Mythes Et Realites de L'entreprise Responsable
Mythes Et Realites de L'entreprise Responsable
Mythes Et Realites de L'entreprise Responsable
Michel CAPRON
Françoise QUAIREL – LANOIZELEE
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SOMMAIRE
Les auteurs
Postulat
Hypothèses
Démonstration
Résumé de l’ouvrage
PREMIERE PARTIE :
Les enjeux : la gouvernance des entreprises au-delà des seuls
actionnaires et dirigeants
DEUXIEME PARTIE :
Du discours à la mise en œuvre : que peut-on attendre des
différents dispositifs
Principales conclusions
Discussion et critiques
Actualité sur la question
Bibliographie complémentaire
2
Les auteurs
Ses ouvrages :
Postulat
L’entreprise est un acteur majeur de la société et elle est de plus en plus confrontée aux
pressions exercées par les actionnaires, les salariés, les consommateurs, les ONG et le
cadre réglementaire. La notion de responsabilité est fondée sur le droit de regard de ces
diverses parties prenantes et les enjeux se formulent en termes de transparence, de
risque et de réputation. En intégrant des objectifs de développement durable, le
management des entreprises devient plus complexe et doit concilier des exigences à la
fois environnementales, sociales et économiques. De nouveaux modes de pilotage et
d’évaluation apparaissent et le foisonnement des outils de gestion - codes de conduite,
normes et certifications, rapports sociétaux, notation doit être déchiffré et analysé.
« L’entreprise » peut être définie simplement comme toute entité organisée ayant pour
objet de produire des biens et services économiques
3
Hypothèses
Les auteurs pensent que ces deux perspectives sont dans le champ du possible mais que
rien n’est écrit et tout est à construire.
Leur démarche dans cet ouvrage consiste à nous éclairer sur la RSE en cherchant des
réponses approfondies à ces questions, en nous proposant une présentation critique des
dispositifs, de plus en plus nombreux, élaborés pour permettre à l'entreprise de se
justifier.
Démonstration
Les auteurs s’attachent à décrire et à discuter le sens et les pratiques qui construisent la
responsabilité de l’entreprise contemporaine. Mythes et réalités de l’entreprise
responsable se construit en deux parties.
C’est l’objet de la seconde partie de l’ouvrage. Les auteurs exposent et s’interrogent tout
d’abord sur l’internalisation de la responsabilité sociétale dans le management
4
stratégique des entreprises. Ils en concluent notamment que les expérimentations, bien
réelles, restent encore ponctuelles et découplées de la gestion traditionnelle.
Le dernier chapitre est consacré à un autre élément clé : la publicisation des actions et
résultats des entreprises dans ce domaine. Ils présentent les dispositifs de notation et de
bilan sociétal.
Résumé de l’ouvrage
L’entreprise responsable est un concept des nations unies reconnaissant que « les
entreprises ont un rôle à jouer dans l’obtention d’un développement durable et qu’elles
peuvent gérer leurs opérations de manière à stimuler la croissance économique et
renforcer la compétitivité tout en garantissant la protection de l’environnement et en
promouvant la responsabilité sociale »1
La notion de responsabilité sociale s’est développée depuis les années 1990, dans un
contexte de mondialisation et de déréglementation de l’activité économique. Dans un
contexte ou du fait même de la mondialisation, l’état semble en recul, les entreprises se
trouvent bien souvent en première ligne face aux revendications citoyennes.
Le terme anglais « corporate governance » est apparu dans les années 1970 à la suite
d’une série de scandales, en particulier en Angleterre (affaires Maxwell, Poly Peck et
BCCI entre autres) et aux Etats Unis (« Savings & Loans »).
En France, la réflexion sur la gouvernance d’entreprise s’est répandue dans les années
1990 consécutivement à certaines affaires dans les secteurs de la banque et de
l’assurance. Elle a conduit à la rédaction de rapports ou de documents de référence qui
1 Glossaire du livre vert de l’union européenne, commission des communautés européennes, promouvoir un cadre
européen pour la responsabilité sociale des entreprises, Bruxelles, juillet 2001.
