- كتاب شعر ق17 اولي أداب - ٠١٢٣١٤

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Université de MEnoufIa
Faculté des Lettres
Département de Français
----------------------------------------------------

Les fleurs de la poésie classique

Cours choisis par

Dr. / CHERIF ABDEL MONEIM


Maître de conférences au Département de français

Faculté des Lettres

Université de Menoufia

Deuxième Semestre

2022 / 2023

1
‫‪LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE‬‬

‫جامعة المنوفية‬
‫كلية اآلداب‬
‫برنامج اللغة الفرنسية‬

‫رؤية الكلية‬

‫(تأمل كلية اآلداب جامعة المنوفية في الريادة في مجاالت العلوم اإلنسانية‬


‫بتقديم الخدمات التعليمية والبحثية والمجتمعية الموجهة بأهداف التنمية المستدامة على‬
‫المستويين المحلى والدولي)‪.‬‬

‫رسالة الكلية‬

‫(كلية اآلداب إحدى كليات جامعة المنوفية‪ ،‬تعهد بإعداد خريج قادر على‬
‫التطور ومالئمة سوق العمل بتميزه المعرفي والمهني اإلبداعي والتقني مجاالت العلوم‬
‫اإلنسانية وذلك من خالل مجموعة من البرامج المتميزة‪ ،‬واستحداث أخرى مميزة‪ ،‬تلبى‬
‫الطموحات التعليمية والبحثية والمجتمعية وفق توجهات التنمية المستدامة)‪.‬‬

‫‪2‬‬
‫‪LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE‬‬

‫رؤية برنامج اللغة الفرنسية‬


‫يأمل برنامج اللغة الفرنسية بكلية اآلداب جامعة المنوفية في إعداد خريج مواكب للتطورات العلمية‬
‫الحديثة في اللغة واألدب‪ ،‬متميز مهاريا وتقنيا‪ ،‬قادر علي تلبية متطلبات سوق العمل على‬
‫المستويين المحلي واإلقليمي وفق أهداف التنمية المستدامة‪.‬‬
‫‪Vision du programme:‬‬
‫‪Le programme de la langue française à la Faculté des Lettres,‬‬
‫‪Université de Menoufia espère former un diplômé qui se met au‬‬
‫‪courant des évolutions linguistiques et littéraires, se distingue par ses‬‬
‫‪qualifications et ses compétences techniques, devient capable de‬‬
‫‪subvenir aux besoins du marché du travail aux niveaux local et‬‬
‫‪régional, conformément aux objectifs du développement durable.‬‬
‫رسالة برنامج اللغة الفرنسية‬
‫برنامج اللغة الفرنسية بكلية اآلداب جامعة المنوفية يعهد بخدمة المجتمع من خالل إعداد طالب قادر‬
‫على استيعاب أدبيات اللغة الفرنسية‪ ،‬مواكب لمتطلبات العصر‪ ،‬بما يؤهله للتفاعل الثقافي‬
‫والحضاري‪ ،‬ويجعل له ميزة تنافسية في سوق العمل المحلى واإلقليمي‪.‬‬
‫‪Mission du programme:‬‬
‫‪Le programme de la langue française à la Faculté des Lettres, Université‬‬
‫‪de Menoufia prend en charge de rendre service à la société à travers la‬‬
‫‪formation d’un étudiant capable d’assimiler les divers aspects littéraires‬‬
‫‪de la langue française, de répondre aux exigences de l’époque. Ce qui lui‬‬
‫‪permet d’interagir sur les plans culturel et civilisationnel et le dote d’un‬‬
‫‪avantage concurrentiel sur le marché du travail local et régional.‬‬
‫أهداف برنامج اللغة الفرنسية‬
‫‪ .1‬تحقيق التميز اللغوي واألدبي للطالب من خالل إتباع المناهج العلمية الحديثة والخطط الدراسية‬
‫والتدريبية المتنوعة المتميزة‪.‬‬

‫‪ .2‬تأهيل الخريج تقنيا ومهنيا بما يعزز التعليم الهجين وتوجهاته‪.‬‬

‫‪ .3‬تعزيز فرص التعلم الذاتي للطالب مدي الحياة بما يتفق مع التنمية المستدامة وأهدافها‪.‬‬

‫‪ .4‬تفعيل الميثاق األخالقي‪.‬‬

‫‪ .5‬جذب الطالب الوافدين من خالل استحداث برامج جديدة متخصصة لمواكبة تطور التعليم الجامعي‬
‫وربطه بسوق العمل‪.‬‬

‫‪ - .6‬تعميق فكرة االنفتاح على اآلخر مع تأصيل روح االنتماء واحترام القيم المجتمعية واالعتزاز‬
‫بالثقافة الوطنية و العربية‪.‬‬

‫‪ .7‬تحسين األداء األكاديمي والبحث العلمي ألعضاء هيئة التدريس والهيئة المعاونة من خالل الندوات‬
‫وورش التدريب المختلفة‪.‬‬
‫‪3‬‬
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE
.‫ تفعيل الخطط البحثية المشتركة بين البرنامج والبرامج المناظرة وغير المناظرة محليا‬.8
.‫ فتح قنوات اتصال مع مؤسسات المجتمع المدني المعنية بتخصصات البرنامج لتوفير فرص عمل‬.9
Objectifs du programme:
1- Atteindre la perfection linguistique et littéraire des étudiants à travers la mise
en œuvre de nouveaux programmes et des plans de formation d’une qualité
éducative remarquable.
2- Former les étudiants techniquement et professionnellement de façon à
promouvoir les principes de l'enseignement hybride.
3- Favoriser les possibilités de l’auto-apprentissage permanent conformément
aux objectifs du développement durable.
4- Mettre en place la charte éthique.
5- Attirer les étudiants étrangers par la mise au point de programmes spécifiques
pour être au diapason de l’évolution de l'enseignement supérieur tout en
l’adaptant au marché du travail.
6- Approfondir l'idée de l’ouverture à l'autre tout en développant l'esprit de
citoyenneté, le respect des valeurs sociétales et l’appréciation de la culture
nationale et arabe.
7- Améliorer les performances académiques et la recherche scientifique du corps
enseignant et des assistants et maîtres-assistants à travers la tenue de divers
colloques et stages.
8- Mettre en œuvre des plans de recherche communs entre le programme
concerné et les autres programmes correspondants et non correspondants à
l’échelle locale.
9- Ouvrir des canaux de communication avec les organisations de la société
civile concernées par les spécialisations du programme pour fournir des offres
d’emploi.

4
‫‪LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE‬‬

‫توصيف مقرر دراسي‬


‫الفرقة الثانية ‪ -‬الفصل الدراسي الثاني‬

‫اجبارى‬ ‫شعر القرن ‪17‬‬ ‫ف ر ‪126‬‬


‫المحتوى العلمي‪:‬‬
‫التعريف بالترجمة اإلنسانية واالجتماعية‬ ‫▪‬
‫قضايا التعليم‬ ‫▪‬
‫قضايا الزواج واألسرة‬ ‫▪‬
‫مشكالت الشباب‬ ‫▪‬
‫الحفاظ علي البيئة‬ ‫▪‬
‫الثقافة والمجتمع‬ ‫▪‬
‫مشكالت التمييز والتنمر‪.‬‬ ‫▪‬
‫المراجع والمصادر المتاحة على بنك المعرفة المصري‪:‬‬
‫‪Le Petit Larousse Illustré, 2009‬‬ ‫▪‬
‫‪Le Nouveau Petit Robert de la Langue Française, 2010‬‬ ‫▪‬
‫قاموس املنهل فرنس ي ‪ -‬عربي‬ ‫▪‬

‫أساليب التعليم والتعلم‬


‫‪ -1‬المحاضرات النظریة‬
‫‪ -2‬المناقشات العلمیة من خالل حلقات وجلسات نقاشیة‬
‫‪ -3‬العمل الجماعي‬
‫المصادر والمراجع‬

‫‪ Mounin G, Problèmes théoriques de la traduction,‬‬


‫‪Paris, Gallimard, 2004.‬‬

‫‪ Oustinoff M., La traduction, Presses Universitaires‬‬


‫‪de France, 2003.‬‬
‫‪ Ballard M., Europe et traduction, Artois Presses‬‬
‫‪Université, Arras, 1998.‬‬

‫رئيس مجلس القسم العلمي ا‪.‬م‪.‬د ‪ /‬رغده أبو الفتوح‬ ‫القائم بالتدريس د‪ / .‬شريف عبدالمنعم‬

‫‪UNIVERSITE DE MENOUFI‬‬

‫‪5‬‬
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

TABLE DES MATIÈRES

SUJET PAGE

Avant propos
8

9
Définition de la littérature en général

La Littérature française au XVIIème siècle


15
20
ème
Les courants littéraires au XVI siècle

Les courants littéraires au XVIIème siècle 25

Les genres littéraires au XVIIème siècle


49
La poésie comme expression des sentiments
54
Autres fonctions de la poésie
56
La poésie du XVIIème siècle
59

La fable : définition, caractéristiques et exemples 60

Jean de La Fontaine, le fabuliste


65
Les fables de La Fontaine : analyse des livres VII à XI
66

Des formes poétiques variées 72

Quelques formes thématiques 75

78
La Versification française

6
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

La rime 85

Les figures de style 95

Les grands poètes aux XVIème et XVIIème siècles 104

Jean de La Fontaine 105

Pierre de Ronsard 107

François Rabelais 110

Poèmes expliqués 114

Poèmes à expliquer 160

Questionnaire 164

Bibliographie 166

7
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Avant propos

Sans nul doute, le Département de français de l’Université de Menoufia

cherche forcément à former essentiellement des professeurs de langue, des

personnes aptes à comprendre la culture de l'Autre, et ce, à travers l'étude de la

littérature française et ses divers domaines. Avec l’évolution du marché du

travail, il ambitionne aujourd’hui de varier sa formation afin de permettre aux

futurs diplômés de s’intégrer plus facilement à la vie active. Dans cet esprit,

nous avons introduit dans notre programme d’enseignement le cours de

littérature pour enseigner nos étudiants à améliorer et promouvoir leurs

connaissances et aussi raffiner leur esprit critique, car l'étude de la littérature

n'est pas moins importante que celle de la langue. Ce manuel expose une vision

assez modeste sur la littérature au XVIIème siècle, et ses divers domaines, et

notamment la poésie française à cette époque, nommé « le Siècle de Louis XIV».

D'ailleurs, l'étudiant va apprendre et comprendre la versification française et

comment analyser un poème thématiquement et poétiquement. Enfin,

l'étudiant va vivre les expériences des poètes français à cette époque.

8
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Définition de la littérature en général

« La littérature est le chant du cœur du peuple et le peuple


est l'âme de la littérature.»

Jiang Zilong , La Vie aux mille couleurs

9
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Définition de la littérature en général


Le mot littérature, issu du latin litteratura dérivé de littera (la
lettre), apparaît au début du XIIe siècle avec un sens technique de « chose
écrite » puis évolue à la fin du Moyen Âge vers le sens de « savoir tiré des
livres », avant d'atteindre aux XVIIe - XVIIIe siècles son sens principal
actuel : ensemble des œuvres écrites ou orales comportant une dimension
esthétique (ex. : « C’est avec les beaux sentiments que l’on fait de la
mauvaise littérature » André Gide) ou activité participant à leur
élaboration (ex. : « Se consacrer à la littérature »).

La littérature se définit en effet comme un aspect particulier de


la communication verbale - orale ou écrite - qui met en jeu une
exploitation des ressources de la langue pour multiplier les effets sur le
destinataire, qu'il soit lecteur ou auditeur. La littérature - dont les
frontières sont nécessairement floues et variables selon les appréciations
personnelles - se caractérise donc, non par ses supports et ses genres, mais
par sa fonction esthétique : la mise en forme du message l'emporte sur le
contenu, dépassant ainsi la communication utilitaire limitée à la
transmission d'informations même complexes. Aujourd'hui, la littérature
est associée à la civilisation des livres par lesquels nous parlent à distance
les auteurs, mais elle concerne aussi les formes diverses de l'expression
orale comme le conte (en plein renouveau depuis une trentaine d'années
dans les pays occidentaux), la poésie traditionnelle des peuples sans
écriture - dont nos chansons sont les lointaines cousines - ou le théâtre,
destiné à être reçu à travers la voix et le corps des comédiens.

10
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

La technologie numérique est cependant peut-être en train de transformer


le support traditionnel de la littérature et sa nature.

Le concept de littérature a été régulièrement remis en question par


les écrivains comme par les critiques et les théoriciens : c'est
particulièrement vrai depuis la fin du XIXème siècle où l'on a cherché à
redéfinir - comme pour l'art - les fonctions de la littérature (par exemple
avec la notion d'engagement pour Sartre, Qu'est-ce que la littérature ?) et
sa nature (réflexion sur l'écriture et la lecture de Roland Barthes ou études
des linguistes comme Roman Jakobson) et à renouveler les critères
esthétiques (du « Il faut être absolument moderne »
de Rimbaud au nouveau roman en passant par le surréalisme, par
exemple).

Il reste que, riche de sa diversité formelle sans limite autant que de


ses sujets sans cesse revivifiés qui disent l'humaine condition, la
littérature est d'abord la rencontre entre celui qui, par ses mots, dit lui-
même et son monde, et celui qui reçoit et partage ce dévoilement. La
littérature apparaît donc comme une profération nécessaire, une mise en
mots où se perçoit l'exigence profonde de l'auteur qui le conduit à dire et
se dire.(1)

(1) « Qu'est-ce que proférer? C'est mettre en jeu la parole », Pierre Delayin, le
scripteur «Déclamer ressource le texte à son origine, le vouloir dire de l'auteur,
la profération initiale de l'homme qui parle à un homme », Essays on the Age of
Enlightenment : in Honor of Ira O. Wade dirigé par Jean Macarey, Librairie Droz,
Genève 1977, article d'Yvon Belaval Pour un dialogue des critiques, page 24

11
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Évolution du sens aux XVIIème et XVIIIème siècles

Selon Philippe Caron (2) , le mot « littérature » garde l'acception


générale de « connaissance obtenue par les livres » jusqu'au XVIIe siècle :
on dit alors « avoir de la littérature » comme on dit aujourd'hui « avoir de
la culture », celle-ci recouvrant tous les domaines du savoir général ; ainsi
en 1699, Fontenelle présente les mathématiques comme « un genre de
littérature ».

Mais dans la deuxième moitié du siècle, parallèlement à l'acception


généraliste, le mot s'applique de plus en plus à un savoir restreint, celui
des « belles-lettres » liées au beau langage. Ce glissement s'explique par
l'évolution sociale des élites sous Louis XIV où s'instaure la notion de
l'honnête homme, apte à une vie sociale raffinée faite de pratiques
culturelles valorisées comme la connaissance des œuvres littéraires,
particulièrement celles de l'Antiquité qui nourrissent le théâtre classique
tandis que les poètes exploitent les genres définis par Aristote comme
la poésie épique.

Au XVIIIème siècle le mot « littérature » est tout à fait devenu


synonyme de « belles-lettres », c'est-à-dire d'œuvres reconnues par les
gens de goût et constituant la culture mondaine de l'époque formée par
une meilleure éducation et par le monde des salons littéraires et

(2) Philippe Caron in Bibliothèque de l'Information Grammaticale 1993 Philippe


Caron, Université de Poitiers : Des belles lettres à la littérature - Une archéologie
des signes du savoir profane en langue française, 1680-1760 - www.mshs.univ
poitiers.fr/gehlf/caron/litterature/litterat.htm

12
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

des académies ; ainsi pour Voltaire : « La littérature désigne dans toute


l'Europe une connaissance des ouvrages de goût ». Un autre exemple
montre que le mot « littérature » avec son sens commun d'aujourd'hui est
désormais bien installé au milieu du siècle des Lumières : en
1753 Charles Batteux titre son ouvrage « Cours de belles-lettres, ou
Principes de la littérature » et le réédite en 1764 en ne gardant que
« Principes de la littérature ». La même année paraît « L'école de
littérature » de l'abbé Laporte dont le sous-titre de la 2e partie est sans
ambiguïté : « Des règles particulières de chaque genre de Littérature en
Prose et en Vers »(3).

Le mot évolue encore lentement à partir de 1750 vers le sens plus


large de « création langagière écrite » laissant une place grandissante au
jugement subjectif libéré de critères esthétiques contraignants : telle sera
plus tard la conception romantique du poète créateur libre même s'il doit
être un poète maudit, conception que préfigurait déjà dans son Discours
préliminaire de l'Encyclopédie d'Alembert affirmant que les œuvres d'art
relèvent principalement « de l'invention qui ne prend guère ses lois que du
génie ».
Paul-Louis Courier 4 définit de la même façon dans les années 1820
une œuvre littéraire comme « produite par l'instinct et le sentiment du
beau » donc par le sentiment de l'auteur et pas nécessairement celui de
l'établissement.

(3) Ph.Caronwww.mshs.univpoitiers.fr/gehlf/caron/litterature/litterat.htm
(4) PL Courier, 1822 (?) Préface d'une trad. d'Hérodote

13
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Questions :

1 - Quelle est la définition de littérature en générale?


2 - Parlez de l'évolution du sens de la littérature au XVIIème ?
3 - Quelle est l'évolution du sens de la littérature au XVIIIème siècle ?

14
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

La Littérature française au XVIIème siècle

15
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Littérature française au XVIIème siècle

La littérature française du XVIIème siècle est liée aux évolutions


politiques, intellectuelles et artistiques qui se font entre 1598 -
promulgation de l’édit de Nantes d’Henri IV qui met fin aux guerres de
religions du XVIe siècle -, et 1715, date de la mort de Louis XIV, le Roi-
Soleil qui a imposé la monarchie absolue au royaume. L’un des faits
dominants dans le domaine culturel est la forte consolidation du pouvoir
royal qui fait, à la fin du XVIIème siècle, de la Cour et du roi, à Versailles,
les maîtres du bon goût, même si la « ville » et sa bourgeoisie
commencent à jouer un rôle dans le domaine des arts et de la littérature
avec une diffusion plus large des œuvres et un développement de la
lecture.

Le XVIIème siècle est un siècle majeur pour la langue et la littérature


française en particulier pour les œuvres du théâtre classique avec
les comédies de Molière et les tragédies de Corneille et Racine, ou pour la
poésie avec Malherbe. Mais si le classicisme s’impose dans la seconde
moitié du siècle sous le règne de Louis XIV, les chefs-d’œuvre qu’il a
produits ne doivent pas éclipser d’autres genres comme les textes
des moralistes et des fabulistes (Jean de La Fontaine) et le genre
du roman qui s’invente au cours de cette période avec les romans
précieux, les histoires comiques et les premiers romans psychologiques
comme la Princesse de Clèves, ou encore la poésie baroque de la période
Louis XIII.

16
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Contexte historique

Pour la France, le XVIIème siècle en tant qu’unité historique peut


être défini par deux dates : 1598 et l’édit de Nantes d’Henri IV qui met fin
aux guerres de religions du XVIe siècle, et 1715, date de la mort de Louis
XIV qui a imposé au cours de son très long règne la monarchie absolue au
royaume qu’il a agrandi par de nombreuses conquêtes. Entre ces deux
dates le pouvoir royal s’affermit par l’œuvre de Louis XIII secondé
par Richelieu et durant la régence d’Anne d’Autriche grâce à Mazarin5.

Ce pouvoir royal intervient dans le monde des arts par le soutien


qu’il apporte aux artistes instituant ainsi ce qu’on a appelé le
« classicisme français » et par la création en 1635 de l’Académie
française qui établit une norme pour le vocabulaire, la syntaxe ou
la poétique comme le montre en 1637 la querelle du Cid. Ce souci de la
codification du langage anime aussi les salons et les cercles littéraires :
c’est par exemple la Grammaire de Port-Royal, élaborée par les Solitaires
de Port-Royal des Champs, qui fixe pour la première fois les règles
grammaticales et sert de base, jusqu’à nos jours, à la grammaire française.
Si le XVIe siècle s’était occupé d’enrichir la langue française pour la
rendre rivale des autres langues anciennes et si les auteurs accueillaient
volontiers toute invention, le XVIIème siècle se charge de l’épurer et
d’établir des règles comme avec Vaugelas, et c’est à la fin
du XVIIème siècle qu’apparaissent les premiers dictionnaires de la langue

(5) LouisXIII p. 154164 /LouisXIV p. 164204 PierreGoubert, Initiation à l'histoire


de la France, éditions Fayard-Taillandier, 1984

17
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

française avec Richelet (en 1680), Furetière (posthume, en 1690) et un


peu plus tard l’Académie française (1698).

En même temps, l’idéal social évolue avec le type de l’honnête


homme, cultivé, sociable et ouvert, et le monde des idées poursuit son
évolution avec le cartésianisme qui modifie les démarches intellectuelles
en donnant une place primordiale à la Raison (Cogito ergo sum) et qui
influera sur l’idéal classique par son souci d’ordre et de discipline.
La philosophie de René Descartes (1596-1650), en érigeant le doute
comme principe de son système métaphysique, débouchera à la fin du
siècle sur les prémices des Lumières avec les remises en cause d’esprits
novateurs comme Bayle ou Fontenelle en même temps que s’affirmeront,
en Europe, les démarches scientifiques avec Kepler, Harvey, Blaise
Pascal ou Newton.

Le libertinage intellectuel, bien que sévèrement combattu par


l’Église, pèse aussi peu à peu sur les esprits dans le sillage de Pierre
Gassendi (1592-1655), matérialiste sensualiste qui ouvre des brèches
encore timides à l’athéisme.

En effet les considérations et les pratiques religieuses marquent


aussi fortement le siècle avec la révocation de l’édit de Nantes par Louis
XIV en 1685, qui met fin à la tolérance vis-à-vis des protestants, et le
poids des Jésuites et des Jansénistes. En effet les Jésuites, en plus de leur
influence politique, critiquée par les tenants du gallicanisme, contribuent
à la formation de la pensée du siècle et à l’élaboration du style classique.
Les écoles jésuites apportent deux éléments essentiels dans la formation

18
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

du classicisme : le goût humaniste pour les Anciens reconnus comme


modèle de beauté et de sagesse, et la psychologie, qui vise à connaître
l’homme, à discuter sur lui, mesurer la puissance de ses passions et de sa
volonté. Le jansénisme exerce quant à lui une influence plutôt indirecte et
morale avec leur idéal austère lié à une théologie de la prédestination.

Tous ces éléments vont peser dans le domaine esthétique et dans


l’importance relative des deux courants qui dominent le siècle : d’abord le
mouvement baroque, plus long et paneuropéen, puis le classicisme, plus
spécifiquement français et moins long, lié au « siècle de Louis XIV » 6. Si
le baroque est une esthétique de l’incertain, du flou et de la surabondance,
le classicisme est fait de retenue, d’ordre et d’ambition morale : c’est ce
courant qui s’imposera en France dans la deuxième moitié du siècle avec
l’intervention du monarque absolu et centralisateur qui encouragera la
fondation de nombreuses Académies pour veiller aux principes et aux
usages admis de la pensée et des arts (l’Académie française en 1635,
l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1665, l’Académie des
sciences en 1666). La Cour et le roi, à Versailles, sont bien, à la fin
du XVIIème siècle, en France, les maîtres du bon goût même si la « ville »
et sa bourgeoisie commencent à jouer un rôle dans le domaine des arts et
de la littérature avec une diffusion plus large des œuvres et un
développement de la lecture.

Questions:

(6) « Louis-Dieudonné régna juridiquement soixante-douze ans et demi et


effectivement près de cinquante-cinq. » Pierre Goubert Louis XIV et vingt millions
de Français Introduction, éd. Fayard 1966

19
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

1- Parlez de la littérature française au XVIIème siècle ?

2- Parlez du contexte historique de la littérature au XVIIème siècle ?

Les courants littéraires au XVIème siècle

20
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Les courants littéraires au XVIème siècle

Qu'est-ce qu'un courant littéraire?


Un mouvement littéraire rassemble des auteurs autour de valeurs
communes, ce qui donne une signature et une identité à une œuvre. On
parle également de courant littéraire.
Le terme « mouvement littéraire » fait référence un groupe d'auteurs
et d'œuvres présentant volontairement ou non des traits communs.

S'il s'agit de traits communs affichés, avec des chefs de file et une
doctrine établie, on parle alors d'école littéraire.

Le courant littéraire a une portée plus large. On peut dire pour


simplifier les choses le courant littéraire englobe le mouvement littéraire.

Ce qui peut caractériser un courant littéraire, c'est son unité ; à la


fois esthétique et idéologique.

Les mouvements littéraires et culturels aident à reconnaître et à


comprendre les faits et les œuvres artistiques relatifs à une époque. Ils
constituent des références organisées en repères dans l’histoire de la
littérature des arts et des idées. Les points de rencontre entre les
œuvres d'un même courant se rapportent aussi bien aux idées qu'aux
choix esthétiques. Très souvent, un mouvement nouveau va se définir par
opposition à celui qui l’a précédé. La série d'articles qui suit présente des
éléments d’analyse qui permettent d’identifier les différents mouvements
culturels, artistiques et littéraires européens.

I - L'Humanisme (XVIème siècle):

21
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Courant de pensée européen qui place l'homme au centre de ses


préoccupations morales et philosophiques et qui encourage les sciences,
le savoir et la lecture des textes antiques.

Vient du latin « humanitas » qui désigne « l'ensemble des


qualités intellectuelles, morales et physiques, qui distinguent l'homme des
autres créatures dans ce qu'il a de plus accompli ».

Lié aux découvertes de la fin du XVème siècle (l'invention de


l'imprimerie (1450) ; les explorations de nouveaux continents par
Colomb, Magellan, Vasco de Gama ; les découvertes en Astronomie -
Copernic et Galilée)

Les humanistes rêvent d'un monde pacifié, d'une Europe unie ; d'un
monde de culture où le savoir et la connaissance prime ; d'un monde libre
où chacun a le droit de s'instruire, de lire, de penser librement « Fay ce
que voudrais » (Rabelais dans Gargantua, 1534).

