Demarches Padagogiques Pour Soutenir La Science
Demarches Padagogiques Pour Soutenir La Science
Demarches Padagogiques Pour Soutenir La Science
Démarche d’investigation
Diversification des démarches pédagogiques
en classe de sciences
par Claudine LARCHER et Brigitte PETERFALVI
UMR STEF ENS Cachan - INRP
et ERTé « La main à la pâte » ENS - INRP
[email protected]
[email protected]
RÉSUMÉ
Les démarches pédagogiques préconisées actuellement mettent l’accent sur
l’« investigation ». Nous proposons d’explorer ce qui peut être mis sous ce terme, les
ouvertures qu’il offre, et de situer ce type d’activité des élèves par rapport à d’autres
éléments pour construire une pédagogie diversifiée. Ce type d’activité et cette diversifi-
cation induisent des évolutions dans le rôle de l’enseignant. Nous indiquerons quelques
éléments qui interviennent dans les choix des enseignants pour construire une telle péda-
gogie.
INTRODUCTION
La diversification des activités scolaires peut être argumentée à partir des prescrip-
tions institutionnelles, de l’épistémologie des sciences et sur la base des théories de l’ap-
prentissage : les enjeux affichés pour l’enseignement des sciences sont multiples, les
démarches et les activités propres aux sciences sont elles-mêmes multiples, l’apprentis-
sage ne se fait pas par un seul type d’approche.
Cette diversité donne lieu à des types de « pédagogies » qui mettent l’accent sur un
aspect ou sur un autre et affichent leur différence avec un qualificatif ou une expression
particulière. Plutôt que de les concevoir comme exclusives ou successives, nous essaie-
rons d’analyser leurs priorités en référence à l’activité des scientifiques. Nous propose-
rons ensuite de caractériser les types d’activités scolaires, leur logique, leurs contraintes.
Nous utiliserons le terme de « posture » pour repérer les variations du rôle de l’ensei-
gnant.
Enfin, nous indiquerons les raisons des choix que font les enseignants pour prévoir
des alternances de démarches et les questions que pose la mise en œuvre d’une démarche
diversifiée, et auxquelles chaque enseignant se trouvera confronté.
Vol. 100 - Juillet / Août / Septembre 2006 Claudine LARCHER et Brigitte PETERFALVI
826 UNION DES PROFESSEURS DE PHYSIQUE ET DE CHIMIE
Démarche d’investigation
tifiques. Les simulations se situent dans ce registre des modèles scientifiques. Elles permet-
tent d’expérimenter sur des modèles, d’affiner ou de s’approprier leurs fonctionnements
internes.
Distinguons aussi les outils d’exploration du monde ou des modèles : perceptions,
instruments, techniques, qui nécessitent un apprentissage spécifique.
Enfin, on ne saurait parler sciences sans parler des modes de validation du discours
scientifique et de la « communication ». Le caractère scientifique d’un énoncé est carac-
térisé par sa validité. La validation ne repose pas seulement et pas toujours sur l’expé-
rience ; elle repose aussi sur la communication entre scientifiques qui en jugent collecti-
vement avec des critères de reproductibilité et/ou des critères de cohérence, selon les
champs scientifiques.
Le référent et la validation sont les caractéristiques majeures des sciences « expéri-
mentales ».
Vol. 100 - Juillet / Août / Septembre 2006 Claudine LARCHER et Brigitte PETERFALVI
828 UNION DES PROFESSEURS DE PHYSIQUE ET DE CHIMIE
comme but d’enrichir les ressources dont disposera l’élève ultérieurement : concepts,
moyens de valider, démarche, raisonnement… La validation des réponses et de leur mode
de construction, les modalités de langage pour les énoncer en en cernant la portée, sont
des exigences à maintenir pour garantir la « scientificité » du travail.
Démarche d’investigation
prend pas toujours en compte. Ces deux approches ne sont donc pas opposables en continu.
Il est néanmoins utile de les distinguer. Dans l’investigation que l’enseignant se propose
de lancer, quelle est l’approche privilégiée ?
