10 FR 3 Ee 1
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Langue française
Cauchemar en gris
Adorable Susan aux doux cheveux sombres, à l'adorable nez tout petit, presque de carlin1,
aux tendres taches de rousseur à peine marquées, et aux grands yeux noirs si doux...
C'était la chose la plus merveilleuse qui lui fût jamais arrivée, la chose la plus merveilleuse
qui pût jamais arriver à n'importe qui.
On en était enfin à ce «milieu d'après-midi» où Susan lui avait dit de venir. Il se leva de son
banc et, un peu engourdi par sa sieste, il s'étira voluptueusement.
Puis il se mit en route vers la maison, à quelques centaines de mètres du jardin public où il
s'était assis pour tuer le temps, vers la maison à la porte de laquelle il avait raccompagné Susan la
veille au soir. Une petite promenade agréable sous le beau soleil, par ce beau jour de printemps.
1
Nez de carlin : nez aplati
Il monta les marches du perron, frappa à la porte. La porte s'ouvrit et, pendant une
fraction de seconde il crut que c'était Susan elle-même qui lui ouvrait. Mais la jeune fille
ressemblait seulement à Susan. Sa sœur, sans doute, la veille elle lui avait en effet parlé d'une
sœur, son aînée d'un an seulement.
Il s'assit et attendit au salon, là. C'était bizarre qu'elle fût sortie. Même pour peu de
temps.
C'est alors qu'il entendit la voix, la voix de la jeune fille qui lui avait ouvert la porte ; la
jeune fille parlait dans l'entrée et, mû par une explicable curiosité, il se leva et alla coller son
oreille contre la porte.
- Harry ? Je t'en supplie, rentre immédiatement ! Et ramène le docteur ! Oui, c'est grand-
père... Non, pas une nouvelle attaque cardiaque... Non, c'est comme la dernière fois où il a eu sa
crise d'amnésie2 et où il a cru que grand-mère était encore... Non, ce n'est pas de la démence
sénile3, Harry, simplement de l'amnésie Mais cette fois, c'est plus grave. Il a décroché de
cinquante ans, cette fois... il est revenu à l'époque où il n'avait pas encore épousé grand-mère...
Très vieux soudain, vieilli de cinquante ans en cinquante secondes, grand-père se mit à sangloter
sans bruit, appuyé contre la porte.
2
Amnésie: Diminution ou perte totale de la mémoire.
3
Démence sénile: Trouble mental grave caractérisé par un affaiblissement des fonctions intellectuelles à cause de la
vieillesse.
I) Observations paratextuelles :
1- Qui sont les personnages de ce texte ? Comment le personnage principal est-il désigné tout
au long du texte ? Quel est l’effet recherché ? (2 pts)
2- L e texte étant un récit intégral, délimitez et présentez-en le schéma narratif. (1.5 pts)
1- Repérez une rétrospection dans les deux premiers paragraphes. Quel en est le rôle ? Par
quels temps verbaux s’énonce-t-elle ? (2 pts)
2- Relevez et nommez deux procédés influençant le rythme du récit. Justifiez votre réponse
et dites quel est l’effet produit. (3 pts)
4- Quel est le rôle des paroles rapportées directement de la jeune fille à la fin du texte ?
(1pt)
5- Quels types de superlatifs retrouvez-vous dans les énoncés suivants : « C'était la chose
la plus merveilleuse qui lui fût jamais arrivée, la chose la plus merveilleuse qui pût
jamais arriver à n'importe qui. » et « Très vieux soudain, vieilli de cinquante ans en
cinquante secondes, grand-père se mit à sangloter sans bruit, appuyé contre la
porte. » ? En quoi permettent-ils de mettre en relief l’opposition entre l’état initial et
l’état final. (2 pts)
IV) Production écrite :
Critères d’évaluation :
- Originalité de la production.
Bon travail ! ☺
Correction de l’examen
V) Observations paratextuelles :
Les éléments du paratexte sont : le titre du texte « Cauchemar en gris », la biographie de l’auteur
dans l’encadré, la référence du texte « Fredric BROWN, « Cauchemar en gris », dans
Fantômes et farfafouilles » et les mots expliqués.
Ce texte est extrait de Fantômes et farfafouilles qui, selon la biographie de l’auteur est un
recueil de nouvelles. «Cauchemar en gris » est donc une nouvelle.
6- Qui sont les personnages de ce texte ? Comment le personnage principal est-il désigné tout
au long du texte ? Quel est l’effet recherché ? (2 pts)
Les personnages en présence dans ce texte sont l’homme amoureux et la jeune f qui lui ouvre la
porte. Le personnage principal est désigné tout au long du texte par la 3e personne « il se
réveilla », « il s'était assoupi », « il le savait ». Cet anonymat crée l’effet de suspense puisque
l’identité du personnage n’est dévoilée qu’à la fin du texte.
7- L e texte étant un récit intégral, délimitez et présentez-en le schéma narratif. (1.5 pts)
Situation initiale (l.1 à 28) : Un homme se prépare à la rencontre des parents de sa bien-aimée
Susan.
