البناء والقضايا البيئية - بالفرنسية

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Droit de la construction et enjeux environnementaux :

Vers une modification des outils juridiques ?

Droit de la construction et enjeux environnementaux :


Vers une modification des outils juridiques ?

Submitted By
Dr. Jean-Marc LE MASSON
Colloque international,DUBAÏ
Directeur national adjoint de l’Institut de la Construction et de l’Habitation
Directeur de l’Institut de la Construction et de l’Habitation de Nantes
Maître de conférences à la Faculté de Droit de l’Université de Nantes

1. La France a voulu que le secteur de la construction relève le défi


des préoccupations environnementales qui sont devenues prégnantes au
cours des dernières décennies. Il n’est pas douteux que la lutte menée sur le
plan international contre le changement climatique et les contraintes liées
aux matières premières a été un facteur d’évolution des mentalités dans ce
domaine d’activité. La raréfaction des énergies fossiles et fissibles tout
comme les conséquences avérées des émissions de gaz à effet de serre
l’atmosphère(1), ont conduit à adopter de nouvelles mesures visant à
répondre aux engagements pris par les instances internationales et
communautaires(2). Le Grenelle de l’environnement, dont les débats ont
débuté en 2007, a clairement posé les enjeux du futur, en tenant compte de
ce contexte politique.

(1)
V. Rajendra K. Pachauri (dir.), Andy Reisinger, « Changements Climatiques 2007:
Rapport de Synthèse », http://www.ipcc.ch/home_languages_main_french.htm#21,
Rapport d'information de Mme Bernadette BOURZAI, « politique énergétique
européenne », rapport du Sénat n° 108 (2009-2010) - 19 novembre 2009,
http://www.senat.fr/noticerap/2009/r09-108-notice.html.
(2)
V., Décision n° 406/2009/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009
relative à l’effort à fournir par les États membres pour réduire leurs émissions de gaz
à effet de serre afin de respecter les engagements de la Communauté en matière de
réduction de ces émissions jusqu’en 2020, JOUE L 140 du 5.6.2009, p. 136–148.
Site de l’Union européenne : http://ec.europa.eu/environment/climat/eccp.htm

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2. La mise en œuvre des engagements en résultant a donné lieu(3), à


l’adoption, notamment, de la loi de programmation sur l’environnement en
2009(4). Pour l’essentiel, il s’agit de limiter l’impact environnemental des
bâtiments tant sur un plan des émissions de gaz à effet de serre, que sur
celui de l’utilisation des ressources énergétiques. Le législateur français a
donc adopté une série de textes apportant d’importants changements dans
l’acte de construire. Si les contrats de construction ne sont pas, en tant que
tels, atteints par ces réformes, il est incontestable que les lois et décrets pris
sous l’égide du Grenelle portent en germe une transformation substantielle
des relations entre les différents protagonistes de la construction.
Désormais, au-delà des contraintes techniques nouvelles, ou plus
exigeantes que celles existantes, que font naître les enjeux climatiques et
énergétiques actuels et à venir, c’est une modification en profondeur de
l’acte de construire qui doit être envisagée(5).
3. Dans ce contexte, le droit, s’il apparait à l’évidence comme un
moyen de réguler les comportements, est surtout ici un facteur
d’accélération de la prise de conscience nécessaire dans un secteur
d’activité pour lequel les questions environnementales restent encore trop

(3)
En octobre 2007 débutait le Grenelle de l’environnement, qui s’est déroulé sur toute
l’année. Composé de six groupes de travail, l’objectif de ce Grenelle était de mettre
en lumière les besoins environnementaux essentiels et de soumettre des propositions
d’actions pour y répondre. Ce large débat, organisé entre les représentants de la
société civile, politique et scientifique, a donné lieu à la rédaction de projets de lois.
Ainsi, la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en
œuvre du Grenelle de l'environnement dite « Loi Grenelle I » fixe le cap à suivre,
c'est-à-dire les principes et objectifs environnementaux de la politique
environnementale nationale. Le projet de loi portant engagement national pour
l'environnement, dit « Grenelle II », boite à outils pour la mise en œuvre des
objectifs de la loi Grenelle I, propose les instruments normatifs et techniques pour
atteindre ces objectifs. Enfin, le volet financier qui figure à la fois dans la loi de
finance 2009 et la loi de finances rectificative, constitue le troisième élément du
Grenelle de l’environnement.
(4)
La loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement
adoptée par le Parlement le 23 juillet 2009 et promulguée le 3 août 2009, JO du 5
août 2009.
(5)
Grenelle de l’Environnement-Comité opérationnel « Rénovation des Bâtiments
existants », Rapport au Ministre d’Etat, ministre de l’Ecologie, du Développement et
de l’aménagement durables Février 2008, 115p

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Vers une modification des outils juridiques ?

souvent anecdotiques. Pourtant, l’environnement n’est pas un souci récent


dans le domaine de la construction. Déjà, face au risque naturel, le
législateur français a mis en œuvre un corpus juridique visant à éviter la
mise en danger des populations. En définissant des périmètres de sécurité,
le droit de l’urbanisme a limité les possibilités de construire.
4. Mais, plus que les aléas naturels, ce sont les conditions humaines
qui ont profondément changé au cours de la fin du XXème siècle, à la fois
en terme de démographie et sous l’influence des pollutions d’origine
anthropique. Il ne s’agit plus seulement de se préserver contre les
intempéries et les catastrophes naturelles potentielles, il faut maintenant
protéger l’environnement lui-même des comportements humains le mettant
en péril. C’est la raison pour laquelle, compte tenu de l’urgence des
mesures à adopter, le législateur a supplée le manque de réactivité des
acteurs de la construction en les incitant, voire en les obligeant par
l’adoption d’une réglementation de plus en plus coercitive, à se conformer
aux objectifs environnementaux définis tant sur le territoire français que
sur le plan international.
5. Deux types de mesures de contrainte se distinguent. Le premier est
lié aux caractéristiques géographiques du foncier devant recevoir une
construction. Le constructeur a, de longue date, dû prendre en compte cette
dimension qui fait désormais figure de contrainte classique (I). En
revanche, les enjeux environnementaux apparus à la fin du siècle dernier
ont nécessité une accélération des changements, non seulement des modes
de construction, mais également de la vision de l’immeuble et de l’habitat.
Ceux-ci doivent s’inscrire dans une démarche dite de « développement
durable » intégrant les aspects sociaux et économiques à la dimension
environnementale. Cette transformation du rapport au foncier et à
l’immeuble n’est pas sans effet dans les relations des parties au contrat. Si
elle ne modifie pas notablement la typologie contractuelle, elle a un impact
sur les engagements, notamment en termes de responsabilité et de
résultats, entre les cocontractants (II).

