DD CM5 Jean-Pierre LLORED
DD CM5 Jean-Pierre LLORED
DD CM5 Jean-Pierre LLORED
1
Partage préliminaire
2
Faire le bien et faire le mal
5
I. Partir de l’action pour comprendre une notion :
intervention de Madame Amal
BENMAKHLOUF ANDALOUSSI (ingénieure
ECC)
6
II. Analyser et comprendre le développement
durable : apports de SHS
7
Pouvez-vous définir le
développement durable
en reprenant les points
essentiels des cours
précédents ?
8
Formulation de départ
11
Développement durable, croissance économique et
justice sociale
Malgré la diversité de toutes les approches ainsi évoquées, il convient de noter que,
dans leurs argumentaires, elles opèrent toutes selon un même procédé : les discours
de justification dont elles se nourrissent reposent sur une opération de
décomposition puis de recomposition des notions du juste et du bien. De fait,
seuls certains aspects du juste et du bien sont mis en valeur : ces aspects varient
selon les théories considérées…
17
Un exemple d’introduction d’une nuance clarificatrice pour
relier justice sociale et durabilité environnementale (2/3)
Kandil Feriel, « Justice sociale et durabilibité environnementale, Communication », op. cit., p. 162.
18
Un exemple d’introduction d’une nuance clarificatrice pour
relier justice sociale et durabilité environnementale (3/3)
19
Economies de la grandeur :
justification écologique et critique du développement durable (1)
Les acteurs recherchent des équivalences entre leurs arguments et ceux des autres
acteurs qui sont en désaccord avec eux.
L’accord renvoie à un principe général, que Boltanski et Thévenot appellent
« grandeur », qui peut, d’un point de vue métaphorique, être comparé à un « étalon »
en physique ou en chimie.
La grandeur « permet d’opérer des rapprochements entre les personnes et entre les
objets en fonction de leur importance dans la situation, de procéder à des opérations
de qualification et de rapprochement ainsi qu’à l’attribution d’équivalence entre les
êtres ». Nachi M., Introduction à la sociologie pragmatique, Armand Colin, 2009, p. 101, l’usage de
l’italique marque mon insistance et non celle de l’auteur.
La possibilité d’un accord repose sur le « sens moral » des individus qui les
conduisent à reconnaître d’une part, l’identité commune des êtres humains
avec qui l’accord doit se faire et d’autre part, un principe de grandeur
commun autour duquel les uns et les autres vont se mesurer en établissant des
équivalences et des ordres entre eux.
20
Economies de la grandeur :
justification écologique et critique du développement durable (2)
Le postulat fort de cette approche tient au fait que, dans des situations de désaccord,
de critique, de dénonciation, les acteurs sont amenés à se justifier, à expliquer, à
expliciter, clarifier, à faire valoir leurs points de vue, en rendant leurs arguments
acceptables par autrui. Pour ce faire, ils mobilisent leur sens moral et mettent à
l’épreuve les principes de justice qui leur paraissent s’ajuster à la situation vécue.
« Une grammaire est ce qui permet aux membres d’une communauté de juger correctement,
c’est-à-dire de lier correctement à des discontinuités survenant dans le monde (corps,
objets, matériaux, gestes, paroles…) des descriptions et d’éprouver vis-à-vis de certaines de
ces descriptions un sentiment d’évidence », Cyril Lemieux, Le Devoir et la grâce, Paris,
Economica, coll. Études Sociologiques, 2009, p. 21-23.
21
Les critiques du développement durable
22
Economies de la grandeur :
justification écologique et critique du développement durable (3)
Jérôme Boissonade, « Une approche pragmatiste dans la critique du développement durable » (chap. 1 de
l’ouvrage La ville durable controversée). Petra. La ville durable controversée. Les dynamiques urbaines dans le
mouvement critique, 2015, Collection « Pragmatisme », p. 41-72, p. 55).
23
Travaux de Pierre Caye
24
Travaux de Pierre Caye :
penser la durée du développement durable
Durer. Eléments de transformation du système productif de Pierre CAYE (Les Belles
Lettres, 2020).
« Si l’on pense le développement "durable", à partir du sens du temps et de la construction
de la durée et non à partir de la transformation de la matière et de l’évolution socio-
économique, alors le développement durable prend une toute autre dimension, qui entraîne
nécessairement une profonde transformation du système productif » (p. 41).
