L'Ecole Des Femmes, Molière
L'Ecole Des Femmes, Molière
L'Ecole Des Femmes, Molière
fr
À MADAME
MADAME,
1
Madame,
MOLIÈRE.
2
PERSONNAGES
3
ACTE PREMIER
SCÈNE I
CHRYSALDE, ARNOLPHE
CHRYSALDE
ARNOLPHE
CHRYSALDE
ARNOLPHE
4
Et votre front, je crois, veut que du mariage
Les cornes soient partout l’infaillible apanage.
CHRYSALDE
ARNOLPHE
5
Sur les gains qu’elle fait rend des grâces à Dieu.
Enfin, ce sont partout des sujets de satire ;
Et, comme spectateur, ne puis-je pas en rire ?
Puis-je pas de nos sots ?...
CHRYSALDE
6
ARNOLPHE
CHRYSALDE
ARNOLPHE
7
Et c’est assez pour elle, à vous en bien parler,
De savoir prier Dieu, m’aimer, coudre et filer.
CHRYSALDE
ARNOLPHE
CHRYSALDE
L’esprit et la beauté...
ARNOLPHE
L’honnêteté suffit.
CHRYSALDE
8
ARNOLPHE
CHRYSALDE
ARNOLPHE
Chacun a sa méthode.
En femme, comme en tout, je veux suivre ma mode :
Je me vois riche assez pour pouvoir, que je crois,
Choisir une moitié qui tienne tout de moi,
Et de qui la soumise et pleine dépendance
N’ait à me reprocher aucun bien ni naissance.
Un air doux et posé, parmi d’autres enfants,
M’inspira de l’amour pour elle dès quatre ans :
Sa mère se trouvant de pauvreté pressée,
De la lui demander il me vint la pensée ;
Et la bonne paysanne, apprenant mon désir,
À s’ôter cette charge eut beaucoup de plaisir.
Dans un petit couvent, loin de toute pratique,
Je la fis élever selon ma politique ;
C’est-à-dire ordonnant quels soins on emploierait
Pour la rendre idiote autant qu’il se pourrait.
Dieu merci, le succès a suivi mon attente ;
Et grande, je l’ai vue à tel point innocente,
Que j’ai béni le ciel d’avoir trouvé mon fait,
Pour me faire une femme au gré de mon souhait.
Je l’ai donc retirée ; et comme ma demeure
À cent sortes de monde est ouverte à toute heure,
9
Je l’ai mise à l’écart, comme il faut tout prévoir,
Dans cette autre maison où nul ne me vient voir ;
Et, pour ne point gâter sa bonté naturelle,
Je n’y tiens que des gens tout aussi simples qu’elle.
Vous me direz : Pourquoi cette narration ?
C’est pour vous rendre instruit de ma précaution.
Le résultat de tout est qu’en ami fidèle
Ce soir je vous invite à souper avec elle ;
Je veux que vous puissiez un peu l’examiner,
Et voir si de mon choix on me doit condamner.
CHRYSALDE
J’y consens.
ARNOLPHE
CHRYSALDE
ARNOLPHE
10
CHRYSALDE
ARNOLPHE
Bon !
Me voulez-vous toujours appeler de ce nom ?
CHRYSALDE
ARNOLPHE
CHRYSALDE
11
ARNOLPHE
CHRYSALDE
ARNOLPHE
CHRYSALDE
ARNOLPHE
12
ARNOLPHE, seul.
SCÈNE II
ARNOLPHE, ALAIN,
GEORGETTE, dans la maison.
ALAIN
Qui heurte ?
ARNOLPHE
(À part.)
ALAIN
Qui va là ?
13
ARNOLPHE
Moi.
ALAIN
Georgette !
GEORGETTE
Hé bien ?
ALAIN
Ouvre là-bas.
GEORGETTE
Vas-y, toi.
ALAIN
Vas-y, toi.
GEORGETTE
14
ALAIN
ARNOLPHE
Belle cérémonie
Pour me laisser dehors ! Holà ! ho ! je vous prie.
GEORGETTE
Qui frappe ?
ARNOLPHE
Votre maître.
GEORGETTE
Alain !
ALAIN
Quoi ?
GEORGETTE
C’est monsieur.
Ouvre vite.
15
ALAIN
Ouvre, toi.
GEORGETTE
ALAIN
ARNOLPHE
GEORGETTE
ALAIN
GEORGETTE
16
ALAIN
GEORGETTE
ALAIN
GEORGETTE
Tu ne l’ouvriras pas.
ALAIN
GEORGETTE
Ni toi.
ARNOLPHE
17
ALAIN, en entrant.
GEORGETTE, en entrant.
ALAIN
Peste !
ALAIN
Pardon.
ARNOLPHE
Voyez ce lourdaud-là !
ALAIN
18
ARNOLPHE
ALAIN
ARNOLPHE, ôtant le chapeau d’Alain pour la troisième fois, et le jetant par terre.
ALAIN
ARNOLPHE, à Alain.
19
SCÈNE III
ARNOLPHE, GEORGETTE
ARNOLPHE
GEORGETTE
Triste ? Non.
ARNOLPHE
Non ?
GEORGETTE
Si fait.
ARNOLPHE
Pourquoi donc ?
GEORGETTE
Oui, je meure.
Elle vous croyait voir de retour à toute heure ;
Et nous n’oyions jamais passer devant chez nous
Cheval, âne ou mulet, qu’elle ne prît pour vous.
20
SCÈNE IV
ARNOLPHE, AGNÈS, ALAIN, GEORGETTE
ARNOLPHE
AGNÈS
ARNOLPHE
AGNÈS
ARNOLPHE
AGNÈS
21
ARNOLPHE
AGNÈS
ARNOLPHE
SCÈNE V
ARNOLPHE, seul.
