PDF of Histoire Naturelle Du Silence 1St Edition Jerome Sueur Full Chapter Ebook
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Jérôme Sueur
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Qu’est-ce que le silence ? Est-ce vraiment l’absence de
tout ? En écoutant bien, le silence n’est peut-être pas
celui que l’on croit. Il n’est ni vide ni singulier, mais
plein et pluriel. On découvre les grands silences, peut-
être inquiétants, des vastes horizons, les silences
naturels qui sonnent tout sauf creux, les silences
quotidiens dans l’attaque des prédateurs, la discrétion
des proies ou les soupirs des enlacements. Aller
chercher les silences dans l’évolution, le comportement
animal et l’écologie, c’est aussi découvrir en
contrepoint la diversité sonore étoilée du monde
sauvage et dénoncer les bruits, ces horribles
grincements de nos agitations, qui les menacent. Et si
on respirait quelques instants pour écouter le silence
et son histoire naturelle ?
ACTES SUD
“MONDES SAUVAGES”
POUR UNE NOUVELLE ALLIANCE
La nation iroquoise avait l’habitude de demander, avant chaque palabre, qui, dans
l’assemblée, allait parler au nom du loup.
En se réappropriant cette ancienne tradition, la collection “Mondes sauvages” souhaite
offrir un lieu d’expression privilégié à tous ceux qui, aujourd’hui, mettent en place des
stratégies originales pour être à l’écoute des êtres vivants. La biologie et l’éthologie du
XXIe siècle atteignent désormais un degré de précision suffisant pour distinguer les
individus et les envisager avec leurs personnalités et leurs histoires de vie singulières. C’est
une approche biographique du vivant. En allant à la rencontre des animaux sur leurs
territoires, ces auteurs partent en “mission diplomatique” au cœur du monde sauvage.
Ils deviennent, au fil de leurs expériences et de leurs aventures, les meilleurs interprètes
de tous ces peuples qui n’ont pas la parole, mais avec lesquels nous faisons monde
commun. Parce que nous partageons avec eux les mêmes territoires et la même histoire,
parce que notre survie en tant qu’espèce dépend de la leur, la question de la cohabitation
et du vivre-ensemble devient centrale. Il nous faut créer les conditions d’un dialogue à
nouveaux frais avec tous les êtres vivants, les conditions d’une nouvelle alliance.
HISTOIRE NATURELLE
DU SILENCE
Crédits des citations
Épigraphe p. 9 : Extrait de Sounds par Vladimir Nabokov. © 1991, Vladimir Nabokov, utilisé
avec la permission de
The Wylie Agency (UK) Limited.
© Éditions Gallimard pour la traduction française.
HISTOIRE
NATURELLE
DU SILENCE
Préface de Gilles Boeuf
SOMMAIRE
Préface. de Gilles Boeuf
CHAPITRE 1
CHAPITRE 2
L’ESSENCE DU SON
CHAPITRE 3
SOUS LES TROPIQUES
CHAPITRE 4
CHAPITRE 5
AU CŒUR DU JURA
CHAPITRE 6
L’ENNEMI
CHAPITRE 7
AU LABORATOIRE
CHAPITRE 8
ABSOLU
CHAPITRE 9
NATUREL
CHAPITRE 10
PLEYEL
CHAPITRE 11
MUSIQUE !
CHAPITRE 12
LES UNS, LES AUTRES
CHAPITRE 13
ENTENDRE OU NE PAS ENTENDRE
CHAPITRE 14
AU MUSÉE
CHAPITRE 15
PASSÉ
CHAPITRE 16
SE CACHER
CHAPITRE 17
JOURS SOLAIRES
CHAPITRE 18
AMOUREUX
CHAPITRE 19
ENSEMBLE
CHAPITRE 20
PARTAGE
CHAPITRE 21
BATAILLES
CHAPITRE 22
OÙ
CHAPITRE 23
GRANDS SILENCES
CHAPITRE 24
SILENCE, ON CONFINE !
CHAPITRE 25
GARDER LE SILENCE
Conclusion
Notes
Remerciements
Tu te taisais avec légèreté et insouciance, comme se taisent les nuages, les
plantes. Tout silence contient l’hypothèse d’un secret. À beaucoup tu semblais
secrète.
VLADIMIR NABOKOV, “Le Bruit”,
trad. Gilles Barbedette et Bernard Kreise1.
PRÉFACE
Quel livre !!
Histoire naturelle du silence… Quel joli titre… La nature est-elle
parfois silencieuse ? Oui, mais pas si souvent ! En 2011, au Muséum
à Paris, Jérôme Sueur me présente celui qui va devenir un ami,
l’extraordinaire bioacousticien américain Bernie Krause, qui venait
alors de publier Le Grand Orchestre animal. Bernie présentera à la
Fondation Cartier à Paris une exposition sur le même titre, qui fera
date, et permettra de sauver ses enregistrements sonores qui ont
disparu lors du grand incendie en Californie.
