Je Pleure Encore La Beauté Du Monde Charlotte Mcconaghy Full Chapter Free

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Je pleure encore la beauté du monde

Charlotte Mcconaghy
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DU MÊME AUTEUR

MIGRATIONS, JC Lattès, 2021.


Ouvrage traduit avec le soutien du gouvernement australien
par l’intermédiaire de l’Australia Council for the Arts,
service de financement et conseil consultatif pour la promotion artistique.

Titre original :
Once There Were Wolves
Éditeur original :
Flatiron Books, New York
© Charlotte McConaghy, 2021
Publié avec l’accord de Flatiron Books
Tous droits réservés

Illustration de couverture : Kamhi

© ACTES SUD, 2024


pour la traduction française
ISBN 978-2-330-18652-4
CHARLOTTE MCCONAGHY

Je pleure encore
la beauté du monde

•••

roman traduit de l’anglais (Australie)


par Marie Chabin
Pour mon petit garçon.
Il est une bête et une seule qui hurle
dans les bois la nuit.

ANGELA CARTER
1

On avait huit ans le jour où papa m’a coupée en deux, de la gorge


jusqu’au bas du ventre.
Dans une forêt des territoires sauvages de la Colombie-Britannique
se tenait son atelier, rempli de poussière et puant le sang. Il y faisait
sécher des peaux de bête accrochées çà et là, qui balayaient nos
fronts quand on se faufilait entre elles. J’avais déjà des frissons à
l’époque, alors qu’Aggie avançait devant moi, un sourire malicieux
aux lèvres, tellement plus téméraire. J’avais passé plusieurs étés à
me demander ce qui pouvait bien se tramer dans cette cabane mais
tout à coup, j’avais très envie de déguerpir.
Il avait attrapé un lapin et même s’il nous emmenait crapahuter
avec lui dans les bois, il ne nous avait jamais montré l’acte de tuer.
Aggie était excitée comme une puce et dans son agitation, elle
heurta du pied une barrique d’eau salée, le bruit mat résonna
longuement et je ressentis l’impact dans mon propre pied. Papa leva
les yeux en soupirant.
— Vous êtes sûres que vous voulez voir ça ?
Aggie hocha la tête.
— Vous vous sentez prêtes ?
Nouveau hochement.
J’aperçus le lapin enveloppé dans sa fourrure et toutes les lames.
Il ne bougeait pas ; il était déjà mort.
— Bon, alors approchez-vous.
Nous allâmes nous poster autour de lui, nez baissés sur l’établi. De
là, je pus admirer toutes les jolies nuances du pelage : les brun-
roux, les orangés assourdis et les écrus chaleureux, les gris, les
blancs et les noirs. Un kaléidoscope de couleurs toutes conçues, ai-je
alors pensé, pour le rendre invisible et lui épargner le sort qu’il
venait de subir. Pauvre lapin.
— Est-ce que vous comprenez pourquoi je fais ça ? demanda
papa.
Nous hochâmes la tête de concert.
— Autonomie alimentaire, répondit Aggie.
— Ce qui veut dire ? Inti ?
— On chasse seulement ce qu’il nous faut et on participe à
l’écosystème. Aussi, on cultive ce qu’on mange et on vit autant que
possible en autosuffisance.
— Tout juste. Nous allons donc rendre un dernier hommage à
cette créature et la remercier de subvenir à nos besoins.
Nos deux voix fluettes tintèrent à l’unisson :
— Merci.
Au fond de moi, j’avais le sentiment que le lapin n’en avait rien à
fiche de notre gratitude et je lui ai présenté en silence de piteuses
excuses. Pendant tout ce temps, de drôles de sensations me
picotaient le ventre, et plus bas aussi. J’avais envie de partir. C’était
le royaume de papa, ici, les fourrures, les lames et le sang, cette
odeur qui ne le quittait pas, c’était son royaume depuis toujours et je
ne voulais pas que ça change. J’avais l’impression de pousser une
porte ouvrant sur un endroit plus sombre, plus cruel, un endroit pour
les adultes. Je ne savais pas pourquoi ça plaisait à Aggie mais
puisque c’était ainsi, je n’avais pas le choix : je devais rester. Là où
allait Aggie, je la suivais.
— Avant de le manger, il faut le dépecer. Je traiterai la peau pour
qu’on puisse l’utiliser ou l’échanger, et après ça, on mangera le
moindre petit morceau de carcasse pour qu’il n’y ait pas de… ?
— Déchets, avons-nous complété d’une seule voix.
— Et pourquoi donc ?
— Parce que les déchets sont les véritables ennemis de la planète.
— Allez, papa, ajouta Aggie d’une voix plaintive.
— D’accord. Alors on commence par l’inciser de la gorge jusqu’au
bas du ventre.
Lorsqu’il posa la pointe de la lame sur la fourrure, à la base du
cou, je sus que j’avais fait une erreur. Je n’eus pas le temps de
fermer les yeux : le couteau transperça mon cou et incisa ma peau
dans un mouvement preste et ample, jusqu’à mon bas-ventre.
Je percutai le sol violemment, coupée en deux, dégoulinante. Les
sensations étaient tellement intenses, j’étais sûre de sentir le sang
gicler et je me suis mise à hurler, hurler, et papa a crié aussi, le
couteau est tombé, Aggie s’est laissée choir, elle m’a prise dans ses
bras et m’a serrée fort contre elle. Les battements de son cœur collé
au mien. Ses doigts qui pianotaient en rythme sur ma colonne
vertébrale. Et dans ses bras frêles, je me suis sentie intacte de
nouveau. Moi-même, sans aucune trace de sang, aucune blessure,
en réalité.
J’avais toujours su qu’il y avait quelque chose de différent en moi,
mais ce jour-là, pour la première fois, j’ai compris que c’était un truc
dangereux. Ce fut aussi le jour où, alors que j’émergeais de la
cabane en titubant, accueillie par les violacés d’un long crépuscule,
je posai les yeux sur la lisière des bois et vis mon premier loup. Qui
me vit également.

•••

Aujourd’hui, dans une autre partie du monde, l’obscurité est


profonde et leurs respirations bruissent tout autour. L’odeur a
changé. Elle est encore tiède, terreuse, mais désormais plus
musquée, ce qui veut dire que la peur est là, et donc que l’un
d’entre eux est réveillé.
Ses yeux dorés captent juste ce qu’il faut de lumière pour briller.
Tout doux, lui dis-je en silence.
C’est la louve Numéro Six, la mère, qui m’observe depuis
l’intérieur de sa cage métallique. Son pelage est pâle comme un ciel
d’hiver. Ses pattes n’ont jamais connu le contact du métal jusqu’à
aujourd’hui. Je lui éviterais volontiers cette expérience si je le
pouvais. Quelle froide découverte. Mon instinct me souffle d’essayer
de la rassurer avec des paroles apaisantes ou un geste tendre mais
c’est ma présence qui la terrifie, alors je la laisse tranquille.
J’avance d’un pas léger entre les autres cages jusqu’au bout de la
remorque du camion. Les charnières du volet roulant grincent pour
me laisser sortir. Mes boots crissent en heurtant le sol. Un monde
étrange, ce repaire nocturne. Déroulé jusqu’à la lune, un tapis blanc
chatoie pour elle. Des arbres nus gainés d’argent. Mon souffle qui
dessine des nuages.
Je frappe à la vitre du conducteur pour réveiller les autres. Ils
dormaient dans la cabine et me fixent en clignant des yeux, hébétés.
Evan s’est enveloppé dans une couverture ; je sens son bord
rugueux sur mon cou.
— Six est réveillée, dis-je et ils savent ce que cela signifie.
— Ça ne va pas se passer comme prévu, lâche Evan.
— Ils n’en sauront rien.
— Anne va piquer une crise, Inti.
— Rien à foutre, d’Anne.
Les journalistes étaient censés être là pour l’occasion, ainsi que
des représentants du gouvernement, des ministres et des gardes
armés. Ça devait se faire en grande pompe. Au lieu de quoi, une
motion de dernière minute nous a stoppés net, initiée dans le seul
but de nous retarder jusqu’à ce que le stress causé par le voyage
prolongé fasse crever nos bêtes. Nos ennemis veulent nous obliger à
les tenir en cage jusqu’à ce que leurs cœurs lâchent. Mais ça, je
refuse. Nous voici donc tous les quatre – trois biologistes et une
vétérinaire –, dérobant à la faveur de la nuit notre précieuse
cargaison. Direction la forêt. Ni vu ni connu. Sans autorisation.
Comme cela aurait dû se passer depuis le début.
La route s’arrête là, alors nous poursuivons à pied. Nous
soulevons d’abord la cage de Numéro Six, Niels et moi la saisissons
par l’arrière, chacun à un angle, tandis qu’Evan le baraqué porte
l’autre côté. Amelia, notre vétérinaire, seul membre de l’équipe
originaire d’ici, restera là pour surveiller les deux autres cages.
L’enclos est situé à presque un kilomètre et le tapis neigeux est
épais. Le seul son émis par Six est un léger halètement indicateur
d’angoisse.
Un plongeon huard pousse son cri, clair et mélodieux.
Éveille-t-il quelque chose en elle, ce hululement nocturne et
solitaire, tel un écho au hurlement poussé par les loups depuis la
nuit des temps ? Si c’est le cas, elle ne manifeste aucune réaction
perceptible.
J’ai l’impression de marcher pendant une éternité mais finalement,
ça y est, je distingue l’enceinte grillagée de l’enclos. Nous déposons
la cage de Six de l’autre côté du portail puis retournons chercher les
deux autres bêtes. L’idée de la laisser sans surveillance ne me plaît
pas beaucoup, mais peu de gens connaissent l’emplacement de ces
enclos dans la forêt.
Nous transportons ensuite Numéro Neuf, le mâle. C’est un loup
massif, la marche est plus éprouvante que la précédente mais
heureusement, il dort encore. Le troisième animal est une jeune
louve d’un an, Numéro Treize. C’est la fille de Six, elle est plus légère
que les deux adultes et Amelia nous accompagne pour ce dernier
voyage. Lorsque nous déposons Treize dans l’enclos, l’aube
commence à pointer, une grande fatigue a envahi mes os mais il y a
de l’excitation aussi, et de l’inquiétude. La femelle Numéro Six et le
mâle Numéro Neuf ne se sont jamais rencontrés. Ils ne proviennent
pas de la même meute. Nous les installons dans le même enclos
dans l’espoir qu’ils s’entendront bien. Parce qu’il nous faut des
couples reproducteurs si l’on veut que ça marche.
Il est tout aussi probable qu’ils s’entretuent.
Nous ouvrons les trois caisses puis sortons de l’enclos.
Six, qui s’est bizarrement réveillée avant les autres, ne bouge pas.
Pas avant que nous nous soyons éloignés le plus possible sans
toutefois les perdre de vue. Elle n’aime pas notre odeur. Bientôt, son
corps souple se redresse et elle avance sur la neige à pas lents. Elle
est presque aussi blanche que le sol qu’elle foule avec légèreté. Et
elle brille du même éclat. Une poignée de secondes s’écoule tandis
qu’elle lève le museau pour humer l’air, décelant peut-être la
présence du collier GPS qu’on lui a attaché autour du cou. Au lieu de
partir explorer son nouvel habitat, elle s’élance soudain vers la caisse
de sa fille et s’allonge auprès d’elle.
Ça remue quelque chose en moi, un truc chaud et fragile que j’ai
appris à redouter. Un danger me menace, ici.
— Appelons-la Cendre, propose Evan.
L’aube nimbe le décor gris de reflets dorés et au moment où le
soleil se lève, les deux autres bêtes émergent de leur sommeil
comateux. Sortis de leurs cages, les trois loups s’aventurent sur le
demi-hectare de forêt étincelante, leur nouveau domaine. C’est tout
ce qu’ils ont comme espace pour le moment et ce n’est pas
suffisant, j’aurais préféré qu’il n’y ait pas de clôtures du tout.
Tournant les talons pour regagner le camion, je lance :
— Pas de noms. C’est Numéro Six.