Auteurs principaux :
François Rabelais (1494-1553) : Gargantua, Pantagruel, Le Tiers Livre,
Le Quart livre - Avec ses personnages de géants et des épisodes
farcesques, l'auteur aborde des thèmes polémiques, des sujets de grande
diversité, sur l'éducation, la guerre, la religion...
Michel de Montaigne(1533-1592) : Les Essais, composé de trois livres,
publiés de 1580 à 1595 - « Je suis moi-même la matière de mon livre ». Se
livre à son lecteur tout en dévoilant sa pensée et son esprit critique sur le
monde et la société...

22
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Erasme (1469-1536) : L'éloge de la Folie (1509) où il adopte le point de


vue de la Folie pour dénoncer les travers de son temps.
II- La Pléiade (XVIème siècle)

La Pléiade est un groupe de sept poètes français du XVIe siècle


rassemblés autour de Pierre de Ronsard et Joachim du Bellay qui
retrouvent les modèles de l'antiquité (Virgile, Homère) ou italiens
(Pétrarque, Dante) et qui décident de les imiter en abandonnant les formes
poétiques du Moyen Age et en transformant la langue française.

Ronsard et du Bellay, inséparables depuis leur rencontre en 1547,


fondent en 1549 un groupe de gens de lettres qui prend le nom de
Brigade, et qui sera rebaptisé Pléiade en 1553. Le groupe se donne pour
mission de définir de nouvelles règles poétiques.

Dans ce cadre, du Bellay rédige en 1549 une "Défense et


illustration de la langue française".

Il y prône l'usage du français en poésie, contre celui du latin. Son


projet est de rendre la langue française moins "barbare et vulgaire" en
l'enrichissant avec ses amis de la Pléiade. Il souhaite également re-
populariser les genres poétiques utilisés pendant l'antiquité : élégie, sonnet,
tragédie...etc. Il abandonne les formes poétiques du Moyen Age ; le poète
est un héritier d'Orphée)
Thèmes poétiques : la fuite du temps; le sentiment amoureux ; la
beauté et le corps féminin (blason : poème célébrant une partie du corps
féminin ou l'ode) ; la mort...

23
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Auteurs et Œuvres principaux : Ronsard (Les Sonnet pour Hélène ;


Amours) ; Du Bellay (Les Regrets « Heureux qui comme Ulysse.« ; Les
Antiquité de Rome ).

Questions:
1- Parlez des courants littéraires au XVIème siècle ?
2 - Parlez de l'Humanisme au XVIème siècle?
3 - Quels sont les auteurs principaux de l'Humanisme?
4 - Parlez de la Pléiade au XVIème siècle?
5 - Quels sont les thèmes poétiques de la Pléiade?
6 - Quels sont les poètes principaux de La Pléiade?

24
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Les courants littéraires au XVIIème siècle

I : Le Baroque :

Le mot « baroque », d’origine italienne, est emprunté au vocabulaire


de la bijouterie, où barroco, en portugais, désigne une perle de forme
irrégulière. « Baroque » a fini par qualifier tout ce qui est extravagant,
bizarre. Son emploi ne se limite pas à la littérature, ni à la France seule.
Le baroque fut un mouvement européen, qui influencera tous les arts.
Dans l’histoire de la littérature française, il domine surtout la période qui
va de 1580 à 1650.
Étymologie et historique du mot « baroque »

● Le « baroque » est emprunté au portugais barroco « rocher


granitique » et « perle irrégulière », attesté depuis le XIIIe siècle sous la
forme barroca, d’origine obscure, probablement préromane en raison du
suffixe - ŏccu très répandu sur le territoire ibérique. L’espagnol barrueco
ne peut être à l’origine du mot français, étant donné que le mot espagnol
n’a pas le sens de « perle irrégulière » que depuis 1605.

● Le « baroque » est issu de la première étymologie probablement


croisé pour le sens avec le latin médiéval baroco, créé artificiellement au
XVIIIe siècle par les scolastiques pour désigner une forme de syllogisme et
qui, employé ensuite par moquerie par les adversaires de la scolastique,
contribua à donner à baroque le sens de « bizarre, inutilement compliqué ».
Naissance du concept de baroque:

25
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Le terme « baroque », comme la plupart des périodes ou désignations


stylistiques, est inventé postérieurement par la critique d'art et non par les
praticiens des XVIIème et XVIIIème siècles. Ceux-ci ne se pensaient pas
baroques mais classiques. Ils utilisent les formes du Moyen Âge, les ordres
classiques, les frontons, toute une modénature classique issue des modèles
gréco-romains. Il est né a Rome à la fin du XVIème siècle.
Le mot baroque est donc, selon cette définition, un terme technique
de joaillerie, d'origine portugaise qui désigne l'irrégularité d'une perle. Ce
terme est issu de la critique d'art. Il peut s'appliquer à une esthétique et à
une vision du monde qui se répandent à partir de l'Italie dans toute
l'Europe à la fin du XVIème siècle.

Le mot est issu du portugais barroco. Contrairement à ce que la


vulgate, toujours reprise en ce domaine, tente de faire croire, le terme ne
désigne pas d'abord la fameuse perle irrégulière mais une réalité
géologique. En effet, un barroco en portugais désigne un gros rocher de
granit à la rondeur irrégulière, le mot est dans ce cas utilisé comme
substantif. Ce n'est qu'ensuite qu'il désigne la perle irrégulière, mais alors
il est utilisé comme adjectif. Dans les deux cas, nous avons affaire à une
réalité irrégulière, d'ordre minéral, dans le gigantisme d'une part, et
d'autre part dans la préciosité.

Ce mot peut être considéré, selon le cas, comme positif ou négatif. Si,
en Angleterre ou en Espagne, le terme a simplement défini une période
historique, en France, son sens a pris celui de l'irrégularité, de l'insolite. En
effet, le terme désignait d'abord une œuvre mal bâtie, bizarre, avant d'être

26
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

utilisé pour désigner de façon élogieuse l'originalité des écrivains du début


du XVIIe siècle.
Il pourrait également provenir d'une appellation latine d'un syllogisme
: baroco, syllogisme qui est en fait un erroné.
En 1694 (en pleine période baroque donc), le mot, pour l’Académie
française « se dit seulement des perles qui sont d’une rondeur fort
imparfaite. Un collier de perles baroques ». Près d’un siècle plus tard, en
1762, alors que le baroque s’achève, outre sa première signification, et
toujours selon la même Académie, « il se dit aussi au figuré, pour irrégulier,
bizarre, inégal. ». Au XIXème siècle, pour la sixième édition de son
dictionnaire, l’Académie inverse l’ordre des définitions : les perles passent
au second rang et le sens figuré au premier. C’est en 1855 que, pour la
première fois, le mot est utilisé pour décrire la période et l’art succédant à
la Renaissance sous la plume de l’historien d’art suisse Jacob Burckhardt
dans Le Cicerone3. Ça n’est pas un hasard si c’est dans le monde allemand
que naît cette acception du mot, les Français et les Anglais disposent de
leurs rois pour décrire l’évolution des styles (voir style Louis XIV, etc.)
alors qu’à l’époque l’Allemagne est divisée en une myriade de micro-États,
le Kleinstaaterei.
Il faut attendre une génération et 1878 pour que le « style baroque »
fasse son entrée dans le Dictionnaire de L’Académie française et que la
définition perde un peu de son caractère dépréciatif. Il est vrai que
l’impératrice Eugénie a remis au goût du jour les mignardises et le style
Louis XV et qu’est né, ce que nous appelons le néobaroque5 : la
réhabilitation peut commencer et Wölfflin écrire son œuvre pour nous

27
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

éclairer sur ce qu’est ce baroque si complexe, tourmenté, irrégulier et, au


fond, plus fascinant que bizarre…
L’historien d’art d’origine suisse Heinrich Wölfflin (1864-1945) dans
son livre Renaissance et Baroque 6 définit le baroque comme un «
mouvement importé en masse », un art antithèse de l’art de la Renaissance.
Il ne fait pas de distinctions entre le maniérisme et le baroque, ce que font
les auteurs modernes, et il ignore sa phase plus récente, le rococo qui
s’épanouit dans la première moitié du XVIIIème siècle. En France et en
Angleterre, son étude n’est prise au sérieux qu’à partir de l’influence
prédominante que Wölfflin acquiert au sein de l’école germanique.
Littérature baroque

La littérature baroque appartient à un grand mouvement européen,


non seulement littéraire mais plus généralement artistique, le baroque.

La littérature baroque s'inscrit dans un véritable courant artistique


baroque tout entier, il y a la peinture baroque, la sculpture baroque, la
décoration baroque... Le baroque se caractérise par un luxe de détails, de
richesse... Le baroque laisse souvent libre cours à une sensibilité
fantasque et tourmentée, hantée par le pessimisme chrétien (par exemple
Jean de Sponde). Les couleurs baroques sont vives, les actions sont
violentes. Les plus fameux écrivains baroques sont William Sheakespeare
en Angleterre et Pierre Corneille en France. En Espagne, il est représenté
notamment par le gongorisme.

Le théâtre baroque a pour caractéristiques

28
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

1. Sa violence. Bien que la violence d'une œuvre soit une


appréciation personnelle, le baroque, comparé avec l'autre mouvement
littéraire de ce siècle, le classicisme, peut être considéré comme violent.
On y voit des meurtres, des suicides, des duels sur scène.

2. Son attrait pour l'illusion. Le monde baroque est constamment


remis en question. La vérité est continuellement cachée. Le personnage se
trompe sur les autres, mais aussi sur lui-même.

Mais le baroque, c'est aussi la poésie s'inspirant de Pétrarque, les


poètes baroques ne sont plus Pétrarquistes, comme les humanistes, mais
néo-pétrarquistes.

La poésie baroque se caractérise par :

1. Les thèmes pessimistes. Le monde néo-pétrarquiste est souvent


noir.

2. L'analyse de la passion. Les sentiments sont explorés, expliqués,


décrits, analysés.

3. L'intervention du mythe. Méduse, Prométhée, Médée reviennent


souvent dans les œuvres baroques.

En France, la littérature baroque peut se situer environ entre la mort


de Pierre de Ronsard en 1580 et le début du règne de Louis XIV (avec
l’avènement du classicisme).

On distingue d’un côté les écrivains protestants comme Théodore


Agrippa d'Aubigné et les écrivains catholiques comme Pierre Corneille,

29
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

ou encore ceux qui se reconvertirent tels Jean de Sponde ou Théophile de


Viau.
Mais si le style baroque fut réputé de son temps, on ne le redécouvrit que
vers la fin de la Seconde Guerre mondiale pour l’art, et dans les années
1930 pour la littérature, avec le livre Eugenio d'Ors, Du baroque, puis
dans son sillage les travaux de nombreux historiens de la littérature1 dans
les années 1950.

Émergeant en période de crise, le baroque s’oppose au classicisme.


On parle d’élan « dionysiaque » opposé au mouvement « apollinien ».

La période Baroque(1598 - 1630)

Le mouvement baroque apparaît à la fin du XVIe siècle et se


termine autour du milieu du XVIIe siècle.

C’est période historique située entre la Renaissance et le


classicisme, période placée sous le signe de l'irrégularité, du
spectaculaire, de la métamorphose, de l'éphémère, de l'illusion et de
l'identité vacillante. Le baroque est né en réaction contre l'austérité
protestante. Il est attaché à une conception d'un monde instable, d'un
monde en transformation incessante. Ce courant est avide de liberté et
ouvert à la complexité de la vie. c’est un style architectural qui s’est
développé du XVIème au XVIIème siècle , caractérisé par la liberté des
forme et la profusion ornements qui est à l’opposé du classicisme . Le
Baroque accompagne ainsi le développement d'une spiritualité nouvelle
en France qui se définit à partir du Concile de 30 (1545-1563) en réaction
au protestantisme qui prône un art plus sobre, plus sévère et se caractérise

30
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

par une exubérance au service de la foi catholique. ". Le mouvement


baroque cherche à surprendre. Il souligne la liberté de l'imagination, le
mouvement et la profusion ornementale caractérisent ce style. L'illusion
d'optique, rend incertaines les limites entre la peinture, la sculpture et
l'architecture. La réalité humaine, la grandiosité et le clair-obscur sont
devenus importants.

C'est un mouvement qui dominera l'Europe du XVIIème siècle. Peu


violent en France, il se développe sous l'influence avant tout de l'Italie et
représente la tendance principale des années 1598 - 1630. Le baroque est
né en réaction contre l'austérité protestante. Il est attaché à une conception
d'un monde instable, d'un monde en transformation incessante. Ce courant
est avide de liberté et ouvert à la complexité de la vie. En littérature il
comporte une multitude de tendances contradictoires mais peut se
concentrer autour de quelques principes communs: goût de la sensualité,
des extrêmes, de l'ornementation, du langage à effets. Les genres
privilégiés du baroque sont la poésie, le théâtre, le roman.

Durant la période de transition qui va de 1630 à 1661, le baroque,


bien que peu à peu supplanté déjà par le classicisme, continue à jouer son
rôle. Il est présent dans le courant précieux, le courant burlesque et le
courant libertin. Cependant ces trois courants ne se confondent pas avec
le baroque mais chacun développe, de façon privilégiée, un de ses
aspects.

Il cherche à renouveler la vision de la réalité en mettant en scène les


métamorphoses du monde et les illusions de l'âme humaine. Le terme

31
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

'baroque' veut dire "bizarre" ou "excentrique" . Le mouvement baroque


cherche à surprendre. Il souligne la liberté de l'imagination, le mouvement
et la profusion ornementale caractérisent ce style. L'illusion d'optique,
rend incertaines les limites entre la peinture, la sculpture et l'architecture.
La réalité humaine, la grandiosité et le clair-obscur sont devenus
importants.
Les caractéristiques du baroque:

L'une des grandes idées du baroque est que le monde est en train de
se construire. Rien n'est définitif. L'univers n'est pas donné une fois pour
toutes, mais est sans cesse en évolution. Le baroque refuse le figé. Il est
convaincu que tout se modifie, que tout se transforme, que tout se change.
Il est, par exemple, très sensible à la nature, parce que, pour lui, les
modifications qu'elle subit, la succession des saisons, sont des signes
palpables de ces transformations incessantes.

L'homme baroque refuse de s'enfermer à l'intérieur de lui-même. Il


est largement ouvert sur l'extérieur. Il aspire à s'emparer de toutes les
expériences qui s'offrent à lui, à les utiliser pour son épanouissement
comme remèdes à l'aliénation. C'est pourquoi les romans de l'époque sont
emplis d'événements et se déroulent dans des lieux multiples et divers.

Le baroque rejette l'absolu : il ne croit pas en des vérités définitives,


mais pense au contraire que tout relève des apparences. Ce qui compte
pour lui, n'est pas ce qui est, mais ce qui paraît être.

Le goût de l'ornement, voire de la surcharge, l'attirance pour le


mouvement et pour la ligne courbe, le culte du lyrisme et du pathétique, la

32
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

recherche du concret manifeste dans l'emploi des images autant de traits


qui donnent à l'expression baroque une grande sensualité.

Thèmes baroques:

Instabilité, fragilité, mobilité, thème de l’éphémère, doute constant


sur la réalité des choses et des êtres, importance accordée au mouvement,
au changement, à l’idée de songe, de rêve, d’apparence et d’illusion,
thèmes de la métamorphose, du déguisement, de l’inconstance, du
passage, de la fuite, vie fugitive, spectacles funèbres, les motifs de l’eau,
de la fumée, du miroir, domination du décor.
Formes du baroque:
Volubilité (Accumulation d’images, de détails), jeu sur les
rythmes, métamorphose, mise en abyme, le théâtre dans le
théâtre (ex : L’Illusion Comique)
Figures d’amplification : hyperbole, anaphore, gradation
Figures d’opposition : antithèse, oxymore, paradoxe
Figures d’analogie : métaphore, comparaison, allégorie,
personnification, périphrase
Prédominance du genre littéraire du théâtre car il reflète la
théâtralisation de la vie publique, et surtout mettre en évidence
le thème de l’illusion
Shakespeare : "Le Monde entier est un théâtre où les hommes
en sont les acteurs".

33
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

La poésie permet aux poètes d’exprimer, à travers leurs


sentiments devant l’amour, la nature, la fuite du temps, la
mort, leur conception d’un monde instable.

Une sélection d'écrits baroques en français:

Madeleine de Scudéry (1607-1701)


o Ibrahim, ou l'illustre Bassa (4 vols. 1641)
o Artamène, ou le Grand Cyrus (10 vols. 1648-1653)
o Clélie, histoire romaine (10 vols. 1654-1661)
o Almahide, ou l'esclave reine (8 vols. 1661-1663)
Roland Le Vayer de Boutigny
o Mithridate (1648-51)
Gautier de Costes de La Calprenède
o Cassandre (10 vols. 1642-1645)
o Cleopatre (1646-57)
o Faramond (1661)
II : le Classicisme:

Le classicisme, courant esthétique regroupant l'ensemble des


ouvrages qui prennent comme référence esthétique les chefs-d'œuvre de
l'Antiquité gréco-latine.

Le terme a une définition esthétique mais aussi historique, puisqu'en


France l'« époque classique » est la période de création littéraire et
artistique correspondant à ce que Voltaire appelait « le siècle de Louis
XIV »; il s'agit essentiellement des années 1660-1680, mais en réalité la

34
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

période classique s'étend jusqu'au siècle suivant. Le classicisme en France


est un cas singulier: cette période a été appelée classique parce qu'elle se
donnait comme idéal l'imitation des Anciens, mais aussi parce qu'elle est
devenue une période de référence de la culture nationale.

C'est aussi Versailles qui forge, vers 1660, l'idéal de « l'honnête


homme » qui se caractérise par une élégance à la fois extérieure et
intérieure, signe distinctif d'une société qui a érigé la discipline et
l'urbanité en principes de vie.

Au-delà de ces définitions historique et esthétique, le sens du terme


« classique » a été étendu jusqu'à désigner tout écrivain dont l'œuvre
semble propre à être étudiée dans les écoles pour y servir de modèle.

De la même manière que le baroque, la littérature classique s'inscrit


dans l'ensemble d'un mouvement artistique. Le but premier de ce
mouvement est de concevoir une harmonie dans les approches
esthétiques. À cette époque, les écrivains doivent donc se plier à des
règles bien précises. Le classicisme désigne aussi l'art et la littérature de
la France à partir des années 1660, alors que Louis XIV est le monarque
absolu du royaume. S'adressant d'abord à l'intelligence, figurant l'ordre, la
raison et l'équilibre, le classicisme illustre parfaitement l'autorité du roi
qui en fait la base d'un art officiel. En fait, sont classiques les œuvres
jugées dignes d'être enseignées en classe. Le respect des règles héritées
des Grecs et des Romains, l'économie des moyens, le caractère mesuré
opposent les œuvres classiques aux œuvres baroques basées sur
l'abondance et l'émotion.

35
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Auteurs et œuvres

Une formule mnémotechnique permet de se remémorer les auteurs


les plus célèbres : « La corneille (Corneille) boit l'eau (Boileau) de la
fontaine (La Fontaine) sur les racines (Racine) de la bruyère (La Bruyère)
molle hier (Molière) ».

Le classicisme, une des époques culturelles les plus brillantes de


l'histoire de la France, est une expression idéologique et esthétique de la
monarchie absolue. Il se développe pendant toute la première partie du
siècle et atteint son apogée vers les années soixante. Le classicisme est en
liaison étroite avec les courants philosophiques de l'époque, en premier
lieu celui du rationalisme de Descartes dont il subit l'influence.

Naissance d’un mouvement

Le classicisme est plus qu’une simple mode artistique éphémère,


c’est avant tout une philosophie, une façon de voir les choses qui est née
avec la Renaissance et les pensées des humanistes européens.

En effet, si pour nous, le terme « classiques » évoque avant tout les


auteurs français du siècle de Louis XIV, il englobait à cette époque les
grands auteurs de l’Antiquité grecque et latine : Homère, Ovide, Cicéron,
Socrate, Phèdre, Plaute, Horace, Aristophane ou encore Aristote. Ces
auteurs avaient été redécouverts à la Renaissance et même traduits en
français.

36
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Ces « anciens » devinrent très populaires et, dès le XVIème siècle,


firent l’objet d’un véritable culte par les auteurs français. Le mot lui-
même est plus tardif, on l’attribue à Stendhal vers 1825. Le seul terme
d’époque était « atticisme », qui renvoie bien à l’antiquité gréco-latine. Il
fallait d’abord imiter, puis égaler, enfin dépasser ce modèle. A ce but
fondamental des écrivains classiques s’ajoute la volonté de définir la
littérature, de s’imposer des règles et des contraintes et de tout codifier.

Les caractéristiques du classicisme:

Les écrivains classiques cherchent aussi à s’imposer des règles, des


contraintes, au nom de la vraisemblance, et à peindre la vie telle qu’elle
apparaît à leurs yeux et à leur philosophie. Voici les caractéristiques du
classicisme :

- Le classicisme du XVIIème siècle est loin de se limiter à une


imitation des Anciens. Doctes et littéraires inventent en fait une esthétique
fondée sur des principes d'ordre assez contraignants qui amèneront la
critique moderne à assimiler classicisme et respect des règles.

- L'écriture classique se veut fondée sur la raison. On y a parfois vu


l'influence du rationalisme de Descartes, mais il s'agit plutôt d'un intérêt
pour la lucidité et l'analyse.

- Les héros et héroïnes classiques ne sont en général pas rationnels,


mais leurs passions, souvent violentes, sont analysées par l'écriture qui les
rend intelligibles.

37
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

- Le classicisme est donc davantage influencé par une volonté de


soumettre le déraisonnable à l'ordre de la raison que par un véritable
rationalisme qui inspirera plus tard les philosophes des Lumières.

- En créant une forme d'ordre, les écrivains classiques recherchent


au plus haut point le naturel. Donner l'impression d'une parfaite
adéquation entre la forme et le fond et d'une écriture qui coule de source
est en effet l'idéal du style classique.

- Pour donner l'impression de naturel, il importe avant tout de ne pas


choquer le lecteur. C'est pourquoi les règles de vraisemblance et de
bienséance jouent un rôle majeur au XVIIème siècle.

La vraisemblance correspond à ce qui peut paraître vrai. L'objectif


n'est pas de représenter la vérité, mais de respecter les cadres de ce que le
public de l'époque considère comme possible. Boileau a pu dire dans
son Art poétique que « le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable ».
Est vraisemblable ce qui correspond aux opinions du public en termes de
morale, de rapports sociaux, de niveau de langue utilisé, etc.

L'importance de la vraisemblance est liée à l'importance de la


morale dans la littérature classique. Les œuvres classiques se donnent en
effet pour objectif de « réformer » le public en l'amenant à réfléchir sur
ses propres passions. D'après Chapelain le public ne peut être touché que
par ce qu'il peut croire et la littérature ne peut aider les hommes à
s'améliorer que si elle les touche. Car l'idéal artistique du classicisme
s'accompagne d'un idéal moral incarné dans la figure théorique de
l'honnête homme. Cette expression résume toutes les qualités que l'on

38
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

peut attendre d'un homme de Cour : politesse, culture, humilité, raison,


tempérance, respect des règles, capacité à s'adapter à son entourage.

- La définition de tous les genres littéraires : c’est à l’époque


classique que l’on sépare la littérature en genres (la farce, la comédie, le
drame, la tragédie, la nouvelle et le roman). Et l’on différencie les
registres de langue, au nom de la sacro-sainte règle de la bienséance (voir
plus bas).

- L’établissement de règles et de contraintes, et ce dans tous les


genres littéraires. Citons pour le théâtre la règle des trois unités (unité de
lieu, de temps et d’action) édictée par Boileau dans son Art poétique :
« Qu’en un lieu, en un jour, un seul fait accompli / Tienne jusqu’à la fin le
théâtre rempli .» La règle de la bienséance est également établie, au nom
de la vraisemblance : il est vrai qu’on imagine mal les familles nobles
d’Athènes ou de Rome des tragédies de Racine « jurer comme des
charretiers ». La poésie est également codifiée : l’alexandrin devient le
« vers par excellence », place qu’il occupera jusqu’au XIXème siècle.

Le classicisme a pour principaux thèmes :

 L'utilisation de la mythologie grecque.

 L'utilisation de la bible.

 La glorification du roi Louis XIV lors de certaines scènes.

 Présentation de la nature comme une force immuable, et au


contraire les hommes dont le destin est éphémère.

39
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

L'idéal classique:

Au XXe siècle, André Gide rappelle combien les règles imposées


aux écrivains classiques constituent le « cadre » propice à la maturation
d'œuvres harmonieuses, dans lesquelles forme et contenu se fondent en
une parfaite unité.

Les grands auteurs de l'époque, tels Corneille, Racine, Molière, La


Fontaine, s'inspirent des Grecs, Euripide, Aristophane, Théophraste,
Ésope et des Latins, Plaute, Térence, Virgile, Horace et Sénèque. La
Bruyère s'inquiète, à la première page des Caractères, que tout soit dit: «
En ce qui concerne les mœurs, le plus beau et le meilleur est enlevé; l'on
ne fait que glaner après les Anciens et les habiles d'entre les modernes ».
Cependant cette imitation considérée comme une loi fondamentale de
l'esthétique classique ne doit pas être confondue avec le plagiat. Les «
disciples » conservent dans leurs œuvres cette part caractéristique de leur
époque qui leur permet de faire autre chose que du « Plaute ». de l'«
Ésope » ou de l'« Euripide », tout en gardant à ces derniers leur
admiration. Dans ce sens, La Fontaine affirme dans son« Épître à Huet » :

« Mon imitation n'est point un esclavage [...]


Je ne prends que le sens et le tour et l'idée
Tâchant de rendre mien cet air d'antiquité ».

