Epidémiologie Et Prise en Charge Des Embarrures Dans Un Centre Hospitalier Du Bénin
Epidémiologie Et Prise en Charge Des Embarrures Dans Un Centre Hospitalier Du Bénin
Epidémiologie Et Prise en Charge Des Embarrures Dans Un Centre Hospitalier Du Bénin
RÉSUMÉ: Les embarrures sont des lésions post traumatiques représentées par un enfoncement
d’un fragment de la boite crânienne. Elles reflètent la violence du choc subi. L’objectif de ce travail
est de rapporter les aspects épidémiologiques, radio-cliniques et thérapeutiques des embarrures prises
en charge dans une unité de neurochirurgie, en se basant sur une étude rétrospective réalisée au
CHD-Borgou au Bénin de Janvier 2008 à Décembre 2011. Elle a inclus toutes les embarrures
confirmées par une radiographie du crâne ou un scanner cérébral. Les variables étudiées étaient
sociodémographiques et anatomo-pathologiques, les étiologies, le traitement, la mortalité et le
devenir des patients opérés. Cette série comptabilise 61 patients présentant une embarrure, sur un
total de 872 cas de traumatismes cranio-encéphaliques recensés, soit une fréquence de 7%.
Il s’agissait de 53 hommes et de 8 femmes. L’âge moyen était de 23,13 ± 11,64 ans. Les circonstances
de survenue étaient représentées par un accident de la circulation dans 73,7%, une chute dans 11,5%,
une rixe dans 6,5%, un accident de sport dans 3,3% ou encore animalières dans 5%. Les principales
localisations étaient frontale dans 57,4% et pariétale dans 19,6%. L’embarrure était unique dans
91,8%, fermée dans 73,7% et multi esquilleuse dans 49,2%. Trente six patients, soit 59%, ont été
opérés. Une guérison post opératoire complète a été obtenue dans 30 cas, soit 83,4%. La mortalité
globale a été de 14,7% (n= 9). Les embarrures sont des lésions préoccupantes. Elles sont comme
toute lésion crânio-cérébrale post traumatique, évitables par la prévention.
Mots clés : Embarrures, Traumatismes crâniens, Fractures du crâne.
ABSTRACT: The depressed head fractures are post traumatic lesions, represented by a
displacement of a fragment of the skull. They reflect the violence of the impact. The objective of this
study is to report all the neurosurgical aspects of this lesion, based on a retrospective study done at the
university hospital of Borgou in Benin, from January 2008 to December 2011. We studied the social
demographic, the pathological aspects and all the variables of etiology, treatment, morbidity and finally
the outcome. We listed a series of 61 cases of 53 men and 8 women, harboring a depressed fracture,
among a total of 872 cranial trauma. The average age was 23.13 ± 11.64 years. The circumstances of
occurrence were represented by a traffic accident in 73.7%, a fall in 11.5%, a brawl in 6.5%, a sport
accident in 3.3% and animal cause in 5%. The main location was frontal in 57,4% and parietal in 19,2%.
The lesion was single in 91,8%, complex in 49,2%, and without skin injury in 73,7% of cases. 36 patients
(59%) were operated and a complete healing was obtained in 30 cases (83,4%) with a global mortality of
14,7% (9 patients). The depressed head fractures are , as any post traumatic injury, avoidable through
prevention.
Nombre Pourcentage
Accidents de la route 45 73,7
Chute d’une hauteur 05 08,2
Agression/Rixes 04 06,5
Accident animalier* 03 05
Chute d’objets 02 03,3
Accident de sport 02 03,3
Total 61 100
Tab. I : Répartition des différentes étiologies des embarrures rapportées chez les patients.
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Le redressement de l’embarrure a été associé Une guérison sans séquelles chez les patients
à une réparation de la dure mère dans 9 cas, opérés a été obtenue dans 30 cas (83,4%).
une évacuation d’hématome extradural ou sous La répartition des séquelles post opératoires
dural aigu dans 5 autres cas. Aucune cranio- recensées ont été rapportées dans le tableau IV.
plastie n’a été réalisée.
