., 2015), p. 34-37.
393
COMMUNICATION EN ASSAINISSEMENT
26
O’Sullivan G.A. et al., 2003.
394
Le suivi peut être réalisé à l’aide d’indicateurs simples, comme le nombre de jours de
travail ou le coût de la stratégie par personne sensibilisée ou démarchée27.
Il est indispensable de tester les outils de campagne avant (pré-test) et après (post-test)
celle-ci. Il s’agit de réaliser des tests individuels ou en groupe sur la compréhension et
la perception des outils de campagne afin de s’assurer qu’il n’y aura pas de distorsion
dans leur interprétation. En ce sens, les indicateurs réguliers de mesure en communi-
cation sociale sont les suivants : mémorisation, compréhension, adhésion, appel aux
valeurs, adéquation texte-image, univers de référence, attribution à l’émetteur et inci-
tation à l’action28.
Qu’évalue-t-on ?
27
Désille D. et al., 2015, p. 49.
28
Pour en savoir plus, vous pouvez consulter l’ouvrage d’Adary A. et al., 2012.
395
COMMUNICATION EN ASSAINISSEMENT
En toute rigueur scientifique, les résultats d’une action sont validés lorsque l’on observe
une différence significative entre les résultats obtenus dans un groupe sur lequel
aucune action n’a été effectuée (groupe dit de contrôle), et ceux issus d’un groupe test
dans lequel des actions sont réalisées dans le cadre d’une campagne de communica-
tion. Dans la pratique, toutefois, il est quasiment impossible de valider les résultats
d’une étude d’évaluation en les comparant à un groupe de contrôle en raison des diffé-
rences rencontrées d’une localité à l’autre. La méthode la plus couramment employée
est de comparer la situation avant et après la campagne de communication en réali-
sant la même enquête avant et après les actions de communication. Il existe néanmoins
d’autres méthodologies, comme l’indiquent les paragraphes suivants.
Parce que la mesure de l’évolution des pratiques est complexe, il est indispensable
de croiser autant que possible plusieurs données afin d’obtenir des résultats fiables.
Autrement dit, on mesurera l’évolution des pratiques en croisant les données obtenues
avec plusieurs sources d’information (une enquête déclarative croisée avec des obser-
vations issues du terrain par exemple). Si les ménages déclarent utiliser des latrines
mais qu’il n’est pas possible de visiter ces dernières, l’information est à prendre de
manière critique. La même prudence s’applique d’autant plus pour le lavage de mains
et l’usage du savon.
La liste ci-dessous énumère les types de données pouvant être utiles pour démon-
trer l’impact d’une campagne de communication29. Dans la pratique toutefois, elles ne
peuvent pas toujours être utilisées.
• L’évolution des pratiques entre des temps t1 et t2, avant et après la campagne de com-
munication. Le plus souvent, la réalisation d’une pratique est mesurée lors du dia-
gnostic initial. Par exemple, si 25 % des habitants d’une commune déclarent utiliser
une latrine avant la campagne de sensibilisation (temps t1), on mesure la proportion
de population utilisant une latrine une fois celle-ci terminée (temps t2). CHAPITRE 7A
• Cette évolution doit être plus significative chez les personnes exposées à la cam-
pagne de communication que chez celles n’y ayant pas été soumises. Par exemple, si
un village a assisté à une pièce de théâtre dans le but d’être sensibilisé à l’usage des
latrines, est-ce qu’il utilise davantage ces dernières à la suite de la campagne de com-
munication qu’un village n’ayant pas assisté à la pièce ?
• Le lien de cause à effet entre les variables : il s’agit de vérifier que le résultat observé
est bien lié à la campagne de communication et non à un facteur extérieur (par
exemple, l’augmentation de l’équipement des ménages en toilettes est-elle due à
la campagne de communication ou bien à une période de rentrée d’argent ?). Cela
revient à envisager, pour un même phénomène, toutes les explications possibles.
29
O’Sullivan G.A. et al., 2003, p. 203.
396
ÉTUDE DE C AS
Source : Hydroconseil, Étude formative sur les pratiques de lavage des mains – Rapport
final, GIZ Burkina Faso, 2015.
POINTS À RETENIR
• La communication sociale en assainissement a pour objectif de faire évoluer
les pratiques et usages tels que l’utilisation d’une latrine ou le lavage des mains
avec du savon.
P O U R A L L E R P L U S L OIN
CHAPITRE 7A
l’hygiène et de promotion de l’assainissement : des repères pour l’action, Paris, pS-Eau, 2015.
Girandola F., Bernard F., Joule R.-V., « Développement durable et changement de
comportement : applications de la communication engageante », in Weiss K., Girandola F.
(dir.), Psychologie et développement durable, Paris, Éditions In press, 2010, p. 219-243.
Libaert T., Le plan de communication : définir et organiser votre stratégie de communication,
Paris, Dunod, 2000.
O’sullivan G.A., Yonkler J.A., Morgan W., Merritt A.P., A Field Guide to Designing a Health
Communication Strategy: A Resource for Health Communication Professionals, Baltimore,
Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health/Center for Communication Programs, 2003.
Smith W.A., Strand J., Social Marketing Behavior: A Practical Resource for Social Change
Professionals, Washington, DC, Academy for Educational Development, 2008.
398
FIC H E S À C O N S ULT E R
B O ÎT E À O U TIL S