Depuis la fin des années 1960, Bernie Krause, souvent cité par
l’auteur dans son livre, a joué un rôle de pionnier considérable dans
l’étude des sons de la nature, aidant au développement d’une
discipline nouvelle aux États-Unis, la bioacoustique. Avec Jérôme, ils
me formeront tous les deux “aux sons de la nature”… Même si de
tout temps l’humain, chasseur et cueilleur, puis cultivateur et éleveur,
a écouté la nature, les approches scientifiques et technologiques ont
mis du temps à décoller et, jusqu’à une époque très récente, ces
sons ont été peu exploités scientifiquement. Durant la première
moitié du xxe siècle, les sons sont enregistrés au moyen du
phonographe, puis de nouvelles technologies apparaissent peu à
peu, notamment grâce à l’essor de l’électronique : des oscilloscopes,
des caméras acoustiques, des microphones et des hydrophones de
plus en plus perfectionnés (souvent utilisés pour les “chants” des
baleines) qui permettront des approches toujours plus sophistiquées
et favoriseront l’essor de cette nouvelle discipline.
Les progrès les plus récents concernent l’impact du bruit
anthropique (le son des activités humaines, l’“anthropophonie”) sur
le vivant et étudient les relations entre les humains, les “non-
humains” et leur environnement acoustique, souvent dénommé
“paysage sonore”. Des recherches nouvelles portent également sur
une technique non invasive permettant d’estimer la biodiversité
(pour certaines espèces de grenouilles, par exemple, qui ne sont pas
discriminables par leur apparence mais qui produisent des sons
totalement différents), conduisant à une nouvelle discipline, l’éco-
acoustique, née il y a quelques années en France au Muséum
national d’histoire naturelle.
Dans son ouvrage, Jérôme Sueur écrit : “Le son est omniprésent
au-dehors mais il grogne aussi au-dedans : il entre par nos oreilles
et n’en ressort pas, il traverse nos corps sans mal, il atteint nos
organes, touche nos enfants en devenir. Nos corps sont eux-mêmes
des sources sonores, ils pulsent en continu de battements
cardiaques, ils bruxent dans nos sommeils, ils craquent de nos
étirements articulaires et ils gargouillent de bouillonnements
gastriques quand la faim nous tenaille.
À chaque instant, jours comme nuits, nous sommes donc la cible et
l’origine de flèches sonores. Il suffit de fermer les yeux, de se
concentrer quelques secondes et d’analyser la scène acoustique qui
se déroule autour de nous pour nous rendre compte de cette
omniprésence sonore. Voix, musiques, corps, plantes, vents, pluies,
orages, objets envoient ou renvoient des sons qui nous bombardent
tous et tout le temps, rarement en solitaires, souvent en mêlées.”
Ainsi cet ouvrage est une merveilleuse incitation à écouter tous ces
“paysages sonores” qui nous environnent. L’auteur s’évertue à nous
décrire, parfois avec beaucoup de poésie, toujours avec une solide
base technique et scientifique, une foultitude d’espèces et de
milieux, tant continentaux qu’océaniques, tant terrestres
qu’aquatiques. Sommes-nous capables de percevoir ces sons et de
les interpréter ? Nous nous souvenons très bien des visions et des
odeurs de notre enfance, en est-il de même pour des sons ? Il est
réel que nous avons perdu beaucoup de nos facultés de perception
de nos environnements, émoussées par une vie différente et trop
coupée de la nature dans laquelle nous évoluions il n’y a pas si
longtemps. Il n’est que d’observer des aborigènes australiens
capables d’entendre un lézard fouissant le sable du désert, capacité
vitale dans la survie en milieux si hostiles.
“Le bruit, l’ennemi du silence, ne se camoufle pas, dit l’auteur. C’est
un ennemi de masse qui se fait entendre à toute heure et en toute
circonstance.” Et cette situation génère énormément de nuisances et
de pathologies chez l’humain, alors même que la plupart des bruits
sont créés par des activités strictement humaines (anthropophonie).
“L’homme n’aime pas le bruit mais aime faire du bruit.” Écoutez les
sarabandes de jet-skis sur nos rivages ou lacs durant l’été ! Si je fais
du bruit, c’est que j’existe ! Alors le silence est-il “un son qui ne fait
pas de bruit” ? Quelle jolie définition, d’un gamin d’école
maternelle !
Gilles Boeuf,
professeur à Sorbonne Université,
ancien président du Muséum national
d’histoire naturelle, professeur invité
au Collège de France.
CHAPITRE 1
L’ESSENCE DU SON
En quelques traces de raquettes, j’avais perçu l’épaisseur du silence
d’un paysage de montagne emprisonné dans la neige. Était-ce donc
cela, le silence ? Un instant de solitude et de repos dans une nature
habillée de glace et de froid ? Le silence serait-il un calme
acoustique où seuls flottent encore quelques flocons sonores – un
froissement de plumes, le délitement d’une neige maladroite ? Le
silence serait-il une absence de sons et, par là, un manque
d’informations venant de l’environnement ?
