Guide Avis Argumenté
Guide Avis Argumenté
Guide Avis Argumenté
citoyenneté
Monsieur OSTE
Principe
L’avis argumenté est en apparence une entreprise contradictoire. En effet, par « avis »,
on entend quelque chose de singulier, de propre à la personne qui expose son avis, son
opinion sur le sujet. Mais plus qu’une simple opinion, l’avis argumenté tend à mettre en
avant des éléments objectifs ou, du moins, valables pour d’autres personnes qui peuvent
en reconnaître le bien fondé, l’aspect rationnel.
L’avis argumenté vise donc à convaincre la ou les personnes à qui nous donnons notre
avis. Et par convaincre, il ne faut pas nécessairement entendre les convaincre de penser
comme nous, mais plutôt de les convaincre que nous avons de bonnes raisons de penser
ce que nous pensons. Cette nuance subtile est importante car elle permet de ne pas
tomber dans le « piège » de la mise en avant de l’avis de la personne (que l’on retrouve
dans les formulation comme je trouve que, il me semble que) et met ainsi l’accent sur
l’argument. En substance, l’idée n’est pas de dire voilà pourquoi tu devrais penser comme
moi, mais voilà de bonnes raisons qui devraient permettre de comprendre mon point de
vue.
L’avis argumenté n’est pas un exercice d’éloquence dans lequel on amène l’autre à
vibrer comme nous, à ressentir ce que nous ressentons (ce qui est plutôt le fait des
prédicateurs). Il est la construction et l’articulation d’un ensemble de raisons et
d’arguments qui permettent la compréhension du caractère rationnel d’une prise de
position.
Dans ce petit guide, nous verrons les grandes étapes et les éléments importants de toute
construction d’un avis argumenté. Pour chaque, dans un souci de clarté, nous prendrons
des exemples sur la peine de mort, sujet ô combien récurrent.
2. La structure
Nous venons de le voir, si les arguments peuvent être partagés et sont la marque du
caractère objectivable de votre avis, c’est dans la structure que pourra s’exprimer votre
personnalité et la singularité de votre position sur la question. Ainsi, avant toute chose,
il vous faudra écrire sur une feuille de brouillon les différentes idées qui vous viennent
en tête. Que pensez-vous de la question. Est-ce évident ? Ne l’est-ce pas ? Voyez-vous
une difficulté particulière à résoudre avant de répondre à la question ? On ne rédige rien
avant d’avoir mis sur papier les grandes idées qui nous traversent l’esprit et d’avoir fait
les recherches nécessaires en fonction des zones d’ombre que l’on doit éclairer.
Une fois vos idées mises sur le papier, dégagez la tendance principale de votre avis :
êtes-vous plutôt en faveur, en défaveur, avez-vous un avis mitigé ou êtes-vous incapable
de prendre position ? Déterminer de quel « côté » on penche est très important pour
éviter les incohérences et les mauvaises interprétations de votre prise de position.
Rappelons-nous que c’est l’agencement qui fait l’identité de votre avis, les arguments
ne vous « appartiennent pas », vous les découvrez et les utilisez. Trop souvent dans la
rédaction des élèves, on sent un décalage entre la prise de position explicitement donnée
(souvent dans l’introduction) et le sentiment qu’il ressort de la lecture du texte. Ce
décalage apparaît le plus souvent dans les textes et où les avis sont dits mitigés.
Regardons de plus près les catégories que nous venons d’évoquer.
2-1 Les avis tranchés
Par définition, l’avis tranché implique d’être sûr de sa position. On remarquera toutefois
une différence entre être sûr de sa position et penser que le caractère évident de notre
avis se suffit à lui-même . C’est le plus gros risque de l’avis tranché, à savoir de considérer
sa position comme tellement évidente qu’elle ne nécessite pas de développement
profond.
Astuce
Un avis tranché ne veut pas dire un avis évident et sans nuance.
Un avis tranché veut dire qu’à la fin du texte le lecteur n’a aucun doute quant à la position
de l’auteur vis-à-vis de la problématique ou de la question et ce, malgré toutes les
difficultés qui auraient pu être soulignées.
La construction du texte
Tout texte argumentatif est construit selon une structure, un squelette. La séparation
des idées et des arguments en paragraphes est primordiale car elle permet de visualiser
les différentes idées du texte et de se repérer dans celui-ci. Cette partie faisant l’objet
du cours de français, nous allons nous pencher sur la manière de construire le squelette
de l’argumentation, c’est-à-dire le cœur du texte (donc ni l’introduction, ni la conclusion).
En simplifiant, on peut identifier deux grandes catégories de structures d’argumentation.
Soit le catalogue et le filage.
Le catalogue Le filage
Très répandu chez les élèves, le catalogue Comme le laisse entendre ce terme issu
consiste à lister une série d’arguments et du monde du textile, le filage suppose une
à les développer les uns à la suite des idée large que l’on va affiner. Cette
autres. approche est particulièrement efficace
pour des textes où les enjeux semblent se
L’idée ici est de proposer plusieurs raisons situer dans la compréhension ou dans le
et de les agencer selon la prise de position choix de principes ou de notions.