Il n’y a pas si longtemps que ça à l’échelle de l’histoire planétaire,


ce lambeau de forêt clairsemée regorgeait de force et de vitalité.
Peuplé de sorbiers des oiseaux, de bouleaux, de chênes, de
peupliers et de genévriers, il recouvrait une vaste langue de terre,
colorant les collines d’Écosse désormais dénudées, offrant abri et
nourriture à toutes les espèces sauvages.
Et sous cette canopée, parmi ces racines et ces troncs,
gambadaient des loups.
Aujourd’hui, les loups foulent de nouveau ce sol qui n’a porté
aucun de leurs congénères depuis plusieurs siècles. Ont-ils gardé
l’empreinte de cette terre dans leur corps, de la même manière
qu’elle se souvient d’eux ? Elle les connaît bien, elle attendait leur
retour pour sortir de sa longue torpeur.
Nous passons toute la journée à transporter les loups restants
jusqu’aux enclos et regagnons à la nuit tombante le camp de base
de l’opération, un petit chalet en pierre à l’orée des bois. Les autres
boivent du mousseux dans la kitchenette pour fêter le transfert des
bêtes, quatorze en tout, dans les trois enclos d’acclimatation. Mais ils
n’ont pas encore retrouvé la liberté, nos loups, l’expérience vient à
peine de commencer. Assise à l’écart devant les écrans de contrôle,
je regarde les images des caméras de surveillance installées dans les
parcs. Comment trouvent-ils leur nouvelle maison ? Une forêt assez
semblable à celle d’où ils viennent en Colombie-Britannique, sauf
que le climat n’est pas boréal mais tempéré. Moi aussi, je viens de
cette forêt et je sais que l’odeur est différente, que les bruits,
l’aspect et les sensations sont différents. Mais s’il y a bien une chose
que je sais au sujet des loups, c’est qu’ils s’adaptent. Je retiens mon
souffle en voyant l’imposant Neuf avancer vers la délicate Numéro
Six et sa fille. Les femelles ont creusé une tranchée dans la neige
tout au fond de l’enclos et elles s’y tapissent, observant la
progression de Neuf avec méfiance. Il se tient au-dessus d’elles,
mosaïque de gris, blanc et noir, le loup le plus majestueux qu’il m’ait
été donné de voir. Il pose la tête sur la nuque de Six en signe de
domination et je sens avec une acuité exquise son museau contre
mon cou. La douceur de sa fourrure chatouille ma peau, la chaleur
de son souffle me donne la chair de poule. Numéro Six gémit mais
elle reste couchée pour montrer sa soumission. Je reste immobile ;
au moindre signe de désobéissance, les mâchoires se refermeront
sur ma gorge. Il lui mordille l’oreille, ses crocs s’enfoncent dans mon
lobe et je ferme les yeux, sous le choc. Dans l’obscurité, la douleur
se dissipe aussi vite qu’elle m’a assaillie. Je reviens à moi. Quand je
jette un coup d’œil à l’écran, Neuf longe le périmètre de la clôture,
indifférent aux femelles. Si je continue de l’observer, je vais bientôt
sentir la neige froide sur mes pieds nus à chacun de ses pas alors
j’arrête, je suis déjà trop près, mes contours se sont dilatés. Je fixe
le plafond sombre du chalet, attends que mon pouls ralentisse.
Je ne suis pas comme la plupart des gens. J’avance dans la vie
d’une façon différente, avec une compréhension du toucher
profondément singulière. Je m’en suis rendu compte avant même de
connaître le nom de ce phénomène. En clair, il s’agit d’une affection
neurologique. La synesthésie visuo-tactile. Mon cerveau recrée les
expériences sensorielles des créatures vivantes, de tous les êtres
humains et parfois même des animaux. Quand je vois, je ressens, et
pendant quelques instants, je suis les autres, eux et moi ne faisons
qu’un et leur douleur ou leur plaisir est le mien. Ça ressemble à de la
magie, c’est d’ailleurs ce que j’ai cru pendant longtemps alors qu’en
réalité, ce n’est pas si éloigné du fonctionnement des autres
cerveaux : quand on voit quelqu’un souffrir, notre réaction
physiologique est une grimace, un tressaillement, un rictus. Nos
circuits sont programmés pour l’empathie. Fut une époque où j’étais
ravie d’éprouver les sensations des autres. Aujourd’hui, ce flux
constant d’informations sensorielles m’épuise. Aujourd’hui, je
donnerais n’importe quoi pour qu’on me déconnecte.
Ce projet échouera si je ne réussis pas à instaurer une distance
entre les loups et moi. Je dois à tout prix éviter de me perdre en
eux, je ne survivrai pas sinon. Le monde est un endroit dangereux
pour les loups. La plupart d’entre eux seront bientôt morts.

•••
Il est minuit quand je vérifie l’heure de nouveau. J’ai regardé les
loups dormir ou faire les cent pas, espérant en vain qu’ils se mettent
à hurler, que l’un commence et que les autres l’imitent. Mais les
loups ne hurlent pas s’ils sont stressés. Le chalet qui nous sert de
station d’étude comprend une pièce principale où nous entreposons
notre matériel informatique et nos écrans de surveillance, une
cuisine adjacente et une salle de bains à l’arrière. Dehors, une écurie
abrite trois chevaux. Apparemment, Evan et Niels ont déjà regagné
leurs cottages de location dans la ville voisine – je suis tellement
crevée que je ne me rappelle même plus leur avoir dit au revoir – et
Zoe, notre analyste de données, dort sur le canapé. J’aurais dû partir
il y a plusieurs heures, je me dépêche d’enfiler ma tenue d’hiver.
Dehors, l’air est mordant. Je traverse la forêt puis emprunte une
route sinueuse, quelques kilomètres le long des Cairngorms,
uniquement guidée par les minces faisceaux de mes phares.
Je n’ai jamais aimé me déplacer en voiture la nuit parce que ce
monde si vigoureux ressemble alors à une chose béante et vide. Si
je m’arrêtais pour m’y enfoncer à pied, ce serait un tout autre
monde, rempli de frémissements de vie, de clignements d’yeux
fluorescents et de cavalcades de pattes minuscules dans les fourrés.
J’engage la voiture sur une route tortueuse plus étroite qui me
conduit jusque dans la vallée abritant le Blue Cottage. En pierres
gris-bleu, flanquée de deux prairies herbeuses, la maisonnette offre
le jour une vue semblable à un diptyque : au sud s’étend la forêt
épaisse et attirante, au nord une longue chaîne de collines pelées
qui, au printemps, se couvriront de cerfs rouges venus y paître.
À l’intérieur, les lumières sont éteintes mais la cheminée diffuse
une clarté orangée. Je retire mes couches de vêtements puis
traverse sans bruit le petit salon en direction d’une chambre qui
n’est pas la mienne. Elle est allongée sur le lit, forme immobile dans
l’obscurité. Je m’installe à côté d’elle ; si je la réveille, elle n’en laisse
rien paraître. Je la respire, puisant du réconfort dans son odeur qui
n’a pas changé avec le temps, même démolie comme elle est. Mes
doigts glissent dans ses cheveux clairs et je m’autorise à sombrer
dans le sommeil, maintenant que je suis à l’abri dans la bulle de ma
sœur qui, depuis toujours, était censée être la plus forte de nous
deux.
2

