Formis Barbara Esthétique de La Vie Ordinaire
Formis Barbara Esthétique de La Vie Ordinaire
Formis Barbara Esthétique de La Vie Ordinaire
Barbara Forrnis
Esthétiqu ·~
de la ·e ordinaire
Aborde comment t ces pratiques ont voulu brouiller, voire faire disparaître
toute démarcation entre art et vie. Suivant les idées de Dewey,
chacun tente de brouiller les pistes en empruntant des angles différents.
Pour Filliou, l'objectif est de démontrer que Bien fait = mal fait = non fait.
Ainsi, tout est art, même la non exécution. Idées près du bouddhisme zen
d'abandon du désir d'art et un lâcher prise. Il s'agit aussi pour lui de faire
"autre chose", comme d'abandonner toujours l'idée première. Sa démarche
s'apparente profondément à la pleine conscience.
Pour Ben Vautier, fortement inspiré par DUchamps dont il veut pousser les conclusions
encore plus loin, tout est art, suffit de le signer. Ainsi, il s'approprie jusqu'aux gestes
quotidiens et les "vend", tournant en dérision la marchandisation de l'art,
cette appropriation de l'art (et de la vie) par le marché de l'art.
ISBN 978-2-13-058431-5
Dépôt légal - 1re édition: 2010, octobre
© Presses Universitaires de France, 2010
6, avenue Reille, 75014 Paris
ESTHÉTIQUE DE LA VIE ORDINAIRE
LE PARI DU GESTE
représentation. Or, ~e fo~posées ces h>:Po~èses, voilà l.aquestion
faut maintenant traiter: s1 une telle operauon est possible en .qll'il ~\ors des jungles, des rues bondées , des alléesjonchéesde détritus, des
. d' .
c
l'em êchement de la 1ormauon une llllage et par l' espacement dl>e1n tir..
ltire "'li ~,rc~~c~ de rêves de science-fiction , des antichambresde la folieet des greniers
p . ell . d 1 . es tr ~ e5p\',espritencombrés de tout un bric -à-brac 1•
la toile cette imprésentauon peut- e sorttr e a pemture Par la . acll I Je
, s·l ,. ' c .
du corps vivanten acte ? 1 e geste res1ste a sa trans1ormat1on en .
l>tese Sti,
lltati
. , l. d llliage llii Cette« matière étran~ère » n'est rien d'~ut~eque le no.n-art,ou plus généra-
est-il de sa présencedansuncorps qw opere sans aisser e traces ni . : %'""
ater1c11,,, t la vie, avec ce qu elle a de plus ordmrure et en memetempsde surpre-
es?
!et1'1'11
On comprend ainsi que l'évolution, allant de l'incrustationde l'ordinaire
1
111' rort à \'indiscernabilité entre l'art et la vie, soit, en un sens, consubsran-
111
inséparable
J~115 . l'histoire de l'art. À l'int érieur de ce parcours, l'actionpaintinga été une
CE QUI SE PASSE... elleti
tÎ c fondamentale puisqu'il a permis l'élargissement allant du tableauà peinture gestuelle
KAPROW LEHAPPENING,
OU L'ARTSEMBLABLE A LA VIE étllP,3cc environnant . Encore une fois, ce sont les mots de Kaprowquis'avèrent
Pollock
resP .
éel:1irants
.
pratique
La praxisesthétique comme œuvre intérieure à l'artiste est le dornaincd Lechoix de Pollock de toiles énormes a été faitdansdesbutsdifférenrs: capiral
l'indiscemabilité. Elle est cette troisième voie, infime mais réelle, entre l'exilé~ pour notre discussion est le fait que ses peinrures à l'échelle
muraleonr cessé
rience esthétique et l'expérience ordinaire. Elle est ce qui rend ces deux d'être des peintures, mais sont devenuesdes environnements . [...] Nouspou-
expériences entièrement indiscernables, mais non pas identiques . CettepraxiJ ,•ons nous perdre dans cette toile d'araignéejusqu'à un certainpoint, er,par le
ayant l'agent du geste comme fin, s'ouvre à des sujets qui ne sont Pa; fait d'entrer et de sortir de cet écheveaude ligneset d'éclaboussures, on peut
reconnus comme artistes (les spectateurs devenus participants , par exemple ) .:xpérimenter une sorte d'extensionspatiale2 .
et cherche une efficacité dans le monde des actions de la vie. Bien que cette
ouverture puisse sembler dangereuse pour l'autonomie de l'art , elle est en L'effacement des limites de la peinture et du cadredu tableaudansl'action
réalité la conséquence la plus logique des développements des avant-gardes paintin
g engendr e une transformation de l'espaceartistiqueoù lesspectateurs
du x:xcsiècle. Allan Kaprow l'exprime clairement dans une réflexion autour viennentdésormais participer activementà la viede l'œuvre.L'«héritage»de
du cubisme et des papiers collés: Pollock invite don c à se positionnercommelefaisaitPollocklui-même:dansla
peinture. Et cela au risque d' « abandonnercomplètement la pratiquede la
Par le délabrement(breakdown)des harmoniesclassiques qui a suivi l'introduc- peinture, (. .. ] le simple rectangleplatou ovalecd quenousle connaissons3 ».
tion de juxtapositions «irrationnelles» ou non harmoniques, les cubistesont
On passerait aisément de la toileà l'espace, puisque«Pollock,commeje le vois
tacitementouvert un cheminvers l'infini.Une fois la matière étrangère intro-
duite en peinturesous formede papier, ce n'était plus qu'une question de temps
1. Allan Kaprow, Assemblage , EnvironmentsandHapp enings.\Y/it
h selection of
pour que tout ce qui est étranger à la peinture et au canevas, y compris l'espace scenariosby 9 Japaneseof the G11toi Jean-Jacques
gro11p, Lebel, WolfVosteU , George
réel, soit autorisé à pénétrer l'acte créatif. Les morceauxde papier gondolé, Brecht, etc. New York: H.N. Abrams, 1966,p. 165.Je traduiset souligne.
Toutesles
dépassant de la toile, disparurent de la surfacepour exister par eux-mêmes, citations tirées de cet ouvragesontdestradu
ctionsoriginales.
2. Allan Kaprow, « L'héritage deJacksonPoUock», L'Art et la vie co11/011d11s
,
prirent de la consistanceà mesure qu'ilsse déployèrent sur d'autres matériaux,
op.cit., p. 36-37.
allant jusqu'à s'en dégagerpour gagner la pièce et la remplirentièrement.Sur- 3. Ibid., p. 38.
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LE PARI DU GESTE
.
_ conunue Kaprow, nous a laissés au point . où nous devons ·•01.1s
" ,
9
rendue légitime. Foncièrement discontinu, désynchronisé, chao-
A Atreéblouis, par l'espace et les obJets de notre vie quo . . I>~
et meme e 1 ., ù I' .t tid1eii clt~P. suivant pourtant des règles, le happening mène jusqu'au bout les
. corps nos vêtements, es p1eceso on vtt ». Enun nt,
soientnos I ,A 1 A sens ~ O ~ · ~,elSenvisagées par le ready-made et le collage. Enincorporantle contexte
. mplissent par rapport au theatre e meme type d' , lesb ,
performancenmgsacco . , , d' I' opé qbt. ~ialitéS dans le vécu esthétique, il viseà produire desexpériencesquisonten
. pai·nh'ng fait subir à la pemture, c est-a-
l'actton . 1re ouvrir à I' ratjr,..'l't .