22
SCÈNE VI
HORACE, ARNOLPHE
ARNOLPHE
HORACE
Seigneur Ar...
ARNOLPHE
Horace.
HORACE
Arnolphe.
ARNOLPHE
Ah ! joie extrême !
Et depuis quand ici ?
HORACE
23
ARNOLPHE
Vraiment ?
HORACE
ARNOLPHE
J’étais à la campagne.
HORACE
ARNOLPHE
HORACE
Vous voyez.
ARNOLPHE
24
Que fait-il ? que dit-il ? Est-il toujours gaillard ?
À tout ce qui le touche il sait que je prends part :
Nous ne nous sommes vus depuis quatre ans ensemble.
HORACE
ARNOLPHE
HORACE
Enrique.
ARNOLPHE
Non.
HORACE
25
Pour un fait important que ne dit point sa lettre.
(Horace remet la lettre d’Oronte à Arnolphe.)
ARNOLPHE
HORACE
ARNOLPHE
HORACE
Il faut...
ARNOLPHE
Laissons ce style.
Hé bien ! comment encor trouvez-vous cette ville ?
26
HORACE
ARNOLPHE
HORACE
ARNOLPHE, à part.
27
HORACE
ARNOLPHE
Oh !
HORACE
ARNOLPHE, riant.
Et c’est ?...
28
Ce jeune astre d’amour, de tant d’attraits pourvu :
C’est Agnès qu’on l’appelle.
ARNOLPHE, à part.
Ah ! je crève !
HORACE
Pour l’homme,
C’est, je crois, de la Zousse, ou Souche, qu’on le nomme ;
Je ne me suis pas fort arrêté sur le nom :
Riche, à ce qu’on m’a dit, mais des plus sensés, non ;
Et l’on m’en a parlé comme d’un ridicule.
Le connaissez-vous point ?
ARNOLPHE, à part.
La fâcheuse pilule !
HORACE
ARNOLPHE
Eh ! oui, je le connoi.
HORACE
29
ARNOLPHE
Hé...
HORACE
ARNOLPHE
HORACE
30
ARNOLPHE, se croyant seul.
Ah ! faut-il...
HORACE, revenant.
HORACE, revenant.
Oh !...
SCÈNE VII
ARNOLPHE, seul.
31
Il m’est venu conter cette affaire à moi-même !
Bien que mon autre nom le tienne dans l’erreur,
Étourdi montra-t-il jamais tant de fureur ?
Mais, ayant tant souffert, je devais me contraindre
Jusques à m’éclaircir de ce que je dois craindre,
À pousser jusqu’au bout son caquet indiscret,
Et savoir pleinement leur commerce secret.
Tâchons à le rejoindre ; il n’est pas loin, je pense :
Tirons-en de ce fait l’entière confidence.
Je tremble du malheur qui m’en peut arriver,
Et l’on cherche souvent plus qu’on ne veut trouver.
32
ACTE DEUXIÈME
SCÈNE I
ARNOLPHE, seul.
SCÈNE II
ARNOLPHE, ALAIN, GEORGETTE
ALAIN
33
ARNOLPHE
GEORGETTE
ARNOLPHE
ALAIN, à part.
ARNOLPHE, à part.
34
(À Alain.)
Que vous me disiez... Euh ! oui, je veux que tous deux...
(Alain et Georgette se lèvent, et veulent encore s’enfuir.)
Quiconque remuera, par la mort ! je l’assomme.
Comme est-ce que chez moi s’est introduit cet homme ?
Hé ! parlez. Dépêchez, vite, promptement, tôt,
Sans rêver. Veut-on dire ?
ALAIN ET GEORGETTE
Ah ! ah !
Le cœur me faut !
Je meurs.
ARNOLPHE, à part.
35
Du chagrin qui me trouble ils iraient l’avertir,
Et moi-même je veux l’aller faire sortir.
(À Alain et à Georgette.)
Que l’on m’attende ici.
SCÈNE III
ALAIN, GEORGETTE
GEORGETTE
ALAIN
GEORGETTE
ALAIN
36
GEORGETTE
ALAIN
GEORGETTE
ALAIN
GEORGETTE
ALAIN
37
Qui veulent dans sa soupe aller tremper leurs doigts,
Il en montre aussitôt une colère extrême.
GEORGETTE
ALAIN
GEORGETTE
Si je n’ai la berlue,
Je le vois qui revient.
ALAIN
GEORGETTE
ALAIN
38
SCÈNE IV
ARNOLPHE, ALAIN, GEORGETTE
ARNOLPHE, à part.
SCÈNE V
ARNOLPHE, AGNÈS, ALAIN, GEORGETTE
ARNOLPHE
Venez, Agnès.
(À Alain et à Georgette.)
Rentrez.
39
SCÈNE VI
ARNOLPHE, AGNÈS
ARNOLPHE
AGNÈS
Fort belle.
ARNOLPHE
Le beau jour !
AGNÈS
Fort beau.
ARNOLPHE
Quelle nouvelle ?
AGNÈS
40
ARNOLPHE
AGNÈS
Non.
ARNOLPHE
Vous ennuyait-il ?
AGNÈS
Jamais je ne m’ennuie.
ARNOLPHE
AGNÈS
41
Quelques voisins m’ont dit qu’un jeune homme inconnu
Était, en mon absence, à la maison venu ;
Que vous aviez souffert sa vue et ses harangues.
Mais je n’ai point pris foi sur ces méchantes langues,
Et j’ai voulu gager que c’était faussement...
AGNÈS
ARNOLPHE
AGNÈS
Chose sûre.
Il n’a presque bougé de chez nous, je vous jure.