« Enfin, l’éco-conception qui s’efforce de concevoir et de développer de nouveaux produits
en vue d’en améliorer la maintenance, c’est-à-dire d’en faciliter le démontage, d’en
standardiser les pièces de rechange, de favoriser le réemploi du produit lui-même ou de ses
composants, et de faciliter le recyclage optimal de ses matériaux, constitue à cet égard un
pas supplémentaire. L’éco-conception ne se contente pas de donner une place plus
importante à la maintenance ; mieux encore, elle renverse la logique productive elle-même :
la maintenance ne vient plus après la production, comme une simple auxiliaire de service
après-vente soumise à la logique du produit, mais ce sont au contraire les propres logiques
de la maintenance qui déterminent la conception même du produit » (p. 215) .
Question : En quoi, selon vous, l’éco-conception et le renversement de l’importance
de la maintenance qu’elle réalise permettent-ils d’avancer vers la durabilité,
d’implémenter un développement « durable », au sens d’une création de durée ?
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II.2) Paradigme relationnel et
dimensions épistémique et ontologique
du développement durable
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Les humains et les non-humains « embrouillés » :
Latour, Montebello, Maniglier, Margulis, Lovelock,
Stengers, Viveiros de Castro, Escobar, Haraway,
Tsing, Descola, Danowski, Tristan Garcia,
DeLanda…
27
« La prise en compte des co-relations et des co-agencements que nous impose
le fait d’être terrestre (magnétiques, physiques, vitales envers les êtres autres)
retentit non seulement sur l’homme mais sur nombre d’êtres qui appartiennent
à la Terre vivable. La Terre vivable, résultat d’une histoire contingente,
délimite en retour nos actions possibles dans le futur. La nécessité d’un
changement de cap théorique naît donc de cette rupture : la Terre n’est pas
objet, posé devant nous, objet de corrélation, objet d’intention, objet de
connaissance, objet de maîtrise, objet technique, objet de droit, elle n’est pas
seulement ce qui rend possible qu’il y ait pour nous des objets, un horizon qui
contient des objets et des sujets. Par son nom s’exprime maintenant l’infinie
complexité des relations dans laquelle toute existence terrestre est prise,
consiste et perdure, se crée et se prolonge. La Terre est l’irrelatif des relatifs,
l’incorrélation de toutes les corrélations. Elle ne surgit comme problème qu’au
moment où les relations qui constituent les êtres terrestres se défaisant, ces
êtres sont menacés dans leur existence même, de même que le tissu relationnel
qui constitue la Terre vivable. »
« On ne peut parler de système (ou d'entité globale [La Terre]) que lorsque ces
embrouilles [dépendances] mutuelles forment des cycles à longue distance :
typiquement, les plantes qui absorbent du carbone pour produire de l'oxygène
grâce à la photosynthèse, ont besoin d'animaux qui absorbent de l'oxygène et
émettent le carbone même dont les plantes se nourriront pour recommencer
l’opération. Et encore, ça n’est pas assez: le phénomène devient véritablement
global lorsque ce mécanisme en boucle produit une masse d'oxygène stable, et
stable parfois sur des millions d'années. » (p. 99-100)
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« Ainsi, toute relation binaire entre actants [un actant est un terme générique
incluant les humains et les non-humains] est non seulement circulaire, mais
encore nécessairement prise dans des chaînes de relations avec d'autres actants,
chaque boucle apparaissant à un autre niveau comme un arc de cercle pour
d'autres boucles plus longues ou plus courtes, divergentes ou convergentes.
Les mondes ressemblent à des pelotes de relations embrouillées, elles-mêmes
enchevêtrées les unes dans les autres. Telle est la complexité du monde dans
lequel nous nous trouvons et dont la pandémie nous a obligés à prendre
conscience au moins partiellement. » (p. 61)
Patrice Maniglier, Le philosophe, la Terre et le virus. Bruno Latour expliqué par
l’actualité, op.cit.
33
Pour décrire cette situation en termes de philosophie, il faut relier les notions
suivantes et produire des concepts pour penser des solutions. Pour cela, Maniglier,
dans la lignée de Bruno Latour, propose la grille ontologique suivante :
• Horizontalité : Tous les êtres sont plats, sur le même plan. Il n'y a pas d'êtres
transcendants. Tous les êtres appartiennent au même plan immanent (« ontologie
plate » façon Latour avec un petit détour par Deleuze et DeLanda).
• Multiversité : Les êtres forment des mondes hétérogènes par composition.
• Agentivité : Les êtres sont des actants, des puissances d'action, des sujets.
• Embrouillement : Les êtres n'existent que par leurs relations, mais ces relations
sont des relations de dépendance circulaire (d’imbrication mutuelle) de telle
sorte que les frontières identitaires sont constamment brouillées.
