Chabot Mémoire 2019

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BANQUE DES MÉMOIRES

Master de Droit pénal et sciences pénales


Dirigé par Messieurs les Professeurs Philippe CONTE et Didier
REBUT
2018

Les dénonciations
Camille CHABOT
Sous la direction de Monsieur le Professeur Edouard VERNY
LES DÉNONCIATIONS

Mémoire pour le Master 2 Droit pénal et sciences pénales, présenté par


Camille CHABOT

Sous la direction de Monsieur le Professeur Édouard VERNY

Année universitaire 2018-2019


Les opinions exprimées dans ce mémoire sont propres à leur auteur et n’engagent pas l’Université
Paris II.

1
REMERCIEMENTS

Pour ses réponses précieuses à mes questions et sa disponibilité, je souhaite en premier lieu remercier
M. le Professeur Édouard Verny.

Pour leur bienveillance et le partage de leur savoir et de leur technique, je souhaite également
remercier MM. les Professeurs Philippe Conte et Didier Rebut.

Pour leur souci du détail durant leur relecture patiente, je remercie mes proches.

2
PRINCIPALES ABRÉVIATIONS

act. actualité

AJDA Actualité juridique du droit administratif

AJFP Actualité juridique de la fonction publique

AJ Pénal Actualité juridique du droit pénal

al. alinéa(s)

art. article(s)

Bull. crim. Bulletin des arrêts de la Chambre criminelle

C. com. Code de commerce

CA cour d’appel

CASF Code de l’action sociale et des familles

CCE Communication commerce électronique

CE Conseil d’État

CEDH Cour européenne des droits de l’Homme

C. douanes Code des douanes

CGCT Code général des collectivités territoriales

CJEG Cahiers juridiques de l’électricité et du gaz (désormais RJEP)

CMF Code monétaire et financier

CNCC Compagnie nationale des commissaires aux comptes

Com. Chambre commerciale de la Cour de cassation

comm. commentaire

concl. conclusions

Cons. const. Conseil constitutionnel

Crim. Chambre criminelle de la Cour de cassation

CP Code pénal

3
CPP Code de procédure pénale

CSI Code de la sécurité intérieure

CSP Code de la santé publique

D. Recueil Dalloz

DC Recueil critique de jurisprudence Dalloz de 1941 à 1944

doctr. doctrine

Dr. adm. Revue de droit administratif

Dr. pénal Revue de droit pénal

Dr. sociétés Revue de droit des sociétés

éd. édition

fasc. fascicule

Gaz. Pal. Gazette du Palais

ibid ibidem (de même, même endroit)

JCl. JurisClasseur

JCP G La semaine juridique, édition générale

LPF Livre des procédures fiscales

n° numéro

obs. observations

op. cit. operere citato (œuvre citée)

p. page

préc. précité

PUF Presses universitaires de France

QPC question prioritaire de constitutionnalité

RDP Revue du droit public

RDSS Revue de droit sanitaire et social

Rép. pén. Répertoire de droit pénal

RPDP Revue pénitentiaire et de droit pénal

4
RSC Revue de sciences criminelles et de droit pénal comparé

Rev. soc. Revue des sociétés

Req. requête

RTD com. Revue trimestrielle de droit commercial

S. Sirey

s. suivant

spéc. spécialement

Trib. corr. tribunal correctionnel

v. voir

5
SOMMAIRE

PREMIERE PARTIE
LA COLLABORATION IMPOSÉE

Titre 1: les obligations à la charge de tout citoyen

Chapitre 1 : le champ d’application restreint des articles 434-1 et 434-3 du Code pénal
Chapitre 2 : l’atténuation des limites établies

Titre 2 : les obligations à la charge de certains professionnels

Chapitre 1 : les obligations spéciales imposées en matière financière


Chapitre 2 : l’obligation générale d’aviser incombant aux agents publics

SECONDE PARTIE
LA COLLABORATION ENCOURAGÉE

Titre 1 : l’encouragement par l’élaboration de dispositions particulières

Chapitre 1 : l’encadrement réussi de la dénonciation éthique


Chapitre 2 : l’encadrement insatisfaisant de la dénonciation récompensée

Titre 2 : l’encouragement par l’application de dispositions générales au dénonciateur

Chapitre 1 : la présence consacrée du dénonciateur dans la procédure pénale


Chapitre 2 : les limites à la dénonciation assurant la qualité de la collaboration

6
INTRODUCTION

1. « De nos jours, les délateurs ont été anoblis, on les appelle des lanceurs d’alerte. […] Mais
les lanceurs d’alerte, ce sont des délateurs, et les délateurs, ce sont des balances 1 . ». Derrière ce
vocable varié employé par l’avocat pénaliste Éric Dupond-Moretti se cache, tapie dans l’ombre
comme ses auteurs, une pratique peu estimée : la dénonciation.
2. De prime abord, il est tentant de confiner la dénonciation à l’image négative qu’en renvoie
l’Histoire dès l’origine, à l’instar d’Adam dénonçant Ève pour tenter de s’innocenter du péché
originel. Toutefois, la dénonciation est nourrie par l’actualité. Les alertes lancées récemment par Irène
Frachon, Antoine Deltour, ou Edward Snowden 2 contribuent à un changement de paradigme. De
traître, le dénonciateur semble désormais être devenu un héros de la société moderne. Le législateur
va d’ailleurs en ce sens, en consacrant un statut du lanceur d’alerte en 20163. La dénonciation est ce
faisant une notion incontestablement tournée vers l’avenir4.
3. Du latin denuntiatio qui signifie « annonce, déclaration, notification », la dénonciation
comporte plusieurs acceptions5. Il s’agit d’abord de « signifier, notifier par voie officielle ou judiciaire
», mais aussi de « rompre un accord, y mettre fin », et finalement de « signaler comme coupable,
particulièrement à la justice. Par extension, faire connaître un acte répréhensible ». Dans une approche
limitée à la matière pénale, seul ce dernier sens doit être retenu.
4. En reprenant son origine étymologique, la dénonciation paraît donc désigner de façon
étonnamment neutre un acte d’information. La consultation d’un dictionnaire juridique précise ce
sentiment. La dénonciation en droit pénal y est définie dans un sens général comme « la déclaration
écrite ou orale par laquelle une personne informe les autorités judiciaires de la commission d’un acte
délictueux 6 ». L’acception retenue se trouve donc affinée : il s’agit de faire connaître un acte
susceptible de qualification pénale aux autorités judiciaires. L’objet de la dénonciation et son
dépositaire étant précisés, reste alors à déterminer quel est l’auteur de celle-ci. Sur ce point il est

1
ARON M. et NERSON J. « Le procès de la bienséance - Entretien avec Éric Dupond-Moretti », L’Obs n°2829, 24
au 30 janvier 2019, p. 29
2
Respectivement dans les affaires du Médiator, LuxLeaks et de la surveillance de masse de la National Security
Agency.
3
Ce statut est susceptible d’être modifié à l’avenir, le Parlement européen ayant adopté par une directive du 16 avril
2019 un statut du lanceur d’alerte plus protecteur que le statut français.
4
Comme le confirme J.-H. ROBERT, « Délation », Dr. pénal 2019, repère 2
5
Ces définitions sont tirées du Dictionnaire de l’Académie Française, 9ème éd., accessible en ligne.
6
G. CORNU, Vocabulaire juridique, 10ème éd., PUF 2014, coll. « Quadrige », p. 327

7
indiqué que la dénonciation désigne, dans un sens étroit, la déclaration précédente « lorsqu’elle émane
d’un tiers qui n’a pas été victime de l’infraction, contrairement à la plainte7 ». Pour autant, aucune
disposition n’indique que la dénonciation ne puisse émaner que d’un tiers à l’infraction8.
5. Plus largement, notre arsenal répressif ne connaît qu’exceptionnellement le terme de
dénonciation. En effet, le Code pénal n’en fait explicitement usage que pour réprimer la dénonciation
lorsqu’elle porte sur des faits mensongers 9 , ou pour reconnaître la compétence des juridictions
répressives françaises pour une infraction commise hors du territoire de la République10. La vision
négative attachée à la notion s’en trouve ainsi confortée : la dénonciation est visée pour être punie ou
pour donner prise aux poursuites pénales. À l’inverse, le Code de procédure pénale adopte une vision
plus pragmatique, en présentant de façon neutre la dénonciation comme un moyen d’information des
autorités judiciaires11.
6. Ce but d’information semble constituer le cœur de la définition, mais la notion est riche et
suppose des observations complémentaires afin de préciser la perspective globale du sujet.
Historiquement, la dénonciation existe à diverses périodes, du sycophante grec au delator romain, de
la bocca del leone de Venise à la Terreur en France, en passant par l’Inquisition et les régimes
totalitaires d’URSS ou de Vichy 12 . De ce bref panorama historique, c’est davantage l’aspect
d’instrument de nuisance de la dénonciation qui est retenu que sa facette d’acte civique, comme elle
l’a pourtant été dans la Rome impériale ou la Grèce antique.
Au-delà du contexte politique de son dépôt, la dénonciation soulève des difficultés philosophiques et
morales car elle n'est pas toujours « l’art du silence dosé et de la parole maîtrisée13 ». Elle peut être
l’œuvre d’un déséquilibré et avoir des conséquences dévastatrices pour le dénoncé. L’instrument de
nuisance que peut constituer la dénonciation explique a priori que l’État s’en tienne à l’écart.
Néanmoins, la dénonciation peut aussi être bénéfique pour la société, puisqu’elle permet de mettre
en œuvre des poursuites pénales à l’encontre d’un infracteur dont les méfaits seraient dissimulés. Les
problèmes moraux, qui relèvent de la conscience de chacun, ne doivent pas être confondus avec les

7
Ibid
8
Ainsi, les art. 17 et 40 CPP indiquent simplement que l’officier de police judiciaire ou le procureur reçoivent « les
plaintes et dénonciations ».
9
V. art. 434-26 et 226-10 CP incriminant la dénonciation mensongère et la dénonciation calomnieuse.
10
Art. 113-8 CP
11
V. les art. 17, 40, 48-1, 337 et 451 CPP
12
Pour une étude historique, v. J.-F. GAYRAUD, La dénonciation, PUF 1995, coll. « Politique d’aujourd’hui », p.
59 à 137, ou encore J.-P. BRODEUR et F. JOBARD, Citoyens et délateurs - La délation peut-elle être civique ?, Éd.
Autrement 2005, coll. « Mutations », p. 25 à 86
13
Selon les termes de J-F. GAYRAUD, La dénonciation, PUF, 1995, coll. « Politique d’aujourd’hui », p. 277

8
problèmes sociaux, politiques et juridiques, qui relèvent de la société14. Une disposition peut ainsi
être juridiquement utile, bien qu’elle suscite la désapprobation morale. Il n’existe donc pas « une »
facette de la dénonciation mais bien plusieurs, selon la matière envisagée. Finalement, c’est la
question de la société dans laquelle on souhaite vivre que pose la dénonciation15. La place qui lui est
accordée est dépendante des fondements de la solidarité sociale, et constitue un bon indicateur de la
nature du lien social16. Si Montesquieu estimait que chacun doit avoir pour le bien public un zèle sans
bornes, pour d’autres la dénonciation devient le signe d’une désaffiliation sociale et politique, l’État
cédant sa place aux acteurs privés17. En effet dans une société moderne, le citoyen justifie son silence
en arguant que c’est à la police de surveiller et de dénoncer les faits susceptibles de qualification
pénale18. La dénonciation est donc rapidement perçue comme anormale, et considérée comme le signe
d’une défaillance psychique et une inadaptation sociale19.
Toutefois, il faut souligner que ce mépris n’est pas commun à toutes les cultures. Si l’omerta règne
en Italie, la dénonciation est un acte hautement civique au Royaume-Uni, aux États-Unis ou encore
au Canada 20 , comme l’illustre l’existence de comités de voisinage. En France, ce décalage peut
s’expliquer en partie par le rapport que les Français entretiennent avec l’État et la police selon certains
auteurs : le dénonciateur passe en effet du côté des citoyens, à celui de la police21.
7. C’est dire finalement que la notion est complexe à appréhender, et ne saurait se limiter à une
réprobation pure et simple du phénomène, spécialement en droit. Afin de mieux circonscrire l’étude
de la dénonciation en droit pénal22, il faut se pencher sur les deux mouvements qui poignent de ces
développements liminaires.
D’une part, la dénonciation vise à informer les autorités judiciaires. Cette finalité confère à la
notion son unicité (§1). D’autre part, la dénonciation possède de multiples visages justifiant l’intitulé

14
A. COMTE-SPONVILLE dans un entretien mené par A. VIDALIE, « La délation peut-elle être civique ? »,
L’Express, 4 avril 2005, accessible en ligne.
15
J. ROBERT, dans son avant-propos in La dénonciation, droit ou devoir ? Colloque du 9 juin 2011, Société de
législation comparée, coll. « Centre français de droit comparé », p. 9
16
D. LOCHAK, « La dénonciation, stade suprême ou perversion de la démocratie » in Mélanges du président
Braibant, Dalloz 1996, p. 451
17
J.-P. BRODEUR et F. JOBARD, Citoyens et délateurs - La délation peut-elle être civique ?, Éd. Autrement 2005,
coll. « Mutations », p. 195 et s.
18
J.-F. GAYRAUD la désigne comme « la dénonciation institutionnalisée » ou le « service public de la dénonciation
», La dénonciation, p. 44.
19
Dès 8 ans, la dénonciation est perçue comme anormale, v. L.-Jh. COLANÉRI et G. GÉRENTE, La dénonciation
et les dénonciateurs, PUF 1948, p. 25
20
Pour une appréciation de droit comparé, v. D. LAMÈTHE, « Approches philosophique, linguistique et culturelle
de la dénonciation », in La dénonciation, droit ou devoir ? Colloque du 9 juin 2011, p. 11
21
V. l’entretien de H. LECLERC et A. COMTE-SPONVILLE mené par A. VIDALIE, op. cit.
22
Entendu au sens de « matière pénale », ce qui inclut également la procédure pénale.
9
au pluriel de ce sujet. Ce polymorphisme se vérifie dans la matière juridique, et confère à la notion sa
multiplicité (§2).

§1 L’unicité de la dénonciation

8. La définition de la dénonciation suppose en premier lieu son unicité. En effet, s’il faut la
distinguer de notions voisines, elle ne les exclut pas pour autant (A). En outre, sa finalité en droit
pénal confirme bien ce caractère (B).

A. La distinction non exclusive de la dénonciation avec des notions voisines

9. La dénonciation se distingue d’abord de la délation, avec laquelle elle est souvent confondue
(1). Il faut ensuite expliquer les rapports qu’elle entretient avec la plainte, le témoignage et l’aveu (2).

1. Dénonciation et délation, distinction à raison de la motivation

10. La délation est une « dénonciation inspirée par l’intérêt, la haine, le désir de nuire ou le
sectarisme23 ». Alors que la délation serait un acte indigne24 qui « n’est pas à l’honneur de celui qui
la fait25 », la dénonciation serait un acte civique. Plus précisément, cette dernière issue de denuntiare
signifiant « porter à la connaissance », ne porterait que sur un fait. À l’inverse, la délation issue de
nomen ferre, signifiant « porter un nom à la connaissance d’un juge », porterait sur l’auteur de ce
fait26. La Cour de cassation a jugé en ce sens dès 1961, en précisant que « l’article 62 du Code pénal
n’édicte pas une obligation générale de délation à l’égard de toute personne que l’on sait coupable
d’un crime présentant les caractères qu’il spécifie ; que ce n’est pas l’identité du refuge ou du criminel
qui doit être portée à la connaissance des autorités, mais seulement le crime lui-même […]27 ».

23
Dictionnaire de l’Académie française, 9ème éd. accessible en ligne.
24
J.-P. BRODEUR et F. JOBARD, Citoyens et délateurs - La délation peut-elle être civique ?, p. 195 et s.
25
Selon la définition de « délation » de G. CORNU, op. cit., p. 314
26
J.-P. BERAUDO, « La dénonciation : concept unitaire ou disparate ? Un besoin de réforme ? », in La dénonciation,
droit ou devoir ? Colloque du 9 juin 2011, p. 213 et s.
27
Cass. crim. 2 mars 1961, Bull. crim. no137, D. 1962. 121, note Bouzat, JCP 1961. II. 12092, note Larguier

10
11. En effet, le droit pénal n’exige pas de délation, il n’impose en principe que la révélation
d’actes28. En tout état de cause, la délation n’existe pas en droit pénal29, celui-ci étant par principe
indifférent aux mobiles30. Par conséquent, par utilitarisme et réalisme le droit pénal ne connaît que la
dénonciation 31 , bien qu’il puisse être amené à prendre connaissance de délations. La distinction
sémantique n’est donc qu’illusoire en droit pénal, les deux notions étant amenées à s’entrecroiser en
pratique.

2. Dénonciation et plainte, témoignage et aveu, distinction à raison du


dénonciateur

12. La dénonciation se distingue ensuite de notions voisines à raison de la personne qui dénonce.
C’est le cas de la plainte (a), du témoignage (b), et de l’aveu (c).

a. La dénonciation et la plainte

13. La dénonciation inclut-elle la plainte de la victime ? Il n’y a pas de consensus en doctrine,


certains retenant la plainte comme une variante de la dénonciation32, d’autres considérant que les deux
notions sont exclusives l’une de l’autre, selon que la dénonciation émane de la victime ou d’un tiers
à l’infraction33.
14. Les présents développements considèrent que la plainte est une variante de la dénonciation,
et que les deux notions ne sont pas exclusives. En effet, bien qu’elles se distinguent
sociologiquement34, elles ont les mêmes conséquences juridiques. Il s’agit d’informer les autorités

28
Le récent art. L121-6 du Code de la route qui impose la dénonciation du conducteur d’un véhicule de fonction,
sous peine de se voir reprocher une contravention de 4ème classe, fait figure d’exception.
29
J.-F. GAYRAUD, La dénonciation, PUF 1995, coll. « Politique d’aujourd’hui », p. 29. L’auteur développe
également des arguments politique et théologique justifiant l’inexistence de la délation.
30
J. LARGUIER, P. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, 23ème éd., Dalloz 2018, coll.
« Mémentos », p. 48
31
J.-F. GAYRAUD, op. cit., p. 29 et s.
32
J. LARGUIER et P. CONTE, Procédure pénale, 24ème éd. Dalloz 2016, coll. « Mémentos », p. 76 « la plainte est
un cas particulier de la dénonciation », ou encore Y. MAYAUD, « Dénonciation calomnieuse », Rép. pén. avr. 2016,
§2 « Une plainte en justice, est une dénonciation, dont l'objet est de révéler ce qui mérite sanction ».
33
En ce sens, R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel - Procédure pénale, 5ème éd., Cujas 2001, §266, J.
PRADEL, Procédure pénale, 19ème éd., Cujas 2017, coll. « Références », §664, S. GUINCHARD et J. BUISSON,
Procédure pénale, 11ème éd., LexisNexis 2018, §1150-1151, B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, Droit pénal
général et procédure pénale, 21ème éd., Sirey 2018, coll. « Intégral concours », §646, M.-L. RASSAT, Procédure
pénale, 3ème éd., Ellipses 2017, §160
34
E. BONIS, « Plainte et dénonciation », Rép. pén., janv. 2018, §8

11
judiciaires d’un acte délictueux, les destinataires de l’information sont identiques35, et le déposant
d’une plainte ou dénonciation possède le même recours contre une décision de classement sans suite36.
Enfin, les textes sanctionnant leurs abus ne distinguent pas selon que l’acte d’information des
autorités soit une plainte ou une dénonciation37, de même que les statistiques pénales traitent de pair
les abus émanant d’une plainte ou d’une dénonciation38. La distinction n’a de réelle portée juridique
qu’à l’égard de la plainte avec constitution de partie civile, qui permet de mettre l’action publique en
mouvement. Toutefois dans un souci de précision, la dénonciation émanant de la victime sera appelée
plainte en procédure pénale.
Finalement, le fait de révéler une infraction prévaut sur la qualité de celui qui la révèle.

b. La dénonciation et le témoignage

15. Le dénonciateur qui porte un fait délictueux à la connaissance des autorités judiciaires peut
être amené par la suite à témoigner en justice39. La distinction est donc fondée sur la chronologie au
sein de la procédure. La dénonciation intervient avant même l’enquête de police, alors que le
témoignage prend place à l’audience de jugement. Cela explique également que le témoin récalcitrant
puisse être sanctionné, un témoignage comportant toujours un germe de dénonciation lorsqu’il
devient précis40.
Ainsi, la dénonciation et le témoignage ne sont pas exclusifs l’un de l’autre, et souvent la
dénonciation entraîne l’obligation pour le dénonciateur de témoigner en justice.

c. La dénonciation et l’aveu

16. Enfin, celui qui avoue son propre méfait porte également un fait délictueux à la connaissance
des autorités judiciaires. Dans cette optique qui s’attache uniquement à l’acte d’information et non à
la qualité de son déposant, l’aveu peut constituer une dénonciation. Toutefois, l’existence d’un droit

35
Art. 17 et 40 CPP, il s’agit des officiers de police judiciaire ou du procureur de la République.
36
Art. 40-3 CPP
37
V. l’art. 226-10 CP réprimant la dénonciation calomnieuse, l’art. 434-26 CP qui incrimine la dénonciation
mensongère, et les art. 91 et 451 CPP relatifs à l’amende civile pour dénonciation téméraire.
38
Au sein des « Atteintes à l’ordre administratif ou judiciaire », v. les condamnations pour délits dans l’Annuaire
statistique de la Justice 2009-2013.
39
Art. 337 et 451 CPP qui disposent en leur alinéa premier « La personne qui, agissant en vertu d'une obligation
légale ou de sa propre initiative, a porté les faits poursuivis à la connaissance de la justice, est reçue en témoignage,
mais le président en avertit le tribunal. »
40
J.-F. GAYRAUD, La dénonciation, PUF 1995, coll. « Politique d’aujourd’hui », p. 148 et s.

12
à ne pas s’auto-incriminer41 implique que le droit pénal ne requiert en aucun cas l’auto-dénonciation42.
Ainsi, les deux notions ne s’excluent pas mais l’hypothèse d’un aveu constitutif d’une dénonciation
est marginale, car aucune disposition du droit pénal n’impose de se dénoncer soi-même. Il est donc
peu probable qu’un infracteur se dénonce.
Finalement, celui qui informe les autorités judiciaires d’un fait délictueux est dénonciateur,
peu importe la qualité qu’il revêt ensuite dans le procès pénal. Ce qui importe, c’est son acte
d’information des autorités judiciaires, ce qui rejoint l’affirmation de l’article 10 al. 1 du Code civil
selon lequel « chacun est tenu d'apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la
vérité ». Cet objectif d’information des autorités atteste aussi de l’unicité de la notion.

