(Cour D'appel de Douala, Arrêt N° 81/réf., SOCIAA C/ BAD) - Cour D'Appel de Douala (Cameroun)
(Cour D'appel de Douala, Arrêt N° 81/réf., SOCIAA C/ BAD) - Cour D'Appel de Douala (Cameroun)
(Cour D'appel de Douala, Arrêt N° 81/réf., SOCIAA C/ BAD) - Cour D'Appel de Douala (Cameroun)
ARTICLE 61 AUPSRVE
Affaire N° 333/RG/99-00
CONTRADICTOIRE
SOCIAA SA
C/
Messieurs :
ET
BAD & Me GUY EFON lesquels ont tait élection de domicile en l'étude de Maître
NOULOWE, Avocat à Douala ; Intimés comparant par ledit Avocat;
D'AUTRE PART
POINT DE FAIT
Le 7 Juillet 1998 intervenait dans la cause pendante entre les parties une ordonnance de référé
n° 1128 rendue par le Tribunal de Première Instance de Douala et dont le dispositif est ainsi
conçu :
Nous déclarons incompétent en l'espèce et renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles
aviseront,
Mais dès à présent, par provision;
Déboutons la SOCIAA de sa demande de rétractation non justifiée ;
Ordonnons le retour à quai sous astreinte de 50 000 FCFA par jour de retard, pour compter de
la signification de notre ordonnance, des chalutiers concernés ;
En foi de quoi la présente ordonnance a été signée par le juge qui l'a rendue et le Greffier .
Par requête d'Appel en date du 6/10/98/END la SOCIAA laquelle domicile est élu au Cabinet
de Me NDOKY, Avocat à Douala;
Vu les dispositions des articles 185, 190, 191 et suivantes du Code de Procédure Civile et
Commerciale,
Fixer la date à laquelle l'intimée devra produire ses défenses et celles à laquelle l'affaire sera
appelée à l'audience ;
Dire que du tout il sera donné avis aux parties par Mr le GC contre récépissé ;
EN LA FORME
Attendu que l'appel ainsi formulé est recevable parce que survenu dans les formes et délais
légaux ;
AU FOND
Qu'en effet, la motivation du premier juge ayant abouti à la décision querellée manque de
fondement juridique et résulte d'une appréciation erronée des faits de la cause ;
Que préalablement à toute critique de cette décision qui pêche par ses nombreuses violations
de la loi, il convient de rappeler tout d'abord les circonstances de la cause ;
Attendu que les parties ont signé un accord de prêt de USD 3.500..000 soit 1.080.000.000 en
francs de l'époque et lequel a pertuis à la SOCIAA d'acquérir quatre chalutiers ;
Qu'en raison des effets néfastes de la dévaluation survenue entre temps, le montant dudit prêt
a doublé et celui-ci est passé de 1.080.000.000 fis à 2.160.000.000 frs ;
Qu'en outre, les ressources en crevettes ayant baissé considérablement, la SOCIAA n'a plus de
captures importantes, ce qui l'a contraint de pêcher essentiellement du poisson qui ne peut se
vendre que localement ;
Que poursuivant sa logique, la BAD a saisi le juge des requêtes qui par ordonnance n° 2105
du 22/9/97 autorisa la saisie de ses chalutiers pour sûreté et avoir paiement de la somme de
849.868.110 frs en principal, augmenté de celle de 80.000.000 fis à titre de frais ;
Qu'à l'examen du dossier, la Cour de céans ne manquera certainement pas de l'infirmer, car en
dépit des difficultés, la SOCIAA a déjà payé à la BAD la somme de 923.748.000 soit près du
principal du prêt avant dévaluation.
EN DROIT
Qu'il ajoute en l'espèce, que la convention des parties ne soumet pas à la compétence
exclusive du juge arbitral les mesures conservatoires qui sont justifiées par l'urgence ;
Qu'il soutient en outre que la saisie conservatoire, mesure d'urgence, ne remet pas en cause
l'existence d'une clause compromissoire et implique pas un examen au fond:
Qu'en effet, il est surprenant qu'il retienne la compétence des juridictions étatiques après avoir
admis l'existence de la convention des parties qui pourtant exclut toute compétence
concurrente ;
Qu'elle mentionne en effet dans les dispositions de sa section 12-30 relative au règlement du
litige que " tout litige entre les parties au contrat de prêt ou toute revendication qui n'a pas été
réglée à l'amiable est soumis à un tribunal arbitral ";
Qu'il appert que la thèse de la compétence concurrente des arbitres et des juridictions
étatiques retenue par le juge des référés est infondée ce d'autant qu'il ressort à la lecture de
l'ouvrage de Mrs FOUCHARD GOLDMAN et GAILLARD que " le principe de ladite
compétence n'est pas d'ordre publie et les parties peuvent, comme il en est dans le cas
d'espèce s'interdire conventionnellement de recourir aux juridictions étatiques pour rendre des
mesures conservatoires pendant toute la durée de l'arbitrage " ;
" Attendu que la convention comporte en elle une clause compromissoire laquelle
s'entend comme un contrat par lequel les parties s'engagent avant toute contestation à
soumettre à l'arbitrage les différends qui viendront s'élever entre elles à l'occasion de
ce contrat...
