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La science des balivernes Quoi de neuf

en sciences 1st Edition Thomas C


Durand
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Dépôt légal : mai 2021

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« Aussi intelligent et bien éduqué que vous
soyez, on peut vous duper. »

JAMES RANDI (1928-2020), magicien,


rationaliste et pourfendeur de balivernes

« Il est déroutant de constater que l’individu,


bien sous tous rapports, celui qui adhère à la
plupart des normes de jugement tout en
croyant d’ailleurs s’en départir, celui qui se sent
libre, celui qui veut être consistant, celui qui
trouve en lui-même les raisons de ce qu’il fait et
de ce qui lui arrive… de constater donc que cet
individu-là est incontestablement le plus
manipulable. Que ce soit, aussi, cet individu-là
qui ait le plus de chance de réussir dans la vie
professionnelle et sociale dans nos sociétés
démocratiques a de quoi faire réfléchir. »

ROBERT-VINCENT JOULE et
JEAN-LÉON BEAUVOIS (1943-2020), Petit
Traité
de manipulation à l’usage des honnêtes
gens
1
LES QUATRE PRINCIPES
DE LA BALIVERNE

« La plus coûteuse de toutes les folies consiste


à croire passionnément dans ce qui est de toute
évidence faux. C’est l’occupation principale de
l’humanité. »

HENRY LOUIS MENCKEN

N ous avons tous intérêt à « croire » un maximum de choses


vraies et aussi peu de choses fausses que possible. Nous avons
même un intérêt personnel à ce que tout le monde en fasse autant :
les décisions collectives reposeront ainsi sur des faits solides, les
politiques publiques seront plus efficaces, la société se portera
mieux. J’ai mis « croire » entre guillemets en raison de la forte
polysémie du mot ; ici je l’emploie dans le sens de « tenir pour
vrai ».
Bien sûr, nous savons d’expérience qu’il nous arrive de « croire »
des choses fausses, de nous tromper. Parfois même nous nous
entêtons, et d’ailleurs nous savons reconnaître – au moins chez
autrui – les signes de l’obstination dans l’erreur. Ce qu’il nous reste à
réellement comprendre, à mesurer et à gérer, c’est que ces erreurs
ne sont pas dues au hasard, elles ne partent pas dans toutes les
directions, mais empruntent des chemins de moindre résistance, et
notamment les failles dans notre rationalité que sont les biais
cognitifs. Nous sommes disposés à « croire » certaines choses et à
en rejeter d’autres. Certaines théories scientifiques solides se
heurtent à des obstacles épistémologiques, tandis que des légendes
folkloriques ou des romans nationaux s’engouffrent dans l’angle mort
de notre vigilance.
Toute vérité n’est pas crédible, il n’y a pas de force intrinsèque de
l’idée vraie, et pas de relation directe entre le degré de conviction
que nous inspire une croyance et sa véracité. Pour de multiples
raisons. Déjà, le vrai souffre du handicap majeur de ne
rigoureusement pas pouvoir être autre chose que ce qu’il paraît,
sous peine d’échapper à sa propre définition. Le vrai est aussi parfois
décevant, abscons, indésirable, voire brutal. Le faux, lui, s’arroge le
droit à tous les artifices, il s’adapte à l’oreille convoitée, enflamme
l’imaginaire, flatte les préjugés. Le combat est inégal, mais nous
recherchons le vrai, et là est son seul avantage. Le vrai, le réel, c’est
ce qui continue d’exister même quand on n’y croit pas, c’est ce qu’un
scepticisme bien dosé ne peut pas nier.
Nous croisons tous une infinité d’idées fausses. Ce livre ne parle
pas des mensonges purs et durs, des énoncés simplement en conflit
avec le réel. Le menteur agit en connaissance de cause, en vue d’un
objectif. Il cherche à masquer la vérité, à manipuler autrui, à tirer
bénéfice du partage d’une idée qu’il sait être fausse. Même quand
j’évoquerai la pensée motivée qui nous pousse à défendre des idées
pourtant réfutées, je m’intéresserai aux mécanismes qui ne relèvent
pas du mensonge mais d’inexactes représentations mentales du vrai.
a
De même que je m’attacherai moins aux fake news , qu’aux
motivations de ceux qui les diffusent, qui les partagent et les
1
défendent. Surtout le cœur du livre concerne le bullshit que l’on
peut traduire par « balivernes » : des énoncés dont la production et
la diffusion n’ont finalement pas grand-chose à voir avec leur
véracité, mais bien plus avec leurs dimensions sociopsychologiques.
En clair, si tant d’entre nous « croyons » des balivernes, c’est parce
qu’elles ont une forme et une substance parfaitement adaptées pour
nous atteindre et nous contaminer.
Personne n’a préparé les citoyens que nous sommes à se défendre
contre une forme de désinformation capable de prendre en défaut le
fonctionnement de notre cerveau. Des balivernes qui empruntent les
pentes naturelles de l’esprit pour se faire une place bien douillette
dans notre représentation du monde, vous en connaissez une
pléthore :
Il y a un monstre dans le Loch Ness.
Ce n’est pas l’activité humaine qui dérègle le climat.
On a la preuve que l’âme survit au corps.
L’homéopathie fonctionne mieux que le placebo. Grâce à la
« mémoire de l’eau ».
L’homme n’a jamais marché sur la Lune.
L’astrologie est une science.
Quand on fait suffisamment d’efforts, on obtient ce que l’on
désire.
Les pierres semi-précieuses émettent des énergies bonnes pour
la santé.
Le complot Illuminati dirige le monde.
Il faut décalcifier notre glande pinéale pour avoir accès à des
perceptions extrasensorielles.
Les vaccins causent l’autisme.
Le Moyen Âge n’a jamais existé.
Les médiums voient l’avenir.
Les chambres à gaz sont une pure invention.
Nous n’utilisons que 10 % de notre cerveau.
Il y a plus de naissances les nuits de pleine lune.
Les pyramides d’Égypte ont été construites par les Atlantes.
Les méchants sont toujours punis.
On peut détecter le mensonge en décryptant le langage non
verbal des individus.
b
Les agroglyphes sont des messages extraterrestres.
Etc.

La baliverne ne se nourrit pas de vrais arguments, elle n’a de lien


avec aucun des moyens disponibles pour déterminer l’adéquation de
son contenu avec le monde réel. Elle se contente pour l’essentiel de
plaire, de mettre en colère ou d’effrayer, de provoquer une réaction
affective. Son existence ne nécessite pas un désir de tromper de la
part de ceux qui la produisent et la partagent, mais elle survient
dans un vide épistémique, en l’absence d’une démarche critique
envers la chose crue.
La baliverne n’est pas non plus n’importe quelle information
fausse, c’est celle que les gens trouvent un intérêt à écouter et à
transmettre. Elle répond donc à un certain nombre de critères qui la
rendent redoutable. Voici donc la liste des caractères que possèdent
les balivernes les plus efficaces, celles qui savent particulièrement
bien se jouer de nous. Ces quatre principes contribuent à expliquer
le succès de la désinformation et la difficulté à rétablir la vérité. Ils
forment l’acronyme NARA, que vous pouvez utiliser pour affiner
votre détection des balivernes.

PRINCIPE NARRATIF

La première qualité de la baliverne est sa viralité. C’est un énoncé


facile à retenir, qui possède des traits saillants et des ingrédients qui
font de belles histoires. C’est pourquoi elle est rarement nuancée et
met volontiers en scène des gentils et des méchants. Elle transmet
en général un capital symbolique, c’est-à-dire que nous éprouvons
une forme de désirabilité sociale au moment de partager la baliverne
en société.
« J’ai entendu dire qu’on avait retrouvé un alligator dans les
égouts.
– Oh, ben dis donc ! »
La qualité des histoires repose souvent sur les sentiments qu’elles
suscitent. Les balivernes sont donc des récits forts en émotions,
souvent négatives : violence, colère, dégoût, injustice. Grâce à de
fortes impressions, la baliverne peut tromper notre vigilance, nous
pousser à réagir, à croire, à partager.
« Un vaste réseau pédophile fréquenté par de hauts dignitaires a
pour QG une pizzeria proche de la Maison-Blanche. »
Les explications scientifiques à certains phénomènes s’avèrent
arides, désenchantées et mobilisent des concepts contre-intuitifs.
Autrement dit, elles ne font pas de belles histoires. Dès lors, nous
sommes plus motivés à croire et partager des explications
2
mythologiques ou ineptes de ces phénomènes .
Quand les émotions mobilisées par l’histoire sont fortes, le doute
n’appartient plus à notre vocabulaire. Nos émotions nous engagent
et tout engagement valide implicitement le contenu de l’histoire. Une
réaction émotionnelle et instantanée de notre part peut provoquer
un effet particulièrement pervers : la force de l’émotion ressentie
nous convainc que nous croyons à cette histoire, après quoi nous
agissons conformément à cette impression, ce qui nous mène au
principe suivant.

PRINCIPE D’ATTRACTION

La baliverne efficace est celle qui, une fois diffusée, va être


retenue. Elle va éveiller de l’intérêt et l’envie d’être crue, mais
surtout d’être diffusée. Les vérités ne sont jamais contraintes par
autre chose que leur véracité, leur adéquation avec la réalité. Les
balivernes, elles, sont contraintes par leur attractivité. Une forme de
sélection darwinienne élimine les balivernes incapables de séduire.
Par conséquent, les balivernes les plus répandues sont par définition
les plus attractives et à leur attractivité s’ajoute le phénomène de la
preuve sociale : si tant de gens répètent cette baliverne, chacun
d’entre nous peut la croire d’autant plus facilement. Et puisque tant
le font, chacun se sent moins responsable de la tâche de vérifier son
contenu. C’est le phénomène de l’« effet spectateur », ou « effet
témoin ».
La vérité n’est pas toujours plaisante à croire. La baliverne, oui,
même quand elle est inquiétante. Par exemple, l’idée qu’une élite
cachée fomente un complot mondial, pour réduire la population en
distribuant des médicaments qui rendent les gens malades, apporte
une illusion de connaissance et de contrôle qui – ironiquement – est
rassurante, surtout si elle permet d’expliquer par une cause externe
(la malveillance des comploteurs) nos propres échecs.
« Je ne suis pas dupe comme tous ces moutons, je sais que les
fours micro-ondes donnent le cancer ! »
Quand le but de la baliverne est commercial, elle a toutefois
intérêt à être positive, à promettre un avantage à celui qui va la
croire. Avec suffisamment d’audace, on pourra par exemple faire
fortune en vendant l’accès à une « neurosagesse » censée donner
les clés du fonctionnement de votre cerveau afin de vous permettre
de ne pas vous faire manipuler par autrui. Cette veine est exploitée
par de nombreux personnages dont le talent réside dans la
communication, qui savent susciter la fascination et œuvrent en
définitive dans le secteur juteux et désordonné du « développement
personnel ».

PRINCIPE DE RÉSILIENCE

Une fois qu’elle est dans un cerveau, une baliverne va inter-agir


avec son environnement cognitif. Les balivernes les plus puissantes
vont contaminer les autres propositions, transformer leur apparence
ou leur place. La baliverne s’incruste dans le paysage, devient partie
prenante de notre représentation du monde et toute attaque contre
elle est perçue comme une attaque contre notre personne.
Les balivernes les plus puissantes hackent notre immunité
cognitive et retournent notre intelligence contre les arguments qui
l’attaquent. C’est typiquement ce qui se passe avec les théories du
complot.
« La Nasa a nié avoir des enfants esclaves sur Mars. Cette
déclaration officielle est exactement ce qu’on attend d’une agence
qui aurait bel et bien des enfants esclaves sur Mars. »
Les tentatives de démystification peuvent s’avérer contre-
productives, car nous avons tendance à retenir certaines
informations tout en oubliant le contexte dans lequel nous les avons
croisées. Par conséquent, répéter une information dans le but de
montrer qu’elle est inexacte, c’est courir le risque de la promouvoir
malgré soi. C’est d’autant plus risqué que le biais de familiarité nous
incite à croire les énoncés répétés davantage que ceux que l’on ne
3
croise qu’une seule fois .

PRINCIPE D’ASYMÉTRIE

L’avantage de la baliverne est qu’elle n’a pas besoin d’être vraie.


De cette lapalissade découle qu’on peut en générer une grande
quantité en peu de temps. Une explication véridique, sourcée,
argumentée ne pourra pas être formulée aussi vite. « La réfutation
d’une baliverne demande un temps d’un ordre de grandeur supérieur
à celui qu’il faut pour la produire. » (Alberto Brandolini, Twitter,
10 janvier 2013.)
La chose est connue depuis longtemps. « Un mensonge peut faire
le tour de la Terre le temps que la vérité mette ses chaussures »,
disait déjà Mark Twain.
Quelques exemples de balivernes :
« La Grande Muraille de Chine est la seule construction humaine
visible depuis la Lune » est une magnifique baliverne,
inoffensive, percutante et facile à placer dans la conversation.
« La Terre est plate » est une baliverne moins efficace, car elle
rencontre une résistance beaucoup plus grande, suscite même
le ridicule et, de ce fait, représente une désirabilité sociale de
valeur moindre.
« Les vaccins causent l’autisme » est une baliverne très chargée
en affect, souvent associée à des anecdotes, à des récits de
familles ayant fait l’expérience de ce lien supposé, ce qui suscite
de l’empathie. Ainsi, chacun peut éprouver le besoin de
transmettre cette baliverne afin de protéger des enfants contre
un danger potentiel. On participe souvent à la désinformation,
même la plus dangereuse, avec pour motivation de bons
sentiments.

En résumé, le modèle NARA :


Le principe narratif : la baliverne fait toujours une belle
histoire à raconter.
Le principe d’attraction : la baliverne qui circule plaira
toujours à quelqu’un, ce qui n’est pas garanti pour la vérité.
Le principe de résilience : la baliverne pirate le système
immunitaire de notre esprit ; nous nous employons à la
défendre.
Le principe d’asymétrie : il faut beaucoup plus de ressources
pour réfuter une baliverne que pour l’énoncer.
La baliverne qui émarge à ces quatre principes a toutes les
chances de se diffuser beaucoup plus efficacement qu’une
information véridique.