AGNÈS
42
ARNOLPHE
AGNÈS
ARNOLPHE
Fort bien.
AGNÈS
43
« Mon enfant, le bon Dieu puisse-t-il vous bénir,
Et dans tous vos attraits longtemps vous maintenir !
Il ne vous a pas faite une belle personne,
Afin de mal user des choses qu’il vous donne ;
Et vous devez savoir que vous avez blessé
Un cœur qui de s’en plaindre est aujourd’hui forcé. »
ARNOLPHE, à part.
AGNÈS
44
ARNOLPHE, à part.
AGNÈS
AGNÈS
ARNOLPHE
45
AGNÈS
ARNOLPHE
AGNÈS
AGNÈS
46
ARNOLPHE
AGNÈS
Hé ! il m’a...
ARNOLPHE
Quoi ?
AGNÈS
Pris...
ARNOLPHE
Euh !
AGNÈS
Le...
ARNOLPHE
Plaît-il ?
47
AGNÈS
Je n’ose,
Et vous vous fâcherez peut-être contre moi.
ARNOLPHE
Non.
AGNÈS
Si fait.
ARNOLPHE
AGNÈS
ARNOLPHE
Ma foi, soit.
AGNÈS
48
ARNOLPHE
Non.
AGNÈS
Si.
ARNOLPHE
AGNÈS
Il...
ARNOLPHE, à part.
Je souffre en damné.
AGNÈS
49
ARNOLPHE, reprenant haleine.
AGNÈS
ARNOLPHE
Non pas.
Mais, pour guérir du mal qu’il dit qui le possède,
N’a-t-il point exigé de vous d’autre remède ?
AGNÈS
50
AGNÈS
ARNOLPHE
AGNÈS
ARNOLPHE
AGNÈS
51
ARNOLPHE
AGNÈS
ARNOLPHE
Non.
AGNÈS
ARNOLPHE
AGNÈS
Est-il possible ?
52
ARNOLPHE
Oui.
AGNÈS
ARNOLPHE
AGNÈS
ARNOLPHE
AGNÈS
ARNOLPHE
53
AGNÈS
ARNOLPHE
AGNÈS
ARNOLPHE
Oui.
AGNÈS
Mais quand ?
ARNOLPHE
Dès ce soir.
AGNÈS, riant.
Dès ce soir ?
54
ARNOLPHE
AGNÈS
Oui.
ARNOLPHE
AGNÈS
ARNOLPHE
Avec qui ?
AGNÈS
Avec... Là...
ARNOLPHE
55
Et quant au monsieur là, je prétends, s’il vous plaît,
Dût le mettre au tombeau le mal dont il vous berce,
Qu’avec lui désormais vous rompiez tout commerce ;
Que, venant au logis, pour votre compliment,
Vous lui fermiez au nez la porte honnêtement ;
Et lui jetant, s’il heurte, un grès par la fenêtre,
L’obligiez tout de bon à ne plus y paraître.
M’entendez-vous, Agnès ? Moi, caché dans un coin,
De votre procédé je serai le témoin.
AGNÈS
ARNOLPHE
Ah ! que de langage !
AGNÈS
ARNOLPHE
AGNÈS
56
ARNOLPHE
C’est assez.
Je suis maître, je parle ; allez, obéissez.
57
ACTE TROISIÈME
SCÈNE I
ARNOLPHE, AGNÈS, ALAIN, GEORGETTE
ARNOLPHE
58
(À Georgette et à Alain.)
Un siège au frais ici. Vous, si jamais en rien...
GEORGETTE
ALAIN
ARNOLPHE
SCÈNE II
ARNOLPHE, AGNÈS
ARNOLPHE, assis.
59
Là, regardez-moi là, durant cet entretien ;
Et, jusqu’au moindre mot, imprimez-le-vous bien.
Je vous épouse, Agnès ; et, cent fois la journée,
Vous devez bénir l’heur de votre destinée,
Contempler la bassesse où vous avez été,
Et dans le même temps admirer ma bonté,
Qui, de ce vil état de pauvre villageoise,
Vous fait monter au rang d’honorable bourgeoise,
Et jouir de la couche et des embrassements
D’un homme qui fuyait tous ces engagements,
Et dont à vingt partis, fort capables de plaire,
Le cœur a refusé l’honneur qu’il veut vous faire.
Vous devez toujours, dis-je, avoir devant les yeux
Le peu que vous étiez sans ce nœud glorieux,
Afin que cet objet d’autant mieux vous instruise
À mériter l’état où je vous aurai mise,
À toujours vous connaître, et faire qu’à jamais
Je puisse me louer de l’acte que je fais.
Le mariage, Agnès, n’est pas un badinage :
À d’austères devoirs le rang de femme engage ;
Et vous n’y montez pas, à ce que je prétends,
Pour être libertine et prendre du bon temps.
Votre sexe n’est là que pour la dépendance :
Du côté de la barbe est la toute-puissance.
Bien qu’on soit deux moitiés de la société,
Ces deux moitiés pourtant n’ont point d’égalité :
L’une est moitié suprême, et l’autre subalterne ;
L’une en tout est soumise à l’autre qui gouverne ;
Et ce que le soldat, dans son devoir instruit,
Montre d’obéissance au chef qui le conduit,
Le valet à son maître, un enfant à son père,
À son supérieur le moindre petit frère,
N’approche point encor de la docilité,
Et de l’obéissance, et de l’humilité,
Et du profond respect où la femme doit être
Pour son mari, son chef, son seigneur et son maître.
Lorsqu’il jette sur elle un regard sérieux,
Son devoir aussitôt est de baisser les yeux,
Et de n’oser jamais le regarder en face,
60
Que quand d’un doux regard il lui veut faire grâce.
