Les Savoirs Et Techniques de Notation Du Mouvement
Les Savoirs Et Techniques de Notation Du Mouvement
Les Savoirs Et Techniques de Notation Du Mouvement
Michelle Nadal sur une affichette Jean Guizerix, dans le rôle de Danseur de la Compagnie Her-
de l’association Arts et Mouvement. Quasimodo (Notre-Dame de Paris, vé Koubi. © avec l’autorisation
© Archives Arts et Mouvement. Roland Petit). © Archives Jean de la Compagnie.
Guizerix.
Description sommaire
Pierre Conté (1891-1971), danseur et chorégraphe, musicien, organiste et compositeur,
gymnaste et théoricien du mouvement, et chef d’orchestre/maître de danse a porté à la
connaissance du public, en 1931, son système de notation du mouvement, qui se présente tel
un solfège corporel, à l’image du solfège musical, fondé sur l'idée que « musique et danse
sont des arts jumeaux ». Si elle n’est pas écrite, une œuvre musicale n’existe que dans l’esprit
de son créateur et disparaît avec lui : Pierre Conté a accordé ce même droit de survie à l’art
du mouvement. Par la parenté des notations, la partition peut réunir en un « tronc
commun » musique et danse et restituer, dans un même regard, leur image structurelle et
artistiquement inspirée.
Les communautés porteuses de cette notation de nos jours, danseurs professionnels,
chorégraphes indépendants, chargés d’enseignement, chercheurs, théoriciens et l’association
Arts et Mouvement, utilisent ces « signes » inspirés de la notation musicale pour traduire
toutes les fonctions motrices de l’homme, dans leur infinie variété, avec leur dynamique
mesurée et rythmée, voire aussi celles du monde animal. Ce système permet de noter avec
précision toutes les évolutions du corps humain de la simple locomotion, au sport et à la
danse, quelle qu’en soit la forme. Même s’il s’appuie sur des symboles récurrents, la pratique
de ce système implique la connaissance de sa graphie pour la clarté de lecture et la cohésion
de l'écriture ; il permet au chorégraphe de concevoir, visualiser, et fixer son œuvre sur le
papier, tel le compositeur de musique. En superposant les interventions de chaque
participant, la partition chorégraphique offre ainsi une précision égale à celle d’une partition
musicale, la valeur établie de chaque signe étant garante de l’exactitude de la restitution
rythmique.
1
FICHE D'INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
I. IDENTIFICATION DE L'ÉLÉMENT
I.1. Nom
En français
Les savoirs et techniques de notation du mouvement selon le système d’écriture Conté
En langue vernaculaire
Sans objet
2
FICHE D'INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
est impossible à évaluer, aucun recensement n’ayant été effectué à l'époque où le système
était enseigné à l’Université de la Sorbonne, au Conservatoire National Supérieur de Musique
et de Danse de Paris (CNSMDP) ou encore à l’université de Sophia-Antipolis, en référence à
l’enseignement et à l’action de Robert Crang en faveur de la création d’un diplôme d’État en
danse incluant la pratique du système Conté.
Une évaluation globale de l’ensemble des porteurs de ces techniques de notation de nos jours
laisse supposer 1800 à 2000 élèves et environ 90 praticiens répertoriés, dont 30 à
40 diplômés.
danse classique et danses anciennes ; formation des enfants, jusqu’en 2018, puis ponctuel
Enseignement privé associé aux danses de société à Agen (Lot-et-Garonne), 35 rue de
Courberieu
Enseignement privé destiné aux enfants en danses de société, en Martinique, à la résidence Ti
Doucè, porte 08, 97232 Le Lamentin.
5
FICHE D'INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
Ainsi conçu, le système Conté fait usage des lignes et interlignes de la portée et de toutes
figures issues de l’écriture de la musique : la note, les figures de silences, les symboles
rythmiques, les signes d’altérations, les barres répétitives, l’appogiature, les ornementations
ou encore les signes d’intention et d’interprétation, complétés de chiffres, de lettres
alphabétiques et de signes inhérents à la méthode, auxquels s’ajoutent des signes nouveaux, à
chaque nouvelle édition de la grammaire (cf. section III.2). La dernière édition de la
Grammaire du Système Conté, par Michelle Nadal, a été publiée par le Centre National de la
Danse (CND) en janvier 2010.