CSJ>ac v,1 o,, ntinuité avec la vie tout en étant pleinementlégitimesdansun dis
..,iStiqoe -
issantl'œuvre au corps et au geste. La pratique des happenings e, eii~~"t
g ell l'action
. pamttng, estcar ~
. . et aUssi r-."'sorl'art, Le primat ~u' a~c~rdent 1es hap~enmgs
" :,f~itCCO . d'
. a' lanon?n ',
. cx~cnce
par la même spontanéité corpor e que acitri
,; '°""a contre l'idée del ordinau:e comme obJet- est une opcranonqwreste
. de l'art, 1e pr1mat
désintérêt vis-à-vis . etant
, donne, a' 1a vie.
. Les haun.Ili~""
Pat
,. '' ~einent cohérente avec la pratique du ready-made,
rfllll
commele montrentces
commel'action painting,montrent la présence d'un certain chaos d/Pe,,;,,b P' de Duchamp :
• • ' llr,e • 111otS
chie quicherche, au moyen de son expression vivante, une fonne ad·~.
Une forme
quiserait celled'uneréalité « en constante métamorphose2/quatt. PopAn, Assetn·
CeNéo·Dada qui se nomme maintenantle NouveauRéalisme,
Un happening est l'art de cequi se passe.Dans un happening, «il n' blage,etc. est une distraction à bon marchéqui vit de cc que Dadaa fait.
, • • • Ya 1,orsquej'ai découvert les ready-mades, j'espéraisdécouragerle carnaval
aucunelimitethéorique apparente par rapport a ce qw pourrait etre utilisél ~·
tout pourraitse passer(happen). Comme la praxisde Pollock, les happeningsn; d'esthétisme.Mais les néo-dadaïstesutilisentles readymadcs pourleurdécou-
vrirune valeur esthétique. Je leur ai jeté le porte·boutcillcs
et l'urinoirà latête
sont donc pas de simplesexpériences empiriques, des sortes de matte,offact,
commeune provocation et voilàqu'ilsen admirentlabeautéesthétique 1•
objectifs,maisils sont, au contraire,foncièrement liés à la perception subjective
et à l'activitédes participantsqui les font vibrer et qui les nourrissent deleur
Avec une virulence inhabituelle, Duchampcritiquel'approche«objecti-
désirs,de leurspersonnalités,de leur rêves, de leur inconscient. Commel'action
viste»du ready-made . Cette approche n'est pas,à sesyeux,tout simplement
painting,les happeningsrestentdes pratiques profondément aléatoireset jamais
blâmable, mais elle est aussi passéiste,danslamesureoùelleressuscite
le critère
maîtrisées.Kaprowle dit clairement: « Ce que cela signifie, c'est quel' artistea
de beauté esthétique en se concentrantsur les qualitésformellesdes objets
besoin de ne pas être seul en charge d'un e action créative 4 • » En effet,les
trouvés.Al'inverse, les happeningsreçoiventl'approbationde Duchamp:
spectateurs, les objets et les éléments naturels sont à considérer commedes
élémentsaléatoires,des «variables» qui peuvent modifier la vie de I'œuvreet
Les happenings me plaisent beaucoupparceque c'est qudque chosequi
avoir un impact sur elle, et donc sur l'expérience esthétique. Comme pour s'oppose carrément au tableaudu chevalet.[...] Leshappenings ont introduit
l'actionpainting,intervienticile produit fréquent des variables : l'accident. dans l'art un élémentque personnen'yavaitmis:c'est l'ennui.Faireunechose
Cet aspect entièrementimprévisible relie le happening au régime artistique pour que les gens s'ennuientenlaregardant
, je n'y avaisjamaispensé.Et c'est
de l'éphémère et le sépare de la tradition conventionnelle qui identifie une dommageparce que c'estunetrèsbelleidée.C'estlamêmeidée, au fond,que
œuvre d'art à un objet. Ce point établit aussi clairement le parti que prend le silence de John Cageenmusique;personne n'avait penséà cela. [...] l'intro-
Kaprow vis-à-visde la place de l'ordinaire dans l'art, place que la pratique de
1. Lettre de MarcelDuchamp à HansRichterdu 10 novembre1962,citéepar
1. Ibid., p. 38-39. . . Hans Richter Dada art et anti-artBruxelles:Éditionsde la Connaissance, 1963,
2. AllanKaprow,dansAssemblage,
Environments
andHappenings,op. at., p. 169. p. 196. Dans iaverslonoriginale
, on'trouve« ready-made
» écritavecun ~raitd'union
3. Ibid.,p. 162. la premièrefoiset sanslaseconde
fois;Duchamp sembleconstamment oscillerentreles
4. Ibid., p. 172. deuxoptions.
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ESTH'ÉTIQUE DE LA VIE ORDINAIRE LE PARIDU GESTE
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ESTH'ÉTlQUE DE LA VIE ORDINAIRE LE PARI DU GESTE
happening,car elle touche à« l'art semblable à la vie» (/i/elikeart 1). le cetteperspective,l'on comprendlesraisons quipoussent
K
i.,,flJlt 'f , ,E . aprow
de mimesisque Kaprow relève entre l'art et la vie ne suit donc Pas ra~llii Sll licitement re erence
. e eJ<P · .
a. rvmgGoffman• auteurde LaMisee11scene
·
'd . ,. , . ll . 1 unes· ~
proce ure munenque ou representau onne e, mats p ace l'imitatio 'tri~~ ~ f~1' vieq11otidienne,mais aussidesCadres
del'expérience1 :
vécu même de l'expérience. On ne saurait plus distinguer une expéri; dans le Je/d
naire d'une expérienceartistique car toutes deux peuvent être vécue:cc0 r1Ji
. routines de
J_,t:S la vie de famille, de travail, d'éducation et de la gestion des
quement. esth~ti.
Jfoiresquotidiennes du fait de leur banalitéet de leurmanquedebutexprernf
Dans son ultime mélange avec la vie ordinaire, la spécificité de l' ,o11scienl ne semblent pas être des formes d'art, mais possèden t néanmoins un
sauvegardée uniquement par deux critères de survivance: la reconna:tt est cllfactère distinctif de performance. Seuls les performeurs n'en sont pas
symbol iquede la part du monde de l'art (quatrième modalité) et la conssanc e conscients généralement. (. ..] Chaque matinquandon selavelesdents, on ne
de la personne accomplissantle geste (cinquième modalité). Le premier c:~:c
e se dit pas : « Maintenant, je fais une performance .» MaisGoffmanmet des
qume,· certes, le contexte phys1que
· de l'art, mais · il en conserve l'autorité tere guillemets aux routines ordinaires en les prenantpourobjc1sdesonanalyse2 .
