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1. Voir Les actes de la Conférence internationale sur l’émergence de l’Afrique (CIEA), 18-20 mars 2015, Abidjan, Côte
d’Ivoire (http://www.africa-emergence2019.com/assets/fichier/doc/Actes-CIEA-FR.PDF).
2. Hamadou Daouda, « Dynamiques, marqueurs et fragilités des trajectoires d’émergence de l’Afrique subsaha-
rienne », Mondes en développement, 186 (2), 2019, p. 121-136 ; Kako Nubukpo, « De l’industrialisation à l’émer-
gence ? Vieilles, anciennes et horizons lointains », Afrique contemporaine, 266 (2), 2018, p. 165-172 ; K. Nubukpo,
propos recueillis par Boris Samuel, « Entre les plans d’émergence sans vision et des visions sans émergence : la
difficile appropriation par l’Afrique de ses trajectoires de développement », Politique africaine, 145 (1), 2017,
p. 51-63 ; Pierre Jacquemot, L’Afrique des possibles. Les défis de l’émergence, Paris, Karthala, 2016.
pour se prémunir des critiques visant une politique uniquement axée sur la crois-
sance, le gouvernement ivoirien n’a de cesse de convoquer l’augmentation du
pouvoir d’achat et la réduction des inégalités, deux marqueurs du champ classique
de l’économie du développement3, comme étant les promesses sous-jacentes à
l’émergence4. Au-delà du registre discursif, la rhétorique de l’émergence peut
être saisie comme une « gouvernementalité du post-conflit » en Côte d’Ivoire5.
En effet, le désir politique d’émergence se traduit en actions de développement,
à travers des réformes structurelles renvoyant les signaux d’une économie en
pleine expansion6, mais aussi en une volonté de redistribution de la richesse.
Cette économie politique de l’émergence a eu pour cadre opérationnel deux
Plans nationaux de développement (PND) dont l’élaboration s’est voulue une
« reconquête de la souveraineté décisionnelle de l’État »7. La reprise en main
des leviers du développement par les pouvoirs publics intervient après à une
période de dépossession politique due aux programmes d’ajustements structurels
(PAS), à l’instabilité sociopolitique des années 1990 et à la crise de 2002-2011
durant laquelle les politiques sociales étaient gérées par les humanitaires8.
L’image d’une économie en expansion que le gouvernement ivoirien tente de
renvoyer reste cependant fortement critiquée sur son volet social où l’« élé-
phant » est nettement moins « triomphant ». Les « soleils de l’émergence »9
manquent d’éclat et de rayonnement en matière d’inclusion économique et de
redistribution des fruits de la croissance10. En 2018, avant la fin de son deuxième
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11. Banque mondiale, Housing: Enabling Markets to Work, Washington DC, World Bank Group, 1993 ; Banque
mondiale, Jordan – Housing Finance and Urban Sector Reform Project, Washington DC, World Bank Group, 1996 ;
United Nations Centre for Human Settlements (UNCHS), Global Strategy for Shelter to the Year 2000, Naïrobi,
UNCHS, 1990 ; UNCHS, The Istanbul Declaration and Habita II Agenda, Istanbul, UNCHS, 1996 ; Cedric Pugh,
« The Idea of Enablement in Housing Sector Development: The Political Economy of Housing for Developing
Countries », Cities, 11 (6), 1994, p. 357-371.
12. Ramin Keivani, Edmundo Werna, « Refocusing the Housing Debate in Developing Countries from a Pluralist
Perspective », Habitat International, 25 (2), 2001, p. 191-208.
13. Xavier Desjardin, « Le logement social au temps du néolibéralisme », Métropoles, 4, 2008 ; Jun Wang, « The
Developmental State in the Global Hegemony of Neoliberalism: A New Strategy for Public Housing in Singapore »,
Cities, 29 (6), 2012, p. 369-378.
14. Matthieu Gimat, Julie Pollard, « Un tournant discret : la production de logements sociaux par les promoteurs
immobiliers », Géographie, économie, société, 18 (2), 2016, p. 257-282 ; Lúcia Shimbo, « La construction du logement
social : une politique publique liée au marché immobilier », Brésil(s), 6, 2014, p. 99-117.