C’est ce qu’entendent mal les femmes d’aujourd’hui ;
Mais ne vous gâtez pas sur l’exemple d’autrui.
Gardez-vous d’imiter ces coquettes vilaines
Dont par toute la ville on chante les fredaines,
Et de vous laisser prendre aux assauts du malin,
C’est-à-dire d’ouïr aucun jeune blondin.
Songez qu’en vous faisant moitié de ma personne,
C’est mon honneur, Agnès, que je vous abandonne,
Que cet honneur est tendre, et se blesse de peu,
Que sur un tel sujet il ne faut point de jeu ;
Et qu’il est aux enfers des chaudières bouillantes
Où l’on plonge à jamais les femmes mal vivantes.
Ce que je vous dis là ne sont point des chansons ;
Et vous devez du cœur dévorer ces leçons.
Si votre âme les suit, et fuit d’être coquette,
Elle sera toujours, comme un lis, blanche et nette ;
Mais s’il faut qu’à l’honneur elle fasse un faux bond,
Elle deviendra lors noire comme un charbon ;
Vous paraîtrez à tous un objet effroyable,
Et vous irez un jour, vrai partage du diable,
Bouillir dans les enfers à toute éternité :
Dont veuille vous garder la céleste bonté !
Faites la révérence. Ainsi qu’une novice
Par cœur dans le couvent doit savoir son office,
Entrant au mariage il en faut faire autant ;
Et voici dans ma poche un écrit important,
Qui vous enseignera l’office de la femme.
J’en ignore l’auteur : mais c’est quelque bonne âme ;
Et je veux que ce soit votre unique entretien.
(Il se lève.)
Tenez. Voyons un peu si vous le lirez bien.
AGNÈS lit.
LES MAXIMES DU MARIAGE,
OU LES DEVOIRS DE LA FEMME MARIÉE,
avec son exercice journalier.
61
PREMIÈRE MAXIME.
ARNOLPHE
AGNÈS poursuit.
DEUXIÈME MAXIME.
Elle ne se doit parer
Qu’autant que peut désirer
Le mari qui la possède :
C’est lui que touche seul le soin de sa beauté ;
Et pour rien doit être compté
Que les autres la trouvent laide.
TROISIÈME MAXIME.
62
QUATRIÈME MAXIME.
CINQUIÈME MAXIME.
SIXIÈME MAXIME.
SEPTIÈME MAXIME.
HUITIÈME MAXIME.
63
Des femmes tous les jours corrompent les esprits :
En bonne politique on doit les interdire,
Car c’est là que l’on conspire
Contre les pauvres maris.
NEUVIÈME MAXIME.
DIXIÈME MAXIME.
ONZIÈME MAXIME...
ARNOLPHE
64
SCÈNE III
ARNOLPHE, seul.
65
Et que... Mais le voici... Cachons-nous toujours bien,
Et découvrons un peu quel chagrin est le sien.
SCÈNE IV
HORACE, ARNOLPHE
HORACE
ARNOLPHE
HORACE
66
ARNOLPHE
Oh ! oh ! comment cela ?
HORACE
La fortune cruelle
A ramené des champs le patron de la belle.
ARNOLPHE
Quel malheur !
HORACE
ARNOLPHE
HORACE
67
ARNOLPHE
La porte au nez !
HORACE
Au nez.
ARNOLPHE
HORACE
ARNOLPHE
HORACE
Non. Et de la fenêtre
Agnès m’a confirmé le retour de ce maître,
En me chassant de là d’un ton plein de fierté,
Accompagné d’un grès que sa main a jeté.
68
ARNOLPHE
HORACE
ARNOLPHE
HORACE
ARNOLPHE
HORACE
69
ARNOLPHE
HORACE
ARNOLPHE
HORACE
Assurément.
ARNOLPHE
HORACE
Je l’espère.
70
ARNOLPHE
HORACE
Sans doute :
Et j’ai compris d’abord que mon homme était là,
Qui, sans se faire voir, conduisait tout cela.
Mais ce qui m’a surpris, et qui va vous surprendre,
C’est un autre incident que vous allez entendre ;
Un trait hardi qu’a fait cette jeune beauté,
Et qu’on n’attendrait point de sa simplicité.
Il le faut avouer, l’amour est un grand maître :
Ce qu’on ne fut jamais, il nous enseigne à l’être ;
Et souvent de nos mœurs l’absolu changement
Devient par ses leçons l’ouvrage d’un moment.
De la nature en nous il force les obstacles,
Et ses effets soudains ont de l’air des miracles.
D’un avare à l’instant il fait un libéral,
Un vaillant d’un poltron, un civil d’un brutal :
Il rend agile à tout l’âme la plus pesante,
Et donne de l’esprit à la plus innocente.
Oui, ce dernier miracle éclate dans Agnès ;
Car, tranchant avec moi par ces termes exprès,
« Retirez-vous, mon âme aux visites renonce ;
Je sais tous vos discours, et voilà ma réponse, »
Cette pierre ou ce grès dont vous vous étonniez
Avec un mot de lettre est tombée à mes pieds ;
Et j’admire de voir cette lettre ajustée
Avec le sens des mots, et la pierre jetée.
D’une telle action n’êtes-vous pas surpris ?
L’amour sait-il pas l’art d’aiguiser les esprits ?
Et peut-on me nier que ses flammes puissantes
Ne fassent dans un cœur des choses étonnantes ?
Que dites-vous du tour et de ce mot d’écrit ?
Euh ! n’admirez-vous point cette adresse d’esprit ?
71
Trouvez-vous pas plaisant de voir quel personnage
A joué mon jaloux dans tout ce badinage ?