., . syll)
.
bolique, tandis que le second cntere quitte ce contexte, tantôt physiqucrnc
tantot• symbo1·1quement.Il n'y aurait
· plus de contexte et demeurerait seulcrncnt,
n Goffman fournit à Kaprow une piste féconde: peut-on, comme l'a fait le
le sujet accomplissantle geste.Par les thèmes et les matériaux choisis, le happe'. sociologue, mettr e des guillemets à la vie ordinaireet vivre pleinement cette
ning se distinguede toute forme d'art, même d'u ne synthèse disciplinaire des e)(périence en la considérant, cette fois-ci, commeuneexpérience esthétique?
arts ; le temps et l'espace sont variables et l'exécution vise à produire une Lesguillemets imaginaires, mieux métaphoriqu es,quelavieamaitainsiacquis,
expérience, non pas une forme esthétique visuellement perceptible. Cesdeux apportent à l'expérie nce un résidu de consciencequi perm,et aux agentsdu
critères de survivanceindiquent que le happening, bien qu'explicitementnon geste de sortir de leur état ordinaire d'inattentionpour atteindreun niveau
théâtral, garde tout de même une certaineforme de mise en scène, ne serait-cc d'expérience esthétique. La «vie semblable à l'art» permet:de comprendre
qu'au niveau du cadrage de l'attention personnelle.En dirigeant l'attention de qu'il y a ainsi « la vie et la "vie"», la premièreétantlavie ordinaire,la seconde
étant la vie ord inaire vécue « consciemment 3 ». C'est donc dans la prise de
l'agent sur ses propres gestes, le happening vise à éveiller sa conscience.Par
l'intégration de la mise en scène, tout se passe comme si le dispositif théâtral
lui-même était physiquement effacé, mais conservé du point de vue de la 1. Erving Goffman, La Mireen scènede laviequotidien ne: l. LaPrése11tatio11
de
soi,Paris: Minuit, 1987, trad. del'anglaispar AlainAccardo, cop.1973.2. LerRelatiom
conscience. Le happening est une performance non théâtrale car il son du en public, trad. de l'anglaispar Alain Kihm , Paris:Minuit,19910, cop. 1973 (Tbe
théâtre, mais il reste une expérienceen un sens scénique, qui n'est donc jamais Presenlation of Self in EverydayLi/e,NewYork:Doub ledayAnchor , 1959et Londres:
anti-théâtrale: sa théâtralité consisteen un «encadrement» de'!' expérience. Allen Lane, 1969. Relatiomin Public:Micr ostudies of tbe PublicOrder,NewYork:
BasicBooks, 1971 et Londres:AllenLane,1971.Republiésen 19190,Londres;New
C'est peut-être à cet aspect que pensait Duchamp lorsqu'il caractérisait, nous York: PenguinBooks). Voir aussi Les Cadres del'expé rience,trad.d'IsaacJosephavec
l'avons vu, le happeningpar son« côté semi-théâtral». MichelDartevelle et PascaleJoseph, Paris:Minuit , 1991 (Fram e Ar.ral
ysis:An Essay011
tbe Organizatio11 of Experie11ce, NewYork:Harper andRow,1974, Harmondsworth:
Penguin,1975 et Boston:Northeaste m University Press,1986). façonsdeparler, trad.
l'indifférence à la reconnaissancepar le monde de l'art qui en résultesuggèrent quela de l'anglais par AlainKihm , Paris: Minuit, 1987 (Formsof Talk, Philadelphia:
personneengagéedans ce processusconsidérerait l'art moinscommeune profession Universityof PennsylvaniaPress,1981etOxford:OxfordUniversity Press,1981).
que commeune métaphore.» 2. AllanKaprow , « Laparticipation dans la performance» (1977),L'Art et la vie
1. AllanKaprow,« La véritableexpérimentation» (1983), L'Arl el la vie confondus, confondus, op. cil., p. 221.Jesouligne.
op. cit., p. 238 sq. 3. AllanKaprow , «Performerlavie»(1979),ibid., p. 231.
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conscienceque consistele résidu scénique des happenings et d
poséspar Kaprow.L'effacementdu lieu physique nommé « th~- aci;tJi Urun geste ordinaire a.vecune attentionparticulière ainsi
, signifierait
1~
. d 1 , ., d . Câtre.. ! llt
pas 1e pouvoir e a «scene» en tant que maruere e vivre et d' "n• fi. ,"°111~
l'llrt tout en ayant la viecomme finalitéultime, dansla
et doncrester
monde.Un gesteartistiqueserait un geste ordinaire présenté d al>etccvS f~~ 0'tl de l'ordinaire.Un tel processusparaîtclairdansl'exemple
proposé
, . mvtst
scen1que , . doit. en ef'lret se faire trans
. . 'ble. La representat1on Oit,"l
ansIl"·•es"- -''"iaprow,
quiestdirectement
inspiré
desrecherches
deGoffman,
comme
. , ' ll d . . , 'Pare,,,"•rs.
pouvoiroperer en tant que scene: e e ev1ent tmpresentation. A. r ~"' P°'\,11
vu:
compte,l'intégration,quoiqueen effacement, de la procédure re ~ bo11 1...
1 oJ1
. . . . 1, ffi . , d A Pres.... Il~
Je seraisseul dans ma salle de bains,sansspectateurs quiviendraient voirde
nelle classtquemamttenttouiours e 1cac1te e cette meme représ '•1tati0ri
ne voit pas la toilemaisce qui est peint dessus, on ne voit pas le e~tation: ~ l'art,ll n'y aurait pas de galerie,pasde critiquepourjuger,pasdepublicité. Ce
l acuon qui s y Joue. S'1, contrairement
i • • 1 • • h 'f p ateau
au t eatre, 10ndé sur la
IA
l'llaïa
futlechangementcrucialqui a écartélaperformance dans laviequotidiennede
, . 1 h . , . el d' . narrar tout,exceptéde la mémoiredel'art. [...] Enmebrossant lesdentsattentivement
d acttons, e appemng ne representerien, c a ne unmue pas pour a ton pendantdeuxsemaines,je suisdevenupeuà peuconscient delatensionexistant
force scénique.Ainsi,le happening n'abandonne pas complèterne::~1sa dansmon coude et dans mes doigts(était-cecommecela de la
auparavant?),
1
commeil n'abandonnepas complètementle théâtre; il demeure,corn att,
reconnaîtbien Kaprowlui-même,dans l' « alternativefuyante» du «pas le
/ait art»et du« pastoutàfait vie1 ».
:e
111
d
pressionde ma brosse à dentssur mesgencives,
(devrais-je
d'unsaignement sansgravité
voirun dentiste?).Unefois,j'ailevélesyeuxet j'aivu,réellement
monvisagedansle miroir1.
vu,
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ESTHJ!TIQUEDE LA VIE ORDINAIRE
LE PARIDUGESTE
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ESTH~TIQUEDE LA VIE ORDINAIRE
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universel,car il ~te sp~~ue à un~.c~n?ition parti~èrc. De ,
celaveut dire aussique l mdiscemabiliten est pas considérée I allti
d f. colltni e C' . e5tenunsens valable pour la fonctiondes écritsde Kaprowlui-même),
et
blème,maispIutot comme une s1tuauon e ait ; une situatio • e li ,
A • •
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LE PARI DU GESTE
«Je ne vois pas pourquoi», écrit Dewey tout simplement
nonchalance deux 1'd'eescaptt· ales de Ia th'eone· est h'ettque
· conven' en.batayi\ri 1)1désunion de la production et de la consommationest unecirconstance iUSCZ
· d 1 · · d ' d
qui décrit le surgissement u p alSlr ans un etat e contemplati hollllcltct.··~ .. c0rnmune. Mais mettre l'accent sur cette séparationfi.nitpar rrndrcobscurela
téressement, et celle qui distingue nettement la finalité de I'obje~n°u de d~t.~ ation des œuvres d'art , aboutissantà une divisionentrelesansutileset
si~nific
· · artstote
sa finpratique. La distmcuon · ' lic1enne
· entre praxiset Po'·esth· ~·1~
. Ctir, !CSbeaux-arts ffine). deux adjectifs qui, appliquésà l'art, ne font quecor·
,1 , bl I b ies1s d ,~e,1 rornpre et détruire sa signifiance intrinsèque. Car les arts toursimplement
que celleque propose Kant entre agrea e e~ e eau, sont ici mises ' c Ili'"'
«utiles» ne sont rien d'autre que de la routine; et lesartsquinesontquefinals
faveurd'une coïncidenceentre le geste fonctionnel et I'expérienc ddcco1.~
.. e c · , a~ ocsont pas de l'art, mais des amusementspassifset desdistractions1•
esthétique. L'opposJUon «banale» entre les « cho ses belles» et lllgclll
"
utiles» est entterement re1auve
· se1on Dewey, putsqu · 'elie est duIes «cho.. f:ti1
. 1 . . d 1 c en "'1 Voilà pourquoi « instituer une différence de qualité entrelesarts utileset
Panie à des bouleversementsqut ont eur ortgme ans e système éconorn&·tan~c .1
tesbeaux-arts ffine arts] est [ ... ] absurde, puisquel'art impliqueuneinrcrpé·
i%e1
oétr:ition particulière entre les fins et les moyens2 ». Ainsi,l'idéed'expérience
Il n'y a rien dans la nature de la machine de production per se . ·
'bili' ' 1 ill qu, s · esthétique telle que Dewey la développera plus tard dansL'Artcommeexpé-
obstacleinsurmontab1e à 1a poss1 te que es trava eurs connaisse 11un0
. . d .f . d nt la . riencerepose sur une relation intrinsèqueentre lesfinset lesmoyens,car «l'art
ficationde ce qu'ils font et 1ou1ssent es satis actions e la carnaraderi s,gni.