Attendu que l'existence de cette clause compromissoire a été cachée au juge des
requêtes ;
Attendu que l'argument tiré de ce qu'il s'agit d’une ne résiste non plus à l'examen, la
règle étant que pour tout différend il faille saisir les arbitres ";
Qu'il échet d'infirmer l'ordonnance entreprise;
Qu'il soutient en outre que s'agissant d'une saisie conservatoire, la seule exigence consiste à
vérifier si la créance est fondée dans son principe ;
Que toute violation de cette décision équivaut à un défaut qui constitue un motif de cassation;
Que l'ordonnance de saisie querellée n'indiquant pas la loi en vertu de laquelle la saisie a été
ordonnée manque donc de base légale;
Qu'il y a lieu de rétracter l'ordonnance de saisie n° 2105 du 22 Août 1997, car elle est sans
fondement juridique ;
Que telle motivation est curieuse et est de nature à semer la confusion dans les esprits ;
Qu'il est constant qu'une expertise constitue une mesure d'instruction souple et provisoire ne
préjudiciant pas au principal ;
Qu'il a été admis par la jurisprudence que la nomination d'experts lorsqu'elle constitue un
simple moyen d'information est une mesure provisoire qui entre dans la compétence du juge
des référés, dès lors qu'il n'est pas tenu de prendre parti sur l'existence des droits revendiqués
que les juges appelés à Connaître du fond du litige auraient à apprécier " ;
Qu'elle énonce en outre que ".le juge des référés ne préjudicie pas au principal " en chargeant
l'expert, connue en l'espèce, d'établir les comptes entre les parties, une telle mission
n'impliquant nullement approbation préalable desdits comptes qui seront dressés et laissant
toute latitude à l'expert de s'expliquer à cette occasion sur tous dires et observations des
parties ainsi que le prévoit également sa mission ;
Paris 12 Février 1966, JCP, 66, IV éd. GL éd. A, 4863 cf. Ouvrage précité n° 157
Que par ailleurs le juge de référé n'est pas clair dans sa démarche et essaie de dénaturer la
convention des partes, lorsqu' il affirme que ladite convention exclut la compétence du juge
étatique,
Que dès lors toute compétence concurrente entre les juridictions étatiques et le Tribunal
arbitral est exclue, celle-ci n'étant reconnue que dans la phase d'exécution de la sentence
arbitrale ;
Que cette contradiction dans les motifs de l'ordonnance attaquée équivaut à un défaut de
motifs qui justifie son infirmation ;
Qu'une telle allégation est fausse, car il ressort des pièces versées au dossier que la SOCIAA a
effectué pour le compte de la Banque plusieurs règlements en 1997, un règlement de 120
millions de francs en 1998 entre les mains de Me NOULOWE ;...,
Qu'en outre la saisie conservatoire en matière arbitrale n'est pratiquée que pour préparer
l'exécution de la sentence et lorsqu'il y a risque de disparition de la garantie ;
Que c'est pourquoi, elle a sollicité du juge des référés qu'il accorde un délai de grâce de 5 ans
conformément aux dispositions de l'article 1244 alinéas 3 et 4 du CC, délai au cours duquel
elle prend des dispositions nécessaires pour payer la BAD .
Qu'il échet donc d'infirmer sur ce point l'ordonnance attaquée en ordonnant la discontinuation
des poursuites à l'encontre de SOCIAA ;
Que nul n'ignore que l'immobilisation des navires contribue à leur détérioration et cause la
perte de leur valeur ;
Que cette immobilisation ne peut donc être profitable à la SOCIAA appelée à .gérer au moins
300 emplois générés par le projet et à supporter différentes charges relatives à l'exploitation
des bateaux ;
Qu'il convient donc d'infirmer l'ordonnance rendue par le premier juge pour motifs de manque
de base légale et mauvaise appréciation des faits de la cause ;
EN LA FORME :
Recevoir la requérante en son appel comme intervenu dans les forme et délai légaux ;
AU FOND
Infirmer donc l'ordonnance attaquée ;
EVOQUANT ET STATUANT A NOUVEAU; Constater que les parties sont liées par une
convention d'arbitrage qui interdit de recourir aux juridictions étatiques et qui donne
compétence exclusive aux arbitres ;
Constater la violation de l'accord de prêt par la saisie des chalutiers ainsi que celles des
dispositions de l'article 1134 du CC qui stipulent que " toute convention passée entre les
parties tient lieu de loi à celles-ci " ;
Constater que les dispositions du code de la Marine marchande ne trouvent pas leur
application ici, car la saisie conservatoire mentionnée dans l'ordonnance est relative aux
poursuites par voies judiciaires ;
Constater que la créance n'est pas maritime et n'obéit pas aux critères de la convention de
Bruxelles du 10 Mai 1952 ;
Constater en outre que l'ordonnance de saisie a été obtenue sur les bases mensongères, car la
SOCIAA paie quand elle peut, elle est toujours en relation avec la BAD avec qui elle négocie,
discute comme l'attestent les différentes missions de la BANQUE à la SOCIAA et des
voyages de la SOCIAA sur Abidjan notamment celui du mois d'Avril 1998 .