Elément modificateur (l.28 à 31) : Une jeune fille, tout le portrait de Susan, lui ouvre la porte.
Péripéties (l.32 à 40) : La jeune fille le reçoit et lui demande de patienter au salon, le temps
d’avertir Susan. Curieux de son attitude bizarre et de son absence, il la suit et découvre qu’elle
parle au téléphone.
Elément de résolution (l. 41 à 45) : La jeune fille demande à un prénommé Harry de venir avec le
médecin au secours de son grand-père, atteint d’une crise d’amnésie.
Situation finale (l.46 et 47) : L’homme découvre son identité : il n’est autre que le vieil amnésique
en question
Dans ce texte, le sujet est l’homme amoureux. Son amour pour Susan et l’invitation de la jeune
femme jouent le rôle de destinateurs et le poussent à réaliser son objet : rencontrer les parents
de sa bien-aimée qui est l’adjuvant du héros. La réalité c’est-à-dire l’âge du personnage, sa
condition et la mort de Susan, est son opposant. Au cas où le sujet parvient à réaliser son dessein,
il sera, avec Susan destinataire de l’accomplissement de la mission.
Le champ lexical dominant dans la présentation du cadre spatio-temporel est celui de la nature
printanière : « l’éclat et la douce chaleur du soleil », « l’air printanier », « l’ombre du doux soleil »,
« du vert du printemps », « une journée magnifique ». Ce cadre favorable à l’amour exprime l’état
du personnage principal, qui, amoureux, porte un regard optimiste sur tout ce qui l’entoure. A la fin
du texte, lorsqu’il découvre qu’il est un vieillard amnésique, le personnage « se [met] à sangloter ».
On peut parler de chute vu l’opposition entre la joie apparentée au sentiment d’amour et de
jeunesse d’une part et la tristesse se rapportant à la découverte de la vieillesse d’autre part.
10- A la lumière de la lecture du texte, justifiez-en le titre « Cauchemar en gris ». (0.5 pt)
A la fin du texte, le personnage principal qui se sentait jeune et heureux découvre qu’il n’est qu’un
vieillard amnésique, d’où l’idée de « cauchemar ». Quant à l’adjectif « gris », il connote la
vieillesse, réalité vécue avec beaucoup d’amertume.
6- Repérez une rétrospection dans les deux premiers paragraphes. Quel en est le rôle ? Par
quels temps verbaux s’énonce-t-elle ? (2 pts)
Dans ce texte, nous pouvons repérer une rétrospection entre les lignes 12 et 18, s’énonçant à
l’imparfait » il ne connaissait » et au plus-que-parfait « il s’était déclaré ». Ce procédé permet
de remonter à la rencontre du personnage avec Susan et sa déclaration amoureuse. Nous
comprenons alors pour quelle raison l’homme se trouve dans le jardin public et ce qu’il attend :
son amoureuse l’a invité à faire la connaissance de ses parents.
7- Relevez et nommez deux procédés influençant le rythme du récit. Justifiez votre réponse
et dites quel est l’effet produit. (3 pts)
Le narrateur a recours à une pause descriptive aux lignes 19 et 20 qui ralentit le rythme su
récit. Il s’agit du portrait de Susan d’où l’abondance des expansions du nom « adorable »,
« aux doux cheveux sombres », « tout petit ». Ce procédé crée l’effet de vraisemblance.
De plus, nous pouvons retrouver une scène allant de la ligne 32 à 45. Par le biais d’actions
successives au passé simple « s’inclina », « se présenta », « demanda » et de paroles
rapportées directement (l.41 à 45), le narrateur permet au lecteur de vivre, étape, par étape,
les événements du récit, créant ainsi l’effet de vraisemblance. Dans ce cas la durée de
l’histoire est égale à celle du récit.
9- Quel est le rôle des paroles rapportées directement de la jeune fille à la fin du texte ?
(1pt)
10- Quels types de superlatifs retrouvez-vous dans les énoncés suivants : « C'était la chose
la plus merveilleuse qui lui fût jamais arrivée, la chose la plus merveilleuse qui pût
jamais arriver à n'importe qui. » et « Très vieux soudain, vieilli de cinquante ans en
cinquante secondes, grand-père se mit à sangloter sans bruit, appuyé contre la
porte. » ? En quoi permettent-ils de mettre en relief l’opposition entre l’état initial et
l’état final. (2 pts)
Dans le premier énoncé, il s’agit d’un superlatif relatif de supériorité et dans le second d’un
superlatif absolu. L’état initial du personnage était celui d’un homme heureux et amoureux dont le
bonheur ne venait que de commencer ; son avenir est porteur de promesses et de choses encore
plus merveilleuse que cet après-midi de printemps, d’où l’emploi du superlatif relatif. A la fin du
texte, le personnage se sent « très vieux », ce superlatif absolu montre que s’on état est le pis
qu’il peut vivre.