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I.- Les contraintes environnementales « classiques »


influençant l’acte de construire
6. Les conditions climatiques et naturelles sont des contraintes
environnementales avec lesquelles les constructeurs de toute époque ont dû
composer. Les caractéristiques géomorphiques ont toujours influencé le
choix du lieu d’édification des bâtiments. Cette récurrence permet
d’envisager les éléments naturels comme relevant de contraintes
environnementales classiques, dans le domaine de la construction. Au fil
du développement urbain et des risques encourus par la population, le
législateur est intervenu pour réguler le foncier à bâtir. Aujourd’hui, la
première étape d’un projet immobilier consiste à déterminer le lieu qui
supportera l’ouvrage. Le constructeur(6) doit identifier ledit foncier pour
connaître les obligations légales et techniques auxquelles il sera soumis.
Qu’il s’agisse d’une construction ou d’une rénovation, la nature du foncier
et sa situation géographique sont des éléments essentiels de définition du
droit à construire (A). De cette définition vont découler des obligations à
l’égard du constructeur (B).
A.- Les Plans de prévention des risques naturels prévisibles
7. Les catastrophes et évènements climatiques exceptionnels sont
souvent la source de dégâts matériels, quand il n’y a pas lieu de déplorer
des pertes humaines. Face à la multiplication de ce genre de phénomènes,
le législateur est intervenu pour contrôler les activités de construction dans
certaines zones où ces risques environnementaux sont connus. Aux termes
de l’article L. 125-1 du Code des assurances, les catastrophes naturelles ont
« pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel », et

(6)
Selon l’article L111-14 du code de la construction et de l’habitation : « Est réputé
constructeur de l'ouvrage :
1° Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de
l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ;
2° Toute personne qui vend après achèvement un ouvrage qu'elle a construit ou fait
construire ;
3° Toute personne qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de
l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage.

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surviennent « lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces


dommages (matériels, directs, non assurables) n’ont pu empêcher leur
survenance ou n’ont pu être prises ». Il s’agit finalement de la mise en
œuvre du principe de prévention tel qu’énoncé à l’article L. 110-1 du Code
de l’environnement.
8. Deux critères caractérisent le risque naturel, à savoir l’intervention
d’un agent naturel et son intensité anormale qui explique sa soudaineté, sa
brutalité et son imprévisibilité. Ces deux critères semblent déterminants
dans l’appréciation du juge administratif. L’article L. 562-1 du Code de
l'environnement vise les « risques naturels prévisibles tels que les
inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de
forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes et les cyclones ».
Cette rédaction permet de classer parmi les risques naturels entre le risque
atmosphérique (avalanche, cyclone, tempête, sécheresse), le risque
géologique (mouvements de terrain, risque sismique ou volcanique) ou le
risque hydrologique (inondation par débordement de rivière, par remontée
de nappe ou par ruissellement). C’est donc le caractère anormal et intense
de l’agent naturel qui détermine le droit des risques naturels majeurs.
9. A partir de ces définitions, le législateur a identifié des périmètres
devant faire l’objet d’une protection tant des populations que des activités
économiques. Pour éviter les conséquences désastreuses de ces
évènements, le droit français, se fondant sur le principe de prévention en
matière environnementale, a adopté un instrument permettant de limiter la
construction dans ces zones à risques, à savoir le plan de prévention des
risques naturels prévisibles (PPR), devenu la procédure de droit commun
destinée à limiter l’urbanisation dans les zones à risques(7).

(7)
En plus des PPRNP, il existe également des plans de prévention des risques
technologiques qui limitent également l’acte de construire, du fait de la proximité
d’une activité ou d’une installation à risque pour le voisinage. Ces plans ont
été créés par la loi du 30 juillet 2003 (JO 31 juillet 2003, p13021 et s.). N’étant pas
en lien avec le risque naturel, ils ne seront pas évoqués dans la présente
communication. Pour plus d’information voir : S. RAMUS, « Audit de l’immeuble –
Environnement – Prévention des risques technologiques », in fascicule 41
Environnement Jurisclasseur Géomètre Expert Foncier, à jour au 1er décembre 2005.

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10. Le PPR est issu d’une loi du 2 février 1995 relative au


renforcement de la protection de l’environnement(8). Il constitue
aujourd'hui l'un des instruments essentiels de l'action de l'Etat en matière
de sécurité face aux risques environnementaux. Son objet consiste à
«délimiter les zones d’un territoire exposées aux risques ou susceptibles
d’y être exposées et de prévoir les mesures de prévention, de protection et
de sauvegarde à mettre en place, ainsi que l’aménagement de ces
zones »(9). Le PPR délimite et réglemente à l'intérieur de son périmètre
deux catégories de zones(10). La première intéresse des zones exposées aux
risques, dites de danger, où le règlement peut interdire toute construction.
Pour celles qui peuvent être autorisées, il doit prescrire les conditions dans
lesquelles elles doivent être réalisées, utilisées ou exploitées. La seconde
concerne des zones dites de précaution, non directement exposées aux
risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des
exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou
industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux.
11. Dans chacune des zones prédéterminées, le plan édicte des
mesures d'interdiction ou des prescriptions particulières, afin d'éviter
qu'une catastrophe ne se produise. Ces différentes règles sont définies dans
le règlement du plan. L'article L. 562-1, II, 1°, du Code de l'environnement
dispose notamment que les plans ont pour objet de délimiter lesdites zones
et « d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou
d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle
ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou
exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou
industrielles, pourraient y être autorisées, prescrire les conditions dans
lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ». Ces interdictions
ou prescriptions spécifiques doivent être prévues par le plan, tant pour la

(8)
Cette loi modifie celle n°87-565 du 22 juillet 1987 relative à l’organisation de la
sécurité civile, à la protection de la forêt contre l’incendie et à la prévention des
risques majeurs, qui avaient mis en place des plans d’exposition aux risques ou des
plans de surfaces submersibles.
(9)
S. RAMUS, « Audit de l’immeuble – Environnement – Prévention des risques
naturels », in fascicule 31 Environnement Jurisclasseur Géomètre Expert Foncier, à
jour au 1er décembre 2005, p1.
(10)
C. env., art. L 562-1.

