DIP. MR Ayie-1-1
DIP. MR Ayie-1-1
DIP. MR Ayie-1-1
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FACULTES DE DROIT ET DES SCIENCES ECONOMIQUES
FACULTES UNIVERSITAIRES PRIVEES D’ABIDJAN
FACULTE DE DROIT
(FUPA)
COURS DE DROIT
INTERNATIONAL PRIVE
Alexandre A. AYIE
Le droit International privé peut être défini comme étant l’ensemble des règles régissant
les rapports privés internationaux dans lesquels intervient un élément d’extranéité.
A la différence du droit interne qui appréhende la société et les rapports qui s’y
établissent dans le cadre juridique d’un Etat, le droit international privé envisage, pour les
régir, les relations qui se nouent ou se développent au-delà des frontières des Etats.
De cette définition, il résulte que le droit international privé est un droit applicable aux
personnes privées impliquées dans des relations juridiques internationales.
Le Tribunal Ivoirien est-il compétent pour connaître de tout litige, notamment celui qui
s’élève entre étrangers sur le sol ivoirien ? Une deuxième question est relative à
l’accueil des décisions de justice étrangères dans l’ordre juridique interne. Quel effet
reconnaître aux décisions rendues par les tribunaux étrangers, entre ivoiriens ou
étrangers ou entre un ivoirien et un étranger ? Le problème général dont cette question
est une illustration constitue celui de la compétence des tribunaux Ivoiriens dans les
litiges internationaux. L’ensemble formé par ces problèmes, en raison de l’aspect
judiciaire qui les caractérise tous, constitue les conflits de juridictions.
On dit qu’il y a conflits de lois, lorsque les différents éléments d’une situation
juridique déterminée se situent dans des Etats souverains différents, en sorte que
plusieurs lois se trouvent avoir vocation à la régir. La question se pose alors de
savoir comment choisir entre elles.
Il existe un ensemble de règles qui tendent à les résoudre : ce sont les règles de conflits.
Mais ces questions se posent par ce que sur le plan international, il y une disparité entre
les solutions adoptées d’un pays à l’autre sur les relations privées qui se nouent. Ces
disparités proviennent essentiellement de la multiplicité des Etats et des statuts que
chacun d’eux attribue à leurs nationaux. La nationalité est donc la source des conflits de
lois et de juridictions. En effet, la loi applicable, l’effet des jugements étrangers, la
compétence des tribunaux Ivoiriens et le statut juridique des citoyens dépendent, à des
degrés divers, de la nationalité des intéressés.
La qualité d’étranger entraîne toujours, par rapport aux nationaux, quelques infériorités
juridiques dont le régime constitue la condition des étrangers.
Le droit international privé regroupe donc, en raison de leur interdépendance, ces quatre
corps de règles qui déterminent d’une part la nationalité, la condition des étrangers, les
solutions aux conflits de lois et de juridictions.
Compte tenu de ses composantes de nature diverse, le droit international privé forme un
ensemble hétérogène, ayant à la fois des sources internes, des sources internationales
et aussi des sources provenant de la pratique.
Les sources du droit international privé en ce domaine ont connu, une importante
évolution. Il existe sur ce point, une différence très importante entre le droit international
privé et le droit international public. Ce dernier est international non seulement par son
objet, mais aussi par ses sources. Au contraire, en droit international privé, les conflits de
lois sont bien un problème international (à la différence de la nationalité et de la condition
des étrangers), mais les règles qui permettent de les résoudre ont un caractère national.
Chaque Etat a ses propres règles de conflits, et c’est pourquoi il n’est pas contradictoire
de parler du droit international privé ivoirien.
Le Code Civil ne contient sur la matière que quelques textes très rares et dispersés. Le
principal est l’article 3, qui énonce trois règles de conflits de lois : 1°les lois de
police et de sûreté sont d’application territoriale, 2° les immeubles sont régis par
la loi de leur lieu de situation, et 3° l’état et la capacité des personnes sont régis
par leur loi nationale.
En ce qui concerne les conflits de juridictions, les textes essentiels se réduisent aux
seuls articles 14 et 15 du Code Civil.
Les règles régissant la nationalité ont leur source dans la loi n° 61-415 du 14 décembre
1961 portant code de la nationalité, modifiée par la loi n° 72-852 du 21 décembre 1972
et par celle du 23 août 2013.
A côté des sources internes, il existe dans certains domaines, des conventions
internationales applicables aux problèmes de droit international privé. Mais ces sources
jouent un rôle assez limité.
Les traités sont souvent restreints à des domaines précis et ne traitent pas du droit en
général. Parmi ceux-ci, il convient de distinguer les conventions bilatérales des
conventions multilatérales.
Les conventions bilatérales ont une portée limitée et ne sont en général pas
créatrice de droit. Elles ne font que régler les éventuelles incompatibilités entre les
droits internes des deux Etats signataires mais le plus souvent, elles n’ajoutent ni
n’enlèvent rien à ces droits. Exemple la convention ivoiro-française du 8 octobre 1976
sur la circulation des personnes entre la Côte d’Ivoire et la France.
Quant aux conventions multilatérales, elles ont parfois pour but de remplacer le
contenu des droits internes en créant des nouvelles règles de droit. Toutefois, le
plus souvent, elles complètent les droits nationaux en les harmonisant. Exemple, le
traité CEDEAO du 28 mai 1975, le traité OHADA qui a abouti depuis le 1er janvier 1998 à
l’unification du droit des affaires dans les Etats de la Zone franc.
A côté des sources internes et internationales, il existe une source du droit international
tirée de la pratique, appelée ‘’lex mercatoria’’.
Mais la pratique a dégagé, parmi les règles de la lex mercatoria, trois terrains privilégiés
à savoir, les incoterms, les règles et usances uniformes du crédit documentaire et les
règlements d’arbitrage.
Les incoterms sont des termes présentés sous forme d’initiales dans les contrats.
Ils ont pour objet l’organisation précise du transfert des risques entre vendeur et
acheteur et la répartition entre eux du coût du transport et des formalités
administratives (douane notamment).
Le droit ivoirien contient des solutions aux problèmes des conflits de juridictions. Mais il
faut souligner l’importance en cette matière des conventions internationales. La Côte
d’Ivoire a passé avec de nombreux Etats des conventions bilatérales sur l’efficacité
internationale des jugements. Enfin, certaines conventions de la Conférence de la Haye
portent sur des questions des conflits de juridictions. C’est le cas par exemple de la
convention du 2 octobre 1973 concernant la reconnaissance et l’exécution des décisions
relatives aux obligations alimentaires.
- Quel est l’Etat dont les juridictions sont compétentes ? C’est la compétence
internationale.
- Quelle est, parmi les juridictions de cet Etat, celle qui est compétente rationae materiae
et rationae loci ? C’est la compétence interne.
Les règles de compétence internationale devraient être déterminées comme les règles
de compétence interne, en fonction de la nature des affaires ou subsidiairement en
fonction de la commodité des plaideurs, en tenant compte seulement de leur position
respective dans le procès.
En droit international privé, il n’en est pas ainsi. Les deux seuls textes législatifs qui
existent sur la question, les articles 14 et 15 du Code Civil, se fondent exclusivement sur
la nationalité ivoirienne des plaideurs et attribuent compétence aux tribunaux ivoiriens
sur tous les litiges dans lesquels un ivoirien est demandeur ou défendeur.
Pris à la lettre, les articles 14 et 15 ne visent que les actions en exécution d’une
obligation contractuelle (Jacqueline Oble-Lohouès : Observations sur l’arrêt rendu par la
Cour d’Appel d’Abidjan Chambre Sociale le 18 janvier 1985, à propos de l’affaire Air-
Afrique, Etudes & Documents du CIREJ, 1987, n° 2 p. 135). Mais, la jurisprudence a
considéré que la compétence des tribunaux ivoiriens étant attachée à la qualité
d’ivoirien, il n’y a pas à distinguer selon la matière en jeu, et elle attribue à ces textes une
portée générale (C.S. 7 juillet 1981 RID 1982 – 1983 n°1, 2, 3,4 p.82 ; C.A. Abidjan 13
juin 1980 RID 1982-1983 n°1, 2, 3,4. p. 78. Voir en France, 1ère Civ. 17 novembre 1981,
Bull.Civ.1981.1.n° 314).
On fait toutefois exception pour certains cas dans lesquels l’exécution du jugement se
déroulera nécessairement dans un pays étranger déterminé. Il est normal que la
compétence judiciaire revienne alors aux juridictions de ce pays, et les tribunaux
ivoiriens sont incompétents, même si le litige oppose seulement des ivoiriens. C’est le
cas notamment pour les actions délictuelles et réelles concernant un immeuble situé à
l’étranger.
Les articles 14 et 15 du Code Civil instituent au profit des plaideurs ivoiriens, un privilège
de juridiction. Peu importe la position de l’ivoirien dans le procès, qu’il soit demandeur ou
défendeur, il bénéficie du privilège de juridiction.
Cependant, ce privilège ne doit pas pouvoir jouer dès lors que l’ivoirien intervient
volontairement dans une instance liée à l’étranger entre deux étrangers. Il ne doit pas en
être de même lorsque l’ivoirien est assigné en intervention forcée à l’étranger. En effet, le
privilège de juridiction de l’ivoirien est fondé sur son droit absolu d’être jugé par les
juridictions ivoiriennes.
Le privilège de juridiction fondé sur les articles 14 et 15 du Code Civil revêt deux
caractères principaux.
1° Exclusif, c’est dire qu’il ne tolère aucune autre compétence étrangère. Dès lors
qu’un ivoirien est partie au procès international, aucune autre juridiction étrangère n’est
compétente.
Il faut réserver cependant les cas où la compétence ivoirienne n’est que facultative,
comme notamment en matière délictuelle ou réelle.
2° Facultatif, c’est dire que ce privilège n’est pas d’ordre public. Il est institué dans
l’intérêt privé des plaideurs ivoiriens. Dans ces conditions, ceux-ci peuvent y renoncer.
Les articles 14 et 15 reposant dans une large mesure sur l’intérêt particulier des
plaideurs, ils ont le caractère de privilège. Aussi, selon une jurisprudence constante, les
plaideurs ont la possibilité d’y renoncer.
La renonciation doit émaner de celui au profit de qui le privilège est institué. Dans le cas
de l’article 14 C. Civ, il n’y a pas de difficulté. Le privilège étant au profit de l’ivoirien
demandeur, c’est lui qui a donc qualité pour renoncer.
Dans le cas de l’article 15 C.Civ, tel que l’interprète la jurisprudence, la question est plus
complexe. La règle est prévue à la fois en faveur de l’étranger demandeur et de l’ivoirien
défendeur. Une renonciation unilatérale ne peut produire effet qu’à l’égard de son
auteur ; d’où les conséquences suivantes :
B – Forme de la renonciation.
La renonciation n’est soumise à aucune forme déterminée. Elle peut être expresse ou
tacite. Mais il faut qu’elle soit suffisamment certaine.
D’autre part on admet que le fait de plaider à l’étranger ne vaut pas renonciation, s’il
s’explique par une nécessité qui peut se produire surtout pour le défendeur, mais aussi
éventuellement, pour le demandeur, notamment en cas d’urgence.
S’il existe une règle de compétence interne applicable, elle doit évidemment être
appliquée. A défaut, le litige peut être porté devant le tribunal du domicile ou de la
résidence du défendeur (en supposant qu’ils ne soient pas en principe en l’espèce
attributifs de compétence).
Mais que décider si le défendeur n’a ni domicile ni résidence en Côte d’Ivoire ? Après
des hésitations, la jurisprudence s’est fixée sur la formule suivante : « le tribunal
compétent est celui qui correspond aux exigences d’une bonne administration de
la justice » (1ère Civ. 13 juin 1978, Bull.Civ.1978.1.177 n° 223, Rev.Crit.1978.722 note
Audit). Cela revient à dire que le demandeur a le choix de la juridiction, mais ce choix
n’est pas arbitraire. Non seulement il ne peut être frauduleux à l’encontre du défendeur,
mais il doit en outre pouvoir être justifié. La solution a l’avantage de la souplesse, mais
aussi l’inconvénient grave de l’imprécision.
On suppose que les articles 14 et 15 du Code Civil ne sont pas applicables, soit
parce que le litige s’élève entre étrangers, soit parce que le plaideur ivoirien a
renoncé au privilège de juridiction, soit parce que le litige est en matière réelle
immobilière. Quelles règles vont alors déterminer si les tribunaux ivoiriens sont
compétents ?
A défaut de règles particulières relatives à la compétence internationale, on transpose ici
les règles relatives à la compétence interne territoriale. La jurisprudence est constante
en ce sens (1ère Civ. 19 octobre 1959, deux arrêts, D.1960.37 note Holleaux,
Rev.Crit.1960.215 ; 1ère Civ. 3 décembre 1985, Bull.Civ.1985.1.295 n° 329). Ainsi, les
tribunaux ivoiriens sont compétents toutes les fois que l’élément de rattachement
retenu par les règles de compétence interne territoriale est situé en Côte d’Ivoire.
Cette compétence est exclusive s’il y a un élément de rattachement unique, ou
plusieurs éléments situés en Côte d’Ivoire. Ainsi la jurisprudence décide qu’en
matière de divorce, « la compétence territoriale est d’ordre public… ». (C.S. 7 juillet 1981
RID 1982-1983 n° 1,2,3,4, p. 82 ; C.A. Abidjan 14 novembre 1980 RID 1980 RID 1982-
1983 n° 1,2,3,4, p.79). De cette solution découle le rejet par les tribunaux ivoiriens de la
litispendance internationale (Serges Flores, Chronique de jurisprudence RID 1982-1983
p.78 et Suiv.).
Il faut distinguer entre les deux effets essentiels des jugements, à savoir l’autorité de la
chose jugée et la force exécutoire.
La force exécutoire est totalement exclue pour les décisions en matière pénale ou
fiscale, qui sont d’application strictement territoriale. Une condamnation pénale
étrangère ne peut être exécutée en Côte d’Ivoire. En matière pénale, la coopération
judiciaire internationale s’exerce seulement sous la forme de l’extradition. Mais
pour l’application de cette règle, il faut tenir compte de la nature de la décision et
non de la juridiction qui l’a prononcée. Ainsi une décision d’une juridiction
répressive étrangère prononçant, outre la sanction pénale, des dommages-
intérêts, peut être exécutée en Côte d’Ivoire pour les dommages et intérêts (Cf.
C.S. 1èr décembre 1992 arrêt n° 229, inédit).
C’est la conséquence d’un principe de droit international public, selon lequel le pouvoir
de coercition d’un Etat est limité à son propre territoire. La force publique locale ne
pouvant être mise en mouvement que sur l’ordre des pouvoirs publics, les actes
étrangers ne peuvent être exécutés en Côte d’Ivoire que s’ils ont été déclarés
exécutoires par un tribunal ivoirien.
Pour l’autorité de la chose jugée, l’exequatur est aussi nécessaire en principe. Mais la
règle est moins évidente, et elle n’a pas une portée générale.
L’idée s’est faite jour progressivement qu’un jugement étranger non revêtu de l’exequatur
a tout de même une certaine valeur juridique et peut produire certains effets
secondaires.
Dans les rapports de la Côte d’Ivoire avec de nombreux Etats, la question de l’exécution
des jugements étrangers a fait l’objet de conventions bilatérales et multilatérales. On
peut citer à cet égard, la convention ivoiro-française en matière de coopération judiciaire
du 24 avril 1961 et la convention générale de coopération en matière de justice du 12
septembre 1961, entre les pays membres de l’OCAM. Les dispositions de ces
conventions ont été reprises par les articles 345 et suivants du Code de Procédure Civile
et Commerciale qui fixent les conditions de l’exequatur.
Pour qu’une décision étrangère reçoive l’exequatur en Côte d’Ivoire, il faut qu’elle
apparaisse comme régulière au regard de la Côte d’Ivoire, ce qui suppose la réunion des
conditions énumérées par le code de procédure reprenant les termes de la convention
ivoiro-française du 24 octobre 1961, à savoir la compétence du juge étranger, la
régularité de la procédure suivie à l’étranger, la conformité à l’ordre public
international ivoirien, le caractère exécutoire de la décision étrangère et la
condition de réciprocité.
Il faut tout d’abord que le juge étranger qui a statué ait été compétent sur le plan de la
compétence internationale, ce qui suppose la réunion de certaines sous conditions.
Il faut en effet que le législateur ivoirien ne retienne pas la compétence pour ses
propres tribunaux. Si le litige était de la compétence des tribunaux ivoiriens, le tribunal
étranger était donc incompétent au regard des règles de compétence internationale de la
Côte d’Ivoire. Son jugement ne pourra pas recevoir l’exequatur.
Il faut ensuite que l’Etat dans lequel le jugement a été rendu retienne la
compétence pour ses propres tribunaux. Un juge ne peut en effet recevoir sa
compétence que des lois de son pays. A défaut de cette condition, on conférerait
l’exequatur en Côte d’Ivoire à des décisions qui n’auraient pas de valeur dans leur pays
d’origine.
Les dispositions de la loi du pays du juge étranger ne sont pas pour autant acceptées
sans réserve. On fait exception du cas où la loi de ce pays, attribuant la compétence à
ses propres tribunaux, ne repose sur aucun élément de rattachement sérieux, au regard
des conceptions ivoiriennes. La question s’est posée en matière de divorce, à propos de
certains Etats comme le Nevada, aux U.S.A. qui se sont fait une réputation touristique en
acceptant de divorcer tous ceux qui s’y présentent. Une telle compétence ne peut pas
être reconnue en Côte d’Ivoire et un jugement de divorce prononcé dans ces conditions
ne pourra pas recevoir l’exequatur.