LES BALIVERNES SONT FAITES POUR DURER

Grâce aux quatre principes ci-dessus, la baliverne jouit d’une


temporalité avantageuse. Une information peut devenir virale avant
qu’un filtre adéquat ait pu être mis en place. Ainsi, on a vu fleurir en
quelques heures des milliers de commentaires soupçonneux sur les
réseaux sociaux au sujet de la couleur du rétroviseur de la voiture
utilisée par les auteurs de l’attaque contre Charlie Hebdo le 7 janvier
2015. Pire, la presse professionnelle s’est emballée en répétant
l’annonce infondée de l’arrestation de Xavier Dupont de Ligonnès
(disparu en 2011) le 17 octobre 2019.
Les chercheurs qui étudient nos usages arrivent à la conclusion
c d
que les contenus faux (hoaxes et rumeurs ) pénètrent en moyenne
six fois plus vite et plus loin sur Twitter (et probablement dans les
4
autres réseaux sociaux numériques) que les messages véridiques .
Sur les réseaux, la baliverne est plus efficace que l’histoire vraie
dans tous les domaines : business, terrorisme, guerre, science et
technologies, divertissement…, mais son terrain de prédilection est la
politique. Elle est en moyenne retweetée soixante-dix fois plus que
les informations fiables. Les auteurs de l’étude de 2018 dont sont
tirés ces chiffres précisent que ces effets ne sont pas dus au
traitement informatique des données, mais bel et bien à nos
comportements ; cela aurait à voir, disent-ils, « avec la nature
humaine ».
À ce triste constat, la réponse ne peut être la censure. Toute
forme de censure semble en effet admettre que le contenu des
balivernes serait gênant pour le pouvoir, pour l’ordre établi. Il rend
l’énoncé interdit d’autant plus alléchant.
Il serait illusoire d’espérer empêcher les balivernes de circuler vite,
ou pouvoir construire des filtres à toute épreuve garantissant que la
population ne sera pas exposée à des informations vérolées. En
réalité, nous n’avons jamais cessé d’être soumis à diverses formes
de propagandes, de mensonges et de récits idéologiques. Il ne
faudrait pas faire semblant de découvrir le phénomène une fois qu’il
se répand et devient l’arme d’idéologies non étatiques. Les
balivernes, foutaises et idéologies dangereuses continueront
d’atteindre le public.

LE BESOIN DE CONFIANCE

Nous sommes une espèce extraordinairement sociale. On peut


l’oublier facilement dans le charivari des imprécations politicardes,
des revendications tumultueuses, des répressions brutales et sous le
grommellement quotidien auquel nous participons tous, mais dans le
paysage animal de notre planète, Homo sapiens s’avère
particulièrement doué pour porter secours à ses semblables, pour
accorder son aide et sa confiance. On peut faire mieux, c’est une
évidence, mais n’oblitérons pas cette spécificité, car elle est le
terreau de la baliverne : vous ne ferez pas croire grand-chose aux
membres d’une espèce où personne n’accorde sa confiance.
La confiance est une stratégie darwinienne. Nous manifestons
cette compétence parce que ses déterminants héréditaires ont été
favorables à la survie et à la reproduction de nos ancêtres. Faire
confiance a priori à nos semblables améliore notre sort, à condition
d’avoir de la mémoire et de ne pas oublier quand un mensonge est
proféré afin de ne pas être trompé deux fois. Celui qui ne fait
confiance à personne et ne croit rien de ce qu’on lui dit qu’il ne
puisse vérifier lui-même se prive des avantages qu’il y a à faire
confiance (à ceux qui en sont dignes). Surtout, il se prive de la
possibilité d’apprendre à distinguer les sources fiables. Cette
stratégie de la méfiance totale est étrangère à la nature humaine :
les enfants croient tout ce que leurs parents leur disent et c’est une
bonne disposition, car ainsi ils évitent de se mettre en danger. Nous
écoutons les conseils de nos amis, ce qui nous prémunit contre
nombre d’erreurs. Nous acceptons pour vrai ce que nous disent nos
professeurs, ce qui nous permet d’apprendre plus d’une chose utile
(pourvu qu’on se garde de penser détenir une vérité absolue). Nous
reconnaissons à des professionnels une expertise sur ce que nous
ignorons et nous nous fions à leurs diagnostics ainsi qu’aux solutions
qu’ils préconisent. En accordant notre confiance, nous apprenons à
doser notre usage du doute. Nous ne savons pas fonctionner
autrement et il serait étonnant qu’une société humaine puisse se
passer de ce processus.
Or, si notre vie sociale nous oblige à faire confiance, souvent, à
nos semblables, nous voyons bien que rien ne saurait nous éviter
d’être, de temps à autre, les victimes de tricheurs, de menteurs,
d’escrocs et de baratineurs. Nous ne saurons jamais nous
débarrasser des balivernes, pas plus que des illusions d’optique ou
des jugements hâtifs. Notre vulnérabilité à la baliverne est un
produit dérivé de notre évolution. Cela ne veut pas dire qu’il faut
renoncer à en atténuer les effets néfastes !
Avoir conscience des mécanismes biologiques, psychologiques,
sociologiques qui nous déterminent et que nous ne pouvons
empêcher est le meilleur moyen de reprendre un peu le contrôle sur
ces phénomènes. En effet, il n’est jamais plus aisé de manipuler un
individu que lorsqu’il se croit totalement immunisé, et seul maître de
ses choix et opinions. Nous avons très envie de nier ces processus
qui sont en nous, car ils nous volent notre libre arbitre, crime de
lèse-majesté ! Mais oblitérer la réalité nous met à la merci de ceux
qui savent tirer profit des défaillances et des raccourcis de notre
psyché.
La première (et la dernière) ligne de défense contre les balivernes
n’est ni dans les lois, ni dans les médias, ni dans les réseaux sociaux,
mais dans les esprits, dans notre propre aptitude à l’autocritique, à
la résistance face à nos automatismes, au doute à l’égard de nos
certitudes. Sans rejeter complètement nos intuitions, apprenons à
n’accorder que prudemment notre confiance à nos premières
impressions et aux jugements spontanés que nous portons sur le
5
monde, car nos émotions sont trop souvent mauvaises conseillères .
Nous pouvons aussi transformer la manière dont nous consultons,
commentons et partageons des informations, notamment en
musclant notre résistance à croire et notre motivation à vérifier.
2
PETIT TRAITÉ DE FOUTAISOLOGIE

« Les Gaulois n’en sont pas moins dits


pusillanimes, changeant trop facilement d’avis,
presque toujours séduits par ce qui est
nouveau, et, par exemple, ils accueillent sans
contrôle des bruits mal fondés : la plupart des
informateurs inventent des réponses conformes
e
à leurs désirs . »

PAUL-MARIE DUVAL, préface à la Guerre


des Gaules de Jules César

L a baliverne, virale, séduisante, inexpugnable, ne peut être


combattue qu’avec beaucoup d’efforts et de patience. Hélas, le
flux des balivernes est incessant. Il en vient toujours d’inédites pour
accaparer les esprits et les détourner des laborieuses réfutations
formulées contre les précédentes. Cerise sur le gâteau, les
balivernes conspirationnistes ont la particularité d’être compatibles
entre elles, même quand elles se contredisent, puisqu’elles sont
toujours préférées à n’importe quelle thèse « officielle » suspectée
d’être un écran de fumée. Les balivernes conspirationnistes
renforcent ainsi certainement leurs emprises respectives.
La baliverne est en quelque sorte un virus mental qui peut
atteindre des proportions considérables et aller jusqu’à prendre le
contrôle d’un individu. C’est le cas des balivernes sectaires. Le délire
obsidional que l’on rencontre dans ces mouvements est la marque
d’une baliverne qui a pris le contrôle des systèmes de défense de
l’individu et même du groupe qui la cultive.
À regarder la baliverne comme une maladie de l’esprit, on cesse
de vouloir se battre contre le malade pour au contraire chercher à
l’aider et à freiner une éventuelle contagion. Si une discipline
nommée « foutaisologie » existait, dévolue à décrire les balivernes, à
comprendre leur mode de fonctionnement et à lutter contre les
dégâts que causent les plus virulentes, elle nous apprendrait
comment revigorer nos défenses épistémiques, comment cultiver le
goût du questionnement, de l’autocritique et du doute. Mais
changeante est la baliverne, et balbutiante la science qui s’intéresse
à son cas.
Lutter contre foutaises et balivernes n’est pas une mince affaire,
mais nous avons des pistes, comme l’explique le professeur de
communication R. Kelly Garret de l’université de l’Ohio : « La
confiance dans son habileté à reconnaître intuitivement la vérité est
un prédicateur singulièrement pertinent de la pensée
conspirationniste. Les résultats suggèrent qu’on peut faciliter les
efforts pour prévenir les mauvaises perceptions par la promotion
d’une épistémologie personnelle mettant l’accent sur l’importance
des preuves, un recours prudent aux ressentis et la confiance que
les énoncés rigoureux de spécialistes attestés est un bon moyen de
1
se protéger contre les manipulations politiques . »
Quand nous sommes manipulés par une idée que nous avons
acceptée trop vite ou au terme d’un parcours qui nous a rendus
sensibles à son attrait, nous avons peu de chance de le réaliser par
nous-mêmes. On attribue tantôt à Robert Oxton Bolt, tantôt à Elly
Roselle la phrase suivante : « Une croyance n’est pas seulement une
idée que l’esprit possède, c’est une idée qui possède l’esprit. »
Dans cet ouvrage, je vous propose de nous entraîner à résister
aux balivernes, à vacciner notre esprit contre leur viralité cognitive,
qu’elles soient bénignes ou fatales. À cette fin, nous devons
apprendre à mieux appréhender ce que fait notre cerveau quand
nous pensons penser avec lui. Nous allons donc découvrir les limites
de notre perception du monde, les sorties de route de notre
rationalité, et même celles des chercheurs et spécialistes pourtant
a priori armés pour éviter les ornières. En réponse, nous verrons
comment cultiver un nécessaire art du doute et du questionnement.
Explorons quelques exemples contemporains de balivernes
envahissantes.

f
LE PR LUC MONTAGNIER ET LE VIRUS SARS-COV-2

L’été 2020 n’est pas encore achevé quand j’entame l’écriture de


ces lignes, mais il est déjà évident que l’année restera dans les
mémoires pour la pandémie de Covid-19 qui a imposé des épisodes
de confinement jamais vus et charrié des torrents de confusion,
d’absurdités, d’impostures que des millions de gens se sont
empressés de croire et de partager, voire de publier. Les informations
fausses et choquantes ont voyagé plus vite que les informations
véridiques. Examinons-en quelques-unes.
Dans un podcast publié par le site Pourquoidocteur.fr, le 16 avril
2020, puis dans une émission en direct sur CNews, à l’invitation de
g
Pascal Praud, le prix Nobel de médecine 2008 Luc Montagnier a fait
une annonce renversante : le virus de la pandémie qui éclatait (nous
étions alors en plein confinement) était le résultat d’une
manipulation en laboratoire. Pour le biologiste, preuve était faite que
le Sars-CoV-2 contient des séquences du VIH, ce qui n’est possible
que par l’action de l’homme. Autrement dit, le virus qui paralysait
l’Europe et une partie du monde n’avait rien de naturel, il était le
fruit de la technoscience. À partir de là, Montagnier laissait chacun
deviner les conditions de sa sortie des tubes à essai… Et
l’imagination ne manquait pas pour alimenter les théories du
complot déjà abondantes.
« C’est un travail d’apprenti sorcier », affirmait le Prix Nobel.
Ses preuves ? Le travail d’un ami mathématicien retraité, Jean-
Claude Pérez, publié le 23 février dans la revue en ligne
International Journal of Research -Granthaalayah (non référencée
dans la base internationale des revues scientifiques et non revue par
les pairs). Le titre de ce travail (traduit de l’anglais) : « Évolution et
origine partiellement synthétique des méta-structures génomiques
fractales des coronavirus Covid-19 de Wuhan et Sars ». Jean-Claude
Pérez consacre beaucoup de temps à retrouver le nombre d’or dans
la nature et en particulier dans l’ADN. Il s’emploie à décoder, je cite
« les six codes fractals de la vie biologique ». Luc Montagnier a une
autre source, une étude publiée, avant relecture par les pairs, le
31 janvier par une équipe de New Delhi : « Étranges similarités
entre des inserts uniques dans la protéine spike du 2019-nCov et les
2
protéines gp120 et Gag du VIH ». Leur thèse est qu’il existe dans le
génome du virus de la Covid-19 quatre séquences codant les acides
aminés suivants : « GTNGTKR, HKNNKS, GDSSSG et QTNSPRRA ».
Des séquences identiques se trouvent dans le VIH, mais, nous
disent-ils, on ne les retrouve pas chez les autres coronavirus. Il faut
donc que la main de l’homme soit intervenue. Toutefois, dès le
2 février, les chercheurs retirent d’eux-mêmes leur étude, leurs
travaux ayant suscité des critiques très sévères sur leur manque de
méthode…
3
Le 4 février, dans le journal Emerging Microbes and Infections ,
des chercheurs chinois et américains ont montré que lorsqu’on
cherche ces quatre séquences dans divers génomes, on les trouve
facilement. À commencer par la famille des coronavirus, ce qui
indique que le virus responsable de la pandémie actuelle ne se
singularise en rien vis-à-vis de ces séquences. Les chercheurs
estiment que ces dernières ont été incorporées dans le génome de la
famille des coronavirus par leurs contacts avec des cellules de
mammifères, où elles sont largement présentes. Voici leur
conclusion : « Une analyse biaisée, partiale et incorrecte peut
conduire à des conclusions dangereuses qui inspirent des théories du
complot, affectent le processus conduisant à de vraies découvertes
scientifiques, et entament les efforts pour contrôler les dégâts en
matière de santé publique. »
L’affaire était donc close le 4 février, soit plus de deux mois avant
l’intervention de Luc Montagnier dans les médias où il n’a fait face à
aucune contradiction scientifique, personne ne s’étant documenté
correctement. Pour faire bonne mesure, le 17 mars, la revue Nature
publiait une étude montrant que le virus n’est pas le produit d’une
4
manipulation en laboratoire .
Si la baliverne a eu du retentissement, c’est en raison de l’identité
de celui qui s’en est fait le résonateur ; il faut donc parler du
personnage. Luc Montagnier s’est fait remarquer en défendant
l’homéopathie, en affirmant que l’ADN émet des rayonnements
électromagnétiques et que cela lui permettrait, grâce à un appareil
h
breveté inspiré des travaux de Jacques Benveniste , de réaliser des
diagnostics médicaux et de traiter des maladies comme l’autisme ou
la maladie de Lyme chronique. Au début des années 2010,
i
Montagnier a piloté des travaux à l’éthique douteuse et
prétendument soigné 60 % des enfants autistes testés à l’aide
d’antibiotiques… Qu’en conclure ? Que Luc Montagnier n’est pas un
personnage crédible malgré son prix Nobel. Si l’information qu’il a
délivrée le 16 avril avait été véridique, un nombre important de
spécialistes en auraient parlé dans des revues scientifiques, dans les
journaux, sur leurs propres sites et réseaux, les instituts de
recherche feraient des communiqués. En clair, un peu de recherche
suffisait à comprendre que cette information était fausse dès le
départ.
Et pourtant la baliverne a fonctionné : elle a été partagée et
défendue des semaines durant et elle continue de l’être par des
groupes conspirationnistes.
Passons-la au crible du modèle NARA.