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zone directement exposée aux risques naturels, que pour celle qui n'est
concernée qu'indirectement.
12. Le PPR peut également subordonner la réalisation de constructions
ou d'aménagements nouveaux à la constitution d'associations syndicales
chargées de certains travaux nécessaires à la prévention des risques. Il ne
concerne pas seulement les constructions et ouvrages nouveaux. Il peut
également définir des mesures relatives à l'aménagement, l'utilisation ou
l'exploitation des constructions, des ouvrages, des espaces mis en culture
ou plantés existant à la date d'approbation du plan et qui doivent être prises
par les propriétaires exploitants ou utilisateurs. Ces mesures, peuvent être
rendues obligatoires.
13. La portée juridique de ces documents n’est pas négligeable,
puisque le PPR a valeur de servitude d'utilité publique affectant l'utilisation
des sols. Cette servitude n’ouvre pas droit à indemnisation. En effet, la
jurisprudence a considéré que le législateur n’avait pas entendu permettre
une telle indemnisation, les servitudes établies dans le cadre d’un PPR
ayant pour objectif la sécurité des populations dans un périmètre restreint.
De ce fait, elles ne font pas supporter aux propriétaires dont le terrain est
devenu inconstructible, une charge anormale et spéciale(11).
14. La loi du 30 juillet 2003(12), relative à la prévention des risques
technologiques et naturels et à la réparation des dommages, a apporté des
prescriptions complémentaires. L’article L 125-5 du Code de
l'environnement rend désormais obligatoire lors de la cession ou de la
location d'un bien immobilier situé dans une zone couverte par un PPR, la
délivrance, par le vendeur ou le bailleur, d'une information sur l'existence
de risques naturels ainsi que, le cas échéant, sur les sinistres ayant affecté
le bien à l'occasion d'une catastrophe naturelle. A cette fin, un état des
risques est annexé à toute promesse unilatérale de vente ou d'achat et à tout
contrat réalisant ou constatant l'entrée dans les lieux du nouveau locataire.

(11)
CAA Nancy, 3e ch., 10 avr. 2003, Sté le Nid, Dict. perm. Construction-Urbanisme
2003, Bull. 321, p. 1139.
(12)
JO 31 juill. 2003.

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B.- Les conséquences juridiques pesant sur le constructeur


15. Le PPR a des effets directs sur les particuliers auxquels il peut
imposer, non seulement des interdictions, mais aussi des obligations de
faire (entretien, prévention, sauvegarde) sanctionnées par la mise en œuvre
de la procédure d'exécution d'office aux frais du contrevenant en cas de
carence(13). Une autre forme de sanction administrative a été prévue dans le
cadre de l’obtention d’une autorisation administrative, puisque les
contraintes issues du PPR ont forcément des répercussions sur la
délivrance du permis de construire, du permis d’aménager ou de la
déclaration préalable. Le juge administratif a confirmé que les PPR
pouvaient établir des prescriptions spécifiques d’urbanisme, de
construction d’aménagement et d’exploitation au regard de la nature et des
caractéristiques des ouvrages, pour des raisons de sécurité. Sur ce même
fondement, le plan peut même interdire la construction de tout bâtiment(14).
16. Il s’ensuit que l’interdiction de construire n’est pas la seule
solution qui s’impose lorsque le foncier à bâtir se situe en périmètre de
sécurité. Le droit de l’urbanisme offre d’autres alternatives pour encadrer
les constructions dans les zones soumises à un risque naturel. En fonction
du risque et du projet immobilier, la délivrance du permis ou de la
déclaration préalable sera assortie de prescriptions spécifiques. De ce fait,
le juge exerce un contrôle sur la délivrance des permis de construire sur le
fondement de l’erreur manifeste d’appréciation(15). Si les prescriptions,
dont un permis de construire est assorti, ne permettent pas d’exclure tout
risque pour la sécurité publique, alors le juge peut considérer le permis
comme illégal(16), alors que n’est pas illégale la délivrance d’un permis de
construire sans prescription supplémentaire dans une zone à risque naturel,
lorsque l’intensité de ce risque ne justifie pas l’adoption de telle mesure(17).

(13)
Article L562-1-III du code de l’environnement
(14)
CAA Versailles, 10 mai 2007, Mme Sylvie X, n°04MA02402
(15)
CCA Nantes 17 février 1999 préfet d’Indre et Loire, n°97NT01886, CAA Marseille,
20 septembre 2007, Mme Sylvie X n°04MA02402
(16)
CAA Nantes 6 mars 2007, M. Didier X n°05NT01449
(17)
CE 23 décembre1994, Ministère de l’Equipement c/M Peissik

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Droit de la construction et enjeux environnementaux :
Vers une modification des outils juridiques ?