5
constituent les fondements de la pratique.
Samuel Mercier les définit de la façon suivante : « Tout groupe ou individu qui peut
affecter ou être affecté par la réalisation des objectifs de l’entreprise »2. Des pouvoirs
nouveaux émanant de groupes économiques (ou non économiques) demandent aux
entreprises de prendre en considération les effets que leurs activités et leurs décisions
provoquent sur elles ou sur l’ensemble de la société. Plusieurs facteurs ont contribué à
alimenter cette réflexion sur la responsabilité sociale de l’entreprise et notamment :
- le respect des droits humains
- l’intrusion de la question sociale dans les rapports commerciaux internationaux
afin de réguler le marché
- La notion de développement durable défini comme un développement « qui
répond aux besoins du présent sans compromettre les capacités des générations
futures à répondre aux leurs ».
A noter l’ambiguïté du terme, la traduction française hésite entre développement durable
et développement soutenable.
Par ailleurs les organisations ont de nouvelles contraintes.
En effet elles sont en pleine mutation ce qui entraîne une détermination imprécise du
périmètre des firmes et une plus grande perméabilité entre la firme et son
environnement sociétal.
Le développement des firmes en réseaux modifie également le mode d’organisation du
fait d’une relation plus étroite avec certaines parties prenantes. Les centres de
responsabilité sont diffus mais se retrouvent partout par les multiples liens tissés avec
une multitude d’autres acteurs économiques. Certains considèrent que la grande
entreprise souffre d’hypertélie c'est-à-dire que son développement exagéré constitue
une gêne pour elle-même.
D’autre part, les milieux d’affaires s’interrogent sur l’éthique. Certains mettent l’accent
sur la perte de sens de l’action collective et sur le déficit de valeurs dans la société. Le
but de l’entreprise ne serait pas réduit à sa production de valeurs pour ses propriétaires,
Les autorités publiques s’engagent également dans des dispositifs intégrant les
préoccupations de développement durable tel que :
- « Global Compact » (pacte mondial) lancé en 1999, il associe les nations unies,
des ONG et des multinationales et s’engage à respecter les droits humains
fondamentaux, les conventions de l’OIT et l’environnement ;
- guide publié par l’OIT en 2002. Rappelons à ce propos que l’Organisation
internationale du travail a été créée en 1919 par le traité de Versailles afin de
promouvoir la justice sociale par l’amélioration des conditions de vie et de travail
dans le monde, elle est devenue une institution spécialisée de l’ONU en 1946, elle
élabore, développe et promeut de manière globale un système de normes
internationales du travail (la liberté syndicale et le droit d’organisation, l’abolition
du travail forcé, les discriminations au travail et l’égalité de rémunération,
l’élimination du travail des enfants…)
- l’OCDE en révisant ses principes directeurs à l’intention des entreprises
multinationales en 2000 ; ses principes concernent des domaines tels que : la
bonne gouvernance et la transparence financière, le respect des droits humains et
des normes de travail, les conséquences de l’activité sur l’environnement, la lutte
contre la corruption, les transferts de savoir faire et de technologies, l’adoption de
bonnes pratiques concurrentielles et le respect de la législation fiscale. Ces grands
principes non contraignants visent à fournir un cadre favorable au développement
d’une économie responsable dans le contexte de la mondialisation.
- l’union européenne avec la publication en 2001 d’un Livre vert qui a pour but de
« promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises »3
Les collectivités territoriales sont des acteurs importants dans la mise en œuvre du
développement durable à travers la réalisation des objectifs de Rio, connus sous le nom
d’Agenda 21 avec son chapitre 284 sur les initiatives des collectivités locales.
Nous le voyons, la préoccupation de la responsabilité sociale des firmes est partagée par
toutes les catégories d’acteurs de la vie économique et sociale.