Il faut enfin que le tribunal étranger ait compétence sur le plan de la compétence
interne, c’est-à-dire qu’il soit bien, parmi les tribunaux de l’Etat concerné, celui qui
devait être saisi. La question ne peut être appréciée que selon la loi de cet Etat.
Le jugement étranger doit être régulier en la forme. Il doit donc avoir été rendu
suivant une procédure régulière. Sur ce point, il faut appliquer la loi du for, c'est-à-
dire la loi du juge qui a statué, parce que la procédure est régie par la lex fori(la loi
applicable au lieu où se trouve installé le tribunal (for) devant lequel l'affaire a été
portée").
Un jugement étranger rendu au mépris de ces règles serait contraire à l’ordre public et
ne pourrait recevoir l’exequatur.
La décision dont l’exequatur est demandé doit être exécutoire dans le pays où elle
a été rendue. C’est dire qu’il doit s’agir de décision insusceptible de voies de
recours ou d’une décision passée en force d’une chose jugée en raison de
l’épuisement des délais pour agir.
Les tribunaux ont toujours exigé que, sur le fond, le jugement étranger
n’apparaisse pas contraire à l’ordre public en Côte d’Ivoire. Ainsi la règle est
généralement maintenue dans les traités sur l’effet des jugements étrangers.
Il s’agit de la notion de l’ordre public atténué, puisqu’il s’agit de donner effet en Côte
d’Ivoire à des droits acquis à l’étranger.
Il arrive que le contenu de l’ordre public se modifie à la suite d’une réforme législative
(par exemple en matière de divorce avec la loi du 2 avril 1998). Dans ce cas, on doit
apprécier la conformité à l’ordre public non pas au jour où le jugement étranger a
été rendu, mais au jour où l’exequatur en est demandé. C’est l’application de la
règle de l’actualité de l’ordre public.
E – La condition de réciprocité
Selon cette condition, les décisions rendues dans un pays étranger ne peuvent
recevoir l’exequatur que si, à titre de réciprocité, les décisions rendues en Côte
d’Ivoire, peuvent obtenir l’exequatur dans ce pays. En pratique, il s’agit des pays qui
entretiennent des relations de coopération judiciaire avec la Côte d’Ivoire.
Cette condition a reçu application dans une espèce où l’exequatur d’une décision rendue
en Grande Bretagne est demandé en Côte d’Ivoire. La juridiction présidentielle du
tribunal de première instance d’Abidjan a déclaré qu’aux termes de l’article 348 du
Code de Procédure Civile Commerciale et Administrative, outre les conditions
énumérées à l’article 347 C. P. Civ, les jugements rendus dans un pays étranger,
comme en l’espèce la Grande Bretagne, ne peuvent recevoir l’exequatur que si la
preuve est établie que les jugements rendus en Côte d’Ivoire peuvent obtenir
l’exequatur en Grande Bretagne ; qu’il s’ensuit que l’action tendant à obtenir
l’exécution en Côte d’Ivoire d’une décision rendue par la Haute Cour de Justice de
Grande Bretagne est irrecevable » (Prés.Tribunal Abidjan n° 651 du 27 déc. 1995).
A – La compétence judiciaire
B – La procédure
En principe, l’instance en exequatur est contradictoire. Le tribunal doit être saisi
par voie d’assignation et non de simple requête. C’est que l’exequatur n’est pas une
simple formalité. Le contrôle de la régularité de la décision étrangère présente des
difficultés qui justifient un débat contradictoire. Le défendeur assigné sera celui contre
lequel l’exécution doit s’effectuer.
Certains tribunaux admettent toutefois que, dans les causes purement gracieuses,
en l’absence de tout contradictoire même éventuel, le juge de l’exequatur peut être
saisi par voie de requête.
Cette jurisprudence avait été très contestée par les auteurs. Elle réduisait à presque rien
la valeur du jugement étranger, en contraignant celui qui l’avait obtenu à recommencer le
procès. Or, si l’on accepte de rendre exécutoire un jugement étranger sur le territoire
national, cela suppose que l’on accepte de faire confiance au juge étranger. C’est
pourquoi, la Cour de Cassation française a révisé sa position. Dans un premier temps,
elle a décidé que le juge de l’exequatur ne peut modifier la décision qui lui est soumise,
mais seulement accorder ou refuser l’exequatur. Mais à ce stade de l’évolution, le juge
de l’exequatur pouvait encore le refuser pour avoir mal jugé au fond (Req. 11 avril 1933
D.P. 1933.1.161 note Savatier, S. 1931. 1. 181)). Finalement, le pouvoir de révision a été
condamné (1ère Civ. 7 janvier 1964, J.C.P.1964.13590 note Ancel, Rev.crit.1964.344
note Batiffol, Jour.dr.int.1964.302 note Goldman). Il était déjà très généralement exclu
par les traités sur l’effet des jugements.
Un jugement non revêtu de l’exequatur n’est pas pour autant dépourvu de tout effet. Il
produire des effets limités, qui cependant ne peuvent être admis sans un minimum
contrôle de régularité.
Il faut envisager d’une part l’autorité de la chose jugée et d’autre part certains effets
secondaires.
En vertu d’une jurisprudence traditionnelle, l’autorité de la chose jugée est reconnue aux
jugements étrangers relatifs à l’état et à la capacité des personnes (Req. 3 mars 1930,
S.1930.1.377 note Niboyet, Journ.dr.int.pr.1930.981). Ces jugements produisent leurs
effets sur le territoire national sans exequatur, sauf s’ils doivent donner lieu à des actes
d’exécution matérielle sur les biens (par exemple pour le paiement d’une pension
alimentaire après divorce) ou de coercition sur les personnes (par exemple pour la garde
des enfants).
Il en résulte par exemple qu’un jugement de divorce prononcé à l’étranger permet, sans
exequatur, le remariage en Côte d’Ivoire et qu’une séparation de corps peut être
convertie en divorce sans exequatur.
La règle paraît se rattacher à l’autorité absolue de ces jugements. Les mêmes raisons
qui exigent sur le plan interne que ces jugements s’imposent à tous, exigent aussi qu’ils
soient reconnus hors de leur pays d’origine. La solution contraire conduirait à des
résultats absurdes : ainsi un étranger divorcé et remarié dans son pays devrait être en
Côte d’Ivoire considéré comme bigame. L’autorité absolue s’est imposée de façon
particulièrement impérieuse pour les jugements constitutifs d’état, mais on a été amené à
l’étendre aux jugements déclaratifs.
Un jugement étranger peut produire en Côte d’Ivoire certains effets secondaires qui ne
sont pas subordonnés à l’exequatur. Il peut constituer un moyen de preuve, par exemple,
de la teneur des pièces et des témoignages qu’il cite. Il est alors l’équivalent d’un acte
authentique établi à l’étranger. Il peut également servir de titre pour l’exercice d’un droit
en Côte d’ivoire. Il peut constituer par exemple un titre d’hérédité, permettant de se faire
délivrer des valeurs appartenant au défunt, ou un titre de créance, permettant de
produire à une procédure collective de liquidation.
Enfin il constitue un fait, et en tant que tel, il peut produire certains effets, de la même
manière qu’un contrat, qui n’a d’effet contractuel qu’entre les parties, constitue à l’égard
des tiers un fait, susceptible d’entraîner certaines conséquences.
Lorsque le jugement étranger est invoqué dans une instance en justice, le Tribunal a le
devoir de contrôler sa régularité (1ère Civ. 19 décembre 1972, Rev.crit.1975.83 note
Dominique Holleaux).
Mais, il peut arriver aussi que le jugement étranger soit invoqué en dehors d’une
instance en justice, par exemple lorsqu’une personne divorcée à l’étranger veut se
remarier en Côte d’Ivoire. On estime que celui qui voudrait faire valoir que le jugement a
été rendu irrégulièrement doit en avoir les moyens qui lui permettent d’exercer l’action en
inopposabilité tendant à faire juger que ledit jugement étranger est sans valeur en droit
interne (Civ. 22 janvier 1951, J.C.P.1951.6151 note Sarraute et Tager, Rev.
Crit.1951.167 note Francescakis ; 1ère Civ. 10 février 1971, Rev. Crit.1972.123).
Le contrôle porte sur l’ensemble des conditions requises pour l’exequatur. Dans ces
conditions, on peut se demander ce qui reste de l’autorité de la chose jugée reconnue de
plein droit aux jugements relatifs à l’état et à la capacité des personnes. Il demeure que
tant que la décision étrangère n’a pas été jugée sans valeur, elle est considérée comme
valable en Côte d’Ivoire, et c’est à celui qui en conteste la valeur de prendre l’initiative
d’une action. Dans le cas du remariage en Côte d’Ivoire après divorce à l’étranger, celui
qui veut se marier n’a pas à faire juger que son divorce est régulier. C’est à celui qui veut
l’en empêcher de faire juger qu’il est irrégulier.
Pour résoudre les conflits de lois, deux systèmes extrêmes et opposés sont
concevables.
1° - le système de la personnalité des lois. Dans ce système, on considère que les lois
s’appliquent à la personne et la suivent dans ses déplacements. En conséquence, les
personnes résidant en pays étranger demeurent soumises à leur loi nationale.
2° - le système de la territorialité. Dans ce système les lois s’appliquent au territoire et
s’imposent à tous ceux qui y résident, nationaux comme étrangers.
Les nombreuses doctrines qui se succédées sont sur ces problèmes depuis le XVIème
siècle ont constamment oscillé entre ces deux systèmes.
En réalité, aucun des deux systèmes ne peut être appliqué intégralement. Il est
difficilement concevable qu’un Etat renonce entièrement à appliquer ses lois aux
étrangers vivant sur son sol. Ce serait un important abandon de souveraineté ; et dans
ce cas les étrangers pourraient se trouver privilégiés par rapport aux nationaux. Mais on
ne peut davantage admettre la territorialité absolue qui impliquerait que l’état et la
capacité d’une personne pourraient se trouver modifiés lorsqu’elle passe d’un pays à un
autre.
Il faut, pour chaque matière, déterminer le rattachement qui lui convient le mieux, en
tenant compte de tous les éléments d’appréciation, parmi lesquels on trouve
principalement : l’analyse des institutions du droit interne, les nécessités du commerce
international et les intérêts politiques des Etats.
L’étude des conflits de lois porte d’abord sur certains problèmes de caractère général et
ensuite sur les règles particulières de rattachement.
Le conflit de lois apparaît lorsque les législations de deux ou plusieurs Etats souverains
ont cumulativement vocation à régir une question de droit privé donnée. Il y a donc conflit
de lois toutes les fois qu’une situation juridique, pouvant se rattacher à plusieurs Etats,
amène à rechercher, entre les lois de ces Etats, celle qui sera appelée à régir le rapport
de droit considéré.
Lorsqu’il y a conflit de lois, le choix de la loi applicable peut se faire suivant plusieurs
méthodes. Trois méthodes sont possibles :
Cette méthode consiste pour le juge à respecter les droits subjectifs acquis et à ne pas
chercher à appliquer une règle substantielle quelconque. C’est la théorie des droits
acquis appelée en anglais la Vested rights.
Cette méthode n’a pas prévalu, ni en droit positif, ni en doctrine mis à part Pillet et
Niboyet.
Une autre méthode rattachée à celle-ci consiste à déterminer la loi applicable en fonction
de certains principes de préférence qui conduisent le juge au choix, parmi toutes les lois
en conflit, de la loi qui convient le mieux à la situation litigieuse. C’est « the proper law of
the conflict ». C’est la casuistique ou « impressionnisme » juridique. Cette loi peut être
celle qui conduit, par exemple, à des résultats favorables à la victime.
Suivant cette méthode, si le Juge doit résoudre une question de droit de telle nature, il
doit appliquer la loi désignée par tel élément prédéterminé par une règle de droit appelée
règle de conflit de lois.
L’élément qui permet de choisir la loi, est appelé « élément ou facteur, ou critère de
rattachement », parce qu’il rattache les questions de droit à un ordre juridique précis.
L’élément de rattachement est donc le présupposé de la règle de conflit. Le présupposé
de la règle de conflit définit la catégorie de questions de droit à laquelle est affecté le
critère de rattachement, et l’effet juridique énonce ce critère. C’est la méthode dite
savignienne du nom de son concepteur, appelé SAVIGNY.
En premier lieu, elle est abstraite et neutre. La désignation de la loi applicable s’effectue
sans que le juge ait besoin de prendre connaissance de la teneur concrète des lois en
présence.
En second lieu la règle de conflit savignienne dite bilatérale, en ce sens qu’elle est
dénuée de tout nationalisme. Le rattachement désigne indifféremment, selon les
données de l’espèce, une loi étrangère ou la loi du for. Dans l’exemple pris, si la
personne est ivoirienne, la loi applicable est ivoirienne, si elle est italienne, la loi
applicable est italienne, etc.
Cette solution n’a pas prévalu en droit positif mais n’a pas manqué de marquer certains
domaines du droit international privé. Il existe dans certains cas des rattachements
unilatéraux. C’est le cas des matières de la filiation naturelle, de la nationalité, etc. Mais
les règles de conflit de lois demeurent pour la plupart bilatérales et constituent la solution
de droit commun conflits de lois.
La pauvreté de ces solutions, face au large éventail des questions de droit international
privé, a donné toute la latitude à la jurisprudence de les compléter. Les principales règles
de conflits établies par la jurisprudence à partir de l’article 3 du Code Civil sont les
suivantes :
1° Les conditions de fond du mariage sont soumises à la loi nationale de chaque époux.
2° Les conditions de forme du mariage sont soumises à la loi du lieu de sa célébration.
3° Les effets du mariage sont régis par la loi nationale des époux.
4° La responsabilité délictuelle est soumise à la loi du lieu du délit (ou du quasi-délit).
5° Les contrats sont soumis à la loi d’autonomie.
6° Les successions mobilières sont régies par la loi du dernier domicile du défunt et, les
successions immobilières, par la loi du lieu de situation de l’immeuble.
7° La forme des actes est régie par la loi du lieu de leur accomplissement, c’est
l’application de la règle locus regit actum.
La solution de principe est que la règle de conflit de lois présente un caractère bilatéral et
qu’elle peut, dès lors, désigner indifféremment la loi du for ou une loi étrangère. Bien que
cette idée ait été combattue par les tenants de la thèse unilatéraliste, le bilatéralisme
reste la solution du droit positif français, reprise par le droit ivoirien. Dans cette optique,
la théorie des conflits de lois soulève un certain nombre de difficultés, relatives
notamment aux questions des qualifications, au renvoi et aux conflits mobiles.
Tout litige pose au juge le problème du choix des normes applicables aux questions de
droit débattues. Lorsque le litige est international, il faut préalablement effectuer un choix
entre les règles de conflit en présence.
Prenons l’exemple d’un mariage en la forme civile célébré entre deux grecs orthodoxes,
en Côte d’Ivoire. La loi grecque exige, comme condition de validité du mariage, la
célébration religieuse. L’absence de la cérémonie religieuse prévue par la loi grecque
rend-elle le mariage nul ?
La réponse dépend de la loi compétente : la loi grecque annule le mariage, parce qu’en
droit grec la forme religieuse est une condition de fond du mariage. Mais la loi ivoirienne
le valide, parce qu’en droit ivoirien, il s’agit d’une condition de forme.
Pour désigner la loi applicable, il faut mettre en œuvre une règle de conflit. En l’espèce,
on peut hésiter ici entre deux règles : celle qui soumet les conditions de fond du mariage
à la loi nationale de chaque époux, et celle qui soumet les conditions de forme du
mariage à la loi du lieu de célébration.
La méthode qu’il convient d’employer consiste à qualifier la question posée, c’est à dire
à la classer dans l’une ou l’autre des catégories définies par les règles de conflit en
présence, en sélectionnant ainsi, celle qui doit être appliquée.
Si l’exigence d’une cérémonie religieuse est qualifiée question de fond, c’est la première
règle de conflit énoncée qui est élue. Si elle est qualifiée question de forme, c’est la
seconde.
La première solution rend compétente la loi grecque (loi nationale), tandis que la
seconde donne compétence à la loi ivoirienne (loi du lieu de célébration).
Toute opération de qualification suppose d’abord que l’on définisse avec précision
« l’objet de la qualification », c’est à dire la question de droit posé (Par I). C’est
seulement après avoir mené à bien cette phase préliminaire que la phase de classement
doit être abordée (Par II). Il se peut que le problème rebondisse ensuite et qu’il faille, à
l’intérieur de la législation désignée par la règle de conflit, procéder à une nouvelle
qualification, portant cette fois-ci sur les règles substantielles ; ce sera l’objet des
qualifications en sous ordre.
Par I – L’objet de la qualification
L’objet à qualifier est la question de droit substantiel posée, formé par la prétention du
plaideur et par les faits qu’il invoque à son soutien. C’est la seule donnée certaine que le
Juge prend comme point de départ de son raisonnement. Il faut donc cerner exactement
ses contours et analyser ses caractères.
Dans la grande majorité des cas, cette phase est simple, car les parties définissent avec
précision les termes de la question qu’elles posent. Dans l’exemple du mariage civil des
deux grecs, les faits de la question sont relatifs l’existence d’un mariage célébré par un
Officier de l’Etat civil et non accompagné d’une cérémonie religieuse, et la prétention
est : la nullité de ce mariage.