EN CONSEQUENCE :
Au principal,
Rétracter l'ordonnance n° 2105 du 22 Août 1997 qui est sans fondement juridique :
Subsidiairement
Au cas où le juge des requêtes est compétent pour ordonner une saisie en l'espèce ;
Lui accorder donc au vu des difficultés réelles un délai de grâce de 5 ans conformément aux
dispositions de l'article 1244 du CC ;
Désigner un expert financier aux fins de clarification de la situation des parties avant et après
la dévaluation :
Rejeter la demande reconventionnelle comme non fondée ;
La condamner aux dépens dont distraction au profit de Me NDOKI ; Avocat aux offres et
affirmations de droit :
Par ordonnance de fixation de date d'audience en date du 5 Février 1999 sous le n° 201/RG
/98-99, le Président de la juridiction saisie donnait acte à la SOCIAA de la présentation de sa
requête d'appel, disait qu'avis desdites requêtes d'appel et ordonnance sera donné aux parties
par le Greffier en Chef de la Cour, fixait au 2 Février 1999 la date limite de production de
défense par l'intimé et au 15 Février 1999 celle de l'audience à laquelle la cause sera appelée;
La cause sur cette notification régulièrement inscrite au rôle de la chambre civile sous le n°
33/RG/99-2000 fut appelée à l'audience fixée et après plusieurs renvois utiles ;
Constater que les conditions de la renonciation implicite ne sont pas réunies ici ;
Constater que le principe de l'incompétence des juridictions étatiques en présence d'une clause
compromissoire est acquis
Constater que les juges étatiques peuvent prendre des mesures conservatoires telles celles
autorisant la saisie des navires dont le régime est spécial ;
Constater que même lorsque certaines mesures provisoires ou conservatoires pourraient être
prises, celles-ci sont conditionnées par une urgence motivée et, pourvu qu'elles n'empiètent
par le droit au fond ;
EN CONSEQUENCE;
Constater que c'est à tort que le juge des requêtes de Douala a ordonné la saisie des chalutiers
appartenant à la SOCIAA ;
Condamner la BAD aux entiers dépens distraits au profit de Me NDOKY, Avocat aux offres
et affirmations de droit;
Constater que en présence de la clause compromissoire liant les parties, le juge des requêtes
n'aurait pas dû autoriser la saisie conservatoire querellée, le juge de fond étant incompétent
pour la validité ;
Condamner la BAD aux entiers dépens distraits au profit de Me NDOKY, Avocat aux offres
et affirmation de droit ;
Sur quoi l'affaire a été mise en délibéré pour arrêt être rendu le 15 Mai 2000
Advenue ladite audience, la Cour viciant son délibéré a rendu par l'organe de son Président à
haute voix l'arrêt dont la teneur suit :
LA COUR
Considérant que par requête écrite enregistrée le 6 Octobre 1998 au Greffe de la Cour d'Appel
de céans sous le n" 13, la Société Camerounaise des Industries Agroalimentaires (SOCCIA)
SA ayant pour Conseil Me NDOCKY, Avocat au Barreau du Cameroun, a interjeté appel
contre l'ordonnance n° 1128 rendue le 7 juillet 1998 par le Président du Tribunal de Première
Instance de Douala, statuant en matière (le référé dans la cause, l'opposant à la Banque
Africaine (le Développement (BAD) et Maître Guy EFON, représentés par Maître
NOULOWE, Avocat à Douala ;
EN LA FORME
Considérant que l'appel susvisé relevé avant toute signification de l'ordonnance 11" 1128 du 7
Juillet 1998 est régulier et recevable pour l'avoir été dans les forme et délai de la loi ; qu'il y a
lieu de le recevoir;
Considérant que toutes les parties sont représentées et ont conclu par l'organe de leurs conseils
respectifs ;
AU FOND
Considérant qu'il est fait grief au juge des référés d'avoir apprécié les faits de la cause de
manière erronée ; que la SOCIAA soutien avoir signé une convention de prêt de 1 080 000
000 francs pour l'acquisition des chalutiers ; que la dévaluation du FCFA étant survenue, la
dette s'est élevée finalement à 2 160 000 000 francs ; qu'à cause de celle-ci et de la baisse des
ressources en crevettes la SOCIAA n'a pu respecter le calendrier de remboursement ; qu'elle a
saisi son partenaire pour lui faire part de ses difficultés et de la nécessité de réaménager la
dette ; que la BAD a refusé d'accéder à sa demande malgré les démarches entreprises et les
missions dépêchées à Abidjan;
Qu'ainsi la BAD a saisi le juge des requêtes qui, par ordonnance n° 2105 du 22 Août 1997, a
autorisé la saisie de ses chalutiers pour sûreté et avoir paiement de la somme de 849 668 110
francs en principal, augmentée de celle de 80 000 000 francs à titre de frais ; qu'elle a donc
assigné la BAD devant le juge des référés aux fins de rétractation de l'ordonnance de saisie
querellée ; que le juge a rendu l'ordonnance dont appel ;
Que pour retenir la compétence du juge des requêtes dans cette cause, le juge des référés a
soutenu qu'il est de doctrine et de jurisprudence constantes que les juridictions étatiques sont
compétentes pour ordonner des mesures conservatoires et que leur compétence
concurremment à celle des arbitres ne peut être limitée. que par des termes expresses de la
convention d'arbitrage ; qu'il a ajouté que la convention des parties ne soumet pas à la
compétence exclusive du juge arbitral les mesures conservatoires qui sont justifiées par
l'urgence ; qu'enfin, il a relevé que la saisie conservatoire, mesure d'urgence, ne remet pas en
cause l'existence d'une clause compromissoire et n'implique pas un examen au fond ;
Qu'elle relève que le premier juge ne pouvait retenir la compétence des juridictions étatiques
après avoir admis l'existence de la convention des parties qui pourtant exclut toute
compétence concurrente ; que cette convention est claire et précise, et ne souffre d'aucune
dérogation ; qu'en sa section 12-3 relative au règlement du litige il est mentionné que " tout