Dites.
ARNOLPHE
HORACE
HORACE
72
De la manière enfin que la pure nature
Exprime de l’amour la première blessure.
HORACE lit.
« Je veux vous écrire, et je suis bien en peine par où je m’y prendrai. J’ai
des pensées que je désirerais que vous sussiez ; mais je ne sais comment
faire pour vous les dire, et je me délie de mes paroles. Comme je commence
à connaître qu’on m’a toujours tenue dans l’ignorance, j’ai peur de mettre
quelque chose qui ne soit pas bien, et d’en dire plus que je ne devrais. En
vérité, je ne sais ce que vous m’avez lait ; mais je sens que je suis fâchée à
mourir de ce qu’on me fait faire contre vous, que j’aurai toutes les peines du
monde à me passer de vous, et que je serais bien aise d’être à vous. Peut-être
qu’il y a du mal à dire cela ; mais enfin je ne puis m’empêcher de le dire,
et je voudrais que cela se pût faire sans qu’il y en eût. On me dit fort que
tous les jeunes hommes sont des trompeurs, qu’il ne les faut point écouter,
et que tout ce que vous me dites n’est que pour m’abuser ; mais je vous
assure que je n’ai pu encore me figurer cela de vous, et je suis si touchée
de vos paroles, que je ne saurais croire qu’elles soient menteuses. Dites-
moi franchement ce qui en est : car enfin, comme je suis sans malice, vous
auriez le plus grand tort du monde si vous me trompiez ; et je pense que j’en
mourrais de déplaisir. »
ARNOLPHE, à part.
Hon ! chienne !
HORACE
Qu’avez-vous ?
73
ARNOLPHE
HORACE
ARNOLPHE
Adieu.
HORACE
Comment ! si vite !
ARNOLPHE
74
HORACE
ARNOLPHE
HORACE
SCÈNE V
ARNOLPHE, seul.
75
Ou le diable à son âme a soufflé cette adresse.
Enfin, me voilà mort par ce funeste écrit.
Je vois qu’il a, le traître, empaumé son esprit,
Qu’à ma suppression il s’est ancré chez elle ;
Et c’est mon désespoir et ma peine mortelle.
Je souffre doublement dans le vol de son cœur ;
Et l’amour y pâtit aussi bien que l’honneur.
J’enrage de trouver cette place usurpée,
Et j’enrage de voir ma prudence trompée.
Je sais que, pour punir son amour libertin,
Je n’ai qu’à laisser faire à son mauvais destin,
Que je serai vengé d’elle par elle-même :
Mais il est bien fâcheux de perdre ce qu’on aime.
Ciel ! puisque pour un choix j’ai tant philosophé,
Faut-il de ses appas m’être si fort coiffé !
Elle n’a ni parents, ni support, ni richesse ;
Elle trahit mes soins, mes bontés, ma tendresse :
Et cependant je l’aime, après ce lâche tour,
Jusqu’à ne me pouvoir passer de cet amour.
Sot, n’as-tu point de honte ? Ah ! je crève, j’enrage,
Et je souffletterais mille fois mon visage.
Je veux entrer un peu, mais seulement pour voir
Quelle est sa contenance après un trait si noir.
Ciel ! faites que mon front soit exempt de disgrâce ;
Ou bien s’il est écrit qu’il faille que j’y passe,
Donnez-moi tout au moins, pour de tels accidents,
La constance qu’on voit à de certaines gens !
76
ACTE QUATRIÈME
SCÈNE I
ARNOLPHE, seul.
77
Non, parbleu ! non, parbleu ! Petit sot, mon ami,
Vous aurez beau tourner, ou j’y perdrai mes peines,
Ou je rendrai, ma foi, vos espérances vaines,
Et de moi tout à fait vous ne vous rirez point.
SCÈNE II
UN NOTAIRE, ARNOLPHE
LE NOTAIRE
Comment faire ?
LE NOTAIRE
LE NOTAIRE
78
ARNOLPHE, se croyant seul.
LE NOTAIRE
LE NOTAIRE
LE NOTAIRE
79
ARNOLPHE, se croyant seul.
LE NOTAIRE
LE NOTAIRE
Si...
(Il aperçoit le notaire.)
LE NOTAIRE
80
ARNOLPHE
Hé ?
LE NOTAIRE
Il peut l’avantager
Lorsqu’il l’aime beaucoup et qu’il veut l’obliger ;
Et cela par douaire, ou préfix qu’on appelle,
Qui demeure perdu par le trépas d’icelle ;
Ou sans retour, qui va de ladite à ses hoirs ;
Ou coutumier, selon les différents vouloirs ;
Ou par donation dans le contrat formelle,
Qu’on fait ou pure et simple, ou qu’on fait mutuelle.
Pourquoi hausser le dos ? Est-ce qu’on parle en fat,
Et que l’on ne sait pas les formes d’un contrat ?
Qui me les apprendra ? Personne, je présume.
Sais-je pas qu’étant joints on est par la coutume
Communs en meubles, biens immeubles et conquêts,
À moins que par un acte on n’y renonce exprès ?
Sais-je pas que le tiers du bien de la future
Entre en communauté pour...
ARNOLPHE
LE NOTAIRE
81
ARNOLPHE
LE NOTAIRE
ARNOLPHE
LE NOTAIRE, seul.
SCÈNE III
LE NOTAIRE, ALAIN, GEORGETTE
82
ALAIN
Oui.
LE NOTAIRE
GEORGETTE
SCÈNE IV
ARNOLPHE, ALAIN, GEORGETTE
ALAIN
Monsieur...
ARNOLPHE
83
ALAIN
Le notaire....
ARNOLPHE
GEORGETTE
ARNOLPHE
ALAIN
Oh vraiment !