Mais dans d’autres hypothèses, la détermination des termes de la question de droit est
complexe. La difficulté est assez bien illustrée par une espèce jurisprudentielle célèbre
sur laquelle a notamment raisonné Bartin.
Deux conjoints anglo-maltais ont émigré en Algérie, à l’époque territoire français. Le mari
y acquiert des immeubles, puis décède. Sa veuve réclame la « quarte du conjoint
pauvre », institution du droit anglo-maltais. La question est-elle de nature matrimoniale
ou successorale ? La règle de conflit en dépend, et la solution de la question de droit
substantiel aussi, car la loi anglo-maltaise applicable au régime matrimonial considère la
prétention de la veuve comme fondée, alors que la loi française applicable à la
succession, ignorant l’institution, n’en accorde pas le bénéfice à la veuve.
Pour qualifier, il faut commencer par demander au droit anglo-maltais en quoi consiste
cette « quarte », quelles en sont les conditions d’attribution et les modalités de calcul,
afin de déterminer si elle est due à la veuve en tant que conjoint ou en tant qu’héritière.
La question de droit, une fois ses termes identifiés, doit être classée dans l’une des
catégories définies dans le présupposé des règles de conflit en présence : « conditions
de fond du mariage », « successions mobilières », « contrats », « forme des actes », etc.
Les catégories en présence sont celles que définissent les règles de conflit ivoiriennes,
et il faut exclure toute prise en considération des règles de conflit étrangères. La
question ainsi circonscrite est donc celle du choix entre les règles de conflit ivoiriennes.
Le droit positif est fixé en ce sens, et la solution en faveur de la qualification lege fori des
questions de droit n’est plus guère discutée.
Une fois admis que la qualification s’opère selon les conceptions du for, sur le plan
théorique la question est de savoir si la question de droit à qualifier trouve
nécessairement place dans l’une quelconque des catégories du droit international privé
du for. C’est le problème du caractère exhaustif ou lacunaire de ce droit.
En effet, les catégories sont définies par référence à des institutions juridiques : mariage,
contrat, succession etc. Or, ces institutions ne recouvrent pas la même réalité d’un pays
à l’autre. Le mariage par exemple n’est pas conçu de la même manière en Europe que
dans les sociétés traditionnelles africaines. C’est dire que dans le présupposé de la règle
de conflit, le terme mariage n’a pas la même signification profonde.
En dépit des controverses sur le caractère lacunaire ou exhaustif des catégories
juridiques du for, la jurisprudence a établi un principe selon lequel l’ensemble des règles
de conflit ivoiriennes couvre l’ensemble des questions de droit qui sont susceptibles de
se poser en relation avec n’importe quel ordre juridique.
SECTION II – LE RENVOI
Si l’on constate que l’Etat étranger dont la loi est désignée par la règle de conflit donne
compétence à une autre loi (ce peut être soit la loi du for, soit une loi tierce), on est dans
l’hypothèse du renvoi. Par exemple, s’agissant de déterminer le statut personnel d’un
Anglais domicilié en Côte d’Ivoire, la règle de conflit ivoirienne désigne la loi nationale, loi
anglaise. Mais la règle de conflit anglaise retient comme critère de rattachement le
domicile et désigne donc la loi ivoirienne.
Les termes du problème sont les suivants : faut-il appliquer la loi substantielle anglaise
parce que notre règle de conflit la désigne (refus du renvoi), ou tenir compte du refus
opposé par la règle de conflit anglaise et appliquer la loi qu’elle désigne (admission du
renvoi) ?
Le premier, qui correspond à l’exemple choisi pour exposer le problème, est le renvoi au
premier degré : la loi désignée par la règle de conflit ivoirienne renvoie à la loi du for.
Le second suppose que la règle de conflit étrangère désigne une loi tierce. C’est le
renvoi au second degré.
Forgo un enfant naturel bavarois, était allé très jeune résider en France. Il y avait
toujours vécu et était décédé à Pau. Sa succession mobilière qui était considérable, fut
disputée entre ses parents les plus proches, des collatéraux ordinaires admis comme
successibles par la loi bavaroise mais non par la loi française, d’une part, et
l’Administration française des domaines, d’autre part.
Celle-ci tint le raisonnement suivant : la règle de conflit française déclare applicable la loi
du dernier domicile du défunt ; or Forgo était domicilié en France, donc la loi française
s’applique et l’Etat français hérite en l’absence de parents dotés d’une vocation
successorale. La Cour d’Appel de Pau lui donna gain de cause. Mais, sur pourvoi des
collatéraux, la chambre civile cassa son arrêt, au motif que Forgo, n’ayant pas été
« admis à domicile » en France, n’y avait qu’un domicile de fait, insusceptible de justifier
la compétence de la loi française.
La Cour de Bordeaux désignée pour rejuger l’affaire au fond, estima que le domicile de
droit était resté en Bavière, et appliqua la loi bavaroise. Un nouveau pourvoi fut soumis
aux chambres réunies, devant lesquelles la question du renvoi fut expressément
discutée.
Les autres pays admettent dans leur majorité le renvoi au premier degré avec parfois
certaines limitations quant aux matières. Plusieurs le rejettent cependant : Hollande,
Portugal, Grèce, pays scandinaves, pays à majorité musulmane, et semble-t-il, Etats
Unis.
En règle générale, les conventions internationales relatives au conflit de lois excluent le
renvoi. Il en est surtout ainsi des conventions récemment élaborées par la Conférence
de La Haye.
Dans le renvoi au deuxième degré, la règle de conflit du pays désigné par le for renvoie
à une loi tierce qui accepte sa compétence. Le juge saisi doit alors l’appliquer. Par
exemple, la loi danoise régira le statut personnel d’un Anglais domicilié au Danemark au
terme du raisonnement suivant : la règle de conflit du for désigne la loi nationale, loi
anglaise ; la règle de conflit anglaise renvoie à la loi du domicile, loi danoise, et la règle
de conflit danoise « accepte le renvoi » en se désignant en tant que loi du domicile.
Mais certains arrêts manifestent clairement que la Cour de cassation serait prête, le cas
échéant, à faire jouer le renvoi au deuxième degré (Civ. 1er fév. 1972 D. 1973. 59)
1° - en ce qui concerne le fond, la loi étrangère choisie par les parties l’a été en fonction
du contenu de ses règles internes. Si on lui substituait une autre loi qu’elle désigne, la
volonté des parties serait méconnue.
Le droit des conflits de lois a pour objet particulier d’organiser la coexistence des règles
en vigueur dans les différents ordres juridiques. Ce conflit, on le sait déjà est un conflit de
lois dans l’espace. Mais le facteur temps peut interférer dans ces conflits de plusieurs
manières.
Parfois, une règle est modifiée entre le moment où la situation s’est constituée et celui où
elle est appréciée en justice. Il peut s’agir soit de la règle de conflit du for, soit d’une
règle étrangère. Dans le premier cas on parle de conflit transitoire de droit international
privé du for, résolu par application des principes du droit transitoire interne (V° en
France, Cass. Iv. 13 janv. 1982 Rev. Crit. 1982. 551). Dans le deuxième cas on parle de
conflit transitoire de droit étranger, résolu par application du droit transitoire étranger
(Cass. Civ. 3 mars 1987 Rev. Crit. 1988. 695).
Parfois, c’est le rapport lui-même qui s’est déplacé, de sorte que sa localisation actuelle
n’est plus identique à sa localisation initiale. C’est cette situation qui a reçu le nom de
conflit mobile.
On entend par conflit mobile le cas où, dans une situation juridique donnée, l’élément de
rattachement qui détermine la loi applicable a changé au cours du temps.
Dans ce type de conflit, le droit objectif reste inchangé, mais l’élément de la situation
juridique retenu comme « localisateur » par la règle de conflit est modifié. Par exemple :
Faut-il appliquer à la capacité de l’individu, aux droits réels qui portent sur le meuble etc,
la loi de leur ancien rattachement, ou celle du nouveau ?
Tous les rattachements ne sont pas susceptibles de donner naissance au problème des
conflits mobiles. Beaucoup de ces rattachements sont fixes, soit par nature : exemple, le
lieu de situation de l’immeuble ; soit par l’effet d’une précision temporelle adjointe à la
règle de conflit : exemple le lieu du délit qui n’est identifiable qu’au moment du délit. En
outre, la volonté des parties s’apprécie nécessairement au moment où elle s’exprime etc.
L’acquisition d’un meuble en Allemagne, valable selon la loi allemande, mais non selon
la loi française ne sera pas remise en question après l’introduction du bien en France,
parce qu’en droit transitoire interne la loi nouvelle respecte les acquisitions régulières
antérieures à son entrée en vigueur, etc.
Mais, cette hypothèse soulève deux sortes de problèmes particuliers qui se posent d’une
part devant les juges du fond en, ce qui concerne le rôle respectif du juge et des parties
et d’autre part devant la Cour de Suprême, en ce qui concerne son éventuel contrôle.
Admettre que la loi étrangère est susceptible d’être appliquée par le juge ivoirien est une
chose, prétendre que son statut est identique à celui de la loi du for en est une autre. La
loi étrangère présente des particularités évidentes : le juge ivoirien, en général ne la
connaît pas. Il n’est pas habilité à la créer au nom du souverain étranger, même si celui-
ci assigne à la jurisprudence le rôle d’une source du droit véritable. Il peut répugner à
l’appliquer en raison de son contenu, trop différent de celui de sa propre loi, etc.
On suppose que dans un litige où une loi étrangère serait en principe compétente, les
parties s’abstiennent de s’en prévaloir. Le juge peut-il faire appel d’office à cette loi ?
Cette question qui se pose au sujet de l’appel à la loi étrangère et à son interprétation se
situe également au niveau de sa connaissance, c’est à dire la preuve du contenu de
cette loi.
Par exemple deux époux dont la loi nationale commune interdit le divorce saisissent le
juge ivoirien du divorce pour la rupture de leur mariage.
En France, cette jurisprudence a été critiquée par la plupart des auteurs, au moins
lorsque la matière sur laquelle porte le litige implique l’ordre public ou des dispositions
impératives.
D’où des divergences injustifiables qui peuvent se produire d’un tribunal à l’autre.
Mais, la Cour de Cassation dans deux arrêts subséquents (4 Déc. 1990, Rev. Crit. 1991.
558 et 10 déc. 1991 Rev. Crit. 1992. 314) a marqué un certain recul de sa jurisprudence
par rapport à sa position des 11 et 18 oct. 1988. En effet, si l’on se fie aux derniers
arrêts, l’obligation d’appliquer d’office la loi étrangère ne joue que si la règle de conflit qui
la désigne a une origine conventionnelle ou si la matière faisant l’objet du litige est une
de celles dans lesquelles les parties n’ont pas la libre disposition de leurs droits.
Il peut arriver que le juge connaisse lui-même la loi étrangère. Par exemple la plupart
des juristes africains savent quels sont les pays dont les lois nationales admettent la
polygamie et ceux qui les interdisent.
Mais en général le juge ne connaît pas la loi étrangère. En admettant que les parties
aient invoqué la compétence de celle-ci, ou que le juge l’ait d’office déclarée applicable
comme il en a parfois l’obligation, la question se pose de savoir qui, du demandeur, du
défendeur ou du juge, doit établir le contenu de la loi.
La charge essentielle pèse sur le demandeur, ou plus précisément sur la partie dont la
prétention est soumise à la loi étrangère. Peu importait que ce soit son adversaire qui
invoque l’applicabilité de cette loi. Par exemple, le défendeur, auteur d’un accident de la
circulation et contre lequel est formée une demande en réparation du préjudice subi,
invoque l’absence de toute présomption de responsabilité dans le droit étranger désigné
par notre règle de conflit : c’est néanmoins au demandeur qu’il incombe d’établir la
teneur de la loi étrangère, car elle est l’un des éléments nécessaires au succès de sa
prétention (Com. 14 nov. 1968 Rev. Crit. 1969. 695).
La preuve de la loi étrangère se fera surtout par des certificats de coutumes, c’est-à-dire
des attestations émanant d’une autorité publique ou d’un jurisconsulte du pays
considéré. Mais tous les procédés de preuve sont recevables, et le juge en apprécie
souverainement la valeur.
Le juge a le pouvoir de vérifier le sens et la portée d’une loi étrangère. Il peut, au vu des
documents produits, redresser l’interprétation qui est donnée des textes et des décisions.
Il en est même tenu en présence de certificats contradictoires.
En l’état actuel du droit ivoirien, il n’est pas possible de reprocher aux juges du fond une
fausse application de la loi étrangère. En France, la Cour de Cassation s’était toujours
refusée à ce contrôle, avant la remise en cause de l’arrêt Bisbal.
Le refus du contrôle se justifie surtout par des raisons d’opportunité et par la référence
au statut et au rôle de la cour suprême. Si elle contrôlait l’interprétation de la loi
étrangère, elle se trouverait devant l’alternative suivante :
Ou bien elle interprète dans le sens qui lui paraît souhaitable et alors elle risque de se
trouver en désaccord avec l’interprétation reçue à l’étranger, et ce serait nuisible à son
autorité. Par ailleurs, il faut relever que la loi étrangère doit être appliquée en Côte
d’Ivoire telle qu’elle est en fait en vigueur à l’étranger.
Ou bien elle recherche l’interprétation adoptée à l’étranger, et alors elle sort de son rôle
en se dévaluant, car la Cour Suprême n’a pas se mettre à l’école d’une cour suprême
étrangère.
Pour éviter que les juges du fond n’abusent de leur pouvoir souverain, la solution admise
depuis longtemps en matière d’interprétation des contrats est ici applicable.
On parle généralement ici d’ordre public international, pour éviter la confusion avec
l’ordre public interne. En effet, les deux notions ne coïncident pas.
Mais, en réalité, l’expression «ordre public international » est très impropre, car elle
évoque l’idée d’un ordre public qui serait commun à différents Etats, voire à l’ensemble
des Etats.
Or, la notion d’ordre public est, au contraire strictement nationale, propre à chaque Etat.
Il est donc préférable de parler d’ordre public en matière internationale, ou même, plus
précisément, en ce qui concerne la Côte d’Ivoire, d’ordre public ivoirien en matière
internationale.
Le jeu de l’ordre public ivoirien en matière internationale suppose que la règle de conflit
donne compétence à une loi étrangère.
Mais les dispositions de cette loi vont à l’encontre de certains principes considérés en
Côte d’Ivoire comme essentiels, en sorte que leur application risquerait de troubler
l’ordre public. Cette loi étrangère sera évincée en invoquant l’ordre public. Et les juges du
fond appliqueront la loi ivoirienne, en raison de sa vocation subsidiaire.
Par ailleurs, la conception du divorce-sanction qui était celle du droit ivoirien, jusqu’en
1995, conduisait les tribunaux à ne pas donner effet en Côte d’Ivoire, aux divorces
prononcés à l’étranger pour des causes qui caractérisaient une autre conception du
divorce.
C’est ainsi que, par une ordonnance n° 4267 du 20 novembre 1995, la juridiction
présidentielle du tribunal de première instance d’Abidjan avait refusé l’exequatur au
jugement n° 039 du 12 avril 1994 du tribunal de grande instance de Montpellier qui
prononçait le divorce pour « incompréhension mutuelle née entre époux d’origine et de
mœurs aux antipodes les unes des autres ». La juridiction ivoirienne a déclaré ce divorce
contraire à l’ordre public.
Ainsi dans le droit des biens, on l’a appliqué à l’encontre de certaines spoliations,
contraires au principe selon lequel l’expropriation n’est possible que pour cause d’utilité
publique et à charge d’indemnité.
L’intervention de l’ordre public peut se justifier par l’idée que les règles de conflits sont
faites pour des législations présentant entre elles un minimum de communauté juridique,
s’appuyant sur des conceptions communes.
Lorsque ce minimum fait défaut, la règle ne peut s’appliquer et l’ordre juridique interne
produit un réflexe d’autodéfense contre les principes des systèmes juridiques étrangers.
Au contraire, si la loi étrangère désignée par la règle de conflit ne heurte pas une valeur
fondamentale de la société, elle doit être appliquée. En principe, il appartient aux juges
du fond d’examiner le contenu de loi étrangère par rapport à l’ordre public interne
(C.S.Madagascar 22 mars 1966 Penant 1968 p ; 231).
Le contenu de l’ordre public est imprécis, et toutes les tentatives qui ont été faites pour le
définir n’ont pas été concluantes.
On peut dire tout au plus que seront considérées comme contraires à l’ordre public, les
dispositions des lois étrangères qui paraissent contraires au droit naturel ou aux
principes fondamentaux du droit ou encore à certaines politiques législatives. Il est
impossible de préciser davantage car il s’agit de porter un jugement de valeur.
L’ordre public est moins exigeant lorsqu’il s’agit de l’effet en Côte d’Ivoire de droit acquis
ou de situations établies à l’étranger, que lorsqu’il s’agit de créer ces droits ou d’établir
ces situations en Côte d’Ivoire. C’est la règle dite de l’effet atténué de l’ordre public.
On n’exclut pas totalement l’intervention de l’ordre public à l’encontre des droits acquis à
l’étranger, mais on écartera seulement les conséquences qui heurtent de front les
sensibilités ivoiriennes.
En principe, il n’y pas lieu de tenir compte en Côte d’Ivoire de l’ordre public d’un Etat
étranger. Mais l’exemple suivant fait apparaître que la règle ne peut être absolue.
On dit qu’il y a fraude à la loi, au sens du droit international privé, lorsqu’une personne
modifie volontairement l’élément de rattachement qui, dans une situation juridique
donnée, détermine la loi applicable, afin d’échapper à l’application de la loi compétente.