Le culte des Anciens se double du souci d'instruire et de plaire. Pour


accéder à cet idéal, il faut remplir certaines conditions que les théoriciens
définissent. L'art s'apprend et se maîtrise et une œuvre accomplie est

40
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

l'aboutissement d'un long travail. C'est à ce prix que les Classiques créent
la beauté. La Fontaine reconnaît dans la « Préface » de Psyché: « Mon
principal but est toujours de plaire ». Cet objectif est atteint quand
l'écrivain se plie aux règles des différents genres littéraires, qu'il apprend
à en dominer les contraintes et, à travers elles, à conquérir l'art de
communiquer clairement ses idées. L'Art poétique de Boileau (1674)
inspiré de la Poétique d'Aristote rend compte de cette perfection qui
permet d'allier la vérité d'une pensée et la justesse de son expression. Cet
accord du fond et de la forme ne se distingue pas de la beauté.

À ce précepte s'ajoute l'attachement au naturel, vertu classique par


excellence, qui régit l'expression littéraire aussi bien que les
comportements humains. La prédominance du naturel ne peut être séparée
d'un idéal de clarté qui exige, à la fois, une pensée suffisamment limpide
pour être totalement communicable, et un langage suffisamment précis
pour communiquer cette pensée. À ce propos, Boileau écrit: « Ce que l'on
conçoit bien s'énonce clairement ».

Cet idéal littéraire coïncide avec un idéal humain de mesure et


d'équilibre. Une fable de La Fontaine, intitulée « Rien de trop », illustre
bien ce précepte dont Montaigne au XVIe siècle, avait fait sa règle de vie.
Molière fait dire à Philinte dans Le Misanthrope: « La parfaite raison fuit
toute extrémité ». Ainsi, les Classiques condamnent toute forme d'excès.

Donc, à la stricte étiquette de la Cour et à une hiérarchie sociale


nettement définie, correspond l'ordonnancement des idées et de
l'expression, harmonieusement fondues. L'harmonie est le maître-mot qui

41
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

sous-tend l'idéal classique: harmonie entre l'éclat du règne et celui des


arts, harmonie d'une langue limpide au service d'une pensée lumineuse.

Esthétique classique:

Elle s'est élaborée au cours des années 1630-1660. L'esthétique


classique est fondée sur trois principes essentiels: rationalisme, imitation
de la nature, imitation de l'Antiquité. Plus tard, en 1674, dans son «Art
poétique» Nicolas Boileau fait une synthèse de tout ce qui constitue le
style classique.

Le classicisme établit la suprématie de la raison qui s'exerce par des


règles. Peindre le beau et le vrai est la grande préoccupation des écrivains.
Mais comme les créateurs s'adressent à un public précis, la Cour, l'idéal
est d'inspirer le respect du régime royal, le beau est ce qui est conforme à
la morale chrétienne. Pour eux peindre le vrai, c'est peindre la nature
humaine, peindre l'homme. La peinture des passions humaines, leur
analyse confère un caractère psychologique à la littérature classique. Le
classicisme répugne à introduire le laid, le bizarre, le fantastique et réduit
par là son domaine d'observation. Le beau seul devait être imitable.

La vraisemblance et la bienséance sont à la base de l'imitation de la


nature. La vraisemblance n'est ni le réel, ni le possible. C'est ce qu'un
public donné, une élite, juge être vraisemblable par sa raison. Une telle
notion est extrêmement incertaine et nous nous expliquons pourquoi les
écrivains classiques traitent d'une façon différente et libre les sujets
empruntés à l'histoire ou à la mythologie. La bienséance inclut des
préceptes moraux (bannir ce qui choque la pudeur, ou même la

42
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

sensibilité), des préceptes techniques (tenir compte du temps, des mœurs,


du rang des personnages), des préceptes esthétiques (ne pas mêler le
sérieux et le plaisant).

Pour leur imitation les écrivains ont besoin de modèles et de


maîtres. Pour eux ce sont les Anciens. Et là, tous les grands classiques
sont solidaires, tous affirment la nécessité de s'inspirer de leur exemple,
de suivre leurs préceptes et même de puiser des sujets et des images dans
leurs œuvres, dans l'histoire antique. Mais comme tout chez les Anciens
n'était pas imitable, les écrivains adaptent les sujets empruntés au goût de
l'époque, aux exigences théoriques du classicisme.

Les principaux auteurs classiques sont Corneille, Molière, Racine,


Boileau, La Fontaine, La Rochefoucauld et La Bruyère.

- Le roman La Princesse de Clèves de Mme de La Fayette Lettres de


la religieuse portugaise de Guilleragues.

-Le théâtre Horace, Cinna, Polyeucte de Pierre Corneille.


Andromaque , Britannicus , Phèdre de jean Racine
- Dom Juan , Tartuffe , Le Malade imaginaire de Molière.

-La poésie : Fables de La Fontaine.

- Les genres brefs Maximes et sentences morales de François de La


Rochefoucauld, Les Caractères de Jean de La Bruyère (posthume):
Lettres de Mme de Sévigné.

-La philosophie Discours de la méthode de René Descartes Pensées


de Blaise Pascal

43
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

III : La préciosité :

Littérature de salon, c'est un mouvement féminin qui se développe


dans la première moitié du XVIIème en réaction aux mœurs grossières de
la cour d'Henri IV. Réunions mondaines où on cultive « le bel esprit » en
critiquant les œuvres et en inventant des jeux littéraires, des débats sur la
psychologie amoureuse.

La préciosité est un mouvement qui se développe dans les salons et


qui se distingue des autres mouvements par sa pureté du langage, son
raffinement des sentiments et sa dignité des mœurs. Représente un art
d'aimer et de vivre, elle prend sa source dans l'amour courtois -terme que
l'on trouve déjà au moyen-âge. L'Astrée devient l'ouvrage de référence
des précieux.

Le style précieux: des exagérations, des métaphores et des périphrases,


des genres brefs (le portrait, la maxime, le blason (éloge d'une partie du
corps) ; des romans fleuves.

Auteurs principaux : Madame de Sévigné, Madame de la Fayette, Mlle


de Scudéry. Auteurs participants à ces salons : Paul Scarron et François
de la Rochefoucauld.

Les caractéristiques de La préciosité:

 Échanges de points de vues entre hommes et femmes.

 Jeux sur sonorités et rythmes.

 Vocabulaire de la divinité.

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

 Beaucoup de références à la mythologie grecque


---> tout ce qui est du domaine de la nature et de la divinité:
insaisissable.

 Utilisation de métaphores, comparaisons, hyperboles,


superlatifs.

 Langage soutenu/raffiné: style précieux porté à l'excès.

 Passion baroque: exagérée, extravagante, surdimensionnée.

 Absence de connotations sexuelles " on ne touche pas, on


idolâtre" .

 Utilisation de termes pour en qualifier d'autres tels:


"Inclination" pour "Amour" "Tendre" pour "Sentiment
amoureux".

 Une supériorité de la femme lorsqu'elle est décrite par


l'homme: un total respect de la femme.

Comparaison Baroque / Préciosité:

Abus de langage : termes excessifs utilisés pour qualifier


sentiments et comportement des hommes et des femmes.
Mouvement baroque va exalter la passion
Leurs similitudes: utilisation en littérature d'antithèses, de décalages,
d'hyperboles, de métaphores, d'univers de l'excès, exubérance.

Le langage précieux: peu naturel, tourné vers l'exagération.

L'esprit précieux:

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

C'est être courtois, élégant, raffiné, avoir de bons goûts. Les


précieux démentent les rumeurs qui les qualifient de pédieux et de
savants.

Les précieux qui n'arrivaient pas à se faire remarquer par


l'originalité de la pensée, se raccrochaient à la forme, à l'art d'exprimer les
idées surprenantes par un langage subtil afin de plaire aux dames par leurs
poèmes galants.

L' hôtel de Rambouillet :

Tire son nom de Catherine de Vivonne, marquise de Rambouillet.


Salon littéraire de 1607 à 1665. Faisait rentrer dans sa chambre, lieu de
discussion, les beaux esprits de l'époque placés dans la "ruelle" ( c'est à
dire placés entre le mure et le lit où les invités s'assignaient face a la
dame) où des bals et des plaisirs se sont succédés. Sont venus: Richelieu,
Malherbe,…etc.

IV: Le Libertinage :

Ce courant idéologique part de la philosophie matérialiste


de Gassendi. Les libertins (libres penseurs) se détachent de
la religion officielle, le christianisme, raillent les pratiques religieuses,
manifestent leur indépendance de pensée et tendent à donner à l’existence
humaine un sens uniquement terrestre. Ce courant assure ainsi la
transition entre l’humanisme de la Renaissance et la philosophie du siècle
suivant, celui des Lumières. Cyrano de Bergerac, disciple de Pierre
Gassendi, est le représentant le plus éminent de la pensée libertine.

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Le personnage éponyme de la pièce de Molière, Dom Juan, est


emblématique de cette attitude.

Vers 1615 se constitue un groupe de poètes


libertins : Boisrobert (1589-1662), Tristan L'Hermite (1601-1655), Saint-
Amant (1594-1661), et Théophile de Viau (1590-1626). On peut citer
également Nicolas Vauquelin (1567-1649), Jacques Vallée Des
Barreaux (1599-1673).
Les principaux "libertins baroques" sont Pierre Charron (1541-
1603), Pierre Gassendi (1592-1655), La Mothe le Vayer (1588-
1672), Gabriel Naudé (1600-1653) et Saint-Evremond (1614-1703).

La pensée libertine :

Le mot libertinage ne désigne pas, comme aujourd'hui, la pratique


de mœurs dissolues. Il s'applique à un mouvement de contestation qui
refuse l'idéologie dominante.

Les libertins partent d'une conception philosophique, le


matérialisme, qui explique tout à partir de la matière. Ils contestent Dieu.
Ils remettent ainsi en cause la validité d'une société et d'une monarchie
dont le pilier principal est la religion.

La morale des libertins s'inscrit dans cette perspective : Dieu


n'existant pas, l'homme doit réaliser son épanouissement sur cette terre,
rechercher les plaisirs offerts par la nature, mais avec une certaine
modération dictée par la raison.

1. cherche à renouveler la vision de la réalité.

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

2. métamorphoses du monde et illusions de l'âme humaine

Questions:
1 - Parlez de la naissance du concept de baroque ?
2 - Parlez de la littérature baroque?
3 - Quels sont les auteurs principaux de baroque?
4 - Parlez des caractéristiques de baroque?
5 - Quels sont les thèmes et formes de baroque?
6 - Parles de la préciosité et le style précieux?
7- Quels sont les caractéristiques principales de La préciosité ?
8 - Parlez du libertinage et la pensée libertine ?
9 - Parlez du classicisme et ses caractéristiques?
10 - Quels sont les thèmes principaux du classicisme?
11 - Parlez de l'esthétique classique?
12 - Quels sont les principaux auteurs du classicisme?

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Les genres littéraires au XVIIème siècle

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Les genres littéraires au XVIIème siècle

(1) Le roman au XVIIème siècle :

Au XVIIème siècle, le roman apparaît dans la littérature comme un


espace de liberté. Néanmoins, les romans ne sont pas épargnés par les
métamorphoses du XVIIème siècle. La « folie du romanesque », présente
au début du XVIIème siècle, est marquée par le merveilleux, le
spectaculaire et l’excessif. Madeleine de Scudéry (1607-1701) exploite la
veine du roman héroïque avec ses écrits épiques : Artamène ou le grand
Cyrus (1649-1653), Célie (1656).

Quant aux « histoires comiques », elles ont été inspirées par le goût
des bourgeois. Charles Sorel répond donc à ce courant romanesque avec
La Vraie Histoire comique de Francien (1622).

Viendront ensuite les romans de Scarron et de Furetière. Mais c’est


bien l’œuvre de Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves (1678),
qui demeurera le « joyau du Grand Siècle ».

(2) Le théâtre classique au XVIIème siècle :

Le XVIIème siècle fut l’âge d’or du théâtre.

Les règles du théâtre classique du XVIIème siècle

Contexte historique : le Cardinal de Richelieu est le principal


ministre de Louis XIII dès 1624 et le reste jusqu'à sa mort (en 1642). Le
Cardinal Mazarin lui succède alors, pendant la jeunesse de Louis XIV. En
1661, âgé de 23 ans, Louis XIV règne enfin (jusqu'à sa mort, en 1715).

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

La création des règles : A partir de 1630 environ, le pouvoir


(exercé par Richelieu puis Mazarin et Louis XIV) cherche à éviter toute
instabilité politique et souhaite s'affirmer, même au niveau culturel. Des
Académies sont alors créées dans chaque art (par exemple, l'Académie
française en 1635). Ces Académies ont pour but de réglementer les
compositions des œuvres artistiques. Les auteurs des pièces de théâtre
doivent obéir à des règles.

Les règles du théâtre classique (et en particulier de la tragédie) :

1) La règle des trois unités : temps, lieu, action

Toute pièce de théâtre doit présenter une histoire qui se déroule en


une seule journée (24 h.) : c'est la règle de l'unité de temps. Elle doit aussi
se dérouler en un seul lieu, dans un décor unique : c'est la règle de l'unité
de lieu. Elle doit également ne traiter qu'une seule intrigue (pour capter
l'attention du spectateur) : c'est la règle de l'unité d'action.

"Qu'en un lieu, qu'en un jour, un seul fait accompli


Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli." (L'Art poétique - Boileau, 1674)

2) La règle de la vraisemblance

L'intrigue et la situation d'énonciation doivent être possibles. Aucun


rebondissement extraordinaire ni réaction fantaisiste ne sont autorisés. Au
XVIIème, les deux valeurs fondamentales sont « l'ordre » et « la raison » (=
le bon sens).

3) La règle de la bienséance

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Le dramaturge ne peut pas montrer de scènes choquantes aux


spectateurs (qui sont souvent issus de la haute noblesse et vivent à la cour
du roi). Ainsi les événements violents (batailles, meurtres, suicides...)
peuvent exister dans la pièce mais ne seront pas joués sur scène. Ils seront
par exemple racontés par un personnage qui y a assisté.

Les dramaturges du XVIIème siècle

Molière a écrit de nombreuses comédies. Quant aux tragédies, elles


sont surtout l'œuvre de Pierre Corneille (qui a aussi créé des comédies) et
de Jean Racine.

Les auteurs de tragédies cherchent à montrer les dégâts que peuvent


provoquer les passions et à célébrer l'ordre et la raison. D'autre part, leurs
pièces permettent aux spectateurs d'expulser leurs passions en les vivant
par procuration (on appelle ceci la « catharsis »).

Les auteurs de comédies cherchent à instruire en amusant. Il s'agit


donc pour les spectateurs de rire de personnages ridicules mais aussi de
mieux comprendre la nature humaine et devenir ainsi eux-mêmes
meilleurs. Le but de la comédie est de «corriger les vices en les
ridiculisant ».

(3) La poésie au XVIIème siècle:


Qu'est-ce que la poésie ?

La poésie est un genre littéraire très ancien aux formes variées, écrites
généralement en vers, mais qui admettent aussi la prose, et qui privilégient
l'expressivité de la forme, les mots disant plus qu'eux-mêmes par leur choix

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

(sens et sonorités) et leur agencement (rythmes, métrique, figures de style).


Sa définition se révèle difficile et varie selon les époques, au point que
chaque siècle a pu lui trouver une fonction et une expression différente, à
quoi s'ajoute l'approche propre à la personnalité de chaque poète.

Le terme « poésie » et ses dérivés viennent du grec ancien , et s'écrivait,


jusqu'en 1878 poësie (le tréma marquait une disjonction entre les
voyelles o et e). ποιεῖν (poiein) signifie « faire, créer » : le poète est donc
un créateur, un inventeur de formes expressives, ce que révèlent aussi les
termes du Moyen Âge, comme trouvère et troubadour. Le poète, héritier
d'une longue tradition orale, privilégie la musicalité et le rythme, d'où, dans
la plupart des textes poétiques, le recours à une forme versifiée qui confère
de la densité à la langue. Le poète recherche aussi l'expressivité par le poids
accordé aux mots comme par l'utilisation des figures de style et au premier
chef des images et des figures d'analogie, recherchées pour leur force
suggestive.

La poésie s'est constamment renouvelée au cours des siècles avec


des orientations différentes selon les époques, les civilisations et les
individus. On peut par exemple distinguer le poète artiste soucieux d'abord
de beauté formelle, le poète « lyrique » qui cultive le « chant de l'âme », le
poète prophète, découvreur du monde et « voyant » ou le poète engagé,
sans cependant réduire un créateur à une étiquette simplificatrice.

Si l’on ouvre une anthologie poétique, les poèmes consacrés aux sentiments
occupent une place prédominante : joies et peines de l’amour, tristesse de la
séparation ou de la mort, mélancolie devant la fuite du temps…

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

L’expression des sentiments personnels serait-elle le seul but de la poésie ?


Après cette constatation purement statistique, on peut se demander si la
vocation de la poésie est seulement d’exprimer le moi intime ou si elle a
d’autres fonctions.

La poésie comme expression des sentiments


1. L’expression de sentiments exaltants, positifs

La poésie exhale le je et célèbre le tu. De nombreux poèmes sont écrits à la


1re personne (exemples du corpus), dans un registre lyrique, pour exprimer
les sentiments personnels du je. D’autres poèmes sont une célébration d’un
être cher, à l’aide d’images (« ma femme aux doigts de hasard et d’as de
cœur », « L’union libre »de Breton), souvent sous forme d’un dialogue
sentimental avec tutoiement (« Je t’attendais » de Cadou) et avec le nom de
la femme aimée (« Nush », « Lou » chez Apollinaire ; « Elsa » ; chez
Aragon).
Sentiment dont la langue quotidienne n’arrive pas à rendre l’intensité,
l’amour prédispose à l’expression poétique. L’amour de l’autre est un
thème récurrent de la poésie : Ronsard célèbre Cassandre ou Hélène ; les
romantiques et à leur suite bien des poètes des XIXème et XXème siècles
célèbrent l’amour. L’expression amoureuse prend des formes variées à
travers les époques : amour courtois au Moyen Âge, amour précieux
au XVIIème siècle, passion inquiète des romantiques ou d’Apollinaire,
amour heureux des surréalistes…

L’amour au sens large a aussi toute sa place dans la poésie. L’expression de


l’amour en poésie prend des objets très divers : la terre natale chez Du

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Bellay, la liberté chez Hugo ou les poètes de la Résistance, ou tout


simplement la vie quotidienne, le monde, les choses chez Ponge.
Le poète Becquer traduit par une image saisissante cette fonction de la
poésie : « Tant qu’il y aura des yeux reflétant les yeux qui les regardent ;
tant qu’une lèvre répondra en soupirant à la lèvre qui soupire ; tant que
deux âmes pourront se confondre dans un baiser ; tant qu’il existera une
femme belle, il y aura de la poésie ! » (Becquer, La poésie est éternelle).
2. La poésie sublime les sentiments douloureux

Séparation et mort qui engendrent tristesse et désespoir sont des thèmes


fréquents de la poésie [exemples personnels]. La poésie permet de se
libérer dans les mots et les sons, de rendre et de faire partager, par les
rythmes et la musique, la douleur indicible, de faire exister le bonheur ou
revivre l’absent.
3. Pourquoi la poésie est-elle apte à exprimer les sentiments ?

Le poète, être particulièrement sensible, ressent les choses de façon plus


intense et dispose des mots pour le dire. Il choisit une « forme » (la poésie)
irrationnelle (comme les sentiments), laquelle apporte souvent des remèdes
aux maux de cet être de contradictions tiraillé entre l’Idéal et le Spleen.
Baudelaire essaie ainsi de définir, dans ses Fleurs du mal, ce « spleen »,
douleur morale engendrée par l’écartèlement de l’être humain entre le bien
et le mal.

Le langage poétique dispose de multiples ressources. Hyperboles,


vocabulaire affectif, dislocation des phrases qui bouleverse la syntaxe
logique, jeu sur les rythmes sont propres à communiquer au lecteur

55
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

l’émotion ressentie. Images et figures de style rendent les sentiments plus


concrets. Les ressources musicales de la poésie et le jeu sur les rythmes se
calquent sur les rythmes du cœur (tantôt calme, tantôt agité), de la passion.

La poésie traduit l’indicible, mais elle peut dépasser l’expression des


sentiments personnels. Elle a en effet d’autres fonctions.

II. Autres fonctions de la poésie


1. Un travail sur le langage pour dévoiler le monde

La poésie a pour fonction de « déraciner les mots » afin de « rompre avec


l’accoutumance » (Saint-John Perse) et de « dévoiler » le monde (Cocteau).
Le poète est l’artisan des mots, la poésie est jeu verbal, invention, recherche
sur le langage. « Mes outils d’artisan/sont vieux comme le monde […]
verbes adverbes participes […] Je les pose sur la table/Ils parlent tout seuls
je m’en vais » (Tardieu, « Poème pour la main droite »). Le poète joue avec
la langue, modifie l’ordre habituel des mots, en invente : un « petit poème »
passe et Queneau, par des néologismes équivoques, l’« enpapouète », l’«
enrime », l’« enrythme », l’« enlyre », l’« enpégase »… (« L’instant fatal
», Pour un art poétique).

La poésie est alors un moyen de connaissance - non scientifique, non


rationnelle - et permet d’explorer le monde, de décrypter le quotidien en
redonnant leur pouvoir aux sensations (« Parfum exotique » de Baudelaire ;
« Fenêtres ouvertes » de Hugo) et en rompant avec l’habitude : « [La
poésie] dévoile dans toute la force du terme. Elle montre nues, sous une
lumière qui secoue la torpeur, les choses surprenantes qui nous environnent
et que nos sens enregistraient machinalement » (Cocteau). « Le Pain », «

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

L’Huître » de Ponge donnent à ces réalités quotidiennes que nous ne


remarquions même plus un visage nouveau.

Le poète est un « voyant » (Rimbaud) qui a pour mission de « percer » le


mystère des choses et du monde, par la création de liens inattendus. Francis
Ponge, dans Le Parti pris des choses, tisse des liens étranges entre les
petites choses du quotidien (« L’Huître », « Le Pain »…) et les vastes
univers de l’espace et de la nature. Baudelaire, par ses « correspondances »,
rend compte du monde dans sa globalité, impossible à peindre par la
logique : « Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants / Doux
comme les hautbois, verts comme les prairies… » (« Correspondances
», Les Fleurs du mal).
2. La poésie engagée, « une arme chargée de futur » (Celaya)

Le poète peut dépasser ses sentiments personnels et exprimer


des sentiments universels. « Quand je parle de moi, je parle de vous ! »,
confie Hugo dans la préface des Contemplations [exemples personnels].
Il peut alors donner la parole à ceux qui ne l’ont pas ou qui ne savent pas
l’utiliser. Hugo, dans « Melancholia », parlent pour les enfants travaillent, «
Ces filles de huit ans qu’on voit cheminer seules [qui] s’en vont travailler
quinze heures sous des meules ; dans « L’Année terrible », il fait parler les
humbles illettrés… Les poètes résistants donnent la parole à ceux qui sont
privés de liberté (Éluard, « Liberté ») ou aux victimes torturées dans les
camps…
La force de la poésie en fait une arme à mettre au service des grandes
causes de l’engagement politique (d’Aubigné, La Fontaine, les poètes
résistants) ou social (Rimbaud, « Les Assis »). « Et c’est assez pour le poète

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

d’être la mauvaise conscience de son temps » (Saint-John Perse).


La poésie joue alors de registres variés : satire, ironie, lyrisme, burlesque
(Hugo, dans Les Châtiments, contre Napoléon III qui a assassiné la liberté
et la République ; Vian avec « Le Déserteur »).
3. L’art pour l’art

La poésie peut avoir un but esthétique, la création d’un bel objet – principe
de l’art pour l’art -, au même titre que la peinture (la poésie peint des
tableaux : ut pictura poesis, Horace), la sculpture ou la musique (jeu de
rythmes et de sons).
4. Les atouts de la poésie pou remplir toutes ces fonctions

La poésie est un genre court, rapide et condensé, incisif auquel


sa brièveté confère plus de force et d’efficacité [exemples personnels].
Un poème, grâce à ses rythmes, ses répétitions et sa concision se retient
facilement et marque par là les esprits [exemples personnels].
La langue poétique redonne du poids et de l’intensité aux mots et surprend.

La poésie par ses images saisissantes (métaphores, allégories…) frappe les


imaginations.

Conclusion

Il est difficile de cerner la ou les missions de la poésie. En fait, toutes les


missions de la poésie ne supposent-elles pas, à des degrés divers, avec des
moyens multiples, l’« expression des sentiments » du poète ? Le poète,
comme tout artiste qui crée un bel objet, s’exprime à travers lui. La poésie
serait même l’art le plus complet, comme l’affirme Théodore de Banville :
« La poésie est à la fois Musique, Statuaire, Peinture, Éloquence ; elle doit

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

charmer l’oreille, enchanter l’esprit, représenter les sons, imiter les


couleurs, rendre les objets visibles, et exciter en nous les mouvements qu’il
lui plaît d’y produire ; aussi est-elle le seul art complet, nécessaire, et qui
contienne tous les autres » (Petit Traité de poésie française).

La poésie du XVIIème siècle

1) La poésie baroque

Elle affirme quelques principes communs : goût de la sensualité, des


extrêmes, de l’ornementation, du langage à effets. Les poètes notables de
l'âge baroque sont Théophile de Viau, Pierre de Marbeuf, Tristan
L’Hermite et Saint-Amant.

2) La poésie classique

Après les œuvres poétiques remarquables du XVIème siècle, le XVII


apparaît comme peu inventif. Cependant, l’âge baroque voit, au début du
siècle, une « révolution » : la noire inspiration des « vers funèbres » et la
somptuosité d’images surprenantes avec Saint-Amant, Tristan L’Hermite,
etc. Malherbe est le principal artisan de cette évolution décisive. Ses
œuvres jouent en outre un rôle essentiel dans la formation de la doctrine
classique. Il réforme également la langue française afin d’en finir avec les
archaïsmes et les mauvais usages. Il codifie au début du siècle les règles
de la versification et est salué par Boileau qui brille dans la poésie d’idées
avec son Art poétique ou ses Satires.