Quatre facteurs mettent en jeu les actions de l’homme, selon Pierre Conté : l’espace
(spécifique au mouvement) et, tels en musique : le temps, la nuance et l’accentuation :
− l’espace occupé (partie du corps concernée et déplacement du corps ou d'un segment), est
visualisé par l’emplacement de la « note », à laquelle on ajoute des signes spécifiques de
direction, d'amplitude ou de contact ;
6
FICHE D'INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
− la nuance d’intensité, à partir des indications usuelles en musique et d'autres signes créés ;
7
FICHE D'INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
Telle l’écriture musicale et son évolution dans l’univers sonore d’aujourd’hui, ce système de
représentation graphique est lui aussi évolutif depuis sa création et adaptable aux exigences à
venir.
De même qu’en tête d’une partition musicale figurent le genre, la forme et l’armature de
l’œuvre, une « grille » synthétique expose, au début de la partition de danse, les généralités
stylistiques de la chorégraphie, tels que le mode de déplacement, la tenue corporelle, les
implications particulières du buste, des épaules, des bras, des mains et des pieds, afin de ne
pas alourdir la partition d’informations répétées.
L’application des pratiques de notation aux types de danses
L’étude des mémoires des praticiens diplômés et les échanges verbaux avec les membres de
la communauté de pratique et avec des praticiens privés permettent d’exposer des exemples
techniques de notation, tous référencés par ailleurs dans la Grammaire du Système Conté.
• La danse classique
Bien que le système de notation de Pierre Conté n’ait pas été conçu pour ce style, il en a gardé
les principes fondateurs pour la notation des positions de base, des directions des segments
corporels et la structure des mouvements. Les éléments de son vocabulaire technique sont
représentés sur le plan graphique par des figures musicales signifiant le mouvement, le
8
FICHE D'INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
9
FICHE D'INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
Cake-walk, le Twist, les claquettes…, dont les séquences portent leurs noms d’origine : Catch
step, Hip lift, Sugar foot, Body roll, Shimmy, Pitch, Hinge, Compass turn, Barrel jump, Hitch
kick, Shoulder fall, Flower… et comportent toutes des figures caractéristiques de l'écriture
Conté, dont le trille, les altérations, les accents renforcés, les petits drapeaux directionnels,
les encoches, les silences, les appogiatures, le double-dièse ou « x » pour les frappes de
pieds… qui s’enrichissent au fil des générations (sources : Katy Dauxère, mémoire 2009, et
Irène Bense, mémoire 2010).
• La danse de caractère
Elle trouve souvent un ancrage dans les fondements de la danse classique. Ses techniques
empruntent au vaste folklore d’Europe de l’Est et de Russie, au Flamenco et à d’autres
régions du monde. Les spécificités de cette variété d’idiomes chorégraphiques, tels que le
Gopak, la Mazurka, la Polonaise et les danses tziganes, balkaniques, andalouses, nécessitent
des notations adaptées. Frappes de pieds, cabrioles et pirouettes, mouvements asymétriques
ou typiques, torsions ou fentes, s’écrivent à partir de figures renforcées ou conçues à leur
effet : têtes de notes modifiées, encoches, arcs, boucles et doubles-boucles, ronds et demi-
ronds… (sources : Elsa Bousquet/Murielle Dutertre, mémoire 2008, et Marie Blaise,
mémoire 2010).
• Le Hip-hop et autres formes semi-acrobatiques
La scène contemporaine fait fi des limites corporelles, qu’il s’agisse des variétés de Hip-hop
(Popping, Waving, Tutting…), des folklores de Russie, des prouesses hors-normes de la
danse en Chine et de celles des patineurs sur glace…. Les rotations peuvent se faire sur une
main, sur un genou ou sur la tête et se notent par l’emplacement de l’appui sur la portée avec
son propre signe giratoire. Les torsions qui défient la flexibilité des articulations et de l’épine
dorsale associent les signes de rotation, l’encoche, la note carrée ou l’apostrophe. Le saut en
lui-même s’appuie sur le signe du « silence » (symbole ici de détachement de la terre), dont
la durée est indicatrice de son ampleur. Le saut périlleux associe le signe du silence à celui de
la rotation (sources : Irène Bense, mémoire 2010, entre autres).
