Quand La Mort Arrive Stéphane Allix
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ISBN : 978-2-7324-5849-6
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À la mémoire de ma mère
Collection
Copyright
Dédicace
Pourquoi ce livre ?
Témoignage de l’auteur
Mystérieuses traversées
Et ça repart !
Qu’advient-il de la conscience ?
Mourir en conscience
La mort en face
Si le grain ne meurt
Ars moriendi
La maîtrise du lâcher-prise
Les mystères de la fin de vie
Conscience accrue à l’approche de la mort
Un silence de mort
Imperceptibles nuances
Laisser partir…
Partir en paix
Se relier avant de se délier
Réconciliation
Entre-deux
L’Essence et le sens
Bibliographie
Sites web
Filmographie
Remerciements
Stéphane Allix
www.inrees.com
Témoignage de l’auteur
Mystérieuses traversées
Ainsi, craignant sans doute que nous ne soyons pas prêts à l’entendre
évoquer la mort qu’elle sentait proche et dont elle ressentait le besoin de
parler, elle s’est adressée à nous à demi-mot, dans un langage symbolique :
« Je vais bientôt partir en vacances au bord de la mer. Il est temps que je
prépare mes bagages… » L’étonnant, c’est qu’à cet instant elle ne semble
pas le moins du monde confuse, mais au contraire étrangement lucide. Elle
a laissé ça « maturer » en nous et, de plus en plus fébrile, dès qu’elle a senti
une ouverture dans notre comportement d’accompagnants, elle a posé
clairement la question qui la taraudait : « Je vais mourir, n’est-ce pas ? »
Pour sa sœur, présente sur le moment, c’est insupportable ; elle lui rétorque
que non, elle est là « en convalescence ». Ma mère me regarde alors droit
dans les yeux, avec un regard tranchant d’adulte à adulte que je ne lui
connais pas, et me repose la question. Conscientisée par la lecture de La
Mort intime, je l’écoute… Je lui demande quels sont ses besoins face à cette
échéance qu’elle semble sentir venir. Instantanément, ma mère se calme et
demande à voir plusieurs personnes clés de son parcours de vie, avec qui
elle aura un temps de partage précieux. Après ce dernier échange, elle
s’éteint lentement, semblant sereine. À ce stade avancé du processus
douloureux de la maladie, la morphine aidant, elle entre peu à peu dans un
semi-coma. Nous avons continué à lui parler et lui faire sentir que nous
étions en paix avec le fait qu’elle parte, quittant régulièrement la chambre
pour la laisser « souffler ». Un vendredi, juste avant son anniversaire, alors
qu’elle est inconsciente depuis des jours et au cœur du processus d’agonie,
elle se redresse dans le lit, ouvre les yeux et, transfigurée, avec un visage
exprimant une joie profonde, elle s’exclame : « Ah ! la lumière ! » L’instant
d’après, elle était morte…
Le travail intérieur induit par le processus de la fin de vie a continué à
germer en nous, ses enfants et ses proches, par-delà la mort.
Personnellement, cet accompagnement m’a conduit à une transformation de
vie radicale : j’ai accompli un rêve en déménageant sous d’autres cieux et
en métamorphosant mon travail de journaliste, consacré depuis à l’écologie
humaine et à la question du sens.
Or, si chaque mort est unique, rendant périlleuse toute tentative de
généraliser le propos, ces différentes expériences (visions au moment du
trépas, utilisation d’un langage symbolique, besoin de parler de la mort et
de se relier avant de se quitter…) parmi d’autres semblent êtres vécues,
pour tout ou partie, par un grand nombre de personnes en fin de vie, comme
le relatent leurs proches et le personnel soignant (les mourants, eux-mêmes,
n’étant plus là pour en témoigner…).
Ces expériences, pour certaines mystérieuses, inexpliquées, voire
extraordinaires, qui jalonnent l’approche de la mort – lorsque celle-ci,
précisons-le, vient petit à petit en raison d’une maladie ou du grand âge –
sont encore largement méconnues du public, et jusqu’au sein même du
personnel médical, contrairement aux phénomènes propres aux EMI
(expériences de mort imminente), bénéficiant depuis des années d’une
recherche et d’une littérature abondantes. Bien qu’ils s’avèrent de nature
similaire, ces phénomènes peuvent varier dans leur expression, comme nous
le verrons au cours de cet ouvrage, qui se consacrera à présenter ces
expériences qui sortent de l’ordinaire sur ce chemin de la fin de vie. Dans
ce processus propre à la mort, quand elle vient lentement, graduellement.
Rappelons que ce type de mort, par suite d’une maladie (cancer en tête),
représente près de 70 % des causes de décès, selon l’INSEE3.
Et ça repart !
Qu’advient-il de la conscience ?
1.
Vladimir Jankélévitch, La Mort , Paris, Flammarion, 2008.
2.
Ouvrage collectif, Le Grand Livre de la Mort à l’usage des vivants , Paris, Albin Michel,
2007.
3.
Sogyal Rinpoché, Le Livre tibétain de la Vie et de la Mort , Paris, La Table Ronde, 1993,
p. 325.
4.