La doctrine de Malherbe dans la poésie:

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Malherbe se fait le défenseur et le promoteur de la poésie classique,


rejetant les extravagances et les métaphores trop sophistiquées au profit
d’une poésie claire et équilibrée.

Cette poésie parle plus à l’intelligence, à la raison qu’au cœur et aux


sens. Certes, les poèmes de Malherbe sont froids et impersonnels et n’ont
plus autant de résonance de nos jours.

Pour Ronsard, « la poésie devrait être faite pour une élite, par une
élite », effectivement pour Malherbe, la poésie était un art supérieur aux
autres arts. Malherbe avec son français d’usage parisien empreint d’une
partie du parler de la Cour, était opposé à cet aspect.

Malherbe pensait que la poésie n’était pas différente de la prose, elle


avait juste quelques règles supplémentaires : la mélodie et le rythme. La
poésie n’était pas pour une élite, elle employait l’usage courant, et les
règles du beau langage devaient être compréhensibles et accessibles à
toutes les couches de la population.

D’autre part, La Fontaine, avec les Fables, réalise un parfait équilibre


entre les exigences classiques et une éblouissante fantaisie.

La fable: définition, caractéristiques et exemples

I - Origine et définition

La fable, ou apologue, est un genre narratif court, en vers ou en


prose, transmettant une réflexion morale par le moyen d'une histoire
fictive qui l'illustre. L'invention de la fable est attribuée à Ésope, un
esclave grec du VIème siècle av. J.-C. Le Moyen Âge poursuit la tradition

60
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

avec les fabliaux et les isopets (petit Ésope). Le plus célèbre des fabulistes
français est La Fontaine (XVIIème siècle).

Par son étymologie, fabula en latin, le mot « fable » possède des


sens diversifiés : récit oral et plaisant, propos relevant de la conversation,
apologue terminé par une moralité. Ainsi se révèlent certaines
caractéristiques d’un genre qui remonte à l'Antiquité et dont les fonctions
englobent le divertissement, l’enseignement, la réflexion et la critique.

I - Petite histoire du genre

On considère que la création de la fable remonte à l’écrivain grec


Ésope (vie siècle avant J.-C.). Cet esclave doté d’un esprit acéré avait pris
l’habitude de transcrire en petits récits terminés par une réflexion morale
les relations qu’il avait avec son maître. Plus tard, Phèdre (1er siècle
avant J.-C.) reprend, en latin, la même Inspiration pour construire de
petites fables. Au XVIème siècle, l’Italien Abstemius s’inscrit dans la
même lignée de fabulistes. Parallèlement, la littérature orientale offre de
nombreux exemples de petits récits moralisateurs. Ceux de l’Indien
Pilpay sont traduits en français en 1644. La Fontaine dispose donc de
sources différentes.

II - Les caractéristiques de la fable

La fable est un texte souvent en vers, en général bref, de forme


narrative, mettant en scène des êtres humains ou des animaux.

A - Un texte narratif

61
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

La fable est un récit. Ce caractère se perçoit à l’existence d’une


succession d’actions, de situations ou de faits, à une évolution spatio-
temporelle, au passage d’un état Initial à un état final.

Exemple: Ainsi, dans « Le jardinier et son seigneur », le récit suit


les étapes de la dégradation du jardin par le seigneur. De même, dans « La
jeune veuve », révolution de la situation est soulignée par des
articulations chronologiques : Après, Un an se passe, Puis... Les temps
verbaux, Imparfait, passé simple, sont ceux du récit. Le présent Intervient
pour actualiser la situation ou la généraliser.

B - Les personnages humains

Ils appartiennent à des catégories dont Ils représentent l’exemple


type : un jardinier, un seigneur, une veuve, un berger, un sage, deux
amis... Facilement reconnaissables, Ils sont les porte-parole d’une
condition qui entretient avec son environnement humain des relations
souvent conflictuelles. Ils sont également représentatifs de l’époque
(références à la Cour chez La Fontaine).

C - Les animaux

Traditionnellement, les personnages des fables sont le plus souvent


des animaux dotés de parole. Chargés d’une signification symbolique, ils
permettent un phénomène de transposition des comportements et des
caractères : la cruauté est représentée par le loup, la ruse par le renard, la
puissance par le lion, l’Innocence par l’agneau. La loi naturelle, présentée

62
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

souvent comme une loi de la jungle, constitue la référence pour décrypter


le monde humain.

Exemple: La fable des « Animaux malades de la peste », est tout à


fait représentative de ce mode de fonctionnement. La situation évoquée,
celle d’une épidémie, fait apparaître les problèmes de la culpabilité et la
nécessité d'un « bouc émissaire », en l’occurrence le malheureux âne. Il
est facile de transposer la situation à celle d’une communauté atteinte par
un malheur collectif.

D - Les thèmes de la fable

Ils sont aussi diversifiés que ceux de la vie sociale ou de la vie


politique. On trouve les rapports de pouvoir, les conflits familiaux, entre
voisins, les rivalités petites et grandes. Solitude, vieillesse, relations
parents / enfants, différentes manières de prendre la vie, rapports de
l’homme avec la nature, tout est bon pour le fabuliste qui tire de cette
multiplicité d’anecdotes une morale souvent pessimiste.

E - Le laconisme

Le fabuliste doit être bref. De nombreuses fables conseillent


d'ailleurs le laconisme, l'art d'être bref; ceux qui ouvrent la bouche à tort
et à travers, comme le Corbeau face au Renard, en pâtissent.

F - L'illusion d'oralité

La fable doit préserver l'illusion de l'oralité. L'auteur utilise souvent


le style direct ou indirect libre. Le lecteur se trouve parfois interpellé
directement.

63
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

G - Prose ou vers

La fable s'accommode aussi bien de la prose que du vers, mais les


mètres utilisés sont alors très variables. C'est ce qu'on appelle le vers
libre. Cette liberté permet des ruptures de rythme expressives.

III - Fonctions des fables : plaire et instruire

A - Le divertissement

Récit court, interrompu de dialogues au style direct ou indirect libre,


la fable tire son charme d’une concision qui en quelques mots crée un
monde d’images et des situations concrètes. Le rythme est donné par les
vers de longueur différente, par les articulations logiques et
chronologiques. Les mésaventures des animaux font rire ou sourire. La
mise à distance est suffisante pour éloigner les similitudes trop
douloureuses. Le lecteur de la fable est le spectateur d’une scène qui le
concerne, mais dans laquelle ¡I ne se sent pas réellement Impliqué.

B - L’enseignement

Toute fable comporte une moralité qui ouvre ou ferme le récit. Les
vérités énoncées dressent une sorte de bilan de la nature humaine et des
fonctionnements sociaux : Exemple: "Selon que vous serez puissant ou
misérable, / Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir" ("Les
animaux malades de la peste" de La Fontaine). On trouve aussi des
préceptes de sagesse et des recommandations diverses.

64
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

On peut considérer enfin que la fable permet un discours critique à


l’abri de la censure. Elle dénonce à travers la mise en scène les
dysfonctionnements sociaux, politiques et les abus.

Le rôle de la fable est ambigu. La fable conserve une certaine


naïveté caractéristique de la littérature enfantine, mais la morale qui s'y
fait jour est bien cynique pour de jeunes lecteurs ; le fort ou le rusé
triomphent toujours du faible et de l'innocent. L'enseignement des fables
relève de la prudence plus que de la morale : on apprend aux faibles à se
méfier des forts, non aux forts à ne pas abuser des faibles. La fable est
souvent satirique; elle dénonce la Cour, la Justice ; les allusions à la vie
politique contemporaine y sont nombreuses. Mais on y trouve aussi des
préceptes simples sur l'art d'être heureux.

Jean de La Fontaine, le fabuliste

À travers un genre à part mineur et non codifié, La


Fontaine (1621-1695) s’inspire, comme les autres classiques, dans
ses fables, des Anciens mais aussi du folklore français et étranger. Il imite
ses maîtres avec une grande liberté. Tout comme les personnages
de Molière, ses personnages représentent toutes les couches sociales. En
moraliste La Fontaine dépeint toute la société française de la seconde
moitié du siècle. La recherche du bonheur, l’homme et le pouvoir sont les
trois thèmes chers à La Fontaine qu’on retrouve dans ses «Fables» (1668-
1694). La fable qui était avant La Fontaine, un genre bref où l’anecdote se
hâtait vers la morale, devient chez lui une ample comédie où tout est mis
à sa place: le décor, les personnages, le dialogue.

65
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

L’art de La Fontaine

La transformation de l’apologue en poème ou en petit drame versifié


se fait grâce aux nombreuses innovations que La Fontaine apporte à la
langue et à la prosodie.

La Langue

Le fabuliste utilise dans ses fables toutes les ressources de la langue


au double niveau du lexique et du style.

Le lexique

La Fontaine puise dans tous les registres lexicaux : langue


populaire, vocabulaire technique et juridique. Il remet également à la
mode certains termes archaïques, comme le mot « noise » ou la formule
vieillie « J’ai souvenance ».

Enfin, il arrive que le fabuliste crée des néologismes dans un but


humoristique : la cité des rats est appelée « Ratopolis » et la race canine
est élevée à la dignité de la «gent chienne ».

Les fables de La fontaine: analyse des livres VII à XI


Il est d’abord important de noter que La Fontaine a pris grand soin
de ne pas réunir ses textes au hasard, puisque leur classement ne
correspond pas aux dates de composition qu’on peut connaître. Il y a donc
une volonté - qu’elle réponde à une stratégie de la désorientation ou à
l’installation d’une problématique ou de plusieurs problématiques - il y a
une volonté derrière ce faux désordre. En outre, il est clair que par
moments, l’articulation des fables correspond nettement à la volonté

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

d’instituer des micro-séquences thématiques, des suites : les fables 9 à 14


du livre VII traitent de la fortune, les fables 10 et 11 du livre VIII, de
l’amitié, les fables 1, 3, 5, 7, 14, du livre X, de la souveraineté et de la
tyrannie de l’homme sur les animaux, etc.

Livre VII

Du fléau (de la guerre ?), Les Animaux malades de la peste, à


l’hymne à la paix, Un Animal dans la lune.

Le livre VII est centré sur les questions de la paix et de la guerre et


plus spécifiquement de la guerre de Hollande, moins glorieuse qu’on l’a
souvent cru. La guerre ne retombant ni sur le roi ni sur les Grands, elle
retombe sur l’âne, comme les impôts sur le peuple. La guerre ne modère
pas l’égoïsme du clergé (VII, 3). L’une des leçons est qu’on ne s’est pas
accommodé entre nations et qu’on y a beaucoup perdu (Le Héron et la
Fille, VII, 4) en voulant trop gagner. La seconde morale est que le monde
est happé par le « trop » : trop vouloir, trop conquérir... Ce qu’il faut
rechercher c’est la « médiocrité » et la sagesse (Les Souhaits, VII, 5), et
ce n’est pas à la Cour (vrai charnier) qu’on l’apprend : la Cour sent la
mort, on n’y peut ni blâmer, ni louer (VII, 6).

Il est alors proprement dangereux de méditer, parce qu’on devient


vulnérable devant la force (Les Vautours et les Pigeons, VII, 7) et que
l’on devient proie. Ceux qui ne méditent pas, ceux qui s’agitent et font les
importuns (Le Coche et la Mouche, VII, 8) en sont les parasites et
accroissent les difficultés de l’État. Outre l’agitation des uns, la violence
des autres, il y a aussi le rêve déraisonnable qui mène le monde et

67
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

entraîne les guerres (picrocholines ou autres) et fait tout chuter (VII,


9,10). Il ne faut donc pas courir après la fortune (VII, 11). Il est trop facile
de se faire gloire de ses succès et d’attribuer à la Fortune ses propres
revers personnels (VII, 13), d’autant que le monde est parcouru
d’opinions fausses sur lesquelles il est aisé de jouer (VII, 14). Dans ce
monde violent, il n’y a pas de médiateur possible, surtout lorsqu’il est
émanation de l’État (VII, 15), fût-il juge, et ce monde ne court que vers la
division et la mort (VII, 16). Devant ce tableau fort sombre des folies et
des horreurs de la guerre et du pouvoir, la modération des hommes et des
rois est-elle encore possible ? L’espoir résiderait-il dans la paix et la
science, puisque l’Angleterre nous en donne l’exemple (VII, 17) ?

Reste la deuxième fable du livre VII, sorte de fabliau qu’on a bien


du mal à relier à la démonstration, sauf à considérer qu’on reporte sur les
affaires privées l’horreur des querelles publiques, mais c’est évidemment
difficile et peu légitime.

Livre VIII

La mort et les jeux de langage sont les deux topiques du livre VIII.

De la fable La Mort et le Mourant à celle titrée Le Loup et le


Chasseur, la cruauté de la mort encadre une réflexion sur les charmes et
les méfaits de la parole. Grâce au discours faux, on peut se tirer d’affaire
et tuer les autres (VIII, 3, Le Lion, le Loup et le Renard) ; l’éloquence de
Démosthène est inopérante au point qu’il faut se fonder sur les récits et
les contes pour séduire les hommes (VIII, 4, Le Pouvoir des Fables), toute
parole semble inutile, tout fatigue, les dieux en particulier

68
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

en sont les premiers fatigués (VIII, 5), tout est déformé (VI11, 6, Les
Femmes et le Secret) et vain, bons mots pour les sots (8) ou hâbleries (9).

Alors, mieux vaut se taire et rêver de pure amitié (11), sans illusion.
La parole est utile lorsqu’elle intervient dans une société fondée sur son
illusion (14) mais se heurte à la réalité (15). Il faudrait, face aux faux
discours (16), savoir s’entraider (17) et préférer la morale, l’apologue, à
l’ignorance et au bavardage (18, 19), mais est-ce au moins possible ?
Même Jupiter parle en vain (20) et l’on doit résister aux mots et aux
conseils des autres (21) pour se sauver soi-même. Aucune confiance ne
doit donc être faite aux apparences, le naturel est le naturel et le chat reste
un chat, malgré son discours (22, 25, 26) : le sage se méfie des entretiens
frivoles. Le langage tue, sauve aussi lorsqu’on le maîtrise dans une
société fondée sur ses jeux et ses apparences, mais à condition qu’on ne le
croie, à aucun moment, véritable. La communication vraie, fondée sur les
vertus de l’amitié et de l’entraide, est bien loin, à l’horizon du texte, mais
n’est-elle pas seulement une vue de l’esprit ?

Le Savetier et le Financier, Les Deux Chiens et l’Âne mort nous


apprennent qu’il faut renoncer aux ambitions mortelles et rester dans son
monde. L’exemple du chien qui porte à son cou le dîner de son maître
montre que la cupidité est universelle, et que l’éducation est une vertu qui
n’est jamais définitive puisqu’on peut la perdre. L’homme, guetté par la
mort, se débat dans un univers trompeur dans lequel il doit se méfier de
ses semblables, mais ce même homme ne peut, et c’est sa destinée, que

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

rester dans le monde et, malgré tout, en jouir (Le Loup et le Chasseur : «
Il faut que l’on jouisse »).

Livre IX

Le livre IX expose l’ordre de l’univers et suggère une morale quasi


religieuse. L’homme, par nature, est amené à trop vouloir. Le pigeon
apprend qu’il aurait mieux fait de rester au gîte (2), il vaut mieux que les
arbres aient des glands que des citrouilles (3), le pédant a tort de vouloir
trop corriger ses élèves (5) : l’ordre est divers, certes (7, 12), mais il est
ordre et loi, supérieur à toute autre loi, en particulier païenne (6). Ne
changeons rien, évitons les disputes (9), fuyons ceux qui vendent la
sagesse (8), ne nous fions pas à l’hypocrisie (14) et connaissons notre
nature, même si dans l’excès réside une sorte de grandeur (15). Est-ce
pour autant une nature divine, y a-t-il un dieu qui gère le monde ?

Les prières sont bien vaines (13) et Dieu reste impénétrable (16).
Vivons donc, mais en pleine défiance des autres, des flatteurs (17), des
plaisirs et des mythes (18), des harangues (19), et reconnaissons l’ordre
gassendiste (le discours à Mme de la Sablière : les animaux ont une âme
terrestre, les hommes ont une âme céleste et terrestre). Les allers et
retours entre l’homme et Dieu, dans ce livre, témoignent d’une
organisation de l’univers en tant qu’ordre divers, multiple, et de ses
déviations.

Le Singe et le Léopard, méditation sur la diversité, peut nous


surprendre, mais peut entrer dans la cohérence car il insiste sur les
apparences...

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Livre X

Le livre X montre l’homme dominant la nature et ses semblables (1)


: l’homme est dévoration, les animaux sont dévoration, la nature est
dévoration (1, 3, 5) : la chaîne est constituée avec rigueur. L’homme est à
la fois le roi des animaux et leur tyran (8). Il faut donc éviter les rois (9),
comme les animaux doivent éviter les hommes (10, 11, 12), jusqu’à Dieu,
peut-être, qui foudroie les hommes (Discours à M. le duc de La
Rochefoucauld).

Dans ces conditions, pourquoi La Tortue et les deux Canards (2),


L’Enfouisseur et son Compère (4), Les deux Aventuriers et le Talisman
(13), condamnant l’impudence, le babil et la sottise ? Peut-être pour
consoler les faibles en leur disant qu’on peut tromper les trompeurs et que
la puissance est une ombre. Garder l’ordre et se consoler, surtout ne rien
changer de peur que tout soit pire encore...

Livre XI

Le livre XI revient aux puissants et à la politique, peut-être à la


guerre de Hollande. 11 faut céder au lion ou l’empêcher de grandir.
Lorsqu’il est grand, il faut faire avec (1). Il faut avoir le désir de plaire et
compter sur soi (2, 3) et, si l’on peut, fuir loin de la Cour (4), parce qu’il
n’y a pas grand-chose à attendre des rois et que les plaines danubiennes
lui sont préférables, même si Louis sait dompter l’Europe (Épilogue).

Restent donc la sauvagerie du paysan du Danube ou le jardin du


vieillard comme seules issues.

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Mais pourquoi le renard est-il représenté trompant le loup (6) ? Que


vient faire le chat-huant accumulateur (1) ? Des leçons politiques peuvent
en être tirées : le loup travaille pour le renard qui travaille pour le roi, le
roi-hibou conserve de la chair fraîche et grasse pour se repaître...

Cette fable est typique puisqu’elle se divise nettement en deux


parties : le récit et la morale. Le récit est clairement allégorique : en même
temps qu’il raconte une action, il doit être interprété par le lecteur, et la
seconde partie donne quelques-unes des clefs de cette allégorie.

D’autre part, comme il est d’usage chez La Fontaine, le récit doit


donner du plaisir : léger, mené avec rapidité, il multiplie les changements
de ton, passe au style direct, revient à la parole du narrateur et fait entrer
le lecteur dans le songe de l’héroïne.

Des formes poétiques variées

Quelques formes fixes

Les auteurs du moyen âge, à partir de formes musicales, ont élaboré


des poèmes aux règles de versification précises. Puis la Renaissance,
imitant le "sonnetto", forme employée par l'italien Pétrarque pour célébrer
sa bien-aimée Laure dans le Canzoniere (1374), implante dans la
littérature française le sonnet, forme poétique qui a traversé les siècles.

1) Ballade : Poème à forme fixe composé de 3 dizains (strophes de


10 vers) et un quintil (strophe de 5 vers), l’envoi. Les strophes sont
construites sur les mêmes rimes. Chaque strophe se termine par le même
vers.

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

2) L'acrostiche

En lisant verticalement la première lettre de chacun des vers de ce


court poème, on découvre le nom de l'auteur, de son destinataire, ou le
mot clé du thème choisi.

3) Le rondeau

Sur 13 vers, décasyllabes ou alexandrins, le rondeau n'a que 2 rimes,


dont 3 se suivent, au centre ou à la fin. Les premiers mots du poème sont
repris pour former un refrain.

4) Le lai et le virelai

Le lai compte 12 strophes d'octosyllabes, sur deux rimes, que


chaque demi-strophe reprend. Des quatrains forment le virelai, avec
reprise des 2 premiers vers à chaque strophe.

5) Elégie : Une élégie est, à l'origine, un chant de deuil. C'est aussi


un poème qui exprime la tendresse, la tristesse.

6) Hymne : Un hymne est un chant ou un cantique en poésie


religieuse, souvent en strophes, en l'honneur d'un dieu, d'une divinité, ou
d'un héros. C'est aussi un chant national. La Marseillaise est l'hymne de la
France.

En poésie lyrique, un hymne exprime des sentiments nobles ou


enthousiastes

73
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

7) Ode : du grec ôidê, chant. Le mot désigne chez les Anciens tout
poème chanté. Les odes de Pindare et d'Horace ont été fort imitées par les
poètes de la Pléiade. Ce mot a désigné, par la suite, des poèmes lyriques
divisés en strophes.

L'ode comporte des strophes de même longueur, librement choisies.


Dite "héroïque" quand le poète fait un éloge, elle peut aussi devenir
lyrique pour exprimer ses sentiments.

8) Poésie lyrique : A l'origine, chez les anciens Grecs, poésie


chantée, avec l'accompagnement de la lyre*. En France, l'expression
désigne encore au Moyen Âge la poésie chantée.

A partir du XIVème siècle la poésie se détache peu à peu de la


musique, et on qualifie aujourd'hui de « lyrique » toute poésie qui
exprime des émotions ou des sentiments personnels ou collectifs.

9) Sonnet : Le sonnet est un genre à forme fixe, qui s'est développé


aux XIVème et XVème siècles en Italie, d'où il fut importé en France au
début du XVIème, pour y être pratiqué jusqu'au XIXème siècle, après une
éclipse au XVIIIème.

Avec 2 quatrains, aux mêmes rimes embrassées, et 2 tercets,


s'ouvrant sur une rime suivie, le sonnet "français" finit par 2 rimes
croisées, l'"italien" par 2 embrassées.

Il a été également cultivé dans toute l'Europe, sous des formes


diverses. En France, il est caractérisé par :

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

- un système rigide de strophes : deux quatrains, suivis de deux


tercets.

- un système presque aussi contraignant de rimes :

A B B A A B B A C C D E D E (forme classique)

ou A B B A A B B A C C D E E D (plus rarement)

Un soin particulier est apporté au dernier vers, « la chute».

10) Épopée : poème qui célèbre de grands faits d'armes ; l'Iliade


d'Homère et La Chanson de Roland sont de bons exemples d'épopées. La
manière épique est caractérisée par l'exagération des hauts faits et le
recours au merveilleux : les dieux combattent dans l'Iliade, et Dieu
intervient dans La Chanson de Roland.

Quelques formes thématiques

Certaines formes poétiques tirent leur nom du sujet choisi, des


intentions de leur auteur.

A - Le blason

Poème en vers courts, avec des rimes suivies, qui décompose les
caractéristiques de ce dont le poète veut faire l'éloge, ou le blâme.

B - L'églogue

Lié à la mode de la pastorale, ce dialogue rimé entre bergers chante


le plus souvent, dans un langage simple et naïf, les joies de la vie
paysanne, de la nature et de l'amour.

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

C - L'élégie

Héritée de l'antiquité, l'élégie exprime la douleur du poète.


Caractéristique du registre lyrique - on parle alors de registre élégiaque -
elle pleure la mort, l'exil, l'amour perdu...

D - L'épigramme

La brièveté de l'épigramme, parfois réduit à 4 vers, oblige le poète à


condenser son attaque. Elle se termine souvent par une "chute", effet de
surprise qui doit parachever la satire.

E - L'épopée

Elle forme un long récit, généralement en alexandrins, avec des


rimes suivies. Née dans l'antiquité avec Homère, elle est destinée à
chanter les exploits guerriers des nobles héros.

F - L'impromptu et le bout-rimé

Ces formes, très à la mode chez les Précieux au XVIIème siècle, se


ressemblent : ce sont de brèves improvisations sur un sujet donné,
accompagnées de contraintes formelles variables.

G - Le madrigal

Lui aussi est très pratiqué par les Précieux. Il est destiné, en
quelques vers, à adresser un compliment original à une dame. En
quelques vers, le poète galant doit surprendre et séduire.

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Questions:
1- Quelle la définition de la poésie au XVIIème siècle?
2 - Quels sont les genres littéraires au XVIIème siècle?
3 - Parlez de la poésie baroque et classique au XVIIème siècle ?
4 - Quels sont les genres poétiques au XVIIème siècle?
5 - Parlez de la doctrine de Malherbe dans la poésie ?
6 - Jetez la lumière sur quelques formes thématiques .

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

La versification française

78
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

La Versification française

La versification est l’ensemble des règles et des techniques


concernant l’écriture du poème. Les règles de versification classiques ont
été formulées et fixées par Malherbe au XVIIème siècle, à partir de
traditions poétiques en usage depuis le Moyen-âge et la Renaissance.

Mais à partir du XIXème siècle, certains poètes contestent ces règles


classiques qu’ils trouvent figées, et explorent les possibilités poétiques
des manquements à ces règles.

Verlaine par exemple est connu pour avoir recherché les effets
musicaux des vers impairs, qui sont fondés sur l’irrégularité puisque ces
vers ne peuvent être coupés en deux unités égales.

Dans le langage ordinaire, les sons des mots sont secondaires : c’est
leur sens qui compte. Les poètes, eux, travaillent les sonorités pour
qu’elles contribuent à la création du sens et à la musique des vers.

Enfin, le langage poétique a souvent recours à des comparaisons et


des métaphores. Ces images rapprochent deux réalités plus ou moins
éloignées ; elles s’adressent à l’imagination du lecteur.

Bref, la poésie veut être une puissance d’enchantement qui charme


profondément l’auditeur ou le lecteur. C’est pourquoi la poésie est
conçue, dès son apparition, pour être chantée ou récitée, comme le font au
Moyen Âge ménestrels et troubadours.

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Elle entraîne l’élaboration d’un nouveau langage qui repose sur le


rythme et les sonorités, l’unité du vers et celle de la strophe.

L’étude des vers et des strophes


1) Qu’est-ce qu’un vers ?