Vol. 100 - Juillet / Août / Septembre 2006 Claudine LARCHER et Brigitte PETERFALVI
830 UNION DES PROFESSEURS DE PHYSIQUE ET DE CHIMIE
Démarche d’investigation
instrument permet d’étudier ; il explorera l’effet des boutons, les types de courbes, et
construira progressivement des gestes, des ordres de grandeur, des relations entre phéno-
mène et description mathématique.
Le temps de l’exploration d’un objet ou d’un phénomène, de la familiarisation avec
des faits ou des gestes est un temps à préserver, qui permet ultérieurement la construction
de l’espace du problème et donc l’initiation d’une investigation. Ainsi, les élèves ayant
travaillé avec des sabliers se sont aperçu que leurs durées d’écoulement étaient diffé-
rentes. Cette observation n’est pas première, mais dérivée d’une activité préalable. Ils ont
pu ensuite se poser la question sur les raisons et faire des hypothèses ancrées sur leurs
observations.
Après utilisation (de sabliers), nous constatons des différences ; comment expliquer
que des sabliers durent plus ou moins longtemps ? Peut-être que cela dépend de la quantité
de sable, la largeur du goulot, la grosseur des grains de sable, la taille du sablier, la présence
de certains colorants, la masse de la poudre.
Ce sont des hypothèses ; pour tester ces hypothèses, on peut faire des expériences.
Vol. 100 - Juillet / Août / Septembre 2006 Claudine LARCHER et Brigitte PETERFALVI
832 UNION DES PROFESSEURS DE PHYSIQUE ET DE CHIMIE
son rôle avec les mêmes « postures ». Il peut accepter de ne pas être le meneur, pas même
l’expert, pendant certains moments. Il reste néanmoins l’enseignant ; c’est son « rôle ». Il
reste responsable des apprentissages qu’il doit pouvoir repérer et du temps qu’il y consacre,
dont il doit pouvoir rendre compte.
Conducteur (proposant des actions) ou accompagnateur (attendant les propositions
des élèves pour les leur faire discuter), tuteur (dirigeant vers des objectifs qu’il s’est
fixés) ou médiateur (prêt à réorienter pour profiter du chemin choisi par les élèves), il
laisse plus ou moins d’initiative aux élèves, guide et oriente plus ou moins.
C’est toute une panoplie de « gestes professionnels » qui est à construire : laisser
explorer jusqu’à quand ? mener un débat et le clore sans « abus de pouvoir », faire expli-
citer une conclusion valide compte tenu de ce qui a été fait dans la classe et situer cette
conclusion par rapport à celle des scientifiques, faire confronter des arguments sans être
nécessairement la référence experte.
Le choix des postures doit être cohérent avec le choix d’enjeu privilégié et le choix
de type d’activité.
Démarche d’investigation
3.2. Des questions en suspens
Il reste beaucoup de questions en suspens, pour lesquelles des recherches pourront
apporter des éléments sur la base des compétences de ceux qui ont une pratique. C’est
avec ces éclairages que le passage du prescrit au réel des classes peut être régulé. Les
questions qui se posent dans le quotidien des enseignants sont légitimes et n’ont pas de
réponse immédiate. C’est un problème de professionnaliste à gérer sur le long terme en
s’appuyant sur les enseignants eux-mêmes et l’explicitation des problèmes qu’ils peuvent
exprimer et discuter.
Quelle vision globale de l’enseignement d’une année scolaire ont les enseignants
lorsqu’ils s’y engagent ? Ont-ils des possibilités d’improvisation, de réagir à l’imprévu ?
De quelles procédures de régulation disposent-ils ? Quelle évaluation mettent-ils en
place au long de l’année pour suivre les apprentissages ou les progrès des élèves sur diffé-
rents aspects ? Sur quoi passent-ils beaucoup de temps, pour en gagner ailleurs ? selon
quelles modalités ? par exemple des reprises périodiques, un temps important consacré
au départ à une question (ou un concept, ou une procédure) qu’on juge importante ?