Mais comment arriver alors à circonscrire une absence, une forme
de vide ? Comment définir l’antimatière, le silence, sans s’intéresser
à la matière, le son ? Pour connaître le silence, il faut inévitablement
savoir le son. Qui est le son ? Quel est cet animal frétillant mais sans
corps qui s’insinue en permanence, même lorsque nous dormons,
dans les circonvolutions de nos oreilles externes, tapotille nos
tympans, secoue gentiment les étriers, marteaux et enclumes de nos
oreilles internes, circule en spirale dans nos cochlées, voyage le long
de nos nerfs comme dans un train et, finalement, éveille les
neurones de nos cerveaux ?
Selon les lois de la physique, le son est une modification de la
pression ou de la densité d’un gaz, d’un fluide ou d’un solide due à
la mise en vibration endogène ou exogène d’un objet. Quel que soit
cet objet, un piano, un grille-pain, un hêtre pourpre ou un rorqual, le
son voyage avec l’air, l’eau, les matières végétales et minérales. Sans
son médium, le son n’est rien. En réalité, le son se confond avec son
milieu de propagation : le son est air, eau, plante ou caillou et il est
là depuis que les matières gazeuses, liquides et solides terrestres
existent. Si le son s’atténue avec la distance, rebondit et se diffracte
contre les obstacles, il peut aussi passer d’un milieu à l’autre, de l’air
à l’eau, de l’eau à un rocher, d’un rocher à une plante et d’une
plante à l’air. Le son ne connaît pas de frontières, il se disperse,
s’insinue, puis s’évacue partout. Tous les trajets sont possibles tant
que le son est assez énergique et que la matière se laisse déformer.
Aujourd’hui, en cet instant d’écriture, tout vibre autour de moi, à
fleur de peau, la mésange bleue sur le prunus brun du jardin, la
radio de la cuisine, le chat de la voisine. Tout vibre aussi loin de
moi : au même instant, le son passe et repasse dans l’humidité des
forêts tropicales, le froid des taïgas, la sécheresse des déserts ; il
s’immerge dans l’eau des rivières, des lacs, des fleuves, des mares,
des mers, des océans ; il traverse les fleurs, les épis, les bourgeons,
les fruits, les feuilles, les troncs et les branches ; il voyage dans la
roche des sols, le sable des plages, les couches profondes de la
croûte terrestre.
Le son est omniprésent au-dehors mais il grogne aussi au-dedans :
il entre par nos oreilles et n’en ressort pas, il traverse nos corps sans
mal, il atteint nos organes, touche nos enfants en devenir. Nos corps
sont eux-mêmes des sources sonores, ils pulsent en continu de
battements cardiaques, ils bruxent dans nos sommeils, ils craquent
de nos étirements articulaires et ils gargouillent de bouillonnements
gastriques quand la faim nous tenaille.
À chaque instant, jours comme nuits, nous sommes donc la cible et
l’origine de flèches sonores. Il suffit de fermer les yeux, de se
concentrer quelques secondes et d’analyser la scène acoustique qui
se déroule autour de nous pour nous rendre compte de cette
omniprésence sonore. Voix, musiques, corps, plantes, vents, pluies,
orages, objets envoient ou renvoient des sons qui nous bombardent
tous et tout le temps, rarement en solitaires, souvent en mêlées.
Le son est un élément essentiel de nos vies intra-utérine et extra-
utérine, de nos survies. Le son par la parole est la base
fondamentale de nos liens familiaux et sociaux et le son nous
informe en permanence sur l’état et les changements de notre
environnement. Armature d’un réseau immense qui connecte et
renseigne les êtres vivants, le son nous distrait, nous détend, nous
alerte, nous anime, parfois nous contrôle ou nous horripile. Le son
pénètre nos corps pour le meilleur comme pour le pire.
Dans l’air, le son est une alternance, plus ou moins régulière, plus
ou moins complexe, de compressions et de dilatations longitudinales
des particules atmosphériques. Ces particules oscillent autour de leur
position, ne s’éloignant jamais bien loin, au plus à quelques dizaines
de nanomètres. De ce petit geste particulaire émerge un grand
phénomène : les nano-oscillations des particules se transmettent de
proche en proche si bien que l’alternance compression-dilatation
parvient à se propager sur de longues distances, parfois des
kilomètres. Les mouvements des particules sont petits et faibles,
mais l’onde sonore est grande et puissante et les différences de
pression qui en résultent peuvent tout changer en nous. Quelle
étrangeté de ne pouvoir voir le son parfois si intense qu’il en est
douloureux. Pour cela, il nous faut passer par le truchement de
capteurs sensibles – des microphones, des accéléromètres, des
vibromètres laser – et des transformées mathématiques qui
changent le son en image.
La description physique d’une onde sonore se fait selon quatre
dimensions principales : l’amplitude, la durée, la fréquence et la
phase. L’amplitude représente la force, la pression, l’énergie, la
puissance, l’intensité du son. Tous ces termes de physique
mécanique sont liés les uns aux autres par des variables
d’accélération, de masse, de surface, de masse volumique, de
célérité, d’impédance et de temps. Au-delà des mathématiques sous-
jacentes, relativement simples par ailleurs, il est juste essentiel de
retenir que plus l’amplitude d’un son est grande, plus celui-ci
déforme son milieu de transport. Le barrissement de l’éléphant
africain déplace plus les particules d’air que les battements alaires
d’un moustique qui lui tourne autour des oreilles.