Le mot vers vient du latin versus ; ce mot latin a désigné


successivement : le fait de tourner la charrue au bout du sillon, puis le
sillon (par métonymie), puis la ligne d’écriture (par métaphore) et
spécialement le vers.

Un vers est donc le retour d’un nombre identique de syllabes : la fin


d’un vers est repérable à l’œil par le retour à la ligne, et à l’oreille par le
retour des mêmes sons : les rimes.

Le vers français est un vers syllabique : la syllabe est l’unité de


mesure qui permet d’évaluer la longueur du vers. Faire le décompte des
syllabes, c’est identifier le type de vers, ou mètre, auquel on a affaire.

2) Quels sont les différents types de vers (mètres) ?


La désignation de la plupart des vers provient du décompte des
syllabes :
Nombre de syllabes Nom du vers
1 syllabe Monosyllabe
2 syllabes Dissyllabe
3 syllabes Trissyllabe
4 syllabes Quadrisyllabe / Tétrasyllabe

80
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

5 syllabes Pentasyllabe
6 syllabes Hexasyllabe
7 syllabes Heptasyllabe
8 syllabes Octosyllabe
9 syllabes Ennéasyllabe
10 syllabes Décasyllabe
11 syllabes Hendécasyllabe
12 syllabes Alexandrin

Le vers de douze syllabes, l’alexandrin. C’est le plus long vers


régulier. Il peut donner du calme ou de la majesté au sujet traité.
L’alexandrin est le vers le plus célèbre et constitue la référence de la
versification classique française.

Le vers de dix syllabes, le décasyllabe. C’est le vers le plus


couramment employé. C’est un alerte, léger, qui convient surtout à des
poèmes courts.

Le vers de huit syllabes, l’octosyllabe. On l’emploie encore


aujourd’hui pour la poésie légère, pour les chansonnettes.

Les vers de six, quatre, deux syllabes s’emploient rarement en série


continue.

Ces vers très courts sont utilisés pour contraster avec des vers plus
longs et créer ainsi un effet de surprise, de brièveté.

81
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

3) Comment mesurer les différents types de vers (mètres) ?


Pour mesurer un vers, il faut compter les syllabes prononcées (ou
mètre) :
Exemple : C’était l’heure tranquille où les lions vont boire. (Victor
Hugo)
c’é / tait / l’heu / re / tran / qui / lle où / les / li / ons / vont / boire.
Cependant, il faut tenir compte de trois particularités :
1) La règle du «e» muet.
2) La synérèse.
3) La diérèse.
(1) La règle du «e» muet.
À l’intérieur d’un vers, on compte la syllabe qui se termine par un «
e » muet si la syllabe suivante commence par une consonne, ou un « h »
aspiré. On ne la compte pas si la syllabe suivante commence par une
voyelle ou « h » muet. À la fin d’un vers, on ne compte jamais le « e »
muet (dans ce cas il s‘agit d’une apocope).

Exemple:
« Il/ s’é/cri/ait,/ pous/sant/ d’af/freux/ ru/gi/sse/ments :
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
Re/gar/dez,/ ma /ca/ver/n(e) est/ plei/ne /d’o/sse/ments ;
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
De/vant/ moi/ tout/ re/cu/l(e) et/ fré/mit,/ tout/ é/migr(e),
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

82
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Tout/ trem/bl(e) ; ad/mi/rez/-moi,/ vo/yez,/ je/ suis/ un /tigr(e) ! »


(Hugo)
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
(2) LA DIERESE
Deux sons habituellement prononcés groupés doivent parfois se
prononcer séparément, en deux syllabes: c’est la diérèse qui, en
ralentissant la prononciation du mot, l’adoucit.

Exemple : million → | mi | lli | on|, nation → | na | ti | on|

(3) LA SYNÉRÈSE
Deux sons habituellement prononcés séparément doivent parfois se
prononcer en une syllabe : c’est la synérèse, qui abrège le mot, le durcit.

Exemple : lion → | lion |

Exemple :
« Plus/ me/ plaît/ le /sé/jour/ qu’ont/ bâ/ti/ mes/ a/ïeux
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
Que/ des/ pa/lais/ ro/mains/ le/ front/ au/da/ci/eux » (Du Bellay)
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
Les hiatus (rencontre entre deux sons voyelles) sont, en principe,
évités par la poésie classique. Ils peuvent être recherchés par la poésie
moderne : La lecture d’un poème à l’oral doit respecter les liaisons. Ils
convient de tenir compte des synérèses et de ne pas prononcer le e-muet.

« Le pré est vénéneux mai joli en automne » [Apollinaire]

Qu'est-ce qu'une strophe ?

83
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

La strophe est l’ensemble constitué par un nombre de vers limité,


avec une disposition fixe des rimes (voir ci dessous) et des mètres, et, qui
peut se reproduire indéfiniment.

Voici la dénomination de la strophe selon l'organisation et le


nombre de vers :
Noms basés sur l'organisation de la strophe
La dénomination d'une strophe peut se référer au rapport entre le
nombre et la métrique des vers :

 Une strophe isométrique contient des vers ayant tous un


même nombre de syllabes .
 Une strophe hétérométrique, comme la stance, contient des
vers ayant un nombre différent de syllabes .
 Une strophe carrée contient un nombre de vers égal au
nombre de syllabes de chaque vers (ex. : dizain en décasyllabes) ; elle
donne une impression de force et de cohésion .
 Une strophe horizontale contient un nombre de vers inférieur
au nombre de syllabes de chaque vers (ex. : dizain en alexandrins) ; elle
donne une impression d'étendue et de durée .
 Une strophe verticale contient un nombre de vers supérieur au
nombre de syllabes de chaque vers (ex. : dizain en octosyllabes) ; elle
donne une impression de succession et de rapidité.
Noms basés sur le nombre de vers:
Nombre des vers Nom des strophe

84
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Strophe de 1 vers Monostiche


Strophe de 2 vers Distique
Strophe de 3 vers Tercet
Strophe de 4 vers Quatrain
Strophe de 5 vers Quintil
Strophe de 6 vers Sizain
Strophe de 7 vers Septain
Strophe de 8 vers Huitain
Strophe de 9 vers Neuvain
Strophe de 10 vers Dizain
Strophe de 11 vers Onzain
Strophe de 12 vers Douzain

L’architecture sonore : l’étude des sonorités


La rime
Qu'est-ce que la rime ?
Homophonie (identité des sons) de la dernière voyelle accentuée du
vers, ainsi que des phonèmes qui, éventuellement la suivent.

Elle est en elle-même une sorte particulière d’accent, en tant qu’elle


est constituée de sons remarqués ou remarquables : elle est un accent
phonétique. C’est-à-dire que la rime ne saurait se contenter de sonorités

85
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

banales et qui passent inaperçues, sans trahir sa mission qui est de se faire
entendre, de ponctuer le vers soit en frappant soit en charmant l’oreille.

La rime ne relève pas de l'œil, de l'orthographe, mais de la


perception auditive. On distingue deux natures de rimes :

- Les rimes dites féminines ont, comme son final, un [E] muet ;
elles sont plus douces, plus légères, plus mélodieuses.

- Tous les autres sons , voyelles ou consonnes, forment des rimes


dites masculines.

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant


D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon cœur, transparent


Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
Est-elle brune, blonde ou rousse ? - Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,


Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.

Verlaine, "Mon rêve familier", Poèmes saturniens, 1866.


La Disposition des rimes

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Elle est déterminée par leur succession. Plusieurs combinaisons sont


possibles. Dans le respect de l'alternance des rimes masculines et
féminines, le poète dispose ses rimes, selon trois possibilités :

- La rime peut être suivie (on dit parfois "plate") : C'est le cas ici
entre "ignore" et "sonore" (A A);

- Elles peuvent être croisées (ou alternées), comme pour "exila",


"statues", "elle a", tues" (A B A B);

- La disposition la plus complexe est les rimes alternées :


"pénétrant", "m'aime", "même", "comprend", par exemple (A B B A).

Les rimes suivies ou plates : AA BB


Exemple :
Dans la plaine les baladins (A)
S'éloignent au long des jardins (A)
Devant l'huis des auberges grises (B)
Par les villages sans églises (B)

(Guillaume Apollinaire)

Les rimes croisées : ABAB


Exemple :
Ouvre ton âme et ton oreille au son (A)

De ma mandoline (B)

Pour toi j’ai fait, pour toi, cette chanson (A)

Cruelle et câline (B)

(Paul Verlaine)

87
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Les rimes embrassées : ABBA


Exemple :
Tes yeux sont si profonds qu’en me penchant pour boire (A)

J’ai vu tous les soleils y venir se mirer. (B)

S’y jeter à mourir tous les désespérés (B)

Tes yeux sont si profonds que j’y perds la mémoire (A)

(Louis Aragon)

Rimes mêlées ou libres


Exemple : « Jadis, jadis vivait m’amie A

Une princesse aux cheveux d’or, B

En quel pays ? Ne le sais mie. B

Jadis, jadis vivait m’amie B

La fée Yra, son ennemie, A

Qui changea la belle en trésor. B

Jadis, jadis vivait m’amie B

Une princesse aux cheveux d’or , (Apollinaire)

La disposition des rimes détermine certaines formes fixes, tel le


sonnet qui présente d'abord deux rimes embrassées, redoublées, puis une
rime suivie, pour finir sur deux rimes embrassées (sonnet italien), ou deux
rimes croisées dans le cas du sonnet dit "français", schéma retenu par
Verlaine. Cependant, on observe une particularité dans ce poème : la
seconde rime embrassée entre "problème" et "blême" est plus riche que la
première, "m'aime" et "même".

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

La Richesse de la rime
La richesse de la rime dépend du nombre de sons identiques qu'elle
offre. Elle est dite :

- pauvre quand il n'y a qu'un seul son semblable, voyelle ou


consonne. Ce serait le cas, par exemple entre "voilà" et "pyjama" (seul le
son [a]) ou entre "malheur" et "retour" (seul le son [R]). Ou comme dans
matin et chemin , pas et plats…

- suffisante quand on distingue deux sons semblables, comme, chez


Verlaine, "pénétrant", "comprend", "transparent" et "pleurant" (son [R]
suivi de la voyelle nasale), ou "exila" et "elle a" (sons [l] et [a]), ou encore
"ignore" et "sonore" (sons [o] et [R]), "statues" et "tues", puisque le [E]
reste muet. Ou comme dans brève et sève / ville et agile…

- riche quand elle comporte trois sons semblables, ou même


davantage. Ainsi, on compte trois sons identiques entre "m'aime" et
"même", et quatre entre "problème" et "blême". Ou comme dans image et
hommage / patin et matin…

Les rimes suffisantes sont les plus fréquentes. L'interprétation porte


sur les rimes qui forment un contraste avec la richesse dominante, par
exemple l'introduction d'une rime pauvre dans un poème où toutes les
autres sont suffisantes ou riches, ou bien une ou deux rimes riches qui
ressortent dans un poème où toutes les autres sont suffisantes. C'est le
moyen, pour le poète, de mettre un terme en valeur.

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Le genre des rimes et leur alternance

Un vers finit par une rime féminine quand il se termine par un e


caduc ; autrement dit, une rime féminine se termine par un son « e », écrit
au singulier (« -e ») ou au pluriel (« -es », « -ent »). Les autres cas
désignent des rimes masculines.

Une des règles de versification exige qu'il y ait une alternance entre
une rime féminine et une rime masculine

Pour les 3es personnes du pluriel dans lesquelles la terminaison -ent


suit une consonne, la rime est considérée comme féminine : ils surent, ils
lurent. Pour les verbes au subjonctif, lorsque la terminaison -ent est placée
après une voyelle, la rime est considérée comme féminine si la
terminaison est prononcée de la même manière au pluriel et au singulier :
qu’ils prient et qu’il prie.

La rime est masculine dans tous les autres cas. Pour les
3es personnes du pluriel dans lesquelles la terminaison -ent suit une
voyelle avec laquelle elle forme une seule syllabe, la rime est considérée
comme masculine : plantaient, chantaient. Dans ce cas, la terminaison -
ent ne peut rimer qu’avec elle-même.

Le genre de la rime ne correspond pas obligatoirement au genre


grammatical du mot final : «… un sourire », «… ils pensent », «… la
fée » seront considérés comme des rimes féminines ; et «… la mort », «…
le mouvement », «… ils volaient », «… qu'ils soient », «… la beauté »
seront considérés comme des rimes masculines.

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Une rime masculine doit rimer avec une autre rime masculine et une
rime féminine avec une autre rime féminine ; par exemple, la rime entre
«… chant choral » et «… la chorale » n'est pas permise. La versification
classique impose la règle de l’alternance des rimes féminines et
masculines : par exemple, dans ABBA CCD, si A est masculine, alors B
est féminine, C masculine, D féminine. Les poètes modernes préfèrent
faire alterner les rimes vocaliques (joue, nous) et les rimes consonantiques
(goutte, route).

Le rythme du texte en vers


Le rythme est un découpage de mots dans un vers. Il divise le vers
en groupes rythmiques. L’endroit où s’arrête un groupe rythmique
s’appelle la coupe. La coupe principale d’un vers s’appelle la césure. Les
coupes sont souvent liées à la ponctuation du poème.

Exemple : Un soir,/ t’en souvient-il ?// nous voguions en silence

2 Coupe 4 Césure 6

Les vers ont conservé ensuite le rythme, donné par le jeu de


l’accent, la coupe, l’enjambement, le rejet et le contre-rejet.
1) L’accent
C’est l’augmentation de l’intensité de la voix sur une syllabe. En
français, il porte sur la dernière syllabe non muette d’un mot long ou d’un
groupe de mots courts. Par ailleurs, dans un groupe nominal ou verbal, le
mot le plus important porte un accent de coupe. Le nombre et la place des

91
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

accents sont déterminants pour le rythme. On distingue deux genres


d’accents :

L’accent fixe
Au XVIIème siècle, le vers classique supportait deux accents : l’un
en son milieu qui est la césure et l’autre à sa fin qui est la rime. Ces deux
accents divisent le vers en deux parties qu’on appelle hémistiches. Mais
au XIXème siècle le vers ne supporte plus de césure.

Exemple :
Un jour sur ses longs pieds, // –allait je ne sais où /
1 hémistiche 2 hémistiche
Le héron au long bec, // –emmanché d’un long cou /
(La Fontaine)
1 hémistiche 2 hémistiche
Les deux tirets obliques « // » sont la césure
La seule tiret oblique « / » est la rime
L’accent Mobile
Le rythme est le mouvement du poème; il peut être l’image
musicale du mouvement de la pensée.

Le rythme régulier peut être binaire lorsqu'il est coupé en deux par
la césure (c’est le cas de l’alexandrin classique), ternaire (comporte trois
accents) ou tétramètre (comporte quatre accents). Mais le rythme peut être
aussi entrecoupé, lent, rapide, progressif et peut exprimer la régularité, la
monotonie ou la tristesse…

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Exemple : Et vous donc Kadicha, multiple amphithéâtre,


Où le cœur s’abandonne au vertige des cieux… (Charles Corm).
2) La coupe
C’est un repos, une pause dans le vers. Elle se situe après chaque
syllabe accentuée et marque la fin d’une mesure. Les vers longs
comportent plusieurs coupes: la plus importante placée au milieu est
appelée césure (voir l’exemple de l’accent fixe). Dans l’alexandrin
classique, la césure se situe après la sixième syllabe prononcée. Chacune
des deux moitiés de l’alexandrin s’appelle un hémistiche comme on a déjà
vu dans l’accent fixe ci-dessus.

3) L’enjambement
Quand la pause finale n’accomplit pas le sens du vers et que l’on
doive le continuer dans le vers suivant, on dit qu’il y a enjambement.

Exemple : Depuis huit jours, j’avais déchiré mes bottines


Aux cailloux des chemins. J’entrais à Charleroi. (Arthur
Rimbaud)
4) Le rejet et le contre-rejet
On dit qu’il y a rejet lorsque le sens du vers se termine au début du
vers suivant.

Exemple : Il est pris. - Oh! quel nom sur ses lèvres muettes
Tressaille ? Quel regret implacable le mord ? (Arthur Rimbaud)
Lorsque le sens du vers commence à la fin du vers précédent, on dit
qu’il y a contre rejet.

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Exemple : Souvenir, souvenir, que me veux-tu ? L’automne


Faisait voler la grive à travers l’air atone.
(Paul Verlaine)

Questions:

1. Qu'est-ce qu' un vers ?

2. Définissez la strophe ?

3. Que signifie un rythme ?

4. Quels sont les différents types de vers (mètres) ?


5. Comment mesurer les différents types de vers (mètres) ?
6. Quels sont les noms basés sur l'organisation de la strophe?
7. Quels sont les noms bases sur le nom de vers ?
8. Définissez la rime et parlez se sa richesse et sa disposition?

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Les figures de style

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Les figures de style

À quoi ça sert ?

La figure de style est un procédé d’écriture par lequel l’écrivain vise


à obtenir un effet particulier.

Pour renforcer la modalisation de son énoncé, l'émetteur dispose


aussi des figures de style, qui vont lui permettre d'accentuer - ou,
inversement d'atténuer - son implication, son jugement, de le rendre plus
explicite en le concrétisant, de frapper l'imagination de son destinataire,
d'attirer son attention sur un sentiment ou une opinion par une expression
plus originale. On ne passera pas ici en revue toutes les figures de style,
très nombreuses, mais celles qui sont les plus courantes et les plus
pertinentes.

L’identification de ces figures de style et l’étude des effets recherchés


sont des points clés de la compréhension d’un texte.
Les figures de style peuvent être classées selon qu’elles servent à :
1. Établir des analogies entre des réalités appartenant à des domaines
différents ou substituer un terme à un autre, créant un effet de surprise.

2. Insister sur une idée, sur une réalité, ou au contraire l’atténuer.


3. Opposer deux réalités contraires afin de mettre en relief l'intensité de
leur différence.

1.1 La comparaison:
La comparaison rapproche, à l’aide d’un outil de
comparaison nommé comparatif (comme, tel, semblable à…) deux termes

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

appartenant à des domaines différents mais ayant un point en commun ;


ce sème commun peut être exprimé ou ne pas l’être.

Exemple :

La jeune fille, vive et preste comme un oiseau


(Une allée du Luxembourg, Nerval)
Comparé: (qu'est-ce qui est comparé?) : la jeune fille
Comparant: (à quoi compare-t-on?) : un oiseau
Sème commun: : vive et preste
Comparatif : comme
1.2 La métaphore
La métaphore est une comparaison incomplète ; tous les éléments ne
sont pas donnés. Très souvent, il manque le comparatif.

Exemple :
La vie est un éclair
(La vie est un éclair, Pierre Mathieu)
Parfois, le comparé ou le comparant ne sont pas exprimés explicitement:
Exemple:
Déjà la nuit en son parc amassait
Un grand troupeau d’étoiles vagabondes
(L’Olive, Du Bellay)
Ici, le comparé est la nuit, le comparant n'est pas explicite, mais le lecteur
peut le retrouver par analogie : l'image du troupeau assimile la nuit à une
bergère et les étoiles à des moutons.
1.3 La métaphore filée

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Une métaphore filée développe une métaphore tout au long d’un texte en y
insistant.
Exemple :
La vie humaine est semblable à un chemin dont l’issue est un précipice
affreux. […] Il faut sans cesse avancer vers le précipice. […] Encore si je
pouvais éviter ce précipice affreux! […] Toujours entraîné, tu approches du
gouffre affreux […] (Sermons, J.-B. Bossuet)
1.4 La métonymie
La métonymie consiste à désigner un élément par un autre
élément ayant avec le premier une relation logique.
Exemple:
Buckingham a démenti (Le lieu pour la personne)
Boire la mort (L’effet pour la cause)
Boire une bouteille (Le contenant pour le contenu)
Prenez votre Shakespeare (La cause pour l'effet)
Une robe est passée dans ma vie (L’objet pour son propriétaire)
1.5 - L’allégorie
L’allégorie permet de rendre concrètes des données
abstraites. L’allégorie comporte un second degré symbolique et elle
peut faire état d’une œuvre entière (ex : les fables de La fontaine)
Exemple :
Je veux peindre la France une mère affligée
Qui est, entre ses bras, de deux enfants chargée.
(Les tragiques, R. D’Aubigné)

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Cette allégorie fait l’objet de tout son poème.


1.6 - La synecdoque
La synecdoque consiste, elle aussi, à désigner un élément par un
autre mais il s’agit ici d’un seul type de relation : l’inclusion. On désigne
ici le tout par la partie afin de raccourcir un énoncé et d’en donner une
vision fragmentaire plus frappante.
Exemple
Je vous envoie un bouquet que ma main (→ pour le poète lui- même) vient
trier des ces fleurs épanouies.
(Continuation des amours, Ronsard)
1.7 - La périphrase
.La périphrase est une figure de style qui consiste à remplacer un mot
par sa définition ou par une expression plus longue, mais équivalente.
Autrement dit, elle consiste à dire par plusieurs mots ce que l'on pourrait
exprimer par un seul.
Exemple:
La ville Lumière (→ mis pour Paris)
Le petit écran (→ mis pour la télévision)
1-8 La Personnification
C’est un procédé consistant à faire d’un être inanimé ou d’une idée
abstraite un personnage réel, doué de vie et de sentiments. Elle crée
l’impression que les choses vivent et pensent, que les idées ont une
existence autonome, indépendamment des hommes.
Exemple : Mes rêveuses pensées pieds nus vont en soirée.
(Guillaume Apollinaire)

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

2. Les figures d'atténuation et d'insistance


2.1 L’euphémisme
L’euphémisme emploie des termes adoucis pour désigner une réalité
cruelle ; on le trouve souvent dans des textes ayant comme sujet la maladie
et la mort.
Exemple :
Las! Le temps, non, mais nous nous en allons
Et tôt serons étendus sous la lame
(Continuation des amours, Ronsard)
La brutalité de la mort est atténuée par l’emploi de nous nous en
allons et étendus.
2.2 - La litote
La litote consiste à dire moins pour faire entendre plus. Elle convient bien
aux dialogues pour lesquels le direct et la passion sont interdits.
Exemple :
Chimène dit à Rodrigue : Va! Je ne te hais point. - Pour exprimer
qu'elle l'aime passionnément
(Le Cid, Corneille)
2.3 - L’anaphore
Cette figure se caractérise par la répétition insistante du ou des mêmes
termes d’une phrase ou d’un segment de phrase. Cette répétition lancinante
crée un effet d’écho, d’obsession ou de persuasion.
Exemple
Plus que le marbre dur me plaît l’ardoise fine,
Plus que mon Loire gaulois que le Tibre latin,

100
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Plus mon petit Liré que le mont Palatin


(Les regrets, Du Bellay)
2.4 - Le parallélisme

Le parallélisme est une analogie de construction. La régularité du


rythme crée un balancement, un équilibre, qui met en valeur
l’idée contenue dans ces propositions.
Exemple :
Je meurs si je vous perds ; mais je meurs si j’attends.
(Andromaque, Racine)

2.5 - La gradation
Cette figure représente une succession de termes d’intensité, souvent
croissante. La gradation juxtapose ou coordonne des éléments
en progression ascendante ou descendante.
Exemple :
Tant de villes rasées, tant de nations exterminées, tant de millions
peuples passés au fil de l’épée
(Essais, Montaigne)
Va, cours, vole et nous venge.
(Le Cid, Corneille)
2.6 - L’accumulation
Figure de style qui se traduit par
une énumération d'éléments appartenant à une même catégorie (de même
nature, de même fonction grammaticales…) et qui crée un effet de
profusion.

101
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Exemple:
Quand on m'aura jeté, vieux flacon désolé,
Décrépit, poudreux, sale, abject, visqueux, fêlé…
(Charles Baudelaire)
2.7 - L’hyperbole

Cette figure de style est celle de l’exagération. L’hyperbole aboutit à


l’emploi d’un terme excessif, exagéré. Les amplifications de cette figure
visent à faire ressentir la grandeur, l’importance d’un énoncé.

Exemple :
- J’ai vu, dit-il, un chou plus grand qu’une maison.
- Et moi, dit l’autre, un pot aussi grand qu’une église.
(Fables, La Fontaine)
3. Les figures d'opposition
3.1 - L’antithèse

Les termes de l’antithèse expriment des réalités contraires. Elle


oppose deux termes afin d’en exprimer le caractère conflictuel, paradoxal,
voire monstrueux d’une situation. Le repérage de cette figure de style
permet de dégager des éléments de conflit, de contraction.
Exemple:
Le feu vous gèlera (Les tragiques, R. D’Aubigné)
La pluie nous sécha (Corps et biens, Robert Desnos)
3.2 - L’oxymore

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

L’oxymore associe deux termes de sens contraires dans le même


groupe de mots et crée une réalité inattendue, différente de la réalité
existante, qui attire l’attention et frappe la sensibilité.

Exemple :
Cette obscure clarté qui tombe des étoiles (Le Cid, Corneille)
Ces fous normaux (Des femmes qui tombent, Pierre Desproges)
3.3 - L’antiphrase
Procédé qui consiste à exprimer une idée par son contraire.
L’ironie repose souvent sur l’antiphrase.

Exemple:
« Tes résultats à l’examen sont vraiment exceptionnels ! » dans le sens de
« Tes résultats à l’examen sont vraiment catastrophiques. »

La musique des sonorités

1. Assonance :

Répétition d'un son voyelle à l'intérieur d'un vers.


Exemple avec répétition du son [ i ] :

Tout m'afflige et me nuit et conspire à me nuire.


(J.Racine)

2. Allitération :

Répétition d'un son consonne à l'intérieur d'un vers.


Exemple avec répétition du son [s] :

Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? (J.Racine)

103
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Les grands poètes aux XVIème et XVIIème


siècles

104
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Les grands poètes du XVIème et XVIIème siècles

(1) Jean de La Fontaine (1621-1695)

La Fontaine est aujourd’hui le plus connu des poètes français


du XVIIème siècle, et il fut en son temps, sinon le plus admiré, du moins le
plus lu, notamment grâce à ses Contes et à ses Fables. Styliste
éblouissant, il a porté la fable, un genre avant lui mineur, à un degré
d’accomplissement qui reste indépassable. Moraliste, et non pas
moralisateur, il pose un regard lucide sur les rapports de pouvoir et la
nature humaine, sans oublier de plaire pour instruire. Ses Fables
constituent la principale œuvre poétique de cette période classique, et l'un
des plus grands chefs-d'œuvre de la littérature française.