Nombre Pourcentage
Type embarrure Nombre Pourcentage Troubles mnésiques 04 11,2
Unique 56 91,8
Défect osseux 02 05,6
Multiple 05 08,2
Déficit moteur 02 05,6
Multi esquilleuse 30 49,2
Cicatrice disgracieuse 01 02,8
En bois vert* 13 21,3
Troubles oculaires 02 05,6
En marche «d’escalier» 18 29,5
Fermée 45 73,7 Tab. IV : Répartition des séquelles
post opératoires recensées chez les patients.
Ouverte 16 26,2
* Bois vert ou balle de «ping-pong». La mortalité globale est de 14,7% (n= 9).
Tab. III : Caractéristiques anatomiques Aucun décès n’a été observé parmi les patients
des embarrures observées au cours de l’étude. opérés ou chez qui l’embarrure était isolée.
Parmi les patients décédés, 5 avaient une
La figure 2 illustre l’aspect per opératoire lésion intracérébrale associée et 4 souffraient
d’une embarrure telle qu’observée chez d’un polytraumatisme.
certains patients.
DISCUSSION
Les embarrures ont fait l’objet de nombreux
travaux. Cette étude nous a permis de situer la
problématique de cette affection dans notre
pratique neurochirurgicale.
Une nette prédominance masculine a été
observée dans notre étude ; Braakman [5]
au Pays-Bas, Miller et Jennett [18] en écosse
ou Mumtaz et al. [20] au Pakistan ont
également observé une prédominance
masculine qui était respectivement de 86%,
84% et 61,7%. Al-Haddad et al. [3]
aux Royaume-Unis et Al-Derazi et al. [2]
aux Royaumes des Bahreïn ont tous rapporté
un sexe ratio Homme/Femme identique de 9/1.
La prédominance masculine reste ainsi une
constante [11,13] dans la population victime
d’un TCE quel que soit le type de lésions.
Toutes les tranches d’âge sont concernées mais
varient en fonction des études [2,3]. Certains
auteurs se sont particulièrement intéressés à la
population infantile [9,12,19].
Les étiologies des embarrures sont variables
Fig. 2 : (a) Vue per opératoire d’une embarrure selon les études. Les accidents de la circulation
pariétale, en «bois vert» suivie de l’aspect post étaient la principale cause dans notre étude et
opératoire (b) et après redressement par une
craniotomie (tête de flèche noire).
ont concerné 73,7% de nos cas. Miller
et Jennett [18] avec 51%, Braakman [5]
La durée moyenne d’hospitalisation était avec 37,5% et Ebrahimi [8] avec 59,6%, ont
de 9,81 ± 5,71 jours avec des extrêmes de 1 fait le même constat. Cette observation diffère
et 28 jours. de celle de Van den Heever et al. [24], Cabraal
Le recul de la présente série est de 3 mois et al. [7], Hossain et al.[15] qui dans des
à 4 ans. Neuf patients ont été perdus de vue. proportions respectives de 75%, 50%, 48%
ont rapporté les agressions comme étant la
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première cause des embarrures dans leurs Cette spécificité anatomopathologique ayant
séries. Par contre, les travaux de Mumtaz et valeur de facteur pronostic [7,14].
al. [20], Mehdi et al. [17] et Al-Derazi et al. [2] La localisation des embarrures est variable
dans des proportions respectives de 52 %, selon les auteurs ; nous avons observé une
38 %, et 30 % révèlent les chutes comme les prédominance frontale dans 57,4% des cas,
premières incriminées. Cette différence comme, Braakman [5] (42%) tandis que Al-
pourrait être attribuée à l’introduction de Derazi et al.[2] (44%) ou Mumtaz et al.[20]
mesures de sécurité routière et l’amélioration (29,4%) rapportaient une prédominance
des conditions de conduite qui ont contribué à pariétale. Quelques soient les études, ces deux
réduire de manière drastique la prévalence des localisations étaient les plus rapportées car les
TCE par accident de la route dans leur plus exposées quel que soit le mécanisme
population [13]. Au sein du groupe des en cause [2,5].