litige entre les parties au contrat de prêt ou toute revendication qui n'a pas été réglée à
l'amiable est soumise à un tribunal arbitral " que dès lors, toute appréciation contraire comme
en l'espèce est viciée et constitue une violation flagrante des dispositions de l'article 1134 du
code civil donc du principe de la force obligatoire d'une convention : que la thèse de la
compétence concurrente (les arbitres et des juridictions étatiques retenue par le juge des
référés est infondée ; que la doctrine tirée de l'ouvrage de FOUCHARD-GOLDMAN et
GAILLARD énonce que " le principe de ladite compétence n'est pas d'ordre public et les
parties peuvent, comme il en est dans le cas d'espèce s'interdire conventionnellement de
recourir aux juridictions étatiques pour prendre des mesures conservatoires pendant toute la
durée de l'arbitrage " : que la jurisprudence a estimé que 4' le pouvoir du juge étatique
d'ordonner les mesures conservatoires ne pouvait être écarté que par une convention expresse
des parties ou par une convention explicite résultant de l'adoption d'un règlement d'arbitrage
qui comporterait une telle renonciation " ; qu'elle prétend que l'existence de la clause
compromissoire a été cachée au juge des requêtes ; que l'argument tiré de ce qu'il s'agit d'une
mesure provisoire ne résiste pas à l'examen , la règle étant que pour tout différend il faille
saisir les arbitres : que la jurisprudence du Tribunal de Première Instance de Douala est
constante sur ce point et le brusque revirement dot être sanctionné par la Cour ; qu'elle conclut
à l'infirmation de l'ordonnance querellée;
Qu'elle reproche également au juge des référés de s'être déclaré incompétent à connaître de la
demande tendant à la désignation d'un expert financier après avoir retenu la compétence du
juge étatique à ordonner une saisie conservatoire ; que cette mesure relève pourtant de sa
compétence habituelle ; que pour ce faire, il a allégué que deux conditions devaient être
réunies à savoir l'urgence et le fait que le litige auquel se rapporte l'expertise sollicitée soit de
la compétence des tribunaux étatiques ; qu'il a estimé que ces deux conditions n'étaient pas
réunies la SOCIAA n'ayant pas établi l'urgence de ladite mesure et le juge des référés n'étant
pas compétent dés lors que la clause compromissoire liant les parties exclut la compétence du
juge du fond ; que la SOCIAA soutient que pareille motivation est curieuse et de nature à
semer la confusion dans les esprits ; qu'une expertise constitue unie mesure d'instruction
souple et provisoire ne préjudiciant pas au principal ;
Qu'elle relève en outre que le juge des référés essaie de dénaturer la convention des parties
lorsqu'il affirme que ladite convention exclut la compétence du juge étatique du fond ; que la
clause compromissoire liant les parties indique très clairement que seul le juge arbitral est
compétent à connaître de tout litige né. de la convention et non réglé à l'amiable ; que dès lors,
les juridictions étatiques ne peuvent intervenir que dans la phase d'exécution de la sentence
arbitrale ; qu'ainsi en décidant que le juge étatique est compétent pour autoriser la saisie
conservatoire et en se déclarant en même temps incompétent pour ordonner une expertise
financière qui pourtant constitue pourtant une mesure provisoire, le juge des référés s'est
contredit dans sa motivation ; qu'il échet d'infirmer l'ordonnance entreprise,
Qu'elle relève que la BAD, pour emporter la religion du juge des requêtes, a affirmé que la
SOCIAA ne lui a rien payé depuis 1996 alors que plusieurs règlements effectués en 1997 et
120 millions en 1998 lui ont été versés par le couvert de Maître NOULOWE, -son conseil ;
Qu'elle soutient que la saisie conservatoire en matière arbitrale n'est pratiquée que pour
préparer l'exécution de la sentence et lorsqu'il y a risque de disparition de la garantie ; que la
SOCIAA payant ce qu'elle peut et entendant rembourser le prêt accordé intégralement,
l'ordonnance de saisie n° 2105 du 23 Août 1997 ne se justifie plus ;
Qu'enfin contrairement à l'opinion du juge des référés, la demande relative à l'octroi des délais
de grâce est justifiée par l'article 1244 CC du moirent que la concluante a prouvé sa bonne foi
et ses difficultés d'exploitation; qu'immobiliser ses chalutiers contribuerait à mettre son
existence en péril ; qu'elle souhaite l'infirmation de l'ordonnance attaquée en ordonnant la
discontinuation des poursuites à son encontre ;
Qu'en faisant droit à la demande reconventionnelle formulée par la BAD portant sur le retour
à quai sous astreinte de 50 000 frs par jour de retard des chalutiers objets de la saisie, le...
premier .juge a considéré l'argumentaire de celle-ci relative à la violation des articles 110 et
111 du code de la Marine Marchande ; que cette institution n'a pourtant pas apporté la preuve
de manoeuvres frauduleuses de la part de la SOCIAA pour emporter la conviction du juge des
requêtes ; qu'il y a lieu d'infirmer ladite ordonnance pour manque de base légale et mauvaise
appréciation des faits de la cause ;
Considérant que pour faire échec aux prétentions de la SOCIAA, Maître NOULOWE et
TCHANGA, conseils de la BAD, concluent à la confirmation de l'ordonnance querellée ; que
celle-ci est exempte de critique ; que sur la prétendue incompétente du juge des requêtes à
autoriser la saisie sollicitée par la BAD ils soutiennent que c'est à juste titre que le premier
juge a rappelé le principe fondamental consacré en la matière par le droit positif à savoir que "
la stipulation d'une clause compromissoire ne met pas obstacle à l'intervention du juge
étatique pour prendre des mesures conservatoires ou provisoires " ; que c'est ainsi que la