Le problème est apparu au XIX siècle, à l’époque où le divorce n’était pas admis en
France, avec le cas d’une femme française qui s’étant fait naturaliser dans le duché
allemand de Saxe, avait ainsi obtenu le divorce et s’était remariée.
La Cour de Cassation a décidé que le divorce et le remariage étaient sans effet en
France, parce que la naturalisation avait eu pour but de faire fraude à la loi française
(Civ. 18 mars 1878. S. 1878.1.193 note Labbé).
Lorsque la fraude est établie, la sanction logique est l’application de la loi que l’on a tenté
d’écarter. On s’est demandé s’il faut aller plus loin.
Mais, si on considère la fraude à la loi comme autonome par rapport à l’ordre public, rien
ne s’oppose à ce que cette règle s’applique aussi à la loi étrangère. La jurisprudence
récente tend à admettre la sanction de la fraude à une loi étrangère, au moins lorsqu’on
a cherché à lui substituer une autre loi étrangère.
Il s’agira ici de préciser les règles de rattachement applicables dans les différents
domaines du droit civil en envisageant successivement, le statut personnel, le statut des
biens, les actes juridiques, la responsabilité délictuelle, les successions etc.
CHAPITRE I – LE STATUT PERSONNEL
Le statut personnel comprend d’une part l’état des personnes, c’est-à-dire les règles
relatives à l’identification des individus et surtout aux relations de famille, avec les droits
et les obligations qui en découlent (obligation alimentaire, autorité parentale), et d’autre
part la capacité des personnes.
Pour ces matières, sur le plan international il existe en législation deux systèmes :
certains pays appliquent au statut personnel la loi nationale, tandis que d’autres
appliquent la loi du domicile. En faveur de la loi nationale, on fait valoir surtout que ce
système assure mieux la stabilité du statut personnel, car il est plus facile de déplacer
son domicile que de changer de nationalité.
Le rattachement à la loi nationale convient mieux aux pays de forte émigration, car il leur
permet de conserver dans l’orbite de leur souveraineté leurs nationaux émigrés. Le
rattachement à la loi du domicile convient mieux aux pays de forte immigration, car il
facilite l’assimilation des étrangers installés sur leur territoire.
Cependant, bien que la Côte d’Ivoire soit actuellement un pays d’immigration, elle
applique la loi nationale au statut personnel (C.A.Abidjan 15 mai 1970 RID 1971 n° 3p.
45 ; Tribunal de Toulouse 7 juin. 1975 appliquant la loi française devenue la loi nationale
commune des épouses après le mariage d’une ivoirienne à un français, Penant 1977 p.
374). La solution remonte au Code Civil et a sa source dans l’article 3 alinéa 3 du Code
Civil, ainsi conçu :
« Les lois concernant l’état et la capacité des personnes régissent les ivoiriens, même
résidant en pays étranger ».
Le rattachement à la loi du domicile s’applique seulement à titre subsidiaire dans des cas
où le rattachement à la loi nationale ne fournit pas de solution. Par exemple, dans le cas
des apatrides, à défaut de loi nationale, on applique la loi du domicile. Cette solution,
admise antérieurement par la jurisprudence, est consacrée par la convention de New
York du 28 septembre 1954 sur le statut des apatrides.
Par ailleurs, dans le cas d’un rapport de droit entre deux personnes (et notamment deux
époux) de nationalité différente, lorsqu’il n’existe aucune raison de faire prévaloir l’une
des lois nationales sur l’autre, on applique la loi de leur domicile s’il est situé dans le
même pays. C’est la solution admise par la jurisprudence pour le divorce d’époux de
nationalité différente.
Les conditions de fond sont soumises à la loi qui régit le statut personnel des époux,
c’est-à-dire en principe la loi nationale. La règle s’applique non seulement aux conditions
préalables d’aptitude, aux empêchements éventuels, aux autorisations nécessaires, mais
aussi aux qualités requises du consentement.
Pour les ivoiriens qui se marient à l’étranger, la solution résulte expressément des
articles 29 et 30 de la loi du 7 octobre 1964 sur le mariage, qui ne sont qu’une reprise de
la règle posée par l’article 3, alinéa 3 du Code Civil.
Pour les étrangers qui se marient en Côte d’Ivoire, ou dont il faut apprécier en Côte
d’Ivoire la validité du mariage contracté à l’étranger, on a toujours admis la même règle.
Lorsque les époux sont de nationalité différente, l’aptitude de chacun d’eux à contracter
mariage est déterminée par sa propre loi nationale (C.S. Madagascar 22 juin 1971
Penant 1974 p. 537).
Dans certains cas, l’ordre public produit un effet prohibitif, c’est-à-dire qu’il empêche ou
annule un mariage qui serait possible ou valable d’après la loi nationale. Pour un
mariage célébré en Côte d’Ivoire, on considère généralement comme d’ordre public
l’ensemble des conditions de fond exigées par la loi ivoirienne. Ces conditions
constituent un minimum, et toute disposition plus libérale d’une loi étrangère est écartée.
L’ordre public peut aussi avoir un effet permissif, c’est-à-dire qu’il rend possible ou
valable un mariage qui serait impossible ou nul d’après la loi nationale. Le cas est plus
rare, car la tendance générale est d’appliquer la loi étrangère lorsqu’elle est plus sévère.
Il existe sur ce point une grande diversité des législations sur le plan international.
Dans certains pays, le mariage est uniquement civil. C’est le cas de la Côte d’Ivoire, de
la France etc. Dans d’autres, les deux formes coexistent, le mariage religieux emportant
des effets civils. C’est le cas de l’Italie, la Grande-Bretagne. Dans d’autres enfin, le
mariage est uniquement religieux. C’est le cas de la Grèce jusqu’à une époque récente
et de la plupart des pays islamiques.
Il peut s’agit, par exemple, d’un mariage entre un ivoirien et une étrangère, ou d’un
mariage entre deux étrangers, de même nationalité ou de nationalité différente.
Le mariage peut toujours être célébré en la forme ivoirienne, même si la loi nationale de
l’un des époux ou des deux impose une forme religieuse, car, pour la jurisprudence, le
caractère religieux ou laïc du mariage est une simple question de forme (C.S. Sénégal,
25 nov. 1974, Penant 1976 p. 534 ; 1èer Civ. 22 juin 1955, D. 1956.73, note Chavrier,
Rev. Crit. 1955.723). C’est une position très contestable, car le caractère religieux ou laïc
touche à la conception même du mariage.
Si l’un des époux est ivoirien, la forme ivoirienne est la seule forme possible. Si les deux
époux sont étrangers, ils peuvent se marier devant le consul de leur pays, à condition
qu’ils soient de même nationalité car un consul n’est compétent qu’à l’égard de ses
nationaux, et que cette forme soit prévue par leur loi nationale (TGI Chalons Sur Marne
29 mars 1973 Penant 1974, p. 255).
Ainsi, en dehors du cas où la forme consulaire est possible, la forme ivoirienne s’impose
en Côte d’Ivoire aux étrangers comme aux nationaux. Si cette célébration est tenue pour
nulle dans leur pays d’origine, ils devront pratiquement cumuler deux célébrations.
Il peut s’agir d’un mariage entre ivoiriens, ou entre un ivoirien et un étranger, ou encore
entre deux étrangers.
Le mariage contracté à l’étranger en la forme prévue par la loi locale, est considéré en
Côte d’Ivoire comme valable. Cela résulte de l’article 29 de la loi du 7 octobre 1964. Mais
il en est de même pour un mariage entre étrangers, même s’ils sont étrangers par
rapport au pays de la célébration.
C’est l’application de la règle locus regit actum reprise par l’article 29 de la loi sur le
mariage. Il résulte de ce texte, notamment que des ivoiriens peuvent, à l’étranger, si la loi
locale l’autorise, se marier en une forme purement religieuse, ou en une forme purement
consensuelle, à condition qu’ils ne contreviennent pas aux dispositions de fond de la loi
ivoirienne. Le mariage des étrangers, à l’étranger, est valable s’il a été célébré dans les
formes qui y sont usitées (C.S. Sections Réunies 25 nov. 1974 Penant 1976 p. 534, Voir
cependant C.A. Abidjan 25 janv ; 1974, Penant 1977 p. 371).
Les ivoiriens qui se trouvent à l’étranger peuvent aussi contracter mariage devant le
consul de Côte d’Ivoire. Le mariage est alors célébré en la forme ivoirienne. La
publication préalable se fera dans ce cas au consulat.
La compétence des consuls de Côte d’Ivoire suppose en principe que les deux époux
sont ivoiriens. Toutefois, une dérogation est admise pour certains pays dont la forme
légale est peu accessible, ou même inaccessible à des ivoiriens (notamment lorsqu’elle
est exclusivement religieuse). Les consuls sont alors autorisés à célébrer le mariage
entre un ivoirien et une étrangère (et non l’inverse).
La question de savoir à quelles conditions un mariage est nul dépend de la loi dont la
disposition a été méconnue, car la règle et sa sanction forment un tout.
D’abord, appliquer la loi qui régit les effets du mariage, en considérant qu’il s’agit de
maintenir partiellement ces effets, malgré la nullité ;
Après une longue hésitation, la jurisprudence s’est prononcée pour cette seconde
solution (1ère Civ 6 mars 1956, D. 1958.709, note Francescakis).
L’état de mariage est une situation à laquelle la loi attache des effets juridiques. En droit
international privé, l’état de mariage résulte d’actes de nature diverse.
L’état de mariage est déterminé par la loi du lieu de sa célébration. La loi du for
n’intervient qu’à titre subsidiaire, notamment pour la préservation de l’ordre public. Mais
celui-ci ne s’oppose pas à ce que le mariage de deux étrangers célébrés à l’étranger soit
prouvé suivant des formes de droit étranger (C.S. Madagascar.23 avril 1968, Penant
1968 ; p. 368).
Quant aux effets du mariage à l’exclusion des effets pécuniaires, constituant le régime
matrimonial, ils sont régis par la loi personnelle.
Il n’y a pas de difficulté si les époux ont la même nationalité et si ne l’ayant pas avant le
mariage, ils l’acquièrent dès sa célébration dans les conditions de l’article 12 du code de
la nationalité.
Une grave difficulté apparaît au contraire dans le cas d’époux de nationalité différente. Il
n’est pas possible alors d’appliquer à chacun sa propre loi, comme pour les conditions
de fond, parce que les effets du mariage sont indivisibles. Il est indispensable de
déterminer une loi unique, régissant le lien matrimonial, avec tous ses effets.
Pendant longtemps, on a considéré que cette loi pouvait être la loi personnelle du mari,
chef de la famille. Mais cette solution s’est avérée rétrograde avec l’évolution des
rapports conjugaux vers l’égalité des époux.
1° - Les époux avaient une même nationalité, et prennent ensemble une nouvelle
nationalité commune. Les effets du mariage seront soumis désormais à la nouvelle loi
nationale commune.
3° - les époux étaient de nationalité différente, et ont désormais la même nationalité. Les
effets du mariage seront soumis à leur loi nationale commune, car le rattachement à la
loi du domicile n’est que subsidiaire.
4° - les époux avaient la même nationalité, et ont désormais des nationalités différentes.
Bien qu’il apparaisse anormal que les effets du mariage se trouvent modifiés par une
initiative unilatérale de l’un d’eux, la Cour de Cassation a néanmoins admis l’application
de la loi du domicile commun.
Pour des époux de même nationalité, la possibilité du divorce dépend de leur loi
nationale commune. En conséquence, des époux étrangers de même nationalité ne
peuvent obtenir le divorce en Côte d’Ivoire que s’il est admis par leur loi nationale, non
seulement dans son principe, mais pour la cause invoquée.
La solution ivoirienne n’est pas isolée. Le tribunal de Point Noire, dans un jugement
rendu le 8 avril 1961, déclarait « en matière de divorce la loi nationale des époux est
seule applicable. Dès lors ajoute – il, le divorce entre ressortissants portugais ne peut
être prononcé par un tribunal congolais que dans la mesure où la loi nationale des époux
l’admet et pour les causes prévues par elle (TGI Point Noire 8 avril 1961 Penant 1962 p.
86).
En pratique, la règle en faveur de la loi personnelle est souvent mise en échec, en raison
notamment de la jurisprudence Bisbal selon laquelle, si les époux s’abstiennent de
réclamer l’application de leur loi nationale, le juge n’est pas tenu de l’appliquer d’office.
Le cas des époux de nationalité différente avait soulevé pendant longtemps de graves
difficultés. La Cour de Cassation française avait eu à connaître en 1922, du cas d’une
femme française d’origine, devenue italienne par son mariage, et réintégrée par la suite
dans la nationalité française. Celle-ci demandait le divorce, alors que la loi italienne de
l’époque s’y opposait. La Cour de Cassation avait admis qu’étant redevenue française,
cette femme pouvait se prévaloir de la loi française pour obtenir le divorce (Civ. 6 juillet
1922 arrêt Ferrari, D. 1922.1.137, S. 1923.1.5 note Lyon-Caen). Mais cet arrêt, dont
l’interprétation était discutée, ne réglait pas vraiment le problème.
Beaucoup d’autres estimaient que, comme il n’existait aucune raison de faire prévaloir la
loi nationale de l’un des époux sur celle de l’autre, il fallait déterminer une loi du lien
matrimonial, indépendante de la nationalité.
Finalement, par l’arrêt Rivière, la Cour de Cassation décida que le divorce de deux
époux de nationalité différente devait être régi par la loi de leur domicile commun (C.S.
Sénégal 25 novembre 1974, sections réunies précité ; Tribunal de Dakar 11 juin 1974
Penant 1978 p. 260 ; 1ère Civ. 17 avril 1953, S. 1953.1.181 note Batiffol, J.C.P.
1953.7863 note Buchet, Rev. Crit.1953. 412 note Batiffol, Journ.dr.int.1953.860 note
Plaisant). Par la suite, elle précisa que la règle pouvait s’appliquer même en cas de
résidences séparées dans un même pays. Enfin, en cas de résidences dans des pays
différents, on appliquait subsidiairement la lex fori. Cette jurisprudence est très
généralement approuvée par la doctrine.
L’ordre public peut intervenir à l’encontre de la loi nationale commune (TGI Pointe Noire
8 avril 1961, précité) ou de la loi du domicile commun, mais seulement à sens unique. En
effet, il n’intervient pas pour imposer un divorce refusé par la loi compétente. Ainsi, en
pratique, pour que le divorce soit prononcé en Côte d’Ivoire, il faut qu’il soit admis à la
fois par la loi nationale commune ou, en cas de nationalités différentes, par la loi du
domicile et par la loi ivoirienne à titre de loi du for. Toutefois, l’ordre public est moins
exigeant lorsqu’il s’agit de reconnaître en Côte d’Ivoire un divorce intervenu
régulièrement à l’étranger.
Le législateur français a introduit dans le Code Civil, un article 310 qui tend à poser de
nouvelles règles de rattachement. Ce texte a un caractère unilatéral : il délimite
seulement la compétence de la loi française, sans désigner la loi compétente lorsque la
loi française ne l’est pas.
1° Lorsque les deux époux sont de nationalité française. Dans ce cas, la règle est
conforme au système antérieur.
2° Lorsque les deux époux ont leur domicile en France. Dans ce cas, il faut distinguer
selon que les époux sont de nationalités différentes, qu’il y ait ou non un français parmi
eux, la solution rejoint celle de l’arrêt Rivière. Si au contraire les deux époux ont une
même nationalité étrangère, la solution est différente de celle du système antérieur qui
donnait la compétence à la loi nationale commune. On a voulu ainsi assurer aux
étrangers vivant en France le « bénéfice » de la nouvelle législation libérale sur le
divorce, à l’encontre de lois étrangères plus restrictives, et notamment de la loi
espagnole de l’époque. Mais les divorces prononcés dans ces conditions risquent fort de
n’être reconnus dans le pays des intéressés.
Pour l’application de cette disposition, le domicile doit s’entendre de l’établissement
effectif en France ; il n’est pas nécessaire qu’il soit commun.
3° En dehors des deux hypothèses précédentes, la loi française ne retient pas pour elle
la compétence, même si l’un des époux est français ou a son domicile en France. Mais
elle se reconnaît compétente à titre subsidiaire si aucune autre loi ne se reconnaît
compétente (art. 310, 3°). On suppose qu’un tribunal français est saisi. La loi française
intervient, dans ce cas, à titre de lex fori. Il résulte implicitement de ce texte que, dès lors
qu’une loi étrangère se reconnaît compétente, le tribunal français doit l’appliquer.
Cette compétence éventuelle d’une loi étrangère peut poser la question d’une
intervention de l’ordre public. Mais les conceptions nouvelles de la loi de 1975 en matière
de divorce imposent d’en réviser entièrement le contenu, et la jurisprudence est encore
assez rare.
Il reste peu de place pour un effet prohibitif de l’ordre public, car peu de législations sont
plus permissives que la loi française nouvelle. Toutefois, demeure d’ordre public le
principe de l’égalité des époux. En conséquence, la répudiation unilatérale de la femme
par son mari, telle qu’elle est conçue par le droit musulman, n’est pas possible en
France. Elle peut, sous certaines conditions, être reconnue en France lorsqu’elle est
intervenue à l’étranger.
En ce qui concerne un éventuel effet permissif, on peut se demander s’il faut maintenant
considérer la faculté de divorce comme ordre public, en sorte que l’ordre public
s’opposerait à l’application de dispositions plus restrictives des lois étrangères. Sans
poser jusqu’à présent une règle aussi générale, la Cour de Cassation a jugé que l’ordre
public impose la faculté, pour un français domicilié en France, de demander le divorce
(1ère Civ. 1er avril 1981, Bull.Civ.1981.1.99 n°117.