17. Le PPR peut également entraîner des sanctions pénales en cas de


non respect des prescriptions qu’il prévoit. Outre l'exécution des travaux
d'office, envisageable en cas de refus de mise en œuvre des mesures de
prévention et d'aménagement, différentes sanctions sont prévues, en cas de
contravention aux interdictions ou des prescriptions spécifiques à chaque
zone. L'article L. 562-5, I, du Code de l'environnement dispose que « le fait
de construire ou d'aménager un terrain dans une zone interdite par un
plan de prévention des risques naturels approuvé ou de ne pas respecter
les conditions de réalisation, d'utilisation ou d'exploitation prescrites par
ce plan est puni des peines prévues à l'article L 480-4 du Code de
l'urbanisme ». Ces infractions sont des délits, sanctionnés par une amende
comprise entre 1 200 euros et un montant ne pouvant excéder 6 098 euros
au m², ou 300 000 euros(18). Par ailleurs, en réception de l’article L562-5
du Code de l’environnement, sont condamnés le fait de construire ou
d’aménager un terrain dans une zone interdite par un PPR approuvé et
celui de ne pas respecter les conditions de réalisation, d’utilisation ou
d’exploitation prescrites par le plan.
18. Le non respect de ces prescriptions a aussi des conséquences en
matière d’assurance. L’article L125-6 du Code des assurances dispose
qu’un assureur n’est pas tenu de garantir son assuré contre les effets des
catastrophes naturelles, lorsque les biens et les activités sont situés sur les
terrains classés inconstructibles par le plan de prévention des risques. Il en
va de même pour les biens construits en violation des règles
administratives en vigueur lors de l’implantation de ladite construction,
lorsque ces règles sont établies afin de prévenir les dommages causés par
une catastrophe naturelle. Selon l’article L562-1-4° du même code, le
propriétaire ou l’exploitant qui ne se conforme pas, dans un délai de 5 ans
à compter de la date de l’approbation du PPR, à ces mesures et obligations,
peut se voir priver d’une partie des garanties « catastrophes naturelles ».
Lorsqu'un immeuble bâti a connu un sinistre indemnisé en application de
l'article L. 125-2 du Code des assurances ou de l'article L. 128-2 dudit
Code, le vendeur ou le bailleur doit informer par écrit l'acquéreur ou le
locataire de tout sinistre dont il aurait eu connaissance. Cette information
est consignée dans l'acte authentique, en cas de vente. Toutes les

(18)
C. urb., art. L. 480-4.

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 Dr. Jean-Marc LE MASSON 

obligations prévues par l'article L. 125-5 du Code de l'environnement(19)


sont sanctionnées par le droit qui est conféré, à l'acquéreur ou au locataire,
de demander la résolution du contrat ou une diminution du prix, devant le
juge.
19. Le droit de la responsabilité civile reste bien évidemment une
source classique de sanctions. Au regard de ce qui précède, le vendeur ou
le bailleur peut être condamné sur le fondement de la responsabilité
contractuelle en matière de garantie des vices cachés, le vendeur étant tenu

(19)
Article L125-5 du code de l’environnement, modifié par Ordonnance n°2005-655
du 8 juin 2005 - art. 21 JORF 9 juin 2005
I.- Les acquéreurs ou locataires de biens immobiliers situés dans des zones
couvertes par un plan de prévention des risques technologiques ou par un plan
de prévention des risques naturels prévisibles, prescrit ou approuvé, ou dans des
zones de sismicité définies par décret en Conseil d'Etat, sont informés par le
vendeur ou le bailleur de l'existence des risques visés par ce plan ou ce décret.
A cet effet, un état des risques naturels et technologiques est établi à partir des
informations mises à disposition par le préfet. En cas de mise en vente de
l'immeuble, l'état est produit dans les conditions et selon les modalités prévues
aux articles L. 271-4 et L. 271-5 du code de la construction et de l'habitation.
II.- En cas de mise en location de l'immeuble, l'état des risques naturels et
technologiques est fourni au nouveau locataire dans les conditions et selon les
modalités prévues à l'article 3-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à
améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du
23 décembre 1986.
III.- Le préfet arrête la liste des communes dans lesquelles les dispositions du I et du
II sont applicables ainsi que, pour chaque commune concernée, la liste des
risques et des documents à prendre en compte.
IV.- Lorsqu'un immeuble bâti a subi un sinistre ayant donné lieu au versement d'une
indemnité en application de l'article L. 125-2 ou de l'article L. 128-2 du code
des assurances, le vendeur ou le bailleur de l'immeuble est tenu d'informer par
écrit l'acquéreur ou le locataire de tout sinistre survenu pendant la période où il
a été propriétaire de l'immeuble ou dont il a été lui-même informé en
application des présentes dispositions. En cas de vente de l'immeuble, cette
information est mentionnée dans l'acte authentique constatant la réalisation de
la vente.
V.- En cas de non-respect des dispositions du présent article, l'acquéreur ou le
locataire peut poursuivre la résolution du contrat ou demander au juge une
diminution du prix.
VI.- Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article.

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Droit de la construction et enjeux environnementaux :
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d’informer l’acheteur de la situation du bien faisant l’objet de la vente, il


doit l’avertir du caractère submersible du terrain(20), ou de l’instabilité du
sol(21). Toute dissimulation volontaire d’information de la part du vendeur
peut constituer une réticence dolosive susceptible d’entraîner la résolution
de la vente sur le fondement de l’article 1116 du code civil(22), même s’il
revient à l’acheteur de prouver le caractère vicié de son consentement par
lesdites dissimulations du vendeur(23). Naturellement, des phénomènes
naturels peuvent être une cause étrangère, exonératoire de responsabilité.
La jurisprudence estime, de la sorte, que la survenance d’un évènement
naturel, tel que l’inondation, la tempête, l’incendie de forêt ou autres
cyclone et éruption volcanique, peut exonérer le cocontractant, sous trois
conditions : ce phénomène naturel doit être irrésistible, imprévisible et le
débiteur ne doit pas en être la cause(24). Ces critères cumulatifs sont exigés
même lorsque l’état de catastrophe naturelle a été déclaré par
l’administration(25). De surcroit, la force majeure n’exonère le débiteur de
ses obligations que durant la période où elle l’empêche d’exécuter ses
obligations(26).
20. Sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, la responsabilité
pour faute en matière de risques naturels peut être recherchée pour de
multiples raisons. Par exemple, elle peut résulter du la réalisation de
travaux augmentant le risque d’inondation(27). En vertu de l’article 1383 du
code civil, la responsabilité peut également être engagée lorsque le
préjudice résulte d’une négligence ou d’une imprudence(28). Enfin, le
constructeur peut engager sa responsabilité civile à l’égard du maître
d’ouvrage ou de l’acquéreur de l’ouvrage, sur le fondement des articles
1792 et 1792-2 du Code civil. Cette responsabilité peut être encourue
durant une période de dix ans pour les dommages qui compromettent la
solidité de l’ouvrage du fait d’un affaissement de terrain ou
(20)
CA Besançon, 16 novembre 2004 M. Prada, n°02-01950
(21)
Cass. 3ème Civ 16 décembre 2003 M. X, n°02-14535
(22)
Cass. Civ 17 novembre 2004 Epoux X n°03-14958
(23)
Cass. Civ 16 janvier 2002 M. Chemama n°00-15620
(24)
Cass. 3ème civ, 3 avril 2001, Mme Pierre-Justin, n°99-17130
(25)
Cass, 3ème civ. 24 mars 1993, Commune d’Ossun, n°91-13-541
(26)
Cass. 3ème civ 13 juin 2007, Mme X n°06-12283
(27)
CA Caen 25 février 2003, Mme Canu, n°212529
(28)
Cass 3ème civ, 31 octobre 2007, Epoux X n°06-19128

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 Dr. Jean-Marc LE MASSON 

d’inondation(29), ou qui peuvent rendre l’ouvrage impropre à sa destination.