• Les danses de société, ou danses de salon
Cette forme de divertissement, en solo ou en couple, a donné naissance à son propre genre
chorégraphique où prédominent la connivence entre partenaires et l’irrépressible ingéniosité
des pas et des figures corporelles. Appuis, attaques brèves, glissées, frappées ou retardées,
impulsions, pivots, rotations, freinages, inclinaisons, transferts, petits sauts… sont autant
d’éléments en étroite coordination avec les rythmes et la musique, que précisent des notes de
forme carrée ou d’étoile, des arcs fléchés, des ronds pointés, des accentuations renforcées ou
des demi-dièses et triples dièses, dans le souci de fixer les étapes évolutives d’un art soumis
au déroulement aléatoire de l’improvisation (sources : Jean-Claude Petit, IFDS d’Arras, et
Grammaire de Michelle Nadal).
• Les danses d’Asie (Indonésie, Cambodge, Inde…)
Ces styles ne sont pas enseignés dans les conservatoires, mais seulement à titre exceptionnel
ou privé. Toutefois, leurs notations sont l’objet d’études. Leurs particularités – translations
du centre de gravité et sinuosité des mouvements en Indonésie (Legong, Bedoyo, Baris…),
translations du tronc et flexions extrêmes des genoux et des poignets (danses de Cour du
Cambodge), positions particulières des pieds, translations de la tête et langage manuel en
Inde (Kathakali, Bharata Natyam…) – se notent par des signes tout aussi particuliers :
encoches allongées, têtes d’épingle barrées directives, soufflets, arcs agrémentés, indications
de pronation et supination pour les tenues des mains et des pieds… (sources : documents
Conté de Michelle Nadal et Robert Crang, entre autres).
10
FICHE D'INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
Cette énumération descriptive n’est pas exhaustive. S’y ajoutent toutes techniques sportives
(documents de Robert Crang et Michelle Nadal), le patinage artistique ou encore le
comportement animal : chat, chien, cheval… (sources : Michelle Nadal).
Qu’il s’agisse du domaine du simple gymnaste ou de celui du sportif de compétition, ainsi
que des arts martiaux dans leurs sources ethniques, leurs références en biomécanique
corporelle (voire leurs prolongements dans le domaine médical), ont été abordées par Pierre
Conté et poursuivies par Robert Crang. Dans son concept même, l’écriture Conté intègre la
notion de « pulsion rythmée » inhérente à toute forme de vie et ouvre la voie vers divers
secteurs d’exploration du plus simple au plus complexe. La constitution évolutive d’un
patrimoine culturel, l’usage d’un outil de création au service du danseur/chorégraphe,
restent son utilisation la plus courante, mais pas la seule. Dans les univers respectifs des
chercheurs/chorégraphes/analystes, l’utilisation du Système n’est pas sans donner lieu à des
confrontations dans le choix de telle ou telle nouvelle manière de noter certaines spécificités
stylistiques ; ces nouveaux principes de notation s’inscrivent peu à peu dans les usages au
rythme des éditions réactualisées et témoignent de la vitalité interne de ce système.
Le support numérique
Un logiciel permet aujourd’hui la notation numérique d’une partition de danse avec sa
11
FICHE D'INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
12
FICHE D'INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
III. HISTORIQUE
13
FICHE D'INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
14
FICHE D'INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
En 1931, Pierre Conté fait connaître les fondements de ce système et ses concepts d’une
« technique générale d’éducation et d’analyse du mouvement » par une première publication,
intitulée Chorégraphie. Écriture de la danse théâtrale et de la danse en général, dont le
tirage est limité à 200 exemplaires. Il diffuse son système par tous moyens à sa portée : en
l’associant à son enseignement de la danse, à ses productions chorégraphiques et musicales,
et par la formation des danseurs qui deviendront ses disciples et interprètes. Ceux-ci
essaimeront à leur tour. Dans ses mémoires, pour l’année 1931, il décrit et analyse les
mouvements des danses Flamenca, cambodgiennes et laotiennes vues à l’Exposition
universelle.
En 1932, des danseurs professionnels sont engagés et rapidement formés à la pratique du
nouveau système pour participer au concours des Archives internationales de la Danse
(AID). Il y présente sa chorégraphie intitulée Légende, aux côtés de deux autres
chorégraphes français.