est une qualité qui s'infiltre dans une expérience , il n'est pas, saufmétaphori-
l'utilitédu travailbien fait2• c et <le
quement, l'ex périence elle-même. L'expérienceesthétiqueest toujoursplus
qu'esthétique 3 ». Par cette « infilt ration» de l'art dansle réel, on comprendla
Conune le Marxdes Thès esdeFeuerbach , Deweymet l'accent sur le caractti spécificité du régime de continuité: à l'intérieur de ce régime , il demeure
pratiquede la connaissance,et reliede manière essentielle la prise de conscien,: in1possible de séparer la métaphore de son objet, l'esthétique de ce dont elle
avec les comportements corporels qui l'appliquent. Mais, à la différence de est une expérience, la notion d'art de la pratique de la vie. Le programme
Marx, le pragmatisteaméricainvoit dans la jouissance esthétique une stratégie d'une esthétique pragmatiste était donc explicitement annoncédans Expe-
de fuite face à l'aliénation du travail, et défend un concept de la démocratie qui rienceand Nature: refonder l'esthétique sur le vécutouten allant au-delà des
inclut l'intervention de l'État pour éliminer les différences sociales, sans pour strictes hmites du sensible, car l'esthétique, tout commela connaissance en tant
cela considérer la lutte de classe comme le moteur de l'histoire et du progrès. qu'expérience satisfaisante, dépasseles limites contingentes du monde exté-
D'où le « libéralisme radical» revendiqué par Dewey, « libéralisme » car la rieur. Ce qui signifie, inversement,quela nécessi té de la satisfac tion est due au
liberté de l'individuest la condition indispensable de la démocratie et « radical» fait que les données du réelsontpar essenceinsatisfaisantes, voire pesantes.
car la liberté n'est pas uniquementlibertédes liens, mais aussi activitélibératrice C'est dans Reconstruction enphilosophie que Deweyexplicite cet argu-
libertéà agir et à se réaliser en collaborationavecles autres. Plus spécifiquement' ment, en définissant l'expériencecommeuneopération activevisant à rectifier
'
et pour ce qui concerne l'esthétique, déjà dans Experience and Nature 0929), la faillibilité et la douleur propres à une expérience perceptuelle et passive.
Dewey exprime l'idée de réunir l'art et la contingence, la technicité et la beauté, Dans le premier chapitre, intitulé « Expérience et Raison», Dewey affirme
et cela afin de revenir aux idéesgrecquesd'art commetechnê et comme aisthêsis .
1. Dewey, Experie11ce andNature, Londres: George Allen & Um,~n. Ltd, Ruskin
House, W.C.I., Usa, 1929(8•chapitre, intitulé«Existence, ldeasand Consciousness»,
p . 36 1).
1. Ibid., p. 260. 2. Ibid.,p. 377.
2. lbid., p . 393. 3. Ibid.,p. 375.
170 171
ESTHtTIQUE DE LA VIE ORDINAIRE
LE PARIDUGESTE
qu'uneexpériencesatisfaisanten'est pas quelque chose d'access .
'
veraitspontanemcnt, .
mats que c,est au cont ratre
.
une recherche dOlte , <Jl!i ,c une praxisesthétique, similaireà ce qu'Agambenappdle«geste»et
difficultérésidetoutefoisdans le fait que le progrès est, à son t e l>to&tèaal'ti, ,..c deUd'art
...-,
.déc ' ' •
comme expertence ch'ere a' Dew ey.Cette infil · de I'andans
trat1on
h . f , il our,.,,_ . 1
~ i 1~ est précisément ce que Kaprow se proposede mettreen place.Alors
A
souffrance.Les etres umams, con rontes nature ement à d ""lltcA
es s· 'de
conflictuelles, appliquentun changement dans leurs componerne 111.latio Jee ('art se veut conventionnellementla miseen œuvrcd'une distanciation
s'avèrepénible.Deweyl'affirme : « Ce rapport étroit entre faire nts,lcQi~ 4'101emplative,représentationnelleou imaginairede la réalité,leshappenings
subir formece que l'on appeli e expenence ' . l . >>Ains1,
..' h
. f ace à l , SOIJff
naturelle,la recherchedu bonheur est une acttvite est étique et éth' tance
a sourrtt
·'"q
tir '°
a,ient,au contraire, de la fusion, mieuxde lacon-fusion,avecce mêmeréel
puc l'art conventionnelveut mettre à distance.L'artferaitdoncl'épreuvede
fois. · 'queà~ ! puissancequand il se mêle aux pratiquesexploratoires de laréalité.Delà,
ensuivantKaprow, le pas logiqueconsisteraità abolirladifférenceimposée
Lebonheurn'est pasune choseque l'on possède; ce n'est pas d ~ la mimesisentre la performanceet la réalitéen arrivantà lapossibilité de
. . . ,
objectifatteintune foispour toutes. [. ..] Il n Y a de bonheur que ~n l
avant a
;erformer le réel.
succès,maissuccèssignifiesuccession, progression,anticipation.C'estuansle
cessusactifet nonquelquechosequiarrivemalgrésoi.Il supposedoncq::t Réaliserune performancec'estaccomplir quelquechose,et nonjouerun rôle
comme au théâtre, déplacer un meuble , par exemple , lefairepourle faire,ou
obstacles soientsurmontés,
plaisiret lasensibilité
desfailleset des sourcesde problèmeéliminées.