B. Le rôle informatif poursuivi par la dénonciation

17. La finalité poursuivie par la dénonciation constitue le dénominateur commun de la notion.


Avant toute chose, la dénonciation est un acte d’information des autorités judiciaires par d’autres43.
Ainsi, l’information provenant d’investigations dont ces autorités auraient elles-mêmes pris
l’initiative, et donc la dénonciation institutionnalisée44 de la police, sont exclues de ce sujet. Pour
autant, même dans une société moderne dans laquelle le maintien de l’ordre est assuré par la police,
les autorités restent en partie tributaires de l’information qui leur parvient par le biais de
dénonciations.
18. Dans un premier temps, le flux d’information vers les autorités judiciaires s’est densifié en
raison de la création d’autorités administratives indépendantes, chargées de réguler certains domaines
d’activité et assujetties à des obligations de dénoncer45. Cette dénonciation fonctionnelle est exclue
de la présente étude, car leur concours fait partie intégrante de leur mission au même titre que la

41
Art. 14§3 g) du PIDCP de 1966, CEDH 25 févr. 1993 Funke c/ France, req. n°10828/84. La Cour de cassation
fonde ce droit sur l’art. 6 CEDH, v. par ex. Cass. crim. 7 janv. 2014, n°13-85.246, D. 2014. 264, obs. Detraz,
Gaz. Pal. no 131-133, 2014, p. 41, obs. Fourment, JCP 2014. 434, note Gallois; D. 2014. 417, obs. Vergès, Dr. pénal
2014. 45, obs. Maron et Haas.
42
V. infra §58 et s.
43
Comme l’illustre par ex. l’art. 17 CPP selon lequel les officiers de police judiciaire « reçoivent » les plaintes et
dénonciations, mais exercent aussi les pouvoirs définis à l’art. 14 et procèdent à des enquêtes préliminaires.
44
Selon l’expression de J.-F. GAYRAUD, op. cit., p. 44.
45
Par ex. art. L462-6 C. com. pour la dénonciation par l’Autorité de la concurrence, l’art. L131-85 CMF pour la
dénonciation par la Banque de France en cas d’incidents de chèque, l’art. L621-20-1 al. 1 et art. L621-15-1 al. 1
CMF pour l’AMF, l’art. 11 I 2° e) de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 pour la CNIL, ou encore l’art. L52-15 al. 4
Code électoral pour la Commission nationale des comptes de campagne.

13
police. Il en va de même pour l’indicateur de police, qui est intégré à cette dénonciation
institutionnalisée46, et pour les aviseurs douaniers et fiscaux.
19. À l’inverse, la contribution du citoyen paraît plus délicate à envisager, car il n’est pas un
auxiliaire de justice. Pour autant, il est possible de dégager une tendance générale à l’accroissement
du rôle des particuliers dans l’œuvre de la justice, qui ne peut s’expliquer par le seul fait que
l’accusatoire gagne du terrain47. En particulier, le fonctionnement de la justice peut être le fait de
personnes privées, notamment par le biais de dénonciations48. Cette collaboration est nécessaire, car
la répression optimale des infractions n’est rendue possible que si le corps social éprouve le besoin
de dénoncer.
À l’aune de la dénonciation, cette tendance à l’accroissement du rôle des particuliers dans l’œuvre de
la justice est particulièrement intéressante. Par des dispositions législatives ou des interprétations
jurisprudentielles, le droit pénal peut stimuler le flux d’information provenant de dénonciations, selon
la politique répressive menée. Ce faisant, il associe de manière plus ou moins importante le citoyen à
l’œuvre de la justice pénale.
20. Par conséquent, le rôle d’information de la dénonciation qui lui octroie son unicité amène
rapidement à se pencher sur sa multiplicité. En effet, il existe différentes façons pour le droit pénal
d’accroître les informations parvenant aux autorités judiciaires, selon la politique répressive conduite.
Ainsi, il ne connaît pas « une » dénonciation, mais véritablement « des » dénonciations.

§2 La multiplicité de la dénonciation

21. Comme relevé précédemment, la dénonciation ne semble exister que de manière tout à fait
exceptionnelle en droit pénal de fond. La procédure pénale quant à elle ne la mentionne explicitement
que dans un but pragmatique, afin de la présenter comme un acte d’information des autorités au même
titre que la plainte. Cette observation liminaire illustre la première difficulté de l’étude des
dénonciations en matière pénale. Outre une inexistence apparente, la dénonciation est en effet
multiple.
Cette multiplicité justifiant le pluriel de l’intitulé du sujet se manifeste de deux façons. En
premier lieu, le dénonciateur n’est pas un, mais plusieurs (A). En second lieu, les textes relatifs à la
dénonciation sont multiples, au-delà de leur objectif commun d’information des autorités (B).

46
A fortiori depuis qu’il perçoit une rémunération, art. R434-22 CSI.
47
A. VITU, « La collaboration des personnes privées à l’administration de la justice criminelle française », RSC
1956, p. 675
48
Pour les autres formes de collaboration des individus avec la justice v. A. VITU, ibid.
14
A. La multiplicité de dénonciateurs

22. Il est difficile de décrire une figure unique du dénonciateur, car le dénonciateur potentiel est
multiple, selon les dispositions qui trouvent à s’appliquer. Ainsi, la dénonciation peut s’exercer à titre
privé ou professionnel (1), et sa motivation peut être variée (2).

1. La dénonciation exercée à titre personnel ou à titre privé

23. En premier lieu, la dénonciation peut s’effectuer à titre privé ou professionnel. Certaines
dispositions ne visent le citoyen qu’au travers de sa profession. C’est le cas du commissaire aux
comptes, du professionnel qui manipule des fonds, ou encore de l’agent de la fonction publique49. Ces
dispositions supposent a contrario que lorsque l’individu acquiert la connaissance de faits à dénoncer
hors l’exercice de cette activité professionnelle spécifique, il n’est pas tenu de dénoncer. De même,
d’autres dispositions trouvent à s’appliquer de manière non exclusive dans le cadre professionnel,
telle que l’alerte unifiée en 2016 par le législateur50.
À l’inverse, des dispositions trouvent à s’appliquer au citoyen qui agirait à titre privé comme à titre
professionnel, sans tenir compte de cette distinction51.
Enfin, certaines dispositions se situent entre ces deux cas de figure, et aménagent l’exercice
professionnel du dénonciateur52 ou tiennent compte de son passif judiciaire53.

2. Les motivations variées fondant la dénonciation

24. En second lieu, il est possible de déterminer trois catégories de dénonciateurs, selon leur
motivation. La doctrine a ainsi distingué la dénonciation altruiste, égoïste ou effectuée pour nuire à
autrui54. Tout d’abord, la dénonciation est dite altruiste lorsque le dénonciateur exerce un devoir moral
civique et s’expose dans l’intérêt d’autrui. On parle désormais d’alerte éthique et de lanceur d’alerte

49
V. respectivement l’art. L820-7 C. com., les art. L561-1 et L561-15 CMF, et l’art. 40 CPP, qui font l’objet des
développements infra §79 et s.
50
V. infra §129 et s.
51
Art. 434-1 à 434-3 CP, art. 434-26 et 226-10 CP, et l’ensemble des dispositions procédurales applicables au
dénonciateur étudiées infra §169 et s.
52
Notamment lorsqu’il est soumis au secret professionnel, art. 434-1 et 434-3 CP.
53
Art. 132-78 CP et 721-3 CPP
54
Selon la typologie de M. BEHAR-TOUCHAIS, La dénonciation en droit privé, Economica 2010, p. 1 à 11

15
pour désigner ce dénonciateur, qui connaît une popularité croissante 55 . La dénonciation altruiste
suppose un droit de dénoncer, et non une obligation. Lorsque la dénonciation est imposée par le droit
pénal, la dénonciation est dite égoïste car le dénonciateur pense d’abord à son propre intérêt. De
même, celui qui bénéficie d’une récompense aux termes de sa dénonciation, comme le repenti, voit
dans cet acte son intérêt personnel. Enfin, la dénonciation pour nuire à autrui peut être sanctionnée
lorsqu’elle porte sur un mensonge56. Outre cette hypothèse particulière, il importe peu en droit pénal
que la dénonciation ait pour but de nuire à autrui, car il est indifférent aux mobiles.
En réalité, la multiplicité de dénonciateurs décrits n’est que le reflet de la pluralité de textes
qui s’appliquent à la dénonciation.

B. La multiplicité de textes relatifs à la dénonciation

25. Apparemment absente en droit pénal de fond, la dénonciation est en réalité dissimulée sous
un vocable pudique (1). Une fois qu’elle est précisément identifiée, il est possible de dégager une
gradation des dispositions relatives à la dénonciation (2).

1. La dénonciation dissimulée

26. Alors que les textes du Code de procédure pénale font parfois explicitement mention du
terme 57 , la dénonciation n’est désignée dans le Code pénal que pour être réprimée 58 ou pour
reconnaître la compétence extraterritoriale des juridictions françaises59. Dans la majorité des cas, le
terme n’est utilisé que lorsque la dénonciation résulte de l’initiative du citoyen. Dans cette hypothèse
elle ne peut être connotée péjorativement, car elle ne résulte pas des desiderata de l’État.
En revanche, lorsqu’elle résulte d’une obligation imposée par le droit, la dénonciation est dissimulée
sous un vocabulaire diversifié. Le législateur s’est montré particulièrement inventif en la matière.
Ainsi, il impose aux fonctionnaires de « donner avis », aux citoyens « d’informer », aux commissaires
aux comptes de « révéler », et aux professionnels de la finance de « déclarer60 ». Cette pudeur n’est
que de façade : derrière ces termes, il s’agit bien d’informer les autorités judiciaires de la commission
d’un acte délictueux, et donc de dénonciation.

55
Comme l’atteste l’adoption par le Parlement européen le 16 avril 2019 de la directive européenne instituant une
protection au bénéfice du lanceur d’alerte, à 591 voix contre 29. La protection créée est plus extensive que celle
instituée en 2016 en France.
56
Art. 226-10 et 434-26 CP
57
V. les art. 17, 40 al. 1, 40-3, 337 et 451 CPP
58
Art. 434-26 et 226-10 CP
59
Art. 113-8 CP
60
V. les art. 40 al. 2 CPP, art. 434-1 et 434-3 CP, art. L820-7 C. com. et art. L561-1 et 561-15 CMF
16
Cette précision permet d’identifier la dénonciation dans la matière pénale. Elle y est présente
de façon graduée, selon la politique répressive menée.

2. La dénonciation graduée

27. Il est possible de distinguer trois catégories de dénonciation en matière pénale. La


dénonciation peut être obligée, incitée, ou n’être qu’une simple faculté. Selon la gradation mise en
lumière, le droit pénal incite plus ou moins à la dénonciation.
28. La dénonciation obligée résulte de dispositions disparates, situées classiquement dans le Code
pénal et le Code de procédure pénale, mais aussi dans le Code de commerce et le Code monétaire et
financier. En effet, ces dispositions sanctionnent la non-dénonciation, et imposent en ce sens de
dénoncer certains faits susceptibles de qualification pénale.
Les articles 434-1 et 434-3 du Code pénal et l’art. L820-7 du Code de commerce sont sanctionnés
pénalement d’une peine d’emprisonnement, ils constituent donc des délits. L’obligation de dénoncer
qui en résulte entre donc incontestablement dans le champ de cette étude des dénonciations en matière
pénale, s’agissant d’incriminations de non-dénonciation.
Toutefois, l’article 40 du Code de procédure pénale et l’article L561-15 du Code monétaire et
financier ne sont pas sanctionnés par une peine prononcée par la juridiction pénale. Il ne s’agit donc
pas à proprement parler d’infractions. Néanmoins, ces obligations se rattachent à la matière pénale au
regard de l’objet de la dénonciation imposée. Il s’agit dans les deux hypothèses de dénoncer un crime
ou un délit aux autorités judiciaires. Or, le droit pénal a pour objet la prévention et la répression
d’infractions61, et cette répression est grandement facilitée par ces obligations de dénoncer. En outre,
ces obligations peuvent être sanctionnées par la juridiction pénale lorsque le fait non dénoncé recoupe
les textes précédemment cités62. Cela justifie donc que ces obligations soient inclues dans l’étude de
la dénonciation en matière pénale.
Il faut souligner dès à présent que ces obligations de dénoncer sont rares, et constituent l’exception
dans une société libérale dans laquelle la justice est l’affaire de l’État, d’autant plus s’agissant
d’infractions par omission.
29. Ensuite, la dénonciation peut être incitée, lorsque le dénonciateur y trouve un intérêt
personnel, ce qui rappelle la dénonciation égoïste précédemment évoquée. C’est le cas des repentis
également appelés collaborateurs de justice, auxquels le droit pénal offre une exemption ou une
réduction de peine s’ils collaborent avec les autorités judiciaires afin de faire cesser ou éviter la

61
V. la définition n°1 du terme « Pénal », G. CORNU, op. cit., p. 751
62
Notamment l’art. 434-1 CP

17
réalisation d’une infraction63. De la même façon, les lanceurs d’alerte sont incités à dénoncer car ils
bénéficient alors d’une protection civile et pénale 64 qui les met à l’abri d’un licenciement ou de
poursuites consécutivement à leur alerte.
30. Enfin, la dénonciation peut être une faculté offerte au citoyen, qui est seul à même de choisir
de dénoncer ou non65.
L’ensemble paraît donc disparate : tantôt celui qui ne parle pas est sanctionné, tantôt celui qui dénonce
est favorisé. De plus, les dispositions n’ont pas un Code pour siège unique, ce qui nuit à la lisibilité
de la notion. Pour autant, cette gradation permet de mettre en lumière l’influence du droit pénal sur
la collaboration des citoyens avec la justice pénale. Selon la politique répressive suivie, la matière
pénale peut imposer une obligation de dénoncer qui permet aux autorités de poursuivre plus
facilement une infraction déterminée, ou encourager les citoyens à dénoncer lorsque la création d’une
obligation n’est pas envisageable.

31. Suite à cette présentation, le sujet est circonscrit. Les dénonciations en matière pénale sont
une, car elles visent à informer les autorités judiciaires d’un fait délictueux, mais elles sont également
multiples parce qu’elles paraissent s’adapter à la politique répressive menée. De plus, l’étude des
dénonciations en matière pénale ne peut être dissociée de la collaboration des individus avec le service
public de la justice, ceux-ci permettant une répression optimale des infractions66.
32. En ce sens, l’actualité relative au sujet incite à adopter cet angle de vue. En effet, les
évolutions récentes du droit positif témoignent de l’atténuation de la méfiance à l’égard de la
dénonciation67 : les devoirs de révélation se multiplient. Par exemple, le gouvernement a instauré
récemment un service de pré-plainte en ligne68, les salariés auteurs d’infractions au Code de la route
dans un véhicule de fonction doivent être dénoncés depuis 2016 par leur employeur69, et les immunités
familiales pour le délit de non-dénonciation de crimes ont été supprimées en 2016 pour les crimes

63
Art. 132-78 CP et art. 721-3 CPP
64
V. notamment l’art. 122-9 CP qui instaure un fait justificatif à leur égard. Il faut noter que le Parlement européen
a adopté le 16 avril 2019 une directive instituant un statut de protection du lanceur d’alerte, qui se trouve être plus
généreux que le droit positif français.
65
Art. 40-3 CPP
66
A. VITU, « La collaboration des personnes privées à l’administration de la justice criminelle française », RSC
1956, p. 675
67
En ce sens, v. D. LOCHAK, « La dénonciation, stade suprême ou perversion de la démocratie » in Mélanges du
président Braibant, Dalloz 1996, p. 451
68
https://www.pre-plainte-en-ligne.gouv.fr/
69
Art. L121-6 du Code de la route, v. J.-H. ROBERT, « Circulation routière - lanceurs d’alerte obligatoire », Dr.
pénal 2019, n°2, comm. 29

18
terroristes 70 . Il est également possible d’évoquer le jugement rendu en mars 2019 par le tribunal
correctionnel de Lyon 71 relativement au cardinal Barbarin, qui pourrait conduire à l’extension
jurisprudentielle du délit de non-dénonciation de l’art. 434-3 du Code pénal.
33. Tout porte donc à croire que les dénonciations font l’objet d’une tendance renouvelée. En
dépit de l’hostilité que paraît susciter leur pratique, l’étude des dénonciations en matière pénale
permet de rendre compte de la volonté croissante du droit pénal 72 d’ériger les individus en
collaborateurs de la justice pénale.
En reprenant les distinctions précédemment opérées, ce souhait du droit pénal d’associer davantage
les citoyens à l’œuvre de la justice pénale se manifeste à deux égards. En premier lieu, lorsque le droit
pénal institue des obligations de dénoncer, c’est-à-dire lorsque la collaboration des citoyens leur est
imposée (Première Partie). En second lieu, lorsque le droit pénal incite à la dénonciation de manière
ponctuelle ou générale, c’est-à-dire lorsque la collaboration des citoyens est encouragée (Seconde
Partie).

70
Art. 8 de la loi n°2016-731 du 3 juin 2016
71
Trib. corr. Lyon 7 mars 2019, D. actu. 18 mars 2019 obs. Fucini
72
Entendu au sens large, ce qui inclut la procédure pénale.
19
PREMIÈRE PARTIE : LA COLLABORATION IMPOSÉE

34. L’adage de Loysel « Qui peut et n’empêche, pêche », s’illustre en matière de dénonciation
imposée. Le législateur a en effet élaboré progressivement des obligations de dénoncer, imposant aux
citoyens cette forme de collaboration à la justice. Il réprime ainsi le fait de « ne pas informer73 », de
« ne pas révéler74 », ou incite à « donner avis75 », à « déclarer76 » : la seule abstention est punie en
tant que telle.
35. L’esprit guidant ces textes est que l’inaction est autant blâmable que l’action77, en ce sens il
s’agit d’infractions de discipline. Bien que suscitant une certaine réprobation, il n’est pas possible de
refuser à l’État l’obligation de maintenir l’ordre, et le droit de demander à chacun son concours dans
la répression de certaines infractions, par le biais de dénonciations. Dénier aux citoyens le devoir de
dénoncer serait « faire triompher un individualisme forcené, faire de l’égoïsme et de l’indifférence à
l’égard de la chose publique la loi des relations humaines78 ». Ces textes ont donc avant tout une visée
utilitariste.
36. Toutefois, s’agissant d’infractions par omission, elles sont en principe exceptionnelles79 car
la loi pénale interdit en principe, elle n’oblige pas à agir. Les délits réprimant le fait de ne pas porter
une infraction à la connaissance des autorités possèdent une tonalité répressive particulière, car
l’abstention de leur auteur ne témoigne que d’une hostilité indirecte aux valeurs sociales protégées80.
Par conséquent, il n’existe pas d’obligation générale de dénoncer en droit pénal français.
37. Les obligations de dénoncer sont donc en principe exceptionnelles et particulières. Dans une
visée utilitariste, elles incombent à ceux qui sont susceptibles de détenir une information utile pour
une infraction donnée.
Pourtant, ces obligations de dénoncer n’ont eu de cesse de se développer depuis leur apparition : le
législateur et le juge encouragent de façon croissante la collaboration des citoyens avec la justice.

73
Art. 434-1 et 434 CP
74
Art. L820-7 C. com.
75
Art. 40 CPP
76
Art. L561-15 CMF
77
V. D. REBUT, L’omission en droit pénal, thèse 1993, sous la dir. de Y. Mayaud, Lyon III, §3
78
A. VITU, Traité de droit criminel - Droit pénal spécial, 6ème éd., Cujas 1982, §504
79
Mais la tendance du XXème siècle a été de les multiplier. V. J. LARGUIER, P. CONTE et P. MAISTRE DU
CHAMBON, Droit pénal général, 23ème éd., Dalloz 2018, coll. « Mémentos », p. 32
80
À moins qu’ils ne soient auteurs des faits à dénoncer.

20
38. Ce mouvement se manifeste pour les obligations à la charge de tout citoyen (Titre premier),
ainsi que pour les obligations incombant à certains professionnels (Titre second).

TITRE 1 : LES OBLIGATIONS À LA CHARGE DE TOUT CITOYEN

39. L’obligation de dénoncer tout crime apparaît en 1941 81 , et est reprise en 1945 avec une
répression moindre82. Par la suite, une seconde obligation de dénoncer est introduite en 1971, visant
des délits particuliers. Par conséquent, le citoyen ordinaire est désormais soumis à deux obligations
de dénoncer définies aux articles 434-1 à 434-3 du Code pénal83.
L’impunité du spectateur inactif 84 est limitée par des éléments constitutifs pouvant être retenus
aisément. L’abstention volontaire de dénoncer une infraction dont l’agent a connaissance suffit. En
contrepartie de cette sévérité, les peines instituées sont plus douces.
S’agissant d’infractions d’omission et d’obligations de dénoncer, le champ d’application de
ces dispositions est restreint (Chapitre 1). Toutefois, l’exigence de collaboration s’accroît pour les
citoyens, comme l’atteste l’atténuation croissante des limites établies (Chapitre 2).

Chapitre 1 : le champ d’application restreint des articles 434-1 et 434-3 du Code pénal

40. Les obligations de dénoncer étant par principe exceptionnelles, le champ d’application des
articles 434-1 et 434-3 est restreint. Tout d’abord, la tentative de ces délits d’abstention n’est pas
incriminée. Ensuite, leur objet est strictement défini (§1), et elles comportent des limites communes
(§2).

§1 L’objet strictement défini des obligations d’information

41. Outre une répression identique et plutôt clémente85, ces infractions de non-dénonciation ont
toutes deux un objet strictement défini. Alors que l’article 434-1 est justifié par la gravité de

81
Auparavant, les citoyens devaient uniquement dénoncer les complots ou crimes contre la sûreté de l’État,
conformément aux art. 100 et 101 du Code pénal de 1810, depuis l'ordonnance du 4 juin 1960.
82
Ordonnance n°45-1391 du 25 juin 1945, v. le commentaire de A. TUNC, DC 1946, p. 33
83
Il existe également une obligation de témoigner à l’art. 434-11 CP, mais elle est écartée car elle n’implique pas
d’informer les autorités de la commission d'une infraction, mais de l’innocence d’un individu détenu ou jugé.
84
Les conditions de la complicité par omission étant très restrictives. Toutefois, le régime des peines est moins sévère
que l’art. 121-6 CP.
85
Elle est aussi identique en cas d’aggravation : 5 ans d’emprisonnement et 75 000€ d’amende, art. 434-3 al. 2 et
434-2 CP.
21
l’infraction à dénoncer (A), l’article 434-3 repose davantage sur la protection de victimes vulnérables
qui ne peuvent se défendre seules (B).

A. La dénonciation utile de l’article 434-1 du Code pénal

42. Apparu sous l’Occupation en 1941, le délit de non-dénonciation de crime est repris en 1945,
mais cantonné dans des limites précises. Désormais l’art. 434-1 énonce en son premier alinéa « Le
fait, pour quiconque ayant connaissance d’un crime dont il est encore possible de prévenir ou de
limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui
pourraient être empêchés, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni
de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. ».
Ainsi, il est limité aux crimes (1), et la dénonciation doit avoir permis de prévenir ou de limiter
les effets du crime dénoncé (2).

1. Une obligation limitée aux crimes

43. L’art. 434-1 est limité aux crimes86. Cela s’explique, outre la nature de l’infraction, par sa
complémentarité avec d’autres délits en particulier l’art. 434-3 et l’art. 223-6 al. 1, ce dernier
réprimant celui qui s’abstient d’empêcher un crime ou délit contre l’intégrité corporelle. Ces
qualifications sont poreuses, l’action immédiate requise par l’art. 223-6 al. 1 pouvant être une
dénonciation87.
44. La dénonciation est limitée au comportement répréhensible, il ne s’agit pas de dénoncer
l’identité de son auteur ou complice. Cette limitation repose sur la légalité criminelle et le mépris de
la délation88. Néanmoins, à l’occasion de l’interrogatoire qui suivra, l’auteur de la dénonciation pourra
être amené à apporter plus de renseignements sur l’identité du criminel89, ce qui atténue la distinction.