En 1934, il crée la « Ligue pour le développement de la danse et de l’éducation corporelle »,
qui deviendra, en 1936, « Ligue Arts et Mouvement ». Dans le même temps, une revue
spécialisée voit le jour : le Guide chorégraphique, qui prendra plus tard également le nom
d’Arts et Mouvement. Ce nom d’Arts et Mouvement est resté pour l’association qu’il crée en
1945. Des changements d’adresse du siège social, des membres du bureau et de la présidence
feront l’objet de notifications ultérieures à la préfecture de Paris.
En 1945, il crée le « Chœur de danse de Paris », sa propre compagnie. Ses spectacles sont
composés de ses propres chorégraphies et de danses anciennes et régionales collectées et
notées selon son système. En 1947, le cinéaste Jean Painlevé réalise un film documentaire sur
le système Conté, intitulé L’Écriture du Mouvement, qui voit s’instaurer entre ces deux
chercheurs une longue collaboration musicale et cinématographique. Le film est présenté le
19 mai 1949 au Palais de Chaillot en même temps que son ballet Divertissement grec. Cette
même année, il présente officiellement son système de notation à la direction de l’École de
danse de l’Opéra de Paris. Mais son hostilité, non dissimulée, à l’égard des méthodes
d’enseignement solidement ancrées de cette institution n’aida pas cette démarche. Sa
déception, ajoutée à la rigueur naturelle et non conciliante de sa nature, affecta durablement
ses rapports avec les organismes officiels, en dépit de l’intérêt indiscutable de tous les
danseurs qui ont accompagné son système.
En 1952, Pierre Conté soumet son système au CNRS qui en reconnaît la valeur et accorde un
soutien financier à la publication d’un ouvrage. La date envisagée pour son édition (1954) fut
différée en raison des exigences de l’auteur qui ne souhaitait pas cette publication avant
d’avoir jugé, personnellement, de l’achèvement de son système encore sujet à des
perfectionnements. L’ouvrage ne sera publié qu’en 1977 par l’association Arts et Mouvement.
Jusqu’à son décès en 1971, il multiplie les initiatives et met son système en pratique dans ses
propres productions, présentées dans des théâtres régionaux et parisiens, en particulier pour
André Barsacq et Jean Dasté, et dans les nombreuses tournées de spectacles organisées en
France, avec la collaboration de Michelle Nadal, sa plus importante disciple et son porte-
parole.
Les partenaires « actifs » du système de notation de Pierre Conté
Michelle Nadal (1928-2018), danseuse, chorégraphe et enseignante, intègre dès 1945 la
compagnie du Chœur de Danse de Paris. À partir de 1960, l’Union française des Œuvres
laïques d’éducation artistique (UFOLEA), devenue depuis Ligue de l’Enseignement, soutient
la formation au système Conté dans les écoles de danse : Michelle Nadal participe aux
tournées organisées dans toute la France avec le soutien de l’UFOLEA et des centres
régionaux d’éducation populaire et de sport (CREPS). De 1969 à 1993, elle fonde
15
FICHE D'INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
l’enseignement des techniques corporelles des comédiens au Centre national supérieur d’Art
dramatique (CNSAD) et dispense ce même cours à l’École nationale supérieure des Arts et
Techniques du théâtre (ENSATT). La pratique du système Conté y est associée. Au décès de
Pierre Conté, son œuvre est léguée à Arts et Mouvement et Michelle Nadal en est nommée
dépositaire. Lorsque l’association Arts et Mouvement est agréée par le ministère de la
Jeunesse et des Sports, la Ville de Paris et l’Office du mouvement sportif du
9e arrondissement, en 1978, elle en est élue présidente. De 1980 à 1988, avec le soutien de
Jacques Garnier (de l’Opéra de Paris), elle assure un enseignement diplômant du système
Conté, instauré sous l’égide du Ministère de la Culture, à l’université de Paris IV Sorbonne
Nouvelle, principalement destiné à la formation de futurs enseignants. De 1987 à 1989, au
CNSMDP, sur un projet de Jacques Garnier, Michelle Nadal et Francine Lancelot
(abandonné au décès de Jacques Garnier en 1989), la formation au système Conté, dans le
cadre de l’enseignement de la danse ancienne et baroque, est assurée par Monique Duquesne,
formée par Francine Lancelot. En 1990, Christian Dubar, disciple de Michelle Nadal, crée à
Toulouse l’Institut de formation en danses de société (IFDS), reconnu officiellement par le
Ministère de la Culture en 2003. L’Institut est repris en 2012 par Jean-Claude Petit et
transféré près d’Arras. Son enseignement intègre la pratique régulière du système Conté. Sur
plus de soixante-dix années, la collaboration ininterrompue de Michelle Nadal a ainsi
marqué une période florissante dans l’histoire de ces savoirs et de ces techniques de notation,
grâce aux soutiens obtenus et à la formation, de maître à disciples, de ses meilleurs éléments.