esthétiques contribuentpour une largepart à unbonheu
4 r
le faireparce que vousêtesen trainde dérnénager 1•
dignede cenom • 2
Cette connivenceextrêmeentrefictionet réalitéest fidèleau régimede
l'indiscemabilité. Le happeningchercheà composer avecla«substance senso-
En anticipantles risquesd'un tel programme,Dewey distinguedansle
riellede la vie ordinaire2 » et l'art estperçucomme laréalisation d'unecertaine
mêmetextele pragmatisme de l'utilitarismepar le rappel de la réciprocité de
qualitéde l'expérience.Si pour Kaprowladissolutionde l'an danslavieordi-
la relationentrefinset moyens: «Commetoutesles théories qui exigentdes
nairene signifiepas l'inexistence absoluede l'artmaissimplement soninexis-
buts fixeset finauxen faisantde la fin quelquechose qui advientet quel'on
tencepour le mondede l'art,c'estparcequelemondedel'artnedonnepasde
possède,l'utilitarismea transformétoutesles opérationsactivesen de simples
3 • » C'estainsique l'art peut prendre une place toute particulière
légitimitéà l'expérienceesthétique. Kaprowchoisitderester dansle domaine
instruments
de l'indiscemabilitéentrel'art et lavieordinaire, car, en intégrantà la foisla
dans cette rechercheéthiquedu bonheur,et cela précisément parce qu'il
natureartistiquedu sujetet lanatureordinaire du geste,il ne distinguepasla
réunifieles fins et les moyens,la beautéet la fonctionnalitépar des moyens
dimensionconcrètementgestuelle de sonvécusubjectif. Mais, voiciune pré-
actifsde production.
cautionimportante,le« cadrage» d'uneexpérience ordinaireen tantqu'esthé-
La coïncidenceentrelesfinset lesmoyensouvre,en un sens, un troisième
tiquedoit évitertoutrisquedebanalisation : il ne fautpasquela suspension de
niveaud'expérience,ni purepoïesis,ni purepraxis,maisun état hybrideentre
l'art devienneelle-même uneconvention. En définissantl'art expérimental
commeune suspension desconventionsde «l'an semblable à l'art», Kaprow
1. John Dewey, Reconstructionen philosophie, Œuvresphilosophiques I, trad. de
l'anglais(USA)parPatrickDi Mascio, préf.deRichard Rorty,Pau:Publ.de l'univers ité préciseque :
de Pau;Tours:Farrago;Paris:LéoScheer,2003,p. 92.
2. Ibid.,p. 150. 1. AllanKaprow, L'Art et lavie confondus, op. cil., p. 40.
3. Ibid.,p. 151. 2. Ibid.
172 173
..•I
;'
, e Pro· -.: :g)ité de la vie s'apparente ainsi aux changements nécessaireset inévitables
entièrementutopique,carlebasculementdu non-art dans I ansernble. , !etesi relatifsà la nature problématiquede l'expérience tdlequ'elleavaitétémiseen
lllCVitab~. reliefpar Dewey.L'art-lifeseraitdoncanalogueauxméthodes mises enplace
Lorsquel'onvitsavieconsciemment, elledevientassezétrange_fair parlesêtreshumainspour surmonterlesdifficultés del'existenceet signerait
le
. . 1 ea11ent' passagedu simple niveau de la survivance à celuidel'expérience esthétique,
transformece à quoinousfrusonsattention.Donc, es happenings ét . IOJi
. . I' . , M . ., . loi,
a1en1 passagequi montre donc le fondementartificiel de la vie.L'artificiel
étant,
d'être aussiproches de 1a vie que Je avaissuppose. rusJ a1appris u ·•
1 seloncette perspectiveentièrementpragmatiste, ce quel'expérience contin·
choseen ce quiconcernela vieet la «vie». De ce fait, un nouveaugenr!/ q~e
[art-li/e]
estapparu,reflétantà la foisles aspectsartificielsde la viequotid:~l'le gentenous demande: une confrontation directeaveclemonde,unengagement
et lesqualitésprochesde laviede l'art créé2• ne réeldans celui-ci.Toutefois,la continuité entrel'artet lavieseconstitue non
quandl'art rejointla vieen sefaisantplus«organique», plus«unifié»ouplus
«satisfaisant»,maispar lemouvement contraire.C'estlaviequiressemblerait à
Àla différencede l'esthétiqueanalytique- qui place le processusde trans.
l'art en révélantla complexité, l'artificialité quilacaractérisent
et la difficulté
formationau cœurdel'interprétationsubjective,au risqued'identifierlanature
profondément.Il s'agitlà de mettreen relief le doublemouvement allantdes
de l'expérienceavecle jugementsur cette même expérience-, l'approchede circonstancesréellesde lavieà leurintégration danslevécusubjectif et,inver-
Kaprowdévoilelesqualitésintrinsèqueségalementvalablesdans l'art et dansla sement,de ce mêmevécuauxcirconstances réelles.Ce doublemouvement
vie,qualitésqui seulespermettraientle surgissementd'une transformation réci. n'estpossibleque par ledévoilement delacomplexité artificielle
du réelet par
proque. La vie est semblableà l'art et l'art est semblableà la vie uniquement )'abandond'une positionnaïvequiinviteà considérer lescirconstances comme
parce que leur similitudeest déjàà l'œuvredansles expériencesqu'ellespro. coïncidantparfaitement avecnotrecomportement «naturel».L'indiscemabi-
duisent et relèvedonc de leur continuitéde nature. L'art se montre donc litése définitainsicommecettesituation paradoxale d'uneproximité maximale
beaucoupplus «vital» qu'on le croiraitet la vie dévoileses propres « aspects et d'une distanciation aveclavie,où'leprétendunatureldel'expérience dévoile
artificiels».Celaest biendifférentde la notiond'aboutness stipuléepar Arthur son artificialitéfondamentale.
Cetartificerefondedoncl'artdansl'expérience
Danto, car la métaphorene se réduitpas ici à une interprétationsubjective ordinaireenmontrantlaforcedelavie.
174 175
ESTH~TtQUE DE LA VIE ORDINAtRe
FLUXUS
LE PARI DU GESTE
176 177
ESTH~TIQUE DE LA VIE ORDINAIRE
r LE PARI DU GESTE
Filliou
être dieu est facile. Dieu est votre parfait bon à rien. Le inonde Bien fait = mal fait = pas fait
' . 1·1appartient
étant le mondedu bon-a-rien, . à quiconque
. est <lotéde Ia cr~
'es remplies partiellement. La formule est la suivante:«BienFait=
_pasfait» . L''d
Jc5P.'.,ru , .va1ence stncte
' est cclie d'une equ1 · entrele modèle
c'est-à-dire quiconque rcvend1,que ce don mne: . attitt~dIC t r~a,,
. ' )a bon-à·rien .'!\
. I~ 1 ee
, ci. "i1· ' '1;tft1tl- re «faite»), l'erreur et la transgression (le correspondan t « malfair»)
178 179
ESTH~TIQUE DE LA VIE ORDINAIRE
LE PARI DU GESTE
Lesprinàpes de Filliou permettent de penser l'csthétiqu
constantefluctuationentre l'affirmation et le refus des crit~ à Partir asfairecommelesautres: mangeraumilieudelarue,cirer lesgodasses des
. A h . . eres . ~
Entre le tout et 1e nen, uxus ne c 01saPas att~ti ~
conventionnels. ri~~.me taper la tête contreun mur,etc.Dpeutyavoirdesgestessimples et
A
deux,cc qui revientau meme. AlOrs qu'il Cherche a' atteindre
' I ou ch <hL.
le Statut Oi,ir'll ~~ gestesspectaculaires.JelesavaisthéorisésdanslecadredesAppropriations:
art», Fluxusoscilleconstammententre le non-art et l'art proprern del\~ lecoupdepiedaucul,etc.1•
puisquetout étaitan, je m'appropriaislagifle,
lieu de «résoudre»I'apparented'tchotom1e . entre I'art et 1a vie ord' . t.~
cnidi ~
'
l'utilisationde competences spec '"lait~
'ifi igues, Auxus cherch''e a Jouersur c ~
I
J,.ctcsprovocateurs,les gestes de Benne sontpassanséchoavecle prin·
priétésanaloguesendemeurantdans un espace de fluctuationoù 1.:urs ~r~ • c:de création permanente de Fillioubasésur l'autrisme,
c'est-à-dire
surle:
danslavieet viceversa.On alterneentre ces deux optionslogiques: P~ I': Cl~ir de toujoursfaire quelquechosed'autre.Maisaulieuderefuser
~fcréation,
lerecours
SichezFilliou
Ben élargit la création n'importequdleacti\'ité.