Doucement, dit-il.
Ses menottes s’agrippent fermement aux rênes. Elle est bien trop
petite perchée tout là-haut, si petite qu’elle va sûrement se faire
éjecter.
Doucement.
Il la ralentit, une main dans son dos l’oblige à s’allonger à plat
ventre.
Sens-le. Sens les battements de son cœur dans le tien.
Il y a peu de temps encore, l’étalon était en liberté et une partie
de lui l’est toujours, mais lorsqu’elle l’enveloppe ainsi, doucement,
doucement, comme dit papa, il se calme.
Assise à califourchon sur la clôture de la carrière, j’observe. Il y a
du bois rugueux entre mes mains, une écharde sous mon ongle. Et
je suis sur ce cheval, moi aussi, je suis ma sœur, plaquée contre la
chaleur de cet animal puissant, frissonnant, avec la main de mon
père, grande, ferme, qui m’immobilise, et je suis la main de mon
père, aussi, et je suis l’étalon, la charge légère qu’il porte et le métal
froid dans sa bouche.
Tous les êtres vivants connaissent l’amour, déclare papa. Je vois
l’étreinte d’Aggie se transformer, se faire à la fois plus tendre et plus
déterminée. Il ne l’enverra pas valser.
Mais la tête de l’étalon se redresse dans la lumière rose du
crépuscule ; le vent a charrié une odeur jusqu’à ses naseaux et il
martèle le sol de ses sabots. Je me tourne sur la barrière, pivotant
pour scruter la rangée d’arbres.
Tout doux, murmure papa pour rassurer sa fille et le cheval. Mais
c’est trop tard, je crois. Parce que je le vois. Qui observe depuis
l’orée de la forêt. Deux yeux fixes.
Nos regards se rencontrent et l’espace d’un instant, je suis le loup.
Pendant que dans mon dos, le cheval se cabre et ma sœur
tombe…

J’émerge du rêve déboussolée, c’est un rêve récurrent, un


souvenir aussi. Je reste un moment dans le lit bien chaud, je me
souviens, mais le jour n’attend pas, la lumière filtre à travers la
fenêtre et je dois aider ma sœur à se lever.
— Salut, ma chérie, dis-je à voix basse en écartant doucement les
cheveux de son visage avant de l’aider à sortir du lit.
Je l’emmène dans la salle de bains. Elle se laisse faire quand je la
déshabille et l’installe dans la baignoire.
— Il y a un beau gros soleil, alors on a intérêt à laver cette
tignasse au cas où tu aurais envie d’aller la faire sécher dehors.
Elle adore faire ça. Elle adore plein de choses, du reste, mais mes
paroles ne sont qu’une mascarade : nous savons toutes les deux
qu’elle ne mettra pas le nez dehors aujourd’hui.
— Les loups sont dans leurs enclos. Ils ont survécu au voyage,
dis-je en massant son cuir chevelu pour faire pénétrer le shampoing.
Ils vont vouloir s’enfuir pour rentrer chez eux.
Elle ne réagit pas. C’est un de ses mauvais jours, ce qui veut dire
que je peux parler et parler encore, elle se contentera de fixer d’un
air absent un point qu’il m’est impossible de voir. Mais je continuerai
de papoter parce qu’elle m’entend peut-être, qui sait, depuis
l’endroit lointain où elle se trouve.
Aggie a les cheveux blonds, épais et longs comme les miens, et en
appliquant méthodiquement de l’après-shampoing sur les nœuds, je
me demande si elle n’avait pas raison, si nous n’aurions pas dû tout
couper. Elle s’en contrefiche mais malgré tous les efforts que cela
demande de prendre soin de sa chevelure, je n’ai pas pu me
résoudre à sacrifier cette crinière qui est son signe distinctif, ces
cheveux que je brosse, tresse et égalise depuis toujours.
— Si on ne leur avait pas fait traverser un océan, ils auraient
sûrement réussi.
J’aide Aggie à sortir du bain, je la sèche puis l’habille avec des
vêtements confortables et chauds, avant de l’installer devant la
cheminée pendant que je prépare le petit-déjeuner en poursuivant
mon monologue.
— Il n’y a pas d’amour entre Six et Neuf pour le moment. Mais ils
ne se sont pas entretués non plus.
Ces mots qui coulent si naturellement de ma bouche me
saisissent. L’amour prend-il toujours ce visage ? Est-il forcément
assorti d’une menace de mort ?
Mes paroles cependant n’ont pas réveillé les mêmes souvenirs
chez Aggie, elle est beaucoup trop loin pour qu’on puisse l’atteindre.
J’aimerais la suivre là où elle s’est réfugiée et en même temps, cet
endroit me terrifie. Ce qui me terrifie aussi, c’est l’idée qu’un jour,
peut-être, elle ne voudra plus en sortir.
Elle ne touche pas aux œufs que j’ai déposés près d’elle, trop
fatiguée, trop exténuée moralement pour accomplir quoi que ce soit.
Je brosse ses cheveux mouillés avec des gestes lents et doux, et je
continue de parler des loups parce que c’est tout ce qui me reste en
dehors de la rage.