86
Alors que le texte de 1941 énumérait les infractions concernées, v. A. TUNC, « Commentaire de
l'ordonnance du 25 juin 1945 », DC 1946, p. 33
87
Sur la porosité de ces qualifications, v. O. DÉCIMA, « Qui peut et n’empêche, pêche - nécessairement », RPDP
2013 n°4, p. 911, à propos de Cass. crim. 23 oct. 2013 qui requalifie une non-dénonciation.
88
Note J. LARGUIER sous Cass. crim. 2 mars 1961, JCP G 1961, II, 12092
89
V. les délits de refus de déposer et de faux témoignage des art. 434-12 et 434-13 CP, qui constituent également
des atteintes à l’action de Justice.

22
45. Enfin, l’art. 434-1 n'inclut pas le crime tenté. Le texte est muet90, posant la question de la prise
en compte de la tentative sous l’angle du droit pénal spécial91. Pour certains auteurs92, l’obligation
porte également sur les crimes tentés, car le droit pénal assimile souvent la tentative de l’infraction et
sa consommation, et l’objet de l’infraction est de prévenir ou limiter les effets du crime. Cependant,
l’art. 121-4 ne confond pas objectivement la tentative et la consommation, il assimile subjectivement
leurs auteurs93. De plus, il est peu probable que le citoyen ordinaire sache distinguer acte préparatoire
et commencement d’exécution, et détermine ainsi le moment auquel naît son obligation de dénoncer.
Enfin, la non-révélation d’un projet de crime contre les personnes est punissable sur le fondement de
l’art. 223-6 al. 1, ce qui garantit la répression d’un tel comportement.
46. Pour finir, il faut que l’agent ait eu connaissance du crime, par des éléments précis permettant
de rendre probable sa commission94. Ceci limite encore davantage le champ très précisément défini
de l’art. 434-1, d’autant plus que l’obligation de dénoncer ne naît que si la dénonciation est utile.

2. Une obligation guidée par son utilité

47. La non-dénonciation de l’art. 434-1 n’est punissable que si l’attitude inverse était susceptible
de prévenir les effets du crime, les limiter, ou empêcher sa réitération, ce qui limite la constitution de
ce délit. La troisième hypothèse est délicate, car il est toujours possible de penser que l’auteur est
susceptible de réitérer son crime 95 . L’infraction visant à faciliter l’action de la justice, il est peu
probable que la formule se limite aux crimes dont les circonstances laissent penser que de nouveaux
actes vont être commis96. La Cour de cassation impose aux juges du fond de caractériser l’utilité de
la dénonciation, mais cette appréciation relève de leur pouvoir souverain97. Ainsi les juges du fond
peuvent moduler le champ d’application de l’art. 434-1, qui peut être étendu s’ils retiennent aisément
la réitération du crime.

90
En 1941, l’incrimination visait le simple projet criminel, ce qui situait le fait à dénoncer très en amont sur l’iter
criminis.
91
En droit pénal général, la tentative d’un crime est toujours punissable, art. 121-4 2° CP.
92
P. BONFILS, « Art. 434-1 et 434-2 - Fasc. 20 : Non-dénonciation de crime », JCl. Pénal Code 2016, §18
93
O. DÉCIMA, op. cit.
94
Cass. crim. 23 oct. 2013, Bull. crim. n°204, Dr. pénal 2013 n°166, obs. M. Véron, Dr. pénal 2014, comm. 15, obs.
A. Maron et M. Haas, RPDP 2013, n°4, p. 911 chron. Décima
95
A. TUNC, « Commentaire de l'ordonnance du 25 juin 1945 », DC 1946, p. 33
96
En ce sens, J. MAGNOL, « Commentaire de l’ordonnance n°45-1391 du 25 juin 1945 concernant le concours des
citoyens à la justice et à la sécurité publique », JCP 1946, I, 531
97
Cass. crim. 12 mai 1999, n°98-86.360

23
48. Ce critère d’utilité conduit à se demander si celui qui a connaissance d’un crime est exempté
de le dénoncer si les autorités en ont déjà connaissance98, mais que l’agent ignore cette circonstance.
La jurisprudence a considéré que lorsque l’autorité a été avisée, il n’est plus possible de caractériser
le délit de non-dénonciation de crime de l’art. 434-1 99 . Ainsi, le champ du délit est restreint, et
l’efficacité sociale de la dénonciation est privilégiée à son aspect moral.
L’art. 434-1 étant étroitement défini et circonscrit aux crimes, il est complété par une seconde
disposition obligeant les citoyens à collaborer avec la justice.

B. La dénonciation spéciale de l’article 434-3 du Code pénal

49. Le délit de non-dénonciation de mauvais traitements de l’article 434-3 est apparu en 1971,
dans le même esprit que l’article 434-1. L’alinéa premier de l’art. 434-3 dispose « Le fait, pour
quiconque ayant connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’agressions ou atteintes
sexuelles infligées à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de
son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de
grossesse, de ne pas informer les autorités judiciaires ou administratives ou de continuer à ne pas
informer ces autorités tant que ces infractions n’ont pas cessé est puni de trois ans d’emprisonnement
et de 45 000 euros d’amende. ».
Afin que cette dénonciation soit justifiée, elle est limitée. Ainsi, elle concerne à la fois des
victimes (1) et des infractions particulières (2).

1. Une obligation limitée au regard des victimes

100
50. L’art. 434-3 ne vise que les infractions commises sur des mineurs et personnes
vulnérables101 qui ne sont pas en mesure de se protéger en raison d’un état particulier. La vulnérabilité
retenue par cette disposition est donc différente des autres textes du Code pénal102, car il s’agit de
l’acception introduite par la loi Sécurité et liberté, visant l’impossibilité de se défendre. L’infraction
étant intentionnelle, l’auteur doit avoir eu connaissance de cette condition particulière de la victime,

98
L’art. 434-1 vise les autorités judiciaires, mais aussi les autorités administratives, qui seront tenues de rapporter
les faits au procureur de la République en vertu de l'art. 40 al. 2 CPP.
99
Cass. crim. 13 oct. 1992, Bull. crim. n°320
100
Depuis la loi n°2016-297 du 14 mars 2016, qui étend la qualification aux mineurs entre 15 et 18 ans.
101
Depuis la réforme du Code pénal de 1992, « maladie, infirmité, déficience physique ou psychique, état de
grossesse ».
102
Notamment de l’art. 223-15-2 CP

24
ce qui peut limiter la répression. Toutefois, la jurisprudence a précisé récemment que le fait que la
victime devienne majeure ne met pas un terme à l’obligation de dénoncer 103 , ce qui atténue la
limitation de l’obligation.
51. La dénonciation est donc justifiée au regard de victimes dont la vulnérabilité doit susciter la
solidarité. Il s’agit d’assurer l’efficacité de la politique répressive, puisque par hypothèse ces victimes
n’ont pas la capacité de porter les faits à la connaissance des autorités.
Ces faits devant être objet de la dénonciation sont d’ailleurs expressément énoncés.

2. Une obligation limitée au regard de l’infraction à dénoncer

52. Contrairement à l’art. 434-1, la dénonciation ne doit pas être utile104. Elle doit concerner des
« privations, mauvais traitements, agressions ou atteintes sexuelles » infligés à une victime mineure
ou vulnérable, peu importe qu’ils aient cessé ou non 105 . Ainsi l’obligation paraît large car elle
n’exonère pas au prétexte que les faits auraient déjà été portés à la connaissance des autorités : il faut
que des mesures effectives aient été prises pour justifier le silence.
Mais l’étude du texte qui vise à la fois des infractions pénales et des comportements106 permet
de tempérer cette affirmation. Si l’on retient une interprétation fondée sur le langage courant, tout
comportement contestable à l’égard de ces victimes serait couvert, impliquant donc une obligation de
dénoncer importante. En revanche, si l’on retient une interprétation pénale, l’obligation de dénoncer
de l’art. 434-3 est limitée. Tout d’abord, les « privations » relèvent de l’art. 227-15 CP, et ne sont
applicables qu’aux mineurs de 15 ans, ce qui signifie que les privations sur personne vulnérable
n’auraient pas à être dénoncées sur le fondement de l’art. 434-3. De plus, les infractions d’agressions
sexuelles et d’atteintes sexuelles clairement définies107, ne s’appliquent encore qu’à une partie des
victimes potentielles de l’art. 434-3, les atteintes sexuelles ne pouvant être qualifiées qu’à l’encontre
de mineurs. Enfin, la difficulté est de déterminer ce que vise la notion de « mauvais traitements », qui

103
Trib. corr. Lyon 7 mars 2019 préc., qui retient qu’il est indifférent que les victimes des infractions à dénoncer
soient devenues majeures depuis, le délit de l’art. 434-3 CP visant à protéger l’action de la Justice de toute entrave.
104
Cass. crim. 6 sept. 2006, JurisData n°2006-035229, Dr. pénal 2006, comm. 149, obs. Véron, et plus récemment
Trib. corr. Lyon 7 mars 2019 préc., décidant que la non-dénonciation est constituée quand bien même l’infraction à
dénoncer est prescrite.
105
M.-L. RASSAT, Droit pénal spécial, 8ème éd., Dalloz 2018, coll. « Précis », §1030, dans le même sens Trib.
corr. Lyon 7 mars 2019, D. actu. 18 mars 2019 obs. Fucini.
106
Il faut également exclure la dénonciation de l’identité de l’auteur, le raisonnement tenu pour l’infraction générale
de l’art. 434-1 étant applicable au texte spécial de l’art. 434-3 CP.
107
Art. 222-22 s. et art. 227-25 s. CP

25
n’est pas juridique. Selon certains, elle permet d’englober des infractions « diverses et variées108 »,
posant question quant à l’interprétation stricte de la loi pénale. Sans porter atteinte à ce principe, la
notion peut recouvrir les violences volontaires exercées sur la victime, comme l’a retenu la
jurisprudence pour des violences physiques, brûlures et fractures sur des personnes âgées109. Cette
obligation de dénoncer est donc limitée.
Enfin, il n’est pas indiqué si la tentative de ces infractions doit être dénoncée. En reprenant le
raisonnement adopté ci-dessus pour l’art. 434-1, qui s’applique à sa copie en réduction, il faut exclure
la tentative du champ de l’obligation.
L’objet de ces obligations de dénoncer est donc strictement défini, la collaboration des
citoyens à la justice paraît circonscrite. De surcroît, des limites communes viennent encadrer ces
obligations.

§2 Les limites communes encadrant ces obligations d’information

53. La première limite, tenant au secret professionnel, est dégagée à partir des textes
d’incrimination (A). La seconde limite ressort des principes du droit pénal, et tient à l’auto-
incrimination (B).

A. La limite textuelle du secret professionnel

54. L’article 434-1 al. 3 et l’article 434-3 al. 3 indiquent que « sont exceptées des dispositions
[…] les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l’article 226-13 ».
L’obligation de dénoncer et le secret professionnel110 ont pour objet commun l’information, et entrent
en conflit : l’une impose de se taire, et l’autre impose de parler. Pourtant, si le secret professionnel
constitue une limite incontestée à l’article 434-1 (1), elle est plus discutable pour l’article 434-3 (2).

1. Une limite incontestée à l’article 434-1 du Code pénal

55. L’auteur de l’infraction de l’art. 434-1 a la possibilité de justifier son abstention en invoquant
le secret dont il est dépositaire. Cette cause d’irresponsabilité objective111 est expressément prévue

108
P. BONFILS, « Art. 434-3 - Fasc. 20 : Non-dénonciation de mauvais traitements à un mineur ou à une personne
vulnérable », JCl. Pénal Code 2017, §18
109
Cass. crim. 27 avr. 2011, Dr. pénal 2011, comm. 77, obs. M. Véron
110
Art. 226-13 et 226-14 CP
111
Art. 122-4 CP, il s’agit d’une hypothèse d’autorisation de la loi.

26
par l’art. 434-1 al. 3. Inversement, le dispositif pénal relatif au secret prévoit une exception lorsque «
la loi impose ou autorise » sa révélation112, ce que constitue justement l’art. 434-1. Il s’agit donc d’une
neutralisation réciproque des comportements, il n’y a ni silence coupable ni révélation illicite 113 .
Cependant, cette neutralisation du conflit de normes juridiques ne signifie pas que le professionnel se
trouve à l’abri de tout engagement de sa responsabilité, disciplinaire comme pénale114.
Dans ce renvoi de la loi à la conscience115, le professionnel est libre d’apprécier le comportement à
adopter, ce qui limite considérablement l’obligation de l’art. 434-1, d’autant plus que les tributaires
du secret sont nombreux 116 . De surcroît, ce n’est pas un mode particulier d’information ou de
connaissance qui détermine si une information est couverte ou non par le secret117, mais les relations
nécessaires de confiance au sein de la société. Le secret est donc appliqué à « tous ceux auxquels leur
état ou profession impose l’obligation du secret en ce qui concerne les faits dont la connaissance leur
est parvenue en raison de l’exercice de leur profession 118 », ce qui signifie qu’il peut être retenu
largement. Ainsi il n’y a pas lieu de distinguer, pour un prêtre catholique, selon que la connaissance
résulte de la confession ou non 119 . Toutefois, un silence coupable pourrait être condamné sur le
fondement de l’art 223-6, qui ne fait pas exception du secret professionnel120.
56. La limitation de l’art. 434-1 par le secret professionnel est donc incontestable : le
professionnel dispose d’une option de conscience, ce qui limite considérablement la dénonciation. La
question est plus discutable pour l’art. 434-3.

112
Art. 226-14 al. 1 CP
113
F. ALT-MAES, « Un exemple de dépénalisation, la liberté de conscience accordée aux personnes tenues au secret
professionnel », RSC 1998, p. 301
114
Ibid
115
A. LEPAGE, « Droit pénal et conscience », Dr. pénal 1999, chron. 1, p. 4
116
E. VERNY, « La notion de secret professionnel », RDSS 2015, p. 395, qui explique qu’il est de plus en plus
répandu.
117
Y. MAYAUD « La condamnation de l'évêque de Bayeux pour non-dénonciation, ou le tribut payé à César… »,
D. 2001, p. 3454
118
Cass. crim. 24 janv. 1957 Bull. crim. n°86, D. 1957 p. 298, S. 1957 p. 219, Gaz. Pal. 1957, 1, p. 412
119
Cass. crim. 4 déc. 1891, S. 1892, 1, p. 473, rapp. Salantin, note Villey, DP 1892, p. 139. Par conséquent, le secret
professionnel n’a pas été retenu au bénéfice du cardinal Barbarin poursuivi sur le fondement de l’art. 434-3, puisqu’il
avait été informé en qualité de supérieur hiérarchique, Trib. corr. Lyon 7 mars 2019 préc.
120
Certains auteurs doutent de l’inopposabilité du secret à ces dispositions, faute de réserve expresse du texte, car il
a été jugé que le non-obstacle ne devait pas être le moyen de réintroduire une obligation de divulgation exclue par
l’immunité familiale. V. O. DÉCIMA, « Qui peut et n’empêche, pêche - nécessairement », RPDP 2013, n°4, p. 911

27
2. Une limite contestable à l’article 434-3 du Code pénal

57. Il est possible de soutenir121 que l’art. 434-3 al. 3 constitue une « réserve à la réserve122 »,
autrement dit qu’il énonce un retour au principe de l’obligation de dénoncer. Selon cet alinéa, les
personnes astreintes au secret sont exceptées de l’obligation de dénoncer « sauf lorsque la loi en
dispose autrement ». Cette nuance subtile, par rapport à la rédaction de l’art. 434-1 al. 3, est de taille.
En effet, l’art. 226-14 justement en « dispose autrement », puisque l’art. 226-13 est inapplicable dans
les trois hypothèses qu’il détermine. Dans ce cas, le secret est levé et le professionnel est tenu de
dénoncer.
Il n’est pas envisageable que la formule de l’art. 434-3 renvoie uniquement aux dispositions spéciales
imposant la dénonciation à certains professionnels de santé123 : s’ils sont en pratique les premiers
concernés par l’art. 434-3, l’action de la justice serait trop entravée si eux seuls étaient tenus par
l’obligation de dénoncer. Ainsi, la jurisprudence a pu admettre la supériorité de l’obligation de parler
sur celle de conserver le silence, ce qui revient à interdire aux professionnels de décider eux-mêmes
de l’attitude à adopter 124 . Néanmoins, il faut encore démontrer que l’art. 226-14 vise des
comportements identiques à ceux de l’art. 434-3.
En son alinéa premier, l’art. 226-14 vise des « privations et sévices » à l’encontre d’un « mineur ou
d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger » : le vocabulaire employé est donc différent
de l’art. 434-3 qui désigne des « privations, mauvais traitements et agressions ou atteintes sexuelles ».
Toutefois, le terme de « sévices » recoupe celui de « mauvais traitements125 », ce qui correspond en
partie à l’objet de l’art. 434-3. De même, la vulnérabilité est également admise sous l’angle de
l’incapacité à se défendre seul. Ainsi, l’al. 1 de l’art. 226-14 est annihilé par l’art. 434-3, qui oblige

121
Pour des opinions contraires soutenant qu’il existe un choix de conscience, v. F. ALT-MAES, Y. MAYAUD, D.
LASZLO-FENOUILLET, cités par A. LEPAGE, « Droit pénal et conscience », Dr. pénal 1999, chron. 1, p. 4
122
O. DÉCIMA, op. cit.
123
De manière non exhaustive v. art. L226-2-1 et L226-2-2 CASF, art. R4127-10, R4312-17, R4321-61, R4127-317
CSP
124
Cass. crim. 8 oct. 1997 no 94-84.801, D. 1998, Somm. 305, obs. Dekeuwer-Défossez, Dr. pénal 1998. 50, obs.
Véron, RSC 1998. 320, obs. Mayaud
125
Le Dictionnaire de l’Académie Française, 9ème éd., définit les sévices comme « mauvais traitements exercés par
un mari sur sa femme, par un père sur ses enfants, par un maître sur ses serviteurs, et qui va jusqu’aux coups. ».

28
le professionnel à parler126, de façon absolue127, alors même que les faits ne tomberaient sous aucune
qualification pénale128.
Le raisonnement doit être légèrement nuancé pour l’al. 2 de l’art. 226-14, qui vise les professionnels
de santé et requiert l’accord de la victime pour la révélation, sauf si elle est mineure ou vulnérable.
Lorsque la victime est vulnérable ou mineure, l’art. 434-3 prime, car le professionnel devra révéler
les faits. En revanche, si la victime ne répond pas à la définition de l’art. 434-3, la dénonciation se
fera avec son accord sur le fondement de l’art. 226-14. L’obligation de dénoncer neutralise de
nouveau le secret, mais uniquement dans l’hypothèse où la victime est mineure ou vulnérable.
La lecture de l’art. 434-3 serait plus aisée si la précision de son alinéa 3 était supprimée. Ainsi,
le secret professionnel justifierait la non-dénonciation mais l’art 226-14 prévoirait quelques
exceptions.
Une seconde limite aux obligations de dénoncer peut être dégagée, résultant cette fois des principes
du droit pénal.

B. La limite relative à l’auto-incrimination

58. Il est tout à fait concevable que le débiteur de l’obligation de dénoncer ait participé
personnellement à l’infraction. Est-il susceptible de voir sa responsabilité engagée sur le fondement
des art. 434-1 ou 434-3, au risque de contribuer à sa propre condamnation ?
59. Aucune des dispositions ne prévoit expressément cette exception, et l’art. 62 ancien du Code
pénal était également muet sur ce point. La jurisprudence a énoncé que « l’obligation légale de
signaler un crime […] ne saurait concerner ceux-là même qui ont participé à ce crime comme
coauteurs ou complices ou qui ont prêté leur concours conscient à l’association criminelle à laquelle
ce crime est imputable ». La Cour de cassation a estimé que les principes fondamentaux s’y
opposaient, une dénonciation semblable équivalant à les astreindre à se livrer eux-mêmes à la
justice129. Cette solution n’ayant pas été remise en cause depuis, elle doit être maintenue. En effet, ni

126
V. PELTIER, « Art. 226-13 et 226-14 - Fasc. 30 : Révélation d’une information à caractère secret - justification
de la révélation », JCl. Pénal Code 2015, §66
127
Certains auteurs soutiennent que l’exception à la non-dénonciation relative au secret professionnel n’est pas
absolue mais est soumise à l’intérêt de l’enfant. En ce sens, C. ROCA, « La non-dénonciation des atteintes sexuelles
sur mineur et le secret professionnel » in Mélanges Lapoyade-Deschamps, Presses Universitaires de Bordeaux 2003,
p. 553
128
M.-L. RASSAT, Droit pénal spécial, 8ème éd., Dalloz 2018, coll. « Précis », §514
129
Cass. crim. 27 déc. 1960, Bull. crim. n°624, RSC 1961 p. 345 obs. L. Hugueney

29
la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme 130 , ni le Conseil constitutionnel
n’acceptent les obligations de déclarations contribuant à l’établissement de sa propre culpabilité131.
60. Par ailleurs, cette exception prétorienne est confortée par l’incompatibilité des qualifications
de crime et de non-dénonciation de crime, à l’image de celles de violences volontaires et de non-
assistance à personne en danger. Depuis 2016, la Cour de cassation affirme que des « faits qui
procèdent de manière indissociable d’une action unique caractérisée par une seule intention coupable
ne peuvent donner lieu, contre le prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale132 », ce
qui s’applique aussi bien au concours réel qu’au concours idéal d’infractions. Dans l’hypothèse de la
commission successive de l’infraction à dénoncer et du délit non-dénonciation, il s’agit d’un concours
réel. La Cour de cassation avait admis qu’un président de cour d’assises puisse poser deux questions
sur la culpabilité de l’accusé, l’une pour complicité de viol, l’autre pour non-dénonciation de crime133.
En se fondant sur la jurisprudence nouvellement adoptée, il est possible d’avancer que de tels faits
relèvent bien de la même « intention coupable », car l’intention unit ces faits jusqu’à les fusionner134.
Il ne faudrait donc retenir qu’une seule qualification, ce qui justifie de nouveau que le coupable d’une
infraction n’ait pas à se dénoncer.
61. Finalement, la limite de l’auto-incrimination doit également être retenue au regard d’un
argument textuel. L’art. 434-1 al. 2 prévoit une immunité pour les proches parents et les conjoints,
qui sont exclus de l’obligation de dénoncer. Par un raisonnement a fortiori favorable, on peut conclure
que l’auteur ne doit pas dénoncer son propre crime. L’art. 434-3 constituant la copie en réduction de
l’art. 434-1, la solution s’y applique de la même façon.

Malgré ce champ d’application en principe restreint, le devoir de collaboration des citoyens


au service public de la justice s’accroît, comme en témoigne l’atténuation des limites encadrant les
articles 434-1 à 434-3 du Code pénal.

130
CEDH, 25 févr. 1993, Funke c/ France, op. cit.
131
Cons. const. n°2016-552 QPC, 8 juill. 2016, « il résulte de l’art. 9 DDHC un principe selon lequel nul n’est tenu
de s’auto-accuser ».
132
Par ex. Cass. crim. 24 janv. 2018, no 16-83.045, D. actu. 15 févr. 2018, obs. Fucini ; AJ pénal 2018. 196, obs.
Clément, RSC 2018. 412, obs. Mayaud
133
Cass. crim. 12 mai 1999 n°98-86.360
134
Bien que la jurisprudence relative à Non bis n’indique pas selon quel résultat l’intention doit être appréciée.