GEORGETTE
84
ARNOLPHE
ALAIN
ARNOLPHE
(À Georgette.)
Bon. Georgette, ma mignonne,
Tu me parais si douce et si bonne personne...
GEORGETTE
ARNOLPHE
(À Alain.)
Bon. Quel mal trouves-tu
Dans un dessein honnête et tout plein de vertu ?
ALAIN
85
ARNOLPHE
(À Georgette.)
Fort bien. Ma mort est sûre,
Si tu ne prends pitié des peines que j’endure.
GEORGETTE
ARNOLPHE
Fort bien.
(À Alain.)
Je ne suis pas un homme à vouloir rien pour rien ;
Je sais, quand on me sert, en garder la mémoire :
Cependant, par avance, Alain, voilà pour boire ;
Et voilà pour t’avoir, Georgette, un cotillon.
(Ils tendent tous deux la main, et prennent l’argent.)
Ce n’est de mes bienfaits qu’un simple échantillon.
Toute la courtoisie enfin dont je vous presse,
C’est que je puisse voir votre belle maîtresse.
GEORGETTE, le poussant.
À d’autres.
ARNOLPHE.
Bon cela.
86
ALAIN, le poussant.
Hors d’ici.
ARNOLPHE
Bon.
GEORGETTE, le poussant.
Mais tôt.
ARNOLPHE
GEORGETTE,
ALAIN
ARNOLPHE
87
GEORGETTE
ALAIN
ARNOLPHE
Point.
Suffit. Rentrez tous deux.
ALAIN
ARNOLPHE
SCÈNE V
ARNOLPHE, seul.
88
Y faire bonne garde, et surtout en bannir
Vendeuses de rubans, perruquières, coiffeuses,
Faiseuses de mouchoirs, gantières, revendeuses,
Tous ces gens qui sous main travaillent chaque jour
À faire réussir les mystères d’amour.
Enfin j’ai vu le monde, et j’en sais les finesses.
Il faudra que mon homme ait de grandes adresses,
Si message ou poulet de sa part peut entrer.
SCÈNE VI
HORACE, ARNOLPHE
HORACE
89
Mon jaloux inquiet, sans dire son ennui,
Est sorti de la chambre, et moi, de mon étui.
Nous n’avons point voulu, de peur du personnage,
Risquer à nous tenir ensemble davantage ;
C’était trop hasarder : mais je dois, cette nuit,
Dans sa chambre un peu tard m’introduire sans bruit.
En toussant par trois fois je me ferai connaître ;
Et je dois au signal voir ouvrir la fenêtre,
Dont, avec une échelle, et secondé d’Agnès,
Mon amour tâchera de me gagner l’accès.
Comme à mon seul ami je veux bien vous l’apprendre.
L’allégresse du cœur s’augmente à la répandre ;
Et goûtât-on cent fois un bonheur tout parfait,
On n’en est pas content si quelqu’un ne le sait.
Vous prendrez part, je pense, à l’heur de mes affaires.
Adieu. Je vais songer aux choses nécessaires.
SCÈNE VII
ARNOLPHE, seul.
90
Que nul homme ici-bas n’en serait exempté,
Après l’expérience et toutes les lumières
Que j’ai pu m’acquérir sur de telles matières,
Après vingt ans et plus de méditation
Pour me conduire en tout avec précaution,
De tant d’autres maris j’aurais quitté la trace,
Pour me trouver après dans la même disgrâce !
Ah ! bourreau de destin, vous en aurez menti.
De l’objet qu’on poursuit je suis encor nanti ;
Si son cœur m’est volé par ce blondin funeste,
J’empêcherai du moins qu’on s’empare du reste ;
Et cette nuit, qu’on prend pour ce galant exploit,
Ne se passera pas si doucement qu’on croit.
Ce m’est quelque plaisir, parmi tant de tristesse,
Que l’on me donne avis du piège qu’on me dresse,
Et que cet étourdi, qui veut m’être fatal,
Fasse son confident de son propre rival.
SCÈNE VIII
CHRYSALDE, ARNOLPHE
CHRYSALDE
ARNOLPHE
CHRYSALDE
91
ARNOLPHE
CHRYSALDE
ARNOLPHE
CHRYSALDE
ARNOLPHE
CHRYSALDE
92
Être avare, brutal, fourbe, méchant et lâche,
N’est rien, à votre avis, auprès de cette tache ;
Et, de quelque façon qu’on puisse avoir vécu,
On est homme d’honneur quand on n’est point cocu.
À le bien prendre au fond, pourquoi voulez-vous croire
Que de ce cas fortuit dépende notre gloire,
Et qu’une âme bien née ait à se reprocher
L’injustice d’un mal qu’on ne peut empêcher ?
Pourquoi voulez-vous, dis-je, en prenant une femme,
Qu’on soit digne, à son choix, de louange ou de blâme,
Et qu’on s’aille former un monstre plein d’effroi
De l’affront que nous fait son manquement de foi ?
Mettez-vous dans l’esprit qu’on peut du cocuage
Se faire en galant homme une plus douce image ;
Que, des coups du hasard aucun n’étant garant,
Cet accident de soi doit être indifférent,
Et qu’enfin tout le mal, quoi que le monde glose,
N’est que dans la façon de recevoir la chose :
Et, pour se bien conduire en ces difficultés,
Il y faut, comme en tout, fuir les extrémités,
N’imiter pas ces gens un peu trop débonnaires
Qui tirent vanité de ces sortes d’affaires,
De leurs femmes toujours vont citant les galants,
En font partout l’éloge, et prônent leurs talents,
Témoignent avec eux d’étroites sympathies,
Sont de tous leurs cadeaux, de toutes leurs parties,
Et font qu’avec raison les gens sont étonnés
De voir leur hardiesse à montrer là leur nez.