La deuxième dimension, purement temporelle, est plus facile à
cerner. Un son n’est pas un événement infini, il a un début et une
fin, une durée. Si chaque son porte en lui son histoire faite
d’événements complexes de transduction, diffusion, dissipation,
propagation, réfraction, réflexion, diffraction, le son est par essence
un événement de l’instant et évanescent. La naissance d’un son est
relativement facile à dater, c’est le début de la vibration lorsque les
particules du milieu passent d’un état de repos à un état d’excitation.
Cet accouchement est le plus souvent rapide, marqué par une
augmentation nette de l’amplitude. En revanche, la mort d’un son
est plus difficilement cernable. Le son peut en effet passer un certain
temps à s’éteindre. Le temps de l’agonie sonore dépend en premier
lieu des propriétés physiques d’amortissement de l’objet émetteur,
notamment de sa masse et de son élasticité. Un objet résonnant,
comme une cloche, met plus de temps à s’arrêter de trembler qu’un
objet impulsif, comme un claquement de doigts. La durée d’un son
dépend également, et surtout, des propriétés physiques intrinsèques
du milieu, comme sa masse volumique et son impédance, et de
l’encombrement de l’espace matériel par la présence possible
d’autres objets qui peuvent renvoyer le son, créant des échos, ou au
contraire l’absorber et l’arrêter.
Subtile, discrète, cachée derrière le large paravent des variations
temporelles et d’amplitude, la phase joue néanmoins un rôle
essentiel dans la génération, la propagation et la réception sonore.
La phase est une propriété temporelle un peu plus difficile à intégrer
car elle s’exprime dans une unité étrange, le radian, et avec le
nombre d’or π. La phase s’utilise pour définir des sons périodiques,
c’est-à-dire des sons avec des motifs temporels répétés, cycliques.
La phase est un descripteur de position qui renseigne où se trouve
l’onde dans le cycle sonore qui est une forme de cercle.
Arrive enfin le critère peut-être le plus connu du son : la fréquence
qui correspond au nombre de cycles parcourus par une onde sonore
en une seconde, nombre exprimé en hertz (Hz). Plus le nombre de
cycles est important, plus le son est aigu, et inversement. Les sons
qui nous entourent sont très rarement composés d’une seule
fréquence mais sont de véritables éventails sonores couvrant un
large spectre de fréquences, depuis des fréquences basses de l’ordre
de quelques hertz à des fréquences très aiguës, de plusieurs milliers
de hertz. Les sons inaudibles par les humains sont qualifiés
d’infrasons lorsque les fréquences passent sous les 20 hertz et
d’ultrasons quand elles dépassent les 20 000 hertz.
Puisque la métaphore musicale est inévitable dès que l’on traite du
son, il est possible de voir l’amplitude comme les nuances,
pianissimo, forte, fortissimo, la durée comme la figure des notes,
croche, noire, ronde, et la fréquence comme la hauteur des notes,
do, ré, mi. Seule la phase, éternelle oubliée, ne semble pas avoir
d’équivalent dans le système de notation musicale occidental, même
si elle est bien présente dans la facture des instruments et toute
l’ingénierie de l’enregistrement et de la restitution sonore.
Amplitude, durée, fréquence et phase ne sont pas des propriétés
indépendantes, l’amplitude se mesure sur une fenêtre temporelle
prédéfinie, la fréquence est l’inverse d’une période temporelle, la
durée est un temps délimité et la phase est une caractéristique à la
fois d’amplitude et de temps. Le temps est donc la dimension
fondamentale du son.
Entendre, c’est écouter le temps qui passe.
Doux ou violent, court ou prolongé, grave ou aigu, le son n’arrive
pas de nulle part : il sort d’un objet vibrant.
Les rainettes vertes (Hyla arborea) sont des grenouilles aux airs
sympathiques qui évoquent des formes rondes, un sourire au bord
de l’eau, une mouche coincée comme un sandwich dans la gueule,
une peau verte comme une pomme granny smith. La rainette est
aussi faite de sauts en extension au-dessus de nénuphars grands
comme des soucoupes volantes et de coassements tout aussi
intenses qu’incompréhensibles.
Personnage habituel des contes, la petite grenouille verte aux
doigts adhérents occupe une place de choix dans notre imaginaire.
Mais si la rainette coasse beaucoup dans les histoires du soir, peu
d’entre nous partent la nuit l’écouter sur le bord d’un chemin
détrempé ou d’une mare. Il est vrai qu’il faut un peu de courage
pour éteindre les écrans et sortir dans le noir salir ses bottes dans
l’eau boueuse. Et pourtant, le spectacle est tout à la fois
attendrissant et enrichissant. Faire un effort, chercher pendant un
certain temps entre les herbes, sur les cailloux, ou dans la terre
mouillée ce petit animal recroquevillé comme un chat avant sa
sieste, et enfin le trouver concentré sur son travail de nuit : appeler,
appeler encore, appeler toujours en gonflant sa gorge au risque de
la faire éclater pour déclamer sa soif d’amour aux étoiles qui
tournent au-dessus de sa petite tête fragile.
