Le Forgeron (Version Élève)
Le Forgeron (Version Élève)
Le Forgeron (Version Élève)
Comment cet extrait du poème « Le Forgeron » (vers 78 à 100), affirme-t-il la puissance du mouvement révolutionnaire et
populaire ?
Le Forgeron :
Mise en évidence en début de vers du pronom tonique « Moi » qui vient renforcer le pronom « je » : le forgeron parle cette fois
en son nom, même s’il est toujours immergé dans la foule « avec eux » (groupe prépositionnel placé à la césure).
- Les verbes de mouvements sont à nouveaux nombreux : « je cours », « assommer », « je vais », « balayant » : la violence
éclate, au service de la révolution.
- Le forgeron choisit ses cibles : « les mouchards » (= les traîtres). Pour Rimbaud, la lutte des classes est simple. : il y a d'un côté
les pauvres, de l’autre les « richards », le niveau de langue utilisé indiquant clairement de quel côté se situe le locuteur. Puis,
entre ces deux classes, on trouve les mouchards et autres collaborateurs de l’ordre régnant. Les noms « richards » et
« mouchards » sont certainement à la rime pour montrer qu’ils sont dans le même camp.
- Le forgeron se décrit « noir, marteau sur l’épaule » puis par un rejet (v.84) « Farouche » : il a une apparence effrayante et
ressemble aux autres revenants
- Le « marteau sur l’épaule » : outil d’ouvrier devenu arme et métaphore de la force populaire.
LA force et la violence du forgeron :
- « Balayant quelques drôles » témoigne également de sa la puissance du forgeron, donc du peuple : personne ne peut lui
résister, ses ennemis ne sont que des « drôles » (cf. note de bas de page).
- Le passage se termine par une hypothèse provocatrice : le forgeron veut montrer jusqu’où il est capable d’aller. Le pronom
« tu » désigne évidemment son interlocuteur, le roi, mais, de manière plus générale, peut renvoyer à tout partisan de l’Ancien
Régime. La principale au présent du conditionnel « je te tuerais » n’est qu’une supposition mais le lecteur se souvient que, peu
de temps après, le roi a bien été guillotiné.
Deuxième mouvement : vers 86 à 95 – Le rejet du petit peuple et de ses
aspirations par la classe dominante.
L’armée du roi :
- Le tiret ainsi que le connecteur « puis » marquent une rupture dans le texte.
- C’est le futur (avec sa valeur de certitude) qui est maintenant employé (« tu feras ») : le forgeron sait déjà ce qui va se
passer ensuite : « tu peux y compter ». Il peut déjà prédire la réaction des dominants après l’insurrection populaire : le
roi (toujours interpellé directement, « tu ») fera semblant de tenir compte des doléances du peuple.
- Le roi mobilisera ses « hommes noirs » : le déterminant possessif « tes » souligne bien qu’ils sont à son service et lui
appartiennent. Les « hommes noirs » sont ses hommes de loi, ses magistrats qui enterrent les revendications du
peuple. L’adjectif « noirs » montre qu’ils sont tout aussi effrayants que les « revenants » qui occupaient la rue.
- « Requêtes » rime avec « raquettes » (et les deux termes sont associés par comparaison) pour bien montrer que le
pouvoir se moque des aspirations populaires et n’en tient jamais compte.
- Les vers suivants viennent illustrer ce propos en mettant en scène les dominants, cités au discours direct (« qu’ils sont
sots ») pour bien révéler leur mépris du peuple.
Moment de rupture :
- « C’est très bien » sonne comme une conclusion ironique du mouvement précédent. Puisque c’est ainsi, semble dire le
forgeron (puisqu’il n’y a rien à attendre de gouvernants méprisants et lâches), il n’y a plus qu’à rejeter leurs
mensonges : « foin de leur tabatière à sornettes ». La tabatière est un objet associé aux bourgeois, ce n’est pas un
hasard si ici, par métaphore, elle sert à produire des mensonges. Notons que le mot « sornettes » rime avec
« baïonnettes » : chacun ses armes !
- « Nous en avons assez, là » reprend « foin de » pour confirmer le rejet déjà exprimé. Le « nous » est de retour car le
forgeron parle à nouveau au nom du peuple lorsqu’il injurie les bourgeois (les deux expressions populaires « cerveaux
plats » et « ventres-dieux »).
- L’oralité est palpable dans ce passage avec l’adverbe « là » puis l’interjection « ah ! », les exclamatives ou encore
l’allitération en [S] (« ces/ce sont/ sers/sommes féroces/sceptres/crosses »).
- « les plats / que tu nous sers » : le GN qui enjambe les vers 97 et 98 rappelle la métaphore culinaire du vers 90
(« mitonner ») associée à l’élaboration des lois, présentée comme une cuisine peu ragoutante.
L’appel à la révolte :
- En utilisant le mot « bourgeois », à la césure du vers 99, le texte s’ancre davantage dans le contexte du XIXème siècle où
la noblesse a cessé d’être la classe dominante. C’est plus Rimbaud qui parle ici que le forgeron.
- Les deux propositions subordonnées conjonctives circonstancielles de temps (« quand nous sommes féroces,/ Quand
nous brisons déjà les sceptres et les crosses ») qui concluent le passage rappellent que les ouvriers refusent à présent
de se soumettre. L’adjectif « Féroce » rappelle « farouche » (vers 84) et la violence (presque animale) dont est capable
le peuple insurgé.
- « Quand nous brisons déjà les sceptres et les crosses » montre que cette violence a bien une dimension politique
puisqu’elle s’abat sur les symboles de la royauté (« les sceptres ») et de l’Eglise (« les crosses »).
Conclusion
Toute la puissance du mouvement révolutionnaire apparaît, dans les vers 78 à 100, à travers la verve populaire,
l’énergie et la combattivité du forgeron qui incarne le peuple.
En choisissant, comme cadre historique, la Révolution française, Rimbaud semble complètement abandonner le Second
Empire, mais ce choix lui permet en réalité de parler implicitement de sa propre époque. Louis XVI, ce « bon roi, debout sur son
ventre », qui « était pâle, pâle comme un vaincu qu’on prend pour le gibet » (v.8-9 du poème « Le Forgeron »), ne ressemble-t-il
pas à l'Empereur de Rages de César, cet « homme pâle, le long des pelouses fleuries […] qui « chemine, en habit noir, et le cigare
aux dents » ?