4 Chapitre 28 de l’Agenda 21
7
Hors de l’entreprise les ONG, les syndicats de salariés et les organisations de
consommateurs notamment exercent des pressions constantes qui provoquent des
réactions des entreprises.
D’une part, Les ONG et les associations se manifestent de plus en plus souvent auprès
des entreprises et dénoncent les effets de la mondialisation libérale dans les domaines
sociaux et environnementaux. Leur action peut être directe (pression ou dialogue),
indirecte (campagne de dénonciation, incitation au boycott ou à l’achat). Certaines
organisations deviennent des partenaires des firmes. L’objectif des entreprises qui
s’engagent dans des démarches de dialogue ou de partenariat avec les ONG est de
bénéficier d’un avantage compétitif en obtenant une sorte de valorisation tacite de la
part d’organisations connues pour la défense de l’environnement ou des droits humains.
Pour certains il y a un risque d’instrumentalisation des Ong par les entreprises et
notamment lorsque celles-ci acceptent des financements d’entreprises.
D’autre part, la responsabilité sociale fait partie du champ de préoccupations des
syndicats de salariés. La mondialisation a entraîné une diminution du rôle des
institutions nationales et un glissement vers l’échelon mondial s’est opéré sans qu’un
cadre international soit institué qui traiterait des questions de justice et d’équité. On
trouve cependant des accords-cadres mondiaux qui traitent des questions suivantes :
Droits syndicaux, droit à la négociation collective, accès à l’information et la
consultation, égalité des chances, santé et sécurité, salaire minimum et interdiction du
travail des enfants et du travail forcé.5
En Europe et en France, le mouvement syndical craint que la RSE se substitue à la
réglementation avec l’émergence d’une « soft law » faite de normes peu contraignantes
qui risquerait de remplacer le cadre légal et conventionnel.
Enfin, les relations entre consommateurs et entreprises sont marquées par une
recherche d’influence réciproque.
« En Europe, 75 % des consommateurs se disent prêts à modifier leur choix de
consommation en fonction de critères sociaux ou environnementaux mais les mêmes
études révèlent qu’à peine 3 % d’entre eux passent réellement à l’acte »6.
Les consommateurs disposent de plusieurs leviers d’action :
- Orienter sa consommation vers des produits ou des entreprises responsables
5 « les accords mondiaux sur les droits des travailleurs : cadre de référence » travail, N°45 décembre 2002
« La manière dont nous investissons crée le monde dans lequel nous vivons »
7Les acteurs du commerce équitable sont regroupés en fédérations internationales : (IFTA) Fédération internationale pour
un commerce alternatif.
9
Ce constat d’Amy Domini, l’une des pionnières de l’Investissement Socialement
Responsable (ISR), en explicite le principe fondateur : parce que les investisseurs ont de
fait le pouvoir de façonner le monde dans lequel nous vivons, ils ont aussi le devoir de
prendre en compte, dans leurs décisions, les impacts sociaux et environnementaux de
leurs investissements.
• « l’activisme actionnarial » consiste à utiliser les droits de vote liés aux actions, et à
présenter des résolutions afin d’influencer le comportement des entreprises, et de les
rendre plus “responsables” à leurs yeux.
8 www.orse.org
10
Le pouvoir des actionnaires en terme financier reste modeste mais leur présence
médiatique est beaucoup plus importante. Un des enjeux de l’intervention des
actionnaires « éthiques » ou « citoyens » est l’image ou la réputation de l’entreprise
auprès des autres parties prenantes. En cela, l’actionnaire socialement responsable
commence à détenir un pouvoir économique réel sur le capital réputation
D’autre part la loi du 17 juillet 2001 créant le fond de réserve des retraites devrait
renforcer les montants placés dans l’ISR. En effet l’objectif de long terme correspond
bien aux valeurs du développement durable. Le rôle des investisseurs institutionnels
s’accroît et la prise en compte de critères extra financiers dans la sélection des titres
d’un portefeuille se développe également.