INREES, magazine Inexploré n° 14, avril-juin 2012, p. 60.
5.
Sogyal Rinpoché, Le Livre tibétain de la Vie et de la Mort , op. cit. , p. 335.
6.
Ouvrage collectif, Le Grand Livre de la Mort à l’usage des vivants , op. cit. , p. 25.
7.
Entretien avec l’auteur.
8.
Ouvrage collectif, Le Grand Livre de la Mort à l’usage des vivants , op. cit. , p. 24.
9.
André Comte-Sponville, Présentations de la philosophie , Paris, Le Livre de Poche, 2002.
10.
Lire notamment du Dr Jean-Jacques Charbonier , Les 7 bonnes raisons de croire à l’au-delà ,
Paris, Guy Trédaniel, 2012.
11.
Stéphane Allix, La mort n’est pas une terre étrangère, Paris, Albin Michel, 2011, p. 81-82.
12.
Dr Jean-Pierre Jourdan, Deadline, EMI : une énigme pour le science , Paris, Les 3 Orangers,
2007, p. 19 et 250.
13.
Dr Pim van Lommel, Mort ou pas ? Les dernières découvertes médicales sur les EMI , Paris,
INREES/InterEditions, 2012.
14.
Un chiffre qui tombe à 7 % au sein de la communauté scientifique, plus spécifiquement les
membres de l’American Society of Science.
15.
Interview sur Radio Canada, 2010.
16.
Stéphane Allix, La mort n’est pas une terre étrangère, op. cit ., p. 87.
Mourir en conscience
La mort en face
Si le grain ne meurt
Ars moriendi
La maîtrise du lâcher-prise
Un silence de mort
Imperceptibles nuances
1.
Garry Marshall, Happy New Year , Warner Bros. Pictures, 2012.
2.
Maggie Callanan, Patricia Kelley, Final Gifts, Understanding the Special Awareness, Needs,
and Communications of the Dying , Bantam Books, 1997, p. 222.
3.
C. Biot, F. Guinand, F. Hortala, Mourir vivant , op. cit. , p. 13.
4.
INREES, magazine Inexploré n° 14, avril-juin 2012, p. 32.
5.
Interview de Maggie Callanan, Le Magazine de l’INREES (précurseur du magazine Inexploré
) n° 5, hiver 2009-2010, p. 16.
6.
Evelyn Elsaesser-Valarino in Manuel clinique des expériences extraordinaires, sous la
direction de Stéphane Allix, Paul Bernstein, op. cit. , p. 114.
7.
Entretien avec l’auteur.
8.
Enquête d’Audrey Mouge, « Le temps, une illusion ? », pour l’INREES, www.inrees.com
9.
Marilyn Webb, The Good Death : The New American Search to Reshape The End of Life,
Bantam Books, 1999.
10.
Maggie Callanan, Patricia Kelley, Final Gifts, Understanding the Special Awareness, Needs,
and Communications of the Dying , op. cit ., p. 71.
11.
Christiane Singer, Derniers fragments d’un long voyage , Paris, Albin Michel, 2007.
12.
Marie de Hennezel, Jean-Yves Leloup, L’Art de mourir, op. cit. , p. 44.
13.
Lire, notamment, Thierry Janssen , La Solution intérieure. Vers une nouvelle médecine du
corps et de l’esprit , Paris, Pocket, 2011 ; La maladie a-t-elle un sens ? , Paris, Fayard, 2008 et
Vivre le cancer du sein… autrement , Paris, Robert Laffont, 2006.
14.
Marie de Hennezel, Jean-Yves Leloup , L’Art de mourir , op. cit. , p. 44.
15.
Lytta Basset, Ce lien qui ne meurt jamais, Paris, Livre de Poche, 2010.
16.
Marie de Hennezel, INREES, magazine Inexploré n° 14, avril-juin 2012.
Partir en paix
« La vie est un accomplissement et la mort est le terme de cet
accomplissement », déclarait Elisabeth Kübler-Ross. La fin de vie et le
processus de mourir font encore partie de la vie et offrent l’occasion d’une
« rencontre » de la plus haute importance. Rencontre avec soi-même
d’abord, pour cette ultime mise au monde, juste avant de le quitter. Vient le
temps de boucler la boucle, de faire le bilan, de mettre sa vie en ordre sur
tous les plans, de se laisser travailler par le sens… Rencontre aussi avec
l’autre, avec les autres, dans une co-création féconde et transformatrice.
C’est là le moment privilégié pour se relier et communiquer tant que faire
se peut, pour se réconcilier et pardonner… avant de se quitter. Une
rencontre de la dernière chance.
Ce besoin de réconciliation au sens large fait partie intégrante de la
conscience accrue à l’approche de la mort. À ce stade, la personne en fin de
vie s’interpelle et nous interpelle sur les conditions pour mourir en paix,
désignant de manière explicite ou symbolique (par un langage spécifique)
ce dont elle a besoin pour y arriver.
Si ces conditions ne sont pas comprises et remplies, les malades en fin
de vie peuvent devenir anxieux, agités. Et le personnel soignant sera alors
tenté de leur administrer des anxiolytiques, passant à côté de la vraie
demande de ces patients.