Principe narratif
L’histoire est belle. Un Prix Nobel de 87 ans, libéré des
considérations de carrière, des pressions académiques, nous livre un
scoop. L’existence, dans un laboratoire, d’hybridation entre des virus,
et en particulier le plus célèbre d’entre eux : le VIH. Nous
connaissons le protagoniste, c’est une star, et Montagnier a
justement des liens avec ce virus ; l’histoire n’en est que meilleure.
Par une suite d’événements humains, l’hybride construit en
laboratoire se retrouve à l’extérieur. On nous laisse même la liberté
d’imaginer les conditions, les intentions, les tentatives d’étouffer
l’affaire, etc.

Principe d’attraction
On nous propose une explication à la pandémie qui est
intellectuellement beaucoup plus satisfaisante que l’état réel des
connaissances : une origine animale (attestée) avec un transfert
chez l’humain encore obscur et qui risque de le rester. D’un côté,
une erreur humaine, ou bien un complot malfaisant, et de l’autre…
rien, aucun motif auquel se raccrocher, aucun coupable à dénoncer,
seulement une malchance anxiogène car elle signifie que ce genre
d’épidémie peut survenir sans crier gare. Cette narration retient
notre attention, séduit notre besoin de fermeture psychologique,
c’est-à-dire de tenir une réponse, et, d’une certaine manière, nous
rassure. Une partie non négligeable de la population est disposée à
croire que des événements de ce genre se sont produits et que c’est
via un homme comme Luc Montagnier que la vérité peut être
révélée. Nous obtenons une histoire crédible, facile à retenir,
fascinante, typiquement virale.

Principe de résilience
Cette information recèle une composante conspirationniste : l’idée
que cette vérité nous est cachée par les scientifiques ou les
politiques. Et cela apporte une forte résilience au récit, puisque tout
argument présenté pour la démentir est suspecté d’être produit par
ceux qui veulent étouffer la vérité, leurs complices, ou des idiots
utiles qualifiés de « mougeons » (à la fois moutons et pigeons).
Deuxième ingrédient de résilience, la figure d’autorité représentée
par le pedigree du protagoniste permet à quiconque ayant accepté la
baliverne de se défendre d’un : « Non mais dis, tu te crois plus malin
qu’un Prix Nobel ?! »

Principe d’asymétrie
Vous constatez avec quelle aisance on peut rendre compte, en
quelques lignes, de l’histoire racontée par Luc Montagnier. Vous
constatez aussi sans doute que la vraie explication est beaucoup
plus complexe. J’ai consacré 400 mots à la version Montagnier et
850 à la version scientifiquement correcte et à la remise en contexte
de sa parole. J’ai fait de mon mieux pour être clair et concis, et
pourtant la plupart des lecteurs auront plus de facilité à restituer le
contenu du propos de Luc Montagnier que la réponse qui lui a été
apportée. Essayez avec un ami pour voir, en lui lisant cette section
puis en lui demandant, une heure ou deux plus tard, ou bien le
lendemain, de vous expliquer les deux versions. La version baratin a
cet avantage que si quelqu’un fait l’effort de lui répondre, cela
signifie qu’elle est déjà efficace et a toutes les chances de battre à
plate couture toute explication autre.

LES MILITANTS ANTI-MASQUES

Saviez-vous que les masques chirurgicaux, que l’on demande à la


population de porter pour contenir la diffusion de la maladie, sont
inefficaces et même dangereux ? Le refus du masque s’exprime de
manière importante et pas seulement en France. Ils étaient 20 000 à
er
manifester (sans masque) à Berlin le 1 août, notamment contre le
confinement et les mesures de distanciation sociale. Des
mobilisations ont eu lieu à Zurich, Madrid et Londres. Ce qui frappe,
c’est le caractère hétéroclite de cette population : écolo-anti-
vaccination, extrémistes anti-gouvernement, ésotéristes,
conspirationnistes, chrétiens, pro-libertés individuelles. La nature des
arguments mobilisés est à l’avenant.
En voici une liste non exhaustive.
On voit circuler des infographies qui comparent la taille du virus
(100 nanomètres) et la taille des mailles dans les masques les
plus sophistiqués (300 nanomètres). On veut nous convaincre
que le tissu ne peut pas empêcher un virus beaucoup plus petit
que les mailles de passer. On trouve l’idée jusque dans la
presse : « Les masques ne protègent pas » titre Slate (article de
Jon Cohen traduit en français le 31 juillet).
En réalité, les virus se propagent essentiellement en suspension
dans des gouttelettes de salive ou de mucus. Si vous retenez lesdites
gouttelettes, ce que fait le masque, vous retenez le virus.

Porter le masque réduit l’oxygénation et produit une intoxication


au CO qui affaiblit les défenses immunitaires, en conséquence
2
de quoi vous tombez malade et allez vous faire prescrire des
médicaments qui remplissent les poches de Big Pharma.
En fait, les gaz circulent très bien, des milliers de gens travaillent
toute la journée avec des masques sans rencontrer de problème
respiratoire. Quand cet argument est utilisé en même temps que le
précédent, on se retrouve en présence d’un masque de
j
Schrödinger : ses mailles sont trop grandes pour retenir les virus,
mais trop petites pour laisser passer les molécules de CO …
2

Sur certains sachets de masques, on peut lire que « ce produit


ne protège pas des contaminations virales et infectieuses ».
C’est la preuve qu’on nous ment sur son utilité.
La vérité est qu’un masque chirurgical est censé protéger les
autres et non celui qui le porte, en empêchant la projection des
gouttelettes émises lorsqu’il tousse, parle ou respire. Le porteur n’est
donc protégé qu’à la condition que ceux qui l’entourent en portent
également.

L’épidémie est finie. La peur des autres ne me concerne pas. Je


n’ai pas peur de ce virus.
Il est imprudent de faire des prédictions ; elles se révèlent souvent
fausses. Et si la pandémie prend fin, ce sera aussi grâce aux
mesures prises collectivement. Les masques en font partie. La mise
en avant de la peur qu’éprouveraient les autres est proche d’autres
griefs adressés aux « mougeons ».
« Le port du masque aura surtout pour effet de faire davantage
paniquer la population en lui faisant croire que le danger est à
chaque coin de rue », explique par exemple Jean-Dominique Michel,
5
qui s’autoproclame expert en santé publique , et par ailleurs opposé
au confinement.

Le masque est un objet dangereux dont l’utilisation vise à nous


rendre malades. Sous le masque, nous respirons nos propres
virus qui « montent vers le cerveau via le nerf olfactif » et
causent des infections cérébrales.
Rien de tout cela n’est adossé à la moindre preuve médicale, mais
on est ici dans l’idéation conspirationniste qui cherche des motifs
crapuleux derrière une directive indésirable. Il s’agit d’une copie
carbone d’un argument antivax classique.

« Les masques que nous mettons en milieu non stérile sont des
nids à staphylocoques qui prolifèrent avec l’humidité et peuvent
devenir pathogènes. » Véronique Genest, Twitter, 30 juillet
2020.
Il s’agit du même argument que le précédent, avec une illusion de
compétence apportée par la mention du nom d’un pathogène bien
précis et par l’identité de celle qui défend cette position
publiquement. Aucune donnée médicale ne soutient cette
affirmation.

La loi interdit de se masquer le visage. « Nul ne peut, dans


l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son
visage. » Loi du 11 octobre 2010, article 1.
Cet argument légaliste qui s’attache à la lettre plus qu’à l’esprit de
la loi tombe de lui-même, puisqu’il cherche à s’opposer à des
décisions que la loi impose dans les circonstances actuelles.
Moi, je fais attention. Je ne postillonne pas. « Je suis assez
responsable pour faire attention aux autres et je n’ai pas besoin
de ça pour le faire. » Lu sur Twitter.
On reconnaît ici un argument du type « Moi, je suis un bon
conducteur », censé soutenir l’idée que l’obligation devrait concerner
les autres seulement, forcément plus mauvais que moi. L’argument,
totalement égocentrique, défend implicitement la liberté individuelle.

« Le masque est en effet un élément essentiel aux rituels


occultes, révèle sur YouTube l’abbé lefebvriste Matthieu
Salenave. Le port du masque est un symbole occulte puissant
qui indique la soumission à un autre qu’à Dieu Créateur. » Le
même personnage affirme par ailleurs que « la distanciation
sociale est un crime contre nature ».
On peut considérer qu’il s’agit d’un délire très localisé, qu’il ne faut
pas prendre cela au sérieux. Pourtant, les communautés religieuses,
par leur déni de la réalité, ont souvent été des foyers
particulièrement efficaces pour la dissémination du virus, que ce soit
chez les évangélistes de Mulhouse, les juifs hassidiques de
New York, ou l’Église Shincheonji de Jésus, en Corée du Sud… La
baliverne religieuse s’emploie à nier la réalité dans le but de protéger
un credo que rien ne doit jamais menacer. On entend des croyants
dire que mourir de la maladie vaut mieux que de renoncer à une
messe, mais plus souvent ils pensent que la messe les protège (le
résultat est le même).

Le masque est une muselière, un signe de soumission au


pouvoir politique. L’imposer est un acte dictatorial, une stratégie
pour nous maintenir dans la peur.
Cet argument est de nature politique, on ne peut y répondre avec
des données scientifiques ou des faits objectifs. C’est une vision du
monde qui s’exprime et surtout la notion la plus récurrente dans le
mouvement anti-masque (très présente également dans le
mouvement antivax) : la liberté. Le militant exige le respect absolu,
non négociable, de ses libertés.
Je ne m’attarderai pas sur les récits les plus baroques à base de
5G, de puces RFID et de complot mondial où la pandémie est une
invention pour faire accepter la vaccination et enrichir les labos (le
confinement va ralentir l’activité économique et peut-être provoquer
une récession, mais la logique n’a pas été conviée lors de l’écriture
de ce scénario).
D’emblée se présente une difficulté majeure. Si l’on nous demande
de porter un masque, c’est pour protéger les autres. La stratégie est
collective, c’est la même problématique que pour les vaccins. Or,
l’intérêt collectif est invisible pour l’individu ; certains ne se fient qu’à
ce qu’ils voient ou sont capables de se représenter concrètement,
d’autres assument un égoïsme complet dans leur désintérêt à
protéger la santé d’autrui.
À l’inquiétude première du respect des libertés individuelles, on ne
peut répondre qu’en apportant de la contextualisation et en
rappelant qu’il n’y a pas d’absolu en la matière, puisque nul n’est
censé ignorer que « la liberté des uns s’arrête là où commence celle
des autres ». Or, le non-port du masque par certains exclut les
personnes fragiles des lieux publics où elles courent alors un risque
d’être contaminées, ce qui est une atteinte à leur liberté. Ceux qui
doivent porter un masque, en revanche, ne sont pas entravés dans
leur liberté de circuler. Mais parce qu’un tel compromis ne convainc
pas tout le monde, cet argument-là résiste. Indéfiniment.
Il en est de même avec le Code de la route. Il nous prive de
quelques libertés, comme doubler par la droite, faire du 130 km/h en
ville ou passer le volant à notre petit frère de 12 ans, mais tout le
monde comprend bien l’intérêt, les vies sauvées, les dommages
évités. Pourtant, chaque mesure pour plus de sécurité a provoqué
k
une résistance forte chez les automobilistes . Il serait donc étonnant
que cet argument, pourtant fondamental, se montre convaincant.
Les balivernes que nous entendons pour rejeter le port du masque
sont nombreuses, mais elles sont au service d’un récit commun : on
nous manipule, on nous ment, on veut nous forcer à adopter un
comportement qui ne nous est pas bénéfique. Derechef, voyons cela
à la lumière des quatre principes.
Principe narratif
La vérité est ailleurs, on nous prend pour des jambons, mais on
est plus malins que ça. Tel est le récit de base. Il fait une belle
histoire car il mobilise un esprit de résistance à l’autorité, qui est la
base de beaucoup de fictions. Nous sommes habitués à ce que le
gentil découvre une vérité que le peuple indolent est heureux
d’ignorer et que des puissants ont intérêt à camoufler. Le succès est
garanti auprès de ceux qui appliquent cette lecture au monde réel,
d’où la prévalence de ces récits chez les Gilets jaunes. C’est l’histoire
de la rébellion contre l’Empire.

Principe d’attraction
On peut adhérer à ce récit général pour plusieurs raisons. Il
permet de conjurer la menace, de se dire qu’il n’y a pas réellement
de danger, c’est rassurant. Le récit offre surtout une série de
justifications à un acte par ailleurs égoïste. Les balivernes se dotent
d’une fonction d’alibi : ce n’est pas tant qu’on y croit, mais on les
trouve bien pratiques pour refuser ce qui empiète sur notre confort
personnel.

Principe de résilience
Nous sommes dans le conspirationnisme de plain-pied. Tout
repose sur l’idée qu’un groupe de personnes conspire en secret pour
faire avancer ses intérêts aux dépens de ceux de tous les autres.
Cette idée étant posée, comme une évidence préalable, il n’existe
aucun moyen logique de prouver qu’elle est fausse car tout ce que
vous direz confirmera que le complot existe et que vous en êtes
complice, volontairement ou non.
Cette baliverne a une dimension politique, et elle pourra s’appuyer
sur tous les soupçons de connivence et de calcul, sur toutes les
accusations devenues monnaie courante dans la bouche du
personnel politique. À toute tentative de contextualisation, il sera
aisé de plaider la diversion : la polémique sur le masque viendrait du
pouvoir en place, elle viserait à ne pas parler des vrais problèmes, et
notamment les mesures économiques que le gouvernement ne
prendrait pas. Bon courage à qui voudrait réfuter une telle
hypothèse.