La jurisprudence considère que les vices du sol ne peuvent constituer un
cas de force majeure dans la mesure où l’architecte, comme l’entrepreneur,
doivent se livrer à des études de foncier.
21. Force est de constater que l’environnement est présent depuis
longtemps dans le droit positif français et qu’il influe tant sur l’élaboration
de la norme que sur les solutions jurisprudentielles. En empêchant de
construire, ou en contrôlant la constructibilité sur un sol à risque, le droit
de l’urbanisme a su poser les premiers jalons d’un ordonnancement
juridique qui se densifie sous la pression de contraintes environnementales
dites « modernes » et sans doute plus globales.
II.- L’incidence des contraintes environnementales « modernes »
sur l’acte de construire
22. Deux grands phénomènes environnementaux peuvent être
considérés comme des contraintes modernes majeures pour le domaine de
la construction : celui de la lutte contre le changement climatique par la
réduction des gaz influençant l’effet de serre, et la question de
l’épuisement des ressources énergétiques. Les interactions entre ces deux
domaines sont très fortes, puisque « les économies d'énergie sont, sans
doute, le moyen le plus rapide, le plus efficace avec le meilleur rapport
coût-efficacité, de réduire des émissions de gaz à effet de serre »(30). La
lutte contre l’émission de gaz à effet de serre(31) est devenue un enjeu
primordial du XXIème siècle, et du protocole de Kyoto à la décision

(29)
Cass 3ème civ. 15 décembre 1993 Entreprise SOCAE, n°91-22012, Cass 3ème civ, 19
novembre 1997, M. Giglio, n°96-11358
(30)
Commission européenne, « Livre vert sur l’efficacité énergétique ou Comment
consommer mieux avec moins », COM(2005) 265 final, p.5
(31)
« On entend par «émissions de gaz à effet de serre», les émissions de dioxyde de
carbone (CO2), de méthane (CH4), de protoxyde d’azote(N2O), d’hydrocarbures
fluorés (HFC), d’hydrocarbures per-fluorés (PFC) et d’hexafluorure de soufre
(SF6) (…) », article 2 de la Décision n°406/2009/CE du Parlement européen et du
Conseil du 23 avril 2009 relative à l’effort à fournir par les États membres pour
réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de respecter les engagements de la
Communauté en matière de réduction de ces émissions jusqu’en 2020, JOUE L140
du 05.06.2009 p.136.

318
Droit de la construction et enjeux environnementaux :
Vers une modification des outils juridiques ?

n°406/2009/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009(32),


cette ambition semble réunir l’ensemble de la communauté internationale.
23. En France, le Grenelle de l’environnement a favorisé l’adoption
des textes permettant d’y répondre. Comme en atteste le plan bâtiment du
Grenelle, des solutions d’ordre tant technique qu’économique doivent
inciter à la construction ou la rénovation d’ouvrages répondant à un
certains nombres d’objectifs, notamment ceux liés à la consommation
énergétique et aux émissions de gaz à effet de serre (A). Ces nouvelles
obligations environnementales, ou le renforcement des règles déjà en
vigueur, viennent perturber les relations contractuelles entre les
professionnels de la construction et leurs clients (B).
A.- Le renforcement des obligations d’ordre technique
24. Les législateurs communautaire et français, conscients des limites
des mesures simplement incitatives, ont choisi l’approche contraignante
qui seule permet de faire évoluer rapidement les comportements. Tout est
venu des textes communautaires qui ont joué un rôle éminent dans
l’adoption par le législateur français de normes dans le domaine de
l’immobilier, en fixant un certain nombre d’objectifs généraux pour
l’ensemble des membres de l’Union européenne, à charge pour chaque Etat
de prendre les mesures nécessaires en vue d’y répondre. En réalité,
«(l)'Union européenne doit faire face à des défis énergétiques sans
précédent qui s'expliquent par la dépendance accrue à l'égard des
importations, par le souci relatif aux approvisionnements en combustibles
fossiles dans le monde et par le changement climatique tout à fait
manifeste »(33). Or, en 2007, la consommation d’énergie finale de l’Union
européenne s’élevait à 35% pour le seul secteur du bâtiment (secteur
résidentiel et secteur tertiaire), contre 25% pour le secteur de l’industrie et
30% pour celui des transports(34).
(32)
Décision n°406/2009/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009
relative à l’effort à fournir par les États membres pour réduire leurs émissions de gaz
à effet de serre afin de respecter les engagements de la Communauté en matière de
réduction de ces émissions jusqu’en 2020, JOUE L140/136 du 05.06.2009
(33)
Communication de la Commission, « Plan d'action pour l'efficacité énergétique:
réaliser le potentiel », COM(2006)545 final, p.3
(34)
L’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME),
« L’efficacité énergétique dans l’Union européenne. Panorama des politiques et des
bonnes pratiques », novembre 2008, p.6