SOCIAA, dans sa requête d'appel (pages 3 et 4) cite une doctrine et une jurisprudence qui
confortent plutôt la position soutenue par la concluante et adoptée par le juge des référés ;
qu'ils expliquent que la seule stipulation d'une clause compromissoire dans un contrat ne fait
pas obstacle à l'intervention du juge étatique pour prendre des mesures conservatoires ou
provisoires ; que ce pouvoir ne peut être écarté que par une disposition expressément stipulée
en plus de la clause compromissoire elle-même ou par un règlement d'arbitrage qui comporte
renonciation explicite des parties à recourir au juge étatique pour ces mesures ; qu'enfin les
dispositions d'une clause compromissoire sont d'application littérale et doivent s'interpréter
restrictivement ; qu'en outre ils relèvent qu'en sollicitant des délais de grâce, la SOCIAA a ôté
tout intérêt aux débats d'autant plus qu'elle renonçait ainsi à se prévaloir de la clause
compromissoire ;
Qu'il s'agit d'un moyen de fond utilisé pour faire obstacle à une procédure de recouvrement et
non d'une mesure conservatoire ou provisoire ;
Que s'agissant du bien fondé de la saisie ils font valoir que le visa d'un texte de loi ne
constitue pas une solution nécessaire à la régularité ou à la validité d'une décision de justice ;
qu'une décision est justifiée en droit, selon l'article 5 de l'ordonnance n° 72/4 du 26 Août
1972, lorsqu'elle est conforme au droit positif applicable au cas d'espèce et non parce qu'elle
s'est contentée de viser un texte de loi ; qu'il est évident que c'est en application du code de la
Marine Marchande pris en ses articles 112 et 113 qui reprennent les principes essentiels
consacrés en matière de saisie conservatoire que le juge des requêtes a rendu l'ordonnance
entreprise ; que l'article 5 de l'ordonnance 72/4 n'a donc pas été violé ; qu'ils soutiennent
également que, contrairement aux prétentions de la SOCIAA, l'article 1er alinéa 1 (9) de la
convention de BRUXELLES du 10 Mai 1952 énumère l'hypothèque maritime parmi les
catégories des créances maritimes ; qu'en l'espèce, l'hypothèque a été constituée sur les
chalutiers dont s'agit par acte en date du 18 Octobre 1993 de Maître MOUSSINGA, Notaire,
que le moyen tiré du manque de base légale est inopérant ;
Qu'ils relèvent que l'ordonnance, sur requête n'a pas été obtenue sur la base des déclarations
mensongères comme le prétend la SOCIAA ; qu'en réalité les paiements dont elle se prévaut
sont d'octobre 1997 et avril 1998, soit postérieurement à l'ordonnance du juge des requêtes ;
qu'en réalité, l'ordonnance avait été présentée le 21 Août 1997 avant les paiements effectués
par la SOCIAA ; que celle-ci s'est engagée après le dernier paiement de 120 000 000 francs en
Avril 1998 à effectuer des versements de 30 000 000 francs chaque mois ; que cet
engagement n'a pas été tenu à ce jour ; que c'est donc à bon droit que la demande de rétraction
de la SOCIAA a été rejetée;
Qu'ils exposent, s'agissant de la demande reconventionnelle, que c'est à juste titre que le juge
des référés a constaté la violation des articles 110 et 111 du code de la Marine marchande ;
qu'en effet, lorsqu'un navire a été saisi, l'autorisation de son appareillage pour un ou plusieurs
voyages est subordonnée à la fourniture, par le débiteur, d'une garantie suffisante; qu'il échet
de confirmer la décision du juge des référés et de condamner la SOCIAA aux dépens dont
distraction au profit de maître NOULOWE et TCHANGA, Avocats aux offres de droit ;
Considérant que par d'autres écritures prises le 6 Août 1999 la SOCIAA réitère qu'elle est de
bonne foi ; qu'elle soutient qu'un débiteur de mauvaise foi ne peut sans cesse clamer sa
volonté de payer sa dette à condition que l'on lui en donne les possibilités ; que dans sa
volonté de trouver une solution avec la BAD, la SOCIAA a dépêché plusieurs missions à
ABIDJAN au siège de cet organisme ; que celui-ci n'a usé. que de menaces et d'intimidation
au lieu de réajuster sa politique en fonction des réalités du terrain ; qu'elle allègue que l'audit
de ses comptes a démontré qu'elle ne pouvait supporter les semestrielles de l'accord initial
saris disparaître ; que sa bonne foi se traduit donc par la recherche constante des solutions
auprès de son partenaire ; qu'elle a rappelé les facteurs ayant contribué à ses difficultés à
savoir : doublement du prêt du fait de la dévaluation, augmentation du prix du gasoil et la
raréfaction des crevettes qui étaient la denrée la plus prisée et sur laquelle reposaient les
ventes à l'étranger ; qu'elle relève en outre s'être acquittée de plus d'un milliard de sa dette
prouvant ses bonnes dispositions à payer sa dette ;
Qu'elle répète que le juge des référés est incompétent à connaître de la moindre contestation
entre les parties du fait de l'existence d'une clause compromissoire dans la convention liant les
parties ; qu'ainsi aucune autre solution n'est envisageable en dehors du Tribunal arbitral visé
par le contrat ; que deux ans après la saisie pratiquée par la BAD celle-ci n'a toujours pas saisi
le Tribunal arbitral ni toute autre juridiction pour faire valider, signe qu'elle n'est pas plus
intéressée par le remboursement de sa créance que d'asphyxier son cocontractant ; que la
caducité de cette saisie non validée est évidente et main-levée doit être ordonnée ; qu'en outre,
contrairement aux prétentions de la BAD, la SOCIAA n'a pas renoncé à son exception
d'incompétence parce qu'elle a formulé une demande de façon subsidiaire ; que cet argument
constitue d'ailleurs son élément majeur de défense ; que le juge peut soulever d'office cette
incompétence ; qu'il y a lieu pour la Cour de rétracter l'ordonnance querellée ...