Principe d’asymétrie
Nous avons vu que les arguments sont nombreux, nous sommes
face à un mille-feuille argumentatif. Dans ce cas de figure, les
arguments individuels sont des « balivernes-alibis », des petites
histoires qui entretiennent les soupçons et éloignent des vraies
raisons du rejet du masque. Toute réfutation de ces alibis est en fait
inutile, car leur absence n’empêche pas la croyance de persister. Il y
a donc une asymétrie absolue entre des balivernes qui servent à
rationaliser un refus idéologico-égoïste et les arguments factuels que
l’on pourrait apporter pour faire changer d’avis l’interlocuteur.
Pour gagner contre cette baliverne protéiforme, il faudrait donc
s’adresser aux vraies raisons du refus, les rendre apparentes, les
faire admettre et seulement ensuite en questionner les présupposés
pour éventuellement les réfuter.
L’objection contre toute atteinte portée à sa liberté personnelle
reste le motif premier, et certainement le plus sincère, mais aussi le
plus difficile à contredire puisqu’il faut adopter un mode de pensée
systémique pour comprendre la portée de l’immunité de groupe.
Une réflexion de la philosophe Sophie Keeling de l’université de
Southampton permet de comprendre le rejet du masque en pleine
épidémie et la forme prise par les justifications de ce refus : « La
confabulation provient du désir de satisfaire à une obligation
rationnelle – l’obligation d’expliquer de manière informée nos
6
attitudes en référence à des raisons motivantes . » Les anti-masques
ne croient pas nécessairement aux raisons qu’ils donnent pour
fonder leur opinion, mais ils croient certainement à la justesse de
leur position et à leur droit de la défendre.

RAMDAM ET CHLOROQUINE

La pandémie a vu naître d’autres polémiques, d’autres balivernes


au sujet de remèdes illusoires ou de prédictions douteuses.
Arrêtons-nous sur la plus retentissante de toutes.
Voici une version de l’histoire. Un courageux chercheur de
renommée mondiale accuse d’incompétence le gouvernement
français dans la gestion de la crise de la Covid-19. Cet éminent
professeur, à la tête d’un institut de recherche de pointe, a trouvé un
remède efficace mais qui dérange l’industrie du médicament, car son
faible coût interdit de pouvoir engranger les grands profits que fait
miroiter la pandémie. Insensible à l’intimidation, il s’exprime haut et
fort, dénonce la corruption du monde de la recherche, à la solde des
industries, met en lumière l’ignorance des journalistes tout juste
aptes à répéter la voix de leurs maîtres. Ses ennemis utilisent son
style, son caractère, pour le caricaturer, pour le marginaliser, mais, à
l’échelle du monde, son traitement est largement utilisé, il sauve des
vies et le temps lui donnera raison.
En quelques lignes, je vous ai raconté l’histoire qui s’est décantée
autour de nous au cours des derniers mois et qui circule avec
ferveur dans une partie de la population, et en particulier celle qui
raffole déjà des deux balivernes précédentes. Pour se faire une
opinion un tant soit peu solide sur cette histoire, il nous faudra plus
que quelques lignes. C’est la loi du genre.
Didier Raoult fait parler de lui en février 2020 quand il annonce les
« résultats spectaculaires » d’un remède qu’il préconise, alors qu’à
travers le monde règne le désemparement. Il fallait commencer par
prendre au sérieux Didier Raoult, par l’écouter au début de la crise,
quand les données manquaient et que l’on se devait d’explorer
toutes les voies. Le croire sur parole ou tout rejeter en bloc
7
participait d’une même forme de cécité . Toutefois, s’est vite installé
un récit de type héroïque où la posture et les rodomontades
occupent plus de place que les protocoles conformes aux exigences
de la profession. On constate vite une popularité de
l’hydroxychloroquine et de son promoteur inversement corrélée à la
confiance que lui accordent les spécialistes mondiaux des maladies
infectieuses et de la santé publique.
Face aux contestations, Didier Raoult se défend d’une manière
singulière. Sur la chaîne YouTube de l’institut qu’il dirige, le
8
28 février , toujours vêtu de sa blouse blanche, il entend expliquer à
tout le monde ce que c’est qu’un expert en faisant la démonstration
que, sur le site Expertscape.com, son nom arrive en tête dans la
catégorie des maladies infectieuses. « Je suis désolé, je suis le
premier expert. […] Il y a des manières de quantifier le niveau
scientifique des gens qui est facile à évaluer. » C’est avec cette vidéo
que je découvre le personnage ; autant dire que la première
impression est spéciale. Je commence par espérer que le remède
soit le bon, tout en regrettant que la posture soit si mauvaise. Didier
Raoult dirige un grand institut, cela lui confère de la crédibilité. Mais
il ne peut pas ignorer qu’en science ce qui fait autorité sur une
question, ce n’est pas la stature, le titre, le pedigree de celui qui
parle, mais la démarche employée pour produire la parole, ainsi que
la manière dont la communauté scientifique est en mesure de faire
quelque chose de cette parole, notamment la production de
nouvelles connaissances.
Au sujet des critères qui permettent de quantifier le niveau
scientifique, les auteurs du site Expertscape.com apportent un
camouflet à l’autocongratulation du professeur Raoult en
deux tweets le 9 avril : « Le professeur Raoult est peut-être un
expert en maladies infectieuses… mais son étude ne tient pas
bien » ; puis : « Le problème réside vraiment dans la communauté
scientifique européenne. Ce type “d’optimisation de la publication”
n’est pas toléré dans la communauté scientifique américaine. » En
d’autres termes, la position de leader mondial de Didier Raoult n’est
pas franchement validée par le site qu’il utilise pourtant pour la
revendiquer. En cause : l’habitude qu’a Didier Raoult, depuis des
années, de signer plus de deux articles par semaine, ce qui lui
permet d’avoir 3 500 articles à son actif. Cette production
gargantuesque conduit à son classement en tant qu’expert mondial
de premier ordre, mais elle pose question. Pour Hervé Maisonneuve,
médecin et expert en intégrité scientifique, ce volume de publication
est incompatible avec le travail attendu d’un auteur, tel que détaillé
dans les recommandations de l’International Committee of Medical
9
Journal Editors (ICMJE) . Pour avoir sa place sur la liste des auteurs,
il faut remplir quatre critères cumulatifs : la contribution substantielle
à la conception ou aux méthodes de la recherche, la rédaction
préliminaire de l’article ou sa révision critique, l’approbation finale de
la version à publier et l’engagement à assumer l’imputabilité pour
tous les aspects de la recherche. En somme, Didier Raoult exploite le
système académique en signant massivement les travaux de ses
subordonnés, ce qui a pour conséquence d’augmenter
artificiellement son score sur les indicateurs d’expertise et
d’engranger de manière déloyale des points SIGAPS (Système
d’interrogation, de gestion et d’analyse des publications
scientifiques) qui entraînent l’afflux vers ses équipes de fonds publics
que d’autres chercheurs n’abusant pas du système ne verront jamais
aider leurs projets. Hervé Maisonneuve qualifie Didier Raoult de
« chercheur aux mains sales » dans le documentaire Enquête
Exclusive – Enquête sur le mystère Didier Raoult diffusée le
17 janvier 2021 sur M6.
Au moment où j’écris ces lignes, Didier Raoult n’est plus le premier
expert mondial des maladies infectieuses sur Expertscape.com. Le
site, mis à jour et corrigé, relègue Raoult en dehors des 20 meilleurs
experts de France (il disparaît de la première page au niveau
mondial), ce qui le place derrière Dominique Costagliola et Karine
Lacombe, par exemple, qui ont des positions diamétralement
opposées aux siennes et qui sont donc plus légitimes que lui à dire
le « vrai » selon le critère (douteux) établi par Raoult lui-même. Ça
pique.
Tout cela ne signifie pas que Didier Raoult a tort. Ce que nous
venons de voir c’est que l’argument « L’élite, c’est moi » est un
piège, une illusion qui ne marche pas auprès de ceux qui
connaissent le monde de la recherche, mais qui n’ont pas accès aux
médias pour le dire. Voyez comme il nous a fallu du temps pour
l’expliquer.
er
Dans la matinale de Radio Classique du 1 avril 2020, Didier
Raoult juge que ses contradicteurs sont des « gens qui ne sont ni
praticiens, ni scientifiques », et c’est faux, car beaucoup d’experts
ont émis des critiques très tôt. Cette attitude conduit de nombreux
spécialistes à émettre des doutes, comme Rony Brauman, ancien
président de Médecins sans frontières, qui juge que « la façon dont
Didier Raoult a présenté la chloroquine comme un médicament
miracle appartient plus à un prophète qu’à un spécialiste de santé.
[…] Didier Raoult a un passé de chercheur sérieux, mais son
10
personnage de génie autoproclamé n’incite pas à la confiance ».
La confiance est très précisément la notion centrale de toute cette
affaire.
11
En mars 2020, avec l’étude de Philippe Gautret et de son équipe ,
l’IHU de Marseille entend montrer l’efficacité de
l’hydroxychloroquine, efficacité accrue par l’utilisation
d’azithromycine. Rapidement, les critiques sont extrêmement dures
et, plus tard, en juillet 2020, la revue International Journal of
Antimicrobial Agents, dans laquelle ladite étude fut publiée, fait
connaître la relecture additionnelle par les pairs demandée au
professeur Frits Rosendaal, épidémiologiste néerlandais, à la suite
des critiques. On peut y lire que « cette étude souffre de lacunes
méthodologiques majeures qui la rendent presque entièrement non
informative et que le ton du rapport, en présentant cela comme une
preuve d’un effet de l’hydroxychloroquine et même en
recommandant son utilisation, est non seulement non fondé, mais,
étant donné la demande désespérée d’un traitement de la Covid-19,
couplée avec les effets potentiellement graves de
12
l’hydroxychloroquine, totalement irresponsable ». D’autres critiques
tombent sur les études que l’équipe de Raoult publie par la suite,
comme celle-ci : « Globalement la faible puissance de l’étude de
Gautret et al. réduit la probabilité qu’un résultat significatif soit le
reflet d’un effet véritable, et augmente le risque que les résultats
13
soient surestimés et non reproductibles . »
Didier Raoult, pourtant, persiste et signe sur sa chaîne YouTube et
dans la presse : il répète qu’il est celui qui connaît le mieux la
maladie. « J’étais un grand scientifique et je le reste après cette
14
publication », dit-il à l’Assemblée nationale . Il ressasse aux
journalistes qu’ils sont incapables de le comprendre, comme David
Pujadas le 25 mai 2020 pour LCI : « Les gens, ils pensent comme
moi, vous croyez qu’ils pensent comme vous mais vous vous
trompez. […] Vous voulez faire un sondage entre Véran et moi ?
Vous voulez voir ce que c’est que la crédibilité ? » Mieux informé que
tout le monde, il verrait directement les effets de son traitement, la
réalité du terrain, là où les autres ne jureraient que par les « big
data ». Il disqualifie les méta-analyses qui, les unes après les autres,
montrent non seulement l’inefficacité de l’hydroxychloroquine contre
la Covid-19, mais un risque de surmortalité des patients traités
quand on adjoint l’azithromycine, comme le préconise l’équipe de
15
Didier Raoult . Il estime pouvoir récuser la « médecine fondée sur
les faits » et la hiérarchie des preuves scientifiques (il s’exprime
« contre la méthode »), et donner des leçons d’épistémologie à ses
étudiants ainsi qu’au public à travers sa chaîne YouTube ; leçons
dans lesquelles il s’emmêle avec des concepts basiques et fait la
16
démonstration d’un opportunisme de philodoxe, un homme plus
attaché à ses idées qu’à la sagesse.
Didier Raoult a fait le choix de donner une foultitude d’interviews
sur tous les médias, des chaînes d’information généralistes aux
radios mainstream en passant par les journaux de tous bords (y
compris la presse people). Ses passages devant la caméra durant la
crise se comptent en dizaines d’heures et s’accompagnent d’un
festival d’incohérences.
On l’y entend souvent jurer qu’il ne fait jamais aucune prédiction
et il enchaîne généralement avec une ou deux prédictions, comme
17
dans La Provence , le 21 mars 2020 : « Là, on en est à moins de
500 [morts]. On va voir si on arrive à en tuer 10 000, mais ça
m’étonnerait » ; ou sur BFMTV le 30 avril 2020 à propos d’un
possible retour de l’épidémie : « L’histoire de rebond, c’est une
fantaisie qui a été inventée à partir de l’épidémie de grippe
espagnole […] qui n’a rien à voir. […] C’est de la science-fiction. »
Didier Raoult a commencé par minimiser publiquement la gravité
de l’épidémie en estimant qu’elle ferait « moins de morts que par
18
accidents de trottinettes ». Il ne fut pas le seul à commettre cette
erreur, loin de là, mais il fut seul à dire : « Il y a trois Chinois qui
meurent et ça fait une alerte mondiale. L’OMS s’en mêle, on en parle
à la télévision et à la radio. Tout cela est fou, il n’y a plus aucune
lucidité », ou « Qu’il y ait des gens qui soient morts du coronavirus
en Chine, moi je ne me sens pas concerné » (21 janvier sur la
chaîne YouTube de l’IHU Marseille), ou encore qu’il s’agit de
« l’infection respiratoire la plus facile à traiter de toutes » dans une
vidéo initialement intitulée « Coronavirus : fin de partie » le
25 février 2020.
En d’autres occasions, il dit que les statistiques de mortalité ne
19
seront pas impactées par la Covid-19 . Il insiste sur le fait que les
gens mouraient moins de maladies respiratoires d’origine virale
en 2020 qu’en 2019, le 24 mars sur sa chaîne YouTube. Il doute de
l’intérêt des gens à prendre un vaccin « pour quelque chose qui ne
tue pas » le 19 août sur CNews. Il affirme que cette pandémie est
« relativement mineure » le 9 octobre dans l’émission Morandini
Live.
Confus, mais plein d’aplomb, Didier Raoult annonce lors de son
audition à l’Assemblée nationale le 24 juin que le mode de
transmission est essentiellement manuporté, il dit à Laurence Ferrari
pour CNews le 19 août : « C’est pas possible que ça passe par voie
respiratoire […] il n’est pas possible que ça passe par autre chose
que par les mains », puis il estime que la contamination est
respiratoire et manuportée sur Sud Radio le 7 septembre, mais sur
CNews le 6 octobre, il affirme encore que « le risque d’exposition
aéroportée est relativement faible à côté du risque d’exposition
manuportée ». Et pourtant les données scientifiques disent le
20
contraire et le CDC (Centre pour le contrôle et la prévention des
maladies) insiste sur les risques d’une contamination essentiellement
21
aéroportée . Où est la véritable expertise, où est la baliverne ? Les
anti-masques, en tout cas, sont heureux de colporter l’opinion de
Didier Raoult sur le mode de contamination…
À Paris Match le 30 avril, il déclare : « Trouver un vaccin pour une
maladie qui n’est pas immunisante… c’est même un défi idiot », ce
qui fait le bonheur des antivax qui ne croient pas à l’efficacité du
vaccin anti-tétanos par exemple, maladie très rarement immunisante
et pourtant évitable grâce à la vaccination.
Il pronostique tranquillement l’absence de deuxième vague : « Cet
épisode est en train de se résoudre et il n’y a nulle part de deuxième
vague […] il y a quelques cas sporadiques qui apparaîtront ici ou
là » (12 mai, sur sa chaîne YouTube). Mais quarante jours plus tard,
le 24 juin, sous serment à l’Assemblée nationale : « Je n’ai jamais
prononcé le mot de deuxième vague qui est un mot que je réserve à
ceux qui l’utilisent, mais je ne l’ai jamais utilisé sauf pour vous
répondre. » Le 30 avril, lors de son interview à BFM TV, quand
Apolline de Malherbe dit que certains évoquent une seconde vague :
« Non, mais je sais pas d’où c’est sorti, ça encore. C’est une espèce
de fantaisie, ça. […] On peut tout imaginer mais c’est de la science-
fiction. » Hélas, une deuxième vague s’invitait quelques mois plus
tard. Un nouveau confinement est promulgué au moment où je relis
et complète ce chapitre et Didier Raoult était encore face à David
Pujadas il y a quelques jours, toujours incapable de concéder avoir
eu tort ou s’être mal exprimé, lançant des « vous êtes tous fous,
vous êtes devenus tous cinglés ! », et se défendant : « Qu’une
population qui avait vu passer une épidémie puisse faire, dans les
trois mois qui suivent, une autre épidémie est une chose que je ne
prédisais pas, qui n’a jamais été vue dans les infections virales
respiratoires, qui est quelque chose de nouveau. » Et pourtant,
d’autres experts soulignaient ce risque depuis des mois, peut-être
connaissaient-ils des précédents, comme la grippe espagnole
(trois vagues en 1918-1919) ou le SRAS (deux vagues en mars et
mai 2003) ou la grippe porcine (deux vagues en 2009). Le tour de
passe-passe de Didier Raoult consiste à parler d’une autre épidémie
afin de nier que la vague automnale soit la deuxième de l’épidémie
de Covid-19, ce que néanmoins, et malgré ses artifices de langage,
elle est.
Lors de la commission d’enquête sur la gestion de la crise du
coronavirus au Sénat le 15 septembre 2020, Didier Raoult annonce
que le virus est devenu moins virulent, moins dangereux. Et puis
quand le nombre des patients admis en réanimation à Marseille
grimpe en flèche, le ton change : « Le premier [virus] qui circulait en
juillet-août – on a une publication qui vient d’être acceptée – donnait
sur tous les marqueurs que nous avions une sévérité moindre, moins
d’hospitalisations, moins de réanimations, moins de morts » (Midi
Libre, 6 octobre 2020).
Le 16 mars (sur sa chaîne) : « Tous les gens qui meurent,
meurent avec le virus. Donc le fait de ne plus avoir le virus, ça
change le pronostic. De fait, c’est ça les maladies infectieuses : si
vous n’avez plus le microbe, vous êtes sauvé. » S’il dit cela, c’est
pour justifier d’avoir choisi comme critère les tests PCR dans l’étude
qu’il vient de sortir : si le test devient négatif, alors le malade est
sauvé ! Mais voilà que le 28 avril (même canal) : « Au fur et à
mesure que les choses se dégradent, eh bien il n’y a plus de
corrélation entre la charge virale et la sévérité ; et au contraire à la
fin, il n’y a plus de virus ! Dans les gens qui sont près de mourir, il y
a très peu ou plus de virus. » Évidemment, il devrait alors
questionner la pertinence du critère PCR, ce qu’il ne fait jamais.
Je ne m’étendrai pas sur toutes les autres contradictions
sidérantes qui se sont succédé des mois durant. J’en ai dit assez
pour justifier qu’on prenne de la distance avec lui et qu’on doute de
son expertise comme de l’honnêteté de son point de vue sur une
épidémie que d’autres spécialistes abordent avec beaucoup plus de
prudence et de méthode. Ce livre ne saurait être tout entier dédié à
l
ce « renégat » de la science, comme il se plaît à se définir lui-
même.