• Enchevêtrement : Les êtres existent toujours à l'intersection de plusieurs
chaînes d’embrouilles qui peuvent englober plusieurs temporalités.
• Le vivant possède toutes ces caractéristiques réunies au niveau global.
Exister, c'est être d'une seule Terre. Nous avons besoin du concept de
"terrestrialité" pour penser notre situation sur Terre.
Patrice Maniglier, Le philosophe, la Terre et le virus. Bruno Latour expliqué par l’actualité,
op.cit., p. 61-62.
34
Affordance : dimension épistémique
Gibson argued that certain invariant structural properties of the energy flux
within which a person was embedded afforded perceptions of material
things to people and animals as they explored the flux of electromagnetic
and sonic energy within which they lived. Gibson pointed out that we do
not perceive a thing in general, but as an instrument for action.
Most people who see a strip of metal as a knife, see it as a cutting instrument.
In this terminology, we say a knife affords cutting. But only in a human
context does a certain piece of steel have that attribute. We can also say that
a floor affords walking to people, while a lake does not, though it was said
to have for Jesus.
An affordance is relative to context, in particular to the settings of specific
interactions between sentient beings and the material world.
Rom Harré & Jean-Pierre Llored, “Procedures, Products, and Pictures”, Philosophy, The Royal
Institute of Philosophy, Cambridge University Press, 2018, 93, pp. 167-186.
Avec un fort accent mis, à des degrés divers,
sur les affordances (1)
Les concepts précédents sont associés à plusieurs types d’affordances avec les
définitions suivantes :
Affordance : propriété attribuée à un actant du fait de l’action qu’un autre
actant peut lui faire produire à condition de le rencontrer.
Affordance existentielle : action attribuable comme propriété à un actant du
fait qu’une forme le constitue en subsistance en improvisant son engendrement
à partir de lui.
Subsistance : relation d’une forme à l’ensemble des facteurs qui
l’entretiennent.
Milieu : ensemble localisé – ou cadré – de lignées terrestres embrouillées, doté
en tant que tel – comme ensemble – d’affordances propres.
39
Qu’est-ce que le mot « environnement »
signifie pour vous ?
40
ENVIRONNEMENT
Pas de définition unique de l’environnement (sujet de débats intenses),
mais plusieurs conceptions ou représentations en fonction des
individus, des pays, du type de pratique servant à le définir :
41
ENVIRONNEMENT
L'environnement est l'ensemble des éléments qui constituent le voisinage d'un être
vivant ou d'un groupe d'origine humaine, animale ou végétale et qui sont
susceptibles d'interagir avec lui directement ou indirectement. C'est ce qui
entoure, ce qui est « aux environs ».
Depuis les années 1970, le terme environnement est utilisé pour désigner le
contexte écologique global, c'est-à-dire l'ensemble des conditions physiques,
chimiques, biologiques, climatiques, géographiques et culturelles au sein
desquelles se développent les organismes vivants, et les êtres humains en
particulier.
L'environnement inclut donc l'air, la terre, l'eau, les ressources naturelles, la flore,
la faune, les humains et leurs interactions sociales.
42
Von Uexküll (1864-1944) : Biosémiotique (1)
43
Von Uexküll. Biosémiotique (2)
Dans cette perspective, un objet (une tige de fleur par exemple) n’existe pas en
soi mais pour un sujet vivant qui lui donne sens ; ce pourquoi un même objet
est, selon les milieux, à la fois habitat, obstacle, nourriture, refuge, symbole,
objet de connaissance, ou tout simplement inexistant.
« Théorie de la signification » et « théorie des milieux » sont en fait la même
chose, puisque la signification de la signification biologique ne peut advenir
que là où il y a un centre d’action, un centre non pas dans un milieu mais au
milieu. L’animal et le milieu forment un tout.
Il n’y a rien entre l’animal et son milieu, ils sont collés (comme l’araignée est
collée à la mouche). Si l’animal et son milieu se touchent, c’est qu’il n’y a
pas de mi-lieu entre eux.
45
Environnement et milieu :
Médiance et subjectité
Dans son essai Fûdo (1935), Watsuji introduit le concept de fûdosei qu’il
définit comme « le moment structurel de l’existence humaine ». Il s’agit ici
du couplage dynamique des deux versants de l’être humain, l’individu et son
milieu ; couplage qui produit l’humain dans son unité plénière, terme
courant au sens d’« être humain », mais qui chez Watsuji en arrive à prendre
le sens particulier d’« entrelien humain »).