Il est né le 7 ou 8 juillet 1621 dans un milieu bourgeois de


province ; son père est conseiller du roi et maître des Eaux et Forêts ; sa
mère est veuve d'un premier mari, négociant à Coulommiers.

Il fait des études de rhétorique latine, puis entame des études de


droit, interrompues pour entrer à l'Oratoire, en vue d'une carrière
ecclésiastique. Après un an et demi, il retourne au droit.

Sa vocation poétique lui fut révélée la première fois par la


lecture de Malherbe, qu’il entendit lire à un officier en garnison à
Château-Thierry : il se passionna pour ce poète.

A cette lecture il joignit celle de Rabelais et de Marot ; puis un


de ses parents lui fit connaître quelques auteurs anciens, Térence, Horace,

105
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Quintilien, Plutarque et Platon ; ces deux derniers surtout étaient ses


auteurs favoris.

Il se marie à vingt-six ans avec Marie Héricart. Il fréquente les


milieux lettrés. En 1652, il achète une charge de maître des Eaux et
Forêts. Il publie, anonymement et sans grand succès, une
pièce, l'Eunuque (1654), inspirée de Térence.
Mêlé aux débats de l'époque, il se range dans le parti des Anciens
dans la fameuse Querelle des Anciens et des Modernes, polémique née à
l'Académie française et qui agite le monde littéraire et artistique de la fin
du XVIIe siècle.

Il obtient ses premiers succès avec deux longs poèmes, Adonis


(1658) et le Songe de Vaux (1659) composés pour son protecteur
Fouquet, puis compose un recueil de Contes et Nouvelles (1665).
Vers 1672 il rencontre les grands auteurs de l'époque : Molière, Racine,
Boileau.
Il rédige un livret d'opéra pour Lully (Daphné), fait paraître de
nouveaux Contes puis, en 1678, une nouvelle édition des Fables
largement augmentée. À l'Académie française où il est élu en 1684
malgré l'hostilité de Louis XIV, il lit son Discours à Mme de La Sablière,
forme de confession personnelle. Il écrit un nouvel opéra, l'Astrée.
À la mort de Mme de La Sablière en 1693, il se réfugie chez des
amis parisiens. Il rédige ses dernières fables (il en aura écrit 240 au total).
Il accepte de renier ses contes et décide de faire pénitence. Il meurt le
13 avril 1695. En 1817, son corps sera transporté au cimetière du Père-
Lachaise.

106
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

La poétique de La Fontaine est riche d’éléments baroques, et on a


pu parler à juste titre de son « maniérisme » et de l’influence de la
tradition de Marot. Mais elle ne renie pas pour autant les principes clefs
du classicisme : admiration des Anciens (il prend position en leur faveur
dans la Querelle, mais avec modération), souci de régularité et de
bienséance. Même dans les Contes, les sujets scabreux sont traités avec
humour : La Fontaine y peint moins les troubles du plaisir que
l’ingéniosité des amants pour berner la morale confite et ses
représentants.
Enfin, l’originalité du ton, de la « manière » fait l’unité
profonde de son œuvre. La Fontaine se livre à une série de variations
entre le style « soutenu » et le style « médiocre », dans la lignée de
l’écriture galante, telle que l’avaient illustrée Voiture et Sarasin, et
dont Pellisson s’était fait le théoricien. Mais, alors que celle-ci était
essentiellement un moyen de divertissement mondain, il lui fait subir une
métamorphose et en tire une langue en apparence naïve, familière et
transparente, en fait très calculée et savante. C’est l’art du « naturel » qui
s’incarne dans une écriture toute de retenue et de suggestion. Par là, dans
une génération où la poésie, après le purisme de Malherbe (qu’il admire)
et l’élégance de Voltaire (qu’il imite), était menacée de s’enfermer dans
trop de convention, de mièvrerie ou d’abstraction, La Fontaine lui apporte
une subtilité qui la revivifie.

(2) Pierre de Ronsard (1524-1585)

Ronsard est un des poètes français les plus importants


du XVIème siècle. « Prince des poètes et poète des princes », Pierre de

107
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Ronsard est une figure majeure de la littérature poétique de la


Renaissance.

Auteur d’une œuvre vaste qui, en plus de trente ans, s'est porté aussi
bien sur la poésie engagée et « officielle » dans le contexte des guerres de
religions avec Les Hymnes et les Discours (1555-1564), que sur l’épopée
avec La Franciade (1572) ou la poésie lyrique avec les recueils Les
Odes (1550-1552) et des Amours (Les Amours de Cassandre, 1552 ; Les
Amours de Marie, 1555 ; Sonnets pour Hélène, 1578).

Pierre de Ronsard naît le 1er septembre 1524 dans le château de la


Possonnière, près de Vendôme. Il est le fils de Louis de Ronsard et de
Jeannez Chaudrier. Son père a combattu sous Louis XII et François 1er,
notamment aux côtés de Bayard.

Ronsard entre au service de la cour royale en 1536 et devient le


page du troisième fils de François 1er, Charles d'Orléans. Il reçoit les
ordres mineurs de l'évêque du Mans en 1543, mais n'est pas ordonné
prêtre. Il est par la suite élève au collège de Coqueret, à Paris ou il a pour
maître Jean Dorat, un grand helléniste.

À 20 ans, en avril 1545, Ronsard rencontre, dans une fête à la


cour de Blois, Cassandre Salviati, âgée de 13 ans, fille d'un banquier
italien. Deux jours après, la cour quitte Blois : Il "n'eut moyen que de la
voir, de l'aimer et de la laisser au même instant". Ronsard ne cessera dans
ses œuvres de proclamer son amour platonique.

En 1547 Ronsard s'inscrit à l'Université et fait la connaissance


de Joachim du Bellay. Il décide de former avec d'autres jeunes poètes un

108
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

groupe qui prendra le nom de "Brigade" avant d'adopter quelques années


suivantes celui de " la Pléiade". Ce groupe souhaite définir de nouvelles
règles poétiques.

En 1549 Ronsard compose un recueil de sonnets « les Amours


de Cassandre », « l'Epithalame d'Antoine de Bourbon », « Janne de
Navarre » et « l'Hymne de France ». En avril , paraît sous la plume de du
Bellay, la célèbre Défense et illustration de la langue française qui
constitue le manifeste du groupe de la "Brigade". Ronsard publie ensuite
« Quatre premiers livres d'Odes » (1550), « Ode à la Paix » (1550), « Les
Amours » (1552), « Bocage » (1554). Il sera poète de Henri II en 1554
puis conseiller et aumônier du Roi.

En 1555 Ronsard s'éprend d'une "fleur angevine de quinze ans"


Marie Dupin. Cette jeune paysanne le fera renoncer aux tourments que lui
inspirait Cassandre. Pour elle, il composera "des poèmes simples et
clairs". Il publie « des Hymnes », « des Meslanges », et « de la
Continuation des Amours ».

A la suite de la mort du Roi Henri II, il devient archidiacre et


chanoine (1560). Il travaille à réunir ses écrits et publie ses œuvres en 4
volumes. Son rôle politique s’affirme encore. En 1562, devenu poète
officiel de la cour de Charles IX, Ronsard écrit un certain nombre de
discours sur les affaires du pays : « Discours sur les misères de ce temps
», « Remontrance au peuple de France », puis « Réponses aux injures et
calomnies des ministres de Genève » (1563), discours rédigé contre les
protestants genevois. Ronsard prend nettement parti pour le catholicisme.

109
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

En 1572 Ronsard écrit une grande épopée à la louange des


vertus françaises, la « Franciade» sur le modèle de l'Énéide, de Virgile.
Cette œuvre fut perçue comme un échec par Ronsard lui-même, qui n'en
publia que les quatre premiers livres. A la mort de Charles IX (1574),
Ronsard connaît la disgrâce.

A cinquante quatre ans, la reine Catherine de Médicis invite le


poète à consoler Hélène de Surgères, qui vient de perdre dans la guerre
civile , Jacques de La Rivière, dont elle était éprise. Ronsard publie :
Sonnets pour Hélène , dédiés à "cette beauté aussi remarquable par son
esprit que par sa vertu".

Sur la fin de sa vie, Ronsard cesse de publier de nouveaux textes.


Soucieux de sa gloire posthume, il se consacre à la préparation des
éditions de ses œuvres complètes. Il meurt le 27 décembre 1585.

(3) François Rabelais (1494-1553)

Écrivain et poète français

Rabelais est né près de Chinon, fils d'un avocat et propriétaire


terrien. Il entra comme novice dans un monastère franciscain avant de
devenir moine à Fontenay-le-Comte. Il apprit le grec et le latin, les
sciences, le droit et les lettres, se faisant connaître des humanistes de son
temps et correspondant avec Guillaume Budé. Il y demeura une quinzaine
d'années avant que, ses études humanistes ayant été mal vues des hautes
autorités de son ordre, il ne demandât à quitter les franciscains pour

110
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

rejoindre le monastère bénédictin de Maillezais au pape Clément VII en


1525.

La suite immédiate de sa vie est quelque peu obscure. On sait qu'il


devint prêtre séculier, puis on le retrouve en 1530 obtenant son
baccalauréat en médecine à l'université de Montpellier. En 1532, il
s'installe à Lyon pour pratiquer la médecine, mais également parce que la
ville était un centre intellectuel et culturel important. Il commence par y
éditer quelques œuvres en latin pour l'imprimeur Sébastien Gryphe. A
cette époque, une collection de petits livres très populaire circule à Lyon :
« Gargantua : Les grandes et inestimables cronicques du grand et énorme
géant Gargantua », récit des légendes du géant Gargantua.

Inspiré par le succès de ces livres, Rabelais écrit alors l'histoire du


fils de Gargantua, « Pantagruel » (1532), sous le pseudonyme
d'Alcofribas Nasier (anagramme de François Rabelais). Pantagruel est un
personnage médiéval que Rabelais transforma en géant. Immense succès
populaire, ce récit picaresque, tout en humour débridé et en imagination
libre est condamné par la Sorbonne. Rabelais est cependant protégé par le
futur Cardinal du Bellay, alors évêque de Paris, qui l'emmène à Rome en
tant que médecin personnel en 1534.

La même année, il écrit « Gargantua: La vie inestimable du grand


Gargantua, père de Pantagruel », toujours dans le même style d'écriture
riche mais licencieuse. Sous l'humour de ces deux volumes se cache une
œuvre gigantesque, à la démesure de ses personnages, pétrie de réflexions
sur l'éducation, la politique et la philosophie. Il publiera d'autres œuvres

111
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

par la suite, avec « Le tiers livre » (1546), « Le quart livre » qui sera
d'abord publié inachevé en 1548 puis dans sa version complète en 1552.
Enfin, un « Cinquième livre » apparaît en 1562 après la mort de l'auteur.
On peut être frappé par la différence de ton entre l'humour exubérant et
parfois vulgaire de « Pantagruel » et de « Gargantua » et l'humour sombre
et plus acerbe du « Tiers livre » et du « Quart livre ».
L'humour optimiste et plein d'espérance des deux premiers livres
semble céder la place à un humour noir plus critique et cynique. Une
lecture approfondie révèle toutefois que Rabelais n'a jamais perdu la foi en
la nature humaine. Malgré la folie guerrière qui s'était emparée de son
siècle entre catholiques et protestants, la pensée rabelaisienne garde l'espoir
d'une vraie charité chrétienne et de l'humanisme réel.

Par la suite, après avoir obtenu son doctorat en médecine de


l'université de Montpellier, il exerce un temps un peu partout en France,
entre au service de Guillaume du Bellay, frère de Jean et gouverneur du
Piémont, jusqu'à la mort de celui-ci en 1543. « Le tiers livre » est ensuite
publié en 1546 avec privilège du roi, privilège qui lui a été accordée en
1545 par François 1er et qui lui permet d'écrire librement pendant dix ans.
Malgré les condamnations de la Sorbonne, Rabelais était alors jusque là
protégé des persécutions.

La fin de règne de François 1er, qui avait été fatale à Etienne Dolet
et envoyé Clément Marot en exil se révéla plus dangereuse pour lui, à
point tel qu'il se retira en Lorraine en 1546 et 1547 pour pratiquer
uniquement la médecine. Après la mort de François 1er, le Cardinal Jean

112
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

du Bellay part à Rome et Rabelais l'y rejoignit. Avec le temps et l'aide de


ses puissants protecteurs, il put de nouveau revenir en France et se fit
nommer curé de Meudon en 1551 (sans devoir y séjourner à plein temps).
La publication de son « Le quart livre » fut naturellement censurée par la
Sorbonne et suspendue par le Parlement qui profite de l'absence du roi
Henri II de Paris, suspension qui sera rapidement levée ensuite. Rabelais
meurt à Paris en 1553.

Questions :
1- Parlez de Jean de La fontine et sa poésie ?
2- Parlez de Pierre de Ronsard et sa poésie ?
3- Parlez de François Rabelais et sa poésie ?

113
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Poèmes expliqués

114
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Poèmes expliqués

Ode à Cassandre

Mignonne, allons voir si la rose


Qui ce matin avait déclose
Sa robe de pourpre au soleil,
A point perdu cette vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vôtre pareil.

Las ! voyez comme en peu d’espace,


Mignonne, elle a dessus la place,
Las, las ses beautés laissé choir !
Ô vraiment marâtre Nature,
Puisqu’une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !

Donc, si vous me croyez, mignonne,


Tandis que votre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez votre jeunesse :
Comme à cette fleur, la vieillesse
Fera ternir votre beauté.

Ronsard (Odes, 1550)

Introduction

Ronsard a maintes fois traité du thème de la belle indifférente aux


transports amoureux du poète. Il en livre ici une version originale où le
vocabulaire amoureux rejoint les inquiétudes du poète. Organisé en trois
moments, le poème, du vers 1 à 6, offre une vision idyllique de la beauté,
pour, dans les 6 vers suivants, faire part d’une inquiétude. Enfin, les

115
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

douze derniers vers livrent une mise en garde. Dans ce mouvement de


progression en basculement, il serait donc intéressant de voir comment
Ronsard livre son instance amoureuse en étudiant, dans un premier temps,
la beauté de la femme lorsqu’elle est rapprochée de celle de la fleur, puis,
dans un deuxième temps, la stratégie amoureuse mise en place par le
poète.

« A sa maîtresse » parut en 1553 dans Les Amours de Cassandre.


Ronsard, qui avait alors vingt-neuf ans, a écrit ce poème pour la fille d’un
seigneur italien, Cassandre Salviati, âgée de vingt-deux ans. Ce poème est
une petite ode, qui comprend trois strophes composées de six
octosyllabes. Chaque strophe comporte une rime plate, suivie d’une rime
embrassée. Dans ce poème construit sur un mode dramatique, le poète
illustre une gracieuse et poétique leçon : conscient de la fuite irrévocable
du temps, il s’efforce de faire partager ce sentiment à Cassandre et ainsi
de la persuader de partager son amour.

La première strophe de ce poème se présente comme une invitation ;


remarquons que le poète invite Cassandre à aller voir avec lui si la rose
est morte, ou plutôt si elle n’est point morte, si elle n’a point perdu ses
pétales. Ici, le poète décrit la rose en des termes appliqués d’habitude aux
« vêtements » d’une femme.

Avec le « Las! » qui commence la deuxième strophe s’annonce un


mouvement exclamatif de surprise ; avec Cassandre devant le spectacle
désastreux de la rose morte, le poète abandonne le ton de l’invitation et

116
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

parle maintenant à l’impératif, prenant le rôle du maître qui interprètera


une vérité pénible pour Cassandre.

Dans la dernière strophe, le poète compare la jeunesse de la femme


en des termes appliqués d’habitude à une fleur - un renversement de la
première strophe où il avait associé la beauté de la rose à celle de
Cassandre. La dernière strophe du poème peut être sentie comme une
supplication insistante : le poète-maître tire la leçon, la morale du
spectacle auquel il vient d’assister avec Cassandre. Dans cette dernière
strophe, le poète exprime le thème de Carpe diem : il faut saisir le jour
présent et profiter du plaisir qui passe.
I. La beauté et la femme

Construit autour d’une rose dont il s’agit de détailler les atouts, le


poème propose une métaphore filée de la femme.

A) Métaphore de la fleur

Sous le prétexte d’admirer cette rose, le poète construit en effet


une métaphore autour de la femme. Celle-ci n’est désignée que par le titre
« mignonne » (v. 1, v. 13), les pronoms personnels des 12 premiers vers
renvoyant eux à la rose.

La mention de la « robe » (v. 3), reprise par le détail des « plis de


sa robe » (v. 5), renvoie aux parures de la femme.

De même, le choix du terme « teint » (v. 6) désigne explicitement


une femme puisqu’il s’agit d’une particularité humaine. Cette mise en

117
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

parallèle se marque également par le déterminant possessif « votre » et la


structure comparative « au votre pareil ».

La personnification de la fleur « elle a dessus la place » (v. 8),


« ses beautés laissé choir » (v. 9), donne à la fleur des attitudes humaines,
favorisant le rapprochement entre la femme et la fleur.

Son mode d’apparition « ce matin avait déclose » (v. 2), « … une


telle fleur ne dure / Que du matin jusques au soir » (v. 11) est relevé et
rappelle l’apparition magnifique (ou ensorcelante) d’une femme qui,
ensuite, disparaît.

Sans doute parce qu’il est plus courtois de célébrer la beauté d’une
rose que celle d’une femme, le poète entreprend donc une métaphore filée
des beautés de l’une pour magnifier l’autre. La rose, en effet, semble
parée de tous ces atouts attendus et relevés chez une femme.

B) Description de la rose

Le poème insiste ainsi sur les qualités remarquables de cette fleur.

La rose est tout d’abord assimilée à une beauté naturelle (mention


du « soleil » v. 3, pas d’artifice)

Sa couleur ensuite, d’un rouge sombre, « pourpre » (v. 3), adjectif


repris sous forme adjectivée au v. 5, indique une tonalité chatoyante et
majestueuse. Cet assombrissement de l’habit permet également un
contraste avec le « teint » (v. 6).

118
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

La beauté de ses atouts en rappel, lorsqu’il s’agit de décrire la


couleur de la « robe » qui éclate à la lumière, « sa robe de pourpre au
soleil » (v. 3), en une sorte de duel visuel. Se forme ici comme l’idée
d’une bravade aussi puisque le poème insiste à nouveau sur la couleur de
la rose, non sur celle du soleil.

La grâce des mouvements est également suggérée par la mention


du « [pli] » (v. 5) des vêtements. Rappelons qu’un pli se forme aux
mouvements du corps et qu’il s’agit ici de désigner celui de la femme qui
bouge, en une composante érotique discrète.

La mention des « vesprées » (v. 4), enfin, marquant le jour


déclinant, semble, par opposition, indiquer les atouts revêtus pour un soir,
une parure destinée à charmer par son éclat.
Si dans un premier temps le poète a choisi d’honorer la femme par
l’intermédiaire de la fleur, il insiste également sur un avenir moins
prometteur.

C) Beauté et menace du temps

La personnification de la fleur se voile ainsi d’une double menace,


avec l’idée d’un renouvellement, floral et naturel, mais qui renvoie aussi à
celui de la femme, dont la beauté sera éclipsée par celle d’une autre :
« dessus la place » (v. 8).

Vient ensuite l’idée de la disparition, « ses beautés laissé choir »


(v. 9), par une structure verbale « laissé choir », où le verbe à connotation
négative placé en finale prend poids et importance. La fin du vers se

119
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

termine par la fin de la rose, par mimétisme entre poème et évocation,


accentuant cette donnée qui gagne en pouvoir de suggestion.

Pour évoquer la dégradation de la beauté, le poème ne reprend pas


les composants des premiers vers (atouts, couleurs) mais énonce
simplement la réalité implacable de la fin, insistant sur la progression
inexorable de l’outrage par un rythme régulier qui figure celui d’une
montre « Puisqu’une telle fleur (…) jusques au soir ! » (v. 12).

Cette fleur métaphore de la femme en reprend toutes les qualités


remarquables qui peuvent attiser la convoitise du poète. Beauté, élégance,
accord des couleurs, la fleur ressemble à la femme jusque dans sa tragique
destinée, la mort de sa beauté. Face à la menace, le poète offre une
invitation amoureuse tout autant que stratégique.
II la stratégie amoureuse

Cette invitation amoureuse se construit sous une thématique simple


mais dans une relative complexité stratégique. Évoquant la dégradation à
venir, le poète y oppose en effet une invitation simple : profiter de
l’instant présent.

A) Invitation au Carpe Diem

Cette invitation au Carpe Diem est annoncée sous le double champ


lexical de la nature et du temps. Le champ lexical de la nature, avec
l’adjectif « verte », tonalité du feuillage, est ici associée, par redondance
presque, à la « nouveauté » (le feuillage nouveau est en général vert).

120
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

La beauté fugace de la fleur, et par conséquent de la femme,


implique de profiter du moment présent, de « cueillir le jour ». Le
positionnement en fin de vers des termes « jeunesse » et « vieillesse »
marque ainsi une opposition structurale et imagée, balançant entre les
deux antithèses de l’existence humaine.

S’il reprend le Carpe Diem, le poète l’incline vers une version plus
personnelle, teintée de mélancolie « las » (v. 7). Le choix d’une
personnification de la « Nature » (v. 10), s’il marque aussi une pratique
d’époque, évoque une communion entre les éléments et l’homme. Cette
nature, s’il fallait la suivre aveuglement, serait celle de l’amour.

Cueillir le jour, cueillir la fleur, le poème joue du double emploi du


verbe pour marquer le parallèle de sa démonstration. Il se présente ainsi
comme un stratège qui construit son discours amoureux.

B) La construction du discours stratégique

Un changement progressif d’énonciation entoure en effet le message


du poète. Si les deux entités sont confondues grâce à la métaphore, le
poème glisse doucement vers une adresse directe à la femme.

Un changement d’énonciation brouillé avec « Mignonne » du vers


8 qui peut tout à la fois renvoyer à la rose ou bien à la femme.

l’impératif « voyez » (v. 7), s’il indique que la destruction vise la


fleur, s’adresse en réalité à la femme.

121
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

« ses beautés laissé choir » (v. 9), semble signifier que la fleur elle-
même abandonne la lutte

La répétition des impératifs « Cueillez » (v. 16) martèle un


message que le poète se charge de relayer. Le changement d’énonciation
est en effet marqué avec une adresse directe à la femme. La mention de
son « âge » (v. 14), donc une composante humaine, nous renvoie, par
inversion grâce au terme « fleuronne » (v. 14), à la fleur devenue
secondaire. Ce n’est plus la fleur qui désigne la femme mais la femme qui
peut se comparer à la fleur. Le dernier mot « beauté » (v. 18), ne renvoie
plus à celle de la rose mais bien à la femme qui semble reprendre ici le
premier rôle, un temps caché derrière la métaphore filée. Le terme
« fleuronne », donc, perpétue cette métaphore mais la modifie.

Il s’agit ainsi pour le poète de, non seulement amener la femme à se


retrouver dans cette image de rose, mais également de lui permettre
d’assimiler le destin de la fleur au sien propre. En se retournant à nouveau
vers la femme pour lui adresser ses vers, le poète la place, en quelque
sorte, comme sujet agissant libre de choisir. En toute connaissance de
cause. Mais son implication dans le poème brouille quelque peu le
discours.

C) l’implication du poète

La présence du narrateur apparaît en effet dans le poème au-delà du


message amoureux

122
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Le poète tente de convaincre la femme en s’impliquant comme


énonciateur et comme acteur. Les deux points d’exclamation (v. 9 et 12)
ainsi, appuient la démonstration mais indiquent également la présence du
narrateur, impliqué dans le poème comme devrait l’être la femme.

Cette destruction de la beauté, le poème nous l’annonce, est due à


la cruauté d’un temps, d’une « marâtre Nature » (v. 10), personnification
d’une figure qui décide en lieu et place des intéressés. L’implication du
poète se retrouve cependant par l’utilisation d’un adjectif dépréciatif,
« marâtre » permettant de visualiser le poète, la rose, la femme,
impuissants devant le destin qui leur est réservé.

Le poète apparaît comme un homme sage qui donne des conseils à


propos d’un destin dont il semble connaître d’avance le déroulement.
L’usage de l’impératif, « voyez » (v. 7) donne ainsi l’impression d’un
homme qui se contente de faire constater ce qu’il annonçait. Le second
impératif, au vers 13, « Donc, si vous me croyez », par la présence en
début de vers d’une coordination de subordination « donc », implique une
relation logique : si le discours a été entendu, la réponse sera sans
équivoque. Enfin, « cueillez », au v. 16, en valeur de conseil, se joue sur
le mode de la répétition et de l’art de convaincre.

En se présentant comme l’homme d’expérience à qui la femme


aimée doit faire confiance, le poète construit son discours comme son
personnage. Il joue en effet des deux niveaux d’énonciation, destinataire
et émetteur, et permet un échange qui n’est somme toute que stratégique.
S’il reprend une philosophie du bonheur présent, ce n’est, de même, que

123
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

pour la détourner vers ses intérêts propres. Il s’assure, en fait, une autorité
dont la finalité n’est pas vraiment de mettre en garde, mais de séduire.

Conclusion

Le poète parvient habilement à traiter un thème d’époque,


réactualisé par la composante amoureuse. La force du poème réside dans
sa capacité à prévenir du destin, à proposer une solution mais aussi à
construire un discours qui, parce qu’il est amoureux, ne devrait pas
s’embarrasser de réflexion. Dans une perspective plus large, il est possible
de lier la condition de la rose à celle de l’homme, l’inscription du poème
et de la description comme trace mémorielle s’y opposant. Le poème, la
maîtrise du style lui permettent aussi d’espérer l’immortalité. Cette joie
que la belle lui refuse, la poésie peut la lui offrir.