En matière de divorce, il existe des liens très étroits entre la procédure et le fond. Non
seulement un tribunal ivoirien doit appliquer les règles ivoiriennes de procédure, mais
toute séparation intervenant en Côte d’Ivoire doit nécessairement avoir un caractère
judiciaire, quel que soit le statut personnel. La solution est la même en France (1ère Civ.
15 juin 1982, Bull.Civ.1982.1.192 n° 224, Rev.Crit.1983.300 note Bischoff). Tout divorce
privé est donc exclu, que ce soit par répudiation unilatérale ou par consentement mutuel.
Mais il semble possible de reconnaître en Côte d’Ivoire les divorces privés intervenus
régulièrement à l’étranger entre étrangers.
La jurisprudence avait jugé autrefois que les tribunaux étaient incompétents pour
prononcer le divorce entre des époux étrangers dont la loi personnelle exige
l’intervention d’une autorité religieuse (Civ. 29 mai 1905, D.1905.1.353, S.1905.1.161
note Pillet). Mais cette solution qui avait toujours été contestée, paraît maintenant
abandonnée en France (1ère Civ. 15 juin 1982, précité). En tout état de cause, une
décision des tribunaux ivoiriens serait, même dans ce cas, indispensable.
En ce qui concerne les effets à l’égard des personnes, une distinction est nécessaire.
1° Les relations des anciens époux entre eux et avec leurs enfants doivent
nécessairement être réglées par une loi unique. On appliquera la loi qui régit les
conditions du divorce, et sur le fondement de laquelle il est prononcé. C’est ainsi que
l’obligation alimentaire est rattachée au statut personnel, c’est-à-dire à la loi nationale
commune des époux ou à défaut, à la loi de leur domicile commun.
En outre, il faut réserver, à l’encontre d’une loi étrangère, intervention de l’ordre public
pour assurer le minimum d’assistance prévu par la loi ivoirienne.
2° En ce qui concerne les effets du divorce relativement aux anciens époux (comme par
exemple le délai de viduité), il convient d’appliquer à chacun sa loi personnelle. La
question du nom de la femme semble se rattacher à cette seconde catégorie d’effets.
Il s’agit ici des biens envisagés ut singuli, c’est-à-dire pris isolément, à l’exclusion des
successions.
La règle traditionnelle rattache le statut des biens à la lex rei sitae, c’est- à-dire la loi du
lieu de leur situation. C’est la généralisation de la règle posée par l’article 3, alinéa 2 du
Code Civil pour les immeubles situés en Côte d’Ivoire. La règle ne peut s’appliquer
qu’aux biens comportant une localisation : biens corporels, droits réels sur les meubles
et sur les immeubles, fonds de commerce ; les autres biens incorporels posent des
problèmes particuliers. La loi de la situation du bien ne régit pas tous les problèmes
juridiques. Ainsi, convient-il de déterminer son domaine d’application.
La question ne se pose pas pour les immeubles en raison de leur situation fixe. Mais le
transport d’un bien meuble d’un pays dans un autre crée un conflit mobile. On transpose
les règles applicables aux conflits de lois dans le temps en droit interne.
Après le déplacement du bien, seuls sont applicables les droits réels prévus par la loi de
la nouvelle situation. En particulier, la loi ivoirienne est seule applicable aux droits réels
portant sur des biens mobiliers situés en Côte d’Ivoire.
Les procédés d’acquisition demeurent soumis à la loi du lieu où le bien était alors situé.
Mais, si un transfert n’a pu s’opérer sous l’empire de la loi ancienne, il pourra s’opérer
sous l’empire de la nouvelle si les conditions sont remplies. Supposons par exemple
qu’un meuble a été, à l’étranger, acquis de bonne foi d’un non-propriétaire, et que, selon
la loi locale, l’acquéreur n’est pas devenu propriétaire ; si l’acquéreur introduit ce meuble
en Côte d’Ivoire, il pourra invoquer l’article 2279 du Code Civil, car il le possède en Côte
d’Ivoire.
Les meubles de transport internationaux posent un problème particulier du fait que, pour
ces biens meubles, les déplacements d’un pays à un autre sont continuels, en fonction
de leur finalité. Il paraît difficilement concevable qu’ils changent à chaque fois de statut
juridique. En outre, un navire en haute mer, ou un aéronef au-dessus de la haute mer, se
trouvent en dehors de tout territoire national.
Les navires et les aéronefs sont localisés juridiquement au lieu de leur immatriculation
(convention de Bruxelles du 10 avril 1926 pour les navires, et convention de Genève du
19 juin 1948 pour les aéronefs). Pour les wagons de chemin de fer, la question est
réglée par la convention de Berne du 14 octobre 1890 sur les transports internationaux.
La loi de la situation reste applicable pour les automobiles dont l’immatriculation
n’équivaut pas juridiquement à celle des navires et des aéronefs.
La lex rei sitae s’applique à la fois à l’égard des droits réels principaux et des droits réels
accessoires. Elle détermine quels droits peuvent être créés, quelles prérogatives ils
confèrent, par quels procédés ils se créent, et se transfèrent d’une personne à une autre.
Il faut noter l’existence de la convention de la Haye du 15 juin 1955 qui détermine la loi
applicable aux ventes à caractère international d’objets mobiliers corporels. Cette
convention détermine la loi applicable choisie par les parties, ou à défaut, celle de la
résidence du vendeur ou de l’acheteur, selon le cas. Mais elle précise en son article 5
qu’elle ne s’applique pas au transfert de propriété. Il faut en déduire que le transfert de
propriété demeure soumis à la loi de la situation du bien, avec ses conditions de validité
et d’opposabilité aux tiers.
Sur cette question, les solutions vont varier selon que l’on applique les règles de droit
commun propres à chaque pays ou les dispositions d’une convention internationale.
Par cet exemple, on comprend mieux la nécessité de disposer d’un critère permettant de
caractériser le contrat. Dans la recherche de ce critère, on est passé d’une appréciation
purement économique à une détermination par référence à des considérations
juridiques.
A – Le critère économique
Suivant ce critère, le contrat est considéré comme international dès lors qu’il entraîne
« un double mouvement de flux et de reflux » d’un pays un autre. Ainsi, la vente est
internationale parce que la marchandise passe du pays du vendeur à celui de l’acheteur
et que le paiement suit l’itinéraire inverse.
A plusieurs reprises, les juridictions du fond ont repris cette solution, mais elles ont aussi
admis une conception plus souple de ce critère économique en considérant comme
international le contrat dépassant le cadre de l’économie interne, ou celui qui met en jeu
les intérêts du commerce international. C’est à cette dernière solution que le législateur
ivoirien s’était rallié, lorsqu’il a eu, dans la loi du 9 août 1993, à distinguer l’arbitrage
interne de l’arbitrage international.
La précision limitée d’un tel critère a conduit à préférer au critère économique, une
approche purement juridique.
B - Le critère juridique
Dans certaines décisions de Justice, c’est en faisant référence au conflit de lois né d’un
contrat que la jurisprudence caractérise le contrat international.
Le recours à la notion de contrat international qui résulte de cette définition conduit donc
à recenser les différents éléments d’extranéité qui se présentent sans distinguer selon
que ceux-ci sont relatifs à la personne des contractants ou à la formation ou à l’exécution
du contrat lui-même. Il suffit en principe qu’un élément d’extranéité apparaisse pour que
le contrat soit considéré comme international. Ce rattachement à plusieurs systèmes
juridiques ne doit pas être artificiel, ni inspiré par le seul désir de réaliser une fraude.
Ainsi doit-on considérer que le commerçant mauritanien du quartier installé depuis des
années conclut avec sa clientèle habituelle des contrats internationaux ? La
jurisprudence ne s’est jamais prononcée directement en fournissant une définition du
contrat international. Dans un arrêt en date du 19 Janvier 1976 (RC 1077.503) la Cour
de Cassation pose le principe selon lequel le caractère international du contrat est la
condition nécessaire pour que les parties aient la faculté de désigner la loi à laquelle il
sera soumis.
On peut relever l’imprécision des deux critères économique et juridique, qui peut
conduire à des appréciations parfois surprenantes de la part des Juges. Mais on doit
aussi comprendre le refus de se laisser enfermer dans un système trop rigoureux, fondé
sur la seule considération d’éléments objectifs comme, par exemple, la résidence des
parties dans deux Etats différents.
Plusieurs conventions internationales ayant pour objet la plupart des contrats ou relatives
seulement à la vente, sont adoptées sur la question du caractère international du contrat.
Ces conventions sont d’un apport très limité en droit ivoirien. Seule l’une d’entre elles est
applicable en Côte d’Ivoire. Celle qui est actuellement en vigueur dans divers pays dont
la Côte d’Ivoire est la Convention du 15 Juin 1955 relative à la loi applicable aux ventes à
caractère international d’objets mobiliers corporels. Mais, elle ne contient aucune
indication sur la détermination du caractère international de la vente.
Dans son article premier alinéa 1, il est indiqué que la Convention régit les situations
contractuelles « comportant un conflit de lois ». Pour la mise en œuvre de ce critère le
Juge aura tendance à se référer aux solutions déjà acquise en droit commun.
- les ventes dont les parties ont leurs établissements dans des Etats différents ;
- Les ventes qui donnent lieu à un conflit de lois, pourvu que ce rattachement aux lois
d’Etats différents ne soit pas artificiellement créé par les parties.
Une règle presque universellement admise permet aux parties de choisir librement la loi
applicable au contrat international. Ce mode de rattachement à un ordre juridique
national, est désigné par l’expression « loi d’autonomie ».
La connaissance de la loi applicable dépend du choix opéré par les parties. Le fait de
s’en remettre aux parties peut faire surgir deux difficultés : la liberté de choix permet-elle
de désigner n’importe quelle loi ? Comment déterminer la loi applicable, si les parties ont
négligé de désigner une loi ?
A – La liberté de choix
Le principe est que, dans une situation comportant un conflit de lois, les contractants
peuvent choisir librement la loi qui régira leur contrat.
La Cour de Cassation avait antérieurement fait sienne une idée de Batiffol, selon laquelle
les contractants ne décident pas exactement de la loi applicable, mais plutôt de la
localisation de leur contrat, et le juge en déduit la loi applicable (1ère Civ. 25 Mars 1980,
Rev. Crit. 1980.576 note Batiffol). Ce détour traduisait une réticence à admettre que les
contractants puissent choisir leur loi. Il est maintenant abandonné.
Ce choix n’est pas nécessairement exprès. Il peut être implicite, pourvu qu’il résulte de
façon suffisamment certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la
cause.
Le choix des contractants est entièrement libre. Il n’est pas limité, comme le
préconisaient autrefois certains auteurs, aux lois des Etats avec lesquels le contrat a un
rapport, et qui ont ainsi un titre à s’appliquer. Les contractants peuvent aussi faire le
choix d’une loi applicable pour une partie du contrat seulement et soumettre l’autre partie
à une autre loi. Enfin ils peuvent à tout moment, à condition évidemment d’être d’accord,
modifier leur choix primitif.
B – L’absence de choix
Si les parties n’ont pas expressément choisi la loi de rattachement, c’est au Juge qu’il
appartient de localiser le contrat c’est à dire de déterminer quelle est la sphère juridique
où la convention qui lui est soumise paraît se placer. Selon la doctrine classique le Juge
devait à défaut d’un choix exprès, rechercher quelle avait été la volonté des parties et si
aucune volonté implicite ne peut être dégagée, découvrir la volonté hypothétique des
parties.
Ce rattachement est conforme à la règle traditionnelle locus regit actum. Il présente une
présomption selon laquelle, sous réserve de la preuve contraire, la volonté des parties se
dégage normalement vers la loi locale. Cette loi a le mérite d’être connue par les parties
et de régir la forme du contrat. Mais de nombreux auteurs reprochent à ce rattachement
son inefficacité en plusieurs domaines. En effet, le lieu de conclusion d’un contrat
international est souvent fortuit ou accidentel par rapport aux intérêts à régir. D’un autre
côté, ce rattachement se trouve compromis dans le cas des contrats par
correspondance. Le lieu de formation du contrat ne constitue pas une présomption qui
justifie un rattachement stable.
Cet élément est lié aux intérêts des parties. C’est au lieu d’exécution du contrat que le
résultat de l’opération qui donne au contrat sa valeur sera obtenu et devra être exigé en
cas de litige.
Certains tiennent à la teneur du contrat, ce sont les indices dits intrinsèques. D’autres
tiennent aux lois en conflit et à l’attitude des parties postérieurement à la conclusion du
contrat. Ce sont les indices extrinsèques.
Ces indices, de valeur inégale, peuvent tenir à la personne des contractants, à l’objet du
contrat ou à la forme de sa conclusion.
Il y a ensuite l’objet du contrat qui peut fournir un indice de rattachement. Par exemple,
dans les contrats portant sur un bien immeuble, il y a prévalence du statut réel sur le
droit contractuel. Le problème se pose également dans le cas des groupes de contrats
liés entre eux par l’objet. C’est le cas des contrats de sous-traitance. La jurisprudence
rattache les différents contrats à la loi du contrat principal.
D’un autre côté, la langue utilisée dans la rédaction du contrat constitue également un
indice important pour le Juge dans le cas où les parties n’ont pas la même langue.
On admet généralement que si l’une des lois en conflit annule le contrat, c’est celle qui le
valide qui est choisie par les parties, car il est invraisemblable que les parties aient
choisie une loi qui anéantit leur volonté.
L’attitude des parties postérieurement à la conclusion du contrat peut également
constituer un indice de rattachement. Par exemple, la loi par rapport à laquelle la
demande en justice a été formulée est, dans le silence des parties au moment de la
conclusion du contrat, compétente pour régir celui-ci.
- Le contrat est présumé présenter les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui
doit fournir la « prestation caractéristique » à sa résidence habituelle ;
- Un contrat relatif à un immeuble est présumé avoir les liens les plus étroits avec le pays
de la situation de l’immeuble. Cette présomption rejoint la solution dégagée
antérieurement par la jurisprudence dans la recherche d’indices susceptibles de révéler
une volonté implicite des contractants.
La relation contractuelle est un ensemble juridique complexe dont les éléments ne sont
pas tous nécessairement soumis à la loi désignée par les parties ou par la règle de
conflit supplétive. Parce que certaines questions peuvent relever d’autres catégories de
rattachement que le contrat, la loi qui gouverne celui-ci sera écartée pour laisser place à
la loi désignée par une autre règle de conflit.
Est du domaine de la loi contractuelle tout ce qui touche à la formation et aux effets du
contrat. La connaissance du droit interne des contrats suffit pour déterminer les
questions qui relèvent de cette loi. Quels sont les éléments auxquels on pourra appliquer
une loi autre que la loi du contrat ?
Il y a dans tous les systèmes juridiques, des situations contractuelles qui, partiellement
ou totalement, échappent au mécanisme du conflit de lois, bien qu’elles naissent d’un
contrat international.
C’est le cas des lois dites « d’application immédiate », parfois appelées « lois de police
contractuelle ». En effet, chaque Etat considère qu’une partie de sa législation doit
s’appliquer à toute situation juridique, même internationale, qui développe ses effets sur
son territoire, et cela sans tenir compte de la loi qui lui serait normalement applicable.
Les parties à un contrat international ne peuvent donc échapper à certaines règles qui
sont d’application immédiate, c’est à dire appliquée sans le détour par la règle de conflit.
Ainsi, un contrat international de travail qui s’exécute en Côte d’Ivoire, sera soumis pour
l’essentiel à la loi ivoirienne, même si, les parties avaient choisi de le soumettre à une
autre loi.
La capacité des parties peut-elle être appréciée en vertu d’une loi qu’elles auront
librement choisie ? Ce serait le cas si la capacité dépendait de la loi applicable au
contrat. Ce n’est pas la solution du droit ivoirien, ni celle de nombreux systèmes
juridiques étrangers, qui s’en remettent à la loi personnelle de chaque contactant, c’est à
dire sa loi nationale ou celle du domicile.
Afin de protéger l’un des contractants contre une nullité fondée sur l’incapacité de l’autre,
la jurisprudence française admet depuis longtemps l’excuse d’ignorance légitime de cette
incapacité. On retrouve une solution équivalente dans l’article 11 de la Convention de
Rome.
Dans toute vente, il y a transfert de la propriété d’un bien. La loi applicable au contrat ne
régit pas nécessairement la question du transfert du droit réel, que le bien soit un meuble
ou un immeuble. La loi de situation du bien interviendra en raison de sa force d’attraction
particulière à l’égard des biens et de son rôle essentiel pour la protection des tiers.
On avait envisagé de distinguer les effets du contrat entre les parties des effets à l’égard
des tiers pour soumettre les premiers à la loi du contrat et les seconds à la loi du lieu de
situation.
Cette solution ne présente pas de difficultés particulières pour les immeubles, d’autant
moins que souvent la loi d’autonomie se confondra avec la loi réelle. En revanche, à
l’égard des meubles, susceptibles de déplacement d’un pays à un autre, la complexité
peut être plus grande, principalement en raison de la particularité de certains droits
étrangers comme ceux du Sénégal et de l’Allemagne.
En effet, dans une vente d’un bien meuble, situé en Allemagne, le transfert de la
propriété s’opérera selon les solutions du droit allemand, même si le contrat est soumis à
la loi française adoptant le transfert solo consensus. L’échange des consentements ne
suffira pas à transférer la propriété, il faudra procéder aux formalités de tradition prévues
par le droit allemand.