Ce procédé, sans doute, est tout à fait blâmable ;
Mais l’autre extrémité n’est pas moins condamnable.
Si je n’approuve pas ces amis des galants,
Je ne suis pas aussi pour ces gens turbulents
Dont l’imprudent chagrin, qui tempête et qui gronde,
Attire au bruit qu’il fait les yeux de tout le monde,
Et qui, par cet éclat, semblent ne pas vouloir
Qu’aucun puisse ignorer ce qu’ils peuvent avoir.
Entre ces deux partis il en est un honnête,
Où, dans l’occasion, l’homme prudent s’arrête ;
Et, quand on le sait prendre, on n’a point à rougir
Du pis dont une femme avec nous puisse agir.
Quoi qu’on en puisse dire enfin, le cocuage
93
Sous des traits moins affreux aisément s’envisage :
Et, comme je vous dis, toute l’habileté
Ne va qu’à le savoir tourner du bon côté.
ARNOLPHE
CHRYSALDE
ARNOLPHE
CHRYSALDE
94
Ces dragons de vertu, ces honnêtes diablesses,
Se retranchant toujours sur leurs sages prouesses,
Qui, pour un petit tort qu’elles ne nous font pas,
Prennent droit de traiter les gens de haut en bas,
Et veulent, sur le pied de nous être fidèles,
Que nous soyons tenus à tout endurer d’elles ?
Encore un coup, compère, apprenez qu’en effet
Le cocuage n’est que ce que l’on le fait ;
Qu’on peut le souhaiter pour de certaines causes,
Et qu’il a ses plaisirs comme les autres choses.
ARNOLPHE
CHRYSALDE
ARNOLPHE
CHRYSALDE
Vous voilà bien malade ! Mille gens le sont bien, sans vous
faire bravade,
Qui de mine, de cœur, de biens et de maison,
Ne feraient avec vous nulle comparaison.
95
ARNOLPHE
CHRYSALDE
ARNOLPHE
SCÈNE IX
ARNOLPHE, ALAIN, GEORGETTE
ARNOLPHE
96
Veut, comme je l’ai su, m’attraper cette nuit,
Dans la chambre d’Agnès entrer par escalade :
Mais il lui faut, nous trois, dresser une embuscade.
Je veux que vous preniez chacun un bon bâton,
Et, quand il sera près du dernier échelon
(Car dans le temps qu’il faut j’ouvrirai la fenêtre),
Que tous deux à l’envi vous me chargiez ce traître,
Mais d’un air dont son dos garde le souvenir,
Et qui lui puisse apprendre à n’y plus revenir ;
Sans me nommer pourtant en aucune manière,
Ni faire aucun semblant que je serai derrière.
Aurez-vous bien l’esprit de servir mon courroux ?
ALAIN
GEORGETTE
ARNOLPHE
97
ACTE CINQUIÈME
SCÈNE I
ARNOLPHE, ALAIN, GEORGETTE
ARNOLPHE
ALAIN
ARNOLPHE
98
Hélas ! que deviendrai-je ? et que dira le père,
Lorsque inopinément il saura cette affaire ?
SCÈNE II
HORACE, ARNOLPHE
HORACE, à part.
HORACE
ARNOLPHE
HORACE
C’est Horace.
Je m’en allais chez vous vous prier d’une grâce.
Vous sortez bien matin !
99
ARNOLPHE
Quelle confusion !
Est-ce un enchantement, est-ce une illusion ?
HORACE
100
De cette feinte mort la jeune Agnès émue
Avec empressement est devers moi venue :
Car les discours qu’entre eux ces gens avaient tenus
Jusques à son oreille étaient d’abord venus ;
Et, pendant tout ce trouble étant moins observée,
Du logis aisément elle s’était sauvée ;
Mais, me trouvant sans mal, elle a fait éclater
Un transport difficile à bien représenter.
Que vous dirai-je enfin ? Cette aimable personne
A suivi les conseils que son amour lui donne,
N’a plus voulu songer à retourner chez soi,
Et de tout son destin s’est commise à ma foi.
Considérez un peu, par ce trait d’innocence,
Où l’expose d’un fou la haute impertinence ;
Et quels fâcheux périls elle pourrait courir,
Si j’étais maintenant homme à la moins chérir.
Mais d’un trop pur amour mon âme est embrasée ;
J’aimerais mieux mourir que l’avoir abusée :
Je lui vois des appas dignes d’un autre sort,
Et rien ne m’en saurait séparer que la mort.
Je prévois là-dessus l’emportement d’un père ;
Mais nous prendrons le temps d’apaiser sa colère.
À des charmes si doux je me laisse emporter,
Et dans la vie enfin il se faut contenter.
Ce que je veux de vous, sous un secret fidèle,
C’est que je puisse mettre en vos mains cette belle ;
Que dans votre maison, en faveur de mes feux,
Vous lui donniez retraite au moins un jour ou deux.
Outre qu’aux yeux du monde il faut cacher sa fuite,
Et qu’on en pourra faire une exacte poursuite,
Vous savez qu’une fille aussi de sa façon
Donne avec un jeune homme un étrange soupçon ;
Et comme c’est à vous, sûr de votre prudence,
Que j’ai fait de mes feux entière confidence,
C’est à vous seul aussi, comme ami généreux,
Que je puis confier ce dépôt amoureux.
101
ARNOLPHE
HORACE
ARNOLPHE
HORACE
ARNOLPHE
102
HORACE
ARNOLPHE, seul.
SCÈNE III
AGNÈS, ARNOLPHE, HORACE
HORACE, à Agnès.