Le rôle de Robert Crang (1932-2014), professeur attaché à l’université de Nice Sophia-
Antipolis, dès son ouverture en 1965 et jusqu’à son décès, est également saillant. Danseur de
bal, gymnaste, musicien et analyste, Robert Crang apprend seul le système Conté à partir du
traité fondateur de 1931. Dès les années 1980, il le fait connaître à ses étudiants. Il se
perfectionne ensuite auprès de Francine Lancelot en 1985. Robert Crang développe
l’enseignement du système à l’Université. Avec Michelle Nadal, il en est l’un des importants
promoteurs. Robert Crang a formé des disciples, dont Charles-Henri Pirat, danseur et
notateur, auteur d’une thèse de doctorat sur le Boléro, soutenue à l’Université de Paris 8 en
1989, et de la transcription en système Conté du Boléro de Ravel, dans la chorégraphie de
Maurice Béjart (Archives du CND). De 1989 à 1993, Robert Crang fait instaurer une licence
et une maîtrise en danse, qui deviendront un diplôme d’État. La pratique du système Conté
est l’outil de base de ses travaux sur l’analyse du mouvement, celui du sportif, celui du
danseur. Son programme se poursuit jusqu’à son décès, en 2014. Sa vie durant, il a effectué
de nombreuses transcriptions en écriture Conté de danses anciennes, de danses
traditionnelles, et de danses de bal. Ses archives sont conservées au Centre National de la
Danse (CND).
16
FICHE D'INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
Feuillet de transcription, par Charles-Henri Pirat du Boléro de Ravel, chorégraphie de Maurice Béjart, thèse de
doctorat, Université de Paris 8, 1989, p. 29.
portée de 5 lignes, aux notes et figures des époques qui ont suivi, jusqu’aux systèmes
d’écriture des musiques actuelles, afin de mieux servir les exigences des compositeurs jusqu’à
nos jours. De même, l’écriture du système Conté, fondée sur l’écriture musicale de son temps,
s’est progressivement enrichie depuis sa création de « signes nouveaux » : ceux issus de
l’évolution de l’écriture musicale et tous ceux spécialement créés pour mieux servir
l’expression contemporaine du mouvement et son évolution au fil des ans.
Depuis sa toute première édition, en 1931, chaque nouvelle publication de la Méthode Conté
a inclus les nouveaux apports en notation, en 1955, 1977, 1981, 1987, 1990, 2000, 2005 et
jusqu’à sa réédition en 2010, sous le titre de Grammaire de la notation Conté, par le Centre
national de la Danse (CND), intégrant une nouvelle présentation du système par Michelle
Nadal.
IV.1. Viabilité
Vitalité
Depuis 2000, notamment avec le soutien de la Ville de Paris, le système Conté s’est
développé sur l’acquis des années précédentes et grâce à l’action de ses principaux partisans,
Michelle Nadal (décédée en 2018), Robert Crang (décédé en 2014) et Jacques Garnier
(décédé en 1989). Les diplômés, formés à la Sorbonne et au CNSMDP de 1980 à 1989, puis
dans les conservatoires de la Ville de Paris dans les années 2000, sont aujourd’hui parmi les
principaux enseignants, tels Catherine Augé, Monique Duquesne, Anne Cottignies, Catherine
Bros, Lisiane Michel, Aline Le Moullec, Marie Blaise, Irène Bense, Claudine Migout, Ariane
Pappas et Florence Huyche.