319
 Dr. Jean-Marc LE MASSON 

25. Le bâtiment est ainsi devenu la première cible de la politique


communautaire pour l’efficacité énergétique. Pour parvenir à une meilleure
régulation de la consommation énergétique des bâtiments, deux directives
importantes ont été adoptées, la directive sur la performance énergétique
des bâtiments(35), et la directive relative à l'efficacité énergétique dans les
utilisations finales et aux services énergétiques(36), qui a « introduit, en
outre, l’obligation de réaliser des audits énergétiques, ainsi que le relevé
et la facturation explicative de la consommation d’énergie »(37) des
bâtiments.
26. La France a suivi la même pente, en érigeant une réglementation
technique et économique de plus en plus contraignante. La loi de
programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de
l’environnement(38) est la première étape d’un processus qui vise à une
réduction de 14% de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2020. Le
secteur du bâtiment qui « consomme plus de 40% de l’énergie finale et
contribue pour près du quart aux émissions nationales de gaz à effet de
serre, représente le principal gisement d’économies d’énergie exploitable
immédiatement. (…). Le Grenelle de l’environnement a donc fixé des
objectifs très ambitieux en terme de réduction des consommations
énergétiques et des émissions en gaz à effet de serre des bâtiments neufs ou
existants »(39), au nombre de quatre(40). En premier lieu, la volonté est de

(35)
Directive 2002/91/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2002,
sur la performance énergétique des bâtiments, publiée au JOUE L 001 du 04.01.2003
(36)
Directive 2006/32/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 5 avril
2006 relative à l'efficacité énergétique dans les utilisations finales et aux services
énergétiques et abrogeant la directive 93/76/CEE du Conseil, JOUE L114 du
27.04.2006 pp64-85
(37)
L’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME),
« L’efficacité énergétique dans l’Union européenne. Panorama des politiques et des
bonnes pratiques », novembre 2008, p.15
(38)
La loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement
adoptée par le Parlement le 23 juillet 2009 et promulguée le 3 août 2009 (JO du 5
août 2009).
(39)
Commissariat général au développement durable, Ministère de l’écologie, de
l’énergie, du développement durable et de la mer, Rapport annuel au Parlement sur
la mise en œuvre des engagements du Grenelle Environnement, 10 octobre 2009,
p54-55.

320
Droit de la construction et enjeux environnementaux :
Vers une modification des outils juridiques ?

« renforcer la réglementation thermique sur les constructions neuves pour


atteindre à l’horizon 2012 une consommation maximale de 50kWh/m2/an
en moyenne (niveau «bâtiments basse consommation)», et à horizon 2020
le niveau «énergie positive» », bâtiment produisant plus d’énergie qu’il
n’en consomme. En application de l’article 4 de la loi Grenelle 1(41), les
permis de construire doivent être sollicités accompagnés d’une note
concernant la consommation d’énergie primaire devant être inférieure à
50kwh/m2 par an en moyenne. La création de certificats d’économie
d’énergie est également innovante. Ce dispositif, mis en place dans le
cadre d’orientations nationales(42), entend réduire les consommations
d’énergie dans les bâtiments existants d’au moins 38% d’ici à 2020.
27. les moyens pour atteindre ces résultats sont aussi nombreux
qu’obligatoires. Au premier chef, la réglementation thermique 2005, dont
la France s’est dotée, s'applique aux bâtiments neufs résidentiels et qui,
pour l’essentiel, ont fait l’objet d’une demande de permis de construire
après 1er septembre 2006. Cette RT 2005 est définie par les articles L.111-
9, inséré par la loi du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations
de la politique énergétique, R.111-6 et R.111-20 du Code de la
construction et de l'habitation. La RT 2005 a repris les principes de la RT
2000, en affirmant que le maître de l’ouvrage a la possibilité de retenir la
solution la plus économique pour atteindre la performance exigée.

(40)
Article 3 à 6 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la
mise en œuvre du Grenelle de l'environnement
(41)
Article 4 a) de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise
en œuvre du Grenelle de l'environnement : « Toutes les constructions neuves faisant
l'objet d'une demande de permis de construire déposée à compter de la fin 2012 et,
par anticipation à compter de la fin 2010, s'il s'agit de bâtiments publics et de
bâtiments affectés au secteur tertiaire, présentent une consommation d'énergie
primaire inférieure à un seuil de 50 kilowattheures par mètre carré et par an en
moyenne ».
(42)
Loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique
énergétique complétée par le décret du 23 mai 2006, lui-même modifié par décret n°
2009-803 du 26 juin 2009 modifiant le décret
n° 2006-600 du 23 mai 2006 relatif aux obligations d'économies d'énergie
dans le cadre du dispositif des certificats d'économies d'énergie. Voir en ce
sens, F-G Trébulle, « L’accroissement de la prise en compte du développement
durable dans le secteur de la construction », in RDI n°4- Mai 2008 p.179

321
 Dr. Jean-Marc LE MASSON 

28. Désormais, la construction d’un bâtiment doit respecter certaines


règles participant des économies d’énergie, et exigeant que la
consommation globale de chauffage, d’eau chaude sanitaire, de
refroidissement, et d'éclairage dans le cas d'un bâtiment tertiaire, soit
inférieure à la consommation de référence de ce bâtiment, qui correspond à
la consommation qu'aurait ledit bâtiment pour des performances imposées
des ouvrages et des équipements qui le composent. Mais, la réglementation
laisse le concepteur libre d'utiliser des équipements ou matériaux de
performance inférieure à la référence, dans certaines limites. En effet, des
performances minimales sont requises pour une série de composants
(isolation, ventilation, système de chauffage...), notamment au niveau des
déperditions par les ponts thermiques.
29. L’objectif est de contraindre à des économies d’énergie sans
entraîner de surcoûts importants de la construction. A ce titre, la RT2005
postulant un renforcement de la performance énergétique globale du
bâtiment, les concepteurs et les maîtres d'ouvrage ont le choix entre
plusieurs composants. Dès lors, si la conception bioclimatique et
énergétique du bâtiment est prise en compte dès l’origine du projet, le
ministère estime que le "surcoût" de construction sera en moyenne de
l'ordre de 2%, pour des économies d’énergie appréciées à 15 %. Ce n’est
qu’à l’égard des bâtiments faisant appel à de nouvelles technologies que le
surcoût pourrait être plus conséquent, de l’ordre de 5%, telles certaines
maisons individuelles qui seront équipées, dans les régions les plus froides,
de planchers rayonnants électriques.
30. Autre innovation, issue du décret du 14 septembre 2006 relatif au
diagnostic de performance énergétique et à l'état de l'installation intérieure
de gaz dans certains bâtiments, le diagnostic de performance énergétique
est imposé pour les bâtiments neufs et les parties nouvelles de bâtiment
pour lesquelles la demande de permis de construire est postérieure au 30
juin 2007. Le maître de l’ouvrage doit faire établir un tel diagnostic par un
professionnel indépendant qui doit se livrer à une synthèse d'étude
thermique standardisée de la RT2005 accompagnée d'une vérification sur
site afin de s’assurer de la cohérence entre cette synthèse et le bâtiment