à
considèrela vie «en tant qu'art», et l'autre qui prend la vie «en ta;eCilJi 8
faire» est équivalent au «non-faire»et au
: Ben est
« mal faire»,chez il
telle».Lapremièretransformela vie en art et la deuxièmedépassel'an~uc le dé au « faire n'impone quoi».À la différence dela«bon-à-rien attitude»
reconnaîtreunedimensionesthétiqueà la vie. Ur ,ssofilllOU,
l'«art-attitude» de Ben suitla règledun'importe quoi,laqudlese
Entrecesdeuxoptions,la différenceest subtile: elle dépenden effetde de ..
, enteainsi:
qu'on entendpar «vie ordinaire».Tant qu'elleest relativeà l'expérience"" ct préS
I"'!,
sonnelle,la vie ordinairechangeconstammentet reste difficilement déf1n~. N'importequoi.
sable. Particularismeindividuelet changement constant sont en effetles sculpture:soulevezn'importequoi.
élémentsqui permettentde relierl'expérienceordinaireau domainedel'intma. Poésie:ditesn'importequoi.
nence.Si l'on entendpar «vie ordinaire»un champ d'expériencequi suitses Musique: écoutezn'importequoi.
propresqualitéset qui ne nécessitepas le filtragede l'art pour se direesthé. peinture:regardezn'importequoi.
tique,on est alorsdans le champde l'ordinairecommeprincipe esthétique. Littérature: écrivezn'importequoi.
Maisle plus souventon a tendanceà soumettrela vie au criblede l'art.Cette Danse:faitesn'importequoi.
deuxièmeinterprétationconsidèrela vie commeune expérienceesthétique Absolumentn'importequoiestan2.
uniquementquandellesatisfaitlesexigencesde l'art. Selonla premièreoption,
l'art et la vie sontindiscernables, selonla deuxième,ils sont identiques.Une La créationpermanentedeFilliou, principezenappliqué à l'esthétique,
se
telleidentification a lieuquandon s'appropriedes gestesordinaires«comme trouveici confrontéeà unesorted'hypercréation. Là où chezFillioul'inacti·
s' » il s'agissaitde gestesartistiques, en soumettantainsila réalitéde la vieaux
vitéest la tranquillitédu «nerienfaire»,chezBencetteinactivité a unevaleur
fictionsdel'art. Cettedémarcheappropriative est caractéristiquede lapratique
productiveet sert à étendrela créationà lalibreappropriation de l'ordinaire.
gestuelled'un autremembrecélèbredeFluxus,BenVautier.
L'inactivitédu n'importequoiestvisible dansun principede création passive:
Au début de sa carrière,entre 1958et 1972, Ben met en scène unesérie
le « n'importequoi»prenden effetcommeréférentl'expérience du specta·
d'activitésphysiquesd'inspirationordinairequ'il nomme«Mes gestes».Ces
teur, sujetqui perçoitet reçoitlesœuvresaulieude lesfaire.C'estainsiqu'en
activitésréunissenttantôt des gestesanodins,tantôt des gestes absurdes,et
produisentun effetincongru,à la limitedu spectacleet de la vie ordinaire.
1. Ben,pour011contre.
Unerétrospective,
Marseille:MAC,Galeriescontemporaines
Benconsidèrecettesériedansle prolongement de sa pratiqued'appropriation des muséesdeMarseille,
1995,p.77.
selonlaquelle« toutest art». Il décritainsisa démarche: 2. BenVaurier,ToutBen,Paris:Chêne,1975,p. 58.
180 181
ESTH~TIQUEDE LA VIE ORDINAIRE
LE PARI DU GESTE
peinture le principe n'indique pas de «peindre», mais de
n'importequoi; en musique,il s'agit d'« écouter» et non pas de'<"'- tcg~td
n'importequoi.Lafigurede l'artiste Fluxus s'apparente ainsià Ce;°'ll,,~er donsottcndre»,
• ir>>,«
1
la rue»,
j11
« ne pas voir, ne pas entendre,ne pas parler»,«se
« avoir honte». Desgestesintme"1tionnels:• fouiller
tatcur: l'artisteest un sujet passif dont la créativitéest assimiléeà c d1r1
, '°1.1 5», « regardez-moi cda suffit», « recevoiret parleri. , «faireunbrasde
tiondes œuvres. lalltr~ leSgen« se battre», etc. Des gestes symboliques:« jeter Dieui la mer,.,
La règleà suivreest conventionnelle:le «nouveau». Le Ma a . ' (etit , ouer un nœud », « couper le fil qui retientlaTerreau ballon». « acher
véritablevitrineexh'b' • . Ji d d
1 1t1onmste,eu e rencontre et e commerce •
g S/IJ de Il , d~ 5 dans la ville», « rentrer dans l'eau tout habilléavecunparapluie i.. Et
. . d 'fi 1 . ~
lisele travailde l'arustc.Le c est e smvant: saturer un espaceteeJ•'Yli,l • 1~. des gestes ayant trait à la créationartistique: «détruiremesœuvrcs
. , l' .,d
grandnombred'obJetset soumettrecet espace a autorite e la si
avec1 "{).
e ~I ,1.1sSI •
, rt », «signer les tahleaux des autres»,« touts1g11eu,
• «pensera •J'rus ' de
ro1rc
11
de le transformeren œuvred•art t . Ben 1'dentifite son magasina'1&natu tear·li! 1,11rt»· Chaque geste est soigneusementrépertoriéet classé.Ilcsrprésentésur
a d· 'Il
duchampienne du ready-made: elllarc~t oJlpanneaunoir, daté, signéet accompagnéd'unedescription écriteà lamain
parBen et d'une ou plusieursphotos.La natureéphémère dugesteest ainsi
En 1958j'aile chocDuchamp.Alorspour moila peintureest finie . retranscriteet enregistréesur un suppon quin'estpastantsadocumentation
• · aussi
plusrienjeter.Uneailumetteetait · belle que IaJoconde.nfal]' Je
. ne"oUk quesa démonstration directe.En bas de chaquepanneau, Benprendeneffet
'd 1 . J' .
garder:lespotsde peinturev1 e, es pmceauxetc. a1tout doué.Pouran donctour
'q
la précautiond'écrire : « Ce panneauest la seuleprésentation de cegeste»,
mavieje vendaisdesdisquesd'occasionet au premierétageje fis gagner commesi, dépourvu d'une telleprésentation, le gesten'avaitpasd'effectivité,
2 unePet'
1 voired'existence.Par cette opération,il s'agitdepréserver lesgesteset de les
galeriepourchercherlenouveau • 1e
50 umettre au régime des objets.