La rainette mâle est un infatigable chanteur. Comme tous les
vertébrés, elle chante grâce à la mise en vibration de fines
membranes attachées au larynx, l’équivalent de nos cordes vocales.
Elle commence par inspirer puis, en contractant ses muscles
abdominaux, elle expulse l’air des poumons vers la bouche. L’air
passe alors à travers le larynx et force les cordes vocales à vibrer.
Tandis que la majeure partie des animaux terrestres chanteurs
prennent leur respiration entre deux vocalises, la rainette fonctionne
en vase clos. L’air des poumons traverse le larynx et les cordes
vocales, passe la glotte et débouche dans la cavité buccale que le
mâle maintient totalement close, mâchoires serrées et narines
fermées. L’air repart alors en sens inverse vers les poumons, et ainsi
de suite selon un va-et-vient permanent. Ce système de ventilation
fermé permet à la rainette de chanter longtemps sans changer d’air,
évitant des mouvements fatigants d’inspiration et d’expiration avec
l’extérieur1.
La rainette ne se dégonfle donc jamais quand elle appelle, l’air
dilate en alternance les poumons et la bouche. Le palais de la
bouche est percé ventralement de deux petites ouvertures qui
débouchent sur une membrane fine et élastique qui forme la gorge.
Sous la pression de l’air venant des poumons, cette membrane, le
sac vocal, enfle comme une baudruche. Affublée d’un étrange
double menton, la grenouille prend des airs aristocratiques bien
étranges. Le sac vocal joue en fait un rôle capital dans la production
sonore puisqu’il participe à l’amplification en facilitant le passage des
vibrations du corps de la grenouille à l’air, au timbre en concentrant
l’énergie sonore sur quelques fréquences et au rayonnement
acoustique en projetant le son dans toutes les directions. Sans le sac
vocal, le son de la rainette serait dénaturé, plus faible, plus difficile à
localiser et probablement moins agréable à écouter sur le bord du
chemin.
Le sac se gonfle, il vibre. Notre œil n’est malheureusement pas
assez rapide, mais on pourrait presque voir les vibrations à la surface
de la membrane tendue, à l’interface entre le corps amphibien et
l’air. C’est là que naît le son aérien, la vague sonore qui nous atteint.
Si, par hasard, la rainette est postée dans l’eau, le son peut aussi
passer du sac vocal à l’eau et c’est alors que se forment des
vaguelettes régulières qui se répandent en figures concentriques. Le
son devient visible, il se disperse autour de la grenouille.
Voir le son dans la gorge blanche d’une rainette assise dans une
flaque d’eau et tenter de comprendre la mécanique et la raison d’un
son animal. La grenouille gueule, puisque c’est bien sa gueule qui
fait le travail, déforme son corps pour déformer l’air, l’eau ou le sol
qui l’entourent, en prendre le contrôle pour un temps. Chanter est
un sport de compétition.
Pour que le coassement ait un sens, pour qu’il puisse être le
résultat d’un processus évolutif, il faut évidemment qu’il soit perçu,
détecté, reconnu, identifié, localisé et qu’il ait une fonction autre que
celle de se faire repérer par les prédateurs. Seule une excellente
raison peut expliquer un tel comportement. Cette raison est simple :
se reproduire, survivre dans sa descendance. Comme presque tous
les animaux, la rainette vocalise à l’heure des amours, quand il est
temps de se rencontrer. Le mâle émet un signal de communication
dans lequel se mélangent de nombreuses informations
essentiellement adressées aux femelles des alentours. Dans un
coassement guttural se trouvent ainsi des indices d’identité – je suis
une rainette verte –, de genre – je suis un mâle –, d’état – je suis
volontaire pour me reproduire –, de localisation – je suis ici – et de
qualité – je vous jure que vous aurez de beaux têtards avec moi.
Cette communication est essentielle à la vie de la rainette : le
coassement est la clef de voûte de son cycle de vie. Couper le son
conduirait à la perte de l’espèce.
Le son existe par lui-même mais il prend une valeur, une fonction
comportementale, sociale ou écologique lorsqu’il est perçu et
interprété par un être vivant doué du sens de l’audition et d’un
système nerveux intégrateur qui est capable de le lire, de déchiffrer
l’information codée dans les propriétés d’amplitude, de temps, de
fréquence et de phase. La première étape de tout processus auditif
est le transfert du son qui doit passer de l’extérieur à l’intérieur d’un
corps, qu’il soit celui d’un humain, d’un dauphin rose ou d’une
rainette. Le problème physique rencontré ici est que l’air offre peu
de résistance au son, en d’autres termes l’impédance de l’air est
relativement faible, alors que les tissus biologiques de la grenouille,
essentiellement constitués d’eau et de corps gras, montrent une
certaine résistance au son, leur impédance est élevée. Passer de l’un
à l’autre n’est pas chose aisée. Une solution pour que la transmission
de l’extérieur vers l’intérieur se fasse plus facilement est de diminuer
l’impédance du corps récepteur, notamment en réduisant au
maximum l’épaisseur des tissus extérieurs. La rainette possède une
membrane très fine, le tympan, derrière laquelle se cache une cavité
emplie d’air. Fin, léger, libre de ses mouvements, le tympan reçoit les
vibrations sonores de l’air, laissant ainsi entrer le son.