30
Chapitre 2 : l’atténuation des limites établies

62. L’atténuation des limites aux obligations de dénoncer est initiée en 1993, lorsque la Cour de
cassation admet que la non-dénonciation de crimes protège également des intérêts privés, rendant
recevable la constitution de partie civile de la victime du crime non dénoncé135. Témoin de la place
croissante de la victime dans le procès pénal et de la disparition des infractions d’intérêt général, cette
jurisprudence marque un changement de perspective. Ce n’est plus seulement l’ordre public que ces
infractions ont en vue136, mais aussi la solidarité entre citoyens. De plus, la jurisprudence reconnaît
ce faisant un rôle causal à l’abstention137. D’autres limites propres à chacune des deux obligations
semblent céder de manière progressive, ce qui conduit à les étudier successivement.
Alors que les articles 434-1 et 434-2 voient s’amenuiser l’immunité familiale (§1), l’article
434-3 témoigne du déclin plus vaste de la prescription de l’action publique (§2).

§1 L’atténuation des immunités familiales de l’article 434-1 du Code pénal

63. En demandant aux citoyens d’apporter leur concours à la justice, le législateur a parfois créé
un conflit entre devoir légal et devoir moral, quand l’individu à dénoncer est un parent. Le droit pénal
a toujours octroyé à la famille la vision idyllique d’un havre de paix, vision confortée par les
mécanismes d’immunité familiale138. L’article 434-1 al. 2 tolère ainsi l’atteinte à l’action de la justice
lorsque l’auteur protège un membre de sa famille, exception faite des crimes commis sur les mineurs,
en prévoyant que « sont exceptés des dispositions qui précèdent les parents en ligne directe et leurs
conjoints, les frères et sœurs et leurs conjoints, et le conjoint ou la personne vivant en situation
maritale avec l’auteur ou le complice du crime ». Le mécanisme est curieux, car il tient finalement
compte du mobile de l’agent qui souhaite protéger un proche. Cette immunité n’existe pas pour
l’article 434-3139, car les délits à dénoncer sont souvent commis au sein de la famille.
Prenant en compte leur conscience, le droit pénal laisse le libre choix aux proches de décider
s’ils souhaitent dénoncer (A). Mais ce choix s’atténue, avec l’apparition en 2016 d’une brèche à
l’immunité familiale (B).

135
Cass. crim. 17 nov. 1993, Dr. pénal 1994 n°3, p. 6 n°58, M. Véron. Contra Cass. crim. 2 mars 1961, Bull. crim.
no137, D. 1962. 121, note Bouzat; JCP 1961. II. 12092, note Larguier. Pour un ex. récent v. Cass. crim. 27 févr.
2001, n°00-84.532, Bull. crim. n°48
136
V. la note de J. LARGUIER sur Cass. crim. 2 mars 1961 préc., qui écartait alors la constitution de partie civile.
137
La constitution de partie civile étant subordonnée à la démonstration d’un dommage « directement causé » par
l’infraction de non-dénonciation, v. art. 2 CPP.
138
A. DARSONVILLE, « La famille, instrument de politique criminelle », in Entre tradition et modernité : le droit
pénal en contrepoint - Mélanges en l’honneur d’Yves Mayaud, Dalloz 2016, p. 715
139
La loi n° 71-446 du 15 juin 1971 instituant l’art. 434-3 CP n’a pas prévu d’immunité semblable.
31
A. Une limite attestant de l’équilibre entre devoir moral et devoir juridique

64. Après avoir présenté la nature et les effets de l'immunité familiale (1), il faut envisager ses
justifications possibles (2), afin de comprendre la portée de son atténuation en 2016.

1. La nature et les effets de l’immunité familiale

65. L’immunité familiale de l’art. 434-1 al. 2 est une exception restreinte, le législateur devant
trouver un juste équilibre entre entrave de la justice, et solidarité familiale. Elle est donc exclue pour
un crime contre un mineur140. Pour autant, l’exigence d’un lien de parenté au quatrième degré pour
bénéficier de l’immunité est abandonnée en 1992. Cela s’explique, car il est très rare en pratique que
cinq générations coexistent. S’agissant des collatéraux, seuls les privilégiés peuvent désormais en
bénéficier. Finalement, la loi a conservé la primauté absolue de la parenté en ligne directe, mais a
réduit sa portée en ligne collatérale141.
Cependant, l’adaptation du droit pénal aux mœurs a élargi le champ des bénéficiaires : ainsi, la famille
adoptive et les alliés, ainsi que le concubin sont concernés. Cette souplesse s’explique par le fait que
l’infraction de non-révélation est incidente, les conditions de l'infraction n’ont pas été créées par le
proche de l’auteur du crime, contrairement aux infractions contre les biens142.
66. Enfin, la nature de l’immunité familiale de l’art. 434-1 doit être précisée. La disposition
énonce que les proches « sont exceptés » de l’obligation de dénoncer143. Il ne s’agit donc ni d’une
immunité cause d’exonération de peine, ni d’une excuse absolutoire144, puisque le proche ne commet
aucune infraction. En réalité, l’illicéité de l’acte est supprimée, l’immunité joue sur l’élément légal145.
Ainsi, elle a un effet in rem et agit comme un fait justificatif pour le proche. Elle n’empêche pas pour
autant la collaboration à la justice qui reste un droit, et le Parquet pourra poursuivre en se fondant sur
d’autres preuves que la dénonciation d’un proche.
Diverses justifications peuvent être avancées quant au fondement de l’immunité familiale.

140
Depuis la loi n°54-411 du 13 avril 1954, l’art. 434-1 CP prévoit une exception à l’immunité pour les « crimes
commis sur les mineurs ».
141
C. COURTIN, « Immunités familiales », Rép. pén. 2018
142
Pour lesquelles l’octroi de l’immunité est moins souple, v. par ex. l’art. 311-12 CP.
143
Contrairement à l’immunité de l’art. 311-12 qui indique « ne peut donner lieu à des poursuites pénales […] ».
144
T. HASSLER, « La solidarité familiale confrontée aux obligations de collaborer à la justice pénale », RSC 1983,
p. 437
145
P. MOUSSERON, « Les immunités familiales », RSC 1998, p. 291, qui la désigne comme une immunité-
irresponsabilité, en opposition à l’immunité-irrecevabilité faisant obstacle à l’exercice de l’action publique.

32
2. La justification de l’immunité familiale

67. Tout d’abord, il est possible d’avancer que le législateur a rendu hommage au droit naturel146.
Une autre justification probable de cette immunité se trouve dans la morale147, c’est-à-dire dans ce «
tissu de devoirs non juridiques admis par le plus grand nombre148 ». À la morale développée par Kant,
qui voudrait qu’une poursuite soit possible en toutes circonstances, la morale familiale exige que la
poursuite soit impossible149. Le devoir familial de secours l’emporte sur l’obligation de dénoncer, car
la non-dénonciation d’un proche est moralement justifiable150, il n’y a pas de nocivité dans un tel
comportement.
Un autre argument peut être puisé dans les raisons sociales : l’institution familiale est une valeur
fondamentale de la société, et la loi ne saurait bafouer les sentiments de solidarité qui en proviennent,
sans mettre en péril l’ordre public qu’elle doit protéger151.
Enfin, et de façon plus prosaïque, il faut reconnaître qu’il est peu probable qu’un proche obéisse à
l’injonction qui lui est faite par le droit pénal de dénoncer son parent.
Le législateur ne semble pas avoir tenu compte de ces considérations pratiques lorsqu’il a
rédigé la loi du 3 juin 2016.

B. La primauté récente donnée à l’intérêt général dans l’hypothèse du terrorisme

68. La loi du 3 juin 2016 152 a restreint le champ des immunités familiales, posant ainsi une
seconde limite à celles-ci, après la restriction de leur champ en 1992153. L’art. 8 de la loi, ouvrant le
Chapitre consacré aux dispositions renforçant la répression du terrorisme, dispose que l’alinéa relatif
à l’immunité familiale ne s’applique plus à l’obligation de dénoncer un crime constituant une atteinte

146
A. LEPAGE, « Droit pénal et conscience », Dr. pénal 1999, chron. 1, p. 4
147
P. MOUSSERON, op. cit.
148
J. PRADEL, « Procédure pénale et morale », in Entre tradition et modernité : le droit pénal en contrepoint -
Mélanges en l’honneur d’Yves Mayaud, Dalloz 2016, p. 661
149
Ibid
150
C’est pourquoi elle est plus largement immunisée que la soustraction frauduleuse de la chose d’un proche, art.
311-12 CP.
151
T. HASSLER, op. cit.
152
Loi n°2016-731 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant
l'efficacité et les garanties de la procédure pénale
153
Bien que, comme développé, l’adaptation aux mœurs tempère cette affirmation.

33
aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte de terrorisme154. Concrètement, les proches d’un
criminel terroriste doivent le dénoncer à la justice : il n’est plus question de faculté.
69. Certains auteurs se félicitent de cette disposition155, puisqu’elle concerne la dénonciation d’un
crime dont il est encore possible de limiter les effets. Mais il est permis de douter de son efficacité,
alors qu’elle est placée en tête du Chapitre de la loi visant à lutter contre le terrorisme. Il est d’abord
très peu probable qu’un individu dénonce un parent, quand bien même les effets du crime pourraient
encore être limités. De plus, le critère de l’utilité de la dénonciation tiré de la réitération du crime peut
être retenu très facilement156, par conséquent l’immunité disparaît en toute circonstance. Par ailleurs,
les autorités répressives disposent de moyens d’enquête conséquents en matière de terrorisme, au vu
des dispositions procédurales dérogatoires qui existent. La dénonciation par un proche ne paraît pas
être un élément déterminant permettant d’informer les autorités d’un tel crime.
Ce faisant, le législateur fait abstraction de l’absence de nocivité du comportement du proche qui
s’abstient. En incriminant en toute hypothèse le proche qui ne dénonce pas l’auteur d’un crime
terroriste, le législateur considère finalement que le silencieux a toujours un comportement nocif à
partir du moment où il avait connaissance du crime, et donc qu’il approuverait l’infraction par son
inaction. Il est également possible de considérer que cette disposition est préjudiciable à la paix des
familles, celles-ci constituant pourtant l’institution de base de la société. En bafouant les sentiments
de solidarité de la famille, le législateur met en péril l’ordre public qu’il doit protéger.
70. Pour conclure, donner la primauté à la lutte contre le terrorisme dans la hiérarchie des valeurs
sociales, revient à remettre en cause le fait que la famille soit un havre de paix alors qu’elle est « le
principal des principaux piliers de l’ordre social157 ». Cette modification est d’autant plus surprenante
que la loi continue à jeter par le biais des immunités un voile pudique sur des actes, commis au sein
de la famille, qui sont en eux-mêmes délictueux.
Il est à craindre désormais que la limite préservée du secret professionnel cède à son tour face
à la lutte contre le terrorisme, ou que l’immunité familiale ne soit davantage réduite. La question ne
se pose pas en ces termes pour l’art. 434-3, mais la limite qui lui est propre cède également du terrain.

154
L’art. 8 énonce « L'article 434-2 du code pénal est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les deuxième,
troisième et avant-dernier alinéas de l'article 434-1 ne sont pas applicables. » ». La formulation est curieuse, l’art.
434-1 CP comportant vraisemblablement trois alinéas, dont le deuxième visant les immunités englobe deux points.
155
M.-H. GOZZI, « Lutte contre le terrorisme : une législation entre émotion et réaction », JCP G 2016, n°26, p.
1277
156
V. supra §47 et 48.
157
G. Cornu, La famille, 9ème éd. Montchrestien, 2006, n°1, p. 7
34
§2 La prescription étendue de l’article 434-3 du Code pénal

71. La prescription constitue une limite aux poursuites pour toute infraction, mais elle prend une
importance particulière s’agissant de l’article 434-3. Alors que la prescription de l’infraction à
dénoncer apparaît désormais sans impact sur le devoir légal défini par l’article 434-3 (A), la
prescription du délit de non-dénonciation a également cédé du terrain (B).

A. L’extension au regard de la prescription du délit à dénoncer

72. Contrairement à l’art. 434-1, le délit de l’art. 434-3 n’exige pas que la dénonciation soit
utile158. Pour autant, le tribunal correctionnel de Lyon dans son jugement du 7 mars 2019, a considéré
que le délit de non-dénonciation de mauvais traitements impose une connaissance suffisante des faits,
mais qu’il importe peu que l’infraction à dénoncer soit prescrite lorsque le prévenu en a eu
connaissance159. Afin de justifier sa décision, il souligne la place du délit au sein du Chapitre du Code
pénal consacré aux atteintes à l’action de la justice. Il relève également la différence d’avec l’art. 434-
1 qui requiert que la dénonciation soit utile, la Cour de cassation ayant déjà souligné qu’il est
indifférent pour l’art. 434-3 que la dénonciation ait pu prévenir ou limiter les effets des infractions,
ou empêcher leur renouvellement160.
Ce jugement est inédit car dans une affaire similaire, le tribunal correctionnel de Caen161 avait quant
à lui estimé que l’obligation de dénoncer n’existe plus quand la prescription est acquise sur les faits
à dénoncer, faute pour l’autorité judiciaire de pouvoir les poursuivre. Cette solution avait été
approuvée, certains auteurs considérant que la prescription était infranchissable et qu’elle limitait
l’obligation de dénoncer162.
73. Il faut donc se demander si l’infraction prescrite entre dans le champ de l’obligation de
dénoncer. La prescription de l’action publique est une institution sui generis : au regard des règles
de droit transitoire, il s’agit d’une règle de forme, puisque l’art. 112-2 4° consacre l’application
immédiate des lois de prescription. Mais elle supprime aussi l’élément légal de l’infraction, ce qui en
fait une règle de fond. En s’appuyant sur sa nature de règle de fond, la prescription supprime un

158
V. supra §50 et s.
159
Le tribunal précise également qu’il importe peu que la victime soit devenue majeure, v. supra §50.
160
Cass. crim. 6 sept. 2006, préc.
161
Trib. corr. Caen, 4 sept. 2001, D. 2001. IR 2721 ; ibid. 2002. Somm. 1803, obs. Roujou de Boubée ; Gaz. Pal.
2001. 2. 1811, note Damien ; Dr. pénal 2001, chron. no 46, obs. L. Leturmy, D. 2001. Chron. 3454 Y. Mayaud
162
En ce sens, Y. MAYAUD, « La condamnation de l’évêque de Bayeux pour non-dénonciation, ou le tribut payé à
César… », D. 2001, p. 3454, qui explique que « l’information des autorités judiciaires ou administratives ne saurait
aller jusqu’à couvrir ce qui est légalement considéré comme oublié ».

35
élément constitutif de l’infraction. Ainsi, il n’y a plus d’infraction à dénoncer, donc pas de délit de
non-dénonciation163. En revanche, en considérant que la prescription est une règle de forme, elle fait
simplement obstacle à l’exercice des poursuites : cela ne signifie pas que l’infraction initiale ait
disparu, et le délit peut être constitué. La nature hybride de la prescription ne permet pas de conclure.
En s’appuyant sur la ratio legis de l’infraction, il est possible de soutenir que, faute de pouvoir engager
des poursuites, il n’y aura pas d’entrave à la justice, ce qui justifierait que l’on ne retienne pas le délit
de non-dénonciation pour une infraction prescrite. Cette solution paraissait de bon sens, mais le
tribunal correctionnel de Lyon a adopté une approche différente, en considérant que l’obligation ne
se fonde pas uniquement sur la possibilité de poursuivre les faits dénoncés, mais également sur la
possibilité d’en découvrir de nouveaux. Il reprend ainsi les arguments développés en doctrine164 selon
lesquels l’art 434-3 vise à prévenir, limiter ou empêcher la réitération des faits répréhensibles. En
effet, on pourrait relever que l’art. 434-3 a été prévu afin de prévenir la réitération de mauvais
traitements ou d’atteintes sexuelles sur des victimes vulnérables165. Mais le raisonnement est peu
satisfaisant : en ajoutant ce critère d’utilité, le tribunal correctionnel adopte une position contraire au
texte d’incrimination, et à la jurisprudence de la Cour de cassation166. De plus, le fait que l’agent ne
puisse pas savoir si les faits sont prescrits importe peu. S’il croyait les faits prescrits et s’est abstenu
de dénoncer, alors la connaissance du fait est manquante, et l’élément moral n’est pas constitué. En
revanche, s’il pense les faits non prescrits et s’abstient, alors l’élément moral de l’infraction est
constitué quand bien même les faits seraient finalement prescrits. Dans cette hypothèse, l’élément
matériel pourrait faire défaut selon que l’on considère que l’infraction prescrite doit être dénoncée ou
non.
74. En tout état de cause, le tribunal correctionnel de Lyon impose un devoir de dénoncer plus
extensif que celui conçu par le législateur. Il impose aux citoyens une collaboration presque sans
limite à la justice, toute infraction devant être dénoncée, quand bien même les autorités ne peuvent
poursuivre l’auteur. La question est d’autant plus complexe que les infractions sexuelles sur mineurs
font l’objet d'un report du point de départ de la prescription au jour de la majorité de la victime167.

163
Ce que soutient notamment Y. MAYAUD, ibid.
164
P. BONFILS, « Art. 434-3 - Fasc. 20 : Non-dénonciation de mauvais traitements à un mineur ou à une personne
vulnérable », JCl. Pénal Code 2017, §24, qui ajoute qu’il n’est pas toujours possible pour celui à qui il incombe de
dénoncer, de distinguer ce qui est prescrit de ce qui ne l’est pas.
165
S. FUCINI, « Affaire Barbarin, retour sur la condamnation pour non-dénonciation de mauvais traitements », D.
actu. 18 mars 2019
166
Cass. crim. 6 sept. 2006 n°05-87.274, préc.
167
Art. 8 CPP

36
La loi du 3 août 2018 168 laisse entière la question de l’infraction à dénoncer prescrite, sa
rédaction modifiée n’apportant aucun éclairage sur ce point. Pour autant, la réforme étend cette
obligation de dénoncer, en faisant du délit de non-dénonciation une infraction continue.

B. L’extension au regard de la prescription du délit de non-dénonciation

75. Alors que le texte prévoyait initialement « le fait de ne pas informer les autorités », la loi du
3 août 2018 ajoute à la définition du délit le fait « de continuer à ne pas informer ces autorités tant
que ces infractions n’ont pas cessé ». Il faut également tenir compte d’une modification intervenue
en début d’article : le législateur a remplacé le fait pour quiconque « ayant eu connaissance », par le
fait pour quiconque « ayant connaissance ». Ces modifications témoignent d’un changement de nature
de l’infraction, car il est signifié que le comportement dure dans le temps. Le délit devient donc
continu ce qui retarde le point de départ de la prescription de l’action publique. Les poursuites peuvent
donc être engagées plus longtemps, ce qui favorise la répression.
76. Depuis un arrêt de 2009, il était acquis que le délit de non-dénonciation se réalisait de manière
immédiate dès que l’agent avait connaissance de l’infraction à dénoncer 169 . Certains étaient peu
satisfaits de cette solution, estimant l’arrêt isolé et considérant que l’abstention fautive s’inscrivait
dans la durée, justifiant la nature continue de l’infraction170. Or, cette question est récurrente pour
toute infraction d’omission171. En toute hypothèse, l’omission a ceci de particulier qu’elle ne cesse
pas, ce qui permet de soutenir qu’il y a continuité dans le comportement délictueux. Afin de distinguer
la nature des infractions d’omission, il est possible de s’appuyer sur la durée du péril dont découle
l’obligation d’agir172, critère notamment utilisé par la doctrine pour l’omission de porter secours. Sous
ce prisme, le fait « en ayant eu connaissance » d’une infraction, de « ne pas en informer les autorités
» paraît être une infraction qui se consomme en un trait de temps. Le péril est de courte durée, et
l’abstention fautive l’est aussi. Bien que le point de départ du délai de prescription soit délicat à
déterminer, les poursuites pour non-dénonciation étaient ainsi encadrées par des échéances
temporelles courtes, limitant la répression.

168
Loi n°2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
169
Cass. crim. 7 avr. 2009 n°09-80.655, Dr. pénal 2009, comm. 91, obs. Véron
170
P. BONFILS, « Entre continuité et rupture : la loi du 3 août 2018 sur les violences sexuelles et sexistes », JCP G
n°39, 2018, p. 1682
171
Ainsi, l’omission de porter secours de l’art. 223-6 al. 2 CP est une infraction instantanée, alors que la non-
présentation d’enfants de l’art. 227-5 CP est considérée comme étant continue.
172
Sur cette question, v. D. REBUT « Non-assistance à personne en danger et prescription de l'action publique », D.
1998, p. 399

37
77. La loi du 3 août 2018 a fait du délit de non-dénonciation de mauvais traitements une infraction
continue. Le péril paraît désormais persistant, puisqu’il existe tant que l’agent continue de ne pas
informer les autorités, ou qu’il ne l’a pas fait. Le législateur considère le silence coupable dans la
durée, ce qui est conforme à la ratio legis de l’art. 434-3, qui prend également en considération la
protection de victimes qui ne peuvent se défendre seules173. Il s’agit d’une extension considérable de
la répression, car l’infraction se poursuit tant que la dénonciation n’est pas intervenue ou que les faits
devant être dénoncés n’ont pas cessé. Ce faisant, il s’agit davantage de protéger les victimes que de
protéger l’action de la justice, mais cette rédaction respecte la hiérarchie entre les comportements
respectifs de l’auteur des faits à dénoncer et de celui qui ne les dénonce pas.
Cependant, une limite existe : les infractions ne doivent pas avoir cessé, ce qui est classique en matière
d’infraction continue. Mais cette limite dépend du bon vouloir de l’auteur de l’infraction à dénoncer
qui met fin ou non à son comportement. Si l’infraction a cessé et que l’agent continue de garder le
silence, il semble que le point de départ de la prescription se situe au jour de l’arrêt des infractions à
dénoncer, car le délai de prescription court à compter du jour où l’état délictueux prend fin « dans ses
actes constitutifs et ses effets 174 ». Toutefois, le texte pose plus de questions qu’il n’apporte de
réponses. Faut-il que l’infraction ait cessé à l’égard d’une victime concernée, ou à l’égard de
l’ensemble des victimes d’un même auteur ? Le droit pénal tenant davantage compte du
comportement de l’auteur que de la situation de la victime, il semble que la seconde hypothèse doive
être privilégiée. Mais alors, comment être absolument certain que l’auteur a cessé tout agissement ?
Et finalement, le moyen le plus certain que l’infraction initiale cesse est d’aller la dénoncer. Mais
dans ce cas, le dénonciateur se livre lui-même aux autorités, puisque son silence antérieur est
constitutif du délit de non-dénonciation de mauvais traitements…
Tout ceci porte à croire qu’il s’agit d’une modification allant dans le sens de la répression,
qui ne pourra s’appliquer à des faits antérieurs à son entrée en vigueur conformément au principe de
non-rétroactivité in pejus.

78. L’étude des articles 434-1 à 434-3 illustre donc l’extension récente de la collaboration des
citoyens avec la justice. Il en va de même pour les obligations de dénoncer à la charge de certains
citoyens, à raison de la profession qu’ils exercent.