La transmission du système est accessible aux conservatoires du 6 e et du 13e arrondissement
de Paris, à l’université de Lille et au studio Harmonic à Paris, comme unité de valeur du
diplôme d’État. À l’École de danse de l’Opéra de Paris, trois professeurs utilisent les
fondamentaux du système Conté dans leur enseignement. Les autres moyens de transmission
sont ponctuels, dépendants d’entreprises individuelles, et en partie dans le cadre
d’institutions privées. Selon une récente enquête conduite par l’Inspection de la Danse à la
Ville de Paris (2019-2020), le système Conté « est plus connu qu’il n’y paraît ». Les
praticiens répertoriés sont assez peu nombreux, mais leur enseignement a essaimé un certain
nombre d’adeptes potentiels, même si les opportunités de spécialisation et de transmission
sont devenues aléatoires depuis 2008.
Menaces et risques
Au siècle dernier, « écrire la danse » n’était pas d’usage courant. Cette pratique, quelque peu
révolutionnaire, ou élitiste, se limitait au domaine de la « recherche en danse ». De nos jours
encore, l’usage d’une notation « n’est pas considéré comme indispensable… » (témoignage
récent d’un professeur de l’Opéra de Paris). En dépit de ses qualités, reconnues par tous ceux
qui l’ont étudié et mis en pratique, dont le nombre est allé croissant jusqu’en 2015 environ, et
des soutiens officiels obtenus auprès des Conservatoires jusqu’en 2008, le système Conté est
resté « marginal ». La formation assurée à Paris et à Lille (cf. supra) se fait uniquement sous
18
FICHE D'INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
réserve d’une reconduction annuelle et à travers une discipline, ce qui ne permet plus de
spécialisation diplômante. Les enseignants (cf. section I.3), sont tous indépendants au regard
de leurs engagements personnels.
La pratique de l’écriture du mouvement selon le système Conté, comme celle des autres
systèmes en usage en France, est une entreprise purement culturelle. Selon le recensement
effectué auprès des praticiens actuels, faute d’une reconnaissance permettant officiellement
sa diffusion par des organismes d’État (conservatoires, écoles de musique et de danse
homologués), comme ce fut le cas entre 2000 et 2008 grâce au soutien de la Ville de Paris, la
sauvegarde du système dépend aujourd’hui du seul engagement de ses praticiens. Parmi
ceux-ci, référencés par l’enseignement suivi ou par les diplômes obtenus, plusieurs ont plus
ou moins abandonné la pratique du système en dehors de leur usage personnel, en raison
notamment de l’impossibilité d’obtenir des engagements d’avenir dans les organismes
d’enseignement homologués. Le système ne bénéficie d’aucun soutien commercial, ni
médiatique. Sa marginalité est due à un manque de moyens de diffusion et de transmission
par les lieux officialisés. Du vivant de Pierre Conté, les rapports peu diplomatiques de ce
dernier avec les pouvoirs décisionnaires ont dressé des obstacles à la diffusion de son
système. Depuis son décès en 1971, le souvenir de ces conflits relationnels s’est peu à peu
effacé... De nos jours, le système Conté doit sa survie à sa seule valeur et aux seuls moyens de
diffusion des collaborateurs d’Arts et Mouvement. Or, l’association, qui ne compte que
148 adhérents en 2019 pour toute la France, ne peut organiser, elle-même, que peu d’ateliers
et d’événements. Elle n’a sollicité jusqu’ici aucune aide de l’État. Jusqu’en 2000 environ, ses
ressources provenaient des apports personnels de Pierre Conté jusqu’à son décès et des
activités de l’association : enseignement, spectacles, ventes d’ouvrages, adhésions. Depuis
lors, les ressources proviennent principalement des adhésions, des ateliers organisés par
l’association, des participations versées par certains professeurs, puis du legs personnel de
Michelle Nadal.
19
FICHE D'INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
médiatisés.
Le comité directeur de l’association Arts et Mouvement s’exprime en ces termes : « Notre
plus haute visée pour le système Conté, avec foi dans son avenir, serait la création d’un
centre dédié à l’étude du système sur le principe d’une école de musique, en y joignant les
concepts de technique générale du mouvement de son concepteur, structuré et professionnel
dans sa gestion, afin de sortir le système de son ornière actuelle ! »
À défaut de pouvoir créer une telle structure, il est envisagé qu’elle puisse être intégrée à une
institution existante. L’IFDS, déjà cité, en est une tentative. Arts et Mouvement s’efforce de
maintenir vivant l’enseignement du système par les moyens limités qui sont encore à sa
portée.