CONCLUSION
En mettant l’accent sur le questionnement de l’élève, une démarche basée sur « l’in-
vestigation » renoue des liens avec les idées préalables des élèves et leur dépassement
souhaité, éventuellement en faisant naître des intérêts nouveaux. Elle permet aussi de ne
pas réduire les enjeux affichés pour un enseignement scientifique à la seule formation de
futurs scientifiques et permet de prendre en compte celui de culture scientifique que ce
soit en tant que futur citoyen ou en tant que personne intéressée. Elle tient compte de la
diversité des démarches scientifiques, mais aussi des approches individuelles d’appren-
tissage.
Nous avons essayé de situer les activités scolaires d’investigation par rapport à d’autres
types d’activités, soit moins prises en compte (familiarisation), soit plus habituelles
(expérimentation, résolution de problème), et par rapport à celles mises en œuvre dans la
construction des sciences par les scientifiques, de façon à repérer des raisons de diversi-
fication.
Nous avons surtout essayé de ne pas considérer cette démarche comme monoli-
thique, nous avons au contraire pointé la nécessité de diversification pour assurer les enjeux
différents affichés par l’institution, faire vivre aux élèves des approches diverses des sciences
et tenir compte du fait que le temps scolaire est contraint. Certains chapitres ne gagnent
rien à être envisagés de cette façon, gardons du temps pour une investigation réelle sur
des champs où les ressources des élèves permettent des questions traitables en limitant
les risques d’activisme et d’absence de validation. L’équilibre est difficile à trouver.
La curiosité est parfois considérée comme innée et à préserver, elle peut aussi être
considérée comme à faire acquérir grâce à des activités créatrices.
Vol. 100 - Juillet / Août / Septembre 2006 Claudine LARCHER et Brigitte PETERFALVI
834 UNION DES PROFESSEURS DE PHYSIQUE ET DE CHIMIE
BIBLIOGRAPHIE
Pour aller plus loin, nous vous proposons :
♦ Écrire pour comprendre les sciences. Aster, 2001, n° 33.
♦ Sciences, techniques et pratiques professionnelles. Aster, 2002, n° 34.
♦ Hétérogénéité et différenciation. Aster, 2002, n° 35.
♦ Interactions langagières. Aster, 2003, n° 37.
♦ ASTOLFI J.-P. Quelques logiques de construction d’une séquence d’apprentissage :
l’exemple de la géologie à l’école élémentaire. Aster, 1991, n° 13, p. 157-186.
♦ ASTOLFI J.-P. & al. Mots-clés de la didactique des sciences. Paris-Bruxelles : De
Boeck Université, 1997.
♦ ASTOLFI J.-P. Le métier d’enseignant entre deux figures professionnelles. In J.-P. ASTOLFI
(dir). Éducation et formation ; nouvelles questions, nouveaux métiers. Paris : ESF.
2003, p. 23-52.
♦ MARTINAND J.-L. La culture scientifique des non-scientifiques. Actes des 3es journées
Paul Langevin, 1995, p. 61-64.
♦ MARTINAND J.-L. (coord). Découverte de la matière et de la technique. Paris : Hachette
Éducation, 1995.
♦ PERRENOUD P. La communication en classe : onze dilemmes. Cahiers pédagogiques,
septembre 1994, p. 326.
♦ PERRENOUD P. Enseigner : décider dans l’urgence et agir dans l’incertitude. Paris :
ESF, 1996.
♦ VERIN A. Enseigner de façon constructiviste, est-ce faisable ? Aster, 1998, n° 26,
p. 133-153.
♦ LARCHER C. et BEAUFILS D. (dirs). L’expérimental dans la classe. Aster, 1999, n° 28.
♦ LARCHER C. (dir). Les activités expérimentales dans la classe. Enjeux, références, fonc-
tionnements, contraintes. Paris : INRP, 2003.
♦ PETERFALVI B. Les obstacles et leur prise en compte didactique. Aster, 1997, n° 24,
p. 3-11.
♦ XYZEP. Bulletin du centre Alain Savary, 2003, n° 16-17.
Claudine LARCHER
Brigitte PETERFALVI
Professeur des universités
Ingénieur de recherche
UMR STEF - ENS Cachan - INRP
UMR STEF - ENS Cachan - INRP
La main à la pâte