Philosophie Africaine
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Philosophie Africaine
Département de Philosophie
Cours du Dr BODO
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dans le passé. La négritude de Senghor nous invite à nous ouvrir à autrui.
L’humanisation coïncide avec l’ouverture aux autres. Elle est accueil,
manifestation d’hospitalité et partant refus du sectarisme, abandon de la tribu.
C’est un mouvement qui présente le Noir comme l’antithèse de l’homme blanc.
D’où cette fameuse phrase de senghor : « l’émotion est nègre, la raison est
hellène. » L’émotion est ici une attitude généreuse où l’individu sait se donner
entièrement. L’émotion nègre a une portée humaniste dont sa particularité est
que le Noir fait corps avec les êtres, les phénomènes et les choses. Il n’y a pas de
distanciation entre l’homme et son vis-à-vis quel qu’il en soit. A cet effet,
senghor affirme : « Ainsi, toute la nature est animée d’une présence
humaine. »Cf. liberté 1, p.24.
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Tempels (missionnaire belge) par la publication de son œuvre intitulée la
philosophie bantoue en 1945, est le précurseur de l’ethnophilosophie. Il
écrit : « Nous ne prétendons pas que les bantous soient à même de nous
présenter un traité de philosophie, exposé dans un vocabulaire adéquat. (…)
c’est nous qui pourrons leur dire, d’une façon précise, quel est le contenu de
leur conception des êtres, de telle façon qu’ils se reconnaissent dans nos
paroles, et acquiescent en disant : tu nous as compris complètement, tu sais à la
manière dont nous savons. »cf. Philosophie bantoue, p.24. Continuant son
analyse il affirme : « Nous pensions éduquer des enfants, de grands enfants (…)
et cela semblait aisé. Voilà que tout à coup, il nous apparait que nous avons
affaire à une humanité, adulte, consciente de sa sagesse, et pétrie de sa propre
philosophie universelle. » Cf. philosophie bantoue, p.110.
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affirme : « la philosophie est le singulier d’une chose plurielle. » ibidem, p.17 Il
nous faut donc comprendre que ce singulier est pluriel, car le concept de
philosophie africaine est une notion qui désigne les diverses philosophies
africaines dans leur masse.
C’est pourquoi, nous ne pouvons pas partir des conditions historiques qui
ont vu l’éclosion de la philosophie en Grèce, pour montrer la Grèce comme la
mère patrie de la philosophie en soi. Ces conditions ne sont pas déterminantes
pour l’apparition de la philosophie. Abou Karamoko écrit : « une philosophie y
a vu le jour, à une certaine période, à partir d’éléments empruntés à l’Orient et
à l’Afrique et dans un contexte politique, économique, social et culturel
particulier, spécifique. De là, dire que la philosophie tout court est née en Grèce
(la mère patrie) avec Socrate, son père, il y a un pas qui, en le franchissant,
nous sautons à pieds joints dans l’européocentrisme. » P.110. cf. les enjeux du
discours philosophique pour l’Afrique. L’européocentrisme est une forme
d’ethnocentrisme qui consiste à attribuer une place centrale aux cultures et
valeurs européennes aux dépens des autres cultures.
La philosophie n’a pas une origine unique, car elle n’est pas une. Elle n’a
pas l’unité d’un sujet. La philosophie est un processus ouvert qui s’inscrit dans
l’évanescence de nos identités. C’est une universalité éclatée qui démontre qu’il
peut y avoir plusieurs voies d’accès à la réalité. Abdoulaye Elimane Kane
affirme : « la diversité n’est pas le propre de telle race ou de telle civilisation,
mais la marque essentielle de toute réalité sociale. » cf penser l’humain : la
part africaine, p.148.