L’audition des grenouilles, comme celle de la plupart des espèces
animales, est composée d’une succession d’étapes mécaniques et
physiologiques. Les déformations de l’air sont transformées en
mouvements du tympan, qu’il transmet à la columelle, osselet
équivalent de notre étrier, qui est elle-même en contact avec la
fenêtre ovale de la cochlée de l’oreille interne. Les vibrations
mécaniques sont alors transformées en potentiels d’action électrique,
la base du message nerveux, dans un faisceau de neurones
sensoriels dont l’ensemble constitue le nerf auditif. Le nerf auditif se
projette alors dans le cerveau, notamment dans un noyau appelé le
torus semicircularis, qui traite les informations codées dans les
paramètres de temps, d’amplitude, de fréquence et de phase du
coassement. La grenouille qui reçoit le chant est ainsi capable de
détecter, d’identifier, de localiser et de décrypter le message de la
grenouille qui émet, la base de tout système de communication et
donc de socialisation.
Mais le son ne passe pas toujours par le grand portail tympanique.
D’autres parties du corps peuvent le capter et le transmettre au
cerveau. La rainette verte américaine (Dryophytes cinereus), cousine
de la rainette verte européenne, emploie non seulement ses oreilles
mais également ses poumons pour écouter ses congénères. Le son
atteint les tympans par leur surface extérieure via une voie directe et
leur surface intérieure par un chemin détourné, viscéral. Le son peut
en effet se faufiler par les poumons, la glotte, la bouche et les
trompes d’Eustache pour faire vibrer la surface interne des tympans.
Un des plus petits amphibiens au monde, la grenouille des
Seychelles, Sechellophryne gardineri, ne possède ni oreilles externes
ni oreilles internes, donc ni tympans ni columelle. À première vue,
elle ne peut donc entendre. Et pourtant, elle chante. Des
expériences conduites sur l’île paradisiaque Silhouette et des
analyses morpho-anatomiques ont démontré qu’elle réagissait très
bien au chant de son espèce et que le son prenait un autre chemin.
Cette fois, la réception sonore passe par la cavité buccale qui joue le
rôle de résonateur. Les ondes parcourent ensuite les os de la
mâchoire et atteignent l’oreille interne2.
Ainsi, certaines grenouilles entendent avec leur corps, leurs
poumons ou leur gueule. Les modalités de réception ou d’émission
sonore chez les animaux sont multiples. Les mouches et les
moustiques entendent avec leurs antennes, qui sont aussi leur nez,
les cigales diffusent leur chant dans la garrigue brûlante avec leurs
tympans, les poissons entendent avec leur vessie natatoire qui joue
les ballasts pour la navigation verticale, les rats-kangourous
discutent en tapant des pieds et les crustacés écoutent avec des
sensilles, sortes de poils sensoriels qui couvrent leur corps. L’entrée
dans le monde de la vie acoustique animale demande d’oublier tout
a priori sur les processus d’émission ou de réception des sons que
nous utilisons, d’éviter tout transfert entre notre anatomie, nos
capacités vocales, nos propriétés auditives et celles des animaux qui
nous entourent. Le son n’est pas a fortiori une voix, les oreilles ne
sont pas forcément sur la tête.
Mais qu’entendent les grenouilles ? Sans entrer dans les détails
neurobiologiques, les grenouilles, comme les autres animaux,
n’entendent pas comme nous, et c’est une chose bien difficile
d’imaginer leur perception sonore. Chez elles, les capacités auditives
peuvent sembler plus étroites car leur sensibilité fréquentielle, c’est-
à-dire les fréquences qu’elles perçoivent le mieux, est le plus
souvent limitée à une fenêtre qui correspond aux fréquences du
chant, de telle manière qu’il existe une forme de correspondance
entre les fréquences émises et les fréquences perçues, assurant une
forme d’exclusion aux sons qui n’ont pas d’intérêt pour la survie.
L’oreille, depuis le tympan jusqu’aux noyaux cérébraux, fonctionne
en partie comme une succession de filtres qui ne laissent passer que
les fréquences qui portent une information et qui permettent de
réagir aux déclarations de l’émetteur, par exemple son identité – je
suis une rainette verte. Ce qui existe pour les fréquences existe aussi
pour la structure temporelle des signaux. Les neurones
périphériques de l’oreille et les neurones centraux du cerveau ne
s’activent que si le rythme des vocalisations ou des impulsions qui
les constituent correspondent à un taux de répétition de référence,
par exemple 30 pulsations émises par seconde. Filtres fréquentiels et
filtres temporels participent ainsi au décodage des informations
cachées dans les coassements.