En prenant la démarchede Duchampà lalettre,Benidentifie le gestean·
Le nouveaudevientpour Ben«tout» ce qui n'appartient pas conventio n. artistiquedu ready-madeà une revendication polémique au seinmêmedu
nellementau mondede l'art. Prenantle ready-madeduchampienà la lettre inondede l'art. La différenceest fondamentale: si pourDuchamplesobjets
Benfait du n'importequoi le critèredu nouveau,en ne limitantpas celaa~ ordinairesétaient des « objetstout-faits», pourBenilsdeviennent des«objets
domainedes objets,maisen l'élargissant à celuides gestes. Les gestesquine d'art-tout-faits»,il suffitde lessigner.Oncomprend ainsipourquoila récupé-
veulentriendireet quine produisentriensontprécisémentceuxquipossèdent ration marchande et la massification desœuvressont les aboutissements
une potentialitéesthétiquedéroutante.Ils sont en mesure de provoquerune logiquesde la démarchede Ben.Siau débutil s'agissait plusd'uneprovoca·
subversionà l'égardde notreexpériencede l'art et de la vie, et donc denotre tion que d'un véritablemarché,l'institutionnalisation des œuvresde Ben
expérienceesthétiqueen général.Laliste3 des gestesaccomplispar Beninclut mèneà une manœuvrecommerciale. Sicesobjetsn'ontpasde valeuren tant
des gestesayanttraità la mécanique
du corps: « vomir»,« cracher»,« uriner», que tels, une foissignésilsacquièrent un surplusde valeuret deviennentde
«manger», «dormir», «sourire», «couler du nez», «hurler», «faire des véritablesproduits.Celavautaussipourlesgestesquideviennent des actions
grimaces»,etc. Desgestesstatiques:« regarderle ciel»,« se regarderdansun dûmentdocumentées et théâtralisées.
Mais la démarchede Bennesauraitêtreexclusivement rattachéeà son
1. Le Magasinfait partiede la collectionmuséaledu CentrePompidou.
succèscommercial. Sil'oncomprend le mondede la vie commeun monde
2. Ben,pourou contre.Unerétrospective,
op.cit.,p. 88. d'échangeséconomiques, cequ'ilest en grandepartie,l'ambivalence de la
3. Pour une liste exhaustivevoir «Mes gestes1958-1972»,Ben, pour ou contre. démarchede Benresteintacte.Untee-shirtou une tassesignéspar Ben ne
Unerétrospective,
op.dt., p. 79. quittentpas complètement leurstatutordinaireinitial,maisilsl'exploitentpar
182 183
ESTH~TIQUEDE LA VIE ORDINAIRE
LE PARIDUGESTE
Ic~ b . , d'une politiquemarchande. .
Ces objets restent en effet "'
~
. facilementreproducubles, exactement comme leurs 11>1~ , J3ell,
cxaspéraûon c'estclans
Ainsi,
et parodiedel'an sontindissociables.
craaques, . d' . Corr • ·
· és L'art reste indiscernablede 1a vie or maire et des St 'sil,,_ c>"ureoù lesgestessont éphémèresque leurmarchandisation devientinté·
non s1gn . . . d d 1 . l'\Jq r"lld,_~
• ut' la ding'ent. L'explottatton marchan e e a vie ordin . llr~ •"'\
~q .. ~ ~~ Illrt>~te,L'appropriation
démiurgique,avant toutdémocratique,devient id
· dans l'affichagedu prix: les gestes ordma1res cessent d'être Sc,t. "'lt. ~taire - comme l'indique l'appellatif d'«csdaves» que Benréserveà ses
voir 8ta /llllllt
sonten tant que matériaupremier et non pas en tant que marchand· 11 '13·lli,1 tot borateurs. A son tour, le spectateur peut s'arrogerlaméthodetotalitaire de
l'artistese les appropne rement, mats e spectateur est censé Pa c~.~
· lib . 1 ISeSe '°" 11
ropriation, il suffit qu'il paie. Il est évidentque la démarchede Ben , rout
strateg1e' · s''etend a' n ,.tmporte qu el geste ord'maire
' · econom1que · et à la
Ycr·. C..
"!!t· dans la lignedirecte de cellede Fluxus, rcsrefidèleau régimeartistique
l'~P'~!lllt
entière.Ben expliquela puissance commerciale du principe d'appr \li~~ ~s~tutionnel,et impartit au monde de la vie ordinairelesmêmes règles que
~~~:
0
Pria
r~ cellesdu march'e de l'art. L'artISte
iJl . s'appropne . I'an parsasignature
. et 1e spccta·
ur par son argent. De plus, le critère du «nouveau»,un desprincipesanis·
1
~ ues par excellence, du moins depuis la Modernité et l'Avant-garde,devient
MoiBenj'aientièrement vécu 15nuits et jours dans la vitrinede la Gal
à Londres à l'expositiondes Mis/its.Cela dans le cadre de Ma peryr· 0~e :ez Ben une boîte vide dans laquelleon peut mettrelittéralement «tout» et
. . . •sed <<n'importe quoi». Cela est égalementdémontréparun échange entreGeorge
conscience et de Mapnsede possessionde lanotion de Tout en tantqu'o:ue
Brechtet Ben Vautier datant de 1965:
d'art (1960).Je suissculpturevivanteet.mobile en tous Mes instantset t~
Mesgestes,à vendre:250t Toutce que Jetouche et regardeest œuvred'an BV: Mes référencesappartiennentà l'histoirede l'art.
Je suisjaloux.Je veuxfairece qui n'a pas été fait. Je suis le Seul.Je pleure
·~ GB: La différenceentre nouscommence ici. Je neparspasdu toutde là.
nuit.Je haislesautres.Jecréetout.Je signetout.Je suisDieu créateurO962) •. BV: Pourquoi?
GB: Parce que l'art est déjàqudquechosede limité. Cen'estqu'unesériede
Le gesteest une œuvred'art plus limitée dans le temps qu'une œuvred'an possiblesparmi d'autres.Je m'intéress e à touteslespossibilités.
naturelle.La photographie qui le retientn'est que son reflet.Je m'arrêtedevant BV: Maistoutesles possibilitésfontpartiedel'art.Pourmoi.JohnCagea rendu
une terrassede caféet je fais un geste terrible. A peine l'ai-je fait quemes possiblele fait que tout soitmusique ; MarcelDuchamp le faitquen'import e
esclavesdistribuentle textesuivant« Vousvenezde voir un gesteterriblede quel objet soit une œuvred'art; et je pensequetu transfonnes touslesévéne-
Ben.Si vousvoulezacquérirle droitde considérerce geste qui est uneœuvre mentsen art.
d'art commelevôtre,pour100$ levezlamain»2 • GB: Pour moi, c'estla mêmechose, peut-être.Tu dis: «Toutestart. » J'essaie
de ne pas penserà l'art; jevoisleschosescommeellessontet je ne pensepas
Apartir de cetteperspective, il ne peut y avoiraucune différenceentrel'art à l'art. Nous faisonslamêmechose1•
et la vie car le principed'appropriationest ravageur.Il devient en effetune
sorte de surpuissancemagiqueet démiurgiquequi exalte et parodie le pouvoir Ce dialoguerésumel'ambivalence de Fluxus.Si l'on prend la perspective
artistique conventionnellement entendu.Parce que l'art et la vie font un, la de Ben, le mouvementFluxus est une attitudeartistiquequi élargitle champ
marchandisationqui s'appliqueau premierne peut que s'étendre à la seconde.