Je vous envoye un bouquet que ma main

Je vous envoye un bouquet que ma main


Vient de trier de ces fleurs épanies,
Qui ne les eust à ce vespre cuillies,
Cheutes à terre elles fussent demain.

Cela vous soit un exemple certain


Que vos beautés, bien qu'elles soient fleuries,
En peu de tems cherront toutes flétries,
Et comme fleurs, periront tout soudain.

124
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Le tems s'en va, le tems s'en va, ma Dame,


Las ! le tems non, mais nous nous en allons,
Et tost serons estendus sous la lame :

Et des amours desquelles nous parlons,


Quand serons morts, n'en sera plus nouvelle :
Pour-ce aimés moy, ce-pendant qu'estes belle.
Pierre de RONSARD (1524-1585) Recueil : Second livre des Amours

Situer le texte:

GENRE : Sonnet = forme fixe inspirée de Pétrarque (poète italien


du 14e siècle).

POÈTE : Ronsard (1524-1585), chef de file de la Pléiade, un des


poètes français les plus importants du XVIème siècle. « Prince des poètes
et poète des princes », il est une figure majeure de la littérature poétique
de la Renaissance.

Il participe avec Du Bellay à la rédaction de Défense et Illustration


de la Langue Française. Poète de cour, humaniste. Les quatre premiers
livres d’Odes de Ronsard reçoivent un accueil médiocre. Il composera
ensuite des recueils de poèmes d’amour à la manière de PETRARQUE
(Les Amours de Cassandre 1552) qui lui assureront le succès. Puis il
rédigera plusieurs autres recueils de sonnets, en particulier les Sonnets
pour Hélène (publiés en 1578).

125
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Ronsard envoie ici un poème de 14 décasyllabes pour accompagner


un bouquet de fleurs. Il associe à la beauté des fleurs l'hommage
amoureux, mais aussi la conviction de la brièveté de la vie.

THEME : La fuite du temps, l’amour de la nature, « Carpe Diem »

Structure du poème

Vers 1 à 4 : Envoi du bouquet et assimilation de la femme aux


fleurs.

Vers 5 à 13 : La vision de la mort par anticipation.


Dernier vers : L’invite au Carpe Diem. On pourra analyser
successivement :

I. L’envoi du bouquet et assimilation de la femme aux fleurs


II. La vision de la mort par anticipation
III. L’invite au Carpe Diem

I. Envoi du Bouquet et Assimilation de la femme aux fleurs

Vers 1 :

Dès le premier « je vous », le poète et la femme qu’il aime se trouvent


en scène.

-Le présent du verbe « envoie » actualise le geste.


-Le mot « bouquet » est mis en valeur car il est séparé, isolé au centre du
vers.

126
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Vers 2 :

-Le verbe « trier » suppose un choix, ce qui renforce l’attention déjà


présente dans « que ma main ».
-« épanies » signifie que les fleurs sont au summum de leur et suggère
en même temps la proximité du déclin qui suivra cet épanouissement.

Vers 3 :

-« Qui ne les eût à ce vêpre cueillies » veut dire « si on ne les eût


cueillies ce soir ».

-Le thème du déclin envahit à présent le texte, le mot « vêpre » est


mis en relief par le rejet du participe passé « cueillies » en fin de vers.

Vers 4 :

-Ce dernier vers crée, avec l’assonance en « u » une impression


mélancolique. Au début de ce vers 4, le détachement du participe passé
« chutes » qui devance l’auxiliaire « fussent » produit un effet
d’accélération. Cet ordre particulier des mots met l’accent sur la chute, la
mort des fleurs. Notons enfin les sons « ch » et « f » qui font entendre un
chuchotement ici.

II. La Vision de la Mort par anticipation

Vers 5 :

-Au tableau des fleurs (1er quatrain) succède la leçon. Le subjonctif


« vous soit » a à la fois une valeur d’ordre et de souhait et l’adjectif

127
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

« certain » apparaît menaçant : l’adresse à la femme se fait insistante. Le


pronom vous est repris par « vos beautés » au vers 6 comme pour
expliciter la comparaison avec les fleurs.

Vers 6 :

-Le participe « fleuries » fait écho à « fleurs » et Ronsard renforce


encore cet effet en comparant à nouveau avec « comme » les beautés aux
fleurs (« Et, comme fleurs », v.8).

-Nous observons également que les deux participes passés


« fleuries » et « flétries » (v.6-7) riment ensemble comme pour souligner
la proximité qu’il y a de l’épanouissement à la mort.

Vers 7 :

-Le verbe « cherront » (v.7) reprend « chute » (v.4) martelant l’idée


de la mort.

Vers 8 :

-L’adjectif « toutes » et l’adverbe « tout » avant " soudain » (v.8)


intensifient l’imminence du déclin.

-La virgule marque l’arrêt brutal de cet épanouissement voué à la


mort. Le sens symbolique de cet envoi de fleurs se trouve donc expliqué
ici.

-Ronsard veut rappeler à la femme qu’il aime la fuite du temps, le


passage de l’épanouissement à la mort certaine « périront » (v.8).

128
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Vers 9 :

-L’expression « le temps s’en va » toute constituée de monosyllabes


et répétée dans ce même vers a pour effet d’accélérer le rythme. Le temps
du présent fait de ce constat à la fois une réalité vécue et une vérité
générale.

Vers 10 :

-Ce vers rectifie le premier pour substituer à l’expression banale « le


temps s’en va » l’image plus originale de notre passage.
-Les liquides « Las », « le », « allons » donnent l’impression d’un
écoulement irréversible.

-L’utilisation du pronom « nous » réunit les amants mais il étend de plus


leur cas particulier à l’humanité en général.

Vers 11 :

-L’évocation de la mort est très réaliste. L’adverbe « tôt » fait écho à


« tout soudain » et souligne l’urgence de la situation.

Vers 12 :

-Cette dernière strophe fait retour au présent ; en même temps, la


conjonction de coordination « et » assure la liaison des deux tercets.

-De nouveau, Ronsard adopte le ton de la confidence pour évoquer le


plaisir de la conversation à deux.

129
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

-Le mot « amour » prend le genre féminin au pluriel qui a ici une
valeur d’amplification.

Vers 13 :

-Il pourrait être traduit par : Quand nous serons morts, on n’entendra
plus parler de nous.

-Ronsard revient avec le futur à l’idée de la mort qui efface tout.


L’idée est originale chez Ronsard qui souvent insiste sur la pérennité que
sa poésie donne à l’amour.

-Soulignons que le mot « mort » a été longuement préparé : « chutes


à terre » (v.4), « cherront » (v.7), « périront » (v.8), « sous la lame »
(v.11). Le cheminement exprimé dans « nous nous en allons » (v.10) a
maintenant trouvé son terme.

III. L’Invite au Carpe Diem

Vers 14 :

-C’est l’invite au carpe diem. Ronsard revient à la vie et au présent.


Le raisonnement de Ronsard s’achève ainsi dans sa logique ; « pour »
signifiant c’est pourquoi.

-La demande d’amour se double d’un conseil d’épicurisme lui-


même teinté du sentiment de la précarité de l’existence, de la beauté en
particulier, ici marquée par « cependant que ».

Conclusion:

130
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

La hantise toute ronsardienne du temps qui passe donne à ce poème


dont le thème n’est pas nouveau un caractère authentique de part sa
simplicité et son émotion. Ronsard cherche à séduire Marie en lui faisant
lucidement partager son angoisse. Le poème prend une profondeur
nouvelle quand on songe que Marie mourra jeune.

Le Corbeau et le Renard
Jean de la Fontaine
Introduction

Sous le règne de Louis XIV, les écrivains dépendent du mécénat et du


pouvoir royal, ils n'avaient pas de liberté pour critiquer directement les
membres de la royauté ou du clergé. Jean de La Fontaine, avec les fables,
réalise un équilibre entre les exigences classiques et la critique, qui est
implicite dans ses fables grâce notamment au recours aux animaux.

En 1668, Jean de La Fontaine fait paraître le premier recueil de ses


Fables, duquel est extrait Le Corbeau et le Renard. Cette fable est l'une
des plus connues de La Fontaine.
La fable est un genre très ancien. La Fontaine renouvelle le genre au
XVIIème siècle en s'inspirant du grec Ésope, né vers 620 avant J-C. Le
Corbeau et le Renard est d'ailleurs tiré d'une fable d'Ésope.

La fable:

Le Corbeau et le Renard

131
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Maître Corbeau, sur un arbre perché,


Tenait en son bec un fromage.
Maître Renard, par l'odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage :
« Hé ! bonjour, Monsieur du Corbeau.
Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !
Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois. »
A ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie ;
Et pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
Le Renard s'en saisit, et dit : « Mon bon Monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l'écoute :
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute. »
Le Corbeau, honteux et confus,
Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.
Jean de la Fontaine - Les Fables

Vocabulaire:
Ramage : Chant des petits oiseaux
Phénix : ici, oiseau fabuleux, et personne supérieure aux autres
Vit aux dépens : vit aux frais de quelqu'un, au détriment de quelqu'un.

132
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Annonce des axes

I. Une fable plaisante


1. Les caractéristiques de la fable
2. La personnification des animaux
3. Un récit plaisant
II. Deux personnages mis en scène au service de la morale

1. Parallélisme dans la présentation des personnages


2. Le corbeau et le renard : deux personnages différents
3. L'éloquence du renard
4. La morale
Commentaire littéraire

I. Une fable plaisante

1. Les caractéristiques de la fable

- Ce texte a les caractéristiques d'une fable : récit bref qui met souvent en
scène des animaux, auxquels on prête les qualités et les défauts des
hommes.
- Animaux = allégorie des caractères humains.
- L'histoire est simple.
- Il y a une morale.
2. La personnification des animaux

- Bien qu'ayant des attributs d'animaux (noms, "ramage", plumage"), les


animaux sont personnifiés.

133
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

- Les animaux sont appelés "Maître", "Monsieur", "Mon bon Monsieur".


- Les animaux parlent.
- Le corbeau possède un fromage que le renard convoite, pourtant ces
animaux ne sont pas des mangeurs de fromage, au contraire de l'homme -
> les animaux représentent des humains.
- Le corbeau a des émotions explicites "honteux et confus".
- Les animaux ont des défauts bien humains : le corbeau est vaniteux, le
renard est flatteur.
3. Un récit plaisant

- Musicalité : parallélisme de construction des vers 1-2 et 3-4.


- Le dialogue prend une grande place dans cette fable, ce qui la rend
vivante et plaisante.
- Le discours du renard est rythmé : apostrophe au corbeau "Hé !",
phrases courtes et exclamatives.
- Ton ironique envers le corbeau : "ne se sent pas de joie" -> humour.
- Corbeau tourné en dérision "Jura, mais un peu tard" -> humour.
- Ironie dans les paroles du renard "Sans mentir", alors qu'il est justement
en train de mentir.

II. Deux personnages mis en scène au service de la morale

1. Parallélisme dans la présentation des personnages

- Les deux animaux sont appelés "Maître" (vers 1 et vers 3). Le corbeau
est au début "Maître" (vers 1) de la situation, mais dès que le renard entre
en scène c'est bien lui qui va devenir "Maître" (vers 3) de la situation.

134
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

- Utilisation de majuscules pour le nom des animaux -> sont plus que des
animaux.
- Parallélisme de construction des vers 1-2 et 3-4 qui présentent le
corbeau et le renard.
- Le verbe tenir est utilisé pour les 2 personnages, l'un pour le fromage,
l'autre pour le langage.
2. Le corbeau et le renard : deux personnages différents

- Le corbeau, perché et possédant un fromage, semble en meilleure


position que le renard.
- Ces animaux représentent différentes catégories sociales :
* corbeau : position dominante + possession d'un bien -> noblesse
* renard : position inférieur + pas de possession -> peuple
- Le corbeau est vaniteux puisqu'il veut montrer au renard à quel point il a
un beau "ramage". Le renard est menteur.
3. L'éloquence du renard
- Le renard est un bon orateur qui va obtenir ce qu'il veut uniquement
grâce à la parole.
- Eloquence du renard : utilisation de métaphores "Vous êtes le Phénix",
vocabulaire soutenu. Alternance entre octosyllabe et alexandrin.
- Le renard parle avec alors que le corbeau est réduit au silence dans cette
fable.
- Ici, le renard tente de persuader (faire appel aux sentiments) plutôt
qu'à convaincre (faire appel à la raison). Il aurait d'ailleurs bien du mal à
convaincre le corbeau de lui donner son fromage.
- Pourtant à bien y regarder, les compliments du renard peuvent sembler

135
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

creux : "beau" n'est qu'une rime avec "corbeau". "si votre ramage / Se
rapporte à votre plumage" -> le plumage du corbeau est noir uniforme, et
n'est donc pas spécialement beau.
Chercher à persuader autrui en flattant ses passions, en l'occurrence la
vanité, relève de la sophistique.
Contemporains de Platon et de Socrate (IVème siècle av. J.-C.), les
sophistes apprenaient aux jeunes gens, au sein d'une civilisation dominée
par le discours, à bien parler, à convaincre, à persuader, alors que les
"philosophes", comme Socrate, Aristote ou Platon cherchaient avant tout
la vérité et la sagesse. Les Sophistes se faisaient en outre payer leurs
leçons, exactement comme le fait le renard ("Cette leçon vaut bien un
fromage, sans doute.").
4. La morale
- La morale est énoncée par le renard lui-même, à celui qu'il a dupé. Cela
la rend encore plus cruelle envers le dupé. Cela est encore un trait
d'humour dans cette fable.
- Utilisation du présent de vérité générale.
- Fierté du renard qui a réussi, alors que le corbeau est "honteux et
confus".
- Le renard raille le dupe corbeau "Mon bon Monsieur" -> ironie du
renard.
- "Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute." -> la morale aura coûté
le fromage au corbeau. Le "sans doute" est ironique de la part du renard
qui sait bien que l'échange n'était pas honnête et que le corbeau s'est fait
avoir.

136
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

- La réaction de la victime, le corbeau, est le dénouement de la fable.


Le Corbeau "jura […] qu'on ne l'y prendrait plus", pourtant il renouvelle
son erreur dans la fable Le Corbeau voulant imiter l'Aigle, où le corbeau
perd sa liberté.
Dans cette fable, le voleur et menteur est le renard, mais c'est bien le
corbeau, vaniteux, qui est raillé et le renard qui sort victorieux. Ainsi, La
Fontaine montre que la supériorité sociale ne fait pas tout, et critique la
vanité humaine.
Conclusion
À l'époque de Louis XIV où la flatterie était un art, dans sa fable, Le
Corbeau et le Renard, La Fontaine critique celui qui accepte ces
flatteries. La Fontaine critique ainsi la vanité humaine.
La Fontaine démontre également la force de la parole et de l'écriture,
puisque le renard a obtenu ce qu'il voulait uniquement par la parole, et
sans aucune violence physique.

D'autres fables de Jean de La Fontaine dénoncent la vanité, par


exemple La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf.

La Mort et le Bûcheron
Jean de la Fontaine
Introduction

Le XVIIème siècle s'intéresse à la morale, ainsi qu'à l'esprit critique.


Dans la fable, La Mort et le Bûcheron La Fontaine nous présente le
dernier étage de la société : le bûcheron. Il nous présente tout d'abord sa
vie (le corps), et en tire une morale philosophique (l'esprit).

137
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

La fable: La Mort et le Bûcheron:

La Mort et le Bûcheron
1. Un pauvre Bûcheron tout couvert de ramée,
2. Sous le faix du fagot aussi bien que des ans
3. Gémissant et courbé marchait à pas pesants,
4. Et tâchait de gagner sa chaumine enfumée.
5. Enfin, n'en pouvant plus d'effort et de douleur,
6. Il met bas son fagot, il songe à son malheur.
7. Quel plaisir a-t-il eu depuis qu'il est au monde ?
8. En est-il un plus pauvre en la machine ronde ?
9. Point de pain quelquefois, et jamais de repos.
10. Sa femme, ses enfants, les soldats, les impôts,
11. Le créancier, et la corvée
12. Lui font d'un malheureux la peinture achevée.
13. Il appelle la mort, elle vient sans tarder,
14. Lui demande ce qu'il faut faire
15. C'est, dit-il, afin de m'aider
16. A recharger ce bois ; tu ne tarderas guère.
17. Le trépas vient tout guérir ;
18. Mais ne bougeons d'où nous sommes.
19. Plutôt souffrir que mourir,
20. C'est la devise des hommes.

Jean de la Fontaine - Les Fables

Annonce de l'analyse linéaire

138
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

I - Le pauvre bûcheron

II - Les pensées du bûcheron

III - Le bûcheron face à la Mort

IV - La moralité de la fable

Analyse linéaire

I - Le pauvre bûcheron (vers 1 à 6)

- Portrait du bûcheron : c'est un pauvre homme (affectif / financier). On ne


voit d'abord que son fagot ("la ramée" ; son humanité semble écrasée sous
ces branchages), et on comprend vite que c'est un vieillard ("aussi bien que
des ans") qui ne peut se permettre d'arrêter son travail.
- "Gémissant et courbé" nous renseigne sur son état physique et
psychologique.
- Rythme monotone, mais très régulier => il marche "à pas pesants",
péniblement.
- Assonances avec des nasales : [an] => "ans", "gémissant", "pesants"...
- Il "tâchait de gagner" => il a du mal.
- "Chaumine" => pauvreté, habitation rudimentaire.
- Fin des 4 premiers vers : "ramée" => sa tâche "ans" => son âge
"pesants" => souffrance
"enfumée" => misère.
- "Enfin" => conséquence logique : il pose son fagot, fatigué, souffrant ; il
cède à l'épuisement.
- "Son malheur" -> le mot est enfin lâché, il reconnaît lui-même son grand

139
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

désespoir.
II - Les pensées du bûcheron (vers 7 à 12)
- Style indirect libre pour nous décrire l'évolution de sa vie :
- il n'a jamais pris de plaisir => l'épuisement lui fait oublier les joies qu'il a
pu connaître dans sa vie
- il n'y a pas plus pauvre que lui => pas de pain, pas de repos (chiasme au
vers 9). "La machine ronde" => expression populaire, dénuée de
philosophie.
- Sa famille est une charge, il ne peut la nourrir convenablement => cela
fait partie de son malheur (à la différence d'autres personnes qui voient la
famille comme quelque chose d'agréable), de même que les soldats qui
dorment chez lui car il ne peut pas payer ses impôts.
- Au vers 10 et 11, l'accumulation représente autant de coups assénés sur le
pauvre homme.
- Vers 11 en octosyllabe (4/4) => point culminant de ses malheurs : le
créancier et la corvée.
=> Il est le modèle parfait du malheureux.
III - Le bûcheron face à la Mort (vers 13 à 16)
- Il appelle donc la Mort (ici la mort est considérée comme une divinité,
donc le mot prend une majuscule), qui arrive très vite lorsqu'on la réclame.
- Elle lui demande ce qu'il "faut faire" (comment il veut mourir).
- Suspens avec l'enjambement vers 15/16, mais aussi avec le "dit-il".
- Réponse surprenante : il veut qu'elle l'aide à ramasser son fagot (aurait-il
peur d'elle lorsqu'il se trouve face à elle, et aurait-il fait marche arrière ?).
Manque de sang-froid face à la Mort, et le motif de sa venue va donc être le

140
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

fagot qui traîne par terre !


- "Tu ne tarderas guère" => il a hâte de la voir disparaître à présent.
IV - La moralité de la fable (vers 17 à 20)
- Morale : les hommes préfèrent la souffrance à la mort, car ils en ont peur,
et c'est ce que La Fontaine méprise dans la nature humaine. La mort est une
guérison, mais les hommes sont lâches.
- La morale est détachée du reste de la fable : elle est en heptasyllabes.
Conclusion
La Fontaine, à travers la fable La Mort et le Bûcheron, laisse deviner sa
sympathie pour ce pauvre bûcheron et souhaite susciter la pitié chez le
lecteur. Cependant, l'auteur nous laisse aussi comprendre son mépris pour
la lâcheté de la nature humaine.
Remarques complémentaires :
- Pas d'animaux dans cette fable, pour une fois.
- La fable semble être à la limite de la prose :
- les mots sont simples (sauf dans la morale => "trépas", "souffrir",
"mourir"...)
- mélange des rimes => vers 1 à 4 : embrassées ; 5 à 8 : plates ; 13 à 16 :
croisées.
Le vieux chat et la jeune souris

Une jeune Souris, de peu d’expérience,


Crut fléchir un vieux Chat, implorant sa clémence,
Et payant de raisons le Raminagrobis :
« Laissez-moi vivre : une souris
De ma taille et de ma dépense

141
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Est-elle à charge en ce logis ?


Affamerais-je, à votre avis,
L’hôte et l’hôtesse, et tout leur monde ?
D’un grain de blé je me nourris :
Une noix me rend toute ronde.
À présent je suis maigre ; attendez quelque temps :
Réservez ce repas à messieurs vos enfants. »
Ainsi parlait au Chat la Souris attrapée.
L’autre lui dit : « Tu t’es trompée :
Est-ce à moi que l’on tient de semblables discours ?
Tu gagnerais autant de parler à des sourds.
Chat, et vieux, pardonner ? cela n’arrive guères.
Selon ces lois, descends là-bas,
Meurs, et va-t’en, tout de ce pas,
Haranguer les soeurs filandières :
Mes enfants trouveront assez d’autres repas. »
Il tint parole. Et pour ma fable
Voici le sens moral qui peut y convenir :
La jeunesse se flatte, et croit tout obtenir :
La vieillesse est impitoyable.

Fable n° 5 - Livre XII


« Le vieux chat et la jeune souris » a été écrite par le fabuliste Jean
de la Fontaine, qui appartient au mouvement du classicisme. Le
classicisme est un mouvement littéraire qui consiste à reprendre et
actualiser des œuvres littéraires datant de plusieurs siècles. « Plaire et

142
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

instruire », telle est la doctrine d'une fable, à laquelle Jean de la Fontaine


répond parfaitement, en utilisant des personnages merveilleux, et parfois
des procédés de comique dans le but de « plaire », et toujours une morale
dénonciatrice pour « instruire ». Le fabuliste critique énormément la
société de son époque par le biais de ses fables qui, pour la plupart,
mettent en scène des animaux reflétant les travers de la cour du roi.

« Le vieux chat et la jeune souris » présente une scène où un chat


veut manger une jeune souris. La souris va donc essayer d'argumenter, en
espérant naïvement que le chat la relâche. Mais ses paroles n'auront aucun
effet face à l'insensibilité du chat.

Dans la « Préface aux fables choisies », Jean de la Fontaine déclare


que ses fables sont « un tableau où chacun de nous se trouve dépeint ».
On voit en effet dans cette fable que les animaux représentent deux
opposés : la jeunesse et la vieillesse, l'expérience et l'inexpérience. Nous
allons donc nous demander en quoi cette fable est-elle à la fois comique et
dénonciatrice.
Dans un premier temps, nous étudierons le côté humoristique de cette
fable, avec les différents comiques qui y sont représentés. Dans un second
temps, nous verrons que cette fable est aussi dénonciatrice, et le lien que
La Fontaine fait avec la société de son époque.

Introduction :

Cette fable 5 du livre XII se présente comme un apologue très


classique. D'une part parce qu'elle respecte l'organisation traditionnelle de
la fable : un récit suivit d'une morale en rapport avec l'histoire racontée.

143
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

La fable met en scène des animaux a qui elle donne la parole rejoignant
ainsi la tradition. La moralité, cependant est pour le moins inattendue car
elle semble donner raison au fort contre le faible, à la brutalité contre la
ruse sans émotion ni état d'âme. C'est en effet le chat qui a le dernier mot.

Le texte accorde une large place au dialogue entre les deux


animaux. Celui-ci est le reflet du rapport de force totalement déséquilibré
entre le chat et la souris à tel point que l'on peut parler d'un dialogue
impossible. Les deux animaux tiennent des discours parallèles plus qu'ils
n'échangent des propos. La conséquence de ce déséquilibre est que le
plaidoyer de la souris pour tenter de sauver sa vie se révèle vain : il
n'entraîne que le mépris du chat. À travers ce récit cruel et la moralité qui
l'accompagne on peut considérer que le fabuliste fait preuve d'ironie et se
livre implicitement à une satyre : celle-ci vise a la fois l'arrogance de la
jeunesse et l'aigreur (étroitesse d'esprit) de la vieillesse. Le dialogue est
déséquilibré voir impossible entre les deux animaux.

I- Une situation disproportionnée

-Le rapport de force déséquilibré entre les deux animaux apparaît tout
d'abord dans le système d'opposition sur lequel est construit le texte. Les
oppositions sont présentées dès le titre à travers « le chat et la souris »
animaux traditionnellement perçus comme des ennemis ainsi que les
adjectifs jeunes et vieux repris vers 1 et 2. La même idée réparait avec
l'emploi des substantifs (noms communs) : « jeunesse et vieillesse » (v 24
– 25). Cet antagonisme est renforcé par le contraste entre la naïveté et la
crédulité de la souris d'une part et de la brutalité du chat d'autre part. En

144
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

effet la souris est présentée comme un être de « peu d'expérience » (v 1)


qui s'imagine qu'on peut tout obtenir d'un chat surtout sa « clémence » (v
2). Sa crédulité est exprimée par le verbe « crut » (v 2) et repris au présent
dans la morale (v 24).

À l'inverse, le chat apparaît comme le représentant d'une position


intransigeante, celle de la vieillesse « impitoyable » (v 25). Enfin la
disproportion entre la faiblesse de la souris et la force du chat est
confirmée par la situation dans laquelle se trouve la malheureuse, situation
exprimée tardivement au vers 13 : « ainsi parlait au chat la souris attrapée
» à la lecture du mot attrapé nous comprenons que tout le discours de la
souris est influencé par sa situation de prisonnière. Ainsi le ton
respectueux sur lequel elle s'adresse au chat s'explique par cette position
d'infériorité.