Chaque grenouille, chaque espèce, mais aussi chaque individu,
perçoit donc son environnement à sa manière, et cette manière est
bien différente de la nôtre, ce qui nous interdit toute généralisation
de notre propre perception acoustique et, de fait, tout
anthropomorphisme et anthropocentrisme.
Le son est une onde mécanique universelle qui traverse les espaces
sans laisser de traces mais des informations et des sensations
propres à chaque être vivant. Faible par ses mouvements
particulaires, difficilement visible, l’onde sonore possède des effets
essentiels sur la rainette et, bien sûr, sur toutes les espèces sonores.
La rainette profite du son au moment de la reproduction dans un
effort de rencontre de l’autre sexe mais, on le verra ensuite, le son
intervient dans de nombreuses autres situations : dans les liens
entre les parents et leurs jeunes, dans la cohésion des groupes
familiaux, dans la recherche d’une proie ou dans la fuite face à un
prédateur.
Comment pouvons-nous écouter le son animal, nous qui sommes
aussi animaux, avec nos propres capacités auditives, nos corps, nos
expériences de vie, nos sensibilités ? Deux formes d’écoute des sons
de la nature, non opposables, coexistent : une écoute esthétique où
les sensations priment et une écoute analytique où le
questionnement et la connaissance prennent le pas. On peut écouter
un concerto ou une symphonie sans les comprendre et on peut les
déchiffrer, les analyser, les commenter selon les règles de la
musicologie. Il en est de même pour les sons de la nature : se
laisser emporter par le son d’une forêt sans rien comprendre, puis
tout décortiquer pour appréhender au mieux.
Le naturaliste et philosophe nord-américain Henry David Thoreau
jalouse la naïveté de l’oreille des enfants qui savent aimer un son
pour ce qu’il est, pour sa valeur intrinsèque3. Il faut être sensible au
son seul, nu, sans aucun artifice de mise en musique ou
d’orchestration, comme le chuintement de la neige écrasée, le
bruissement des feuilles d’un peuplier blanc, et le déchirement d’un
éclair. Avant tout aimer le son pour le son, quel qu’il soit. Aimer le
son pour sa forme, son contour, son relief, son épaisseur, sa finesse,
sa puissance, sa discrétion et enfin accepter son aspérité, parfois sa
rugosité. Aimer le son pour ses dérives, ses rebondissements, ses
battements, ses changements d’humeur et ses surprises. Ça grince,
ça siffle, ça craque, ça tambourine, c’est mélodique, c’est rythmé,
c’est flûté. Prendre le son en pleine face, dressé, les poumons
gonflés, sur la crête de la montagne ou dans le lit de la rivière.
Recevoir pour jouir du son total et englobant qui émane de tout un
paysage. Aller chercher les détails, les éléments finis. Profiter des
galopades, des trilles, des vibratos, des glissandi, des pointes ou des
duvets sonores. Écouter le tout et chercher les sons individuels, se
baisser pour cueillir les petits sons de la litière et se dresser pour
toucher les sons de la frondaison. Écouter le son ainsi, c’est
appliquer le principe de l’écoute réduite de Pierre Schaeffer, c’est
oublier les raisons du son et se concentrer sur son unique
apparence.
Et puis on peut écouter en fronçant les sourcils, en tournant la tête,
en créant des paraboles avec les mains autour des oreilles, en
utilisant des équipements sophistiqués et onéreux. Écouter pour aller
plus loin, pour pêcher le son dans l’arbre ou les fougères. Être
attentif, alerte, ne pas se laisser emmener dans un flot sonore, ne
pas croire que le son est uniforme, aller chercher ses variations en
temps, amplitude, fréquence. Écouter pour démêler et tenter de
comprendre. Développer une écoute analytique, décompositionnelle,
pour assouvir sa curiosité, sa soif de connaissances. Rechercher
l’explication dans l’observation, l’expérimentation et l’inférence.
Reprendre les lois de la mathématique et de la mécanique, appeler
les grands du son : Hermann von Helmholtz, Jean Baptiste Joseph
Fourier, David Hilbert, Harry Nyquist, Claude Shannon. Lier avec les
sciences du comportement, relire Jean-Henri Fabre, Jakob von
Uexküll, Nikolaas Tinbergen, Konrad Lorenz, Karl von Frisch. Appeler
les plus belles théories des sciences de l’évolution que sont la
sélection naturelle et la sélection sexuelle de Charles Darwin, la reine
rouge de Van Valen, le beau geste de John Krebs, ou le cher ennemi
de James Fisher. Pour élargir son point d’écoute, entrer dans
l’écologie des populations, des communautés, des écosystèmes ou
des paysages avec, entre autres, Ernst Haeckel, George Hutchinson,
Edward O. Wilson. Aller aussi dans les corps qui vibrent comme des
émetteurs ou des récepteurs, demander de l’aide à la biomécanique,
à la physiologie, à la génétique, à la biologie moléculaire. Choisir
ainsi une écoute scientifique, prendre son canif et décrire, analyser
et expérimenter en jouant toujours comme des gosses dans le fond
d’un jardin sans clôture.