Le Blue Cottage n’est pas loin de notre station d’études. Tous deux
sont plantés à la lisière de la forêt d’Abernethy, l’un des derniers
vestiges de la forêt calédonienne implantée ici après l’ère glaciaire.
Ces arbres séculaires appartiennent à une chaîne évolutive
ininterrompue de neuf mille ans, et c’est parmi eux que nous avons
installé l’enclos aux loups le plus proche, celui qui accueille Six, Neuf
et Treize. S’ils parviennent à former une meute, nous leur donnerons
le nom de leur nouvelle demeure : Abernethy. Il n’y a pas beaucoup
de maisons dans le coin, mais derrière nous s’étendent des
pâturages d’un vert intense, propriétés des nombreuses fermes
ovines qui nous séparent de la ville voisine. Personnellement, ce
n’est pas ici que j’aurais choisi d’introduire une nouvelle meute. Mais
ce n’est pas facile de trouver un endroit sans moutons dans les
Highlands et puis de toute façon, les loups vont bouger. Tout ce que
j’espère, c’est qu’ils préféreront rester à l’abri dans la forêt. Derrière
cette bande de sapins s’élève la chaîne de montagnes des
Cairngorms et c’est là-bas, m’a-t-on dit, que se niche le cœur
sauvage des Highlands, un coin où ne paît aucun mouton et où ne
passe aucune route. Mais où les loups éliront peut-être domicile.
Je pousse le chauffage à fond dans la voiture. La route est
verglacée et le ciel déverse une fine averse de neige, délicat
tourbillon de dentelle. Le paysage est de toute beauté : une
campagne immense, des collines ondoyantes et des rivières gelées
tortueuses, des langues d’épaisse forêt.
En voyant un cheval noir traverser la route juste devant moi, je
crois d’abord que c’est un effet de mon imagination. Sa queue est
une sombre comète filant à ses trousses. Mon pied enfonce la
pédale de frein, les roues dérapent. La voiture décrit un demi-cercle
avant de s’immobiliser tête-bêche au milieu de la chaussée. J’ai juste
le temps d’apercevoir le cheval avant qu’il disparaisse entre les
arbres.
La poitrine comprimée, je gare la voiture sur le bas-côté.
Une camionnette s’arrête en cahotant près de moi.
— Tout va bien ? lance une voix d’homme derrière la vitre du
conducteur entrouverte.
Je hoche la tête.
— Vous n’auriez pas vu un cheval ?
Je pointe le doigt dans la direction prise par l’animal.
— Et merde, lâche le conducteur.
À ma grande surprise, la camionnette quitte brusquement la route
pour suivre les traces du fuyard. Je la regarde zigzaguer dans la
neige, horrifiée. Après avoir vérifié l’heure, je bondis hors de la
voiture et marche dans les traces de pneus. Ce n’est pas difficile. Il a
creusé des tranchées dans son sillage.
La neige tombe plus dru ; le monde s’écroule autour de moi. Je
suis pressée, en retard pour le boulot, mais tant pis : je lève quand
même la tête pour contempler le spectacle. Des flocons sur mes
lèvres et mes cils. Ma main tendue vers l’écorce fraîche et
granuleuse d’un bouleau argenté. Le souvenir de quarante mille
trembles respirant autour de moi, leur frondaison dense et jaune
canari, aussi éclatante que sa voix dans mon oreille. Ils sont en train
de mourir. C’est nous qui les tuons.
Un appel, au loin.
Je laisse le souvenir s’échapper et me mets à courir. Dépasse la
camionnette, m’enfonce dans l’épaisse couche de poudreuse frappée
d’empreintes de pas et de sabots d’un cheval déchaîné. Je suis en
sueur lorsque j’arrive à la rivière, étroit ruban de glace entre deux
berges abruptes.
La sombre silhouette de l’homme devant moi. En contrebas, sur
l’eau gelée, se dresse le cheval.
Même à cette distance, je sens le froid sous ses sabots. Le genre
de froid pénétrant. L’homme est grand mais j’ai du mal à estimer sa
corpulence sous les multiples couches de vêtements chauds. Il a les
cheveux courts, bruns comme sa barbe. Un border collie noir et
blanc est tranquillement assis auprès de lui. Il se tourne vers moi.
J’attaque aussitôt.
— Vous savez que vous êtes dans une forêt protégée ?
Il fronce les sourcils d’un air perplexe.
J’esquisse un geste en direction de sa camionnette et des dégâts
causés par son passage.
— Ça ne vous dérange pas d’enfreindre la loi ?
Il me dévisage un moment avant de sourire.
— Vous n’aurez qu’à me dénoncer à la police quand j’en aurai
terminé avec cette jument.
Il parle avec un fort accent écossais.
Nous observons l’animal sur la glace. On dirait qu’il évite de
s’appuyer sur l’un de ses sabots antérieurs.
— Qu’est-ce que vous attendez ? je demande.
— J’ai une patte folle. Je ne pourrai pas remonter. Et puis la glace
ne tiendra pas le coup bien longtemps.
De fines craquelures zèbrent la surface de la rivière, s’allongeant
chaque fois que le cheval bouge.
— Je crois qu’il vaut mieux que j’aille chercher mon fusil dans la
camionnette.
La jument renâcle, secoue la tête. Sa robe noire est ornée d’une
unique tache blanche semblable à un diamant posé entre ses grands
yeux affolés. Je remarque les mouvements rapides de son ventre.
— Comment s’appelle-t-elle ?
— Aucune idée.
— Elle n’est pas à vous ?
Il secoue la tête.
Je commence à descendre au fond de la ravine.
— Arrêtez, ordonne l’homme. Je ne pourrai pas vous aider à
remonter.
Sans quitter un instant le cheval des yeux, je me laisse glisser le
long de la paroi déchiquetée. Mes boots heurtent la glace. Je
m’éloigne du talus en cherchant à repérer les fissures. Le lit gelé
supporte mon poids pour le moment mais certaines portions plus
minces laissent transparaître les flots sombres. Il serait tellement
facile de mettre le pied là où il ne faut pas. La gangue de glace
céderait et je glisserais là-dessous ; je vois mon corps happé qui
dégringole cul par-dessus tête avant de disparaître.
La bête. Elle me regarde.
— Salut, je murmure en rencontrant son regard profond,
lumineux.
Elle piaffe en remuant la tête. Elle est agitée, méfiante. Je
m’approche. Elle se cabre. Ses sabots percutent la glace dans un
grand fracas. Sait-elle que sa fureur la tuera ? Mais peut-être cette
idée ne lui déplaît-elle pas, peut-être préfère-t-elle foncer tête
baissée vers le néant plutôt que de retrouver l’endroit qu’elle a fui.
Un mors et une bride, une selle. Certains chevaux ne sont pas faits
pour être montés.
Je me baisse pour m’accroupir, me faire toute petite. Cette fois,
elle ne se cabre pas mais ne me quitte pas des yeux.
— Vous avez une corde dans votre camionnette ? je demande
sans un regard pour l’homme à qui je m’adresse.
Je l’entends qui s’éloigne.
Le cheval et moi, nous attendons. Qui es-tu, je lui demande en
silence. C’est un animal vigoureux, débourré depuis peu si je ne me
trompe. Ça fait un bon moment que je n’ai pas monté et je ne suis
plus la même qu’avant. Je lui laisse le temps de m’examiner,
curieuse de savoir ce qu’elle compte faire de moi.
L’homme revient avec un rouleau de corde qu’il jette vers la
rivière. Je ne la lâche pas des yeux tandis que mes doigts font
instinctivement le nœud que je connais par cœur, je la maintiens
près de moi et me redresse. D’un geste rapide, je lance la corde par-
dessus sa tête et noue l’extrémité sous son encolure. La bête se
cabre encore, furieuse, et la glace va bientôt céder, j’en ai la
certitude. Je laisse la corde glisser entre mes mains pour éviter
d’être soulevée du sol tout en veillant à garder une prise solide.
Quand elle retombe sur ses sabots, je ne lui laisse pas le temps de
recommencer : je tire sur la corde pour l’obliger à baisser la tête en
même temps que je m’approche pour soulever sa jambe antérieure.
Les deux mouvements simultanés la forcent à plier son autre jambe
et elle se laisse tomber sur la glace, presque soulagée, avant de
basculer sur le flanc. Je m’étends sur son corps, caresse le chanfrein
et l’encolure en lui parlant à voix basse. Belle fille. Son cœur cogne à
coups redoublés. Je sens le contact de la corde sur mon cou.
— La glace, lance l’homme car une myriade de fins sillons sont
apparus.
Quand elle est prête, je glisse une jambe sur son dos, l’enserre de
mes genoux et claque plusieurs fois la langue avant de chuchoter
debout, debout. Elle se redresse et je m’installe correctement,
positionne mon autre jambe et resserre les mollets. La corde est
toujours autour de son cou mais je n’en ai pas besoin, j’attrape sa
crinière pour la diriger vers la berge abrupte tandis que les fissures
frémissent sous notre poids. Ça va faire mal, je la préviens mais elle
s’élance à l’assaut de la rive et je bascule en arrière. Je m’y étais
préparée, je suis le mouvement, les jambes juste assez contractées
pour rester sur son dos. Elle peine à monter, ses sabots patinent
tandis qu’elle s’efforce de trouver une prise, le sol se dérobe sous
son poids mais brusquement, nous voici au sommet de
l’escarpement, et le frisson d’excitation qui la parcourt se propage en
moi comme une langue de feu. Derrière nous, la rivière gelée s’est
déchirée.
Je m’aplatis de nouveau contre son encolure. Belle fille. Tu es très
courageuse. Elle s’est calmée – mais pour combien de temps ? Elle
ne prend pas appui sur sa jambe blessée. Sa fugue a peut-être
causé des dommages irréversibles. Je saute à terre et tends la corde
à l’homme. Contact rugueux dans sa paume nue, dans la mienne.
— Soyez doux avec elle.
— Merci beaucoup, dit-il avec un hochement de tête. Vous êtes
cavalière professionnelle ?
Mes lèvres se crispent.
— Non.
— Vous voulez bien la ramener chez elle ? Elle s’est échappée de
la ferme des Burns, un peu plus au nord.
— Pourquoi est-ce que vous l’avez suivie jusqu’ici si elle ne vous
appartient pas ?
— J’ai croisé sa route, comme vous.
Je le dévisage.
— Elle a une jambe blessée. Il faut éviter de la monter.
— Dans ce cas, je vais faire venir un van. Vous n’êtes pas du
coin ?
— Je viens d’arriver.
— Vous habitez où ?
Ferait-il partie de ces gens qui se donnent pour mission de
connaître tout le monde dans un rayon de cent cinquante
kilomètres ? Il a d’épais sourcils et un regard ténébreux. Je ne
saurais dire si je le trouve séduisant. Il dégage quelque chose de
troublant, en tout cas.
— D’accord, dit-il. Qu’est-ce qui vous amène ici ?
Je tourne les talons.
— Vous ne deviez pas appeler quelqu’un pour le cheval ?
— Vous êtes avec les loups ? insiste-t-il et je m’arrête net. On
nous a prévenus qu’une Australienne allait bientôt débarquer. C’est
quoi, le but de la manœuvre ? Vous n’avez pas assez de koalas à
cajoler, c’est ça ?
— En quelque sorte, oui. La plupart sont morts dans des feux de
brousse.
— Oh.
Ma réponse lui cloue le bec.
Au bout d’un moment, il demande :
— Ils sont déjà en liberté ?
— Pas encore. Mais c’est l’objectif.
— Je vais dire aux habitants du village d’enfermer leurs femmes et
leurs filles. Les grands méchants loups seront bientôt lâchés.
Je rencontre son regard.
— À votre place, j’aurais plutôt peur que les femmes et les filles
aient envie de s’enfuir avec les loups.
Il me dévisage, décontenancé.
Je me dirige vers ma voiture.
— La prochaine fois qu’il vous prendra l’envie de poursuivre une
bête, prévenez quelqu’un de compétent au lieu de foncer comme un
bulldozer dans une zone naturelle préservée.
Connard.
Je l’entends s’esclaffer.
— Bien, m’dame.
Je me retourne pour jeter un dernier regard au cheval. Salut, lui
dis-je. Et aussi : Je suis désolée. Parce que cette jambe blessée
pourrait bien déboucher sur une liberté d’un tout autre genre.
3