Les auteurs distinguent les parties prenantes primaires et secondaires. Yvon PESQUEUX
nous propose
« - les parties prenantes contractuelles qui concernent les acteurs en relation directe et
déterminée contractuellement, comme son nom l’indique, avec l’entreprise ;
- Les parties prenantes diffuses qui sont les acteurs situés autour de l’entreprise envers
lesquels l’action de cette entreprise se trouve impacter mais sans pour autant se trouver
en lien contractuel. »
Une question subsiste : « Mais qu’en est-il des parties «qui ne prennent pas »10
▪ Certains courants « business ethics », « business and sociéty (ou courant contractuel-
sociétal) » et le courant du Social Issue Management (ou courant utilitaire stratégique) »
partagent l’idée « que ce qui est bon pour l’entreprise est bon pour la société ».
Archie B. Caroll est un des auteurs les plus connus de ces courant qui fait référence dans
le monde anglo-saxon. Il a classe la responsabilité selon sa nature :
- 1er niveau : les responsabilités économiques
- 2ème niveau : les responsabilités légales
- 3ème niveau : les responsabilités éthiques
- 4ème niveau : les responsabilités philanthropiques
Chacun de ces niveaux dépend de celui qui le précède. Ce découpage ne rend pas
compte de la complexité de l’exercice de la RSE.
Les auteurs constatent que l’approche de la RSE par les théories libérales et les théories
des parties prenantes suppose d’obtenir une convergence entre les attentes des
différents acteurs ce qui n’est pas toujours possible. L’entreprise ne peut être isolée de
la société dans laquelle elle se trouve et ce sont les théories sociologiques de
Face aux contraintes institutionnelles, les entreprises vont adopter des comportements
différents : conformité totale ou partielle, évitement ou bien manipulation.
On peut parler de représentation symbolique des décisions de l’organisation qui cherche
une légitimité dans un environnement institutionnalisé et ceux malgré des attentes
contradictoires des différents groupes sociaux.
Ces approches théoriques permettent de comprendre les raisons pour lesquelles les
entreprises doivent intégrer la RSE dans leur stratégie et mettre en œuvre des dispositifs
adéquats.
« • Environnemental
Compatibilité entre l’activité de l’entreprise et le maintien des écosystèmes. Il comprend
13
une analyse des impacts de l’entreprise et de ses produits en termes de consommation
de ressources, production de déchets, émissions polluantes…
• Social
Conséquences sociales de l’activité de l’entreprise pour l’ensemble de ses parties
prenantes : employés (conditions de travail, niveau de rémunération, non-
discrimination…), fournisseurs, clients (sécurité et impacts psychologiques des produits),
communautés locales (nuisances, respect des cultures) et la société en général.
• Economique
Performance financière “classique“, mais aussi capacité à contribuer au développement
économique de la zone d’implantation de l’entreprise et à celui de ces parties prenantes,
respect des principes de saine concurrence (absence de corruption, d’entente, de
position dominante…). »11
Nous avons abordé dans la première partie quels étaient les enjeux et les acteurs de la
RSE, la deuxième partie du livre aura pour fil conducteur la mise en œuvre des
dispositifs et les pratiques d’entreprise.
11 www.orse.org
De fait quelque soit le degré d’intégration des objectifs sociétaux dans les stratégies
économiques de l’entreprise, celle-ci doit se doter de système de pilotage. Le
management de la RSE pose un double défi. Celui des outils qui restent à construire et
leur mise en œuvre qui doit se faire par des acteurs souvent focalisés par la performance
financière.
La réflexion stratégique peut s’orienter vers une approche intégrant le capital humain et
le capital structurel comme facteurs de création de valeur.
Les expériences de pilotage d’une performance globale orientée vers le capital
intellectuel et les relations avec les parties prenantes démontrent la possibilité
d’instrumenter une stratégie « triple bottom line ».
La mesure de la performance globale de l’organisation, dans l’état actuel, n’existe pas. Il
existe bien une multitude de systèmes de suivi et de reporting mais il est difficile de les
faire converger et les rendre opérant.