173
Ce qui se vérifie d’autant plus que la constitution de partie civile de la victime de l’infraction à dénoncer est
désormais admise.
174
Cass. crim. 19 févr. 1957, Bull. crim. n°166
38
TITRE 2 : LES OBLIGATIONS À LA CHARGE DE CERTAINS PROFESSIONNELS

79. Les obligations de dénoncer à la charge des professionnels sont également ciblées. Elles
répondent à un besoin particulier d’information dans des domaines complexes, telle que la
délinquance financière175, ou sont mises à la charge de professionnels dont on attend une collaboration
sans limite, en raison de leurs fonctions, c’est le cas des agents publics 176 . Bien que ciblées, ces
obligations sont vastes. Ce faisant, le législateur s’assure le concours de ces témoins privilégiés de la
commission d’infractions. Les obligations peuvent être spéciales, c’est-à-dire ne viser que certaines
infractions ou certaines professions ciblées, ou générales.
Toutefois, l’efficacité de ces dispositions n’est pas égale. Alors que les professionnels
assujettis à des obligations spéciales en matière financière semblent respectueux de la dénonciation à
leur charge (Chapitre 1), les agents publics se soumettent à l’inverse très peu à l’obligation générale
qui leur incombe, malgré l’importance de son champ d’application (Chapitre 2).

Chapitre 1 : les obligations spéciales imposées en matière financière

80. Les infractions relatives au droit pénal des affaires sont techniques et difficiles à détecter.
C’est pourquoi dans un but répressif, le législateur a institué une obligation de dénoncer à la charge
des professionnels, premiers témoins de ces infractions. Bien que poursuivant un même objectif et
définies dans un même domaine, elles reflètent la diversité du mécanisme, qui permet son effectivité.
Ainsi, la dénonciation est parfois directe, pour le commissaire aux comptes (§1), ou indirecte,
pour les professionnels bancaires et financiers177 (§2).

§1 Le délit de non-révélation visant le commissaire aux comptes

81. « Conscience juridique et morale de la société » selon Jean Foyer178, ce professionnel du


chiffre s’est vu imposer la première obligation de révélation, par un décret-loi du 8 août 1935. Elle
incombe désormais à tout commissaire aux comptes, sans distinction de la forme sociale de l’entité

175
Art. L820-7 C. com. pour le commissaire aux comptes, et art. L561-1 et L561-15 CMF en matière de financement
du terrorisme et blanchiment de capitaux.
176
Art. 40 al. 2 CPP
177
Pour la justification de l'étude de cette obligation, v. supra §28.
178
Cité par Y. GUYON, « L’indépendance du commissaire aux comptes », JCP 1977, n°1, p. 2831

39
contrôlée179. Son non-respect constitue un délit pénal, incriminé par l’article L820-7 du C. com.180 qui
prolonge l’article L823-12 al. 2 du même Code, définissant ce devoir de révélation et prévoyant un
fait justificatif spécial181. L’article L820-7 connaît un épigone à l’article 573-8 al. 3 du CMF182. Cette
obligation de dénoncer permet de faire courir le délai de prescription d’infractions occulte ou
dissimulée au jour où le commissaire aux comptes en acquiert la connaissance, l’infraction étant
« apparue dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique »
(art. 9-1 al. 2 CPP).
S’agissant d’une infraction par omission, en principe exceptionnelle, le Conseil National des
Commissaires aux Comptes s’était employé à restreindre le champ d’application du délit183, d’autant
plus que les professionnels craignaient de se transformer en Fouquier-Tinville de l’entité dans laquelle
ils exercent. Ces directives avaient permis une application apaisée du dispositif184.
Néanmoins, le délit de non-révélation a été considérablement étendu par la jurisprudence (A).
Sa répression a toutefois été circonscrite (B), permettant de tempérer la lourde obligation pesant sur
ce « quasi-auxiliaire de justice185 » dans l'entreprise.

A. L’extension du délit de non-révélation au regard de l’incrimination

82. Tant l’élément matériel (1) que l’élément moral (2) de cette infraction ont été interprétés
largement par la jurisprudence.

179
D. LANGÉ, « Fasc. 134-20 : commissaire aux comptes - missions », JCl. Sociétés Traité 2011, m.à.j. 2012, §168
180
« Est puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 75 000 euros le fait, pour toute personne exerçant
les fonctions de commissaire aux comptes, de donner ou confirmer des informations mensongères sur la situation de
la personne morale ou de ne pas révéler au procureur de la République les faits délictueux dont elle a eu connaissance.
»
181
A. DEJEAN DE LA BÂTIE, Les faits justificatifs spéciaux, thèse 2018, sous la dir. de A. LEPAGE, Paris II,
spéc. §788. L’al. 2 indique en effet « Ils révèlent au procureur de la République les faits délictueux dont ils ont eu
connaissance, sans que leur responsabilité puisse être engagée par cette révélation ».
182
Si ce n’est que la peine encourue est curieusement moindre.
183
Avec la collaboration de la Chancellerie, v. C. GOYET, « La révélation des faits délictueux (remarques sur une
politique négociée de l’action publique) », JCP G 1989, n°2, doctr. 3370
184
Ibid
185
Selon l’expression du Professeur E. du PONTAVICE, cité par J-F. BARBIÈRI, « Sur le périmètre de la non-
révélation des faits délictueux », in Mélanges en l’honneur du Professeur Jacques-Henri Robert, LexisNexis 2012,
p. 31

40
1. L’acception généreuse de l’élément matériel

83. Tout d’abord, l’art. L820-7 C. com. ne distingue pas selon que le fait soit constitutif d’une
contravention, d’un délit ou d’un crime (il ne vise que des « faits délictueux »), le commissaire aux
comptes y est donc tenu de manière identique186. En effet, si le législateur avait souhaité ne viser que
certaines infractions, il l’aurait expressément indiqué, comme pour les non-dénonciations des art.
434-1 et 434-3 CP. Par ailleurs, la qualification pénale précise des faits n’est pas requise pour faire
naître l’obligation de dénoncer. Dans un arrêt du 15 septembre 1999187, la Cour de cassation indique
que la certitude sur l’existence d’une qualification pénale est indifférente. S’agissant de l’objet de la
révélation, l’incrimination requiert des « faits délictueux », et non des « irrégularités susceptibles de
recevoir une qualification pénale ». Or, toute anomalie constatée n’est pas un délit188, l’obligation de
dénoncer glisse alors vers une dénonciation systématique, alors que les directives du CNCC
exigeaient que les faits soient « significatifs » et « délibérés ».
84. L’étendue de l’obligation est également importante. Contrairement à la doctrine, la
jurisprudence retient une interprétation recouvrant toutes les infractions qu’il est amené à découvrir
dans l’exercice de sa mission189, quand bien même elles ne seraient pas du domaine de sa fonction ou
que leur connaissance résulterait de circonstances étrangères à ses contrôles190. Le texte ne s’oppose
pas à cette interprétation191, mais ce faisant l’obligation perd de sa spécificité.
85. Toutefois, bien que l’art. L820-7 C. com. ne fasse mention d’aucune exception à l’obligation
de dénoncer, il est possible d’affirmer que l’auteur de l’infraction en est exempté. Ainsi, par un
raisonnement a fortiori à partir de l’immunité familiale qu’il définit, l’art. 434-1 CP exempte l’auteur
de l’infraction de l’obligation de dénonciation. L’art. L820-7 du C. com. constituant le modèle réduit
de l’art. 434-1 CP, ce raisonnement lui est également applicable 192 , d’autant plus que la Cour

186
P. CONTE et W. JEANDIDIER, « Fasc. 134-30 : Infractions relatives au commissaire aux comptes et au
commissariat aux apports », JCl. Sociétés Traité 2014, m.à.j. 2017
187
Cass. crim. 15 sept. 1999, Bull. crim. n°187 ; D. 2001. Somm. 626, obs. Navarro ; Rev. sociétés 2000. 353, obs.
Bouloc ; RTD com. 2000. 475, obs. Bouloc ; Bull. Joly 2000. 25, note Barbièri. Le commissaire aux comptes doit
révéler « […] dès qu'il en a connaissance dans le cadre de sa mission, les irrégularités susceptibles de recevoir une
qualification pénale, même si celle-ci ne peut en l'état être définie avec précision ».
188
B. BOULOC, note sous Cass. crim. 15 sept. 1999 Bull. crim. n°187, RTD Com. 2000, p. 475
189
Par ex., l’exercice illégal de la profession de banquier Cass. crim. 7 juin 1993, RTD com. 1994. p. 147, obs.
Bouzat
190
Par ex., CA Nouméa, 16 janv. 1997, JurisData n°1997-040579
191
Contrairement à l’art. 40 CPP qui exige que les faits soient connus « dans l’exercice de ses fonctions ».
192
P. CONTE et W. JEANDIDIER, « Fasc. 134-30 : Infractions relatives au commissaire aux comptes et au
commissariat aux apports », JCl. Sociétés Traité 2014, m.à.j. 2017

41
européenne des droits de l’Homme est hostile à toute forme d’auto-incrimination au cours de la
procédure193.
Par conséquent, tout fait constitutif d’une infraction quelle qu’elle soit doit être dénoncé par
le commissaire aux comptes. L’élément moral du délit a également été étendu par la jurisprudence.

2. L’interprétation large de l’élément moral

86. Le délit ne sera constitué que si le commissaire aux comptes a eu une connaissance précise et
certaine des faits délictueux. Or depuis la jurisprudence du 15 septembre 1999, il suffit que
l’irrégularité soit « susceptible » de recevoir une qualification pénale. La connaissance du fait peut
donc être retenue de façon bien plus aisée à l’encontre du commissaire aux comptes : le simple doute
qu’il aurait quant à la qualification pénale suffit, là où la lettre de l’art. L820-7 invite à retenir une
connaissance précise et certaine du fait et de son caractère délictueux.
87. Enfin, le délit étant intentionnel, il faut que le commissaire aux comptes se soit volontairement
abstenu de révéler les faits délictueux qu’il connaissait194. Il n’est pas possible de déduire la mauvaise
foi de l’agent à partir des carences de contrôle, sous peine de dénaturer le délit195. Celui qui ignorait
les faits, mais aurait dû les connaître s’il avait été diligent, ne peut avoir l’intention de dissimuler les
faits délictueux. La faute commise n’est alors que disciplinaire, contrairement à ce qui a parfois pu
être retenu en jurisprudence196.
Fort heureusement, la jurisprudence a été bien plus mesurée quant à l’appréciation des
modalités de répression du délit de l’art. L820-7, venant tempérer l’extension de l’obligation.

B. Les limites à la répression du délit de non-révélation

88. La jurisprudence a circonscrit la prescription du délit (1), et semble avoir limité l’admission
de la constitution de partie civile à l’encontre du commissaire aux comptes fautif (2).

193
CEDH, 25 févr. 1993, Funke c/ France, JCP G 1993, II, 22073, note R. et A. Garnon ; D. 1993, jurispr. p. 457,
note J. Pannier
194
Cass. crim., 29 janv. 1963, n° 56 : Bull. crim., p. 109
195
D. REBUT, « Sociétés », Rép. pén. 2014, spéc. Chap. 2.
196
TGI Paris, 1er juill. 1977, Bull. CNCC 1978, n°29, p. 57, note du Pontavice

42
1. La nature instantanée de l’infraction permettant une circonscription
temporelle des poursuites

89. Le texte ne déterminant pas le moment de consommation de l’infraction, le point de départ


de la prescription de l’action publique a posé question, ce qui est récurrent pour tout délit de non-
dénonciation197.
Dans un arrêt du 9 mars 1999 198 , la Chambre criminelle penche pour le caractère instantané de
l’infraction, contrairement à ce que faisaient valoir les parties civiles. Elle transpose ainsi la solution
retenue en matière de non-assistance à personne en danger, infraction d’omission par excellence199.
Cette position peut être critiquée, puisque le comportement délictueux se poursuit en réalité tant que
le commissaire aux comptes n’a pas informé le parquet. Mais elle permet d’interdire toute quasi-
imprescriptibilité, car elle fixe le point de départ du délit de prescription. De plus, dans cet arrêt la
Cour de cassation indique qu’il court « au plus tard à la certification des comptes ». Cette date butoir
déjà retenue en matière d’abus de biens sociaux est logique, car le commissaire aux comptes atteste
des comptes au jour de leur certification : il devra donc avoir procédé au préalable aux contrôles qui
lui incombent, ce qui fait implicitement obstacle à toute irrégularité involontaire. De plus, ce point de
départ est prévisible et objectif. Cette solution retenant l’instantanéité du délit a été réaffirmée par la
suite200, bien que le délai butoir de la certification des comptes n’ait pas été repris.
Dans le prolongement de l’encadrement temporel des poursuites, la constitution de partie
civile a également été limitée.

2. L’admission encadrée de la constitution de partie civile

90. Parce qu’elle permet de déclencher l’action publique, et que l’auteur peut être amené à réparer
le dommage subséquent, la constitution de partie civile incite à révéler201. À première vue, seule
l’infraction non révélée semble pouvoir être la cause directe du préjudice 202 : le dommage serait

197
V. l’étude des art. 434-3 et 434-1, supra §39 et s.
198
Cass. crim. 9 mars 1999, n°98-81.485, Bull. crim. n°32 ; Rev. Soc. 1999. 654 note Bouloc ; RGDP 1999. 3, chron.
Rebut. « Le délai de prescription du délit de non-dénonciation, […] court du jour où le commissaire aux comptes a
connaissance des faits délictueux, au plus tard à la certification des comptes, et l'obligation de les révéler au procureur
de la République »
199
Cass. crim., 17 sept. 1997, Bull. crim., n° 300
200
Cass. crim. 24 mars 1999, n°98-81.548, Bull. crim. n°53, et Crim., 10 avr. 2013, n° 12-82.351, Dr. sociétés 2013,
comm. 130, obs. R. Salomon
201
D. LANGÉ, « Fasc. 134-20 : commissaire aux comptes - missions », JCl. Sociétés Traité 2011, m.à.j. 2012
202
V. art. 2 CPP

43
toujours un résultat indirect du délit de non-révélation. Mais cette affirmation doit être nuancée : si la
dénonciation aurait permis d’éviter ou de limiter le préjudice, alors l’existence ou l’aggravation du
dommage est la conséquence directe de la non-révélation. Ainsi, Crim. 8 mars 2006203 a validé la
constitution de partie civile d’un créancier pour non-révélation de bilans falsifiés et détournement de
fonds sociaux. Bien que critiquée par certains204, cette solution paraît équilibrée. En effet, la non-
révélation d’un bilan inexact concerne des faits relatifs à la mission du commissaire aux comptes : il
est tenu d’effectuer un contrôle particulier. En s’abstenant, il modifie la situation de la société et
fausse l’interprétation de ses résultats.
91. Enfin, il est encouragé à dénoncer largement car il est couvert par l’immunité de l’art. L823-
12 al. 2 même si les faits ne constituent pas une infraction, s’il est de bonne foi205. À l’inverse, il doit
assumer un risque pénal s’il garde le silence. Il est donc érigé en véritable auxiliaire de justice, comme
l’atteste un arrêt du 26 mai 2010206, qui inclut le commissaire aux comptes à la notion d’« autorité »
de l’art. 226-10 CP incriminant la dénonciation calomnieuse207.
Dans le prolongement de sa politique pénale, le législateur a imposé à la profession une
seconde obligation de dénoncer, concernant la lutte contre le blanchiment et le financement du
terrorisme.

§2 L’obligation de signalement à Tracfin

92. Couplée d’obligations de vigilance 208 , qui ne constituent pas une dénonciation mais avec
lesquelles elle se complète209, la déclaration répond ici à deux variantes210. Qu’elle soit fondée sur des

203
n°05-81.153, Dr. sociétés 2006, comm. 133, obs. R. Salomon ; Rev. soc. 2006, p. 880, note B. Bouloc ; Bull. Joly
Sociétés 20006, 1041, note H. Matsopoulou
204
note B. BOULOC, Rev. soc. 2006, p. 880
205
Pour une application récente rejetant l’immunité en raison de l’intention malveillante du prévenu, v. Cass. com.
15 mars 2017, n°14-26.970, Bull. Joly Sociétés 2015, p. 329, note J.-F. Barbièri, Dr. sociétés 2017, comm. 103, note
C. Coupet
206
Cass. crim. 26 mai 2010 n°10-80.392
207
J-F. BARBIÈRI, « Sur le périmètre de la non-révélation des faits délictueux », in Mélanges en l’honneur du
Professeur Jacques-Henri Robert, LexisNexis 2012, p. 31
208
Sur les obligations de vigilance, v. Y. MAYAUD, « Terrorisme - prévention », Rép. pén. 2018, §329 et s. et les
art. L563-1 à 563-6 et art. L564-1 CMF
209
Sur la complémentarité des obligations de vigilance et de déclaration, v. P. CONTE, « Aspect pénal des
obligations de vigilance tendant à prévenir le blanchiment », JCP G 2005, n°13, doctr. 126
210
Ibid

44
soupçons211 ou une certitude212, elle constitue à proprement parler une dénonciation. L’obligation de
l’article L561-15 est une hypothèse de dénonciation « indirecte213 », car elle n’est pas adressée aux
autorités judiciaires 214 , mais au service administratif de traitement du renseignement financier
Tracfin, qui est intermédiaire. L’activité de Tracfin connaît une forte progression : le nombre
d’informations reçues a augmenté de 57% en deux ans215. Pourtant, si la dénonciation est importante,
elle débouche peu en pratique sur des poursuites judiciaires216. Cette évolution s’explique par l’arrivée
à maturité du dispositif, mais surtout par la participation active des professionnels déclarants217, qui
pratiquent une surveillance active.
La participation active au signalement est imposée par l’étendue de l’obligation de
signalement, qui conduit à une dénonciation systématique (A), et sa répression (B).

A. Une dénonciation systématique

93. L’obligation de signalement a été considérablement étendue à la suite de l’ordonnance du 30


janvier 2009218 (1), ce qui pose question quant au secret professionnel des déclarants (2).

1. Le champ d’application étendu de l’obligation de signalement

94. Tout d’abord, les personnes assujetties à cette obligation sont diverses : elles peuvent être des
« occasionnelles219 » des mouvements de capitaux220, ou bien des professionnelles pour lesquelles un
régime complet de prévention est défini 221 . Elles sont énumérées à l’art. L561-2 CMF, et des

211
Art. L561-15 I CMF « Les personnes mentionnées à l’art. L561-2 sont tenues […] de déclarer les sommes
inscrites dans leurs livres ou les opérations dont ils savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner
qu’elles proviennent d’une fraude fiscale […] ».
212
Art. L561-1 al. 1 CMF « Les personnes autres que celles mentionnées à l’art. L561-2 qui, dans l’exercice de leur
profession, réalisent, contrôlent ou conseillent des opérations entraînant des mouvements de capitaux, sont tenues
de déclarer au procureur de la République les opérations dont elles ont connaissance et qui portent sur des sommes
qu’elles savent provenir de l’une des infractions mentionnées à l’art. L561-15. »
213
E. BONIS, « Plainte et dénonciation » Rép. pén. 2018, §39
214
À l’inverse de l’art. L561-1 CMF
215
Ministère de l’action et des comptes publics, Rapport annuel d’activité Tracfin 2017
216
Sur 71 070 informations, seules 891 notes ont été adressées aux autorités judiciaires, dont 468 portant sur une
présomption d’une infraction pénale. La majorité est en fait adressée à la Direction Générale des Finances Publiques.
217
96% des déclarations émanent de professionnels déclarants.
218
Ordonnance n°2009-104 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de
capitaux et de financement du terrorisme
219
Y. MAYAUD, « Terrorisme - prévention », Rép. pén. 2018, §322 et s.
220
Art. L561-1 CMF
221
Art. L561-2 à L561-44 CMF

45
professions non financières sont également visées. La disposition comportant dix-sept alinéas et
visant à la fois les personnes physiques et les personnes morales, témoigne de la volonté du législateur
d’instaurer une obligation de signalement étendue.
95. De plus, l’obligation de déclaration est conséquente, l’art. L561-15 exigeant simplement un
« soupçon222 ». Il n’est pas nécessaire de caractériser objectivement l’infraction ou de la qualifier
pénalement, la déclaration résulte d’une appréciation personnelle des faits, ne reposant sur aucune
preuve réelle avérée.
De même, l’infraction dont provient la somme doit être passible d’une peine privative de liberté d’un
an, ou être liée au financement du terrorisme223. Or, la majorité des infractions de droit commun contre
les biens encourent cette peine, le vol étant réprimé de trois ans d’emprisonnement224 et le recel de
cinq ans225. Leur tentative doit également être déclarée226. La déclaration de soupçon ne relève donc
plus d’un régime d’exception, posant la question de la proportionnalité au but poursuivi de cette
obligation227 et de la perte de sa spécificité.
96. Toutefois, elle ne semble pas sans limite car les professionnels du droit n’y sont soumis que
dans des cas particuliers 228 . Plus particulièrement, les avocats n’ont pas de relation directe avec
Tracfin car ils effectuent la déclaration auprès de leur Ordre, afin de préserver le secret professionnel.
Mais il apparaît que l’extension de la dénonciation se fait au détriment de celui-ci.

2. L’extension du signalement au mépris du secret professionnel

97. Le signalement à Tracfin porte d’abord atteinte au secret professionnel bancaire 229 . Le
professionnel bancaire étant le premier témoin d’un blanchiment ou financement du terrorisme, la
levée du secret par l’art. L561-22 I CMF est logiquement justifiée.
98. La difficulté est prégnante s’agissant des professionnels du droit, intégrés tardivement au
dispositif. Bien que la procédure Tracfin soit confidentielle230, la déclaration de soupçon porte atteinte

222
V. art. L561-15 al. 1 CMF « savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner »
223
Art. L561-15 I et III, CMF
224
V. art. 311-3 CP, même peine encourue pour l’abus de confiance, art. 314-1 CP
225
V. art. 321-1 CP, même peine encourue pour l’escroquerie, art. 313-1 CP
226
Art. L561-15 V CMF
227
D. BASDEVANT, « Le blanchiment et les déclarations de soupçon » in La dénonciation, droit ou devoir ?
Colloque du 9 juin 2011, Société de législation comparée, coll. « Centre français de droit comparé », p. 61
228
Art. L561-3 CMF
229
J.-M. LE BIDEAU, « L’obligation de dénoncer à Tracfin est-elle compatible avec le secret bancaire ? » in La
dénonciation en droit privé, M. BEHAR-TOUCHAIS (dir.), Economica, 2010, p. 97
230
Art. L561-18 CMF, l’art. L574-1 prévoyant des sanctions en cas de non-respect de la confidentialité

46
au lien de confiance entre un notaire231 ou un avocat, et son client. L’art. L561-3 II CMF limite les
effets de la déclaration de soupçon pour les activités judiciaires et les consultations juridiques.
Comme pour le commissaire aux comptes, les avocats ont manifesté de fortes réticences à se voir
transformés en « dénonciateurs obligés232 », mais la procédure a été validée grâce au rôle de filtre du
bâtonnier233. Dans ses fonctions traditionnelles, le secret professionnel de l’avocat est donc garanti234.
En revanche, une faille apparaît lorsqu’il exerce les fonctions d’avocat-fiduciaire : il est alors exclu
de la protection propre aux professionnels du droit, et doit signaler tout soupçon235. Cette déclaration
des sommes et opérations au procureur236, entraîne des difficultés pratiques : il devra distinguer son
activité fiduciaire de son activité juridictionnelle, car les autorités doivent pouvoir effectuer des
vérifications, sans porter atteinte au secret de son autre activité. Cette dérogation au secret
professionnel des avocats est donc d’application délicate et doit rester limitée. Il est permis de
redouter que ces dérogations croissantes finissent par aboutir à un renoncement à leur secret
professionnel237.
L’importance croissante de l’activité de signalement s’explique également au regard du
dispositif répressif mis en place.