322
Droit de la construction et enjeux environnementaux :
Vers une modification des outils juridiques ?

construit, et d’évaluer les consommations d’énergie et les émissions de gaz


à effet de serre en relation avec les frais énergétiques annuels du bâtiment.
31. Les études de faisabilité pour les bâtiments neufs constituent une
nouvelle obligation pour le maître de l’ouvrage d'une opération de
construction de surface hors œuvre nette supérieure à 1000 m² qui doit,
depuis le 1er janvier 2008, réaliser, avant le dépôt du permis de construire,
une étude de faisabilité technique et économique des diverses solutions
d'approvisionnement en énergie de la construction (art L.111-9 du code de
la construction et de l'habitation). Cette mesure entend favoriser le recours
aux énergies renouvelables et aux systèmes les plus performants. Le maître
d'ouvrage a le choix entre la ou les sources d'énergie de la construction, et
peut se servir des conclusions de cette étude qui lui donnent des indicateurs
énergétiques, environnementaux et économiques.
32. Point d’orgue des dispositifs contribuant au respect de
l’environnement, la France s’est inquiétée de la réversibilité en maisons
individuelles. Il s’agit de promouvoir l'utilisation des énergies
renouvelables et ne permettre de tenir compte, dans le futur, et dès la
construction, des possibilités d'évolutions des choix d'approvisionnement
énergétiques en maison individuelle. Selon le décret du 31 octobre 2005,
«les maisons individuelles chauffées à l'électricité sont équipées, lors de
leur construction, d'un système d'évacuation des fumées vertical
compatible avec le raccordement d'une installation de chauffage à
combustible gazeux, liquide ou solide et d'un foyer fermé à bois ou à
biomasse. Une réservation dans les planchers des niveaux intermédiaires
est réalisée pour le passage du conduit. En l'absence de raccordement, le
système d'évacuation est obturé de façon étanche». Cette disposition est
obligatoire pour toutes les maisons individuelles chauffées à l'électricité
dont la demande de permis de construire a été déposée depuis le 1er
septembre 2006.
33. Ce cadre juridique vise à favoriser le développement de systèmes
et techniques constructives performants, dans la perspective des futurs
renforcements de la réglementation à horizon 2010, 2012 et 2020. Pour en
bénéficier un bâtiment doit non seulement être performant d'un point de
vue thermique mais faire également l'objet d'une certification portant sur la
sécurité, la durabilité et les conditions d'exploitation des installations de

323
 Dr. Jean-Marc LE MASSON 

chauffage, de production d'eau chaude sanitaire, de climatisation et


d'éclairage ou encore sur la qualité globale du bâtiment. Le label « haute
performance énergétique » indique que le bâtiment respecte un niveau de
performance énergétique globale supérieur à l'exigence réglementaire,
vérifié grâce à des modalités minimales de contrôle.
34. L’autorisation de dépassement du coefficient d’occupation des
sols, introduite aux articles L. 128-1 et L. 128-2 du Code de l'urbanisme et
aux articles R. 111-21 et 22 du code de la construction et de l'habitation est
également une mesure devant inciter au respect de l’environnement. Le
dépassement dont il s’agit peut aller jusqu’à 20% en fonction de certains
critères. Pour en bénéficier, les constructions neuves de logements
collectifs, de maisons individuelles groupées, d'immeubles à usage tertiaire
doivent répondre aux critères du label « haute performance énergétique ».
Pour les maisons individuelles isolées neuves, le bénéfice du dépassement
du COS peut être accordé à la double condition d'avoir un niveau de
consommation inférieur de 20 % au moins à la consommation de référence
résultant de l'application de la RT 2005 et de d’utiliser des énergies
renouvelables ou des pompes à chaleur performantes.
35. Enfin, la recherche de la meilleure solution environnementale peut
être provoquée par des incitations fiscales, notamment une exonération
fiscale, telle celle de la taxe foncière sur les propriétés bâties. En effet, les
bâtiments à usage de logement neufs achevés à compter du 1er janvier 2009
ayant un label « bâtiment basse consommation énergétique, BBC 2005 »
peuvent prétendre à cette exonération, qui peut aller de 50 % à 100 % selon
la décision des collectivités territoriales.
36. Dans le but de préparer les acteurs de la construction aux
inévitables évolutions technologiques majeures qui interviendront à moyen
terme, et en vue de susciter une demande de logements construits selon les
normes BBC « bâtiments basse consommation » ou BEPOS « bâtiment à
énergie positive », la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la
mise en œuvre du Grenelle de l’environnement a voulu inciter les ménages
à faire l’acquisition de logements neufs en avance sur la réglementation
thermique en compensant une partie des surcoûts liés à l’acquisition de ce
type de logements. Des prêts à taux zéro sont ainsi majorés de 20 000 € au
maximum pour les acquisitions de logements neufs présentant une