« Que le soleil ne se couche pas sur votre colère9 », peut-on lire dans
la Bible…
Et aussi : « Avant que le soleil se couche, va te réconcilier avec ton
frère. »
En langage symbolique, le coucher de soleil représente la mort de
l’homme, son départ pour l’autre monde. On lui donne donc un délai
suffisamment long, mais une fois ce temps écoulé, s’il n’a pas pu ou pas su
résoudre son conflit, une fois « le soleil couché », il est trop tard… Les
personnes qui ont eu le malheur de perdre un proche avant d’avoir eu le
temps ou le courage de se réconcilier avec lui savent la douleur et l’éternel
regret qu’il en coûte. Pour celui qui meurt, un conflit non résolu au moment
du trépas peut le retenir et interférer lourdement sur le lâcher-prise
nécessaire pour mourir.
Visions ou hallucinations ?
Entre-deux
Mise à nu
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la fin de vie est un implacable
décapage ! Les masques, les armures, les carapaces, les apparences
tombent. L’être est mis à nu. « On arrive vraiment à la substantifique
moelle. Une sorte d’abstract », constate le prêtre et psychologue Patrice
Gourrier.
« On meurt comme on a vécu », dit le proverbe… L’approche de la
mort révèle ce qu’il y a de plus profond dans l’individu. Ainsi, quelqu’un
qui a réussi toute sa vie à masquer son angoisse, la voit-il généralement
éclater au grand jour dans les ultimes moments.
Le superficiel, bousculé par l’urgence et la puissance de l’échéance,
n’a plus droit de cité – il semble d’ailleurs, au fil des témoignages recueillis
auprès des soignants et des accompagnants, que ceux et celles qui avaient
misé toute leur existence là-dessus, se retrouvent fort démunis face à
« l’essorage » de la fin de vie, qui vient bousculer le sens… Celui qu’on a
donné à sa vie, celui qu’on va donner à sa mort.
Patrice Gourrier pointe le fait que dans notre société on a perdu de vue
« l’être ». On fait, on s’agite, on bouge, donc on a l’impression d’exister. La
maladie, elle, provoque une rupture de rythme. « Souvent, dit-il, on ne s’est
pas préparé à être, tout simplement. En phase terminale, l’univers se
réduit : il n’y a plus que la visite de quelques personnes, le lit, la table de
chevet, peut-être quelques livres… Fini les “bibelots” ! Il n’y a plus de
place pour le superflu. On n’a pas d’autre choix que d’aller à l’essentiel.
L’individu subit en somme une énorme purge. On est alors placé face à la
nécessité de puiser en soi quelque chose de fort. C’est là qu’on assiste
parfois à un insight. » Ce mot est issu de l’allemand « einsicht »
(compréhension, discernement). En psychologie, il décrit un moment
privilégié de prise de conscience. Un « saisissement », qui apporte des
réponses et des solutions, sans passer par une série d’essais ou d’erreurs.
« La prise de conscience peut être fulgurante, souligne le père Patrice
Gourrier. J’ai assisté à des dialogues d’une inimaginable profondeur, même
entre parents et enfants, entre conjoints. Cela revient si l’on peut dire à
l’“Eurêka !” d’Archimède qui, d’un seul coup, trouve quelque chose qui
était déjà là avant, mais en prend conscience. La maladie ou la perspective
de la mort nous font prendre conscience de quelque chose qui était déjà là,
mais voilé à nos yeux parce qu’on est aveugles… »
Pour être plus précis, il faut noter que cet insight ne se produit pas chez
tous ceux et celles qui sont à l’article de la mort. Et d’une manière générale,
cela n’a rien à voir avec un éventuel cheminement (psychologique,
philosophique, spirituel) que la personne aurait pu réaliser au fil de son
existence. Face à l’inédit de l’approche de la mort, des personnes d’une
grande simplicité peuvent vivre cette sorte de révélation, tandis que d’autres
ayant pourtant accompli un intense travail d’évolution et de développement
personnel peuvent tout aussi bien passer à côté.
Les différents accompagnants et soignants rencontrés relatent tous
l’expérience de personnes qui, trop affolées à l’approche de la mort,
n’arrivent pas à cet état de conscience lumineux. « Je me souviens, poursuit
Patrice Gourrier, d’une femme qui tremblait de peur à la proximité de la
mort. Même si elle a connu des moments d’apaisement, elle est morte dans
une panique totale, avec des yeux terrifiants. Pourquoi certains arrivent à
opérer ce basculement vers une paix et une compréhension ultimes,
d’autres non ? Peut-être est-ce de l’ordre de la résilience ?… »
L’Essence et le sens
1.
Thierry Janssen, Confidences d’un homme en quête de cohérence , Paris, Les Liens qui
Libèrent, 2012, p. 147-148.
2.
Ibid. p. 70.
3.
Guy Corneau, Revivre , Québec, Les Éditions de l’Homme, 2010.
4.
Interview réalisée par l’auteur, publiée dans le magazine Néosanté n° 1, mai 2011, p. 13.
5.
INREES, magazine Inexploré n° 14, avril-juin 2012.
Bibliographie