Toutefois, le cas de Didier Raoult est intéressant pour nous, parce


que son attitude, ses déclarations et le travail qu’il publie dans la
littérature scientifique depuis les débuts de l’épisode Covid-19
regorgent de signaux d’alerte qui nous sont utiles au quotidien pour
repérer les balivernes, les impostures, les escroqueries, les
pseudosciences, alors même que le personnage est un véritable
scientifique, avec une véritable carrière jalonnée de récompenses, de
collaborations et de publications en grand nombre. On a vu tout à
l’heure qu’un Prix Nobel pouvait dérailler méchamment, cela peut
aussi arriver à un éminent professeur marseillais. La perplexité du
grand public me semble tout à fait justifiée. Alimenter cette
perplexité en temps de crise ne devrait pas figurer dans les objectifs
d’un responsable de santé publique.
En laissant de côté la « vérité » au sujet du traitement, il faut
s’interroger sur le succès du point de vue de Didier Raoult auprès
d’une partie de la population. Celle-ci ne peut pas fonder son opinion
sur une connaissance directe du sujet, elle doit déléguer la
connaissance à des experts, à « ceux qui savent » et qui traduisent
l’état des connaissances. Pour beaucoup, le seul vrai expert, le
meilleur du monde, c’est Didier Raoult. Sans doute est-ce parce qu’il
offre une belle histoire, celle du vieux lion, blanchi sous le harnais,
qui connaît le système par cœur, qui dénonce sans langue de bois
22
les dysfonctionnements, adopte un look « qui les emmerde »,
signe des centaines d’études tous les ans, plane au-dessus des
autres sans cacher le mépris qu’il a pour ces arrogants de Parisiens.
Il s’exprime régulièrement sur YouTube, directement au peuple,
remet les journalistes à leur place, rabat leur caquet aux puissants et
propose un traitement peu onéreux qui, dit-il, ne fait pas les affaires
de l’industrie du médicament. Il revendique en outre des « résultats
spectaculaires ». L’attrait est éclatant, en particulier pour une
population qui ressemble à celle qui adhère à la baliverne
précédente. Didier Raoult est d’ailleurs, comme eux, opposé au
confinement face à la Covid-19, et de manière générale à toutes les
décisions prises par les responsables.
Le principe de résilience joue en sa faveur, il peut compter sur les
soupçons de corruption de ses confrères qu’il n’hésite pas à formuler
23
lui-même jusque dans un article publié dans une revue que les
spécialistes s’accordent à trouver complaisante avec les productions
de son équipe (et pour cause, elle est dirigée par des collaborateurs
de son institut, c’est-à-dire ses subalternes). L’indécence s’ajoute au
tableau, puisque Didier Raoult oppose un silence radio aux
demandes parfaitement légitimes des chercheurs sur les sources et
les modes opératoires employés pour arriver à la conclusion que les
conflits d’intérêts de la profession expliqueraient le rejet du
traitement proposé par Raoult contre la Covid-19. Le partage des
protocoles et des résultats est une exigence éthique fondamentale
du chercheur.
Résilience toujours, la personnalité exubérante de Raoult devient
une raison de juger qu’il n’est critiqué que parce qu’il dérange, qu’il
cause de la jalousie et fait obstacle à des projets financiers. « J’ai un
cursus qui fait rêver à peu près n’importe qui. J’ai été le plus jeune
m
président de l’université de France , le plus jeune président des
médecins, le plus jeune de tous les professeurs de la classe
exceptionnelle, le professeur le plus ancien dans le grade le plus
élevé de tout ce pays en médecine, j’ai tout eu dans ma vie. C’est
24
moi l’élite . »
L’asymétrie est encore de son côté, puisque après avoir publié en
hâte des travaux parfois bâclés, il critique à son aise la lenteur des
grands protocoles qu’il juge inutiles : « Tout essai qui comporte plus
de 1 000 personnes est un essai qui cherche à démontrer quelque
chose qui n’existe pas », dit-il le 24 juin à l’Assemblée nationale,
alors que l’IHU de Marseille publiait en mai une étude sur
25
1 061 patients … L’asymétrie est aussi dans le sens du scandale de
Didier Raoult, quand il fait une (auto)référence au maréchal Foch le
20 avril sur Twitter et lance dix jours plus tard à Paris Match que « le
consensus, c’est Pétain ». Toute réponse à ces outrances ne peut
être que fastidieuse. Aucune personnalité scientifique opposée à ses
positions ne se permet ce genre de débordement ni les insultes qu’il
profère contre les « fous » ou les « pieds nickelés », contre
l’immunologue Anthony Fauci, chef de la cellule de crise de la
Maison-Blanche qu’il traite de « gâteux » le 17 février sur YouTube,
contre Elisabeth Birk, chercheuse spécialisée dans la détection de
fraudes scientifiques qu’il traite de « cinglée » le 6 octobre sur
CNews, contre David Pujadas le 27 octobre : « vous êtes fou, vous
êtes cinglé », quand celui-ci suggère que la parole publique du
professeur a des conséquences sur le comportement (et le possible
relâchement) de ceux qui l’écoutent. Et cette audace, cet aplomb est
perçu comme un marqueur de compétence qui réaffirme la
confiance que l’on croit pouvoir éprouver.
Si l’enfilade de balivernes produit à la chaîne par Raoult et l’IHU
Marseille a eu autant de succès, c’est parce que beaucoup de gens
voulaient entendre cette parole-là : une parole qui conjure le danger
de l’épidémie, qui fustige le gouvernement pour ses mauvais choix,
son autoritarisme, sa mauvaise gestion, qui critique le petit monde
académique perçu comme prétentieux et centralisé à la capitale. Une
parole conforme aux exigences de la science et du statut de Didier
Raoult à la tête d’un IHU n’aurait pas pu produire un tel effet
d’adhésion, et seule la fausse apparence d’une posture antisystème
de la part d’un homme puissant dans ledit système lui a donné de la
résonance : sa personne devenait un argument en soi, un token de
crédibilité à opposer à toute parole scientifique.
La chose est en fait très banale ; les conspirationnistes, les
créationnistes et, de manière générale, les groupes défendant une
vision du monde en délicatesse avec les données de la science sont
toujours enchantés de mettre en avant la moindre personnalité
scientifique qui épouse leurs convictions, comme si ce savant-là
pouvait éclipser tous les autres. Raoult, sans jamais prendre ses
distances avec ces mouvements, a fait cadeau de sa crédibilité aux
discours anti-scientifiques qui ont semé le désordre dans la manière
dont la population tentait de réagir à la crise.

Dans notre malheur, nous avons la chance de voir les données de


la science s’accumuler et donner tort à ce « grand chercheur ». Il
aurait pu en être autrement. Régulièrement des astrologues tombent
juste, car même eux ne sauraient avoir le privilège de toujours se
tromper, Voltaire le savait, Didier Raoult aussi : « Parmi tous les
imbéciles qui prédisent, il y en a toujours un qui a raison, c’est
comme ça » (LCI, 26 octobre 2020). Il était possible que le
traitement hydroxychloroquine + azithromycine soit la meilleure
réponse disponible contre la pandémie, et alors, en dépit de la
bonne nouvelle d’avoir une solution thérapeutique tant espérée,
cette situation aurait plongé le public dans une confusion bien plus
terrible encore. Les faits auraient pu donner l’illusion de valider la
posture du professeur marseillais, son rejet de la méthode, de la
prudence, de l’éthique expérimentale, celle qui exige des chercheurs
d’un centre hospitalier universitaire qu’ils produisent les
connaissances qu’attendent l’ensemble des professionnels de santé
pour pouvoir proposer les meilleurs soins au plus grand nombre. Le
temps, quand il offrira recul et sérénité, nous dira avec plus de
précision l’étendue des dégâts engendrés par ce chercheur renégat
dans la compréhension publique de la science et le rapport de
confiance à celle-ci.

Les moments de crise sont particulièrement propices aux


emballements, aux polarisations, aux impostures, mais les balivernes
savent s’imposer dans tous les contextes si nous manquons de
vigilance. Le plus déchirant secret des balivernes, c’est que leur
succès repose en bonne partie sur la difficulté que nous éprouvons à
nous émerveiller du monde réel, pourtant époustouflant.
L’étonnement face à la réalité, l’émerveillement devant l’infinie
complexité de l’univers, de la nature et de l’humain sont nos
meilleurs antidotes pour résister aux sirènes des récits chimériques.
3
NOUS PERCEVONS LE MONDE À
TRAVERS DES FILTRES

« Là où l’homme aperçoit un tout petit peu


d’ordre, il en suppose immédiatement beaucoup
trop. »
n
FRANCIS BACON, Novum organum, 1620

N ous sommes, vous comme moi, des unités informativores.