B. Une répression bienveillante en apparence

99. Le signalement à Tracfin est largement encouragé lorsqu’il est effectué de bonne foi (1), afin
de prévenir toute absence de déclaration. Cependant, les déclarants ne sont pas à l’abri de toute
sanction s’ils sont animés d’une intention de nuire (2), ce qui permet de limiter les déclarations
intempestives.

231
V. G. CARTIER « L’obligation de dénoncer à Tracfin est-elle compatible avec le secret professionnel du notaire
? », in La dénonciation en droit privé, p. 111. Les notaires ne bénéficient pas d’une exception car ils sont officiers
ministériels, mais déplorent la formulation très large de l’obligation.
232
D. LUCIANI-MIEN, « La lutte contre le blanchiment de capitaux et le secret professionnel de l’avocat : étude
autour d’une dissonance », in Entre tradition et modernité : le droit pénal en contrepoint - Mélanges en l’honneur
d’Yves Mayaud, Dalloz 2016, p. 413
233
CEDH 6 déc. 2012, Michaud c/ France, n° 12323/11
234
D. LUCIANI-MIEN, op. cit.
235
Art. L561-3 I 1° CMF
236
Art. L561-1 CMF
237
D. LUCIANI-MIEN, op. cit.

47
1. L’incitation à signaler résultant des immunités

100. Quand la déclaration a été faite de bonne foi sans concertation frauduleuse avec le client
auteur de l’infraction, il n’est pas possible d’engager la responsabilité civile ou pénale du déclarant,
même si la preuve du caractère délictueux du fait n’est pas rapportée ou s’il a donné lieu à un non-
lieu, une relaxe ou un acquittement238. Ces immunités font obstacle à toute procédure civile, pénale
ou disciplinaire 239 . Ainsi, le déclarant de bonne foi bénéficie d’une immunité pénale pour les
infractions en lien avec le fait de révéler et les infractions dont proviennent les sommes240. De plus,
les établissements bancaires bénéficient d’une immunité pénale qui leur est propre, dans le cadre du
droit au compte 241 . L’immunité est également civile et professionnelle 242 : aucune action en
responsabilité civile ou sanction professionnelle ne pourra être prononcée si le déclarant était de
bonne foi, quand bien même sa dénonciation se révèle inexacte. En cas de préjudice, l’État répond du
dommage subi. Ainsi, le professionnel soucieux qui n’a pas su apprécier correctement le signalement
est mis à l’abri de toute procédure contre lui, l’État supportant le risque inhérent à une dénonciation
qui se révèle infondée.
Par conséquent, la logique est de privilégier la dénonciation systématique même infondée, ce
qui pourrait expliquer la faible proportion de transmissions in fine des signalements aux autorités
judiciaires. Pour autant, le déclarant n’est pas à l’abri de toute sanction s’il agit de mauvaise foi.

2. La possibilité d’une répression pénale

101. Contrairement à la violation de la confidentialité de la déclaration ou l’entrave aux autorités


de contrôle pénalement réprimées243, le Code monétaire et financier ne prévoit expressément que des
sanctions disciplinaires, en cas de manquement aux obligations déclaratives244.

238
Art. L561-22 CMF
239
Elles ont été étendues par l’ordonnance n°2009-104 du 30 janvier 2009, qui a également étendu le champ
d’application de l’obligation de signalement.
240
Art. L561-22 I (dénonciation calomnieuse, violation du secret professionnel) et IV (trafic de stupéfiants, recel,
blanchiment, financement du terrorisme) CMF
241
Art. L561-22 V CMF
242
Art. L561-22 II CMF
243
Art. L574-1, L574-2 et L573-1-1 CMF
244
Art. L561-36 et s. CMF. La procédure disciplinaire incombe à la Commission des sanctions de l’Autorité de
contrôle prudentiel dans le secteur financier et bancaire, aux Ordres professionnels pour les professionnels du droit,
et à la Commission nationale des sanctions pour les autres professions.

48
102. Mais s’ils faillent à leur mission de déclaration, les « agents de prévention peuvent devenir
eux-mêmes des objets de répression245 ». Dans un premier temps, le déclarant de mauvaise foi peut
facilement être déclaré coupable en qualité d’auteur, de coauteur, de complice ou de receleur. Plus
particulièrement, s’agissant de la dénonciation, il pourra relever de l’art. 434-1 CP si le blanchiment
est de nature criminelle246 et qu’il est possible d’en prévenir ou limiter les effets, ou que l’opération
de blanchiment est amenée à se répéter. Comme le secret professionnel est levé quand le déclarant
est soumis à une obligation de signalement247, cela permet d’avancer qu’il ne peut légitimer l’absence
de dénonciation sur le fondement de l’art. 434-1 CP, en raison de son secret professionnel248. Surtout,
l’incidence pénale est incontestable s’agissant du commissaire aux comptes soumis à une obligation
de révélation par l’art. L820-7 C. com. Ce texte étend la répression à des infractions délictuelles, et il
est donc fortement conseillé au commissaire aux comptes d’effectuer une double déclaration à
Tracfin, et au procureur de la République. Dans les deux cas, la distinction entre les obligations de
dénoncer des art. L561-1 et L561-2 CMF est primordiale, car ces textes requièrent des niveaux de
connaissance différents249, ce qui influe sur la caractérisation de l’élément moral de ces infractions
pénales. De plus, la déontologie des professionnels ne constitue pas nécessairement un obstacle à
l’application de ces infractions aux déclarants, car les obligations de vigilance dont est assortie
l’obligation de signalement leur imposent un certain comportement250, qui constitue le standard de
l’appréciation in abstracto.

103. En matière financière, la dénonciation est donc un élément clef de la répression, son
effectivité étant assurée par un champ d’application vaste et une répression lourde. En comparaison,
l’obligation des agents publics est moins adaptée, celle-ci suscitant peu de dénonciations.

Chapitre 2 : l’obligation générale d’aviser incombant aux agents publics

104. Depuis le Code pénal de Brumaire an IV, les agents publics sont soumis à une obligation de
dénoncer. Cette obligation est surprenante au regard de la séparation des pouvoirs, mais ces agents

245
P. CONTE, « Aspect pénal des obligations de vigilance tendant à prévenir le blanchiment », JCP G 2005, n°13,
doctr. 126
246
Art. 424-1 6° ou emprunt de criminalité de l’art. 324-4 CP
247
Art. L561-22 I CMF prévoit une immunité au regard de l’art. 226-13 CP.
248
En ce sens P. CONTE, op. cit.
249
Certitude pour l’art. L561-1 et simple soupçon pour l’art. L561-2 CMF
250
P. CONTE, op. cit.

49
ont une responsabilité plus importante afin d’assurer le respect des lois251. Elle trouve son siège à
l’article 40 al. 2 CPP252. L’obligation définie est double : une obligation d’aviser le procureur de la
République, qui désigne une dénonciation à proprement parler, et une obligation de transmettre tout
document qui serait relatif au fait dénoncé, ce qui relève de la collaboration subséquente.
Cette obligation explique que les dénonciations des art. 434-1 et 434-3 CP puissent être faites aux
« autorités administratives », qui sont tenues ensuite de transmettre aux autorités judiciaires.
En dépit d’un champ d’application large lié à son caractère général (§1), cette disposition a
plus une dimension symbolique qu’un effet concret, faute de sanction réprimant son non-respect (§2).

§1 Le champ d’application étendu de l’article 40 alinéa 2 du Code de procédure pénale

105. L’obligation est imposée à la charge de nombreux débiteurs (A), ce qui témoigne de la volonté
du législateur d’inciter largement les agents de l’administration à dénoncer. Toutefois, le contenu de
l'obligation reste imprécis malgré son caractère absolu (B).

A. Une obligation à la charge de nombreux débiteurs

106. L’absence de définition précise des débiteurs de l’article 40 al. 2 conduit à en retenir une
acception large (1), une limite étant toutefois prévue pour le juge administratif (2).

1. L’absence de définition des personnes visées à l’article 40 al. 2

107. L’art. 40 al. 2 CPP vise les « autorités constituées, officiers publics ou fonctionnaires ».
Certains textes se réfèrent explicitement à cette disposition, par exemple les maires253 ou la CNIL254,
et d’autres définissent une obligation identique sans se référer au texte initial. C’est le cas pour les
officiers de police judiciaire255, et de nombreuses autorités administratives indépendantes256, ce qui

251
D. LOCHAK, « La dénonciation, stade suprême ou perversion de la démocratie » in Mélanges du président
Braibant, Dalloz 1996, p. 451
252
« Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la
connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de
transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. »
253
Art. L132-2 CSI et art. L2211-2 CGCT
254
Art. 11 I 2° e) de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978
255
Art. 19 et 54 CPP
256
Parmi lesquelles l’Autorité des marchés financiers (art. L621-20-1 al. 1 et L621-15-1 al. 1 CMF), la Commission
nationale des comptes de campagne (art. L52-15 al. 4 Code électoral), l’Autorité de régulation des

50
peut nuire à la clarté du dispositif257 mais témoigne dans le même temps d'une « renaissance » de l’art.
40258. En l’absence de texte spécifique visant une profession et renvoyant à l’art. 40, il est plus délicat
de déterminer quelles sont les personnes physiques visées, car il n’existe pas de définition précise en
jurisprudence, si ce n’est pour la notion de fonctionnaire. Celle-ci relève du droit administratif, qui la
réserve aux « individus investis d’un emploi permanent dans les cadres d’un service public259 », ce
qui exclut un certain nombre d’agents de l’administration. En droit pénal, la qualification est
traditionnellement bien plus extensive, et est entendue au sens d’« agent public ». Tous ceux qui,
investis d’un mandat public, soit par nomination, soit par élection, concourent à la gestion des affaires
de l’État ou d’une collectivité territoriale sont qualifiés de fonctionnaires pour l’application des
normes pénales 260 . Ainsi, la doctrine retient une conception large en proposant de regrouper les
débiteurs de l'obligation de dénoncer de l’art. 40 CPP sous le terme d’« autorité publique261 ». Toute
autorité élue ou nommée, nationale ou locale, qui détient une « parcelle de l’autorité publique » est
soumise à l’obligation262, qui est en conséquence de caractère général.
Pour autant, il existe une limite aux personnes assujetties : le juge administratif.

2. L’exclusion du juge administratif du champ de l’article 40 al. 2

108. Si on considère les termes « fonctionnaire » et « autorité constituée », l’administration et son


juge sont placés sur un pied d’égalité devant la prescription de l’art. 40 al. 2 CPP. Mais curieusement,
alors qu’elle est attentive au respect de cette obligation pour les autres services publics, la juridiction
administrative refuse de considérer qu’elle y est tenue. Le Conseil d’État a jugé qu’en l’absence de
disposition particulière, il ne lui appartient pas dans l’exercice de ses fonctions juridictionnelles de
faire application de l’al. 2 de l’art. 40 CPP263. Pour expliquer cette solution, il a été avancé que la
procédure administrative obéit à des « dispositions spécifiques », c’est-à-dire que la spécificité du

télécommunications (art. L36-10 al. 2 Code des postes et des communications électroniques), ou encore le Défenseur
des Droits (art. 33 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits)
257
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, 11ème éd., LexisNexis 2018, §1154
258
J.-D. COMBREXELLE, conclusions sur CE 27 oct. 1999 Solana, RFDA 2000 p. 825
259
CE 9 mars 1923 Hardouin, RDP 1923, p. 239
260
Cass. crim. 24 févr. 1893, D. 1893, 1, p. 393
261
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, 11ème éd., LexisNexis 2018, §1154, ou encore J. PRADEL
Procédure pénale, 19ème éd., Cujas 2017, coll. « Référence », n°198, sur la volonté de recouvrir de nombreux
organes et agents.
262
S. GUINCHARD et J. BUISSON, op. cit., §1154, dans le même sens Réponse du Ministère de la Justice, JO
Sénat 25 avr. 2013, p. 1360
263
CE 25 oct. 1991, Le Foll c. Préfet du Finistère, req. n°83901, JCP 1992, II, n°21891

51
juge administratif fait obstacle à une obligation contraignante, d’application systématique264 (comme
c’est le cas avec les dispositions propres aux autorités administratives indépendantes). Il semble
qu’ainsi, le juge administratif ait entendu préserver son indépendance et la maîtrise de son instance265.
En réalité la solution surprend, car rien n’intime d’appliquer cet article dans l’exercice de fonctions
juridictionnelles. Finalement, il faudrait donc une « disposition particulière » au contentieux
administratif pour que l’équivalent de l’art. 40 s’applique au juge administratif, comme c’est le cas
en matière de fraude électorale266. Ce refus est d’autant plus surprenant que le juge financier collabore
couramment avec les autorités judiciaires, puisqu’il est le premier dénonciateur au sein des autorités
non judiciaires267. Ainsi il n’existe pas en tant que tel d’obstacle à la conciliation entre dénonciation
aux autorités judiciaires et fonctions de juge financier, le juge administratif ne perdrait donc pas son
indépendance, et la confiance des justiciables en la justice administrative s’en trouverait renforcée268.
Cela susciterait un véritable dialogue entre juges pénal et administratif269.
Ce refus du juge administratif de se soumettre à l’article 40 al. 2 CPP pourrait aussi
s’expliquer par le caractère absolu de l’obligation définie.

B. Une obligation absolue au contenu imprécis

109. Les juges administratif et judiciaire ne s’accordent pas sur le contenu de l’obligation (1), et
l’imprécision en résultant est peu compatible avec le caractère absolu de celle-ci (2).

1. L’absence de consensus quant au contenu de l’obligation

110. L’objet de la dénonciation semble clairement défini : il doit s’agir d’un « crime ou d’un délit
», découvert « dans l’exercice des fonctions » de l’agent public. L’obligation de dénoncer paraît donc
moins contraignante que pour d’autres professionnels, car l’agent doit avoir réuni suffisamment

264
J.-D. COMBREXELLE, conclusions sur CE 27 oct. 1999 Solana, RFDA 2000, p. 825
265
M. REVERT, « Le juge administratif et le procureur », AJDA 2003, p. 369
266
Art. L117-1 Code électoral, le juge électoral refusant d’appliquer l’art. 40 al. 2. CE 28 déc. 2001 Élections
municipales de Rivery, req. n°233993, Dr. adm. 2002, p. 32, n°112, note C. M.
267
M. REVERT, op. cit., p. 369
268
Ibid. M. REVERT affirme également que l’application de l'art. 40 al. 2 par le juge administratif permettrait de
conférer une autorité « morale » de l’administratif sur le pénal, tempérant l’actuelle autorité absolue de la chose
jugée au pénal sur l’administratif.
269
Ibid

52
d’éléments objectifs permettant de caractériser le crime ou délit270. Dans ses conclusions de l’arrêt
Solana271, le commissaire du gouvernement Combrexelle avait proposé des critères encadrant la saisie
du procureur. Il préconisait de déterminer si les faits sont vraisemblables et précis (un minimum
d’éléments permettant de les rattacher à la méconnaissance d’une disposition pénale), et qu’ils portent
atteinte à la mission que l’autorité constituée est chargée d’assurer. Si la juridiction administrative a
tenu compte de ces conclusions272, la Cour de cassation en revanche a été plus souple, considérant
qu’il importe peu que les crimes ou délits soient découverts dans l’exercice des attributions de l’agent,
ou que la découverte soit fortuite273. L’appréciation de son objet n’est donc pas consensuelle entre
juridictions administrative274 et judiciaire. Le juge administratif considère davantage l’art. 40 al. 2
comme un moyen d’action parmi d’autres, qu’une obligation d’information faisant d’elle un auxiliaire
passif de la justice pénale.
111. Il en fait donc une appréciation souple, l’obligation n’apparaissant que dans l’exercice des
missions de l’agent, alors même qu’elle est de caractère général et absolu.

2. Une obligation absolue excluant tout pouvoir d’appréciation

112. Ce glissement de l’obligation d’information vers la conception suivant laquelle l’art. 40 ne


serait qu'un moyen d’action parmi d’autres de l’administration pose question275, car il la laisserait
juge de l’opportunité de dénoncer. La lettre même du texte exclut tout pouvoir discrétionnaire
d’appréciation, puisque l’agent public est « tenu » de donner avis au procureur. De même, il n’est pas
possible de faire abstraction du premier alinéa de l’art. 40 qui établit le principe d’opportunité des
poursuites, dont le ministère public est seul titulaire. Il ne peut être raisonnablement soutenu qu’une
administration informée d’un crime ou délit ait, sans contrôle d’un juge, un total pouvoir
d’appréciation de l’opportunité de dénoncer ou non276. Il ne peut donc être affirmé que l’art. 40 al. 2

270
Contrairement à la révélation incombant au commissaire aux comptes ou de la déclaration à Tracfin, v. supra §80
et s.
271
RFDA 2000 p. 825
272
CE 27 oct. 1999 Solana, n°196306, qui applique ces critères pour retenir un pouvoir d’appréciation au bénéfice
de l’administration.
273
V. par ex. Cass. crim. 5 oct. 1992 n°91-85.758, pour une enquête pour publicité mensongère à l’occasion de
laquelle la DGCRF découvre une infraction en matière de loterie dont elle a rendu compte au procureur.
274
Le refus de dénoncer relevant de sa compétence, CE 12 oct. 1934, Colombino, S. 1935.III, p. 41, note P. L.
275
J.-D. COMBREXELLE, conclusions sur CE 27 oct. 1999 Solana, RFDA 2000 p. 825
276
Ibid

53
ne définit qu’un simple devoir moral277. Il vise bel et bien une obligation juridique278, fondée selon
certains auteurs sur un devoir civique s’imposant à tous279. Pour autant, il n’est pas envisageable de
contraindre systématiquement l’administration à dénoncer tout fait : l’équilibre en la matière est
délicat, comme l’atteste la souplesse de la jurisprudence280.
Alors que la Chambre criminelle désigne l’obligation de dénoncer de l’article 40 al. 2 CPP
comme une « mission d’ordre public281 », il semble en réalité que son mécanisme la desserve, faisant
obstacle à l’effectivité de cette obligation de dénoncer.

§2 Une obligation de dénoncer inefficace

113. La procédure de dénonciation n’étant pas définie (A), et l’obligation étant en apparence
dépourvue de sanction (B), le mécanisme de l’article 40 al. 2 est finalement dépourvu d’effectivité.

A. L’imprécision de la procédure de dénonciation

114. En l’absence de formalisme précis (1) et sans tenir compte des spécificités liées à la
déontologie de l’administration (2), l’obligation générale de dénoncer est peu adaptée.

1. L’absence de formalisme

115. L’art. 40 al. 2 est laconique sur la procédure à suivre pour dénoncer, ce qui pourrait expliquer
le faible nombre de dénonciations sur son fondement282. Aucune condition de forme n’est exigée, ce
qui a l’avantage d’être peu contraignant et de ne pas tarir la source d’information. La dénonciation
doit être simplement adressée au procureur, afin de se conformer à l’obligation de discrétion de
l’administration283. La seule condition est temporelle : elle doit être faite « sans délai » au procureur,

277
En ce sens, S. PETIT, note sous Cass. crim. 14 déc. 2000 n°7611, AJFP 2001, p. 56, et J. Pradel, Procédure
pénale, 19ème éd., Cujas 2017, coll. « Référence », §665
278
R. GASSIN, note sous CE 28 mars 1997 Solana in CJEG 1998, p. 8
279
B. BOULOC, G. LEVASSEUR et G. STEFANI, Procédure pénale, 26è éd., Dalloz 2018, coll. « Précis », §477
280
En ce sens Cass. crim. 3 févr. 1998, Bull. crim. n°40, D. 1998, 443, note R. Gassin, qui énonce que la CNIL «
dispose du pouvoir d'apprécier la suite à donner aux plaintes qui lui sont adressées, quelle que soit la décision prise
ensuite par les autorités judiciaires, saisies en application […] et 40 du Code de procédure pénale ».
281
Cass. crim. 30 oct. 1989, Bull. crim. n°89
282
M.-C. SORDINO, « Lanceur d’alerte et droit pénal : entre méfiance et protection ? », Rev. soc. 2017, p. 198
283
Cass. crim. 6 juill. 1977 Bull. crim. n°255

54
le Code de l’instruction criminelle exigeant qu’elle le soit « sur le champ284 ». Or, l’exécution tardive
n’est pas sanctionnée par la nullité de la dénonciation285, l’exigence n’a donc pas de portée.
Si cette absence de formalisme paraît avantageuse, en réalité elle pose question car elle n’est
pas adaptée aux principes qui guident l’administration.

2. L’inadaptation de la dénonciation à la déontologie de l'administration

116. La question apparaît en particulier pour le principe hiérarchique 286 qui guide l’action de
l’administration. Le Conseil d’État et la Cour de cassation s’accordent sur le fait qu’une autorisation
préalable du supérieur hiérarchique n’est pas requise 287 . De même, le devoir de loyauté impose
d’informer son supérieur en cas de saisie du procureur. Faute de procédure précise, l’agent public ne
sait pas s’il doit dénoncer lui-même, ou si cette obligation revient à son supérieur hiérarchique. Le
texte sous-entend que celui qui découvre, dénonce. Mais l’absence de formalisme permet un transfert
de l’obligation au supérieur hiérarchique, ce qu’a validé la jurisprudence 288 . En revanche, si le
supérieur ne dénonce pas, alors le fonctionnaire devra agir, sous peine de se voir infliger une sanction
pour non-respect de l’obligation de l’art. 40 al. 2 CPP.
Mais il faut admettre que la menace de cette sanction laisse songeur.

B. Une obligation apparemment dépourvue de sanction

117. L’article 40 al. 2 définit une obligation dépourvue de sanction pénale propre (1). Pour autant,
l’agent encourt tout de même une sanction, bien que sa responsabilité soit plus complexe à engager
(2).