Tutoiement et vouvoiement
Tout au long de son plaidoyer la souris vouvoie le chat, les indices
de ce vouvoiement sont tout d'abord les verbes à l'impératif : « Laissez moi
» (v 3), « attendez » (v 11) et « réservez » (v 12). À l'inverse le chat tutoie
la souris comme le montre les pronoms personnels et les verbes qui
apparaissent dans sa réplique : « tu t'es trompée » (v 14), « tu gagnerai »
(v16) et les impératifs : « descends » (v18) ; « meurs et vas-t'en » (v19).
Cette différence est significative d'une relation déséquilibrée : la souris
implore en vouvoyant celui qui la retient prisonnière, le chat répond par un
tutoiement méprisant aux prières de la souris.

145
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Décalage entre les tons des propos

Le ton des propos des deux protagonistes renforce encore ce


déséquilibre. La souris s'adresse au chat avec modération et retenue.
N'osant pas l'attaquer frontalement elle commence à argumenter en
masquant sa demande derrière des considérations générales à la 3eme
personne du singulier. De même elle n'implore pas le chat mais : « l'Hôte
et l'Hôtesse et tout leur monde » (v 8). Ce choix de l'interrogative dans les
deux exemples cités est une façon d'exprimer la demande d'une façon
atténuée.

Bien au contraire le chat s'adresse à la souris sur un ton catégorique


qui montre son inflexibilité. Cela s'observe tout particulièrement dans la
succession des verbes a l'impératif : « descends là-bas, meurs et va-t'en »
(v 18-19). Alors que la souris tente de sauver sa vie sur un ton
respectueux et mesuré ; le chat, lui, exprime sans ménagement son refus à
la demande exprimée par la souris.

II- Le vain plaidoyer de la souris

La souris utilise plusieurs arguments pour convaincre le chat de lui


laisser la vie sauve. Elle a recours à différents procédés rhétoriques pour
renforcer son argumentation ceci nous incite à considérer ses propos
comme un plaidoyer c'est-à-dire un discours dans lequel on défend avec
passion une personne ou une idée. Ici c'est sa propre cause que défend la
souris.
Les arguments utilisés

146
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

La souris utilise tout d'abord un argument d'ordre économique :


maintenant qu'il l'a fait prisonnière cela ne coûtera pas cher au chat
d'entretenir la souri s'il la laisse en vie : argument développé des vers 4 à
10. La dimension matérielle de la captivité est évoquée a travers les mots :
« dépense » (v 5), « charge » (v 6). L'objectif de la souris est ici de montrer
que justement elle ne pèsera pas sur les dépenses du ménage.
Ainsi le verbe : « affamerais » (v 7) est employé au conditionnel pour
exprimer le caractère irréel de l'action. « D'un grain de blé je me nourris »
(v 9) ne peut en aucun cas affamer les autres. On observe que la rime «
clémence » (v 2) « dépense » (v 5) confirme l'idée que la souris doit être
épargnée car elle ne coûtera rien.
Le second argument a une portée affective, il s'agit de toucher le père
a travers ses enfants considérant que le chat recherche avant tout le bien-
être des siens, la souris se propose de constituer pour eux un repas de choix
à condition d'attendre qu'elle ait engraissée (v 12) .
Si elle cherche à émouvoir le chat la souris essaie aussi de gagner du
temps. Il est nécessaire de retarder le moment de l'exécution. Plusieurs
expressions dans son plaidoyer visent à obtenir un sursis : « attendez
quelque temps » (v 11), « réservez » (v 12). En fait la souris sollicitant un
délais pense faire preuve de ruse car si elle parvient à gagner du temps peut
être pourras t'elle trouver un moyen de s'enfuir.
La variété des stratégies argumentatives
Le plaidoyer répond à plusieurs stratégies argumentatives. D'une
part il s'agit pour elle de convaincre le chat c'est-à-dire de le faire adhérer
à son opinion à l'aide d'arguments rationnels (basés sur la raison)

147
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

économique, d'autre part elle cherche a persuader son ennemi c'est-à-dire


le gagner à sa cause en jouant sur les sentiments, rôle de l'argument
affectif. Pour convaincre le chat la souris utilise des procédés rhétoriques
qui donnent plus de poids à l'argument économique. Par exemple l'idée
qu'elle ne coûtera rien est exprimée par des interrogations rhétoriques (v 4
à 8).
L'autre procédé associé à l'argument économique est l'hyperbole
(formulation exagérée) : « D'un grain de blé je me nourris ; une noix me
rend toute ronde » (v 9- 10). L'hyperbole vise à renforcer l'idée que cela
ne coûterai pas cher de nourrir la souris celle-ci ayant de très faibles
besoins.
Le refus méprisant du chat
A ce plaidoyer de la souris le chat ne répond que par le mépris. Tout
d'abord le chat utilise une, question par laquelle il fînt de ne pas savoir a
qui s'adresse le discours de la souris « est ce a moi que l'on tiens de
semblables discours ? » (v 15).C'est la un moyen de montrer que la souris
a été bien présomptueuse de s'attaquer à lui, un moyen de rappeler sa
position dominante par rapport au petit animal. Ensuite dans le même vers
le chat utilise le pronom impersonnel « on » qui apparaît ici comme un
substitut méprisant de tu.

Le chat marque sa supériorité en ne s'adressant pas directement à la


souris. Il ne s'adresse a elle qu'a la 3ème personne pour souligner le fait
qu'ils n'évoluent pas dans le même monde, il vit dans un univers supérieur
d'ailleurs la rime « discours » et « sourds » (v 15- 6) viens renforcer l'idée
de communication impossible entre les deux univers .

148
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Enfin le mépris du chat se traduit par une périphrase utilisée pour


désigner sa plaidoirie : « Est-ce a moi que l'on tiens de semblables
discours ? » (v 15). Le chat refuse d'accorder la moindre attention au
plaidoyer de la souris car il l'englobe dans un ensemble de discours
absurdes et vains qu'un être supérieur comme lui ne s'abaisse pas à
écouter. Cette décision est sans appels, il mangera la souris et ce, sans
délais. Délais très précipités grâce aux impératifs présents vers 18 et 19 :
« Descends », « Meurs » et « va-t'en ». En fait le chat se contente de
suivre la tradition de sa race : « Chat et vieux pardonner ? Cela n'arrive
guères » (v 17).

Aucun des arguments de la souris ne l'a donc atteint. Le chat


appliquant une règle générale « Selon ces lois » (v 18) se dispense de
répondre aux arguments de la souris. Il ne prends même pas la peine de
les réfuter et surtout va les balayer en une phrase : « Mes enfants
trouveront assez d'autres repas. » (v 21). C'est donc un refus méprisant
que le chat oppose au plaidoyer de la souris.

III- L'ironie du fabuliste


A un 1er niveau nous pourrions penser que Jean de la Fontaine donne
raison a la brutalité contre la ruse, en fait plusieurs éléments donnent à
penser que le fabuliste ironise sur ses personnages et renvois dos à dos
l'attitude et la mentalité qu'incarne chacun d'eux. Premièrement, la satyre de
la jeunesse arrogante : La première caractéristique de la jeunesse dont la
Fontaine se moque est sa crédulité, son sentiment de toute puissance qui lui
fait croire que tout ce qu'elle entreprend va réussir. Cette critique est

149
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

explicite dans la moralité de la fable : « La jeunesse se flatte et croit tout


obtenir » (v 24), critique déjà sous entendue dans la partie narrative du texte
quand le narrateur affirme que la souris : « crut fléchir un vieux chat » (v 2)
par le verbe croire (ironique). Il dénonce la croyance illusoire et laisse déjà
deviner que la tentative de la souris aboutira à un échec, de même au vers 3
lorsqu'il décrit la souris « payant de raison le Raminagrobis ».
Le narrateur montre qu'elle essaie d'acheter le chat s'imaginant
qu'avec de belles paroles elle peut parvenir à le duper. Le fabuliste vise
ainsi une jeunesse arrogante, suffisante, qui se croit supérieure au reste de
la société et pense pouvoir leurrer tout le monde.
La caricature de la vieillesse aigrie
Mais le propos de Jean de la Fontaine est a double tranchant, s'il
attaque la jeunesse il ne ménage pas pour autant la vieillesse. Celle-ci est
représentée par le chat enfermé dans ses principes qui n'ont aucun sens et
ne font l'objet d'aucune réflexion. Ainsi lorsque le chat décide de manger la
souris ce n'est pas car il a faim mais uniquement par principe car il est dans
l'ordre des choses que les chats mangent les souris.
À travers cette loi générale, on peut penser que le fabuliste vise une
opposition systématique au désir de la jeunesse qui caractérise parfois les
vieilles personnes. Il s'agit là d'une incapacité à se remettre en question,
cette ironie du fabuliste vis-à-vis du chat est visible à travers l'expression
qui introduit la moralité : « il tint parole » (v 22). Cette expression est
utilisée dans son sens péjoratif, le chat n'apparaît pas comme un être loyal,
il n'est fidèle qu'à sa cruauté.
Conclusion générale :

150
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Cette fable présente une histoire en apparences toute simple qui


parait répéter un schéma très classique l'opposition entre le chat et la
souris. Mais à travers ces animaux traditionnellement perçus comme des
ennemis, Jean de la Fontaine met en valeur 2 attitudes qui s'affrontent
dans la société : celle des jeunes arrogants et celle des vieilles personnes
haineuses. Ces deux attitudes sont renvoyées dos à dos dans une moralité
ouverte propre à stimuler la réflexion du lecteur.

Le loup et l'agneau - Jean de La Fontaine

La raison du plus fort est toujours la meilleure:


Nous l'allons montrer tout à l'heure.

Un agneau se désaltérait
Dans le courant d'une onde pure.
Un loup survient à jeun, qui cherchait aventure,
Et que la faim en ces lieux attirait.
"Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage?
Dit cet animal plein de rage :
Tu seras châtié de ta témérité.
-Sire, répond l'agneau, que Votre Majesté
Ne se mette pas en colère ;
Mais plutôt qu'elle considère
Que je me vas désaltérant
Dans le courant,
Plus de vingt pas au-dessous d'Elle ;
Et que par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson.
- Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,
Et je sais que de moi tu médis l'an passé.
-Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né ?

151
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Reprit l'agneau ; je tette encor ma mère


-Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.
- Je n'en ai point. -C'est donc quelqu'un des tiens :
Car vous ne m'épargnez guère,
Vous, vos bergers et vos chiens.
On me l'a dit : il faut que je me venge."
Là-dessus, au fond des forêts
Le loup l'emporte et puis le mange,
Sans autre forme de procès.
Livre Premier, Fable X

Introduction
En moins de trente vers et sans un détail inutile, La Fontaine fait,
dans sa fable Le Loup et l'Agneau, le récit d'une rencontre dont l'issue ne
laisse aucun doute entre un loup affamé et un agneau naïf. Mais ce récit
prend une portée universelle, exemplaire: au delà de la violence des
rapports de force dans le monde ce qu'il est convenu d'appeler la loi
naturelle, selon laquelle les loups mangent les agneaux , La Fontaine
décrit ici le comportement odieux de celui qui, non content d'exercer sa
violence sur plus faible que lui, prétend la justifier par des arguments
spécieux, inverse les rôles et se prétend victime pour pouvoir être
bourreau.

Oubliée la loi naturelle, nous sommes ici dans l'artifice, la


duplicité des comportements de l'homme avec son semblable. On se
rappelle ce qu'Aristote en pensait : « Homo lupus hominis !» [« L'homme
est un loup pour l'homme.»]

152
LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Chaque personnage développe ici à sa façon son argumentation:


avec mauvaise foi pour le Loup et avec une vraie candeur pour l'agneau.
En confiant à des animaux la mission de représenter la violence brutale et
odieuse, La Fontaine donne à sa fable toute sa portée et nous permet de
transposer sa leçon dans le monde humain.

1. L'argumentation du Loup

En plaçant la morale de la fable en tête de son récit, La Fontaine


supprime tout suspense en ce qui concerne l'issue inéluctable de
l'affrontement entre le Loup et l'Agneau. Tout est joué d'avance dans ce «
procès » (vers 29) truqué dont les méthodes expéditives semblent annoncer
les tristes procès des pires régimes totalitaires et policiers avec leur chef
d'accusation inventé, leur intimidation des victimes, leurs faux
témoignages.
On ne comprend pas pourquoi le Loup cherche tout au long de son
argumentation à justifier l'exécution de sa proie, en déguisant son véritable
motif, à savoir sa « faim» (vers 6), et en se posant en victime qui exige
réparation de son offenseur. II y a ici un renversement de situation assez
stupéfiant et pour lequel le Loup déploie des trésors de rhétorique et de
mauvaise foi, brutalement, sans la moindre mise en garde.
1.1. Des arguments matériels
C'est d'abord un fait matériel qu'il reproche à l' Agneau : ce dernier se
permet de «troubler [son] breuvage». Le chef d'accusation est présenté dans
son évidence et c'est sur les circonstances annexes du crime l'identité des
complices que porte l'interrogatoire: « Qui te rend si hardi [...]?». Le Loup

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

n'attend pas la réponse de l'Agneau: il l'a déjà condamné sans appel, comme
le marque le temps du futur de l'indicatif : « Tu seras châtié». L'asyndète
(absence d'un outil de liaison grammaticale, de conjonction de
coordination) démontre la rapidité expéditive des manœuvres du loup, qui
passe de l' accusation à l' exécution immédiate de la sentence. En effet, on
attendrait dans ce vers : « tu seras donc châtié... »
L' attitude conciliante de l' Agneau et les arguments matériels
irréfutables qu'il oppose sont balayés par le Loup qui nie l'évidence, comme
s'il n'avait pas entendu la justification de l'Agneau: il reprend, mais sous
une forme plus ramassée et plus hargneuse en trois mots «Tu la troubles» ,
son accusation exprimée au vers 7.
1.2. Mais aussi des assertions calomnieuses
Puis il quitte le domaine des préjudices matériels qu'il prétend subir
ici et maintenant pour lancer une autre accusation. Elle est formulée d'une
façon toujours aussi catégorique par un péremptoire «je sais» mais le Loup
n'apporte pas la moindre justification à son affirmation; il quitte désormais
le domaine des faits et du présent pour invoquer de prétendues assertions
calomnieuses («tu médis») proférées dans le « passé» (vers 19). C'est donc
ici un délit d'opinion qui est reproché à l'Agneau.
Le Loup se comporte ici comme le ferait l'agent d'une police
politique dans un régime dictatorial qui prétend interdire à la population
victime de ses exactions de se plaindre des sévices dont elle est victime:
souffre et tais toi et même, si besoin est, bénis ton tyran.
1.3. Une prétendue conspiration

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Les dénégations de l'Agneau ne décontenancent pas le Loup. II


n'abandonne pas le chef d'accusation mais en modifie les circonstances:
l'Agneau devient ici avec ses semblables l'instigateur d'une conspiration
(la conspiration, c'est l'obsession de tous les pouvoirs tyranniques...) dans
un drôle de monde à l'envers réinventé par le Loup où les agneaux et les
moutons régneraient sur un peuple de « bergers » et de « chiens » c'est ce
que sous entend la reprise du déterminant possessif « vos» du vers 25.

Mais il ne révèle pas ses sources ou ne donne pas l'identité de ses


indicateurs : il se contente d'une formule indéfinie (« on me l'a dit »). Les
hypothèses et les rectifications successives que le Loup s'obstine à
apporter (« ton frère », « quelqu'un des tiens », « vous, vos bergers et vos
chiens») ne sont pas le signe que le Loup est aux abois loin de là. Cette
résistance inouïe de l'Agneau l'exaspère et ne fait que renforcer son désir
d'en finir avec lui. On remarque que c'est d'ailleurs lorsque ses
accusations sont le plus dénuées de fondement qu'il est le plus
catégorique, multipliant les liens de cause à conséquence (« donc» à deux
reprises, conjonction de coordination « car » ).

Enfin comble de la mauvaise foi - pour justifier son crime, le Loup,


comme un héros de tragédie, revendique des valeurs aristocratiques:
l'atteinte à son honneur, à sa réputation (« II faut que je me venge »).

2. L' argumentation de l'Agneau

L'argumentation de l'Agneau est à l'opposé de celle du Loup. En


nombre de vers, elle équivaut à peu près à celle du Loup mais la

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

répartition des répliques est bien différente. L'Agneau essaie de répondre


à trois reprises aux menaces du Loup.

2.1. Une petite plaidoirie, des éléments à décharge

La première fois (vers 10 17), il construit une vraie plaidoirie. Sans


agressivité, avec une politesse respectueuse, il s'adresse au Loup à la
troisième personne, reconnaît sa toute puissance («Sire », « Votre
Majesté»).II n'aborde pas la question immédiatement mais essaie de
calmer le jeu.

Puis, à partir du vers 14, il fait appel naïvement à l'objectivité du


Loup pour qu'il reconnaisse que les lois de la physique le disculpent. II
énumère tous les éléments à décharge (« dans le courant », « plus de vingt
pas au dessous d'elle»]; il en tire enfin fermement les conclusions, en
redoublant le lien de conséquence (« et que par conséquent, en aucune
façon »). Ses dernières paroles « troubler sa boisson » font écho à la
première accusation du Loup («troubler mon breuvage») et il pense avoir
ainsi clairement démontré son innocence.

2.2. Protestation d'innocence vaine

Sa deuxième réplique est beaucoup plus courte: deux vers


seulement.

Peut être sent il déjà l'inutilité de sa résistance? II donne à sa


protestation d'innocence la forme d'une question sûrement pour ne pas
braquer davantage le Loup contre lui. L'impossibilité matérielle d'avoir pu
nuire au loup constitue pourtant un alibi imparable: « je n'étais pas né». Il

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

rappelle d'ailleurs son extrême jeunesse (« je tète encor ma mère»), et met


ainsi en avant, implicitement, sa complète incapacité de porter préjudice à
qui que ce soit. Sa dernière réplique, sous la forme de quatre
monosyllabes, est à peine esquissée. L'Agneau ne cherche plus à
construire son plaidoyer, il perd pied devant les attaques hargneuses du
Loup qui lui confisque la parole.

3. Des personnages vivants

Dans sa dédicace «A Monseigneur le Dauphin » du premier recueil


de fables, La Fontaine rappelle le principe qui inspire les fables et surtout
les siennes: « Tout parle en mon ouvrage [...]. Je me sers d'animaux pour
instruire les hommes.» La réussite des fables de La Fontaine tient à ce que
ses animaux sont humanisés, mais cette métamorphose s'inscrit toujours
dans !a logique de leur nature, de leur physique, de leur comportement
animal, ce qui rend encore plus convaincant le passage du récit à la leçon
morale qu'on peut en tirer.

3.1. Cadre naturel et réalité animale

Dans la fable, les deux animaux sont d'abord présentés dans un


milieu naturel, « dans le courant d'une onde pure», plus suggéré que décrit
par des détails pittoresques: La Fontaine se sert ici, comme dans sa fable
intitulée « Le Héron » de termes d'une grande simplicité et aux sonorités
pleines de douceur, de fluidité... Le décor est réduit au minimum: à la fin
de la fable, il est seulement fait mention des « forêts » où le Loup entraîne
l'Agneau pour le tuer et qui pourraient figurer la coulisse où, loin du

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

regard des spectateurs et par souci des bienséances, s'accomplissent les


actions sanglantes dans les tragédies classiques !

Seule la majuscule à leur nom les caractérise et les distingue, leur


donne un statut particulier dans leur espèce. La réalité animale de chacun
des deux protagonistes est rappelée par des traits peu nombreux mais qui
vont à l'essentiel: pas de description encore une fois, mais le Loup est une
bête « cruelle» poussée par « la faim», l'Agneau « tète» sa mère et vit au
milieu des « chiens» et des « bergers ».

3.2. Des animaux ou des hommes ?

Ce sont ces quelques caractéristiques animales qui servent à La


Fontaine en quelque sorte d'armature pour développer, par les propos que
tient chacun, un caractère propre qui correspond à leur apparence et à leur
comportement.
Le caractère du Loup

Ce sont leurs paroles qui les peignent en profondeur et nous y


adhérons d'autant mieux qu'elles correspondent parfaitement à ce que leur
aspect et leur comportement animal laissaient attendre. Le Loup se
comporte en prédateur, soumis à ses instincts, à sa «faim» , à ses pulsions
agressives et cruelles: son discours est plein de menaces «Tu seras châtié
» , d'affirmations sans fondement.

Le caractère de l'Agneau

L'Agneau est un être tout d'innocence - ne dit on pas « doux comme


un agneau » ? -, de bonne foi et de douceur qui s'exprime sur un ton

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

déférent et respectueux. Le lecteur a d'autant moins de peine à passer du


monde animal au monde humain que La Fontaine nous y prépare
habilement. Quand l'Agneau s'adresse au Loup comme un modeste sujet
face à son Monarque, («Sire», «Votre Majesté»), La Fontaine nous invite
â voir derrière le récit animalier les rapports de force de la société
humaine du XVIIème siècle.

La morale de la fable

Le lecteur du XVIIème siècle dépasse ce contexte historique,


transpose ce récit dans le monde contemporain; il reconnaît derrière le
Loup et l'Agneau des individus qu'il côtoie, élargit la fable à des
situations qui dépassent les simples rapports individuels, pour y retrouver
le reflet des relations internationales lorsque des superpuissances
agressent de petits États dont les richesses naturelles les rendent aussi
appétissants qu'un agneau dodu...

Dans cette fable qui fait désormais partie de notre imaginaire, La


Fontaine ne nous donne ni leçon de vie, ni conseil pratique: c'est un
simple et banal constat « La raison du plus tort est toujours la meilleure »
mais que la forme catégorique de l'affirmation («toujours», le présent de
vérité générale) semble interdire de contester. À chacun de tirer pour sa
propre survie de cette conception bien pessimiste des relations humaines
les pratiques, les précautions qui s'imposent.

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Poèmes à expliquer

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle

Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,


Assise aupres du feu, devidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous esmerveillant :
Ronsard me celebroit du temps que j'estois belle.

Lors, vous n'aurez servante oyant telle nouvelle,


Desja sous le labeur à demy sommeillant,
Qui au bruit de mon nom ne s'aille resveillant,
Benissant vostre nom de louange immortelle.

Je seray sous la terre et fantaume sans os :


Par les ombres myrteux je prendray mon repos :
Vous serez au fouyer une vieille accroupie,

Regrettant mon amour et vostre fier desdain.


Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain :
Cueillez dés aujourd'hui les roses de la vie.

Ronsard, Sonnets pour Hélène

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Madrigal

Si c'est aimer, Madame, et de jour, et de nuit


Rêver, songer, penser le moyen de vous plaire,
Oublier toute chose, et ne vouloir rien faire
Qu'adorer et servir la beauté qui me nuit :

Si c'est aimer que de suivre un bonheur qui me fuit,


De me perdre moi même et d'être solitaire,
Souffrir beaucoup de mal, beaucoup craindre et me taire,
Pleurer, crier merci, et m'en voir éconduit :

Si c'est aimer que de vivre en vous plus qu'en moi même,


Cacher d'un front joyeux, une langueur extrême,
Sentir au fond de l'âme un combat inégal,
Chaud, froid, comme la fièvre amoureuse me traite :

Honteux, parlant à vous de confesser mon mal !


Si cela est aimer : furieux je vous aime :
Je vous aime et sait bien que mon mal est fatal :
Le cœur le dit assez, mais la langue est muette.

Premier Livre des "Sonnets pour Hélène" de Surgères

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf


Une Grenouille vit un Boeuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle, qui n'était pas grosse en tout comme un oeuf,
Envieuse, s'étend, et s'enfle, et se travaille,
Pour égaler l'animal en grosseur,
Disant : "Regardez bien, ma soeur ;
Est-ce assez ? dites-moi ; n'y suis-je point encore ?
- Nenni. - M'y voici donc ? - Point du tout. - M'y voilà ?
- Vous n'en approchez point. La chétive pécore
S'enfla si bien qu'elle creva.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :
Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,
Tout petit prince a des ambassadeurs,
Tout marquis veut avoir des pages.

Jean de La Fontaine, Les fables du livre I (1668)

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

Questionnaire
1) Comment mesurer les différents types de vers (mètres) ?
2) Définissez la rime et parlez se sa richesse et sa disposition?
3) Parlez de François Rabelais?
4) Parlez de Jean de La fontine?
5) Parlez de la doctrine de Malherbe dans la poésie ?
6) Parlez de la littérature baroque?
7) Parlez de la littérature française au XVIIème siècle ?
8) Parlez de la naissance du concept de baroque ?
9) Parlez de la Pléiade au XVIème siècle?
10) Parlez de la poésie baroque et classique au XVIIème siècle ?
11) parlez de la préciosité et le style précieux?
12) parlez de l'esthétique classique?
13) Parlez de l'évolution du sens de la littérature
aux XVIIème et XVIIIème siècles ?
14) Parlez de l'Humanisme au XVIème siècle?
15) Parlez de Pierre de Ronsard?
16) Parlez des caractéristiques de baroque?
17) Parlez des courants littéraires au XVIème siècle ?
18) parlez du classicisme et ses caractéristiques?
19) parlez du libertinage et la pensée libertine ?
20) Quelle est la définition de littérature en générale?
21) Quels sont les auteurs principaux de baroque?
22) Quels sont les auteurs principaux de La Pléiade?
23) Quels sont les auteurs principaux de l'Humanisme?

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

23 Quelles sont les caractéristiques principales de La préciosité ?


24) Quels sont les différents types de vers (mètres) ?
25) Quels sont les genres littéraires au XVIIème siècle?
26) Quels sont les genres poétiques au XVIIème siècle?
27) Quels sont les noms bases sur le nom de vers ?
28) Quels sont les noms basés sur l'organisation de la strophe?
29) quels sont les principaux auteurs du classicisme?
30) Quels sont les thèmes et formes de baroque?
31) Quels sont les thèmes poétiques de la Pléiade?
32) quels sont les thèmes principaux du classicisme?

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LES FLEURS DE LA POÉSIE CLASSIQUE

BIBLIOGRAPHIE
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 http://www.etudes-litteraires.com/

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