Constamment, nous ingurgitons des stimuli que nous analysons
pour comprendre le monde. Tous les animaux fonctionnent ainsi,
mais nous avons atteint un niveau de raffinement extrême grâce
auquel notre espèce réussit des prouesses techniques, artistiques et
scientifiques sans équivalent dans la nature. Nous sommes capables
d’identifier les informations pertinentes au milieu du bruit des
stimulations tous azimuts de notre environnement. Pensons à l’effet
cocktail : au milieu d’un brouhaha informe, nous avons la capacité
d’isoler un flux verbal, de le faire ressortir du bruit ambiant afin d’en
comprendre le sens. Et dans le même temps, une partie de notre
attention reste disponible pour un stimulus externe ; par exemple
nous percevons si notre nom est prononcé, ou si une voix familière
se rapproche. Cette compétence de reconnaissance de forme est le
fondement de la grille de lecture qu’utilise notre cerveau pour se
représenter le monde.
Nous sommes tellement forts dans cette tâche qu’il nous arrive de
commettre des excès de zèle. Pour s’en convaincre, il suffit de lire la
liste des étranges coïncidences que certains ont dénichées entre les
vies des présidents Lincoln et Kennedy. Leurs noms ont 7 lettres ; les
identités de leurs assassins ont 15 lettres. Tous les deux sont
assassinés un vendredi d’une balle dans l’arrière de la tête. Lincoln
est abattu dans le théâtre Ford ; Kennedy meurt à bord d’une
Lincoln fabriquée par les usines Ford. Leurs successeurs meurent
dix ans après eux et s’appellent Johnson. La semaine précédant sa
mort, Lincoln était à Monroe dans le Maryland, tandis que la semaine
o
avant sa mort Kennedy était en compagnie de Marylin Monroe . Etc.
Le relevé de ces faits semble faire émerger un schéma sous-jacent
et notre première réaction est de lui chercher une signification.
Il est très facile de dresser une liste de coïncidences
impressionnantes entre deux individus en choisissant arbitrairement
certaines données parmi d’innombrables informations et en oubliant
la quantité astronomique de données n’apportant aucune
correspondance. De la même manière, on nomme « synchronicité »
les coïncidences d’événements sans lien de causalité mais auxquelles
on peut attribuer une interprétation, souvent empreinte de
spiritualité. Rien de très étonnant : nous éprouvons une satisfaction
intime à chaque fois que nous réussissons à donner une signification
à un signal ambigu ou complexe, car nous aimons comprendre. Nous
aimons tellement cela que nous exagérons souvent, nous
comprenons trop, parce que nous surinterprétons. Et ainsi lit-on
l’avenir dans les entrailles des oiseaux ou dans le marc de café, ou
dans la position des astres, ou en tirant quelques cartes de tarot ; et
la personne qui veut croire à la véracité de ces interprétations
données à partir d’informations sans signification intrinsèque
éprouve une satisfaction à entrevoir un sens caché qui échappe aux
autres et qui lui donne le sentiment d’avoir un peu plus de contrôle
sur son existence. C’est encore plus efficace quand l’interprétation
est totalement immunisée contre toute forme de réfutation et peut
donc rester vraie aussi longtemps qu’on le désire, comme c’est le cas
avec les « synchronicités ».
L’erreur très répandue qui consiste à voir quelque chose… qui
n’est pas là porte ce qui pourrait être un nom de déesse grecque :
apophénie. C’est la capacité à identifier une forme, à faire émerger
un sens dans ce qui, en réalité, n’est que du bruit statistique.

L’HÉRITAGE DE L’ERREUR

Pour comprendre d’où vient cette capacité étonnamment


répandue, remontons notre arbre généalogique sur des centaines de
milliers et même des millions de générations. Revenons 100 millions
p
d’années dans le passé. À cette époque, notre lignée évolutionnaire
est présente sous la forme d’animaux, qui sont aussi les futurs
ancêtres des rongeurs, des lapins et des écureuils volants, et qui
devaient ressembler à l’Eomaia, long de 12 centimètres, lourd de
25 grammes. De loin, un profane pourrait les confondre avec des
rats. Ce sont des animaux de taille fort réduite dans un monde
peuplé de dinosaures.
Pourtant, ils possèdent un cerveau de mammifère et, surtout, à la
différence de la majorité des espèces qui les entourent, ils vont
transmettre ce cerveau à des descendants qui s’en servent encore
100 millions d’années plus tard ! Il y a une raison à ce succès
évolutionnaire, parce que l’évolution n’est pas régie par le hasard,
mais par la sélection naturelle, qui est l’inverse du hasard. Nos petits
ancêtres possèdent des caractéristiques qui leur confèrent un
avantage déterminant pour la survie. Et leur cerveau est au
diapason, car c’est un organe de survie avant d’être un outil pour
philosopher. Regardons d’un peu plus près comment le cerveau dont
nous avons hérité contribue à la survie de notre lignée depuis cette
époque reculée.
Pour cela, imaginez que vous êtes un petit animal dans un monde
peuplé de créatures bien plus dangereuses que vous. Tandis que,
tranquillement, vous lissez votre pelage, un bruit attire votre
attention dans un buisson tout proche. Deux possibilités : ou bien
c’est un danger, ou bien ce n’en est pas un. Il s’agit peut-être d’un
prédateur s’apprêtant à surgir ou seulement du vent. Ces deux
possibilités n’ont pas les mêmes conséquences pour vous. Si un
prédateur est bien là, votre vie est en jeu et vous avez intérêt à
réagir rapidement. Vous-même, cher lecteur, êtes en vie parce que
vos aïeux ont réussi à ne pas se faire dévorer à l’improviste ; ils
étaient capables de reconnaître un danger et ils vous ont transmis
cette aptitude.
Le petit animal que vous êtes se trouve face à ce qu’un
scientifique appellerait un test d’hypothèse. Il vous faut répondre à
la question : le danger que je perçois est-il réel ?
Si vous commettez une erreur de « première espèce », c’est-à-dire
un faux positif, vous allez identifier un danger là où il n’y en a pas.
Conséquence : vous fuyez en vivant un stress plus ou moins fort, et
puis voilà, c’est à peu près tout. Le coût de cette erreur s’arrête là.
L’erreur dite de « seconde espèce », c’est le faux négatif. Vous
avez échoué à reconnaître le danger qui était bien présent. Et là,
c’est tout simple, si le danger est vraiment sérieux, vous n’aurez plus
jamais l’occasion de refaire une erreur de ce type. Votre mort
éliminera vos gènes au bénéfice des gènes de ceux qui ne
commettent pas ce type d’erreur.
Au fil des générations, et depuis des millions d’années, la nature a
éliminé les individus qui avaient tendance à commettre l’erreur de
seconde espèce. Et nous sommes le résultat de ce long travail de la
nature et de la logique sur la matière vivante. Ce mécanisme
extrêmement simple a de profondes conséquences sur la fixation
dans les lignées évolutionnaires des aptitudes à percevoir et
identifier les formes dans l’environnement.
L’apophénie n’est donc un défaut que si l’on regarde notre cerveau
pour ce qu’il n’est pas ; il n’est pas fait pour penser de manière
purement rationnelle, pour réaliser des statistiques ou pour pratiquer
le scepticisme scientifique. Le cerveau pilote notre corps avec des
comportements qui ont fait par le passé la preuve de leur utilité dans
la survie des individus. Point. Notre propension à voir des choses qui
ne sont pas là n’est donc pas un dysfonctionnement, mais un atout à
l’échelle d’une lignée évolutionnaire comme la nôtre… sauf que le
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between them, Elphinstone rose to depart, but before he went, he
touched Swift on the shoulder with his sword, and dropped a hint
that he would expect to receive satisfaction next morning on the
Links. Next day, accordingly, the two gentlemen met at eleven in the
forenoon in that comparatively public place (as it now appears), and
fought a single combat with swords, which ended in Swift receiving a
mortal wound in the breast.
Elphinstone was indicted for this act before the High Court of
Justiciary; but the case was never brought forward, and the young
man died without molestation at Leith three years after.

The merit of the invention of that noble 1730.


instrument, the Reflecting Telescope, is
allowed to rest with David Gregory, a native of Scotland, although
that of first completing one (in 1671) is due to the illustrious Newton.
It was thought very desirable by Sir Isaac to substitute glass for
metallic reflectors; but fifty years elapsed without the idea being
realised, when at length, about this date, a very young Edinburgh
artist, named James Short, ‘executed no fewer than six reflecting
telescopes with glass specula, three of which were fifteen inches, and
three nine inches in focal length,’ to which Professor Maclaurin gave
his approbation, though ultimately their light was found fainter than
was deemed necessary.
Two years afterwards, when Short had only attained the age of
twenty-two, he began to enter into competition with the English
makers of reflecting telescopes, but without attempting to make
specula of glass. ‘To such perfection did he carry the art of grinding
and polishing metallic specula, and of giving them the true parabolic
figure, that, with a telescope of fifteen inches in focal length, he and
Mr Bayne, Professor of Law in the University of Edinburgh, read the
Philosophical Transactions at the distance of five hundred feet, and
several times, particularly on the 24th of November and the 7th of
December 1734, they saw the five satellites of Saturn together, an
achievement beyond the reach of Hadley’s six-feet telescope.’
This ingenious man, attaining some celebrity for the making of
reflecting telescopes, was induced, in 1742, to settle in London,
where for a number of years he continued to use his remarkable
talents in this way, occasionally furnishing 1730.
instruments at high prices to royal
personages throughout Europe.[704]

One William Muir, brother of two men Oct. 26.


who had recently been hanged at Ayr for
theft, was this day tried before a jury, for housebreaking, by the Lord
Provost of Edinburgh, acting as ‘High Sheriff within burgh.’ The man
was condemned to death, and the sentence was duly executed on the
ensuing 2d of December, he dying penitent.[705]
It seems strange to us, but about this time the condemnation of
criminals to capital punishment by sheriffs of counties, and by the
chief-magistrate of Edinburgh, was by no means infrequent, being
entirely in accordance with the statutory arrangements of the
country. Nay more, great territorial lords, especially in the
Highlands, still acted upon their ancient privileges of pit and gallows.
It is related that the Duke of Athole one day received at Blair an
application from his baron-bailie for pardon to a man whom he had
condemned to be hanged for theft, but who was a person of such
merits otherwise that it seemed a pity to put justice in force against
him. The Lord President Forbes, who had stopped to dine with his
Grace in the course of a journey to Edinburgh, expressed his surprise
that the power of pardoning a condemned criminal should be
attributed to any person but the king. ‘Since I have the power of
punishing,’ said the duke, ‘it is but right that I should have the power
of pardoning.’ Then, calling a servant, he quietly added: ‘Send an
express to Logierait, and order Donald Stewart, presently under
sentence, to be set at liberty.’[706]