Pour la vente d’un bien meuble situé en France, le transfert de la propriété s’opérera
selon les règles françaises, donc au moment de l’échange des consentements, même si
le contrat est soumis à la loi allemande.
La difficulté à régler cette question explique que dans les diverses conventions
concernant la vente, on ait renoncé à prendre position. Seul le problème du transfert des
risques, souvent lié à l’usage d’un INCOTERM, est envisagé dans la Convention de
Vienne.
Le contrat de vente est souvent établi de manière très rudimentaire. Il y a pourtant des
points sur lesquels les parties doivent être d’accord, car ils déterminent l’étendue de
leurs engagements dans les diverses phases de l’exécution du contrat, et en particulier
dans la phase du transport.
Il est indispensable que chacun sache à quoi il s’engage, ce qui lui permet non
seulement de s’exécuter, mais aussi de s’assurer contre les risques pouvant surgir dans
les différentes phases d’exécution du contrat.
La mise en place des INCOTERMS qui s’est opérée dans les années 1920 n’a pas
abouti à une réglementation figée. Plusieurs révisions de ces termes ont eu lieu, la plus
récente est celle de 2010, qui a permis de réduire leur nombre, de mieux préciser leur
portée et de faciliter leur compréhension, et donc leur utilisation, en introduisant une
systématisation de leur présentation.
Les Incoterms sont une norme admise dans le monde entier. À ce titre, comme toutes
les normes (industrie, qualité, pollution), leur appellation ne souffre d’aucune divergence.
Les incoterms visent à uniformiser les termes commerciaux les plus utilisés dans le
commerce international en définissant par un terme unique, interprétable d'une façon
identique de par le monde, une relation donnée entre un client et un fournisseur. Ils
représentent un langage commun à la disposition des commerçants de langues et de
pratiques commerciales différentes.
Les incoterms sont définis par des sigles répartis en trois catégories :
Le choix d'un incoterm résulte de la négociation commerciale, mais aussi des capacités
organisationnelles de l'entreprise et des facteurs extérieurs tels que les habitudes de
marchés et les pratiques des entreprises concurrentes. Ce choix conditionnant le
montant du contrat de transport, il est important de respecter certaines
recommandations.
Pour utiliser les Incoterms 2010, il convient de le préciser clairement dans le contrat de
vente en indiquant, la règle Incoterms choisie y compris le lieu désigné, suivie de
« incoterm 2010 ».
Le choix de l’Incoterm fait partie intégrante de la négociation commerciale. Il doit être fait
en fonction des capacités organisationnelles de l’entreprise, du moyen de transport
utilisé, du niveau de service qu’elle souhaite apporter à son client ou avoir de son
fournisseur, ou bien encore en fonction des habitudes du marché, des pratiques de la
concurrence, etc.… L’Incoterm choisi doit être adapté aussi bien aux marchandises à
expédier qu’au mode de transport à utiliser1.
1
Pour une application optimale des Incoterms, les parties au contrat doivent désigner le lieu ou le port avec une précision
maximale : ex, FCA Marcory Zone III, Rue Kabako, Abidjan, Côte d’Ivoire, Incoterms 2010. Il y a lieu de souligner ici que
pour certains Incoterms comme CPT, CIP, CFR, CIF le lieu désigné n’est pas le même que le lieu de livraison : il s’agit du
lieu de destination jusqu’auquel le transport est payé. Pour préciser le lieu de destination finale de la marchandise, il
Quels sont les Incoterms 2010 ?
Libellé Anglais Libellé Français
Code Descriptif Descriptif Code
EX Works... Usine (EN), usine (à l')
EXW ENU
Name place lieu convenu
Free Carrier Franco Transporteur
FCA FCT
Name place lieu convenu
Free Alongside ship Franco le Long du navire
FAS FLB
named port of shipment port d’embarquement convenu
Free On Board Chargé A Bord...
FOB CAB
named port of shipment port d’embarquement convenu
Cost and Freight Coût et Fret...
CFR CFR
named port of destination port de destination convenu
Carriage Paid To Port Payé jusqu’à
CPT POP
named port of destination port de destination convenu
Cost, Insurance, Freight... Coût, Assurance et Fret...
CIF CAF
named port of destination port de destination convenu
Carriage and Insurance Paid
Port et Assurance Payés,
CIP to... PAP
port de destination convenu
Named place of destination
Delivered At Terminal... Rendu au Terminal...
DAT RPD
Named port of destination port de destination convenu
DAP Delivered at Place Rendu au... RLD
convient de mentionner l’endroit précis afin d’éviter toute ambiguïté. Il en est de même pour la « sortie d’usine » : s'agit-il
d'une usine en Côte d’Ivoire ou d'une usine implantée à l'étranger par une société ivoirienne ?
La mention dans le contrat de vente du lieu convenu. Par exemple : CIF Abidjan, incoterm 2010 ; l’ajout systématique du lieu
de référence (port, frontière, etc.) au sigle utilisé.
L’utilisation des Incoterms nécessite certaines précautions à prendre tels que
Utilisez les seules abréviations normalisées. On prohibera tout autre code ! Et comme toute norme, il faut y faire
explicitement référence. Comme le ISO 9002, les trois lettres de l'Incoterm doivent être suivies, outre des lieux convenus, de
la mention "Incoterm", voire "Incoterm ICC". La tendance actuelle du commerce international se concrétise par le fait que
l'acheteur est déchargé de tout souci de logistique. Cela valorise la position de l'exportateur. Il est nécessaire de bien
négocier les termes du contrat lors d'une première expédition et surtout dans le cas des pays à risque où un crédit
documentaire comme moyen de paiement sera conseillé.
Libellé Anglais Libellé Français
named port of destination lieu de destination convenu
Delivered Duties Paid... Rendu Droits Acquittés…
DDP RDA
named place of destination lieu de destination convenu
On entend par nationalité le lien juridique qui unit un individu à un Etat donné. En Côte
d’Ivoire, l’établissement de ce lien juridique a posé une question à tort ou à raison placée
au cœur des débats publics actuels et présentée comme l’une des principales causes de
la crise socio-politique à la base du conflit armé que le pays a connu.
La nationalité ivoirienne peut être attribuée à une personne dès sa naissance. C’est le
cas pour la très grande majorité des ivoiriens qui sont qualifiés d’ivoiriens d’origine. Une
personne née étrangère peut, sous certaines conditions, obtenir par la suite la nationalité
ivoirienne.
Sur le plan international, la nationalité d’origine peut être établie suivant deux systèmes.
La nationalité peut être attribuée à un enfant à sa naissance, soit par sa filiation par
rapport à des personnes qui ont déjà cette nationalité : c’est le jus sanguini ou droit du
sang, soit en raison de sa naissance sur le territoire de l’Etat considéré. C’est le jus soli
ou droit du sol.
Les deux systèmes ne s’excluent pas l’un et l’autre et rien ne s’oppose à ce qu’une
législation applique les deux à la fois. Le droit ivoirien actuel, à la différence de certains
droits étrangers, ne retient que le premier système, c’est à dire l’acquisition de la
nationalité par le sang.
Ainsi, il résulte des articles 6 et 7 combinés du Code de la nationalité que tout enfant,
légitime ou né hors mariage, dont l’un des parents au moins est ivoirien à la date de sa
naissance, est lui-même ivoirien. Cette attribution de la nationalité est définitive dans la
plupart des cas, notamment lorsque les deux parents sont ivoiriens.
Evidemment, la filiation ne peut être prise en considération que si elle est juridiquement
établie. Mais peu importe qu’elle le soit tardivement, pourvu qu’elle le soit avant la
majorité de l’enfant. Dans ce cas, l’enfant est néanmoins considéré comme ayant été
ivoirien à compter de sa naissance (Article 8 alinéa 1).
D’après l’article 11 du Code de la nationalité, l’enfant qui bénéficie d’une adoption par un
ivoirien ou par des époux dont l’un au moins est ivoirien, bien que la loi ne le spécifie
pas, doit être considéré comme ivoirien rétroactivement, à compter de sa naissance. Sa
situation est assimilée à celle de l’enfant dont la filiation est établie tardivement.
L’attribution de la nationalité dès la naissance ne porte pas atteinte aux actes passés par
l’intéressé, ni aux droits acquis par des tiers sur le fondement de la nationalité apparente
possédée par l’enfant (Article 8 alinéa 2).
Il était question que soient ivoiriens d’origine, outre les enfants visés ci-dessus, ceux qui
sont nés avant le 7 Août 1960 sur le territoire de la Côte d’Ivoire, tel que délimité à cette
date, sauf s’ils répudient la nationalité ivoirienne ou se trouvent dans un des cas de perte
de la nationalité.
Cette innovation visait à intégrer dans la nationalité ivoirienne toutes les personnes qui
bénéficiant des dispositions des articles 17 à 23 de la loi n° 61-415 du 14 décembre
1961, qui n’avaient pas pu exercer leur droit d’option, avant l’abrogation de cette loi par
celle du 21 décembre 1972.
Mais, en définitive, les débats suscités au plan interne, n’ont pas permis l’adoption de
cette solution qui a été préférée à une autre, à savoir l’institution d’une procédure
spéciale de naturalisation. Mais à l’épreuve de la pratique, cette solution n’a pas permis
de résoudre la question de la nationalité ivoirienne.
Aussi en 2013, de nouvelles solutions ont-elles été adoptées à travers la loi n°2013-653
du 13 Septembre 2013, portant procédure spéciale en matière d’acquisition de la
nationalité ivoirienne par déclaration et celle n° 2013-653 du 13 septembre 2013,
portant modification des articles 12, 13, 14 et 16 anciens de la loi portant code de la
nationalité ivoirienne, lesquels sont relatifs à l’acquisition de la nationalité ivoirienne par
le mariage.
Le passage d’un régime exclusif à l’égard de l’homme étranger, à celui inclusif actuel5
ne s’est pas opéré de façon naturelle et linéaire. En effet, semé de véritables embuches
constituées par des batailles6 de toutes sortes et de tous genres, le chemin parcouru
pour y parvenir est, pour le moins qu’on puisse en dire, sinusoïdal ; car, rectiligne,
jusqu’à un certain moment, il s’est tracé en ligne brisée, avec des points de rupture,
traduisant les réticences et radicalismes qui ont nourri la controverse sur la question (A)
et laissant à s’interroger sur la solidité du système tel qu’issu de la loi n° 2013-653 du 13
septembre 2013, portant modification des articles 12, 13, 14 et 16 anciens de la loi
portant code de la nationalité ivoirienne (B).
7
La loi n°72-852 du 21 décembre 1972 avait pour but de modifier la loi n° 61-415 du 14 décembre 1961, portant
code de la nationalité ivoirienne pour principalement mettre fin à l’acquisition de la nationalité ivoirienne par
déclaration ouverte aux populations étrangères vivant sur le territoire ivoirien à la date de l’indépendance. La
nouvelle loi visait donc à exclure de la nationalité ivoirienne, toutes les personnes qui, bénéficiant des
dispositions des articles 17 à 23 de la loi n° 61-415 du 14 décembre 1961, n’avaient pas pu effectuer leur
déclaration, avant l’abrogation de cette loi par celle du 21 décembre 1972. La suppression de ce mode d’accès à
la nationalité ivoirienne a provoqué des divisions au sein des populations vivant sur le territoire ivoirien. En effet
cette frange de la population, déjà très importante en 1972, estimait qu’elle n’avait pas mesuré la portée
immédiate et les enjeux futurs du droit qui lui était accordé par les articles 17 à 23 de la loi, et surtout parce
qu’elle ne s’était jamais senties concernée par cette mesure qui déboucha sur un resserrement de la législation
ivoirienne en matière d’acquisition de la nationalité. Cette situation va être le terreau des ressentiments et des
frustrations sociales qui vont provoquer la guerre civile de 2002.
8
V° Annexe 1b à l’Accord de Linas Marcoussis signé le 23 janvier 2003.
cas, transmettre sa nationalité ivoirienne à un sujet de nationalité étrangère, à raison de
son mariage avec celui-ci.
Du même texte, il résultait que la femme ivoirienne qui épousait un étranger, pouvait
conserver sa nationalité ivoirienne et la transmettre à ses enfants dans les conditions
fixées par les articles 6 et 7 du Code de la nationalité9. Mais elle ne pouvait pas le faire
concernant son époux.
Aussi paradoxal que puisse apparaître ce système dans le contexte actuel des idées, il
s’explique aisément par les conceptions qui, à l’époque, étaient celles du droit ivoirien
des rapports matrimoniaux.
En effet, l’article 58 ancien de la loi sur le mariage disait, sans ambages, que l’homme
est le chef de la famille. L’article 57 de la même loi11 dit que la femme a l’usage de son
nom. En tant que chef de la famille, il exerce cette fonction, dans l’intérêt commun du
ménage et des enfants sur lesquels il a et exerçait exclusivement, sauf impossibilité de le
faire, la puissance paternelle. Sur le plan fiscal et des contributions sociales, notamment
9
Les articles 6 et 7 prévoyaient respectivement que :« Est Ivoirien : l'enfant légitime ou légitimé, né en Côte
d'Ivoire, sauf si ses deux parents sont étrangers, l'enfant né hors mariage, en Côte d'Ivoire, sauf si sa filiation est
légalement établie à l'égard de ses deux parents étrangers, ou d'un seul parent ,également étranger » « Est
Ivoirien: l'enfant légitime ou légitimé, né à l'étranger d'un parent ivoirien; l'enfant né hors mariage, à l'étranger,
dont la filiation est légalement établie à l'égard d'un parent ivoirien ».
10
Sur le cumul de nationalités, v° H. Battifol et P. Lagarde, op. cit. ; Y. Loussouarn, P. Bourel et P. de Vareilles-
Sommières, Droit international privé, op.cit. n° 522 et suiv;P. Mayer et V. Heuzé, Droit international privé, n°
907; François Mélin, Droit international privé, 6e édition Gualino, 2014, p. 169.
11
Texte qui paradoxalement n’a ni été abrogé, ni modifié par la loi n° 2013-33 du 25 janvier 2013, portant
abrogation de l’article 53 et modifiant les articles 58, 59, 60 et 67 de la loi n° 64-375 du 7 octobre 1964, relative
au mariage, telle que modifiée par la loi n°83-800 du 2 août 1983.
celles de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociales, les enfants étaient tous déclarés
au compte du mari.
On comprend alors que le législateur ivoirien de l’époque se fut inscrit dans la logique
d’organiser la famille autour de la personne du mari, à l’exclusion de tout ce qui pouvait
être rattaché à la femme dans son rôle de suppléante, de surcroit assistée, de son
époux. La transmission de la nationalité de l’épouse à l’époux n’avait alors aucun intérêt
dans un tel contexte où le mari dominant centralisait ou devait centraliser autour de lui la
vie du couple et de la famille.
Mais, sans que les textes qui les inspirent ne fussent modifiés, les mouvements de
défense des droits des femmes avaient, dès le milieu des années 80, commencé à
exiger l’égalité juridique entre l’homme et à la femme, aussi bien en dehors que dans le
mariage. A leur remorque, on notait l’appui des nombreux époux étrangers de femmes
ivoiriennes qui, vivant sur le sol ivoirien depuis de longue date, avaient fini par
développer un puissant sentiment d’appartenance à la nation ivoirienne et par se
comporter en citoyens ivoiriens sans en avoir le rattachement juridique adéquat.
C’est sous l’impulsion de ce groupe de pression que les participants à la Table Ronde de
Linas Marcoussis ont recommandé la réforme inclusive du droit ivoirien de la nationalité
sur, entre autres points, celui de l’acquisition de la nationalité par le mariage.
Sur la base des dites recommandations, les défenseurs13 des accords de Linas
Marcoussis obtiendront la modification de l’article 12 de la loi, dans le sens de son
extension à l’homme étranger épousant une ivoirienne. Mais, la femme étrangère perdra
l’automaticité de l’acquisition de la nationalité à raison de son mariage avec un ivoirien.
12
V° sur ce régime, Anne Marie Hortense Assi–Esso, Droit civil, La famille, 3ème édition UIBA, 2008, n° 166 et
suiv. p. 106 et suiv.
13
Les Accords de Linas Marcoussis, bien que présentés comme consensuels, ont vu se retourner contre eux
certains signataires qui les ont directement ou par personnes ou groupes sociopolitiques interposés, combattus
face à d’autres signataires qui les défendaient.
Les Accords de Linas Marcoussis avaient permis au droit ivoirien de franchir les
premières marches vers la suppression de la discrimination entre homme et femme dans
l’acquisition de la nationalité ivoirienne par le mariage. En effet, sur leur base, un projet
de loi avait été présenté à l’adoption de l’Assemblée Nationale. Ce projet se faisait l’écho
du point 1-b de l’Accord de Linas Marcoussis qui recommandait de « … compléter le
texte existant par l’intégration à l’article 12 nouveau des hommes étrangers mariés à des
ivoiriennes ».
Les articles 13 et 14 nouveaux tels que proposés par le projet de loi ne changeaient rien
au contenu prévu par le Code de la nationalité sauf que les mots « femme étrangère »
étaient remplacés par le mot « l’étranger ». Ces modifications purement formelles
répondaient au souci de cohérence des textes par rapport à la modification substantielle
de l’article 12.
14
Il s’agissait d’un Gouvernement hétéroclite formé par les différents protagonistes à la crise militaro-politique
ivoirienne. Ce gouvernement était appelé Gouvernement de Réconciliation Nationale.