L’engagement de certaines entreprises se traduit notamment par la création d’une
fonction « développement durable » assurée par une personne ou par un comité mais
quel est son rôle et son influence ?. L’engagement peut se traduire également par la
mise en place de procédures et structures qui permet un contrôle organisationnel au
service du pilotage de la performance sociétale.
15
développés en interne, d’autre propose des lignes directrices pour aider les entreprises
dans leur mise en œuvre de la RSE.
Les principaux dispositifs de management sont très normatifs et présentent « the one
best way ». En cela il représente des modèles de contrôle administratifs et
bureaucratiques privilégiant une standardisation des processus. Le contrôle peut se
substituer au pilotage
Tous les modèles normalisés reposent sur « l’approche cybernétique classique de la roue
de Deming » : Intention – planification – mise en œuvre, vérification, révision et
amélioration continue.
Les référentiels de management s’articulent autours :
- du leadership avec un engagement fort de la direction
- la planification
- la mise en œuvre
- le suivi des résultats
16
Il existe également des dispositifs d’aide au diagnostic des performances sociétales qui
permettent aux dirigeants de disposer d’un état des lieux de la responsabilité de leur
entreprise.
- démarche du bilan sociétal qui a été conçu en 1990 par le CJDES (Centre des
jeunes dirigeants et acteurs de l’économie sociale) dans une perspective de
développement durable
C’est un outil d’aide à la décision et à la concertation qui emprunte le modèle du
bilan social en y ajoutant une liste d’indicateurs sur les rapports à
l’environnement physique, humain et social. Il en ressort un profil sociétal global
de l’organisme et une analyse par critère qui est présenté au dirigeant et qui lui
permet d’avoir une image de son organisation.
Le bilan sociétal a été expérimenté par d’autres organisations ne relevant pas du
secteur de l’économie sociale et ce dans différents pays européens.
- la SME Key qui concerne l’évaluation des PME. C’est un instrument destiné à aider
les PME à accéder à une gestion socialement responsable. Concrètement, la SME
Key est un outil d’aide en ligne destiné à mesurer et constater les actions
réalisées en matière de responsabilité sociale. Il est très proche du référentiel du
bilan sociétal et se compose d’environ 270 questions. Il est en cours de test dans
5 pays européens depuis 2002.
- l’indice social danois (social danish index) : son but est d’évaluer le degré auquel
une entreprise se montre à la hauteur de ses responsabilités sociales. Il s’agit
d’une notation globale sur 22 thèmes dans les champs des ressources humaines
et l’ouverture de l’entreprise sur l’extérieur. Il permet de déceler les points à
améliorer et suivre son évolution
Parmi les démarches volontaires des entreprises pour construire leur crédibilité,
certaine font de la prévention en adoptant des codes de conduite parfois appelés
« chartes éthiques » mais leur prolifération a nuit à leur crédibilité et beaucoup de codes
ne comportent que des principes généraux qui ne permettent pas une mise en œuvre
17
effective des dispositifs de RSE. L’OCDE et l’OIT soulignent le manque de transparence
des codes de conduite.
Parmi les dispositifs, on trouve également les labels sociaux. Un label est destiné à
certifier qu’un produit ou un service est conforme à des caractéristiques décrites dans un
référentiel et fait l’objet de contrôles. Il existe peu de labels sociaux, mais beaucoup de
labels environnementaux. On parle alors d’écolabels.
Les labels viennent principalement de la société civile alors que les certifications sont
issues des milieux économiques. Encore une fois le foisonnement de labels souvent
auto-déclarés nuit à leur efficacité et introduit une source de confusion
La Belgique a adopté le premier label social en 2002 qui assure au consommateur que
l’entreprise productrice a respecté les conventions de base de l’OIT qui portent sur la
liberté syndicale, l’interdiction du travail forcé, la lutte contre les discriminations et le
travail des enfants.