étiologies par AVP, notre taux très supérieur La prise en charge des embarrures est
aux autres vient renforcer cette hypothèse. actuellement bien codifiée [2,5,6]. Nous avons
Les motocyclistes étaient particulièrement ainsi fait le choix d’opérer toutes les
concernés dans notre étude. Il convient donc embarrures ouvertes quel que soit l’âge
de rendre obligatoire le port du casque dans du patient et la présentation. Notre stratégie
cette population où la moto est un moyen de thérapeutique était identique à celle adoptée
mobilité très utilisé. par de nombreux auteurs tels que Mumtaz
Une majorité de patients avaient un TCE et al. [20], Hossain et al. [15], Al-Haddad
modéré dans notre série. Al-Haddad et al. [3] et al.[3]. L’option d’un simple redressement
comme Mehdi et al. [17] ont quant ou d’un repositionnement, l’évacuation de
à eux rapporté une prédominance des TCE collection sanguine péri cérébrale ou d’une
légers ; cette différence est due aux circon- réparation de la dure-mère étaient fonction des
stances de survenue et à la violence du constatations per opératoires. Bien que non
traumatisme subit mais aussi à l’importance évoquées par les patients, les considérations
des lésions intra cérébrales associées [8, 17]. esthétiques ont parfois pesé dans nos
Ces lésions ont été peu explorées dans notre indications. La forte proportion (41 %) de
série où la radiographie du crâne a été patients non opérés n’était pas que le fait d’une
l’examen d’imagerie le plus réalisé (65,6 %). préférence de traitement conservateur comme
Les embarrures sont en effet l’une des préconisé dans certains cas [2, 4, 22, 24].
rares lésions crânio-encéphaliques où la L’importance des dégâts cérébraux ou le refus
radiographie garde encore des indications [1]. d’une chirurgie dans certains cas en étaient
Cette exploration a une légitimité dans les aussi la cause.
milieux sous médicalisés où le scanner Nous avons rapportés un taux de
cérébral fait défaut ou paraît souvent hors de complication (Tableau IV) relativement faible
prix comme c’est le cas dans notre dans cette étude (16,6%). Cela peut être dû à la
environnement [10]. Le scanner cérébral est taille de cette série comparée aux travaux de
néanmoins l’examen de choix pour explorer Braakman [5] ou Erşahin et al. [9] qui ont
ces embarrures, déterminer l’ampleur des rapporté des séries respectivement de 225 et
lésions intracérébrales associées et éclairer les 530 cas. Aucun cas d’infection post opératoire
choix thérapeutiques. [1, 16]. n’a été observé. Cette complication est
Les embarrures peuvent être décrites pourtant rapportée dans plusieurs travaux et
selon plusieurs caractéristiques [9, 14, 25], constitue avec l’épilepsie, les deux
selon l’âge [19] mais quelles que soient les complications majeures des embarrures
études, la notion d’embarrure dite «ouverte» opérées ou pas [6, 18, 23].
ou «fermée» retient l’attention [7, 14, 24]. Les Plusieurs hypothèses ont en effet été
embarrures «fermées» étaient prédominantes avancées quant à la survenue ou non
dans notre étude (73,7%) comme dans celle de d’une infection : les conditions opératoires,
Steinbok et al. [22] (57,6%) ; au contraire les l’usage d’une antibiothérapie qui étaient
embarrures ouvertes étaient prédominantes systématique dans notre série et le type
dans les séries rapportées par van den Heever d’embarrure [7, 14, 21]. Mais les auteurs
et al.[24] 90% ou Hossain et al.[15], 73,5%. sont unanimes pour admettre qu’il n’existe pas
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