15. Portail officiel du gouvernement de la Côte d’Ivoire, « Promotion du droit au logement : le chef de l’État lance
l’opération de construction de 2 000 logements sociaux et économiques » (http://www.gouv.ci/_actualite-
article.php?recordID=1983&d=3).
des promoteurs immobiliers (CAAPI) a été mise sur pied pour faciliter l’accès à
l’agrément pour les sociétés immobilières souhaitant opérer dans le cadre du
Programme, ce qui a permis à une quarantaine de promoteurs immobiliers natio-
naux d’être agréés. Des accords de coopération ont également permis d’ouvrir
le secteur à des groupes immobiliers internationaux composés essentiellement
d’entreprises marocaines (Addoha, Alliances CI, Palmeraie développement) et du
groupe italien Piemme. L’ouverture du secteur immobilier aux capitaux maro-
cains s’explique par les liens d’amitié entre certains membres du gouvernement
Ouattara et le roi du Maroc et par la nécessité de reconfigurer la géopolitique
des investissements directs étrangers, en renforçant le partenariat Sud-Sud. Le
Maroc a saisi l’opportunité de cette nouvelle dynamique partenariale et, bien que
géographiquement éloigné de l’espace ouest-africain, a même proposé en février
2017 de devenir un État membre de la CEDEAO. La Côte d’Ivoire est l’un de
ses soutiens majeurs dans cette diplomatie économique offensive dans la sous-
région.
Les opportunités offertes aux privés locaux par l’option libérale de cette politique
affichée ont été vivement critiquées par bon nombre des opérateurs que nous
avons rencontrés au cours de nos enquêtes. Selon eux, l’agrément exigé des pro-
moteurs n’était pas opportun dans un contexte de marché libéral des logements
sociaux, les choix devant s’opérer par la sélection naturelle du marché24. De fait,
si elle a fourni à certains l’occasion d’élargir leurs offres de service, cette ouver-
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24. C. Loukimane, Dans l’élan de l’émergence de la Côte d’Ivoire selon Alassane Ouattara, Abidjan, Frat Mat Éditions,
2015, p. 100-101.
responsabilités lui soient retirées. Ainsi l’État s’est-il résolument engagé dans une
dérégulation et un retour vers le privé, mais un privé doté de liens forts avec la
sphère politique. Derrière ces projets prioritaires lancés au nom de l’émergence
apparaît une forte centralisation du processus de décision qui s’est traduite par
la création du Centre de facilitation des formalités d’accès au logement
(CEFFAL), structure étatique créée en août 2013 avec pour mission de centra-
liser les souscriptions et de les affecter aux opérateurs immobiliers agréés, et ainsi
de faciliter les relations entre les demandeurs de logements et les promoteurs
immobiliers, et ce sous l’égide du ministère de la Construction et de l’Urbanisme
(MCLU). Selon sa logique néolibérale, l’État donne l’impression de sortir du jeu
sans réellement en sortir. Sa (néo)libéralisation du marché des logements sociaux
via le privé ne l’empêche pas d’adosser sa politique à une recentralisation du
pouvoir de décision par la création d’une agence de régulation elle-même
débordée dans l’arbitrage des jeux d’intérêts par les promoteurs immobiliers et
les banques commerciales.
En somme, la mise en œuvre du PPLSE signe le retour de l’État dans le secteur
de logement social, mais avec un changement de paradigme. L’État n’est plus le
contributeur direct comme ce fut le cas dans les années 1970-1980, mais plutôt
un régulateur du marché. En matière de promotion de logements sociaux, l’action
gouvernementale se déploie désormais sous des modalités nouvelles ancrées dans
une vision articulée autour d’un interventionnisme minoré de l’État surtout en
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Innocent a 49 ans. Il est instituteur, et habite avec les neuf personnes qui sont à
sa charge à Anyama, une banlieue d’Abidjan, dans un logement de 3 pièces qu’il
loue 75 000 FCFA (114,28 euros) par mois. Bien que voulant avoir sa propre
le risque de ne pas récupérer l’argent des frais de dossiers. Après trois ans de
navette entre les locaux du CPLS, le cabinet du ministère de la Construction,
du Logement et de l’Urbanisme (MCLU) et les bureaux de son promoteur immo-
bilier, Innocent attend toujours que ses fonds lui soient restitués. Il espère être
remboursé un jour afin de pouvoir réinvestir dans son projet initial. En attendant,
cette expérience lui a révélé sa vulnérabilité face au manque de protection des
petits souscripteurs par l’État. Dans le contentieux qui l’oppose à l’opérateur
immobilier, il s’avère que le compte séquestre n’a jamais existé et que l’arbitrage
de l’État est quasi inexistant.