Que par cette note en délibéré elle a sollicité le rabattement du délibéré et que la Cour donne
actes aux parties de leur désir de transiger ;
Considérant que pour contrer la SOCIAA, Maître NOULOWE et TCHANGA concluent qu'il
ne saurait leur être reproché d'avoir manqué au procès alors qu'ils n'avaient pas reçu
notification de l'ordonnance de fixation de date ; que la SOCIAA a déjà sollicité deux
rabattements de délibéré, la transmission du dossier au Ministère Public et le changement de
la composition de la Cour, toutes choses qui prouvent sa fébrilité et son désir du dilatoire ;
qu'il est constant que la SOCIAA a cessé tout paiement depuis 1996 et ne saurait être de
bonne foi ; qu'elle a violé ses engagements à payer tantôt 30 000 000 francs par mois tantôt ce
qu'elle pourrait depuis Octobre 1997 ; qu'elle ne peut invoquer le paiement de 120 000 000
francs car effectué sous la contrainte parce que ses chalutiers avaient été saisis ; qu'ils
soulignent que l'un des commissionnaires de la SOCIAA, par lettre de 10 Juillet 1999, a
fustigé son comportement et l'a invité à reprendre les versements dans l'optique de résorber à
brève échéance les arriérés ; que cette recommandation de sieur YORO DIALLO n'a pas été
suivie d'effet à ce jour ; que la SOCCIA ne peut donc se prétendre de bonne foi alors qu'elle
ne respecte même pas les solutions envisagées par son émissaire ; que dans ce contexte
aucune transaction ne peut aboutir ; ... Qu'ils notent ensuite que la reproduction de la section
12-03 et de l'annexe II de l'accord de prêt, ainsi que la jurisprudence n'apportent aucun
élément nouveau aux débats ; qu'il demeure établi que la stipulation d'une clause
compromissoire dans un contrat ne met pas obstacle à l'intervention du juge étatique pour
prendre des mesures conservatoires ou provisoires ; qu'en outre, en soumettant au juge
étatique le règlement d'une question touchant à l'exécution d'un contrat dans lequel est
stipulée une clause compromissoire, le demandeur à cette mesure renonce nécessairement à se
prévaloir de ladite clause ; qu'à la suite de la saisie, la BAD s'est employée à obtenir un titre
exécutoire d'où la procédure d'injonction de payer introduite devant le Tribunal de Grande
Instance du Wouri ;
Qu'enfin, ils relèvent que la saisie pratiquée ne peut être frappée de caducité parce que non
suivie de la procédure de validation ; que pareille sanction n'est prévue par aucun texte ; qu'au
demeurant, ils relèvent avoir engagé une procédure d'injonction de payer dans le but d'obtenir
un titre exécutoire ;
Considérant que, réagissant après les réquisitions du Ministère Publie, Maître NDOKY
indique que, contrairement à l'opinion de celui-ci l'essence même de la clause compromissoire
est d'interdire aux parties de recourir aux juridictions étatiques avant d'avoir soumis leur litige
à l'arbitrage ; que la renonciation à une clause compromissoire ne peut être unilatérale sauf si
la clause est réputée non écrite parce que annulée ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, que la
renonciation ne se présume pas , qu'elle souligne avoir toujours plaidé l'incompétence du juge
étatique ; qu'elle réitère qu'il n'y avait ni urgence ni péril, la SOCIAA payant régulièrement sa
dette et n'étant donc pas de mauvaise foi ; qu'enfin si exceptionnellement il est permis au juge
étatique de prendre des mesures conservatoires malgré l'existence d'une clause
compromissoire, c'est à la seule condition que ces mesures soient provisoires ; qu'or la saisie
des bateaux aboutit à la vente de ceux-ci ; qu'elle n'est donc pas une mesure provisoire niais
tendant au définitif ; que la BAD se complaît à ne saisir le Tribunal ni en validité de la saisie
ni l'arbitre ; que cette situation qui l'arrange vise à " tuer " la SOCIAA ;
Considérant que, par d'autres écritures prises le 24 Avril 2000, Maître NDOKY, Conseil de la
SOCIAA, indique que la convention de BRUXELLES de 1952, ratifiée par le CAMEROUN
doit s'appliquer en l'espèce dans sa partie relative à la saisie conservatoire des navires ; qu'il
note que l'article 7 du texte suscité dispose que "les Tribunaux de l'Etat dans lequel la saisie a
été opérée seront compétents pour statuer sur le fond du procès " ; que c'est donc le Tribunal
du lieu de la saisie qui statue sur la validité de celle-ci : que la clause compromissoire
excluant l'intervention du juge étatique, il est inconcevable que les juridictions camerounaises
puissent autoriser ladite saisie ; que accorder la compétence aux tribunaux étatiques porterait
atteinte à la compétence des arbitres ; qu'en conséquence, le juge des requêtes n'aurait pas dû
autoriser la saisie conservatoire querellée, le juge du fond étant incompétent pour la valider ;
qu'il conclut à la rétractation de l'ordonnance sur requête n° 2105 du 22 Août 1997 et qu'il
convient de condamner la BAD aux dépens distraits au profit de Maître NDOKY, Avocat aux
offres de droit,
SUR LA COMPETENCE DU JUGE DES REQUETES
Considérant que Maître NDOKY, pour la SOCIAA, soutient que le juge des référés en
présence d'une clause compromissoire ne devait pas retenir la compétence du juge étatique ;
que la convention liant la BAD à LA SOCIAA dispose en sa section 12-03 relative au
règlement du litige que " tout litige entre les parties au contrat de prêt ou toute revendication
qui n'a pas été réglée à l'amiable est soumis à un tribunal arbitral " ; que toute appréciation
contraire est viciée et constitue une violation flagrante des dispositions de l'article 1134 du
code civil donc du principe de la force obligatoire d'une convention ;
Que le juge étatique est donc compétent pour prendre des mesures conservatoires ou
provisoires en l'absence d'une clause ou d'une convention explicite résultant d'un règlement
d'arbitrage comportant pareille renonciation ;
Considérant que la créance de la BAD sur la SOCIAA est une créance maritime parce que
grevée d'une hypothèque maritime conformément à l'alinéa 1 (9) de l'article le de la