Depuis octobre 2019, des démarches ont été entreprises auprès de plusieurs écoles de danse
et conservatoires parisiens pour faire mieux connaître ce système et l’inscrire au programme
des élèves au sein des principaux organismes d’État.
En janvier 2020, Anahi Renaud, inspectrice de la Danse à la Ville de Paris, a été sollicitée en
référence au soutien accordé de 2000 à 2008 par son prédécesseur, Anne-Marie Sandrini.
Une demande officielle est à l’étude.
En septembre 2020, Émilie Delorme, directrice du CNSMDP, rencontrée dans cette même
optique, a accepté « d’étudier la possibilité » d’inclure un enseignement diplômant du
système Conté sur un cursus similaire à celui des autres systèmes déjà inscrits au programme
officiel.
À cet égard, la reconnaissance qu’apporterait l’inscription des savoirs et techniques de
notation du mouvement selon le système Conté à l’Inventaire national du Patrimoine culturel
immatériel pourrait être déterminante pour obtenir à nouveau les soutiens de la Ville de
Paris et du ministère de la Culture (comme de 1980 à 1989) afin qu’ils soient officiellement
intégrés aux programmes d’enseignement des organismes d’État et offerts aux choix des
étudiants. Cette reconnaissance apporterait un nouvel élan à toute initiative de sauvegarde,
de diffusion, en faveur de la connaissance et de la transmission de cette pratique
immatérielle.
21
FICHE D'INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
22
FICHE D'INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
Bibliographie sommaire
Principaux ouvrages de Pierre Conté
Critiques sur la question de l’éducation physique et des sports à l’école, Niort, chez l’auteur,
1928.
Chorégraphie. Écriture de la danse théâtrale et de la danse en général, Traité d’écriture,
Niort, 1931 ; rééd. Paris, Arts et Mouvement, 1977.
Écriture de la danse : 1955, 1981, 1987, 1990, 2000, 2005, publications réactualisées, Arts et
Mouvement (voir III-2).
Le Guide chorégraphique (puis Arts et Mouvement), revue trimestrielle de l’association Arts
et Mouvement, 16 numéros de 1933 à 1937.
La Danse et ses lois [1950], Paris, Arts et Mouvement, 1952.
Technique générale du mouvement [1954], Paris, Arts et Mouvement, 1977.
Danses anciennes de Cour et de théâtre en France, Paris, Arts et Mouvement/Fédération des
Œuvres laïques, 1974.
Les Feuilles de mon jardin, Saint-Seurin-de-Cadourne, 1977 [non publié : archives Arts et
Mouvement].
Mémoires, 3 vol. non publiés, 1891-1965 [archives Arts et Mouvement]
Écrits en référence au système Conté
Crang (Robert), « Musical notation in dance, Application to Folk Dance », dans Folk Dance
Research (colloque international, Larisa, juillet 1988), non publié [Paris, CND, fonds Robert
Crang].
Duquesne (Monique), éd., Cahier de variations de Michelle Nadal, Paris, Arts et Mouvement
1987.
Duquesne (Monique), « Analyse choréologique de la Chaconne de Phaëton », mémoire pour
le diplôme d’université de 2e cycle en danse, Université Sorbonne-Paris IV, 1989
Duquesne (Monique), Vocabulaire des danses de la Renaissance, non édité, 1990 [archives
Arts et Mouvement]
Duquesne (Monique), éd., Écriture du mouvement de Pierre Conté, par Michelle Nadal,
23
FICHE D'INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
Filmographie sommaire
• Documentaires réalisés en collaboration avec l’Institut de cinématographie scientifique,
créé en 1930 à Paris par le réalisateur Jean Painlevé, et produits par Cinégraphie
Documentaire :
– L’Écriture du mouvement (selon Pierre Conté), film en 16 mm, réal. Jean Painlevé,
musique Pierre Conté, 1947, 15 min. Première projection en mai 1949 au Palais de Chaillot,
puis en avril 1950 à la direction de la Jeunesse et des Sports et en mai 1950 au cinéma Lux,
rue de Rennes à Paris, pour un public d’étudiants, suivie d’un débat.