Son ami Doumbia, commerçant de noix de cola depuis une vingtaine d’années,
a connu un autre type de déception. À l’issue de la phase de pré-souscription,
son dossier est rejeté par les promoteurs immobiliers et les banques au motif que
son activité n’offre pas de garanties suffisantes pour le remboursement d’un prêt
immobilier. Après deux rendez-vous avec la gestionnaire de son compte bancaire,
il doit renoncer à l’espoir d’accéder un jour à un logement social. Lorsque, grâce
à Innocent, nous réussissons à le joindre par téléphone, sa réponse à nos questions
est brève et sèche : « Cette histoire de logements sociaux, je ne veux plus en
parler ». Alors même que c’était lui qui avait incité Innocent à souscrire au pro-
gramme présidentiel, Doumbia a dû se résigner à renoncer à son projet d’acquérir
une maison. Dès lors, on s’interroge sur le caractère inclusif de cette politique
publique de logements sociaux. Bien que la composante no 4 des six critères d’éli-
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25. Entretien, Direction générale du logement et du cadre de vie, Abidjan, 12 juin 2017.
26. Ministère de l’Emploi et de la Protection sociale, Politique nationale de l’emploi 2016-2020, Document de cadrage,
novembre 2016.
à une révision à la baisse du crédit acquéreur grâce à une garantie de l’État fournie
par le Compte de mobilisation pour l’habitat (CDMH), mécanisme de finance-
ment mis sur pied en 1987. Ces réformes recommandaient aux institutions ban-
caires une bonification du taux du crédit acquéreur qui devait passer de 9,5 % à
5,5 % et un prolongement de la durée des prêts de quinze à vingt ans. Par ces
mesures, le gouvernement entendait accroître le nombre d’acquéreurs de loge-
ments sociaux et économiques et alléger pour les souscripteurs les mensualités
de remboursement des prêts contractés auprès des banques. Présentée comme
l’aboutissement d’un processus de six années (2013-2018) de négociations menées
avec l’Association professionnelle des banques et établissements financiers de
Côte d’Ivoire, cette disposition n’a été appliquée qu’en partie : dans certains cas,
le crédit a été étendu à vingt ans, mais le taux d’emprunt est resté à 9,5 %. Les
banques ont invoqué deux raisons fondamentales pour justifier leur position sur
le taux de sortie du crédit immobilier. D’une part, l’octroi de prêts au taux bonifié
que recommandait le gouvernement aurait dû être conditionné par des possibi-
lités d’achat de crédit à moindre coût sur le marché financier. D’autre part, la
recommandation de l’État aurait dû se concrétiser par un approvisionnement
conséquent du Compte de mobilisation pour l’habitat en ressources financières
à titre de garantie. Or les dotations budgétaires de cet instrument financier per-
mettant de mobiliser des ressources longues à moindre coût sont restées déri-
soires : 20 milliards de FCFA pour un besoin estimé à 400 milliards. En clair,
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des pouvoirs publics à réguler les rapports de force cache à peine une impression
de dérégulation qui fait écho à la théorie du désordre comme instrument de
régulation politique développée par Patrick Chabal et Jean-Pascal Daloz27. En
effet, au-delà des apparences, les signes de faillite de ce programme s’expliquent
par une minimalisation de l’arbitrage favorable à une maximisation des oppor-
tunités de rente générée par les possibilités d’investissement dans le social plutôt
en faveur d’une clientèle politique et de quelques alliés internationaux.
Constatant que l’État ne tenait pas ses engagements financiers et qu’il manifestait
par ailleurs des signes de faiblesse concernant ses capacités de régulation, les
promoteurs immobiliers engagés dans le PPLSE en ont profité pour réviser de
façon unilatérale, et en leur faveur, les prix de cession des logements et les critères
de sélection des acquéreurs. Tout au long du Programme, les initiatives de sta-
bilisation et de maîtrise des coûts des logements prises par les pouvoirs publics
à travers la définition de différentes normes tarifaires ont échoué. Conséquence,
les prix maximums fixés pour le logement social à 5 millions de FCFA
(7 622,47 euros) et pour le logement économique à 8 millions de FCFA
(12 196,3 euros) ont été revus à la hausse en 2013 – lors du démarrage officiel
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27. Patrick Chabal, Jean-Pascal Daloz, L’Afrique est partie ! Du désordre comme instrument politique, Paris, Économica,
1999.