Durant les seize premières années de notre existence, Aggie et moi


passions tous les ans deux mois chez notre père, dans sa forêt.
C’était notre vraie maison, l’endroit où nous nous sentions chez
nous. Des paysages qui donnaient du sens à ma vie. Enfant, je
croyais que les arbres de cette forêt étaient notre famille. Les
branches des plus hauts et des plus imposants dardaient à plusieurs
mètres au-dessus du sol et ce signe nous indiquait leur grand âge.
Les troncs des cèdres rouges arboraient des rayures, ou tout
comme, sillons verticaux rectilignes creusés dans leur écorce jusqu’à
leur cime, mais en dehors de ça ils étaient lisses, et leur couleur
grise virait à l’argenté quand la lumière de l’après-midi se frayait un
chemin à travers la canopée, tout là-haut. Élégants, les cèdres, avec
leurs feuilles semblables à des fougères. Les tsugas étaient
différents, de couleur plus sombre, plus terriens. Des motifs
tarabiscotés ornaient leur écorce rugueuse. Les deux se paraient de
plaques de mousse semblables à des éclaboussures de peinture,
d’un vert vif, presque fluo. Il y avait plein d’autres arbres, des plus
petits qui s’enroulaient autour des grands, des jeunes indisciplinés,
peut-être des adolescents. Certains d’entre eux dépliaient au sol
leurs doigts tortueux pour nous faire trébucher, les farceurs, d’autres
étaient dodus et touffus, d’autres encore frêles et sinueux. Il n’y en
avait pas deux pareils. Ils étaient uniques, étranges et variés, mais
ils partageaient tous le même point commun : ils parlaient.
“La forêt a un cœur battant que nous ne voyons pas”, nous avait
dit papa un jour. Il était allongé par terre à plat ventre et nous
l’avions imité, les mains posées sur le sol tiède et les oreilles
plaquées sur le tapis végétal des sous-bois, aux aguets. “Il est là,
juste en dessous. C’est comme ça que les arbres bavardent entre
eux et qu’ils prennent soin les uns des autres. Leurs racines
s’entremêlent, des dizaines d’arbres avec d’autres dizaines qui
tissent une toile et qui se touchent encore et encore, et qui se
parlent à voix basse grâce à leurs racines. Ils se préviennent en cas
de danger et se partagent la nourriture. Ils sont comme nous. Une
famille. Plus forts ensemble. Personne ne peut supporter cette vie
seul.”
Là, il avait souri, avant de demander : “Vous entendez les
battements ?” et nous les entendions, oui, ça peut paraître bizarre,
mais nous les entendions.
Le jour de nos dix ans, papa nous a emmenées dans un endroit
que nous ne connaissions pas. Nous avions bivouaqué toute notre
vie dans ces bois mais jamais encore il ne nous avait entraînées
aussi loin. Nous avons crapahuté cinq jours et dormi cinq nuits en
pleine nature. Aggie aimait attendre le silence complet pour crier à
pleins poumons, tellement fort que le monde tressaillait. Moi, je
préférais le calme.
Papa trimballait partout La Nomenclature des couleurs de Werner.
Un livre indispensable, selon lui. On le feuilletait à tour de rôle, Aggie
et moi, promenant nos doigts sur les petits carrés de couleur et leurs
descriptions qu’on apprenait toutes par cœur. Chaque nuance était
associée à un animal, à un végétal et à un minéral. C’est ce même
livre, répétait souvent mon père avec fierté, que Charles Darwin
consultait pour décrire les couleurs de la nature rencontrée tout au
long de son voyage à bord du HMS Beagle. Il m’a toujours paru
extraordinaire que le “rouge carné”, qui tirait à mes yeux sur un rose
pâle brunâtre, soit non seulement la couleur du calcaire et des
delphiniums, mais aussi celle de certaines nuances de la peau
humaine. Ou encore que le “bleu de Prusse” puisse se loger dans le
miroir d’une aile de colvert, l’étamine d’une anémone bleu violacé ou
dans un morceau de minerai de cuivre bleu.
— Ce livre relie les choses entre elles, nous avait expliqué papa. Il
montre qu’elles sont toutes pareilles, seules les couleurs diffèrent. Il
nous incorpore à la nature.
Ce jour-là cependant, papa resta silencieux et nous suivîmes son
exemple, jusqu’au moment où, au lieu d’escalader un tertre pour
pénétrer dans un nouveau taillis luxuriant, nous débouchâmes sur
une vallée vide. Face à nous, le sol avait été rasé, tous les arbres
abattus et emportés.
— Qu’est-ce qui s’est passé ici ? demanda Aggie mais papa
contempla le spectacle en silence et prit un coup de vieux sous nos
yeux tandis que la responsabilité de tout ça le terrassait.
Son regard se posa sur quelque chose, au loin. Difficile de passer
à côté. Un arbre solitaire, le plus majestueux que j’aie jamais vu. Un
sapin de Douglas gigantesque qui effleurait le ciel et dont le tronc
était dépouillé de branches sur au moins quatre-vingts pour cent de
sa hauteur. Il se tenait là, solidement campé au milieu du saccage.
Papa nous conduisit au fond de la vallée, jusqu’à l’arbre qui
grossissait et grandissait à mesure que nous approchions. Allongée
sur le dos, je regardai les lointaines ramures caresser le ciel.
Puis papa nous raconta une histoire.
— Je n’ai pas toujours été l’homme que vous connaissez,
commença-t-il. Il y a fort longtemps, alors que l’idée d’avoir des
enfants n’avait même pas germé dans mon esprit, j’étais bûcheron.

Il nous raconta ses randonnées en forêt, si semblables à celles


qu’il faisait encore et à la fois si différentes. Son travail consistait à
indiquer à ses collègues ce qu’il fallait couper et ce qu’il fallait
conserver. Avec du ruban de couleur vive, il marquait les arbres et
estimait la valeur des grumes. Une fois sa mission accomplie, les
bûcherons rappliquaient et démarraient leurs tronçonneuses et
l’endroit vivant qu’il avait arpenté se transformait en cimetière.
Un jour, il avait parcouru les terres où nous nous trouvions. Elles
n’étaient pas comme ça à l’époque. Il était arrivé par la rivière que
nous avions traversée le matin même, mesurant les distances et
signalant les arbres. Et il s’était retrouvé au pied de celui-ci. Ce sapin
de Douglas, l’arbre qui allait changer sa vie.
Il sut d’emblée que cet arbre était spécial. Plus gros que tous les
spécimens qu’il avait croisés jusqu’alors, il vaudrait une fortune. Il
noua une longueur de ruban rouge autour de son tronc et poursuivit
sa tâche.
Toutefois il se surprit à revenir sur ses pas pour le contempler
encore et encore, plusieurs fois dans la journée. Cet arbre remuait
quelque chose en lui. Alexander Flynn, du haut de ses vingt-cinq
ans, sortit alors le rouleau de ruban vert et marqua de nouveau le
conifère, indiquant cette fois qu’il était à conserver. Ainsi s’acheva sa
carrière professionnelle.

— J’ai donné ma démission ce jour-là et je ne suis jamais retourné


travailler là-bas, conclut papa. Trop tard. Beaucoup trop tard.
Son regard glissa sur les souches.
— Aujourd’hui, c’est une essence en voie de disparition. Quatre-
vingt-dix-neuf pour cent des sapins de Douglas ont été abattus.
Celui-ci fait donc partie des derniers de son espèce à être encore en
vie.
— Est-ce qu’il est triste d’être seul ?
J’avais posé la question parce que j’avais mal pour ses racines qui
se déployaient et cherchaient à s’agripper à d’autres mais ne
rencontraient que du vide.
— Oui, répondit papa.
Puis il appuya son front contre le conifère et fit quelque chose
qu’Aggie et moi ne l’avions jamais vu faire avant et qu’il ne refit plus
jamais : il pleura.

C’était un long voyage de Vancouver à Sydney et Aggie et moi le


connaissions par cœur. Un long voyage de chez notre père, ancien-
bûcheron-changé-en-homme-des-bois-naturaliste, jusqu’à notre
mère, inspectrice-de-la-brigade-criminelle-dure-à-cuire-et-citadine-
invétérée. La vie avec maman, un monde à part. Mais même après
avoir réintégré l’immeuble en béton qui abritait notre appartement et
retrouvé les plages de sable blanc sans arbres sur lesquelles venait
se fracasser l’océan, je continuais de rêver du sapin de Douglas
solitaire et je me réveillais, persuadée que ses racines étaient les
miennes, traçant mais n’en trouvant aucune autre, pas même celles
d’Aggie.

Maman ne nous demanda pas si notre séjour s’était bien passé.


Elle ne nous posait jamais la question. En fait, elle ne nous
demandait pas grand-chose. C’était moi qui posais les questions, en
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thus to build up in confidence and hope the more timorous of
my surviving followers. I am not so hard a master. Try me.
Accept my help. Please yourself in life as you have done
hitherto; please yourself more amply, spread your elbows at
the board; and when the night begins to fall and the curtains
to be drawn, I tell you, for your greater comfort, that you will
find it even easy to compound your quarrel with your
conscience, and to make a truckling peace with God. I came
but now from such a death bed, and the room was full of
sincere mourners, listening to the man’s last words: and when
I looked into that face, which had been set as a flint against
mercy, I found it smiling with hope.”
63. “And do you, then, suppose me such a Markheim has
creature?” asked Markheim. “Do you think I judged the example.
have no more generous aspirations than to
sin, and sin, and sin, and, at last, sneak into heaven? My
heart rises at the thought. Is this, then, your experience of
mankind? or is it because you find me with red hands that you
presume such baseness? and is this crime of murder indeed
so impious as to dry up the very springs of good?”
64. “Murder is to me no special category,” Is this true
replied the other. “All sins are murder, even reasoning?
as all life is war. I behold your race, like
starving mariners on a raft, plucking crusts out of the hands of
famine and feeding on each other’s lives. I Note the detached
follow sins beyond the moment of their attitude.
acting; I find in all that the last consequence
is death; and to my eyes, the pretty maid who thwarts her
mother with such taking graces on a question of a ball, drips
no less visibly with human gore than such a murderer as
yourself. Do I say that I follow sins? I follow Note paradox.
virtues also; they differ not by the thickness
of a nail, they are both scythes for the reaping angel of Death.
Evil, for which I live, consists not in action but in character.
The bad man is dear to me; not the bad act, whose fruits, if
we could follow them far enough down the hurtling cataract of
the ages, might yet be found more blessed than those of the
rarest virtues. And it is not because you have killed a dealer,
but because you are Markheim, that I offered to forward your
escape.”
65. “I will lay my heart open to you,” answered Markheim.
“This crime on which you find me is my last. On my way to it I
have learned many lessons; itself is a lesson, a momentous
lesson. Hitherto I have been driven with An unusual
revolt to what I would not; I was a bond- expression.
slave to poverty, driven and scourged. There
are robust virtues that can stand in these temptations; mine
was not so: I had a thirst of pleasure. But to- Note use of “of.”
day, and out of this deed, I pluck both
warning and riches—both the power and a fresh resolve to be
myself. I become in all things a free actor in the world; I begin
to see myself all changed, these hands the Could that have
agents of good, this heart at peace. been?
Something comes over me out of the past;
something of what I have dreamed on Sabbath evenings to
the sound of the church organ, of what I forecast when I shed
tears over noble books, or talked, an innocent child, with my
mother. There lies my life; I have wandered a few years, but
now I see once more my city of destination.”
66. “You are to use this money on the Stock Exchange, I
think?” remarked the visitor; “and there, if I mistake not, you
have already lost some thousands?”
67. “Ah,” said Markheim, “but this time I Self-deception
have a sure thing.” uncovered.