1. Entretien
citéparNicolasBourri auddans «Principes
, méthodes et rappons de
l. Tout Ben, op. et't.,p. 70. Les majuscules
sontde Ben. productiondansI'œuvred'unartiste niçoisdelafinduvingtième siècle»,Ben, pourou
2. Ibid., p. 47. contre. Unerétrospective,op.cit., p. 156.
184 185
ESTll~TIQUE DE LA VIE ORDINAIRJ.: ., LE PARI OU GESTE
j
de l'nrt nux modes ordinaires de la vie. Si l'on prend la persPeci· ·ion Je TOUT c'est la possessionde la notionde TOUT . C'r,t la
lcmentopposée, celle de Brecht, le mouvement Auxus est anti-art '"ed13'\ ,"",,,c•s réelle du TOUT possible en art. personnilité. C'~t la volonté
I '' ' 1c:nce
il ne porte aucunement sur l'art et cela tout simplement parce qu'il~t~lt. •, .,,11~'11 r r,1pport aux autres en voulant TOUT.C'est l'immensepretcn
L'aspect totalisant de Fluxus est donc double: d'un côté il co ~ 1~111~ J 'i:t'~·~tre TOUT . Mon esprit contient cette infimequanrnéde poss1b1lné,
1
« tout est nrt », de l'autre que« rien n'est art ». Selon l'écoulement :' ~rt' of1 10UT, étouffe dans la production une parttede cc TOUT. car des
11
cycliquequi relieraitl'art à la vie ordinaire, il est ainsi possible d'c.,1:t'.'ll
1~j· 11 est \ · • I' · 1
t1' •• nt rcprcnc s sa construcuon, une autre apparaitet t ctn111a prc
la vie et réciproquement de résorber l'art dans la vie. Rit1'; ~ c Ic
,111 1
11I
Ce que le langage des gestes de Ben permet de souligner est le 1111i:'' ·
suivant: le refusde l'art n'est pas incompatible avec son absolutisati/ a~a11i ~1
· 1. Ce1n est poss1'blc soit
· en Coll,11 :n 50 utcnant, à la même époque, une positiondiamétralement
opposée,
de vider l'art de son sens convcnuonnc '~Irt t;: ,c Brecht défend l'idée du re/us de l'art:
• . éJ . lllpt •I
le mondede l'art comme le marché de I art, soit en ' argissam les c . , Cri; n ccofi;
. , , d I' 1· riter I
l'art à ce qui n'est pas constdere comme e art - en app tquant pare ~ ~
. 'd' L d.
critère du nouveau aux obJets et aux gestes quou tens. a emarche<l ~
Xelllp~ oo<RÈGLES: AUCUNE RÈGLE
renoncer à l'intention: rien n'est inachevé
est métalinguistique et paradoxale: elle s'autoproclame comme étantde\~
renoncer aux besoins: aucun impératifn'estsacrifié
maiselle videl'art de son sens. Elle est ce que le paradoxe du menteur 3ti, renoncer à la satisfaction: rien n'est favonsé
' 1 pe a~x cra~~
langage:à la fois vr~ie et fausse,~Ile ec_rnp · ~ es de J~
· gcmen1.Colllo,
Cstab
renoncer au jugement: aucuneactionn'est inadéquate
le menteurdisant « Jè mens» est a la fois en tram de d11e le vrai et de rncnii t renoncerà la comparaison: rigoureuse individualité
gestes de Bensont à la foisartistiques et non artistiques, car ils idcntificn/.1~
1 renoncer à l'attachement: rien à éliminer
au non-art. Le non-art cessedonc d'être ici ce qui nous sauveraitdu grand aari pas de généralitl'Svéritables
au contraire il est ce qui montre que tout peut être transformé en tout•ri, pas d'avancée, pas de régression; changement statique,
• , c1
conséquemmentque toUlpeut perdre ou acquérir de la valeur. Commele<lit ponctualité totale
Bendans une note de 1958: « Si l'art est tout et l'art est rien, l'art est dans le pas d' alléc.'Set venues
vide et l'art est dans le tout 1. » lâcher prise2 .
Le régime Fluxus, tel qu'il est propo sé par Ben, est à double
tranchant. Il érige une barricade contre l'institutionnalisation, mais risque Bien qu' antithétiques, ces deux déclarations se rejoignent sur un point:
de faire de cette barricade un principe absolu. On serait tenté en effet elles ont une structure ta11
tologiq11e.Leurmessagese construit sur une série de
d'opposer à cette théorie les mêmes objections que les stoïciens adressent propositions dont la phrase principale nedit rien de plus que la phrase subo~-
aux sceptiques: la négationdu savoir est en clic-même un savoir. L'absolu. donnée. Le messageest réitéré et la valeurde vérité de la phrase se construit
tisation du refus risque de devenir une nouvelle doctrine. C'est ainsi que en vertu de sa forme seule, quelleque soit la valeurde vérité de ses compo·
l'ouverture du monde de l'art ît la vie ordinaire peut signifier la soumission santcs. Mais, notons-le bien, cesdéclarations ont une structure tautologique
de la création au régime de la marchandise et donc l'abso/111isat io11de tout en n'étant pasdes tautologies au sens strict du terme. Ben dit en effet :
l'art:
l . Ibid.
l. Ben, pour 011 contre... , op. ci l ., p. -12. 2. GeorgeBrcch1, P"'viewReview,n° 2, 1964, p. 49.
186 187
ESTHÉTIQUE DE LA VIE ORDINAIRE
LE PARI DU GESTE
«La.possession de TO~T c'est la ~ossession de la notionde ÎO .
ducoon du terme « notion» produit un changement sémantiqu lJt » : 1..
...,ib\es. Cela veut dire que le discours qui s'applique à un gesteordinaire
Cen'est donc pas la possessionréelle des choses qui fonne let foridarii '\ ' ,c,o
. 1 . a} . 0Ut ~ c<'uint qu'art» ne peut pas différer du discoursqui le considère«en tant que
1a slffipe conceptton ment e qui se montre comme suffisantca, ·slliajtt' ~. ~el' À partir du régime de l'indi sce rn abilité, le point de vue ne change pas
Chez Brecht, le changement est plus subtil, et cela dans la a"'alid ~ Icl»·érience es th euqu
' . e. Qu ' o n 1a cons 1'd'ere comme art istique ou comme ordi-
demandeune compréhensionintermédiaire de la part du lecteu~.esurc()\ 't"P
l ·. \'eJ<pen ence d emeure ·m alterce:
· · · , c •est sa nature esthétique qui importe, et
v~ir sai~irle li~ .entre.les.deu~ injonctions s~parées ?es deux ~0;01.Jr ~ il as sa reco nnai ssan ce anis tiqu e. Tantôt holistique , tantôt nihiliste, l'indis-
piiirC•
poP pbilité fusio nn e deux positions apparemment hétérogènes: l'absolutisation
necessrurede sa1S1r la s1gnificat1onde la prem1ere parue. Ainsi p l'its,i~ 11
« renoncerau jugement» est identique à « aucune action n' es•t i~te~Ctrip ~ cefflrefus de l'art. Comme les deux côtés d'une mêmemédaille
, ces deux
uniquementà condition que l'on ait accepté l'idée que le juge111adcqua te' e, sitions
le sont parfa1tem
· ent revers
' 'bl1 es. Que tout soit de l'artou querien ne
0
. d'ad'equatton
acuon . ou que 1e Jugement
. .
porte touJours sur l'ad.eni...
'•t Uh.\ P it de \'art revient au même. La réversibilitédu rapportfait ainsi desortequ'il
. equai·0 ·-t
l'action. En accord avec leur structure tautologique, ces déclar . ' ridt :,y ait plus de différence ontologique entre l'art et lavieordinair
e.
peuventpas être vraiespuisqu'ellesne peuvent jamais être fausses.~t~ orisne
des impératifs. esson,
Maisvoicile point fondamental: le fait que ces deux déclarations s .
' . alentes n'est poss1
eqmv 'ble qu,,a l' aune de 1a pensee ' FIuxus, 1aquelleest°'tn
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