2° Les amendements apportés par l’Assemblée Nationale.
Selon l’article 12 nouveau de la loi n°2004-662 du 17 décembre 2004, tel qu’adopté par
les parlementaires, la femme étrangère n’acquerrait plus de plein droit la nationalité
ivoirienne comme le prévoyait la loi de 1961. Désormais la femme étrangère épousant
un ivoirien ne pouvait acquérir la nationalité ivoirienne qu’à la condition d’en faire elle-
même le choix au moment de la célébration du mariage. L’article 12, nouveau de cette
loi exigeait donc une manifestation de volonté de la part de la femme étrangère épousant
un ivoirien.
Pour l’homme étranger, l’alinéa 2 du même article 12 nouveau prévoyait que celui-ci ne
pût acquérir la nationalité ivoirienne seulement deux ans après le mariage et à condition
d’en faire la demande.
La loi de décembre 2004 établissait donc pour l’homme un régime distinct de celui de la
femme quant à l’acquisition de la nationalité ivoirienne par le mariage.
Ce texte nouveau, qui était sensé supprimer toute forme de discrimination entre l’homme
et la femme, avait constitué une grave régression des droits jusque là acquis par la
femme, même s’il incluait l’homme étranger, comme potentiel bénéficiaire de la
nationalité ivoirienne du fait de son mariage avec une ivoirienne.
On comprend alors les vives contestations qui s’étaient élevées entre partisans et
adversaires de l’acquisition, par l’homme étranger, de la nationalité par le mariage.
15
Aux termes de l’article 48 de la Constitution, lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la
Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacés d’une
manière grave et immédiate, et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est
interrompu, le Président de la République prend les mesures exceptionnelles exigées par ces circonstances après
consultation obligatoire du Président de l’Assemblée Nationale et de celui du Conseil Constitutionnel… ».
Les Accords de Linas Marcoussis ayant été analysés comme étant des accords internationaux, le blocage de sa
mise en exécution justifiait le recours à l’article 48 de la Constitution.
3° Les solutions apportées par le Président de la République.
La Décision 2005-09/PR du 29 août 2005, relative au Code de la nationalité avait mis fin
à la discrimination entre l’homme et la femme d’une part et d’autre part, institué un droit
d’option quant à l’acquisition de la nationalité ivoirienne par mariage.
Alors que les lois antérieures maintenaient, sous une autre forme, la discrimination entre
la femme et l’homme de nationalité étrangère, la Décision du Président de la république
avait pris en compte la situation de l’homme étranger épousant une ivoirienne en
instaurant une égalité entre les deux sexes quant à l’acquisition de la nationalité
ivoirienne par le mariage.
Mais, après avoir franchi ces pas décisifs, la Décision 2005-09/PR du 29 août 2005
relative au Code de la nationalité avait maintenu la suppression de l’acquisition de plein
droit. En effet, la femme étrangère épousant un ivoirien n’acquerrait plus de plein droit la
nationalité ivoirienne. Comme l’homme étranger épousant une ivoirienne, l’acquisition de
la nationalité ivoirienne est, pour l’un et l’autre sexe, soumise à une option effectuée lors
du mariage.
On pourrait trouver dans l’article 2 de la Constitution, qui proclame l’égalité des sexes,
une justification de cette égalité de traitement. Mais, à l’époque, cette égalité était en
contradiction avec les dispositions de la loi n°64-375 du 7 octobre 1964 modifiée par la
loi n°83-800 du 2 août 1983 relative au mariage qui instituait le mari chef de la famille16.
16
Voir supra, le fondement du système originel exclusif.
La Décision 2005-09/PR du 29 août 2005 soumettait donc l’acquisition de la nationalité
par le mariage à une manifestation de volonté de la part de la personne étrangère
épousant une personne ivoirienne.
L’institution de ce droit d’option doit être approuvée, en ce qu’il respecte la liberté des
individus dans l’acquisition de la nationalité. En effet, la personne étrangère épousant
une ivoirienne peut librement et en toute connaissance de cause choisir entre sa
nationalité d’origine et la nationalité ivoirienne. La solidité d’un Etat dépend dans une
large mesure de la volonté de ses nationaux de se considérer comme tels. Il est difficile
de considérer comme un national un individu qui ne veut pas l’être, « de nationaliser les
gens par la force»17.
C’est pour corriger ce décalage par rapport à l’Accord de Linas Marcoussis que la loi
n°2013-653 du 13 septembre 2013 a été adoptée par l’Assemblée Nationale.
17
Yvon Loussouarn et Pierre Bourel, Droit International Privé, 5ème édition, p.549.
loi du 25 janvier 201318, le législateur ivoirien va revenir sur le sort des articles 12 et
suivants du code de la nationalité. Se proclamant porteurs des idées d’égalité des droits
entre l’homme et la femme, les pouvoirs publics actuels ont choisi d’opérer les réformes
nécessaires.
Aux termes de l’article 12 de la nouvelle loi, «sous réserve des dispositions des articles
13, 14, et 40, la femme de nationalité étrangère qui épouse un ivoirien acquiert la
nationalité ivoirienne au moment de la célébration du mariage. Les mêmes dispositions,
précise l’article 12, s’appliquent à l’homme de nationalité étrangère qui épouse une
ivoirienne».
Ce texte est, à quelques mots près, la reprise des dispositions du projet de loi élaboré
par le Gouvernement de Réconciliation Nationale en 2004. Le projet de loi de 2004
suggérait en effet l’adoption de la formulation suivante : « sous réserve des dispositions
des articles 13 nouveau, 14 nouveau et 40, la femme de nationalité étrangère qui épouse
un ivoirien acquiert la nationalité ivoirienne au moment de la célébration du mariage
devant l’officier d’état civil. Il en est de même pour l’étranger ».
Ce nouveau régime s’inscrit parfaitement dans le contexte actuel des rapports entre
époux. En effet, la loi du 25 janvier 2013, portant abrogation de l’article 53 et modifiant
les articles 58, 59, 60 et 67 de la loi du 7 octobre 1964, relative au mariage telle que
modifiée par la loi n° 83-800 du 2 août 1983, déclare que « la famille est gérée
conjointement par les époux dans l’intérêt du ménage et des enfants. Ils assurent
ensemble la direction morale et matérielle de la famille, pourvoient à l’éducation des
enfants et préparent leur avenir »19. Désormais, le mari n’a plus le titre de chef de la
18
Il s’git précisément de la loi n° 2013-33 du 25 janvier 2013, portant abrogation de l’article 53 et modifiant les
articles 58, 59, 60 et 67 de la loi n° 64-375 du 7 octobre 1964 relative au mariage telle que modifiée par la loi n°
83-800 du 2 août 1983.
19
Voir article 58 nouveau de la loi sur le mariage.
famille. Il n’a plus, comme par le passé, l’exercice exclusif de la puissance paternelle et
la direction du ménage.
La loi de 2013 réinstaure l’acquisition de plein droit de la nationalité que la loi n ° 2004 -
662 du 17 décembre 2004 et la Décision n° 2005-09/PR du 29 aout 2005 avaient
supprimée. La nationalité ivoirienne est, dit le nouveau texte, acquise « au moment de la
célébration du mariage ».
Le même principe d’égalité des sexes, autrement analysé, veut que le mariage ne
modifie, ni la nationalité, ni celle de sa femme. Le statut de l’un des époux ne doit pas
avoir une incidence sur celui de l’autre du seul fait du mariage. C’est la conséquence la
plus patente de l’égalité entre époux.
Le mariage ne devrait donc pas exercer de plein droit aucun effet sur la nationalité, tout
comme le changement de nationalité ne devrait être que le fait de la volonté individuelle
de chaque époux, mari ou femme, l’un et l’autre devant se voir reconnaitre la faculté de
réclamer ou de refuser la nationalité ivoirienne. C’est la solution actuelle du droit
français20 qui avait, avant la loi du 9 janvier 1973, considéré le mariage comme un mode
d’acquisition de plein droit de la nationalité française au même titre que la filiation ou la
20
Pierre Mayer et Vincent Heuzé, Droit International Privé. 11e édition n° 950 p. 643.
naissance et la résidence en France et qui aujourd’hui le présente comme un mode
d’acquisition par déclaration21.
En droit ivoirien, soumettre comme en droit français, les époux à la déclaration, dans les
mêmes conditions, avant ou après le mariage, leur laisse la liberté de choisir ou de
refuser la nationalité de leur conjoint. Et ce serait, à la satisfaction des conditions d’accès
posées par la loi, dans son sens le plus significatif, la marque de l’égalité entre eux.
A – La naturalisation ordinaire
Il en résulte que le nombre des naturalisations ne dépend pas seulement du nombre des
demandes. Il dépend aussi, dans une large mesure, de la politique du gouvernement qui
peut être plus ou moins large selon les périodes.
Mais cette condition qui est exigée comme garantie d’assimilation à la population
ivoirienne, fait l’objet de nombreuses dérogations dans des cas qui sont considérés
comme apportant d’autres garanties suffisantes. En effet, dans certains cas, le stage est
réduit à deux ans. Dans d’autres cas, le demandeur en est totalement dispensé.
21
V° François Mélin, Droit international privé, 6e édition Gualino, 2014, loc.cit.
Plusieurs autorités interviennent dans la procédure ordinaire.
L’autorité qui reçoit la demande de naturalisation doit rassembler les divers éléments
d’appréciation pour permettre au pouvoir exécutif de statuer en pleine connaissance de
cause, tant sur la recevabilité de la demande que sur l’opportunité de la naturalisation.
Ainsi, elle procède à une enquête sur la moralité, la conduite et le loyalisme du postulant,
et sur l’intérêt de la naturalisation. La même autorité procède à la désignation d’un
médecin chargé d’examiner l’état de santé du postulant et de fournir un certificat à cet
égard. Après avoir accompli ces actes, l’autorité saisie de la demande constitue un
dossier et donne son avis motivé tant sur la recevabilité de la demande que sur la suite
qu’elle pourrait comporter. Il est ensuite procédé à la transmission du dossier au Ministre
de l’intérieur. Celui-ci l’ayant reçu donne son avis quant à l’opportunité de la
naturalisation et le transmet au ministre de la santé publique. Ce dernier fait ensuite
parvenir le dossier avec son avis au ministre de la justice aux fins d’enregistrement.
C’est après cette procédure que la demande est soumise à la signature du Président de
la république.
B – La réintégration.
On entend par réintégration le retour dans la nationalité ivoirienne d’une personne qui l’a
eue antérieurement et l’a par la suite perdue. Elle s’effectue par décret après enquête.
Pour pouvoir être réintégré, il faut avoir eu la nationalité ivoirienne à titre originaire, et
l’avoir perdue par l’effet soit d’un mariage avec un étranger, soit de l’acquisition par
mesure individuelle d’une nationalité étrangère.
Dans la mise en œuvre des accords de Linas Marcoussis, les autorités ivoiriennes
avaient mis en place la procédure spéciale et exceptionnelle en matière de naturalisation
(a). Cette procédure qui véritablement n’a pas connu de succès a été remplacée par
celle instituée par la loi du 13 septembre 2013 relative à l’acquisition de la nationalité par
déclaration (b).
Ces deux catégories d’étrangers avaient été soumises à une procédure exceptionnelle
commune et dérogatoire à la procédure de naturalisation prévue par le Code de la
Nationalité Ivoirienne.
La procédure spéciale et exceptionnelle prévue par la loi de 2004 était avant tout une
procédure de naturalisation. On pouvait en déduire, contrairement à ce qu’on aurait pu
croire à l’époque, que la réunion des conditions requises par les bénéficiaires
n’aboutissait pas à l’acquisition automatique de la nationalité. Elle n’avait que pour effet
la recevabilité de la demande de naturalisation.
Les conditions de fond sont relatives aux personnes bénéficiaires de ladite procédure.
Selon l’article 2 de la loi n°2013-653 du 13 Septembre 2013 portant procédure spéciale
en matière d’acquisition de la nationalité ivoirienne par déclaration, ces bénéficiaires sont
rangés en trois (03) catégories bien distincts.
Tout d’abord les premiers bénéficiaires de cette procédure sont, « les personnes nées en
Cote d’Ivoire de parents étrangers et âgées de vingt-et-un an révolus à la date du 20
Décembre 1961 » article 2, alinéa 1. En effet, il ne s’agit que de personnesphysiques
étant mineures à la date du 2 Décembre 1961, né sur le territoire ivoirien et de parents
étrangers. Ici la loi fait prévaloir le droit du sol encore appelé : jus soli. De ce fait, une
personne née hors de la Cote d’Ivoire, de parents étrangers, et mineure ne pourra se
prévaloir de cette procédure pour acquérir la nationalité ivoirienne. Le critère de la
territorialité est implicitement un élément déterminant de même que la minorité.
Les articles 3 et 4 indiquent les différentes formalités à accomplir par le déclarant, pour
bénéficier de la procédure spéciale en vue d’acquérir la nationalité ivoirienne par
déclaration. En effet comme l’indique l’article 3 « toute déclaration, en vue d’acquérir la
nationalité ivoirienne…, est souscrite devant le procureur de la République ou le
substitut-résident du ressort dans lequel le déclarant a sa résidence, qui la transmet au
Ministre en charge de la justice. ». Aussi le décret n°2013-848 du 19 septembre 2013
portant modalités d’application de la loi n° 2013-653 du 13 Septembre 2013 précise-t-il
en son article 2 que la souscription peut être faite par-devant le préfet ou le sous préfet
de la localité dans laquelle les déclarants ont leur résidence22.
Quant à l’article 4, il précise que cette déclaration devra être faite sur un formulaire prévu
à cet effet et être enregistré au ministère en charge de la justice. Ce formulaire devra
être accompagné par :« …deux photos d’identité de l’intéressé ; deux copies d’extrait
d’acte de naissance ou de jugement supplétif en tenant lieu ; tous documents pouvant
22
C’est dans le souci de permettre aux populations se trouvant dans les zones reculées de pouvoir souscrire plus facilement
à la procédure que plusieurs préfectures et sous préfectures ont été créées au nombre actuel de 509 sous préfectures
justifier de la résidence habituelle du déclarant en Cote d’Ivoire ; l’autorisation préalable
parentale, lorsque le déclarant est un mineur non émancipé de moins de dix-huit (18)
ans. Il faut souligner que le prix de cette opération de déclaration s’élève à 1500 FCFA
(prix du timbre de souscription).
Le nouveau ivoirien a, pour l’avenir, la plénitude des droits liés à la qualité d’ivoirien. En
particulier, il peut séjourner sans restriction sur le territoire. Il ne peut être ni expulsé ni
extradé.
Le nouveau ivoirien est par ailleurs soumis aux charges liées à la qualité d’ivoirien. Il
doit, notamment accomplir le service militaire.
Cet individu n’aura pas que des droits mais aussi des devoirs et
obligations attachés à la qualité d’ivoirien. Il devra notamment répondre
aux appels sous le drapeau ivoirien.
La nationalité ivoirienne peut se perdre pour diverses causes. Les unes sont classiques
les autres, résultant de la rupture du mariage qui a octroyé la nationalité ivoirienne,
23
Le pouvoir discrétionnaire accordé au président de la république lorsque l’intéressé le saisit d’un recours
hiérarchique appelle a réflexion : est-il opportun d’accorder un pouvoir discrétionnaire au président de la république
sur une question aussi sensible ? Chaque Etat étant souverain quant à l’attribution de sa nationalité, le Président de
la République incarnant cette souveraineté, il est tout à fait logique qu’il soit la personne à décider en dernier recours
du sort des demandes aux fins d’acquisition de la nationalité ivoirienne par déclaration.
proviennent des innovations apportées au droit de la nationalité par l’accord de Linas
Marcoussis.
Perd aussi la nationalité ivoirienne, la femme ivoirienne qui a épousé un étranger et qui
de ce fait répudie sa nationalité d’origine. C’est également le cas de l’ivoirien, même
mineur qui possède de plein droit une double nationalité par l’effet d’une loi étrangère.
Il s’agit, dans ces cas, d’éviter le cumul de nationalités ou d’y mettre fin conformément au
choix de l’intéressé.
Elle n’est pas applicable aux ivoiriens d’origine, mais seulement à ceux qui ont acquis la
nationalité.
Il faut que les faits reprochés se soient produits dans les dix ans à compter de
l’acquisition de la nationalité, et que la déchéance soit prononcée dans les dix ans à
compter de ces faits.
Ces deux causes avaient été ajoutées à l’article 16, nouveau par les amendements
apportés par les députés au projet de loi, en ces termes : ‘’En cas de dissolution du lien
matrimonial par décès ou par divorce, l’époux devenu ivoirien par le mariage conserve la
nationalité ivoirienne si le divorce ou le décès intervient après la dixième année du
mariage. Il en va de même en cas de divorce par consentement mutuel.’’
Cette disposition selon le législateur avait pour objectif de restreindre les cas
d’acquisition frauduleuse de la nationalité par mariage et de protéger les personnes
ivoiriennes contre les mariages de complaisance. Or, cette disposition n’avait pas été
entièrement reprise par la décision n°2005-09/PR du 29 août 2005 qui apportait des
restrictions aux conditions d’accès à la nationalité ivoirienne par le mariage.
La décision n°2005-10/PR du 29 août n’avait retenu que le divorce comme seul nouveau
motif de perte de la nationalité acquise par mariage. L’alinéa 3 de l’article 16 était
désormais ainsi libellé : ‘’Si avant la période de dix ans suivant le mariage, le couple
vient à divorcer, l’époux ou l’épouse d’origine étrangère perd le bénéfice de la nationalité
ivoirienne’’.