Convention de BRUXELLES du 10 Mars 1952 portant unification de certaines règles sur la
saisie conservatoire des navires de Mer ; qu'une hypothèque a été constituée sur les chalutiers
acquis par la SOCIAA suivant acte en date du 18 Octobre 1993 de Maître Jacqueline
MOUSSINGA, Notaire à Douala ;
Considérant que, en conséquence, la saisie conservatoire autorisée par le juge des requêtes est
légale et constitue une mesure provisoire ; qu'il a été bien jugé et mal appelé sur ce point ;
Considérant que le juge des référés s'est déclaré incompétent à ordonner une expertise faute
d'urgence et le litige auquel se rapporte l'expertise sollicitée étant de la compétence des
Tribunaux étatiques ;
Considérant que la nomination d'un expert est une mesure provisoire dès lors qu'elle permet
d'éclairer le juge sans préjudicier au fond ni prendre position ; qu'il a été jugé qu'il y a urgence
toutes les fois qu'un retard dans la décision à intervenir risque de mettre en péril les intérêts
d'une des parties (Paris, 3 Mai 1917-D.P. 1917.2.113) ;
Que dans le cas d'espèce, c'est la pertinence de la demande qui est sujette à caution ; qu'en
effet, le montant du prêt est précis et par le concours de la dévaluation il a été porté au double
; que les paiements n'étant pas nombreux il est facile d'en tirer le reliquat à payer ; que cette
demande apparaît donc comme dilatoire et non pertinente ;
Mais considérant que le fait de proclamer qu'on entend payer sa dette ne peut constituer une
preuve de bonne foi ; qu'en effet, les paiements de la SOCIAA ne sont ni suivis ni fréquents ;
que les arriérés se sont accumulés ; que à la suite d'une saisie des mêmes bateaux elle a payé
la somme de 120 000 000 frs et promis de verser chaque mois celle de 30 000 000 frs
correspondant à son pouvoir réel ; qu'elle n'a pas honoré ses engagements cependant ;
Considérant que la bonne foi ne saurait être reconnue à un débiteur qui paie sous la contrainte
et qui ne fait même pas d'offre réelle à son créancier ; qu'il échet de rejeter la demande de
délais de grâce sollicitée par la SOCIAA ;
Considérant que la renonciation doit être expresse et non supposée ; que le lien produit par la
convention est essentiellement irrévocable et ne dépend pas du caprice ni de la volonté d'un
seul des contractants ;
Considérant que le fait pour la SOCIAA de solliciter des délais de grâce ne peut valoir
renonciation à la clause compromissoire ; que cet argument a été utilisé comme moyen de
défense subsidiairement à la demande d'incompétence du juge étatique ; qu'elle ne saurait en
conséquence s'interpréter en une renonciation ;
Considérant que la saisie conservatoire ne peut être une mesure provisoire que si elle est
suivie d'une procédure permettant le recours aux arbitres institué par la convention signée
entre les parties ou à une instance au fond ; qu'or, depuis l'ordonnance n° 2105 DU 22 Août
1997 la BAD n'a rien entrepris pour saisir les arbitres ; qu'elle a plutôt saisi le Président du
Tribunal de Grande Instance du Wouri qui lui a signé une injonction de payer ; que cette
ordonnance a été rétractée sur contredit de la SOCIAA, le juge estimant qu'il était
incompétent en présence d'une clause compromissoire ;
Considérant que le code de la Marine Marchande est muet sur les délais pour poursuivre
l'action après obtention d'une saisie conservatoire ; que cependant, l'article 113 dudit code
dispose qu'elle "ne porte aucune atteinte aux droits du propriétaire " ; qu'or en maintenant le
statu quo le saisissant atteint irrémédiablement les intérêts du propriétaire dont les chalutiers
se trouvent immobilisés sans perspective d'aboutissement de l'arbitrage souhaité en cas de
conflit lors de la signature de la convention liant les parties ; que cette situation emporte un
préjudice irréparable au propriétaire privé des outils pour payer sa dette ou pour survivre et
met irrémédiablement en péril la créance ;
Considérant que face au silence du code de la marine, l'acte uniforme portant organisation des
procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution de l' OHADA, en son article
61 dispose que " si ce n'est dans le cas où la saisie conservatoire a été pratiquée avec un titre
exécutoire, le créancier doit, dans le mois qui suit ladite saisie, à peine de caducité, introduire
une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire... "
que force est de constater que depuis que la saisie a été ordonnée le 22 Août 1997 la BAD n'a
accompli aucun acte démontrant son intention de poursuivre son action vers l'aboutissement ;
qu'il y a lieu de déclarer en conséquence cette autorisation de saisie conservatoire caduque par
infirmation de l'ordonnance entreprise ; qu'il convient donc de rétracter l'ordonnance n° 2105
du 22 août 1997 ayant autorisé la saisie conservatoire des chalutiers de la SOCIAA et de
rejeter les autres prétentions des parties comme non fondées ;
Considérant qu'il convient de mettre les dépens à la charge de la BAD distraits au profit de
Maître NDOKY. Avocat aux offres de droit ;
EN LA FORME
Reçoit l'appel
AU FOND
Vu la clause compromissoire ;
Se déclarer compétente ;
STATUANT A NOUVEAU
Sur la base de faits simples et clairement exposés, la Cour d'Appel de Douala a rendu l'arrêt
ci-dessus rapporté, qui mérite d'être approuvé pour deux raisons.
I) Alors que le juge camerounais des référés s'est toujours systématiquement déclaré
incompétent pour ordonner des mesures provisoires ou conservatoires en présence d'une
clause compromissoires, cet arrêt consacre le revirement opéré par le juge des référés de
Douala par ordonnance n° 1128 du 7 Juillet 1998 (2) dans laquelle il est affirmé qu' « il est de
doctrine et de jurisprudence constantes que les juridictions étatiques sont compétentes pour
ordonner des mesures conservatoires et que leur compétence, concurremment à celle des
arbitres ne peut être limitée que par des termes expresses de la convention d'arbitrage ...».