1. L’absence de sanction pénale propre

118. L’art. 40 al. 2 constitue une « authentique lex imperfecta 289 » : aucune sanction n’est
expressément prévue en cas de non-respect. La Cour de cassation a confirmé cette solution, dans une

284
À son art. 29, qui prévoyait cette obligation de dénoncer.
285
Cass. crim. 20 sept. 2000, Bull. crim. n°275
286
Sur la conformité de l’art. 40 CPP au regard du statut général de la fonction publique, v. G. CHALON « L’article
40 du Code de procédure pénale à l’épreuve du statut général de la fonction publique », AJFP 2004, p. 27
287
CE 15 mars 1996, Guigon, n°146326 et Cass. crim. 19 sept. 2000, n°99-83960
288
Cass. crim. 14 déc. 2000, AJFP 2001, n°4, p. 54, note S. Petit
289
G. CHALON, « L’art. 40 du Code de procédure pénale et le fonctionnaire : nature et portée de l’obligation de
dénoncer », AJFP 2003, p. 31

55
espèce délicate290. La différence avec d’autres obligations de dénoncer est flagrante : les particuliers291
et les commissaires aux comptes292 sont passibles d’une sanction pénale. Il est surprenant que la seule
obligation de dénoncer générale, et non spéciale, en soit dépourvue. Cela peut s’expliquer par le fait
que le risque de poursuites pénales pourrait stériliser la collaboration déjà fragile entre autorités
administratives et judiciaires. De plus, les missions spécifiques du fonctionnaire qui visent à l’intérêt
général, doivent prévaloir sur cette mission subsidiaire de gardien de la légalité 293 : il revient en
premier lieu aux autorités judiciaires de rechercher les infractions pénales. Enfin, la fonction publique
est extrêmement réticente à cette dénonciation en raison de son esprit de corps294. L’actualité a donné
un exemple troublant de ce que cette absence de sanction constitue la « porte ouverte aux
arrangements entre amis295 ». Dans l’affaire Alexandre Benalla, le procureur de la République n’a pas
été saisi sur le fondement de l’art. 40 al. 2 CPP avant la non-restitution de ses passeports
diplomatiques, plus de six mois après le début de cette « affaire ». Ceci témoigne de la difficulté
d’appliquer la disposition lorsque les faits délictueux sont liés au service lui-même, et de ce que la
sanction pénale aurait un effet incitatif. Une proposition de loi 296 en ce sens a été déposée. Elle
propose d’insérer un art. 434-1-1 dans le Code pénal, réprimant de 2 ans d’emprisonnement et de 30
000€ d’amende l’irrespect de l’art. 40 al. 2 CPP. Ce faisant, cette infraction serait considérée comme
une entrave à la saisine de la Justice, mais sa place serait peu heureuse puisqu’elle s’intercalerait entre
deux dispositions relatives à la non-dénonciation de crime, qui renvoient l’une à l’autre. À ce jour, il
n’est pas fait mention de l’étude de cette proposition en Commission.
Malgré l’absence de sanction pénale propre, l’agent silencieux n’est pas à l’abri de toute
sanction.

290
Cass. crim. 13 oct. 1992, Bull. crim. n°320, en l’espèce un inspecteur de la santé avait eu connaissance de
confidences relatives au viol d’un enfant, mais s’était abstenu de transmettre l’information au procureur.
291
Art. 434-1 et 434-3 CP
292
Art. L820-7 C. Com.
293
D. LOCHAK, « La dénonciation, stade suprême ou perversion de la démocratie » in Mélanges du président
Braibant, Dalloz 1996, p. 451
294
J.-P. BERAUDO, « La dénonciation : concept unitaire ou disparate ? Un besoin de réforme ? » in La dénonciation,
droit ou devoir ? Colloque du 9 juin 2011, Société de législation comparée, coll. « Centre français de droit comparé
», p. 213
295
G. THIERRY, « L’article 40 du Code de procédure pénale en question après l’affaire Alexandre Benalla », D.
actu. 30 juill. 2018
296
Proposition de loi n°1246 visant à renforcer pénalement les dispositions de l’article 40 du Code de procédure
pénale, enregistrée à la Présidence de l’Assemblée Nationale le 19 septembre 2018

56
2. L’engagement de la responsabilité sur d’autres fondements

119. Sur le plan pénal, son abstention permet d’engager sa responsabilité sur le fondement de l’art.
223-6 al. 1 CP si l’agent pouvait empêcher la réalisation d’un crime ou d’un délit sans risque, ou de
l’art. 434-1 CP si l’agent pouvait limiter ou prévenir les effets de crimes non dénoncés.
Il serait également possible d’envisager la répression sur le fondement de la complicité par abstention,
mais celle-ci reste peu admise et très peu de sanctions sur ce fondement ont pu être relevées en
jurisprudence297. Dans de telles hypothèses, la complicité peut être retenue à l’encontre d’un agent
qui s’est abstenu de dénoncer alors que la loi lui donnait les moyens d’empêcher la commission de
l’infraction298. Si on considère que l’art. 40 al. 2 peut être assimilé à de tels moyens, alors on pourrait
envisager l’application de la complicité par abstention à l’agent public qui s’abstient de dénoncer.
120. Enfin, l’agent public qui s’abstient de dénoncer alors que la loi lui impose pourra voir une
procédure disciplinaire engagée à son encontre299, ce qui ne sera pas le cas s’il dénonce de façon
fautive300. Cela constitue une incitation à la dénonciation, mais apparemment non suffisante au vu du
faible nombre de dénonciations réalisées sur ce fondement.

297
G. CHALON, « L’art. 40 du Code de procédure pénale et le fonctionnaire : nature et portée de l’obligation de
dénoncer », AJFP 2003 p. 31
298
Cass. crim. 28 mai 1980, D. 1981, IR n°137
299
Mais il n’existe pas d’exemple connu, J. PRADEL, « L’article 40 du Code de procédure pénale » in La
dénonciation, droit ou devoir ? Colloque du 9 juin 2011, p. 53
300
CE Guigon, préc.
57
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE

121. L’étude des obligations de dénoncer en matière pénale illustre la volonté du droit pénal
d’inciter la collaboration entre citoyens et service public de la justice, à des degrés divers.
Cette évolution est manifeste à l’égard des citoyens soumis à une obligation de dénoncer. En effet,
l’objet strictement défini des articles 434-1 à 434-3 du Code pénal est considérablement atténué par
l’interprétation qu’en fait la jurisprudence, et par des modifications législatives. Cette évolution se
manifeste également à l’égard des professions de commissaires aux comptes et des professionnels
soumis au signalement à Tracfin, qui semblent soumise à une dénonciation systématique.
En revanche, l’obligation à la charge des agents de l’administration fait figure de contre-exemple
surprenant, s’agissant de professionnels dont la mission première est pourtant d’assurer le bon
fonctionnement de l’État. L’obligation n’a que peu d’effet, ce qui peut s’expliquer par l’absence
étonnante de répression. Il est également possible de considérer que la généralité de l’obligation fait
obstacle à une interprétation extensive du texte. Pour autant, les dénonciations imposées à d’autres
professions et aux citoyens, bien qu’elles soient spéciales en ce qu’elles concernent uniquement
certaines infractions, paraissent vouées à dépasser leur cadre strictement défini.
La seconde partie de ces développements, consacrée à la dénonciation-faculté à l’usage du
citoyen pourrait finir de confirmer le postulat de départ.

58
SECONDE PARTIE : LA COLLABORATION ENCOURAGÉE

122. Lorsque la dénonciation n’est qu’une faculté, le législateur et le juge manifestent également
leur faveur à son égard, ce qui associe encore le citoyen à l’œuvre de la justice pénale.
Tout d’abord, le législateur a tenté avec plus ou moins de succès d’instituer un régime favorable au
bénéfice de certains dénonciateurs. Ces dispositions sont dites « particulières », en ce qu’elles ne
concernent que certains dénonciateurs déterminés. Elles poursuivent un but utilitariste. Elles ont été
instaurées au bénéfice d’individus détenant des informations privilégiées, qui permettent de déceler
des infractions pénales au sein de l’entité à laquelle ils appartiennent. Ainsi, la loi a manifesté une
sympathie pour le lanceur d’alerte au sein de l’entreprise, et le repenti au cœur d’un réseau criminel.
Ensuite, l’application de dispositions générales à tout dénonciateur quelle que soit sa qualité, permet
à nouveau de rendre compte de cette faveur. Qu’il soit témoin, victime ou tiers à l’infraction qu’il
dénonce, celui qui informe les autorités judiciaires d’un fait délictueux y est incité par la loi et par la
jurisprudence. Cet encouragement se manifeste par les dispositions procédurales qui s’appliquent à
toute personne apportant cette information aux autorités judiciaires, mais également par la protection
de l’institution judiciaire. En effet, en matière de faculté de dénoncer, des dispositions générales
assurent aussi la protection de l’institution judiciaire des dénonciations intempestives, ce qui permet
d’assurer la qualité de la collaboration.
123. L’incitation à la dénonciation-faculté, associant davantage les citoyens à la justice pénale, est
donc encouragée de façon graduée. Ce désir est le plus prégnant lorsque des dispositions visant
particulièrement certains dénonciateurs sont instituées (Titre 1). Il se manifeste de façon plus
incidente lorsque des dispositions générales sont appliquées à la dénonciation, pour autant l’incitation
qui en résulte n’en est pas moins effective (Titre 2).

59
TITRE 1 : L’ENCOURAGEMENT PAR L’ÉLABORATION DE DISPOSITIONS
PARTICULIÈRES

124. Dans sa volonté d’encourager la dénonciation-faculté, le législateur a accordé une faveur


particulière à certains dénonciateurs, en instituant des dispositions qui leur sont propres. C’est le cas
du lanceur d’alerte301 et du collaborateur de justice, également appelé repenti302.
125. Historiquement, les collaborateurs de justice sont les premiers à avoir été pris en compte par
le droit pénal303. Le terme désigne des « auteurs d’infractions déterminées qui consentent à coopérer
avec les autorités répressives et qui, en retour, obtiennent des bénéfices divers et échappent, en
particulier, à tout ou partie de la peine qu’ils auraient normalement dû encourir304 ». Le mécanisme
est contesté, car il repose sur un contrat passé entre l’État et le criminel sur le cœur du droit pénal et
de la procédure pénale : la peine et la preuve. De plus, il méconnaît le devoir moral de solidarité et
de loyauté. Néanmoins, le mécanisme a une place légitime, quoique réduite en droit pénal305, si la
dénonciation permet d’empêcher la réalisation d’une atteinte à une valeur plus importante qui ne
pourrait l’être autrement306.
126. Par la suite, la France a doté le lanceur d’alerte d’un dispositif global de protection en 2016307,
rejoignant ainsi le Royaume-Uni et l’Irlande qui possèdent une législation avancée en la matière. Cet
engouement porte à croire que la société française est finalement favorable à l’alerte éthique308, après
avoir nourri de fortes réticences à l’encontre du phénomène309 qui s’est considérablement développé
ces dernières années. Il reste à savoir si une véritable culture de l’alerte se développera en France,

301
Issu de l’expression anglophone whistleblower, l’individu tirant la sonnette d’alarme.
302
Sur la notion de repenti, v. F. PALAZZO, « La législation italienne sur les « repentis » : discipline, problèmes et
perspectives », RSC 1986, p. 757
303
Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite loi « Perben
II »
304
M.-A. BEERNAERT, Repentis et collaborateurs de justice dans le système pénal : analyse comparée et critique,
Bruylant 2002, p. 3
305
Des mécanismes semblables existent dans d’autres matières notamment en droit de la concurrence. V. A.
BRUNET et M. MALAURIE-VIGNAL, « La clémence en droit des pratiques anticoncurrentielles », in La
dénonciation, droit ou devoir ? Colloque du 9 juin 2011, Société de législation comparée, coll. « Centre français de
droit comparé », p. 87
306
Pour une étude de la légitimité de ce système de récompense, v. M.-A. BEERNAERT, op. cit., notam. p. 555 s.
307
Loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la
modernisation de la vie économique, dite « Loi Sapin II »
308
Pour autant, le retard avec lequel la France s’est dotée d’un dispositif atteste de sa frilosité. En particulier, les
États-Unis ont accordé une protection au lanceur d’alerte dès le XIXème siècle, avec le False Claims Acts de 1863.
309
Par ex., la CNIL dans ses délibérations n°2005-110 et n°2005–111 du 26 mai 2005, craignait la mise en place
d’un « système organisé de délation professionnelle ».

60
sous l’impulsion des juridictions310 qui pourront encourager ou non cette forme de dénonciation. Au-
delà des nuances sémantiques, le lanceur d’alerte est un dénonciateur comme un autre311 : il porte un
fait délictueux ou une menace grave pour l’intérêt général à la connaissance des autorités312. Dans
cette dernière hypothèse, il est ironiquement placé aux côtés du procureur de la République qui a pour
mission de défendre les intérêts de la société313, et collabore avec la justice.
127. Les figures distinctes du lanceur d’alerte et du repenti se rejoignent sur leur action : ils portent
tous deux des faits susceptibles de qualification pénale à la connaissance des autorités, et sont donc
dénonciateurs. En particulier, ils dénoncent des faits du groupe auquel ils appartiennent. Ils
constituent donc une source d’information privilégiée pour la justice, ce qui explique que leur
dénonciation soit fortement incitée dans un but utilitariste.
128. En revanche, ces deux protagonistes se distinguent selon le but poursuivi par leur
dénonciation. Le lanceur d’alerte relève de la dénonciation altruiste 314 ou alerte éthique 315 , car il
s’expose dans l’intérêt d’autrui, là où le repenti sert en priorité ses propres intérêts. Par conséquent,
le premier est populaire car il inverse le rapport d’asymétrie propre à la dénonciation, en dénonçant
les forts pour protéger les faibles316, alors que le second est davantage critiqué.
L’encouragement à la dénonciation par la législation qui leur est applicable les distingue
également. Alors que le récent encadrement de l’alerte éthique est un succès (Chapitre 1), la
conclusion est inversée pour le mécanisme de récompense des repentis (Chapitre 2).

310
La Cour de cassation n’a été saisie que récemment du nouveau dispositif, v. Cass. crim. 17 oct. 2018 n°17-80.485,
D. actu. 7 nov. 2018, obs. Azoulay ; AJ pénal 2018. 574, obs. Sordino; D. 2019. 105, avis Salomon; ibid. 105, note
Saenko.
311
Certains auteurs considèrent que la distinction entre signalement du lanceur d’alerte et dénonciation est
souhaitable, en raison de la défiance qu’engendre cette dernière, v. M-C. SORDINO, « Lanceur d’alerte et droit
pénal, entre méfiance et protection ? », Rev. soc. 2017, p. 198
312
Art. 6 de la loi du 9 décembre 2016, la dénonciation du lanceur d’alerte va même au-delà de l’information des
autorités de la commission d’une infraction.
313
M-C. SORDINO, op. cit.
314
Selon l’expression de M. BEHAR-TOUCHAIS dans ses propos introductifs in La dénonciation en droit privé,
Economica, 2010
315
Le lanceur d’alerte étant décrit comme le « chien de garde de l’éthique en entreprise » par E. DAOUD et S.
SFOGGIA « Lanceurs d’alerte et entreprises - les enjeux de la loi « Sapin II » », AJ Pénal 2017, p. 71
316
J-P. BRODEUR et F. JOBARD, Citoyens et délateurs - La délation peut-elle être civique ?, Éd. Autrement 2005,
coll. « Mutations », p. 4 et s.

61
Chapitre 1 : l’encadrement réussi de la dénonciation éthique

129. Le législateur a récemment institué un dispositif de protection au bénéfice du lanceur


d’alerte317. Dans son étude d’impact sur le projet de loi, le gouvernement s’était dit désireux « d’inciter
de plus en plus de lanceurs d’alerte potentiels à se manifester 318 ». En encadrant la dénonciation
altruiste du lanceur d’alerte, le législateur a franchi un nouveau pas dans l’incitation à la collaboration
des individus au service public de la justice.
Tout d’abord, la loi du 9 décembre 2016319 instaure un statut général du lanceur d’alerte, ce
qui garantit à ce dernier une sécurité juridique (§1). Ensuite, elle neutralise certaines conséquences
de la dénonciation, comme le démontre la protection octroyée au lanceur d’alerte (§2).

§1 La création d’un statut du lanceur d’alerte, source de sécurité juridique

130. Le législateur favorise les dénonciations altruistes par la clarté du dispositif qui assure une
sécurité juridique au lanceur d’alerte. En effet, la loi du 9 décembre 2016 prévoit une définition
harmonisée du lanceur d’alerte (A) et retient une acception large de l’objet de l’alerte (B).

A. La définition du lanceur d’alerte unifiée

131. L’instauration d’une disposition globale résulte en une définition circonscrite et prévisible de
ce dénonciateur (1). Mais l’interprétation qu’en fait la jurisprudence pourrait tempérer cette
affirmation, bien qu’elle élargisse considérablement la protection du lanceur d’alerte (2).

1. Une définition textuellement limitée encadrant la protection

132. Avant la loi Sapin II, la France s’était dotée de textes protecteurs dans des domaines
spécifiques320. L’ensemble était dénué de cohérence et peu utilisé321.

317
Pour une présentation de l’origine du terme, v. F. CHALTIEL TERRAL, Les lanceurs d’alerte, Dalloz 2018, coll.
« Connaissance du Droit »
318
Étude d’impact du 30 mars 2016 portant sur le Projet de loi Sapin II, p. 20
319
Loi n°2016-1691, préc.
320
Notamment en matière de sécurité sanitaire, d’environnement, de corruption. V. les art. L1351-1 et L5312-4-2
CSP, art. L1161-1 et L4133-5 du Code du travail, art. 1, 2, 3° et 4° et 12 de la loi n°2013-316 du 16 avril 2013, et
l’art. 25 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013, tous abrogés depuis la loi Sapin II.
321
Sur ce constat, v. l’étude du Conseil d’État, Le droit d’alerte : signaler, traiter, protéger, La Documentation
française 2016, coll. « Les études du Conseil d’État »

62
Afin de pallier ces défauts, l’art. 6 de la loi du 9 décembre 2016 édicte une disposition générale
d’alerte applicable en tout domaine, ce qui garantit une sécurité juridique aux lanceurs d’alerte. Un
lanceur d’alerte ne peut être qu’une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée
et de bonne foi, un fait grave322 dont elle a eu personnellement connaissance. Ainsi, les personnes
morales sont exclues du champ d’application, y compris en matière de santé et d’environnement où
leur alerte était auparavant admise323. Plus largement, en raison du critère de désintéressement, une
personne spécialisée dans l’alerte ou dont l’activité régulière serait de révéler des comportements
répréhensibles, ne peut bénéficier du statut. Ainsi le Sénat a précisé 324 qu’en sont exclus les
journalistes, les inspecteurs du travail ou les magistrats, ou encore la victime ou les témoins. Il faut
également écarter les débiteurs d’une obligation légale de dénoncer, qui ne sont pas désintéressés en
raison de la menace pénale ou disciplinaire planant sur eux.
133. Par conséquent, la définition vise à englober tout individu motivé par un sentiment altruiste
et par la protection de l’intérêt général. L’enjeu est de taille car la vérité peut aussi bien servir, que
détruire l’ordre établi325. La dangerosité de l’alerte paraît donc circonscrite, tout en offrant au lanceur
d’alerte une certaine sécurité juridique par une définition limitée et unifiée.
Mais encore faut-il que la jurisprudence applique rigoureusement ces critères.

2. L’extension possible de la définition par la jurisprudence

134. La Cour de cassation s’est prononcée pour la première fois sur la nouvelle définition du
lanceur d’alerte dans un arrêt du 17 octobre 2018 326 , par lequel elle renvoie une affaire afin de
l’examiner au regard du fait justificatif nouvellement créé. En l’espèce, un salarié avait fourni des
documents confidentiels à une inspectrice du travail, ceux-ci attestant que l’entreprise était impliquée
dans des pressions subies par cette inspectrice. Les documents sont transmis par l’inspectrice à des
syndicats, qui les rendent publics. Le salarié s'étant désisté du pourvoi, sa condamnation pour accès
et maintien dans un système de traitement automatisé de données et atteinte au secret des
correspondances est définitive. Reste le point de savoir si l’inspectrice du travail est coupable de recel
de ces délits, et de violation du secret professionnel. En admettant que le bénéfice du fait justificatif

322
V. infra §135 et s.
323
Loi n°2013-316 du 16 avril 2013 relative à l'indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement
et à la protection des lanceurs d’alerte
324
SÉNAT, Commission des lois, Rapport n°712, F. PILLET, 22 juin 2016, sur le projet de loi relatif à la
transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique
325
M.-C. SORDINO, « Lanceur d'alerte et droit pénal : entre méfiance et protection ? », Rev. soc. 2017, p. 198
326
n°17-80.485, préc.

63
créé postérieurement aux faits doive être examiné, la Cour de cassation indique implicitement que
l’inspectrice du travail pourrait bénéficier du statut défini par la loi Sapin II, puisque l’application
rétroactive d’une disposition favorable à la défense ne fait plus débat327. Pourtant, il faut espérer que
la cour d’appel de renvoi écarte la qualité de lanceur d’alerte en l’espèce. Dans le cas contraire, la
définition légale exigeant une alerte « désintéressée » serait considérablement étendue, à la victime
et aux professionnels de l’alerte. De même, une telle solution réduirait à néant l’exigence de
connaissance personnelle des faits, car en l’espèce les documents ont été transmis par un tiers. Ce
faisant, la protection dépasserait largement l’alerte éthique et le texte ne serait plus suffisamment
prévisible. Ce manque de prévisibilité pourrait porter préjudice à de potentielles dénonciations.
Toutefois, si la jurisprudence était favorable à une protection large, les dénonciateurs potentiels
seraient encouragés à dénoncer par la perspective de bénéficier du statut.
L’étendue de leur protection est d’autant plus cruciale, que l’objet de l’alerte est important.

B. L’objet de l’alerte largement défini

135. Tout porte à croire que l’objet de l’alerte pourrait être admis de façon extensive en
jurisprudence, ce qui favoriserait sa pratique. Ainsi, les notions utilisées sont imprécises, ce qui
permettrait au juge de retenir une interprétation favorable de l’objet de l'alerte (1). De même,
l’exclusion de certains secrets est finalement enserrée (2).

1. Une définition imprécise permettant une interprétation favorable au lanceur


d’alerte

136. Dépassant la révélation de « crime ou délit », qui rapproche le lanceur d’alerte du dénonciateur
soumis à une obligation légale de dénoncer, l’objet de l’alerte défini par l’art. 6 de la loi Sapin II est
plus vaste, s’agissant d’une faculté de dénoncer. Elle n’est donc pas uniquement liée à une
qualification pénale. En effet, l’alerte peut être fondée sur la « violation grave et manifeste » d’un
texte international, législatif ou règlementaire. Ces deux critères imprécis (quel est le seuil de gravité
requis ?) semblent cumulatifs, mais il est également possible de soutenir que « manifeste » renvoie à
la preuve de la « violation grave ». En ce cas, il suffit que la violation soit grave pour que le
dénonciateur soit protégé en tant que lanceur d’alerte. De nombreux textes sont susceptibles d’entrer

327
Bien que la Cour de cassation ne se soit jamais exprimée aussi clairement sur l’application rétroactive d’un fait
justificatif inexistant au moment des faits, L. SAENKO, « L’inspecteur du travail est-il un lanceur d’alerte comme
les autres ? », D. 2019, p. 105

64
dans le champ du signalement, qui pourrait ainsi concerner tout le corpus conventionnel328. Enfin, ce
sont surtout les « menace ou préjudice graves pour l'intérêt général » qui permettront d’étendre le
champ de l’alerte. Outre l’imprécision des termes employés, la prise en compte croissante de l’intérêt
général par la Cour de cassation pour neutraliser une incrimination329 démontre sa tendance à le retenir
généreusement. Il est permis de penser qu’elle suivra la même logique afin de protéger le lanceur
d’alerte, d’autant plus que le débat se placera sur le terrain de la liberté d’expression 330 , qui est
justement le terrain de prédilection de l’intérêt général devant la Cour européenne des Droits de
l’Homme331.
Ce champ d’application vaste est limité par l’exclusion de certains secrets, mais dans une
mesure réduite.