(tranchée, mitigée, absente).
Bien souvent, pour argumenter, nous
En termes de construction, on veillera à invoquons de grands principes comme la
bien lier les différentes parties et on sera liberté ou la justice. Mais à bien y regarder,
particulièrement attentif à travailler les ces notions ne sont généralement pas
transitions. Si, dans un premier temps, on traitées et développées, mais plutôt
se contentera des classiques utilisées voire exposées comme si elles
« premièrement, de plus, en outre, etc.», avaient une valeur intrinsèque, une force
il sera de bon ton de proposer des en soi. C’est le fameux « chacun devrait
transitions plus subtiles qui fluidifieront la être libre de faire ce qu’il veut » et pour les
lecture du texte. plus nuancés on ajoutera « tant que cela
On peut imaginer, par exemple, de ne nuit pas aux autres ».
reprendre un élément donné dans le Un avis argumenté qui « file » ressemblera
paragraphe précédent et de l’utiliser pour davantage à un exercice de clarification à
commencer son argument. l’occasion d’une question problématisante.
Exemple (suite de l’introduction sur la Dans les faits, la question est le terrain de
peine de mort) : en lieu place du « jeu » où l’on développera et précisera la
sempiternel « premièrement », nous notion tout en
pouvons reprendre un élément de marquant en quoi cette notion est
contextualisation. fondamentale pour comprendre la
question et pour pouvoir y répondre.
Nous venons de le dire, la question porte
sur le rétablissement d’une sanction qui a Visiblement plus compliquée qu’un
été abolie pour des raisons de principe. catalogue, cette approche, quand elle est
Dès lors, il me semble important de bien menée, est bien plus
commencer par mettre en avant ce qui « convaincante » car elle montre dans sa
relève des principes dans mon opposition. réalisation le caractère implacable et
Loin d’invoquer la barbarie d’une telle cohérent des principes invoqués là où,
pratique, discutable d’ailleurs, j’aimerais d’habitude, ils sont simplement affichés.
attirer l’attention du lecteur sur la nature Pour s’en convaincre, il suffit de regarder
d’une peine censée rendre la justice. Bien les débats où, au bout de quelques
souvent, on s’imagine l’utilité de la peine secondes ces derniers temps, on pourrait
de mort dans des circonstances précises, résumer les échanges à « je vous dis que
souvent un acte que l’on qualifie de non, je vous dis que si » sans qu’aucun
monstrueux, dont la culpabilité ne fait intervenant ne se soit mis d’accord avec
aucun doute et surtout dans des cas où l’autre sur le sens des mots employés.
l’empathie avec les victimes est directe et
évidente. Sans ignorer ces aspects, il ne Exemple : Dans un travail qui porte sur la
faudrait pas oublier qu’à travers cette liberté d’agir en société, on commencera
sanction, la société ne tend pas seulement par distinguer le droit de la liberté. Prenant
à se protéger, la prison y suffit, mais elle bien le temps d’examiner les difficultés
porte un jugement sur le mérite des uns d’expressions telles que « on devrait être
et des autres à vivre en fonction de leurs libre de », on montrera comment sa
actes, et sur ce que l’on peut attendre représentation de la liberté n’est pas
d’eux en termes de réparation. incohérente avec la position que nous
prenons vis-à-vis de la question abordée.
B. La fausse concession.
Une autre manière d’envisager la structure d’un argument consiste à ajouter une
quatrième partie à la structure ci-dessus. Cette nouvelle partie vient en premier et
consiste à reconnaître un argument en défaveur de notre prise de position. L’idée est
alors de montrer en quoi cet argument n’est pas si évident et de présenter le nôtre comme
une réponse, un contre-argument, à celui mis en scène.
Astuces
On n’utilisera pas cette technique plus d’une fois par texte au risque de révéler le
caractère artificiel de la mise en avant d’arguments qui vont contre notre idée.
On évitera, autant que faire se peut, de formuler des hommes de pailles et autres
généralités abusives. La force de cette construction d’argument dépend de la plausibilité
de l’argument mis en avant afin d’être contredit.
Liste de validation de mon plan
Ai-je une idée arrêtée et claire sur la question ?
Je fais un peu de recherches, j’en discute autour de moi, j’utilise mon cours.
Oui : avis tranché. Non mais une tendance se Non : absence de décision.
dégage un peu: avis mitigé.
Ils semblent différents : je les agence en Ils semblent tous parler de la même
veillant à créer un crescendo au niveau chose, tourner autour de la même notion
de l’intensité. Si je suis mitigé ou indécis, : je les agence du plus simple au plus du
je veille à ce que le dernier présenté ne complexe, du plus facile à comprendre
crée pas de cassure trop franche avec la au plus nuancé et subtil.
conclusion.