AGNÈS, à Horace.
Pourquoi me quittez-vous ?
HORACE
103
AGNÈS
HORACE
AGNÈS
HORACE
AGNÈS
HORACE
AGNÈS
104
HORACE
AGNÈS
HORACE
N’appréhendez rien :
Entre de telles mains vous ne serez que bien.
AGNÈS
HORACE
AGNÈS
105
HORACE
Bientôt, assurément.
AGNÈS
SCÈNE IV
ARNOLPHE, AGNÈS
AGNÈS
Hai !
106
ARNOLPHE
AGNÈS
Pourquoi me criez-vous ?
ARNOLPHE
107
AGNÈS
ARNOLPHE
AGNÈS
ARNOLPHE
AGNÈS
ARNOLPHE
108
AGNÈS
Oui, je l’aime.
ARNOLPHE
AGNÈS
ARNOLPHE
AGNÈS
Hélas !
Est-ce que j’en puis mais ? Lui seul en est la cause :
Et je n’y songeais pas lorsque se fit la chose.
ARNOLPHE
AGNÈS
109
ARNOLPHE
AGNÈS
ARNOLPHE
AGNÈS
Vous ?
ARNOLPHE
Oui.
AGNÈS
Hélas ! non.
ARNOLPHE
Comment, non !
110
AGNÈS
ARNOLPHE
AGNÈS
ARNOLPHE
AGNÈS
ARNOLPHE, à part.
111
Puisqu’en raisonnements votre esprit se consomme,
La belle raisonneuse, est-ce qu’un si long temps
Je vous aurai pour lui nourrie à mes dépens ?
AGNÈS
AGNÈS
ARNOLPHE
AGNÈS
112
ARNOLPHE
AGNÈS
Sans doute.
C’est de lui que je sais ce que je puis savoir ;
Et beaucoup plus qu’à vous je pense lui devoir.
ARNOLPHE
AGNÈS
ARNOLPHE, à part.
113
Rien de plus infidèle : et, malgré tout cela,
Dans le monde on fait tout pour ces animaux-là.
(À Agnès.)
Hé bien ! faisons la paix. Va, petite traîtresse,
Je te pardonne tout et te rends ma tendresse ;
Considère par là l’amour que j’ai pour toi,
Et, me voyant si bon, en revanche aime-moi.
AGNÈS
ARNOLPHE
114
AGNÈS
ARNOLPHE
SCÈNE V
ARNOLPHE, AGNÈS, ALAIN
ALAIN
ARNOLPHE
115
Trouver une voiture. Enfermez-vous des mieux,
Et surtout gardez-vous de la quitter des yeux.
(Seul.)
Peut-être que son âme, étant dépaysée,
Pourra de cet amour être désabusée.
SCÈNE VI
ARNOLPHE, HORACE
HORACE
116
De mon engagement qui le pourrait aigrir :
Et tâchez, comme en vous il prend grande créance,
De le dissuader de cette autre alliance.
ARNOLPHE
Oui-da.
HORACE
ARNOLPHE
HORACE
ARNOLPHE
Fort bien.
HORACE
117
SCÈNE VII
ENRIQUE, ORONTE, CHRYSALDE,
HORACE, ARNOLPHE
(Horace et Arnolphe se retirent dans un
coin du théâtre et parlent bas ensemble.)
ENRIQUE, à Chrysalde.
CHRYSALDE
118
HORACE, à part, à Arnolphe.
ARNOLPHE, à Horace.
ORONTE, à Arnolphe.
ARNOLPHE
ORONTE.
ARNOLPHE
ORONTE.
119
ARNOLPHE
Oui.
ORONTE.
Tant mieux.
ARNOLPHE
HORACE, à part.
Ah ! traître !
CHRYSALDE
120
ARNOLPHE
ORONTE.
CHRYSALDE, à Arnolphe.
ARNOLPHE
ORONTE.
121
CHRYSALDE
Ce nom l’aigrit,
C’est monsieur de la Souche, on vous l’a déjà dit.
ARNOLPHE
Il n’importe.
HORACE, à part.
Qu’entends-je ?
HORACE, à part.
En quel trouble...
122
SCÈNE VIII
ENRIQUE, ORONTE, CHRYSALDE,
HORACE, ARNOLPHE, GEORGETTE
GEORGETTE
ARNOLPHE
HORACE, à part,
ARNOLPHE, à Oronte.
123
ORONTE.
SCÈNE IX
AGNÈS, ORONTE, ENRIQUE,
ARNOLPHE, HORACE,
CHRYSALDE, ALAIN, GEORGETTE
ARNOLPHE, à Agnès.
AGNÈS
HORACE
124
ARNOLPHE
AGNÈS
ORONTE.
ARNOLPHE
ORONTE.
ARNOLPHE
125
ORONTE.
CHRYSALDE
ARNOLPHE
Quoi !
CHRYSALDE
ORONTE.
CHRYSALDE
126
ORONTE.
CHRYSALDE
ORONTE.
CHRYSALDE
ORONTE.
CHRYSALDE
127
ORONTE.
CHRYSALDE, à Arnolphe.
Ouf !
SCÈNE X
ENRIQUE, ORONTE,
CHRYSALDE, AGNÈS, HORACE
ORONTE.
HORACE
Ah ! mon père,
Vous saurez pleinement ce surprenant mystère.
Le hasard en ces lieux avait exécuté
128
Ce que votre sagesse avait prémédité.
J’étais, par les doux nœuds d’une ardeur mutuelle,
Engagé de parole avec que cette belle ;
Et c’est elle, en un mot, que vous venez chercher,
Et pour qui mon refus a pensé vous fâcher.
ENRIQUE
CHRYSALDE
129
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