28. Pour l’acquisition d’un logement, les souscripteurs devaient verser 135 000 FCFA (206,62 euros) de frais de
dossier pour les logements sociaux et 150 000 FCFA (229,58 euros) pour les logements économiques, un apport
initial de 10 % du coût total du logement et 3,5 % du coût du logement, au titre du fonds de caution mutuelle.
avoir été floués, et n’ayant pas d’interlocuteur en face d’eux, les souscripteurs se
sont mobilisés sur les réseaux sociaux au motif que l’État les avait trompés en
leur « vendant » l’idée d’une protection des petits souscripteurs garantie par un
programme public d’accès au logement. En 2019, des souscripteurs qui s’étaient
retirés du programme étaient encore constitués en collectif pour donner plus
d’écho à leurs requêtes par des modes d’action revendicative : recours à la presse
écrite, sensibilisation à leur cause sur les réseaux sociaux, sit-in devant le Cabinet
du ministre de la Construction, du Logement, de l’Assainissement et de l’Urba-
nisme. Si elles n’ont pas fondamentalement empêché la poursuite du Programme,
les tensions relatives au remboursement des apports des acquéreurs qui ont sou-
haité s’en retirer révèlent un point de dysfonctionnement majeur de cette poli-
tique sociale et constituent un autre indicateur d’absence de protection des
acteurs les plus vulnérables du système.
29. Yap Sheng, « Housing, the State and the Market in Thailand: Enabling and Enriching the Private Sector »,
Journal of Housing and the Built Environment, 17, 2002, p. 33-47 ; Urmi Sengupta, Brendan Murtagh, Camila
D’Octtaviano, « Between Enabling and Provider Approach: Key Shifts in the National Housing Policy in India
and Brazil », Environment and Planning C: Politics and Space, 36 (5), 2018, p. 856-876.
30. Vinit Mukhija, « The Contradictions in Enabling Private Developers of Affordable Housing: A Cautionary
Case from Ahmedabad », India Urban Studies, 41 (11), 2004, p. 2231-2244 ; Alpana Sivam, Sadasivam Karuppannan,
« Role of State and Market in Housing Delivery for Low-Income Groups in India », Journal of Housing and the
Built Environment, 17 (1), 2002, p. 69-88.
31. Anita Blessing, David Mullins, « Organisational Hybridity in Affordable Housing Finance », dans David Billis,
Colin Rochester (eds), Handbook on Hybrid Organisations, Northampton, Edward Elgar Publishing, 2020 ; Dorothée
Bohle, Leonard Seabrooke, « From Asset to Patrimony: The Re-emergence of the Housing Question », West
European Politicis, 43 (2), 2020, p. 412-434 ; Peter Boelhouwer, « International Comparison of Social Housing Mana-
gement in Western Europe », Netherlands Journal of Housing and the Built Environment, 14, 1999, p. 225-240.
32. Zoltán Kovács, Günter Herfet, « Development Pathway of Large Housing Estates in Post-Socialist Cities: An
International Comparison », Housing Studies, 27 (3), 2012, p. 324-342 ; József Hegedüs, Martin Lux, Vera Horvath,
Private Rental Housing in Transition Countries: An Alternative to Owner Occupation, Londres, Palgrave Macmillan,
2017.
33. Propos du Premier ministre, ministre de l’Économie, des Finances et du Budget, Daniel Kablan Duncan, au
cours du lancement du projet de construction de 75 000 logements à Songon, dans la périphérie d’Abidjan, 15 mars
2013.
34. Simon Johnson, Daniel Kaufmann, Andrei Shleifer, Marshall I. Goldman, Martin L. Weitzman, « The Unof-
ficial Economy in Transition », Brookings Papers on Economic Activity, 2, 1997, p. 159-239.