La régulation sociale internationale est un enjeu qui entraîne une course de vitesse entre
les prétendants à la normalisation pour développer et imposer leur propre référentiel.
On distingue la régulation volontaire, autorégulation de la part des entreprises et une
régulation plus contraignante souvent demandée par les ONG, voire les syndicats.
18
L’objectif est d’élaborer une norme de responsabilité sociale de l’entreprise en vue de la
protection des consommateurs dans un marché globalisé.
L’analyse des pratiques de reporting peut se faire selon plusieurs axes : contenu (qualité
des informations), destinataires, forme, fiabilité (quels indicateurs ?).
La proportion d’entreprises multinationales publiant un rapport sociétal a cru de 35 % à
45 % entre 1998 et 2001.
On constate que les contenus des rapports publiés restent pour l’essentiel déclaratifs. Ils
évitent de présenter les points faibles et occultent les problèmes. Par ailleurs, il est
difficile d’établir des comparaisons sur plusieurs années.
On peut s’interroger alors sur les enjeux théoriques de leur publication :
19
- il peut s’agir soit de contrôler les dirigeants en les incitant à plus de transparence.
C’est une approche qui met en avant la « théorie de l’agence ».
« une relation d’agence est un contrat par lequel une ou plusieurs personnes (le
principal ou les principaux) engagent une autre personne (l’agent) pour accomplir
une action en leur nom, ce qui implique la délégation à l’agent d’un certain pouvoir
décisionnel »13
- soit la publication d’informations environnementales et sociétales est une stratégie
pour défendre la légitimité de l’entreprise quand elle fait face à une crise ou
améliorer sa réputation.
Le reporting comme dispositif de la RSE présente des avantages mais a des limites
notamment en matière de coûts générés par sa mise en place, la définition de son
périmètre d’action.
Rendre compte de façon stable et comparable d’une firme à l’autre des pratiques en
matière sociale et environnementale est crucial pour les progrès de la RSE.
Afin que les notations sociales et environnementales des entreprises aient de la valeur et
par voie de conséquence que l’investissement socialement responsable ait des
fondements sérieux, il faut des règles précises de reporting.
De nombreux organismes proposent actuellement de tels référentiels. C’est notamment
le cas de la « Global Reporting Initiative » (GRI) qui tente une normalisation du
reporting social. Lancé en 1997, cette organisation est basée à Amsterdam et comprend
des entreprises, des ONG, des cabinets de consultants, des universités ainsi que le
Programme des Nations Unies pour l’environnement (Pnue). Elle compte environ 5 000
membres qui édictent et mettent à jour des lignes directrices pour les entreprises qui
veulent se lancer dans la rédaction d’un rapport sur les dimensions économiques,
sociales et environnementales de leurs activités. La dynamique de la GRI repose sur le
processus de consultation de toutes les parties prenantes : défenseurs des droits de
l’homme, professionnels de la comptabilité, administrations publiques, entreprises,
syndicats, organisations multilatérales ou organisme de défense de l’environnement…
Ses travaux ont abouti à la rédaction d’un guide regroupant les principales règles à
respecter en matière de reporting de la RSE. La GRI a recensé onze grands impératifs,
regroupés en quatre catégories : les principes concernant le processus de rédaction du
rapport ; ceux ayant trait au périmètre du rapport (exhaustivité, pertinence) ; ceux
garantissant la fiabilité des données ; les derniers assurant l’accès au rapport. Ce guide
est devenu depuis 1997 un des principaux standard internationaux en matière de
reporting de développement durable.
13 M.C Jensen et W.C Meckling, op.cit, p :313 dans organisation modèles et représentation – Yvon Pesqueux .
20
Il comporte cependant de nombreuses limites. Son contenu n’est pas réellement
normalisé en raison de l’intervention des parties prenantes dans la définition des
indicateurs qui devraient y figurer. D’autre part l’objectif de comparabilité est fortement
remis en cause.