68. “This time, again, you will lose,” replied the visitor, quietly.
69. “Ah, but I keep back the half!” cried Markheim.
70. “That also you will lose,” said the other.
71. The sweat started upon Markheim’s Moral crisis begins
brow. “Well, then, what matter?” he to appear to
exclaimed. “Say it be lost, say I am plunged Markheim.
again in poverty, shall one part of me, and that the worse,
continue until the end to override the better? Evil and good
run strong in me, haling me both ways. I do not love the one
thing, I love all. I can conceive great deeds, Self-deception still
renunciations, martyrdoms; and though I be struggling.
fallen to such a crime as murder, pity is no
stranger to my thoughts. I pity the poor; who knows their trials
better than myself? I pity and help them; I prize love, I love
honest laughter; there is no good thing nor true thing on earth
but I love it from my heart. And are my vices only to direct my
life, and my virtues to lie without effect, like some passive
lumber of the mind? Not so; good, also, is a spring of acts.”
72. But the visitant raised his finger. “For six-and-thirty years
that you have been in this world,” said he, “through many
changes of fortune and varieties of humor, I have watched
you steadily fall. Fifteen years ago you Here the story is
would have started at a theft. Three years plainly didactic.
back you would have blenched at the name
of murder. Is there any crime, is there any cruelty or
meanness, from which you still recoil?—five years from now I
shall detect you in the fact! Downward, downward, lies your
way; nor can anything but death avail to stop you.”
73. “It is true,” Markheim said, huskily, “I have in some degree
complied with evil. But it is so with all: the very saints, in the
mere exercise of living, grow less dainty, and take on the tone
of their surroundings.”
74. “I will propound to you one simple Key.
question,” said the other; “and as you
answer, I shall read to you your moral horoscope. You have
grown in many things more lax; possibly you do right to be so;
and at any account, it is the same with all men. But granting
that, are you in any one particular, however trifling, more
difficult to please with your own conduct, or do you go in all
things with a looser rein?”
75. “In any one?” repeated Markheim, with Minor Moral
an anguish of consideration. “No,” he added, Climax.
with despair, “in none! I have gone down in Markheim at last
sees himself.
all.”
76. “Then,” said the visitor, “content yourself with what you
are, for you will never change; and the words of your part on
this stage are irrevocably written down.”
77. Markheim stood for a long while silent, and indeed it was
the visitor who first broke the silence. “That being so,” he said,
“shall I show you the money?”
78. “And grace?” cried Markheim.
79. “Have you not tried it?” returned the other. “Two or three
years ago, did I not see you on the platform of revival
meetings, and was not your voice the loudest in the hymn?”
80. “It is true,” said Markheim; “and I see clearly what remains
for me by way of duty. I thank you for these lessons from my
soul: my eyes are opened, and I behold myself at last for what
I am.”
81. At this moment, the sharp note of the door-bell rang
through the house; and the visitant, as though this were some
concerted signal for which he had been waiting, changed at
once in his demeanor.
82. “The maid!” he cried. “She has returned,
as I forewarned you, and there is now Full Moral Crisis.
before you one more difficult passage. Her Physical Resultant
Crisis.
master, you must say, is ill; you must let her
in, with an assured but rather serious
countenance—no smiles, no overacting, and I promise you
success! Once the girl within, and the door Final test.
closed, the same dexterity that has already
rid you of the dealer will relieve you of this last danger in your
path. Thenceforward you have the whole evening—the whole
night, if needful—to ransack the treasures of the house and to
make good your safety. This is help that comes to you with
the mask of danger. Up!” he cried: “up, friend; your life hangs
trembling in the scales; up, and act!”
83. Markheim steadily regarded his counsellor. “If I be
condemned to evil acts,” he said, “there is still one door of
freedom open—I can cease from action. If my life be an ill
thing, I can lay it down. Though I be, as you say truly, at the
beck of every small temptation, I can yet, by one decisive
gesture, place myself beyond the reach of all. My love of good
is damned to barrenness; it may, and let it, be! But I have still
my hatred of evil; and from that, to your galling
disappointment, you shall see that I can draw both energy
and courage.”
84. The features of the visitor began to Who was the
undergo a wonderful and lovely change; visitant?
they brightened and softened with a tender
triumph; and, even as they brightened, faded and dislimned.
But Markheim did not pause to watch or understand the
transformation. He opened the door and went downstairs very
slowly, thinking to himself. His past went soberly before him;
he beheld it as it was, ugly and strenuous like a dream,
random as chance-medley—a scene of defeat. Life, as he
thus reviewed it, tempted him no longer; but on the further
side he perceived a quiet haven for his bark. He paused in the
passage, and looked into the shop, where the candle still
burned by the dead body. It was strangely silent. Thoughts of
the dealer swarmed into his mind, as he stood gazing. And
then the bell once more broke out into impatient clamor.
85. He confronted the maid upon the threshold with
something like a smile.
86. “You had better go for the police,” said Moral Climax.
he: “I have killed your master.” Denouement.
MORRISON AND HIS WRITINGS
Arthur Morrison was born in Kent, England, in 1863. After some
experience as a clerk in the civil service, as the secretary of a charity
trust in the East End of London, and as a journalist on the editorial
staff of an evening paper, he settled down definitely to his career as
novelist and writer on oriental art. He is best known as a journalist,
however, and his familiarity with the East End has largely contributed
to his success in depicting the sordid life of London’s “mean streets,”
as the “remorseless realism” of his pictures testify. Mr. Morrison’s
literary work was in the nature of prose and verse panegyrizing
bicycles and bicycling. His principal works, apart from several plays
and magazine contributions, are Tales of Mean Streets; the several
Martin Hewitt (detective) books; A Child of the Jago; To London
Town; The Hole in the Wall; The Red Triangle; The Green Eye of
Goona (published in America as The Green Diamond); and The
Painters of Japan.
Mr. Morrison’s best fiction is not large in bulk, for his detective stories
are surpassed both in merit and in popular appeal by more than one
writer on similar themes; but in his Tales of Mean Streets, which
contains the appended study, “On the Stairs,” he has attained a
compressed power equalled only by the French realists and scarcely
surpassed even by them. He has brought the art of suggestion to a
high pass, his swiftness and firmness of delineation are equally
effective, and though his subjects are sordid and often depressing
they live before us as real folk.
The introduction to Tales of Mean Streets appeared in
Macmillan’s Magazine in October, 1891, where it was
called simply, “A Street.” This sketch attracted the
attention of Mr. W. E. Henley, who gave the young writer
the benefit of his own knowledge and criticism; and it is to
Henley and to Walter Besant that Mr. Morrison makes
special acknowledgment for help in the technicalities and
mechanism of his tales. Most of these Tales of Mean
Streets appeared in the National Observer (while Henley
was the editor), and a few in the Pall Mall Budget.—Book
Buyer (London), vol. 12.
If the modern novel about the slums, such as novels of Mr.
Arthur Morrison, or the exceedingly able novels of Mr.
Somerset Maugham, are intended to be sensational, I can
only say that that is a noble and reasonable object, and
that they attain it.... It may be ... it is necessary to have in
our fiction the image of the horrible and hairy East-ender,
merely to keep alive in us a fearful and childlike wonder at
external peculiarities.... To summarize, our slum fiction is
quite defensible as æsthetic fiction; it is not defensible as
spiritual fact.—Gilbert K. Chesterton, Heretics.
Ever seeking the clean-cut, picturesque phrase and the
vivid word, he produced a very striking picture of the East
End. But, nevertheless, it was not quite satisfactory and
convincing. Human nature does not alter so much with
conditions as he seems to think. A little less or a little more
morality does not affect its elements.... Mr. Morrison’s
strongest gift in writing is a cynicism that is almost brutal.
With it he elaborates the features of all his characters till
the impression is produced that one savage, hideous, ugly
coster and one gaudy-feathered, bedizened “Jonah” have
acted as models for all his studies of Jagodom. Moreover,
his success has been achieved in pictures of the brutal.—
Academy (London), vol. 52.
The “mean streets” are streets in London.... [They] have
found in Arthur Morrison an interpreter who lifts them out
of their meanness upon the plane of a just claim to human
sympathy. He lets us see the relief. Bill Napper, the
drunken kerb-whacker, come into property and defending
it against the rascally labor agitator, Scuddy Lond, mixing
religious fervor and till-tapping with entire sincerity,
Simmons and Ford, victims of their joint wife’s “jore” and
mania for trouser-making, even the Anarchists of the Red
Cow group, appeal to us with a sense almost of kinship
because we feel that the figures are real. They are capital
character-studies besides. Dickens never made a finer
than the thief Scuddy Lond, or than Billy Chope.... The art
of these stories seems flawless. Mr. Morrison’s gift
amounts to genius.—Jacob Riis, Romances of “The Other
Half,” The Book Buyer, vol. 12.

FURTHER REFERENCES FOR READING ON


MORRISON
Methods of Arthur Morrison, Academy, vol. 50, 531; His Work,
Academy, vol. 52, 493; Blackwood’s Magazine, vol. 163, 734; How
to Write a Short Story, Bookman, vol. 5, 45; Morrison as a Realist, H.
D. Traill, Fortnightly, vol. 67, 65; Reply, A. Morrison, New Review,
vol. 16, 326; Child of the Jago: True to Facts, A. O. Jay, Fortnightly,
vol. 67, 324.