En ligne sur le site de Marseille Objectif Danse (séance du 16 mars 1989 du centre de
ressources)
http://ressources.marseille-objectif-danse.org/?page=mod_cinema&id_article=832
En ligne sur le site de la Cinémathèque (séance du 22 mai 2014)
https://www.cinematheque.fr/film/77659.html
– Jeux d’enfants, réal. Jean Painlevé, 4 tableaux chorégraphiques de Pierre Conté, musique
Georges Bizet, 1947, 14 min.
– Comment naissent les méduses, réal. Jean Painlevé, musique Pierre Conté, 1960, 13 min
30
– Histoires de crevettes, réal. Jean Painlevé, musique Pierre Conté, 1964, 13 min.
• Trois systèmes français d’écriture de la danse (Arbeau, Feuillet, Conté), réal. Michelle
Nadal, prod. Arts et Mouvement, 1975, 40 min.
• Cinéma-Recherche et danses de bal, conférence-spectacle de Michelle Nadal au
Conservatoire National d’Art Dramatique), prod. Arts et Mouvement, 2005, 45 min.
• Michelle Nadal, une vie en mouvement, réal. Sophie Jacotot et Pierre Linguanotto, prod.
Arts et Mouvement, 2010, 46 min.
• Écriture chorégraphique Pierre Conté, Institut de formation de danses de société
Facebook : https://www.facebook.com/watch/?v=370511336903193
Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=D7UUqadXK7o
25
FICHE D'INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
• Catalogue général des archives de Pierre Conté (308 ressources, œuvres musicales,
textuelles, chorégraphiques, manuscrits et archives, spectacles), Bibliothèque nationale de
France
https://data.bnf.fr/fr/11897565/pierre_conte/
• Pierre Conté, Écriture de la danse théâtrale et de la danse en général, Google Books
https://books.google.fr/books/about/écrituredeladansethéatraleetdel.html?
id=iD69tgAACAAJ&hl=en&output=html_text&redir_esc=y
• Écriture du mouvement, solfège corporel, coordination, association Arts et Mouvement
http://conte.notation.free.fr/
Sites de recherche
• Séminaire de notation Conté, Centre national de la Danse, 11 novembre 2020
https://www.cnd.fr/fr/program/2319-seminaire-de-notation-conte
• L’Écriture Conté, Institut national d'histoire de l'art, séminaire de chorégraphie, Sophie
Jacotot, 13 février 2019
https://www.youtube.com/watch?v=CGo4bL4xAB4&feature=youtu.be
• Les archives de Robert Crang notateur, Conseil national de la Danse, aide à la recherche
et au patrimoine en danse, 2017
https://www.cnd.fr/fr/file/file/1145/inline/SimoneClamensSophieJacototMarinaNord
era.pdf
• Sophie Jacotot, La Transmission par l’écrit dans les processus de création en danse :
l’exemple du système d’écriture du mouvement de Pierre Conté, Paris, Éditions de la
Sorbonne, 2015
https://books.openedition.org/psorbonne/7503?lang=fr
• Association pour un Centre de recherche sur les arts du spectacle aux XVII e et
XVIIIe siècles, Ris et Danceries, Francine Lancelot (1929-2003), février 2004
https://www.acras17-18.org/index.php?menu=lancelot&contenu=lancelot
Pratiques actuelles
— Praticiens-pédagogues
• Augé Catherine, Divertimento 6e, cours d'adultes, musique, danse, arts dramatiques,
[également référencée sur AFCMD] : http://divertimento6eme.fr/catherine-auge/
• Cottignies Manigas Anne, AFCMD, Analyse Fonctionnelle du Corps dans le Mouvement
Dansé, [également référencée sur Studio Harmonic] :
• Florence Huyche, formatrice à l’U.V. de musique du D.E. de danse, Studio Harmonic :
https://www.studioharmonic.fr/professeur/1512-florence-huyche/
• Catherine Bros, formatrice à l’U.V. de musique du D.E. de danse, Studio Harmonic :
https://www.studioharmonic.fr/professeur/1516-catherine-bros/
— Écoles utilisant ou enseignant le système
26
FICHE D'INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
28
FICHE D'INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
29
FICHE D'INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
30
FICHE D'INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
31