We are now arrived at a time which seems to mark very decidedly


a transition in Scotland from poverty to growing wealth, from the
puritanic manners of the seventeenth century to the semi-licence and
ease of the eighteenth, from narrow to liberal education, and
consequently from restricted to expanded views. It may, therefore, be
proper here to introduce a few general observations.
Although, only a few years back, we find Wodrow speaking of the
general poverty, it is remarkable that, after this time, complaints on
that point are not heard in almost any quarter. The influx of
commercial prosperity at Glasgow had now 1730.
fairly set in, and the linen manufacture and
other branches of industry begin to be a good deal spoken of.
Agricultural improvements and the decoration of the country by
wood had now been commenced. There was great chafing under the
taxation introduced after the Union, and smuggling was popular, and
the revenue-officers were detested; yet the people had become able
to endure the deductions made from their income. Thus did matters
go on during the time between 1725 and 1745, making a slow but
sensible advance—nothing like what took place after the question of
the dynasty had been settled at Culloden, but yet such as to very
considerably affect the condition of the people. Much of this was
owing to the pacific policy of Sir Robert Walpole, to whom, with all
his faults, the British people certainly owe more than to any minister
before Sir Robert Peel.
If we wish to realise the manners before this period, we must think
of the Scotch as a people living in a part of Britain remote from the
centre—peninsulated and off at a side—enjoying little intercourse
with strangers; but, above all, as a people on whom the theology of
the Puritans, with all their peculiar views regarding the forms of
religion and the arrangements of a church, had taken a powerful
hold. Down to 1730, all respectable persons in Scotland, with but the
slightest exceptions, maintained a strictly evangelical creed, went
regularly to church, and kept up daily family-worship. Nay, it had
become a custom that every house should contain a small closet built
on purpose, to which the head of the family could retire at stated
times for his personal or private devotions, which were usually of a
protracted kind, and often accompanied by great motions and
groanings, expressive of an intense sense of human worthlessness
without the divine favour. On Sunday, the whole family, having first
gathered for prayers in the parlour, proceeded at ten to church. At
half-past twelve, they came home for a light dinner of cold viands
(none being cooked on this sacred day), to return at two for an
afternoon service of about two hours. The remainder of the day was
devoted to private devotions, catechising of children, and the reading
of pious books, excepting a space of time set aside for supper, which
in many families was a comfortable meal, and an occasion, the only
one during the day, when a little cheerful conversation was indulged
in. Invariably, the day was closed with a repetition of family prayers.
It was customary for serious people to draw up a written paper, in
which they formally devoted themselves to 1730.
the service of God—a sort of personal
covenant with their Maker—and to renew this each year at the time
of the celebration of the communion by a fresh signature with the
date. The subscriber expressed his entire satisfaction with the
scheme of Christian salvation, avowed his willingness to take the
Lord to be his all-sufficient portion, and to be resigned to his will and
providence in all things. He also expressed his resolution to be
mortified to the world, and to engage heartily and steadfastly
persevere in the performance of all religious duties. An earnest
prayer for the divine help usually closed this document.
As all were trained to look up to the Deity with awe and terror, so,
with the same feelings, were children accustomed to look up to their
parents, and servants to their masters. Amongst the upper classes,
the head of the family was for the most part an awful personage, who
sat in a special chair by the fireside, and at the head of the table, with
his hat on, often served at meals with special dishes, which no one
else, not even guests, partook of. In all the arrangements of the
house, his convenience and tastes were primarily studied. His
children approached him with fear, and never spoke with any
freedom before him. At meals, the lady of the house helped every one
as she herself might choose. The dishes were at once ill-cooked and
ill-served. It was thought unmeet for man that he should be nice
about food. Nicety and love of rich feeding were understood to be
hateful peculiarities of the English, and unworthy of the people who
had been so much more favoured by God in a knowledge of matters
of higher concern.
There was, nevertheless, a great amount of hospitality. And here it
is to be observed, that the poverty of those old times had less effect
on the entertainments of the higher classes than might have been
expected. What helped the gentlefolks in this respect, was the custom
of receiving considerable payments from their tenants in kind. This
enabled them to indulge in a rude abundance at home, while their
means of living in a town-house, or in an inn while travelling, was
probably very limited. We must further remember the abundance of
game in Scotland, how every moor teemed with grouse and black-
cock, and every lake and river with fish. These furnished large
supplies for the table of the laird, both in Lowlands and Highlands;
and I feel convinced that the miserable picture drawn by a modern
historian of the way of living among the northern chiefs is untrue to a
large extent, mainly by his failure to take 1730.
such resources into account.
A lady, born in 1714, who has left a valuable set of reminiscences of
her early days, lays great stress on the home-staying life of the
Scottish gentry. She says that this result of their narrow
circumstances kept their minds in a contracted state, and caused
them to regard all manners and habits different from their own with
prejudice. The adult had few intelligent books to read; neither did
journals then exist to give them a knowledge of public affairs. The
children, kept at a distance by their parents, lived much amongst
themselves or with underlings, and grew up with little of either
knowledge or refinement. Restrained within a narrow social circle,
they often contracted improper marriages. It was not thought
necessary in those days that young ladies should acquire a sound
knowledge of even their own language, much less of French, German,
or Italian; nor were many of them taught music or any other refined
accomplishment. ‘The chief thing required was to hear them psalms
and long catechisms, in which they were employed an hour or more
every day, and almost the whole day on Sunday. They were allowed
to run about and amuse themselves in the way they choosed, even to
the age of woman, at which time they were generally sent to
Edinburgh for a winter or two, to learn to dress themselves, and to
dance, and see a little of the world. The world was only to be seen at
church, at marriages, burials, and baptisms.... When in the country,
their employment was in coloured work, beds, tapestry, and other
pieces of furniture; imitations of fruits and flowers, with very little
taste. If they read any, it was either books of devotion or long
romances, and sometimes both.’
Previous to this time, the universal dress of the middle classes was
of plain country cloth, much of it what was called hodden gray—that
is, cloth spun at home from the undyed wool. Gentlemen of figure
wore English or foreign cloth, and their clothes were costly in
comparison with other articles. We find, for instance, a gentleman at
his marriage, in 1711, paying £340 Scots for two suits, a night-gown,
and a suit to his servant. Linen being everywhere made at home—the
spinning executed by the servants during the long winter evenings,
and the weaving by the village webster—there was a general
abundance of napery and of under-clothing. Holland, being about six
shillings an ell, was worn only by men of refinement. ‘I remember,’
says the lady aforesaid, ‘in the ‘30 or ‘31, of a ball where it was agreed
that the company should be dressed in 1730.
nothing but what was manufactured in the
country. My sisters were as well dressed as any, and their gowns
were striped linen at 2s. 6d. per yard. Their heads and ruffles were of
Paisley muslins, at 4s. 6d., with fourpenny edging from Hamilton; all
of them the finest that could be had.... At the time I mention, hoops
were constantly worn four and a half yards wide, which required
much silk to cover them; and gold and silver were much used for
trimming, never less than three rows round the petticoat; so that,
though the silk was slight, the price was increased by the trimming.
Then the heads were all dressed in laces from Flanders; no blondes
or course-edging used: the price of these was high, but two suits
would serve for life; they were not renewed but at marriage, or some
great event. Who could not afford these wore fringes of thread.’ In
those days, the ladies went to church, and appeared on other public
occasions, in full dress. A row of them so rigged out, taking a place in
the procession at the opening of the General Assembly, used to be
spoken of by old people as a fine show. When a lady appeared in
undress on the streets of Edinburgh, she generally wore a mask,
which, however, seems to have been regarded as simply an
equivalent for the veil of modern times.
One marked peculiarity of old times, was the union of fine parade
and elegant dressing with vulgarity of thought, speech, and act. The
seemliness and delicacy observed now-a-days regarding both
marriages and births were unknown long ago. We have seen how a
bridal in high life was conducted in the reign of Queen Anne.[707] Let
us now observe the ceremonials connected with a birth at the same
period. ‘On the fourth week after the lady’s delivery, she is set on her
bed on a low footstool; the bed covered with some neat piece of
sewed work or white sattin, with three pillows at her back covered
with the same; she in full dress with a lappet head-dress and a fan in
her hand. Having informed her acquaintance what day she is to see
company, they all come and pay their respects to her, standing, or
walking a little through the room (for there’s no chairs). They drink a
glass of wine and eat a bit of cake, and then give place to others.
Towards the end of the week, all the friends are asked to what was
called the Cummers’ Feast.[708] This was a supper where every
gentleman brought a pint of wine to be drunk by him and his wife.
The supper was a ham at the head, and a 1730.
pyramid of fowl at the bottom. This dish
consisted of four or five ducks at bottom, hens above, and partridges
at top. There was an eating posset in the middle of the table, with
dried fruits and sweetmeats at the sides. When they had finished
their supper, the meat was removed, and in a moment everybody
flies to the sweetmeats to pocket them. Upon which a scramble
ensued; chairs overturned, and everything on the table; wrestling
and pulling at one another with the utmost noise. When all was
quiet, they went to the stoups (for there were no bottles), of which
the women had a good share; for though it was a disgrace to be seen
drunk, yet it was none to be a little intoxicat in good company.’
Any one who has observed the conduct of stiff people, when on
special occasions they break out from their reserve, will have no
difficulty in reconciling such childish frolics with the general
sombreness of old Scottish life.
It is to be observed that, while puritanic rigour was characteristic
of the great bulk of society, there had been from the Restoration a
minority of a more indulgent complexion. These were generally
persons of rank, and adherents of Episcopacy and the House of
Stuart. Such tendency as there was in the country to music, to
theatricals, to elegant literature, resided with this party almost
exclusively. After the long dark interval which ensued upon the death
of Drummond, Sir George Mackenzie, the ‘persecutor,’ was the first
to attempt the cultivation of the belles-lettres in Scotland. Dr Pitcairn
was the centre of a small circle of wits who, a little later, devoted
themselves to the Muses, but who composed exclusively in Latin.
When Addison, Steele, Pope, and Swift were conferring Augustine
glories on the reign of Anne in England, there was scarcely a single
writer of polite English in Scotland; but under George I., we find
Ramsay tuning his rustic reed, and making himself known even in
the south, notwithstanding the peculiarity of his language. These
men were all of them unsympathetic with the old church Calvinism
of their native country—as, indeed, have been nearly all the eminent
cultivators of letters in Scotland down to the present time. We learn
that copies of the Tatler and Spectator found their way into
Scotland; and we hear not only of gentlemen, but of clergymen
reading them. Allan Ramsay lent out the plays of Congreve and
Farquhar at his shop in Edinburgh. Periodical amateur concerts were
commenced, as we have seen, as early as 1717. The Easy Club—to
which Ramsay belonged—and other social 1730.
fraternities of the same kind, were at the
same time enjoying their occasional convivialities in Edinburgh. A
small miscellany of verse, published in Edinburgh in 1720, makes us
aware that there were then residing there several young aspirants to
the laurel, including two who have since obtained places in the roll of
the British poets—namely, Thomson and Mallet—and also Mr Henry
Home of Kames, and Mr Joseph Mitchell: moreover, we gather from
this little volume, that there was in Edinburgh a ‘Fair Intellectual
Club,’ an association, we must presume, of young ladies who were
disposed to cultivate a taste for the belles-lettres. About this time, the
tea-table began to be a point of reunion for the upper classes. At four
in the afternoon, the gentlemen and ladies would assemble round a
multitude of small china cups, each recognisable by the number of
the little silver spoon connected with it, and from these the lady of
the house would dispense an almost endless series of libations, while
lively chat and gossip went briskly on, but it is to be feared, in most
circles, little conversation of what would now be called an intellectual
cast. On these occasions, the singing of a Scottish song to an
accompaniment on the spinet was considered a graceful
accomplishment; and certainly no superior treat was to be had.
Lady playing on Spinet, with Violoncello Accompaniment.—From
a volume entitled Music for Tea-table Miscellany, published by
Allan Ramsay.

Two things at this period told powerfully in introducing new ideas


and politer manners: first, the constant going and coming of sixty-
one men of importance between their own 1730.
country and London in attendance on
parliament; and second, the introduction of a number of English
people as residents or visitors into the country, in connection with
the army, the excise and customs, and the management of the
forfeited estates. This intercourse irresistibly led to greater
cleanliness, to a demand for better house accommodation, and to at
once greater ease and greater propriety of manners. The minority of
the tasteful and the gay being so far reinforced, assemblies for
dancing, and even in a modest way theatricals, were no longer to be
repressed. The change thus effected was by and by confirmed, in
consequence of young men of family getting into the custom of
travelling for a year or two on the continent before settling at their
professions or in the management of their affairs at home. This led,
too, to a somewhat incongruous ingrafting of French politeness on
the homely manners and speech of the general flock of ladies and
gentlemen. Reverting to the matter of house accommodation, it may
be remarked that a floor of three or four rooms and a kitchen was
then considered a mansion for a gentleman or superior merchant in
Edinburgh. We ought not to be too much startled at the idea of a lady
receiving gentlemen along with ladies in her bedroom, when we
reflect that there were then few rooms which had not beds in them,
either openly or behind a screen. It is a significant fact that, in 1745,
there was in Inverness only one house which contained a room
without a bed—namely, that in which Prince Charles took up his
lodgings.
As a consequence of the narrowness of house accommodation in
those days, taverns were much more used than they are now. A
physician or advocate in high practice was to be consulted at his
tavern, and the habits of each important practitioner in this regard
were studied, and became widely known. Gentlemen met in tavern
clubs each evening for conversation, without much expense, a
shilling’s reckoning being thought high—more generally, it was the
half of that sum. ‘In some of these clubs they played at backgammon
or catch-honours for a penny the game.’ At the consultations of
lawyers, the liquor was sherry, brought in mutchkin stoups, and paid
for by the employer. ‘It was incredible the quantity that was drunk
sometimes on those occasions.’ Politicians met in taverns to discuss
the affairs of state. One situated in the High Street, kept by Patrick
Steil, was the resort of a number of the patriots who urged on the Act
of Security and resisted the Union; and the phrase, Pate Steil’s
Parliament, occasionally appears in the 1730.
correspondence of the time. It was in the
same place, as we have seen, that the weekly concert was
commenced. In the freer days which ensued upon this time, it was
not thought derogatory to ladies of good rank that they should
occasionally join oyster-parties in these places of resort.
Miss Mure, in her invaluable memoir, remarks on the change
which took place in her youth in the religious sentiments of the
people. A dread of the Deity, and a fear of hell and of the power of
the devil, she cites as the predominant feelings of religious people in
the age succeeding the Revolution. It was thought a mark of atheistic
tendencies to doubt witchcraft, or the reality of apparitions, or the
occasional vaticinative character of dreams. When the generation of
the Revolution was beginning to pass away, the deep convictions as
well as the polemical spirit, of the seventeenth century gave place to
an easier and a gentler faith. There was no such thing as scepticism,
except in the greatest obscurity; but a number of favourite preachers
began to place Christianity in an amiable light before their
congregations. ‘We were bid,’ says Miss Mure, ‘to draw our
knowledge of God from his works, the chief of which is the soul of a
good man; then judge if we have cause to fear.... Whoever would
please God must resemble him in goodness and benevolence.... The
Christian religion was taught as the purest rule of morals; the belief
of a particular providence and of a future state as a support in every
situation. The distresses of individuals were necessary for exercising
the good affections of others, and the state of suffering the post of
honour.’ At the same time, dread of parents also melted away. ‘The
fathers would use their sons with such freedom, that they should be
their first friend; and the mothers would allow of no intimacies but
with themselves. For their girls the utmost care was taken that fear of
no kind should enslave the mind; nurses were turned off who would
tell the young of ghosts and witches. The old ministers were ridiculed
who preached up hell and damnation; the mind was to be influenced
by gentle and generous motives alone.’
A country gentleman, writing in 1729, remarks the increase in the
expense of housekeeping which he had seen going on during the past
twenty years. While deeming it indisputable that Edinburgh was now
less populous than before the Union, ‘yet I am informed,’ says he,
‘there is a greater consumption since, than before the Union, of all
provisions, especially fleshes and wheatbread. The butcher owns he
now kills three of every species of cattle for 1730.
every one he killed before the Union.’
Where formerly he had been accustomed to see ‘two or three
substantial dishes of beef, mutton, and fowl, garnished with their
own wholesome gravy,’ he now saw ‘several services of little
expensive ashets, with English pickles, yea Indian mangoes, and
catch-up or anchovy sauces.’ Where there used to be the quart stoup
of ale from the barrel, there was now bottled ale for a first service,
and claret to help out the second, or else ‘a snaker of rack or brandy
punch.’ Tea in the morning and tea in the evening had now become
established. There were more livery-servants, and better dressed,
and more horses, than formerly. French and Italian silks for the
ladies, and English broadcloth for the gentlemen, were more and
more supplanting the plain home-stuffs of former days.[709] This
writer was full of fears as to the warrantableness of this superior style
of living, but his report of the fact is not the less valuable.

It will be remembered that the Bank of 1731. July.


Scotland, soon after its institution in 1696,
settled branches at Glasgow, Aberdeen, Montrose, and Dundee, all of
which proving unsuccessful, were speedily withdrawn. Since then, no
new similar movement had been made; neither had a native bank
arisen in any of those towns. But now, when the country seemed to
be making some decided advances in industry and wealth, the Bank
resolved upon a new attempt, and set up branches in Glasgow,
Aberdeen, Dundee, and Berwick. It was found, however, that the
effort was yet premature, and, after two years’ trial, these branches
were all recalled.[710]
It is to be observed that Glasgow, though yet unable to support a
branch of a public bank, was not inexperienced in banking
accommodation. The business was carried on here, as it had long ago
been in Edinburgh, by private traders, and in intimate connection
with other business. An advertisement published in the newspapers
in July 1730 by James Blair, merchant, at the head of the Saltmarket
in Glasgow, makes us aware that at his shop there, ‘all persons who
have occasion to buy or sell bills of exchange, or want money to
borrow, or have money to lend on interest, or have any sort of goods
to sell, or want to buy any kind of goods, or who want to buy sugar-
house notes or other good bills, or desire to have such notes or bills
discounted, or who want to have policies 1731.
signed, or incline to underwrite policies in
ships or goods, may deliver their commands.’[711]

The latter part of the year 1730 and Oct.


earlier part of 1731 were made memorable
in England by the ‘Malicious Society of Undertakers.’ An inoffensive
farmer or a merchant would receive a letter threatening the
conflagration of his house unless he should deposit six or eight
guineas under his door before some assigned time. The system is
said to have begun at Bristol, where the house of a Mr Packer was
actually set fire to and consumed. When a panic had spread, many
ruined gamblers and others adopted the practice, in recklessness, or
with a view to gain; but the chief practitioners appear to have been
ruffians of the lower classes, as the letters were generally very ill-
spelt and ill-written.
In the autumn of 1731, the system spread to Scotland, beginning in
Lanarkshire. According to Mr Wodrow, the parishes of Lesmahago
and Strathaven were thrown into great alarm by a number of
anonymous letters being dropped at night, or thrown into houses,
threatening fire-raising unless contributions were made in money.
Mr Aiton of Walseley, a justice of peace, was ordered to bring fifty
guineas to the Cross-boat at Lanark; otherwise his house would be
burnt. He went to the place, but found no one waiting. At the same
time, there were rumours of strangers being seen on the moors. So
great was the consternation, that parties of soldiers were brought to
the district, but without discovering any person that seemed liable to
suspicion.[712]