Cette restriction s’expliquait par le fait qu’à la différence du décès qui est un événement
imprévisible dans une certaine mesure, le divorce est un acte de volonté et il est
prévisible. Un (e) ivoirien (ne) qui épouse un étranger ou une étrangère peut décéder
naturellement avant le délai de dix ans. Le décès ne dénote pas indubitablement d’une
machination pour acquérir la nationalité ivoirienne.
La question se posait de savoir si les droits acquis par le conjoint étranger épousant une
ivoirienne étaient définitivement acquis après la perte de la nationalité ou s’ils pouvaient
être remis en cause ?
La réponse à cette question est très explicite pour la perte en raison de l’annulation du
mariage par décision judiciaire. Cette condition avait été aussi reprise par l’article 16,
nouveau.
L’annulation du mariage par décision judiciaire était déjà prévue par l’article 16 ancien et
les effets de la perte étaient clairement précisés. L’article 16 avait été repris ce motif
mais prévoyait des effets différents.
L’étranger qui perd la nationalité en raison de l’annulation de son mariage par décision
judiciaire est réputé n’avoir jamais possédé cette nationalité même s’il était de bonne foi.
Ce principe posé par l’article 16 de la loi de 1961 modifiée par la loi 1972 avait été repris
par l’article 16, version Linas Marcoussis après débats internes. Ainsi les effets du
mariage sur la nationalité supposaient un mariage valide. Et le mariage nul même
déclaré putatif à l’égard du conjoint étranger ne lui permettait pas de conserver la
nationalité même pour le passé.
A l’égard du conjoint étranger qui perdait la nationalité, l’article 16, alinéa 2 n’était pas
explicite. Cependant, on pouvait déduire à contrario de l’alinéa 2 que la validité des actes
passés antérieurement à la décision d’annulation du mariage, pouvait être contestée à
l’égard du conjoint étranger même de bonne foi.
Mais quel était l’effet de cette perte à l’égard des enfants ? La question était superflue
pour les enfants issus du mariage déclaré nul. Ceux-ci gardent la nationalité tant qu’au
moins un des conjoints est ivoirien. La solution n’est pas obligatoirement la même pour
les enfants mineurs du conjoint étranger. Ceux-ci bénéficiaient des effets de l’acquisition
de la nationalité de leurs géniteurs conformément à l’article 45 du Code de la nationalité.
En cas de perte de cette nationalité par leurs géniteurs, pouvaient-ils toujours la
conserver ? La nouvelle loi était muette sur cette question. On pouvait néanmoins par un
raisonnement logique considérer que ces enfants ne pouvaient pas conserver la
nationalité dans la mesure où le fondement de cette acquisition n’existe plus.
La réforme de 2013 a ceci d’insolite qu’elle rompt avec la pratique bien établie depuis
1961 consistant à poser le divorce comme obstacle à l’acquisition de la nationalité
ivoirienne par le mariage. La nouvelle loi, contrairement à celles de 1961, 1972 et 2004
et la Décision de 2005, ne dit plus rien en ce qui concerne la rupture du mariage
octroyant la nationalité ivoirienne, par le divorce. C’est dire qu’un étranger peut,
immédiatement après son mariage avec un ivoirienne, divorcer et conserver la
nationalité ivoirienne acquise. La nouvelle loi devient ainsi le terreau des mariages de
complaisance ou blancs24, célébrés tout juste pour acquérir un droit ou bénéficier d’une
situation dont la jouissance est liée à la nationalité ivoirienne.
Or, c’est précisément pour empêcher de telles situations que l’article 16 in fine de la loi
de 1972 déclarait que «si avant la période de dix ans suivant le mariage, le couple vient
24
Rubellin-Devichi, La justice et les mariages blancs, Rev. fr. dr. Adm. 1993.169.
à divorcer, l’épouse ou l’époux d’origine étrangère perd le bénéfice de la nationalité
ivoirienne ».
La volonté de lutter contre la pratique des mariages blancs qui pourraient connaître un
succès à cause de la soumission de la propriété foncière rurale à la qualité d’ivoirien, a
conduit la Décision n° 2005-09/PR du 29 aout 2005, à intégrer le décès dans les
mesures restrictives de la nationalité par le mariage. En effet, dans sa version de 2004,
l’article 16 in fine déclarait qu’en « cas de dissolution du lien matrimonial par décès ou
par divorce, l’époux devenu ivoirien par le mariage conserve la nationalité ivoirienne, si le
décès ou le divorce intervient après la dixième année de mariage. Il en va de même en
cas de divorce par consentement mutuel ».
C’est dans ce sens que s’inscrit, judicieusement, le droit français pour donner une assise
effective à la nationalité acquise au titre du mariage d’un français avec un conjoint
d’origine.
1° il faut qu’il existe une « communauté de vie tant affective que matérielle » et que cette
communauté n’ait pas cessé entre les époux depuis le mariage.
2° Un délai de quatre ans doit s’être écoulé à compter du mariage. Le délai de
communauté de vie est toutefois porté à cinq ans lorsque l’étranger, au moment de la
déclaration, soit ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière
pendant au moins trois ans en France, à compter du mariage, soit n’est pas en mesure
d’apporter la preuve que son conjoint français a été inscrit pendant la durée de leur
communauté de vie à l’étranger au registre des Français établis hors de France.
3° Le conjoint français doit avoir conservé sa nationalité ;
4° Le conjoint étranger doit justifier d’une connaissance suffisante, selon sa condition, de
la langue française26.
25
Voir sur les conditions, V° François Mélin, Droit international privé, 6e édition Gualino, 2014, op.cit, p. 215 et
suiv.
26
Le décret du 30 décembre 1993 dans sa version issue du décret n° 2013-794 du 30 août 2013 donne des
précisions sur le niveau de langue requis.
5° Si le mariage a été célébré à l’étranger, il doit avoir fait l’objet d’une transcription
préalable sur les registres de l’état civil français.
Telle qu’exigée par les lois antérieures, la condition de communauté de vie qui ne devait
pas avoir cessé au cours des dix premières années du mariage attributif de la nationalité
ivoirienne, aurait du être reprise par la loi de 2013 et érigée en condition de dignité et
d’intégration, à défaut desquelles le Gouvernement pourrait s’opposer à l’acquisition de
la nationalité ivoirienne par le mariage.
Certaines sont exercées comme des procédures administratives tant que d’autres sont
de véritables procédures judiciaires.
Une déclaration de nationalité est l’acte par lequel une personne exerce une option qui
lui est ouverte par la loi quant à la nationalité ivoirienne.
Quant à leur finalité, ces déclarations, peuvent être faites en vue de décliner la
nationalité ou de la répudier.
Mais elles sont soumises à des règles communes. L’autorité compétente pour les
recevoir est le président du tribunal civil de première instance, ou un magistrat désigné à
cet effet, ou à l’étranger, les agents diplomatiques ou consulaires de Cote d’Ivoire.
La déclaration doit être ensuite enregistrée au ministère la justice, qui vérifie si les
conditions légales sont remplies. Dans l’affirmative, la déclaration est enregistrée et un
exemplaire portant mention de l’enregistrement est remis au déclarant. Le refus
d’enregistrement, qui ne peut se fonder que sur l’absence d’une condition légale, doit
signifié au déclarant dans le six mois ;à défaut, le ministère est tenu de procéder à
l’enregistrement.
Il s’agit d’un document qui constitue la preuve pratique et usuelle qu’une personne la
nationalité ivoirienne.
Il est délivré exclusivement par le juge du tribunal de première instance.
Le demandeur présente au juge les documents de nature à établir qu’il se trouve dans
l’un des cas de nationalité ivoirienne. Si le juge délivre le certificat, il précise la
disposition légale en vertu de laquelle, l’intéressé a la nationalité ivoirienne, et les
documents sur lesquels il se fonde.
En cas de difficulté, l’intéressé peut saisir le ministère de la justice qui décide s’il y a de
lieu ou non le certificat. Il s’agit d’un recours hiérarchique auprès du Ministre. Ces
solutions s’expliquent par le fait que cette fonction du juge a un caractère administratif, et
non juridictionnel.
On entend par là les contestations en justice portant sur la question de savoir si telle
personne a ou n’a pas la nationalité ivoirienne.
Cette question peut se présenter de deux façons. Elle peut être soulevée de façon
incidente au cours d’une instance ayant un autre objet, soit entre un particulier et l’Etat
(par exemple à propos du recrutement militaire) soit entre deux particulier, à propos
d’une contestation portant sur un droit réservé aux ivoiriens.
Elle peut aussi être posée à titre principal indépendamment de toute autre. Avant
d’examiner ces deux hypothèses, il convient de poser deux règles générales :
L’Etat, qui est évidemment intéressé, doit toujours être représenté par la ministère public.
Le Ministre de la Justice doit être tenu informé et recevoir copie de l’assignation et des
conclusions, pour être en mesure de donner ses instructions au procureur de la
République.
Elle a pour objet principal et direct de faire juger que telle personne a, on au contraire,
qu’elle n’a pas la nationalité ivoirienne. C’est l’action en reconnaissance ou en
dénégation de nationalité, selon le cas.
Le tribunal territorialement compétent est celui de la résidence de l’intéressé. L’action
peut être intentée par l’intéressé. Il assigne alors le procureur de la République. Les tiers
qui y auraient intérêt ont le droit d’intervenir.
L’action peut aussi être intentée contre l’intéressé, mais seulement par le procureur de la
République. Il est tenu de l’intenter s’il en est requis par une administration publique. Les
tiers qui y auraient intérêt peuvent également intervenir. Mais un tiers ne peut prendre
l’initiative de l’action ; dans le cas, assez exceptionnel, où i y aurait un intérêt légitime, il
peut seulement demander officieusement au procureur de la République d’agir, celui-ci
demeurant libre de la suite à donner.
On suppose qu’au cours d’un procès portant sur un autre objet, une contestation s’élève
sur la nationalité ou l’extranéité de l’une des parties. Si l’action principale se déroule
devant un tribunal civil de première instance, il n’a y pas de difficulté : il est compétent
pour statuer sur l’exception, même s’il n’est pas celui de la résidence de l’intéressé. Le
ministère public doit obligatoirement être mis en cause, même si l’Etat est déjà partie
principale au procès avec un autre représentant. Si la question se trouve posée au cours
d’un procès criminel devant une cour d’assises, cette juridiction est, par exception
autorisée à la trancher elle-même. Mais la décision qu’elle prend alors sur ce point n’a
d’autorité que dans le cadre du procès criminel ; elle ne tranche pas définitivement la
question de la nationalité de l’intéressé.
Enfin, lorsque l’instance principale se déroule devant une juridiction autre que le tribunal
civil ou la cour d’assises, la question de nationalité est préjudicielle, c’est-à-dire que la
juridiction saisie doit surseoir à statuer en attendant que la question soit tranchée par le
tribunal civil. Il appartient alors à celui qui a soulevé la contestation de prendre l’initiative
d’une action sur renvoi devant le tribunal civil de la résidence de l’intéressé d’une action
revient ainsi à tiers, qui n’a pas qualité pour intenter lui-même l’action, il requerra le
ministère public de le faire, et ce dernier est alors tenu d’agir.
L’action sur renvoi doit être exercée dans le délai d’un mois.
A défaut, le tribunal saisi de l’instance principale peut passer outre et statuer sur la
nationalité, sa décision n’ayant alors de valeur que pour l’affaire dont il est saisi.
La notion de nationalité des personnes morales a été longtemps contestée. Elle est
maintenant communément admise par la doctrine et la jurisprudence, mais c’est une
notion très différente de la nationalité des personnes physiques.
Les règles applicables à la nationalité des personnes morale sont donc autonomes. Sous
réserve de quelques textes législatifs récents, elles sont essentiellement d’origine
jurisprudentielle. Les décisions de jurisprudence concernent généralement les sociétés
commerciales. Mais les solutions sont certainement transposables aux associations.
- sur le terrain de la condition des étrangers : il s’agit de savoir, en présence d’un droit
réservé aux ivoiriens, et éventuellement aux nationaux de certains pays étrangers, si la
personne morale considérée peut en bénéficier ; ou inversement, en présence d’une
disposition applicable à l’encontre des nationaux de certains pays, si elle est applicable à
la personne morale considérée.
Une difficulté est apparue lorsque le siège social déterminé par les statuts apparaît fictif,
et ne correspond pas au siège des organes de direction de la société. La jurisprudence a
précisé que dans ce cas la société ne peut se prévaloir de son siège social fictif, mais
qu’en revanche les tiers peuvent s’en prévaloir contre elle s’ils y ont intérêt.
Une société peut changer de nationalité et donc de loi applicable, en transférant son
siège social dans un autre pays. Mais il faut pour cela que l’opération soit admise à la
fois par la loi de l’ancien siège social et par celle du nouveau.
Dans certains domaines particuliers, la loi écarte le critère du siège social pour appliquer
le critère dit « du contrôle » considéré comme plus réaliste : on tiendra compte de la
nationalité dominante parmi les membres du groupement ou parmi ses dirigeants, ou
encore de l’origine des capitaux.
Dans les domaines où la question n’est pas réglée par la loi, la jurisprudence reste
attachée au critère du siège social toutes les fois qu’il n’existe pas de raison particulière
de décider autrement. Il en est ainsi notamment pour le bénéfice du statut des baux
commerciaux, pour les privilèges de juridiction des articles 14 et 15 du Code Civil, ou
encore en matière fiscale.
La condition des étrangers comprend les règles relatives à l’entrée au séjour et celles
relatives notamment aux conditions d’exercice d’une activité professionnelle. Elle résulte
généralement de conventions bilatérales comme la convention ivoiro-française du 8
octobre 1976 sur la circulation des personnes entre la Côte d’Ivoire et la France ou de
traités régionaux, comme le traité CEDEAO du 28 mai 1975.
En ce qui concerne la circulation des personnes physiques, dans les relations entre la
Côte d’Ivoire et les Etats de la CEDEAO, la carte de séjour autrefois instituée a été
supprimée, « libéralisant » ainsi ce secteur.
- une personne morale étrangère peut-elle exercer une activité en Côte d’Ivoire ?
- quels droits sont reconnus aux personnes morales étrangères ?
L’activité des sociétés étrangères en Côte d’Ivoire est traditionnellement admise sans
restriction particulière.
La société étrangère régulièrement constituée selon les lois de son pays d’origine est
soumise aux obligations de déclarations judiciaires et administratives que les sociétés
ivoiriennes. Parfois même, elles jouissent de mesures de faveur spéciales, notamment
lorsqu’elles répondent aux conditions déterminées par le Code des investissements.
Mais il en est autrement pour les associations. La loi du 21 septembre 1960, tout en
consacrant le principe de la liberté d’association, fait exception pour les associations
étrangères. Une autorisation est nécessaire pour les associations étrangères. Une
autorisation est nécessaire pour l’activité en Côte d’Ivoire d’une association ayant son
siège à l’étranger, et pour la constitution d’une association étrangère avec un siège
social en Côte d’Ivoire. En outre, pour l’application de cette dernière disposition, la loi
adopte une définition très extensive des associations étrangères.
En effet, aux termes de l’article 28 de la loi sur les associations, sont réputées
associations étrangères, quelle que soit la forme sous laquelle ils peuvent se dissimuler,
les groupements présentant les caractéristiques d’une association, qui ont leur siège à
l’étranger ou qui, ayant leur siège en Côte d’Ivoire, sont dirigées par des étrangers ou
bien, ont soit des administrateurs étrangers, soit un quart au moins de ses membres
étrangers.
Bien que la question ait été discutée autrefois, aucune raison de droit ne s’oppose à ce
que la personnalité juridique soit reconnue en Côte d’Ivoire aux personnes morales
étrangères. Un tel refus de reconnaissance ne pourrait se justifier que par des raisons
d’opportunité, pour la protection d’intérêts ivoiriens.
La personnalité est reconnue de plein droit aux Etats étrangers, pourvu qu’ils soient
reconnus comme Etats par le gouvernement ivoirien, et aux personnes morales de droit
public qui en sont les organismes. En conséquence, ils peuvent notamment ester en
justice.
Mais il en est autrement, en vertu d’une loi du 30 mai 1857, pour les sociétés étrangères
de capitaux. Leur personnalité n’est reconnue c’est-à-dire les droits dont elles peuvent
être titulaires et les actes juridiques qu’elles peuvent effectuer comporte une double
limite :
- elle ne peut être supérieure à celle qui leur est reconnue par la loi régissant leur
fonctionnement ;
- elle ne peut non plus être supérieure à celle qui est reconnue par la loi ivoirienne
aux groupements du même type. La question ne se pose pas pour les sociétés,
qui ont pleine capacité en droit ivoirien. Mais les associations étrangères sont
soumises aux mêmes restrictions que les associations ivoiriennes pour leur
capacité de recevoir des libéralités et d’être propriétaires d’immeubles.
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION.
A – La compétence judiciaire
B – La procédure
C – Les pouvoirs du juge de l’exequatur.
SECTION II – LE RENVOI
Par I – L’éviction de la loi étrangère pour atteinte à l’ordre public international ivoirien.
A – Le critère économique
B - Le critère juridique
A – La liberté de choix
B – L’absence de choix
A - L’interprétation gouvernementale
B - Les amendements apportés par l’Assemblée Nationale
a) La prise en compte du divorce et du décès comme causes de la perte de la nationalité acquise par mariage
b) - la perte de la nationalité acquise en raison de l’annulation du mariage par décision judiciaire et ses effets