35. Joel Hellman, Daniel Kaufmann, « Confronting the Challenge of State Capture in Transition Economies »,
Finance & Development, 38 (3), 2001.
Dans les années 1980, une certaine interprétation politique des plans d’ajuste-
ments structurels avait permis à Félix Houphouët-Boigny de se faire passer pour
un « bon élève » en procédant à une « réforme spectaculaire et brutale » des
sociétés d’État. Comme l’ont montré Bernard Contamin et Yves-André Fauré36,
à travers cette réforme, le Président saisissait en fait l’opportunité politique des
conditionnalités des institutions de Breton Woods pour se débarrasser de clients
politiques gênants, les patrons de ces entreprises d’État rompus aux pratiques
patrimonialistes, source de confusion entre argent public et fortune privée.
À l’époque, les exigences d’ajustements structurels avaient donné lieu à des « ajus-
tements internes ». Avec Alassane Ouattara, et contrairement à Félix Houphouët-
Boigny, l’éloge du partenariat public-privé permet d’élargir le champ de
positionnement de la clientèle politique au secteur privé au nom des principes
néolibéraux et de l’opérationnalisation de la redistribution des fruits de la crois-
sance, comme pour faire écho aux promesses d’émergence. Un tel processus se
rapproche de ce que Béatrice Hibou appelle la « décharge »37, à savoir une trans-
formation de l’interventionnisme et une production de « nouveaux espaces de
pouvoir » sur fond de double jeu d’élargissement-recentrage du contrôle straté-
gique de l’État.
36. Bernard Contamin, Yves-André Fauré, La bataille des entreprises publiques en Côte d’Ivoire : l’histoire d’un ajustement
interne, Paris, Karthala, 1990.
37. Béatrice Hibou, « La “décharge”, nouvel interventionnisme », Politique africaine, 73, 1999, p. 6-15 ; Max Weber,
Histoire économique. Esquisse d’une histoire universelle de l’économie et de la société, Paris, Gallimard, 1991 (1re édition
allemande 1923).
Alex N’goran est doctorant à l’Université Alassane Ouattara de Bouaké (Côte d’Ivoire) et
membre de l’équipe de recherche de la Chaire Unesco de bioéthique associée au Projet R4D
« The Developmental State Strikes Back? The Rise of New Global Powers and African States’
Development Strategy » en partenariat avec les Universités de Lausanne et de Genève et
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38. Les données présentées ici ont été recueillies dans le cadre du projet de recherche « The Developmental State
Strikes Back? The Rise of New Global Powers and African States’ Development Strategies », supervisé par Antoine
Kernen de l’Université de Lausanne, Didier Péclard de l’Université de Genève, Francis Akindès de l’Université
Alassane Ouattara de Bouaké et Pierre Fabien Nkot de l’Université de Yaoundé II, et financé par le Fonds national
suisse pour la recherche scientifique.
African States’ Development Strategy ». Ses travaux couvrent divers champs du politique et
en particulier la gouvernance économique, politique et sociale en Afrique.
[email protected]
Résumé
La rhétorique de l’émergence est récurrente en Afrique, et la Côte d’Ivoire se veut un labo-
ratoire de son expérimentation. Face aux critiques de sa politique de croissance jugée peu
inclusive, le gouvernement Alassane Ouattara a voulu renvoyer les signaux d’une politique
distributive à travers des programmes sociaux dont la politique des logements sociaux (PLS)
est un maillon essentiel. La fabrique de cette politique est envisagée comme une lucarne à
travers laquelle les ambigüités de l’État et les enjeux liés au discours de l’émergence sont
ici analysés. Les données collectées de février 2016 à avril 2019 auprès d’acteurs impliqués
dans les interactions autour du Programme présidentiel de logements sociaux et économi-
ques permettent de procéder à une sociologie de la régulation de la PLS par l’État. Il en
ressort que les asymétries de pouvoir entre les acteurs ont compromis l’atteinte des objectifs
du Programme. Or ce qui apparaît comme un échec de la régulation cache en réalité l’oppor-
tunité qu’a offerte la PLS d’élargir la sphère du patronage politique au secteur privé. La
production du social par le marché se révèle être une utopie car derrière le discours fan-
tasmé de l’émergence, l’État ivoirien développe une ingénierie d’instrumentalisation des
réformes néolibérales pour son redéploiement.
Abstract
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