Finalement et surtout, combiner les deux écoutes pour aller tout à
la fois vers un amour, la part sensible, et une curiosité, la part
analytique, des sons de la nature. Tendre ainsi vers l’audiobiophilie,
c’est-à-dire une double attraction, l’une pour les sons, l’autre pour la
nature. L’audiophilie est une attention renforcée pour les sons de
qualité, non pollués, dits de haute-fidélité. La haute-fidélité est
essentiellement associée à l’écoute musicale par des équipements de
restitution de grande qualité, mais elle peut aussi se concevoir
comme l’écoute des sons et des silences des espaces naturels qui
eux-mêmes peuvent être de haute qualité4. La biophilie est “la
tendance innée à se concentrer sur la vie et les processus
biologiques5”, elle marque donc un intérêt fondamental pour
l’histoire naturelle, intérêt qui serait alors plus ou moins entretenu au
cours de notre existence selon notre éducation et nos expériences.
L’audiobiophilie est donc un intérêt précoce et profond pour les sons
de la nature qui mérite d’être entretenu au cours de nos vies par un
contact régulier avec les êtres vivants, leurs mouvements, leurs
formes, leurs couleurs et, bien sûr, leurs habits sonores.
CHAPITRE 3
While Charles was engaged in Poland, Peter gained time for the
accomplishment of those measures which his situation suggested.
Despatching a body of troops to protect the frontiers at Pskov, he
repaired in person to Moscow, and occupied himself throughout the
ensuing winter in raising and training six regiments of infantry,
consisting of 1000 men each, and several regiments of dragoons.
Having lost 145 pieces of cannon in the affair at Narva he ordered a
certain proportion of the bells of the convents and churches to be
cast into field pieces; and was prepared in the spring of the year
1701 to resume hostilities with increased strength, and an artillery of
100 pieces of cannon, 142 field pieces, 12 mortars, and 13
howitzers.
Nor did he confine his attention to the improvement of the army.
Conscious of the importance of diffusing employment amongst his
subjects, and increasing their domestic prosperity, he introduced into
the country flocks of sheep from Saxony, and shepherds to attend to
them, for the sake of the wool; established hospitals, and linen and
paper manufactories; encouraged the art of printing; and invited from
distant places a variety of artisans to impart to the lower classes a
knowledge of useful crafts. These proceedings were treated with
levity and contempt by Charles, who appears all throughout to have
despised the Russians, and who, engrossed by his campaign in
Courland and Lithuania, intended to turn back to Moscow at his
leisure, after he should have dethroned Augustus, and ravaged the
domains of Saxony.
Unfortunately the divisions that prevailed in the councils of Poland
assisted to carry these projects rapidly into effect. Peter was anxious
to enter into a new alliance with Augustus, but, in an interview he
held with that prince at Birzen, he discovered the weakness of his
position and the hopelessness of expecting any effectual succour at
his hands. The Polish diet, equally jealous of the interference of the
Saxon and Russian soldiery in their affairs, and afraid to incur the
hostility of Charles, refused to sanction a league that threatened to
involve them in serious difficulties. Hence, Augustus, left to his own
resources, was easily deprived of a throne which he seemed to hold
against the consent of the people, while Peter was forced to conduct
the war alone. His measures were consequently taken with
promptitude and decision. His army was no sooner prepared for
action than he re-entered Ingria, animating the troops by his
presence at the several points to which he directed their movements.
In some accidental skirmishes with small bodies of the Swedes, he
reaped a series of minor successes, that inspired the soldiers with
confidence and improved their skill for the more important scenes
that were to follow. Constantly in motion between Pskov, Moscow,
and Archangel, at which last place he built a fortress called the New
Dvina, he diffused a spirit of enthusiasm amongst the soldiers, who
were now becoming inured to action.
An open battle at last took place in the
[1702 a.d.] neighbourhood of Dorpat, on the borders of
Livonia, when General Sheremetrev fell in with
the main body of the enemy on the 1st of January, 1702, and, after a
severe conflict of four hours, compelled them to abandon their
artillery and fly in disorder. On this occasion, the Swedes are said to
have lost three thousand men, while there were but one thousand
killed on the opposite side. General Sheremetrev was immediately
created a field-marshal, and public thanks were offered up for the
victory.
Following up this signal triumph, the czar equipped one fleet upon
Lake Peipus to protect the territory of Novgorod, and manned
another upon Lake Ladoga, to resist the Swedes in case they should
attempt a landing. Thus guarded at the vulnerable points, he was
enabled to prosecute his plans in the interior with greater certainty
and effect.
Marshal Sheremetrev in the meantime marched upon Marienburg,
a town on the confines of Livonia and Ingria, achieving on his
progress another triumph over the enemy near the village of
Humolova. The garrison at Marienburg, afraid to risk the
consequences of a siege, capitulated at once, on condition that the
inhabitants should be permitted a free passage, which was agreed
to; but an intemperate officer having set fire to the powder magazine,
to prevent the negotiation from being effected, by which a number of
soldiers on both sides were killed, the Russians fell upon the
inhabitants and destroyed the town.
RENEWED HOSTILITIES