FOR ANALYSIS

ON THE STAIRS
BY ARTHUR MORRISON

The house had been “genteel.” When trade was prospering in


the East End, and the ship-fitter or block-maker thought it no
shame to live in the parish where his workshop lay, such a
master had lived here. Now, it was a tall, solid, well-bricked,
ugly house, grimy and paintless in the joinery, cracked and
patched in the windows: where the front door stood open all
day long; and the womankind sat on the steps, talking of
sickness and deaths and the cost of things; and treacherous
holes lurked in the carpet of road-soil on the stairs and in the
passage. For when eight families live in a house, nobody
buys a door-mat, and the street was one of those streets that
are always muddy. It smelt, too, of many things, none of them
pleasant (one was fried fish); but for all that it was not a slum.
2. Three flights up, a gaunt woman with bare forearms stayed
on her way to listen at a door which, opening, let out a warm,
fetid waft from a close sick-room. A bent and tottering old
woman stood on the threshold, holding the door behind her.
3. “An’ is 'e no better now, Mrs. Curtis?” the gaunt woman
asked, with a nod at the opening.
4. The old woman shook her head, and pulled the door closer.
Her jaw waggled loosely in her withered chaps: “Nor won’t be;
till 'e’s gone.” Then after a certain pause, “'E’s goin’,” she said.
5. “Don’t doctor give no 'ope?”
6. “Lor’ bless ye, I don’t want to ast no doctors,” Mrs. Curtis
replied, with something not unlike a chuckle. “I’ve seed too
many on ’em. The boy’s a-goin’, fast; I can see that. An’
then”—she gave the handle another tug, and whispered
—“he’s been called.” She nodded amain; “Three seprit knocks
at the bed-head las’ night; an’ I know what that means!”
7. The gaunt woman raised her brows, and nodded. “Ah,
well,” she said, “we all on us comes to it some day, sooner or
later. An’ it’s often a 'appy release.”
8. The two looked into space beyond each other, the elder
with a nod and a croak. Presently the other pursued, “'E’s
been a very good son, ain’t 'e?”
9. “Ay, ay, well enough son to me,” responded the old woman,
a little peevishly; “an’ I’ll 'ave ’im put away decent, though
there’s on’y the Union for me after. I can do that, thank
Gawd!” she added, meditatively, as chin on fist she stared into
the thickening dark over the stairs.
10. “When I lost my pore 'usband,” said the gaunt woman with
a certain brightening, “I give ’im a 'ansome funeral. 'E was a
Oddfeller, an’ I got twelve pound. I 'ad a oak caufin an’ a open
'earse. There was a kerridge for the fam’ly an’ one for 'is
mates—two 'orses each, an’ feathers, an’ mutes; an’ it went
the furthest way round to the cimitry. 'Wotever 'appens, Mrs.
Manders,’ says the undertaker, ‘you’ll feel as you’ve treated
'im proper; nobody can’t reproach you over that.’ An’ they
couldn’t. 'E was a good 'usband to me, an’ I buried ’im
respectable.”
11. The gaunt woman exulted. The old, old story of Manders’s
funeral fell upon the other one’s ears with a freshened
interest, and she mumbled her gums ruminantly. “Bob’ll 'ave a
'ansome buryin', too,” she said. “I can make it up, with the
insurance money, an’ this, an’ that. On’y I dunno about mutes.
It’s a expense.”
12. In the East End, when a woman has not enough money to
buy a thing much desired, she does not say so in plain words;
she says the thing is an “expense,” or a “great expense.” It
means the same thing, but it sounds better. Mrs. Curtis had
reckoned her resources, and found that mutes would be an
“expense.” At a cheap funeral mutes cost half-a-sovereign
and their liquor. Mrs. Manders said as much.
13. “Yus, yus, 'arf-a-sovereign,” the old woman assented.
Within, the sick feebly beat the floor with a stick. “I’m a-
comin’,” she cried shrilly; “yus, 'arf-a-sovereign, but it’s a lot,
an’ I don’t see 'ow I’m to do it—not at present.” She reached
for the door-handle again, but stopped and added, by after-
thought, “Unless I don’t 'ave no plooms.”
14. “It 'ud be a pity not to 'ave plooms. I 'ad—”
15. There were footsteps on the stairs: then a stumble and a
testy word. Mrs. Curtis peered over into the gathering dark. “Is
it the doctor, sir?” she asked. It was the doctor’s assistant;
and Mrs. Manders tramped up to the next landing as the door
of the sick-room took him in.
16. For five minutes the stairs were darker than ever. Then
the assistant, a very young man, came out again, followed by
the old woman with a candle. Mrs. Manders listened in the
upper dark. “He’s sinking fast,” said the assistant. “He must
have a stimulant. Dr. Mansell ordered port wine. Where is it?”
Mrs. Curtis mumbled dolorously. “I tell you he must have it,”
he averred with unprofessional emphasis (his qualification
was only a month old). “The man can’t take solid food, and his
strength must be kept up somehow. Another day may make
all the difference. Is it because you can’t afford it?” “It’s a
expense—sich a expense, doctor,” the old woman pleaded.
“An’ wot with 'arf-pints o’ milk an’—” She grew inarticulate,
and mumbled dismally.
17. “But he must have it, Mrs. Curtis, if it’s your last shilling:
it’s the only way. If you mean you absolutely haven’t the
money—” and he paused a little awkwardly. He was not a
wealthy young man—wealthy young men do not devil for East
End doctors—but he was conscious of a certain haul of
sixpences at nap the night before; and, being inexperienced,
he did not foresee the career of persecution whereon he was
entering at his own expense and of his own motion. He
produced five shillings: “If you absolutely haven’t the money,
why—take this and get a bottle—good: not at a public-house.
But mind, at once. He should have had it before.”
18. It would have interested him, as a matter of coincidence,
to know that his principal had been guilty of the selfsame
indiscretion—even the amount was identical—on that landing
the day before. But, as Mrs. Curtis said nothing of this, he
floundered down the stair and out into the wetter mud,
pondering whether or not the beloved son of a Congregational
minister might take full credit for a deed of charity on the
proceeds of sixpenny nap. But Mrs. Curtis puffed her
wrinkles, and shook her head sagaciously as she carried in
her candle. From the room came a clink as of money falling
into a teapot. And Mrs. Manders went about her business.
19. The door was shut, and the stair a pit of blackness. Twice
a lodger passed down, and up and down, and still it did not
open. Men and women walked on the lower flights, and out at
the door, and in again. From the street a shout or a snatch of
laughter floated up the pit. On the pavement footsteps rang
crisper and fewer, and from the bottom passage there were
sounds of stagger and sprawl. A demented old clock buzzed
divers hours at random, and was rebuked every twenty
minutes by the regular tread of a policeman on his beat.
Finally, somebody shut the street-door with a great bang, and
the street was muffled. A key turned inside the door on the
landing, but that was all. A feeble light shone for hours along
the crack below, and then went out. The crazy old clock went
buzzing on, but nothing left that room all night. Nothing that
opened the door....
20. When next the key turned, it was to Mrs. Manders’s
knock, in the full morning; and soon the two women came out
on the landing together, Mrs. Curtis with a shapeless clump of
bonnet. “Ah, 'e’s a lovely corpse,” said Mrs. Manders. “Like
wax. So was my 'usband.”
21. “I must be stirrin’,” croaked the old woman, “an’ go about
the insurance an’ the measurin’ an’ that. There’s lots to do.”
22. “Ah, there is. 'Oo are you goin’ to 'ave,—Wilkins? I 'ad
Wilkins. Better than Kedge, I think: Kedge’s mutes dresses
rusty, an’ their trousis is frayed. If you was thinkin’ of 'avin’
mutes—”
23. “Yus, yus,”—with a palsied nodding,—“I’m a-goin’ to 'ave
mutes: I can do it respectable, thank Gawd!”
24. “And the plooms?”
25. “Ay, yus, and the plooms too. They ain’t sich a great
expense, after all.”

SUGGESTIVE QUESTIONS FOR STUDY


1. What are the points of similarity between the Character-Study and
the Psychological Study?
2. Define (a) Psychology, (b) Realism.
3. Does Markheim’s change of heart seem to you to be genuine?
Give your reasons.
4. Analyze his motives fully.
5. Is the supernatural element convincing?
6. Could conscience produce the same effect as the Visitant?
7. What impression did Stevenson seek to convey by “Markheim”?
8. Fully analyze the thoughts, feelings, and motives of the mother.
9. Can you detect Morrison’s motive in writing “On the Stairs”?
10. Fully analyze one other psychological study, from any source.