L'arrêt rapporté confirme cette thèse en énonçant que « la stipulation d'une clause
compromissoire ne met pas obstacle à l'intervention du juge étatique pour prendre des
mesures provisoires ou conservatoires...; que dans l'espèce, aucune convention entre les
parties contractantes n'interdit expressément ce recours (au juge étatique);... »
On peut, cependant, regretter que la Cour d'Appel de Douala ait omis de viser dans sa
décision l'acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage, alors que ce texte, qui tient lieu de loi
relative à l'arbitrage dans les Etats parties à l' OHADA (3) et qui était déjà en vigueur au
moment où est intervenu l'arrêt commenté (4), précise en son article 13 alinéa 4 que
«...l'existence d'une convention d'arbitrage ne fait pas obstacle à ce qu'à la demande d'une
partie, une juridiction, en cas d'urgence reconnue et motivée ou lorsque la mesure devra
s'exécuter dans un Etat non partie à l' OHADA, ordonne des mesures provisoires ou
conservatoires, dès lors que ces mesures n'impliquent pas un examen du litige au fond, pour
lequel seul le tribunal arbitral est compétent ».
Bien que n'ayant pas visé ce texte, la Cour d'Appel de Douala s'est appuyée sur une doctrine
faisant autorités et a rendu une décision conforme audit texte (5); il faut espérer que la
jurisprudence soit définitivement fixée dans ce sens.
II) En réalisation des garanties du prêt qu'elle avait accordé à la SOCIAA, la Banque
Africaine de Développement (BAD) a obtenu du juge des requêtes de Douala, une
ordonnance de saisie des chalutiers appartenant à la SOCIAA (6).
Lors de l'instance en rétractation de l'ordonnance sur requête sus évoquée, le juge des référés
de Douala a, comme indiqué plus haut, reconnu la compétence des juridictions étatiques pour
ordonner des mesures provisoires, malgré l'existence entre les litigants d'une clause
compromissoire
Alors que cette institution financière internationale croyait déceler dans la demande des délais
de grâce de la SOCIAA une renonciation à la clause compromissoire, la Cour d'Appel de
Douala réfute une telle analyse en rappelant opportunément que la renonciation à la clause
compromissoire doit être expresse et non supposée.
Ensuite, expliquant que l'autorisation de saisie des navires donnée à la BAD par le juge des
requêtes ne pouvait conserver sa nature de mesure provisoire que si elle avait été suivie d'une
procédure arbitrale introduite par la BAD en application de la clause compromissoire prévue
au contrat de prêt, la Cour de Douala constate que depuis l'ordonnance sur requête n°2105 du
22 Août 1997 l'autorisant à saisir les navires de la SOCIAA pour sûreté de sa créance, " la
BAD n'a rien entreprit pour saisir les arbitres ; qu'elle a plutôt saisi le Président du Tribunal de
Grande Instance du Wouri qui lui a signé une injonction de payer ; que cette ordonnance a été
rétractée sur contredit de la SOCIAA, le juge estimant qu'il était incompétent en présence
d'une clause compromissoire...".
Sur quoi, les juges d'appel ont infirmé l'ordonnance de référé entreprise, non pas parce qu'elle
a reconnu au juge étatique (8) la compétence pour octroyer des mesures provisoires ou
conservatoires malgré l'existence entre les parties d'une clause compromissoire, mais en ce
que la mesure provisoire ainsi accordée n'a pas été suivie de la mise en oeuvre, par la BAD,
de la clause compromissoire contenue dans le contrat de prêt, en vue de l'obtention d'un titre
exécutoire contre sa débitrice. Sur ce point également, la décision de la Cour d'Appel de
Douala doit être approuvée, car elle. est conforme tant à la loi qu'à la volonté des parties.
Comme déjà mentionné, la procédure que devait introduire la BAD pour obtenir un titre
exécutoire consistait dans la mise en oeuvre de la clause compromissoire la liant à sa
débitrice'.
Or, la BAD a tenté de contourner la clause compromissoire convenue avec la SOCIAA car,
après avoir obtenu du juge des requêtes la saisie conservatoire des navires de celle-ci, celle-là
a demandé et obtenu d'un autre juge étatiques une ordonnance d'injonction de payer tenant
lieu de titre exécutoire prévu par l'article 61 suscité. A cet égard, la Cour d'Appel précise que
«...le fait de se tromper de procédure équivaut à un défaut de procédure ».
Dans ces conditions, la BAD n'aurait-elle pas mieux fait, dès le départ, de mettre en oeuvre la
clause compromissoire contenue dans l'accord de prêt par elle conclu avec la SOCIAA ?
(1) Voir G. KENFACK DOUAJNI, in" Les mesure provisoires et conservatoires dans
(arbitrage OHADA) " cette Revue n° 8, également Yvette KALIEU Note sous Douala, arrêt
n° 39/REF du 8 Janvier 1997, cette Revue n' 11 p 20 et s.
(3) Article 33 dudit acte uniforme; ce texte a été publié dans cette Revue n° 5 p. 20 à 23.
(4) Adopté le 11 Mars 1999, l'acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage est entré en vigueur
le 11 Juin 1999 ; datant du 15 mai 2000, l'arrêt rapporté est postérieur i, l'entrée en vigueur
dudit texte.
(7) L'acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement
et des voies d'exécution (Art 33 al 2) cite les sentences arbitrales exequaturées au nombre des
titres exécutoires.
(9) Tribunal de Grande Instance du Wouri, Jugement civil n° 177 du 20 Janvier 2000, inédit.