Pour rendre ce moment de couplage, Augustin Berque traduit fûdosei par
« médiance », à partir du latin medietas, qui signifie « moitié ». L’humain
dans sa plénitude est en effet composé de deux moitiés complémentaires et
indissociables : l’individu et son milieu. (Berque, A. (1986). Le Sauvage et l’artifice.
Les Japonais devant la nature, Paris, Gallimard).
Or ce concept de médiance, Watsuji l’accompagne de l’affirmation que le milieu
ne doit pas être confondu avec l’environnement naturel. L’environnement est
un objet (celui de la science écologique), alors que le milieu est vécu par un
sujet, individuel ou collectif, dont la subjectité se trouve donc être le
présupposé de la médiance.
Selon les philosophes du milieu
(Canguilhem, Merleau-Ponty, Simondon, Deleuze)
47
De la notion d’environnement à celle de milieu :
Trajection 1 (Berque)
48
De la notion d’environnement à celle de milieu :
Trajection 2 (Berque)
Que l’herbe soit pour une vache un aliment correspond en termes logiques à la
prédication « S est P », où S est le sujet, i.e. ce dont il s’agit (de l’herbe), et P
le prédicat, i.e. ce que l’on dit de S (« ça se mange ») ; mais cette opération
dépasse le champ verbal de la logique. À la fois logique et ontologique, elle
est onto-logique. C’est plus qu’une prédication ; c’est une trajection, qui fait
exister (ek-sistere « se tenir hors de ») S hors de son en-soi pour devenir
(gignomai : genesis) une certaine chose selon l’être concerné : un aliment (P)
pour la vache, un obstacle (P’) pour la fourmi, un abri (P’’) pour le scarabée,
etc.
Cet « exister en tant que », soit S en tant que P, c’est ce qui engendre la réalité
concrète, laquelle – tiers lemme – n’est ni simplement objective (ce n’est pas
l’en-soi d’un objet S), ni simplement subjective (ce qui serait un pur P, i.e. un
simple fantasme), mais trajective. Cela se représente par la formule r = S/P,
qui se lit : « la réalité r, c’est S en tant que P » pour un interprétant I.
49
De la notion d’environnement à celle de milieu :
Trajection 3 (Berque)
52
Autre apport clarificateur en reliant
philosophie et étude des systèmes complexes
53
Recours à un schémas complexe pour comprendre le monde en mutation et le
développement durable
(Rapport Pour un Maroc des Emergences. A la recherche d'une société inclusive et durable, Policy paper,
Economia, 2020, p. 27).
Postulat de reliance dialogique
55
Postulat de globalité récursive
56
Postulat d’organisation hologrammatique (1)
57
Postulat d’organisation hologrammatique (2)
58
Postulat d’organisation hologrammatique (3)
« Le système est à la fois plus, moins, autre que la somme des parties. (…)
L’idée d’émergence est inséparable de la morphogénèse systémique, c’est-à-dire
de la création d’une forme nouvelle qui constitue un tout : l’unité complexe
organisée. Il s’agit bien de morphogénèse, puisque le système constitue une
réalité topologiquement, structurellement, qualitativement nouvelle dans
l’espace et le temps.
Les émergences sont les propriétés, globales et particulières, issues de cette
formation, inséparables de la transformation des éléments. Les acquisitions
et les pertes qualitatives nous indiquent que les éléments qui participent à un
système sont transformés, et d’abord en parties d’un tout. Nous débouchons
sur un principe systémique clé : la liaison entre formation et transformation.
Tout ce qui forme transforme. Ce principe deviendra actif et dialectique à
l’échelle de l’organisation vivante, où transformation et formation constituent un
circuit récursif ininterrompu. »
61
Définitions : pensée complexe et complexité
64
Les questions qui guident une
modélisation non complexe (1)
65
Les questions qui guident une
modélisation non complexe (2)
66
Quelles questions faudrait-il rajouter pour que
cette modélisation devienne complexe ?
67
Les questions qui guident une
modélisation complexe
68
Eco-ingénierie et systèmes
complexes
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Éco-ingénierie comme science éco-systémique car elle
appréhende son objet en tant qu’écosystème, et dans le sens où
elle fait appel à un écosystème de méthodes et de spécialités
« bricolé » au cas par cas.
Il s’agit de relier des approches, des méthodologies différentes,
en fonction des contextes, des problèmes à résoudre, ou des
projets.
Pour développer une approche de développement durable, il
est nécessaire d’appréhender, d’emblée, toutes les
problématiques d’un projet, techniques, économiques,
réglementaires, sociales, environnementales, éthique, etc.,
comme étant reliées et interdépendantes (cours de Mme
Gazagnes).
Les questions de l’éco-ingénierie
72