TEN REPRESENTATIVE PSYCHOLOGICAL


STUDIES
“A Coward,” Guy de Maupassant, translated in The Odd Number.
“Another Gambler,” Paul Bourget, translated in Stories by Foreign Authors.
“La Bretonne,” André Theuriet, translated in Short-Story Masterpieces.
“The Song of Death,” Hermann Sudermann, translated in The Indian Lily.
“The Recovery,” Edith Wharton, in Crucial Instances.
“Billy-Boy,” John Luther Long, in volume of same title.
“The Executioner,” Honoré de Balzac, translated in Masterpieces of Fiction.
“The Revolt of ‘Mother,’” Mary E. Wilkins Freeman, Harper’s Magazine, vol. 81,
553.
“The Lady or the Tiger,” Frank R. Stockton, in volume of same title.
“The Man Without a Country,” Edward Everett Hale, in Short Story Classics,
American.
BIBLIOGRAPHICAL NOTE
An extended list of books and magazine articles on the short-story will be found on
pages 375-378, 426-431 of the present author’s Writing the Short-Story, New York,
Hinds, Hayden and Eldredge (1909), xiv+441 pp. Most of the bibliographical
references here appended also appear in the revised edition of Writing the Short-
Story (1918). Magazine articles have not been included, as they may be found
listed in the cumulative periodical indexes. For several years, The Writer’s
Monthly, Springfield, Mass., a periodical for literary workers, has printed monthly a
list of magazine articles of interest to writers.
Notes on the Influence of E. T. A. Hoffman on Edgar Allan Poe, G. Gruener,
Modern Language Association of America (1904).
How to Write, Charles Sears Baldwin. Macmillan (1906). Chapters on “How to Tell
a Story,” and “How to Describe.” Based upon Bible narratives.
The Art of the Short-Story, George W. Gerwig. Werner (1909). A brief general
study. Out of print.
The Short Story in English, Henry Seidel Canby. Holt (1909). An exhaustive
examination into the origin and development of the form.
A History of Story Telling, Arthur Ransome. Stokes (1909).
Studies in Several Literatures, Harry Thurston Peck. Dodd, Mead (1909). Chapters
on “Poe,” and “The Detective Story.”
The Art of Writing (also issued under the title, The Art of Short Story Writing),
George Randolph Chester. The Publishers Syndicate (1910). A collection of brief
notes on all phases of the title-subject.
The Fiction Factory, John Milton Edwards (pseudonym). Editor Co. (1911). “The
author tells how he conceived, planned, wrote and sold $100,000 worth of
manuscripts.”
The Craftsmanship of Writing, Frederic Taber Cooper. Dodd, Mead (1912). These
papers appeared serially in The Bookman, New York.
The Plot of the Short Story, Henry Albert Phillips. Stanhope-Dodge (1912). The
technique and mechanics of plot.
The American Short Story, C. Alphonso Smith. Ginn (1912). An American reprint of
one of the author’s lectures delivered as Roosevelt Professor at the University of
Berlin.
The Art and Business of Story Writing, W. B. Pitkin. Macmillan (1912).
The American Short Story, Elias Lieberman. Editor Co. (1912).
The Art of Story Writing, J. Berg Esenwein and Mary Davoren Chambers. Home
Correspondence School (1913). A study of the shorter fictional forms—the
anecdote, fable, parable, tale, sketch, and short-story—with outlines for study and
instruction.
The Technique of the Mystery Story, Carolyn Wells. Home Correspondence
School (1913).
Art in Short Story Narration, Henry Albert Phillips. Stanhope-Dodge (1913).
The Art of Writing, Preface to “The Nigger of the Narcissus,” Joseph Conrad.
Doubleday (1914).
Short Stories in the Making, Robert Wilson Neal. Oxford University Press (1914).
The Author’s Craft, Arnold Bennett. Doran (1914)
The Art of the Short Story, Carol Grabo. Scribner (1914).
The Modern Short-Story, Lilian Notestein and Waldo H. Dunn. Barnes (1914).
On the Art of Writing, A. Quiller-Couch. Putnam (1916).
The Contemporary Short Story, Harry T. Baker. Heath (1916).
The Short-Story, Barry Pain. Doran (1916). Reprint of an earlier English edition.
The Thirty Six Dramatic Situations, Georges Polti. Editor Co. (1916).
A Handbook of Story Writing, Blanche Colton Williams. Dodd, Mead (1917).
Children’s Stories and How to Tell Them, J. Berg Esenwein and Marietta Stockard.
Home Correspondence School (1917).
Helps for Student-Writers, Willard E. Hawkins. The Student-Writer Press (1917).
The Technique of Fiction Writing, Robert Saunders Dowst. Editor Co. (1917).
Besides the edited collections of miscellaneous short-stories included in the first
edition of Writing the Short-Story, which need not be reproduced here, are the
following. In most instances the collections are prefaced by introductory notes by
the editors named.
The Best American Tales, W. P. Trent and John Bell Henneman. Crowell (1907).
International Library of Fiction (3 vols.), William Patten. Collier (1910).
The Great English Short-Story Writers (2 vols.), William J. and Coningsby W.
Dawson. Harper (1910).
The Lock and Key Library (10 vols.), Julian Hawthorne. This is an expansion of the
six-volume edition of Mystery and Detective Stories (6 vols.). Review of Reviews
Co. (1912).
Short-Story Masterpieces, French (2 vols.), J. Berg Esenwein. Home
Correspondence School (1912).
Short-Story Masterpieces, Russian (2 vols.), J. Berg Esenwein. Home
Correspondence School (1913).
A Collection of Short Stories, L. A. Pittenger. Macmillan (1913).
A Study of the Short Story, Henry S. Canby. Holt (1913).
A Book of Short Stories, Stuart P. Sherman. Holt (1914).
Types of the Short-Story, Benjamin A. Heydrick. Scott, Foresman (1914).
The Short-Story, E. A. Cross. McClurg (1914).
Modern Short Stories, Margaret Ashmun. Macmillan (1914).
Short Stories, Leonard Moulton. Houghton, Mifflin (1915).
Short Stories for High Schools, Rosa M. R. Mikels. Scribner (1915).
Elements of the Short Story, E. E. Hale, Jr., and F. T. Dawson. Holt (1915).
Short Stories from “Life,” T. L. Masson. Doubleday (1916).
Short Stories and Selections, for Use in Secondary Schools, Emilie K. Baker.
Macmillan (1916).
Representative Short Stories, Nina Hart and Edna M. Perry. Macmillan (1917).
The Best Short Stories of 1915, and The Yearbook of the American Short Story, E.
J. O’Brien. Small, Maynard (1916).
Similar collections by the same editor have been issued for 1916 and 1917, and
others for later years are to follow.
Atlantic Narratives, Charles Swain Thomas. Atlantic Monthly Press (1918).
Index to Short Stories. Ina TenEyck Firkins. Wilson.
INDEX
In this index, names of authors are printed in small capitals and titles
of books in italics; titles of short-stories are enclosed in quotations,
and general persons and subjects are in Roman type. It has not
seemed necessary to index titles and authors which are merely
included in biographical and bibliographical notes.

A
Action, 2, 3.
Addison, Joseph, xix.
Adventure (see Action), xvi, 3.
Anecdote, xvi, xvii, xx.
Arabian Nights, xviii.

B
Baldwin, Charles S., xxiv.
Balzac, Honoré de, xx, 134, 253.
Barrie, James M., 133, 215-249.
Barrett, Charles Raymond, xxiii.
Beers, H. A., 300.
Beranger, 320.
Bibliography of Short-Story, xxi, 433.
Bierce, Ambrose, 72.
Boccaccio, xviii;
Decameron, xvii;
Rinaldo, xvii.
Burke, Edmund, 132.
Burton, Richard, 32.
Butler, Ellis Parker, 133.

C
Canby, H. S., xxiv, 32, 33, 75, 76, 149, 258, 301, 302.
Characters, 4, 354, 355, 356.
Character Studies, 353-389.
Chaucer, Geoffrey, xviii,
Canterbury Tales, xvii,
Pardoner’s Tale, xvii.
Chesterton, Gilbert K., 424.
Cody, Sherwin, xxiii.
Comedy, 192.
Conte dévot, xvi, xvii.
Contributory incident, 21, 199.
Coppée, François, 134, 368-388.
“Courting of T’Nowhead’s Bell, The,” 219-249.
Crawford, F. Marion, 72.
Crawford, V. M., 137, 138.
Crisis, xxvi, 355.
Cross, J. W., 252.
Curtis, George William, 70.

D
Daudet, Alphonse, 133-147.
Defoe, Daniel, xix.
Denouement, xxvi.
Detective Story, xix.
Developing incident (see contributory incident).
Dye, Charity, xxiii.

E
Edgeworth, Maria, Moral Tales, xix.
Egyptian tales, xv, xvi.
Eliot, George, 252.
Emotion, Stories of, 131-190.
Episode, xvii, xix.
Essay-Stories, xix.
Esther, Book of, xvi.
Exercises, xxxi, 67, 129, 189, 249, 290, 351, 388, 431.

F
Fabliau, xviii.
Faguet, Émile, 6.
“Fall of the House of Usher, The,” 320-351.
Fiction, Art of, xiii.
Flaubert, Gustave, 32, 33.

G
Ghosts, 70.
Golden Ass, The, Apuleius, xvi.
Graham’s Magazine, xxii, 295.
Grenier, Edouard, 7.
Griswold, Hattie T., 218.
Guardian, xix.

H
Hamilton, Clayton, 354.
Hammerton, J. A., 218.
Handbook of Literary Criticism, 31.
Harte, Bret, 133, 253, 254.
Hawthorne, Julian, 70, 258.
Hawthorne, Nathaniel, xix, xxii, xxiii, 33, 71, 75, 297-319.
Henry, O., 193-215.
Higginson, Thomas Wentworth, xxiii.
Hoffman, E. A., xix, 75.
Homeric stories, xv.
Humorous Stories, 191-250.
Hutton, R. H., 301.

I
Idler, xix.
Impressionistic Stories, 293-352.
Independent, xxiii.
Irving, Washington, xix, 71;
Rip Van Winkle, xviii.

J
Jacobs, W. W., 108-129.
James, Henry, 137, 149, 279.
Jessup, Alexander, xxiv.
Johnson, Samuel, xix.

K
King, Grace, 6, 7.
Kipling, Rudyard, 31, 133, 147-189, 258.

L
Lang, Andrew, 32, 75.
“Last Class, The,” 134, 136, 139-147.
Le Gallienne, Richard, 150, 258, 300.
Lemmon, Leonard, 258.
Lewin, Walter, 257, 258.
Lewis, E. H., xxiii.
Lippincott’s Magazine, xxiii.
Local color, 8, 254 (see setting).
“Lodging for the Night, A,” 32, 34-67.
Longfellow, H. W., 299.

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