Au niveau technique le GRI propose une normalisation a minima et dont le rôle est
ambigu. L’organisation de la GRI déploie de grands efforts de publicité pour s’auto
affirmer et s’auto légitimer.
Dans le domaine de la RSE, le texte le plus emblématique en France est la loi sur les
nouvelles règlementations économiques (NRE) de mai 2001 et son décret d’application
de février 2002.
Cette loi impose aux entreprises cotées de droit français (au nombre d’environ 700) de
fournir des informations sociales et environnementales dans leur rapport annuel. Les
renseignements fournis vont des émissions de gaz à effet de serre à l’égalité
professionnelle entre homme et femme, en passant par l’insertion des personnes
handicapées.
La seule contrainte induite par ce dispositif est la collecte d’information et la rédaction du
rapport. La loi n’impose pas de sanction.
Malgré les progrès réalisés par l’application de la loi, les champs couverts par le
reporting varient d’une entreprise à l’autre, la qualité de la couverture des différents
sujets (environnement, social, gouvernance, relations avec les parties prenantes) est
très disparate.
Globalement les typologies en matière de reporting NRE renvoient aux diverses
stratégies de responsabilité sociétale (de la conformité à l’évitement).
Par ailleurs pour assurer la crédibilité des reporting sociaux, il est indispensable qu’ils
soient audités. La question est alors posée sur la méthode utilisée, l’indépendance des
auditeurs et leurs compétences.
Enfin parmi les acteurs de la RSE, nous trouvons les agences de notation qui évaluent
les politiques RSE des entreprises pour les investisseurs institutionnels.
La notation sociétale est souvent présentée comme l’équivalent de la notation financière.
Créé récemment, les plus anciennes n’ont qu’une dizaine d’années, les agences de
notation sociale et environnementale produisent des analyses et attribuent des notes qui
sont vendues aux investisseurs. Elles leur servent à composer des fonds dits de
développement durable ou socialement responsables. Ces agences travaillent à partir
des documents publics, de questionnaires spécifiques et de rencontres avec des
responsables d’entreprise.
Pour l’instant chaque grand pays européen dispose d’une voire de 2 agences de ce type :
SAM en suisse, Avanzi en Italie, EIRIS au Royaume-Uni… En France c’est l’agence
21
VIGEO, présidée par Nicole NOTAT ancienne secrétaire générale de la CFDT qui est la
plus importante. La fusion de l’agence belge Ethibel avec Vigéo annoncée en juin 2005
marque probablement le début d’un mouvement d’internationalisation de cette activité.
L’exercice de la notation reste cependant une mission difficile car elle donne une réponse
unique (la note) à une multiplicité de question en fonction d’une multiplicité de critères,
mais elle sort de l’exercice symbolique pour se professionnaliser.
Le système de notation ne pourra être crédible que si il repose sur des informations
qualitatives et fiables produites et diffusées par les entreprises.
Principales conclusions
Nous l’avons vu que ce soit par conviction ou par nécessité de plus en plus d’entreprises
sont amenées à s’interroger voire à s’engager sur le terrain de la RSE.
Le paysage de la RSE quant à lui s’est complexifié. A côté des acteurs historiques de la
régulation sociale tels que les syndicats, une foule d’acteurs nouveaux est apparue. Des
normes, des référentiels divers et variés ont été construits. On s’est mis à noter les
entreprises sur le plan social et environnemental. Des accords de RSE ont été négociés
dans les grandes entreprises alors que certaines entreprises continuent d’aborder la
question de la RSE sous l’angle du marketing.
Discussion et critiques
Les auteurs présentent une vision équilibrée de la responsabilité sociale des entreprises..
Ils donnent à la fois un éclairage approfondi sur la RSE au regard de la théorie des
firmes et une description de l’état actuel des pratiques : reporting, codes de conduite,
investissement socialement responsable, etc. On y trouve de nombreux exemples et
beaucoup d’informations précises présentées sous une forme très pédagogique. Cela
nous permet de saisir l’émergence et les principales caractéristiques de cette démarche
dans l’évolution de notre système économique.