324
Droit de la construction et enjeux environnementaux :
Vers une modification des outils juridiques ?

performance énergétique globale élevée, c'est-à-dire labellisés bâtiment


basse consommation (BBC).
37. Il est loisible de constater que le maître de l’ouvrage conserve,
malgré tout, une réelle liberté de choix dans son projet, et « les
professionnels qui sont à ses côtés pour l’éclairer en la matière vont se
développer »(43). Si la formation des professionnels à ces nouveaux outils
juridiques environnementaux est l’une des clés de la réussite de la lutte
pour la préservation de l’environnement, il faudra tout autant en passer par
une nouvelle compréhension de l’acte de construire pour que l’ensemble
des professionnels de la construction travaille de concert et inclue
l’approche environnementale globale dans leurs projets, de l’élaboration
jusqu’à la destruction. Cette démarche que d’aucuns qualifient de
« construction durable », conduit à une lecture renouvelée des relations
entre les différentes parties du projet de construction.
B.- Les modifications des rapports entre les parties au contrat de
construction
38. Les nouvelles règles rapidement décrites ci-dessus influent
nécessairement sur les relations entre professionnels de la construction
comme entre ceux-ci et leurs cocontractants. Les obligations réciproques
s’en trouvent soit renforcées, soit déplacées, avec d’inévitables incidences
sur le régime des responsabilités qui sera amené à évoluer dans les années
à venir, mais sans que l’on sache mesurer avec précision l’ampleur de ces
changements.
39. Les règles de construction ont toujours été posées pour garantir un
niveau minimal de qualité de la construction, dans tous ses aspects. Si leur
respect donne traditionnellement lieu à des contentieux, aussi longs
qu’incertains quant à leur aboutissement, il fait déjà l’objet d’un contrôle
en amont destiné à s’assurer que le constructeur a rempli toutes ses
obligations résultant, outre des prescriptions contractuelles et des règles de
l’art, de l’application de la réglementation environnementale dans le
domaine de la construction.

(43)
F-G Trébulle, « L’accroissement de la prise en compte du développement durable
dans le secteur de la construction », in RDI n°4- Mai 2008, p181

325
 Dr. Jean-Marc LE MASSON 

40. Tous les acteurs de la construction sont concernés et responsables


de la qualité recherchée, de la commande à la réalisation d’un bâtiment, en
passant par sa conception, du maître de l’ouvrage à l’origine du projet, au
maître d’œuvre concevant le bâtiment, aux entrepreneurs réalisant les
travaux, au contrôleur technique chargé de certaines vérifications, à
l’assureur proposant une protection adaptée, aux industriels fabriquant les
produits de construction, et la liste n’est certes pas exhaustive.
41. De même, de très nombreux dispositifs de vérification de la bonne
application des règles sont prévus tout au long de la construction. Il existe
des contrôles qui doivent être réalisés par des organismes sous agrément de
l’Administration, tels le contrôle technique obligatoire pour certaines
constructions, les certificats de conformité « Consuel » et « Qualigaz », ou
les attestations de prise en compte de la réglementation (par exemple en
matière d’accessibilité). Il se trouve aussi des contrôles régaliens effectués
par l’Administration elle-même (État ou collectivités publiques), à savoir,
d’une part, le contrôle du respect des règles de construction (CRC) et,
d’autre part, les contrôles spécifiques aux établissements recevant du
public et aux immeubles de grande hauteur. A ces dispositifs, s’ajoutent
des vérifications exigées dans le cadre des démarches « qualité » (auto-
contrôle, audit…) propres aux certifications ou aux procédures internes que
peuvent avoir mis en place les différents acteurs de la construction et
d’autres vérifications qui peuvent être exigées par le maître de l’ouvrage,
lequel peut, en particulier dans le cadre d’un contrat, missionner un
contrôleur technique au-delà des obligations réglementaires.
42. Le non-respect des règles de construction, par l’un ou l’autre des
acteurs de la construction, à toute étape du projet de bâtiment, pénalise
l’usager, fausse la concurrence et peut générer des effets néfastes pour la
santé et l’environnement. Le contrôle du respect des règles de construction
constitue en premier lieu une mission de police judiciaire ayant pour
objectif de vérifier le respect de ces règles. Le CRC permet également
d’observer le suivi de l’application de ces règles, en particulier lors de la
sortie de nouvelles réglementations, et contribue ainsi à détecter les
difficultés de compréhension et d’application des textes réglementaires.
Enfin, le CRC représente un véritable vecteur de mobilisation de
l’ensemble des professionnels de la construction. Le CRC apparaît en

326
Droit de la construction et enjeux environnementaux :
Vers une modification des outils juridiques ?

définitive comme un outil au service d’une plus grande qualité des


bâtiments.

43. En outre, la direction générale de l’aménagement, du logement et


de la nature (DGALN) veille aux conditions de mise en œuvre et à
l’efficacité des politiques techniques, notamment à travers le pilotage
national du contrôle du respect des règles de construction. L’organisation
des contrôles est réalisée à l’échelon départemental, en fonction
notamment de la politique régionale de la qualité de la construction. Les
contrôleurs sont des agents de l’État ou des collectivités territoriales,
assermentés et commissionnés à cet effet. L’administration peut exercer un
droit de visite et de communication des documents techniques pendant les
travaux et jusqu’à 3 ans après leur achèvement (article L. 151-1 du Code
de la construction et de l’habitation). L’article L. 152-1 du Code de la
construction et de l’habitation précise également les infractions aux règles
de construction qui peuvent faire l’objet de procès-verbaux dressés par les
contrôleurs. C’est donc chaque année un large échantillon de constructions
neuves qui sont contrôlées, en fonction d’une part d’un tirage statistique, et
d’autre part de la politique de contrôle locale.

44. Dans le prolongement de ces nouvelles procédures de contrôle, et


anticipant sur les constats du non respect des règles de construction que les
vérifications ne manqueront pas de mettre en lumière, la doctrine
s’interroge sur les conséquences de l’émergence du droit de
l’environnement dans le droit de la construction. Pourra-t-on mettre en
cause la responsabilité du constructeur dans le cadre de l’utilisation des
nouveaux éco-matériaux (désordre sériel) ? Pourra-t-on faire jouer la
responsabilité du constructeur en cas de non obtention des performances
requises dans le cadre du DPE ? Qu’en sera-t-il d’une éventuelle
responsabilité en matière de résultat dans le domaine de l’efficacité
énergétique ? Et d’ailleurs, qu’est-ce que ce contrat fondé sur une offre
globale, approche innovante voulant que différents corps de métiers se
lient par convention en vue de la réalisation commune d’une construction ?
Où la jurisprudence placera-t-elle le curseur de la responsabilité face à une
multiplicité d’acteurs ayant tous contribué à l’édification d’un bâtiment ?

327
 Dr. Jean-Marc LE MASSON 

Dans la mesure où le Grenelle de l’environnement va conduire à


l’élaboration de nouvelles normes encore plus exigeantes en matière de
performance et de qualité des constructions, il y a tout lieu de penser, sinon
de craindre, que le droit français de la responsabilité en matière de
construction ne soit appelé à de profonds bouleversements, à plus ou moins
brève échéance.

328

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