James Erskine of Grange, brother of the 1732. Jan. 22.


attainted Earl of Mar, and who had been a
judge of the Court of Session since 1707, was fitted with a wife of
irregular habits and violent temper, the daughter of the murderer
Chiesley of Dalry.[713] After agreeing, in 1730, to live upon a separate
maintenance, she continued to persecute her husband in a personal
and indecent manner, and further vented some threats as to her
power of exposing him to the ministry for dangerous sentiments. The
woman was scarcely mad enough to justify restraint, and, though it
had been otherwise, there were in those days no asylums to which
she could have been consigned. In these circumstances, the husband
felt himself at liberty in conscience—pious man as he notedly was—to
have his wife spirited away by night from her lodgings in Edinburgh,
hurried by night-journeys to Loch Hourn on 1732.
the West Highland coast, and thence
transported to the lonely island of Heskir, and put under the care of a
peasant-farmer, subject to Sir Alexander Macdonald of Sleat. After
two years, she was taken to the still more remote island of St Kilda,
and there kept amongst a poor and illiterate people, though not
without the comforts of life, for seven years more. It was not till 1740
that any friends of hers knew where she was. A prosecution of the
husband being then threatened, the lady was taken to a place more
agreeable to her, where she soon after died.
Lord Grange was one of those singular men who contrive to
cherish and act out the most intense religious convictions, to appear
as zealous leaders in church judicatories, and stand as shining lights
before the world, while yet tainted with the most atrocious secret
vices. Being animated with an extreme hatred of Sir Robert Walpole,
he was tempted, in 1734, to give up his seat on the bench, in order
that he might be able to go into parliament and assist in hunting
down the minister. Returned for Clackmannanshire, he did make his
appearance in the House of Commons, fully believing that he should
ere long be secretary of state for Scotland under a new ministry. It
unluckily happened that one of the first opportunities he obtained
for making a display of oratory was on the bill that was introduced
for doing away with the statutes against witchcraft.[714] Erskine was
too faithful a Presbyterian of the old type to abandon a code of beliefs
that seemed fully supported by Scripture. He rose, and delivered
himself of a pious speech on the reality of necromantic arts, and the
necessity of maintaining the defences against them. Sir Robert is said
to have felt convinced from that moment, that he had not much to
fear from the new member for Clackmannanshire.
Disappointed, impoverished, out of reverence with old friends,
perhaps somewhat galled in conscience, Erskine ere long retired in a
great measure from the world. For some years before his death in
1754, he is said to have lived principally in a coffee-house in the
Haymarket, as all but the husband of its mistress; certainly a most
lame and impotent conclusion for one who had made such a figure in
political life, and passed as such a ‘professor,’ in his native country.

On a stormy night in this month, Colonel Feb.


Francis Charteris 1732.
died at his seat of
Stonyhill, near Musselburgh. The pencil of Hogarth, which
represents him as the old profligate gentleman in the first print of
the Harlot’s Progress, has given historical importance to this
extraordinary man. Descended from an old family of very moderate
fortune in Dumfriesshire—Charteris of Amisfield—he acquired an
enormous fortune by gambling and usury, and thus was enabled to
indulge in his favourite vices on a scale which might be called
magnificent. A single worthy trait has never yet been adduced to
redeem the character of Charteris, though it is highly probable that,
in some particulars, that character has been exaggerated by popular
rumour.[715]
A contemporary assures us, that the fortune of Charteris amounted
to the then enormous sum of fourteen thousand a year; of which ten
thousand was left to his grandson, Francis, second son of the Earl of
Wemyss.
‘Upon his death-bed,’ says the same writer, ‘he was exceedingly
anxious to know if there were any such thing as hell; and said, were
he assured there was no such place (being easy as to heaven), he
would give thirty thousand.... Mr Cumming the minister attended
him on his death-bed. He asked his daughter, who is exceedingly
narrow, what he should give him. She replied that it was unusual to
give anything on such occasions. “Well, then,” says Charteris, “let us
have another flourish from him!” so calling his prayers. There
accidentally happened, the night he died, a prodigious hurricane,
which the vulgar ascribed to his death.’[716]

A transaction, well understood in Mar. 12.


Scotland, but unknown and probably
incomprehensible in England—‘an inharmonious settlement’—took
place in the parish of St Cuthbert’s, close to Edinburgh. A Mr
Wotherspoon having been presented by the crown to this charge, to
the utter disgust of the parishioners, the Commission of the General
Assembly sent one of their number, a Mr Dawson, to effect the
‘edictal service.’ The magistrates, knowing the temper of the
parishioners, brought the City Guard to protect the ceremony as it
proceeded in the church; so the people could do nothing there. Their
rage, however, being irrepressible, they came out, tore down the
edict from the kirk-door, and seemed as if 1732.
they would tear down the kirk itself. The
City Guard fired upon them, and wounded one woman.[717]

June 24.
Owing to the difficulty of travelling, few of the remarkable
foreigners who came to England found their way to Scotland; but
now and then an extraordinary person appeared. At this date, there
came to Edinburgh, and put up ‘at the house of Yaxley Davidson, at
the Cowgate Port,’ Joseph Jamati, Baculator or Governor of
Damascus. He appeared to be sixty, was of reddish-black
complexion, grave and well-looking, wearing a red cloth mantle
trimmed with silver lace, and a red turban set round with white
muslin; had a gray beard about half a foot long; and was described as
‘generally a Christian.’ Assistance under some severe taxation of the
Turkish pacha was what he held forth as the object of his visit to
Europe. He came to Edinburgh, with recommendations from the
Duke of Newcastle and other persons of distinction, and proposed to
make a round of the principal towns, and visit the Duke of Athole
and other great people. He was accompanied by an interpreter and
another servant. It appears that this personage had a public
reception from the magistrates, who bestowed on him a purse of
gold. In consequence of receiving a similar contribution from the
Convention of Burghs, he ultimately resolved to return without
making his proposed tour.
Four years later, Edinburgh received visits, in succession, from two
other Eastern hierarchs, one of them designated as archbishop of
Nicosia in Cyprus, of the Armenian Church, the other being Scheik
Schedit, from Berytus, near Mount Lebanon, of the Greek Church,
both bringing recommendatory letters from high personages, and
both aiming at a gathering of money for the relief of their
countrymen suffering under the Turks. Scheik Schedit had an
interpreter named Michel Laws, and two servants, and the whole
party went formally in a coach ‘to hear sermon in the High
Church.’[718]

The Scottish newspapers intimate that on July 11.


this day, between two and three afternoon,
there was felt at Glasgow ‘a shock of an earthquake, which lasted
about a second.’

July 28.
The six Highland companies were reviewed at Ruthven, in
Badenoch, by General Wade, and were 1732.
praised for their good state of discipline.
‘We of this country,’ says the reporter of the affair, ‘and, indeed, all
the Highland and northern parts of the kingdom, have substantial
reason to be well satisfied with them, since for a long time there has
not been the least ground to complain of disorders of any kind;
which we attribute to the vigilance of their officers, and a right
distribution and position of the several companies.’[719]

Robert Trotter, schoolmaster of Dumfries, published a


Compendium of Latin Grammar, ‘the conceitedness, envy, and
errors’ of which were next year exposed in a brochure of
Animadversions by John Love, the schoolmaster of Dumbarton. Not
long after Love had thus disposed of Mr Trotter, he was himself put
on the defensive before the kirk-session of his parish, on a charge of
brewing on a Sunday. Probably the verb was only applicable in a
neuter form—that is, nature, by continuing her fermenting process
on the Sabbath, was the only delinquent—for the minister, ‘after a
juridical trial, was obliged to make a public apology for having
maliciously accused calumniated innocence.’[720] Love, who was the
preceptor of Tobias Smollett, afterwards distinguished himself by a
controversy with the notorious Lauder, who, by forgery, tried to
derogate from the fame of Milton.

Since 1598 we have not heard of any 1733. May 14.


foreigners coming into Scotland to play
dangerous tricks upon long tight ropes; but now, unexpectedly, a
pair of these diverting vagabonds, one described as an Italian who
had performed his wonders in all the cities of Europe, the other as
his son, presented themselves. A rope being fixed between the Half-
moon Battery in the Castle, and a place on the south side of the
Grassmarket, two hundred feet below, the father slid down in half a
minute. The son performed the same feat, blowing a trumpet all the
way, to the astonishment of ‘an infinite crowd of spectators.’ Three
days afterwards, there was a repetition of the performance, at the
desire of several persons of quality, when, after sliding down, the
father made his way up again, firing a pistol, beating a drum, and
playing a variety of antics by the way, proclaiming, moreover, that
here he could defy all messengers, sheriffs’ officers, and macers of
the Court of Session. Being sore fatigued at the end of the
performance, he offered a guinea to the 1733.
sutler of the Castle for a draught of ale,
which the fellow was churlish enough to refuse.
The two funambuli failed on a subsequent trial, ‘their equipage not
at all answering.’ Not many weeks after, we learn that William
Hamilton, mason in the Dean, trying the like tricks on a rope
connected with Queensferry steeple, fell off the rope, and was killed.
[721]

In the course of this year, a body called the Edinburgh Company


of Players performed plays in the Tailors’ Hall, in the Cowgate. On
the 6th June, they had the Beggars’ Opera for the benefit of the
Edinburgh Infirmary. They afterwards acted Othello, Hamlet, Henry
IV., Macbeth, and King Lear, ‘with great applause.’ In December,
they presented before a large audience the Tempest, ‘every part, and
even what required machinery, being performed in great order.’ In
February 1734, the Conscious Lovers was performed ‘for the benefit
of Mrs Woodward,’ ‘the doors not to be opened till four of the clock,
performance to begin at six.’ In March, the Wonder is advertised,
‘the part of the Scots colonel by Mr Weir, and that of his servant
Gibby, in Highland dress, by Mr Wescomb; and all the other parts to
the best advantage.’ Allan Ramsay must have been deeply concerned
in the speculation, because he appears in the office-copy of the
newspaper (Caledonian Mercury) as the paymaster for the
advertisements.
Nor was this nascent taste for the amusements of the stage
confined to Edinburgh. In August, the company is reported as setting
out early one morning for Dundee, Montrose, Aberdeen, &c., ‘in
order to entertain the ladies and gentlemen in the different stations
of their circuit.’ We soon after hear of their being honoured at
Dundee with the patronage of the ancient and honourable society of
freemasons, who marched in a body, with the grand-master at their
head, to the playhouse, ‘in their proper apparel, with hautboys and
other music playing before them;’ all this to hear the Jubilee and The
Devil to Pay.
In December, the Edinburgh company was again in the Tailors’
Hall, and now it ventured on ‘a pantomime in grotesque characters,’
costing something in the getting up; wherefore ‘nothing less than full
prices will be taken during the whole performance.’ In consideration
of the need for space, it was ‘hoped that no gentleman whatever will
take it amiss if they are refused admittance 1733.
behind the scenes.’ Soon after, we hear of
the freemasons patronising the play of Henry IV., marching to the
house ‘in procession, with aprons and white gloves, attended with
flambeaux.’ Mrs Bulkely took her benefit on the 22d January in
Oroonoko and a farce, in both of which she was to play; but ‘being
weak, and almost incapable to walk, [she] cannot acquit herself to
her friends’ satisfaction as usual; yet hopes to be favoured with their
presence.’
It is observable that the plays represented in the Cowgate house
were all of them of classic merit. This was, of course, prudential with
regard to popular prejudices. Persons possessed of a love of literature
were very naturally among those most easily reconciled to the stage;
and amongst these we may be allowed to class certain schoolmasters,
who about this time began to encourage their pupils to recite plays as
a species of rhetorical exercise.
On Candlemas, 1734—when by custom the pupils in all schools in
Scotland brought gifts to their masters, and had a holiday—the
pupils of the Perth Grammar School made an exhibition of English
and Latin readings in the church before the clergy, magistrates, and a
large miscellaneous auditory. ‘The Tuesday after, they acted Cato in
the school, which is one of the handsomest in Scotland, before three
hundred gentlemen and ladies. The youth, though they had never
seen a play acted, performed surprisingly both in action and
pronunciation, which gave general satisfaction. After the play, the
magistrates entertained the gentlemen at a tavern.’[722]
In August, ‘the young gentlemen of Dalkeith School acted, before a
numerous crowd of spectators, the tragedy of Julius Cæsar and
comedy of Æsop, with a judgment and address inimitable at their
years.’ At the same time, the pupils in the grammar school of
Kirkcaldy performed a piece composed by their master, entitled The
Royal Council for Advice, or the Regular Education of Boys the
Foundation of all other National Improvements. ‘The council
consisted of a preses and twelve members, decently and gravely
seated round a table like senators. The other boys were posted at a
due distance in a crowd, representing people come to attend this
meeting for advice: from whom entered in their turn and order, a
tradesman, a farmer, a country gentleman, a nobleman, two
schoolmasters, &c., and, last of all, a gentleman who complimented
and congratulated the council on their 1733.
noble design and worthy performances.’
The whole exhibition is described as giving high satisfaction to the
audience.
This sort of fair weather could not last. At Candlemas, 1735, the
Perth school-boys acted George Barnwell—certainly an ill-chosen
play—twice before large audiences, comprising many persons of
distinction; and it was given out that on the succeeding Sunday ‘a
very learned moral sermon, suitable to the occasion, was preached in
the town.’ Immediately after came the corrective. The kirk-session
had nominated a committee to take measures to prevent the school
from being ‘converted into a playhouse, whereby youth are diverted
from their studies, and employed in the buffooneries of the stage;’
and as for the moral sermon, it was ‘directed against the sins and
corruptions of the age, and was very suitable to the resolution of the
session.’

England was pleasingly startled in 1721 by July.


the report which came home regarding a
singularly gallant defence made by an English ship against two
strongly armed pirate vessels in the Bay of Juanna, near Madagascar.
The East India Company was peculiarly gratified by the report, for,
though it inferred the loss of one of their ships, it told them of a
severe check given to a system of marine depredation, by which their
commerce was constantly suffering.
It appeared that the Company’s ship Cassandra, commanded by
Captain Macrae, on coming to the Bay of Juanna in July 1720, heard
of a shipwrecked pirate captain being engaged in fitting out a new
vessel on the island of Mayotta, and Macrae instantly formed the
design of attacking him. When ready, on the 8th of August, to sail on

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