Par ailleurs, le tableau ci-après extrait du livre p : 156 et 157 me semble très
intéressant car il présente de façon synthétique les attentes des parties prenantes. Il
permet de nous éclairer sur la problématique de la convergence de ces attentes. Il est
22
important de rappeler qu’une réelle concertation est nécessaire entre les parties
intéressées afin de mettre en œuvre la RSE.
23
Sous traitants Rémunération Définition claire des Formalisation des
équitable information exigences exigences en matières
des perspectives de environnementales sur de conditions de
développement et de les produits et sur les production et des
la pérennité de la processus modes de contrôle et
collaboration d’audit
Enfin, on peut souligner que les PME sont pour l’instant peu impliquées dans la RSE
même si elles commencent à améliorer leurs pratiques sociales et environnementales et
notamment du fait de la pression exercée par les grandes entreprises (les donneurs
d’ordre).
Mais les PME ont peu de moyens humains et financiers pour évaluer leur RSE et mettre
en œuvre les bonnes pratiques. Elles ont donc besoin d’outils spécifiques, adaptés à
leurs contraintes de tailles et de moyens.
Actualité de la question
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Comme nous l’avons vu tout au long de notre exposé, les entreprises sont de plus en
plus aux prises avec des acteurs qui leur demandent des comptes sur leurs pratiques. En
France on assiste à l’apparition d’un concept américain la « class action », il s’agit d’un
procès collectif, intenté pour le compte de plusieurs personnes ayant subi des préjudices
du même type, causés par le même auteur et dont l’origine est commune. L’objectif est
d’obtenir un débat public et des dommages et intérêts les plus importants possibles. Au-
delà du montant des indemnités à verser, les entreprises connaissent des problèmes
d’image et de réputation. Lors de la présentation de son « projet pour l’avenir », début
2005, Jacques Chirac a proposé l'adoption prochaine d'une loi pour permettre aux
consommateurs d'intenter des actions collectives contre les pratiques abusives
observées sur certains marchés.
Par ailleurs on peut constater que des entreprises mettent actuellement en place des
dispositifs de recueil d’alerte éthique : le « whistleblowing » (donneur d’alerte) ce
dispositif existe déjà aux états unis. Cette procédure d’alerte est utilisée par les salariés
qui constateraient que leur entreprise a franchi la ligne rouge ou/et qui seraient
confrontés à des situations mettant en jeu leur responsabilité personnelle, sans passer
par les voies hiérarchiques classiques et en préservant leur anonymat.
La démarche demande assurément à être encadrée, pour éviter les abus qui pourraient
venir tant des directions que des salariés ; elle n’en constitue pas moins un instrument
utile dans l’arsenal juridique de la prévention des risques
Nous pouvons par ailleurs rappeler ce que nous entendons par responsabilité. « Dans
son acception juridique, la responsabilité se subdivise en responsabilité civile
(obligation de réparer les dommages commis) et responsabilité pénale (situation dans
laquelle on est sujet à une peine en raison d’une infraction). Dans son acception morale,
la notion apparaît dans les discussions sur la liberté, désignant la situation d’un agent
conscient et libre eu égard aux conséquences que son choix a causées et qu’il était en
mesure de prévoir. »14
La Responsabilité sociale de l’entreprise est bien une réalité avec des pratiques concrètes
en terme de management et un environnement juridique, politique et social qui
contrôlent ces pratiques. Elle repose sur un engagement volontaire qui ne peut
cependant se passer d’un cadre réglementaire. Elle introduit de nouveaux enjeux au sein
de l’entreprise mais aussi des valeurs (humaines, sociales, morales) et oblige à repenser
l’économique, le social et le politique. Nous assistons à une prise de conscience
individuelle des intérêts collectifs et pouvons conclure que le changement est amorcé
mais qu’il reste encore beaucoup à construire.
• www.orse.org
• hwww.alternative-economiques.fr
• www.responsabilitesocialedescadres.org
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