2. L’exclusion restreinte du champ de l'alerte de certains secrets

137. Les faits ou informations couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou
le secret des relations entre un avocat et son client sont exclus de l’objet de l’alerte par l’art. 6 de la
loi. Mais cette exclusion est plus cantonnée qu’il n’y paraît. Certes, ces secrets sont exclus de toute
révélation publique ou autre modalité de divulgation. Mais aux termes de l’art. L861-3 CSI, aucun
agent ne peut être sanctionné pour avoir porté, de bonne foi, des faits illégaux à la Commission
nationale de contrôle des techniques de renseignement. L’alerte est donc dirigée vers un canal
spécifique, mais elle peut tout de même porter sur le secret de la défense nationale. S’agissant du
secret médical, les essais cliniques qui donnent majoritairement lieu aux alertes sanitaires ne sont pas
soumis au secret. Surtout, aucun secret ne peut être opposé au Défenseur des droits, sauf en matière
de défense nationale332. Par conséquent, l’exclusion de ces secrets par l’art. 6 est enserrée, et leur
protection n’est pas absolue car ils pourront être divulgués au Défenseur des droits.
138. Singulièrement, la disposition est intéressante a contrario : de nombreux secrets, alors même
qu’ils sont protégés par la loi, peuvent être divulgués (le secret bancaire, le secret des affaires, ou

328
En ce sens, E. ALT, « De nouvelles protections pour les lanceurs d’alerte, à propos de la loi n°2016-1691 du 9
décembre 2016 », JCP G 2017, n°4, p. 151
329
Par le biais du débat d’intérêt général, et ce pour une variété d’infractions. Par ex. pour une infraction protégeant
la vie privée des personnes, Cass. civ. 1re 9 avr. 2015, n°14-14.146, D. 2015. 864, ou encore pour neutraliser la
qualification d’escroquerie, Cass. crim. 26 oct. 2016, no15-83.774, D. actu. 16 nov. 2016, obs. Gallois, AJ Pénal
2017. 38, obs. Verly, Dr. pénal 2017, no 2, obs. Conte, Gaz. Pal. 24 janv. 2017, p. 51, obs. Detraz.
330
Pour des publications relatives à la dangerosité d’un médicament par ex., que l’on pourrait rapprocher d’une alerte
lancée en matière de santé publique, v. Cass. civ. 1re, 11 juill. 2018, n°17-21.457, D. 2018. 2010, note C. Bigot, et
2326, obs. Y. Picod ; RTD civ. 2018. 913, obs. P. Jourdain
331
« Le débat d’intérêt général est devenu le fer de lance de l’art. 10 CESDH dans sa conquête constante de nouveaux
domaines d’influence » explique A. LEPAGE, CCE n° 12, déc. 2016, comm. 103
332
Art. 20 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits
65
encore le secret des correspondances). L’objet de l’alerte est donc potentiellement vaste, ce qui répond
à la volonté du gouvernement qui souhaitait inciter les lanceurs d’alerte à se manifester.
Cette volonté s’exprime à nouveau à l’étude de la protection nouvellement instaurée.

§2 La protection conférée au lanceur d’alerte

139. Le lanceur d’alerte est mis à l’abri de poursuites pénales pour violation du secret
professionnel, ce qui témoigne de la volonté pratique de promouvoir l’alerte (A). Cette protection est
toutefois subordonnée à une procédure déterminée, visant à garantir l’alerte (B).

A. La protection pénale circonscrite du lanceur d’alerte

140. En premier lieu, la loi Sapin II définit une protection civile au bénéfice du lanceur d’alerte,
en préservant son identité333 et sa carrière professionnelle334. Ces garanties sont en pratique restreintes,
car il est difficilement imaginable que le lanceur d’alerte ne se maintienne à son poste après avoir
effectué un signalement compromettant son entreprise. De même, le Conseil constitutionnel a censuré
l’aide financière 335 qui devait être assurée par le Défenseur des droits. Le projet de directive
européenne à venir pourrait bien remettre la question des garanties civiles au goût du jour, car les
États y sont incités à fournir un soutien financier et psychologique aux lanceurs d’alerte336.
141. Si cette protection civile est peu satisfaisante, le lanceur d’alerte bénéficie en second lieu
d’une protection pénale circonscrite, visant à inciter de façon pragmatique l’alerte. Le législateur a en
effet introduit un fait justificatif à l’art. 122-9337, qui déplace de façon originale le débat justificatif
sur le terrain économique338. Il s’agit d’un fait justificatif spécial339, limité à la violation d’un secret

333
Art. 9 I de la loi Sapin II, et la divulgation de ces éléments est érigée en délit par l’art. 9 II.
334
Art. 10, 11, 12, 15 et 16 de la loi Sapin II
335
Cons. const. n°2016-740 DC, 8 déc. 2016
336
P. JANUEL, « Lanceurs d’alerte : les apports de la directive pour une meilleure protection », D. actu. 20 mars
2019
337
L’art. 122-9 CP dispose « N'est pas pénalement responsable la personne qui porte atteinte à un secret protégé par
la loi, dès lors que cette divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause, qu'elle
intervient dans le respect des procédures de signalement définies par la loi et que la personne répond aux critères de
définition du lanceur d'alerte prévus à l'article 6 de la loi du 9 décembre 2016. »
338
L. SAENKO, « L’inspecteur du travail est-il un lanceur d’alerte comme les autres ? », D. 2019, p. 105
339
En ce sens, M. SEGONDS, « Les apports de la loi du 9 décembre 2016 à l’anti-corruption », Dr. pén. 2017, p. 4,
n°16 ou encore A. CERF-HOLLENDER, « Lanceur d’alerte et inspecteur du travail », RSC 2018, p. 921

66
protégé par la loi340. Cette protection est la contrepartie des risques que le lanceur d’alerte accepte
d’encourir par sa révélation, mais sa nécessité est débattue en raison de sa proximité avec l’ordre de
la loi ou l’état de nécessité341.
142. À première vue, l’application de ce fait justificatif est limitée aux secrets dont la violation est
incriminée, c’est-à-dire le secret professionnel, le secret de l’enquête et de l’instruction, et le secret
des correspondances342. Il pourrait être tentant d’y inclure les informations confidentielles dont la
révélation est incriminée343, notamment les atteintes à l’intimité de la vie privée, mais la ratio legis
bien distincte de ces infractions344 conduit à rejeter cette hypothèse. Cette conclusion est préférable,
dans la mesure où la protection pénale du lanceur d’alerte est circonscrite à ce qui est nécessaire afin
de permettre l’alerte.
S’agissant de la portée du fait justificatif, elle devrait être précisée à l’occasion du renvoi opéré par
l’arrêt du 17 octobre 2018345. Cette cassation laisse penser que la Chambre criminelle n’est pas hostile
à l’inclusion du recel de violation du secret à l’art. 122-9 346 , ce qui confèrerait une sécurité
supplémentaire au lanceur d’alerte et à celui qui se charge de rendre l’information publique. En tout
état de cause, il semble que les juges portent un regard bienveillant sur les lanceurs d’alerte347, ce que
pourrait illustrer l’arrêt à venir.
143. Néanmoins, cette bienveillance n’est pas synonyme d’impunité totale pour le lanceur d’alerte
qui aurait mis en cause un individu innocenté 348 . Celui-ci pourra agir sur le fondement de la
dénonciation calomnieuse ou de la diffamation (publique ou non), ou encore contester le bénéfice du
statut protecteur du lanceur d’alerte. La protection pénale du lanceur d’alerte est ainsi logiquement
garantie par rapport au secret dont il est dépositaire et auquel il porterait atteinte, mais la gravité de
son acte l'expose à d’éventuelles poursuites de la part de celui qu’il met en cause.

340
Mais les infractions d’atteinte à un secret protégé ne constituant pas un ensemble cohérent et homogène, le fait
justificatif de l’art. 122-9 est davantage un fait justificatif hybride pour A. DEJEAN DE LA BÂTIE, Les faits
justificatifs spéciaux, thèse 2018, sous la dir. de A. Lepage, Paris II, n°775
341
J.-M. BRIGANT, « Lutte contre la corruption - La loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et
à la modernisation de la vie économique », JCP G 2017, n°1-2, p. 6
342
À l’exclusion des secrets médical, de l’avocat, et de la défense nationale, art. 6 al. 2 loi Sapin II.
343
A. DEJEAN DE LA BÂTIE, op. cit., n°775
344
Ibid, n°753
345
n°17-80.485, préc.
346
A. CERF-HOLLENDER, « Lanceur d’alerte et inspecteur du travail », RSC 2018, p. 921
347
D. GOETZ, « Première relaxe d’un lanceur d’alerte poursuivi du chef de diffamation », D. actu. du 29 nov. 2017,
à propos du jugement du TGI de Toulouse n°4363/17 rendu le 21 novembre 2017
348
V. J.-B. BOUSQUET, « L’attitude du salarié mis en cause par un lanceur d’alerte en application de la loi Sapin
II : de la situation subie à la situation combattue », Dr. pénal 2019, n°2, étude 6, p. 26

67
De plus, le bénéfice du fait justificatif est subordonné au suivi rigoureux de la procédure de
signalement instaurée, qui vise à garantir le processus d'alerte.

B. Une protection subordonnée au respect d’une procédure graduée

144. L’art. 8 de la loi Sapin II prévoit une procédure graduée de signalement à laquelle est tenu le
lanceur d’alerte, suivant la démarche de la CEDH349. Elle est commune à la multiplicité de situations
d’alerte, ce qui assure sa simplicité. Ainsi, l’alerte doit d’abord être traitée en interne, par la voie
hiérarchique. En cas de défaillance à ce niveau, le signalement est transmis à l’autorité judiciaire,
administrative ou aux ordres professionnels. En dernier recours, l’alerte peut être rendue publique.
Les grandes entreprises sont tenues de mettre en place des dispositifs de signalement, ce qui soulève
des difficultés pratiques 350 . En cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de
dommages irréversibles, le signalement peut être porté directement à la connaissance des autorités
judiciaires ou administratives, ou être rendu public 351 . Enfin, toute personne peut adresser son
signalement au Défenseur des droits afin d’être orientée vers l’organisme approprié de recueil de
l’alerte.
145. Cette gradation favorise l’alerte en indiquant précisément la démarche à suivre au
dénonciateur, ce qui lui assure le bénéfice de la protection pénale. De plus, le Défenseur des droits a
publié un guide détaillé permettant de déterminer précisément la démarche à suivre352. S’agissant de
l’organisme mis en cause, il a l’opportunité de régler l’incident en interne, ce qui permet de tempérer
le ressentiment résultant d’une dénonciation. Certains auteurs considèrent que cette conditionnalité
de la protection est trop stricte, ce qui les amène à prôner la création d’un droit fondamental du lanceur
d’alerte353. Mais il faut veiller à ce que le lanceur d’alerte ne se mue pas en delator, qui chercherait à
atteindre sempiternellement l’autorité de celui qu’il veut mettre en cause.
146. La frontière tracée par la loi Sapin II fait davantage figure de promotion de la dénonciation
altruiste, que de dissuasion de celle-ci, tout en l’encadrant 354 . Il est toutefois possible que cette
gradation disparaisse, le Parlement européen ayant adopté une protection bien plus extensive du

349
V. notamment Guja c. Moldavie, préc.
350
Sur la mise en application pratique de ces dispositifs de signalement, v. E. DAOUD et S. SFOGGIA « Lanceurs
d’alerte et entreprises - les enjeux de la loi « Sapin II » », AJ Pénal 2017, p. 71
351
De plus, l’art. 13 de la loi du 9 décembre 2016 incrimine l’entrave à l’alerte et double le montant de l’amende
civile pour constitution de partie civile abusive, ce qui constitue un garde-fou supplémentaire.
352
Défenseur des droits, Guide d’orientation et protection des lanceurs d’alerte, 2017
353
F. CHALTIEL TERRAL, Les lanceurs d’alerte, Dalloz 2018, coll. « Connaissance du Droit », p. 99
354
Ainsi, le lanceur d’alerte ne bénéficie pas d'une immunité totale face à l’individu qu'il met en cause, v. J.-B.
BOUSQUET, op. cit.

68
lanceur d’alerte par le biais de la directive du 16 avril 2019. Reste le point de savoir comment la
jurisprudence va se saisir de ces dispositions355, et l’avenir révèlera si les citoyens font émerger une
véritable culture de l’alerte éthique356.

En comparaison, le succès d’autres dispositions visant certains dénonciateurs est plus


contestable, comme l’illustre la dénonciation récompensée des repentis.

Chapitre 2 : l’encadrement insatisfaisant de la dénonciation récompensée

147. La réduction de peine existe depuis 1810 en droit pénal français357. La loi du 9 mars 2004358
systématise la collaboration de justice, afin de lutter contre les réseaux cloisonnés et opaques du
terrorisme et de la criminalité organisée. De nouvelles infractions ont alors été intégrées au dispositif,
relatives à une criminalité complexe à déceler359. Ainsi, l’article 132-78 du Code pénal permet à une
personne ayant fourni des informations à la justice avant sa condamnation de bénéficier de plein droit
d’une exemption ou d’une réduction de peine 360 , alors même qu’elle serait déclarée coupable 361 .
L’article 721-3 du Code de procédure pénale instaure un dispositif semblable en post-sentenciel, mais
il est facultatif pour le juge et limité au crime organisé.
148. L’étude se concentre sur l’article 132-78, excuse absolutoire362 qui permet au dénonciateur
poursuivi pour une infraction de bénéficier de plein droit d’un avantage363, à un moment crucial de la

355
Par ex., le lanceur d’alerte pourra-t-il exercer une action civile alors même qu’il n’aura pas subi de préjudice
personnel et direct ? Verra-t-on émerger une « partie citoyenne », selon les termes de M.-C. SORDINO, « Lanceur
d'alerte et droit pénal : entre méfiance et protection ? », Rev. soc. 2017, p. 198
356
En 2015, un grand nombre de salariés déclarait ne pas connaître la législation en matière d’alerte, E. ALT, « De
nouvelles protections pour les lanceurs d’alerte, à propos de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 », JCP G 2017,
n°4, p. 151, §28
357
Pour un historique, v. C. SAAS, « Art. 132-78 - Fasc. 20 : Circonstances entraînant une réduction ou une
exemption de peine », JCl. Pénal Code 2016, §3 et s.
358
Loi n° 2004-204, préc.
359
Pour un tableau récapitulatif des infractions concernées, v. A. MIHMAN, « Exemption et réduction de peine pour
les repentis - apports de la loi du 9 mars 2004 dite loi « Perben II » », Dr. pénal 2005, chr. 1, p. 6
360
La disposition générale est appliquée uniquement si des textes spéciaux y font explicitement référence, l’art. 132-
78 CP indiquant « dans les cas prévus par la loi ».
361
L’individu pourra dont être condamné civilement, v. J. LARGUIER, P. CONTE et P. MAISTRE DU
CHAMBON, Droit pénal général, 23ème éd., Dalloz 2018, coll. « Mémentos », p. 190. En ce sens, le mécanisme
n’a pas d’incidence sur la situation de la victime.
362
Il s’agit plutôt d’une excuse absolutoire que d’une dispense de peine, car l’accent n’est pas mis sur la fonction de
la peine comme l’art. 132-59 CP, et l’excuse absolutoire s’applique de plein droit, v. C. SAAS, « Art. 132-78 - Fasc.
20 : Circonstances entraînant une réduction ou une exemption de peine » JCl. Pénal Code 2016, §13
363
L’avantage dépend des bénéfices tirés de la dénonciation, exemption ou réduction de peine. V. art. 132-78 al. 1
et 2 CP.

69
procédure le concernant. En effet, les enjeux de la dénonciation sont plus conséquents avant le
prononcé de la peine, et le mécanisme s’applique hors criminalité organisée364. Ainsi, le législateur
incite à la dénonciation quelle que soit la délinquance concernée, l’utilité et le pragmatisme guident
la matière.
Pour autant, le mécanisme de repentance manque d’effectivité en France. Le manque de
moyens accordés à la protection des repentis peut constituer une ébauche d’explication365. Surtout,
l’article 132-78 n’est pas adapté à inciter les mis en cause à dénoncer les faits commis par leur réseau
(§1). De surcroît, sa conformité aux droits interne et européen est discutable (§2).

§1 L’inadaptation de l’article 132-78 du Code pénal au but poursuivi

149. La réduction ou l’exemption de peine est garantie de plein droit366, ce qui assure une sécurité
juridique au repenti. Mais celle-ci est atténuée par l'étroitesse des dénonciations ouvrant droit à
récompense (A), et les incohérences qui desservent l’ensemble du dispositif (B).

A. Des récompenses d’applicabilité restreinte

150. Alors que l’exemption de peine appliquée à l’infraction tentée est marginale (1), la réduction
s’appliquant à l’infraction consommée est subordonnée à l’utilité de la dénonciation, ce qui réduit
considérablement son champ d’application (2).

1. L’applicabilité marginale de l’exemption de peine

151. L’exemption de peine de l’art. 132-78 al. 1 trouve à s’appliquer à l’auteur d’une tentative
d’un crime ou d’un délit, qui permet d’éviter la réalisation de l’infraction par sa dénonciation367. Mais
cet alinéa paraît inapplicable en pratique, et ce pour deux raisons.

364
Le mécanisme de réduction exceptionnelle de peine en post-sentenciel s’inscrivant dans le régime procédural
dérogatoire de la criminalité organisée, art. 721-3 CPP.
365
La France ayant accordé environ 500 000 euros en 2014 à la protection des collaborateurs de justice, D.
SAUBADER et E. PELLETIER, « La France se dote d'un statut du « repenti » », L'Express, 19 mars 2014.
En comparaison, le Canada y consacrait 11,6 millions de dollars en 2017, Annual report 2016-2017 Witness
Protection Program Act, Gouvernement du Canada.
366
C. SAAS, op. cit., §38 et §51
367
La rédaction porte à croire que l’auteur de l’infraction tentée est celui qui informe les autorités : « La personne
qui a tenté de commettre un crime ou un délit est, dans les cas prévus par la loi, exempte de peine si, ayant averti
l'autorité administrative ou judiciaire, elle a permis d'éviter la réalisation de l'infraction et, le cas échéant, d'identifier
les autres auteurs ou complices »

70
152. Tout d’abord, la tentative est définie comme un commencement d’exécution, qui rate son
effet en raison d’une circonstance indépendante de la volonté de l’auteur368. Or, l’hypothèse prévue
par l’alinéa 1 de l’art. 132-78 sous-entend que l’agent a renoncé volontairement à la commission de
l’infraction, en avertissant lui-même les autorités de l’infraction qu’il allait commettre369. Il est donc
difficilement concevable de retenir la tentative de l’art. 121-5, faute de circonstances indépendantes
à la volonté de l’auteur, justifiant la suspension de la commission de l'infraction. Il s’agit davantage
d’un désistement volontaire que d’un commencement d’exécution. Une circulaire est intervenue sur
ce point370, mais elle n’est guère satisfaisante et le problème reste entier371.
153. De plus, l’alinéa 1 semble exiger que la révélation ait également permis « d’identifier les
autres auteurs et complices ». L’utilisation de la conjonction de coordination « et » suppose que les
deux conditions soient cumulatives, et que l’identification soit requise dans l’hypothèse où il y aurait
d’autres auteurs ou complices : or, exiger la révélation de l’identité d’un auteur constitue une délation,
pourtant proscrite en principe pour les obligations de dénoncer372.
Il est donc peu probable que l’exemption de peine trouve à s’appliquer en dehors d’hypothèses
d’école, contrairement à la réduction de peine.

2. L’applicabilité restreinte de la réduction de peine

154. L’art. 132-78 s’applique à de nombreux collaborateurs de justice potentiels, ce qui constitue
une incitation importante à la dénonciation. Il vise l’auteur de l’infraction consommée, et selon la
doctrine cette disposition concerne également le complice et le coauteur373. Le législateur a également
permis au mis en cause de bénéficier d’une réduction de peine pour une infraction connexe de même

368
Art. 121-5 CP, et Cass. crim. 25 oct. 1962 Lacour, Bull. crim. 1962 n°292 qui définit le commencement
d’exécution.
369
L’al. 1 énonce « La personne qui a tenté de commettre un crime ou un délit est, dans les cas prévus par la loi,
exempte de peine si, ayant averti l'autorité administrative ou judiciaire, elle a permis d'éviter la réalisation de
l'infraction et, le cas échéant, d'identifier les autres auteurs ou complices. »
370
Circ. crim. 2004-13 G1/02-09.2004, NOR JUSDO 430177C, BO min. just. n° 95
371
C. SAAS, op. cit., §27
372
Cass. crim. 2 mars 1961, Bull. crim. n°137 ; D. 1962. 121, note Bouzat ; JCP 1961. II. 12092, note Larguier.
Toutefois, la doctrine déduit que l’identification par le repenti des autres participants n’est pas indispensable à
l’application de l’exemption de peine. v. M.-E. CARTIER, « Le terrorisme dans le nouveau Code pénal », RSC 1995
p. 225
373
C. SAAS, « Art. 132-78 - Fasc. 20 : Circonstances entraînant une réduction ou une exemption de peine » JCl.
Pénal Code 2016, §23 à 25 et A. MIHMAN, « Exemption et réduction de peine pour les repentis - apports de la loi
du 9 mars 2004 dite loi « Perben II » », Dr. pénal 2005, chr. 1, p. 6, §8

71
nature que celle pour laquelle il est poursuivi 374 . Dans ce cas, l’auteur dénonce une infraction à
laquelle il n’a pas participé et pour laquelle il n’est pas poursuivi, mais sera récompensé. Cela atteste
de la volonté du législateur d’anéantir toute organisation criminelle375.
155. De manière pragmatique, la réduction de peine est subordonnée à l’utilité de la dénonciation
: elle doit avoir permis de faire cesser l’infraction, ou d’éviter qu’elle ne produise un dommage, ou
encore d’identifier ses auteurs ou complices. Le champ de la collaboration est donc restreint en
pratique pour une infraction consommée : la cessation de l’infraction ne sera envisageable que pour
les infractions continues, les infractions instantanées se consommant en un trait de temps. S’agissant
d’éviter le dommage de l’infraction, cette hypothèse ne pourrait concerner que les infractions
formelles, car le résultat des infractions matérielles en est un élément constitutif. Reste alors le
troisième cas de figure relatif à l’identification des auteurs ou complices : comme exposé
précédemment, il pose question car il s’agit d’une délation, qui n’est normalement pas exigible par le
droit pénal.
Le champ de la récompense est donc bien subordonné à l’utilité de la dénonciation, mais en pratique
l’utilité de la dénonciation pour une infraction consommée est étroitement limitée.
Outre son applicabilité marginale, le mécanisme de récompense de l’art. 132-78 est
incohérent, ce qui dessert d’autant plus son effectivité.

B. Un mécanisme incohérent

156. La confrontation aux clauses spéciales nécessaires à l’application de l’article 132-78 met en
lumière des discordances de rédaction (1), alors que les conséquences pénologiques résultant des
récompenses sont parfois dépourvues de logique (2).

1. L’incohérence résultant de la confrontation du mécanisme aux clauses


spéciales

157. L’art. 132-78 est une disposition générale, dont l’application dépend de textes spéciaux qui y
font explicitement référence. À l’origine, ces clauses concernaient surtout des infractions qui visaient

374
Art. 132-78 al. 3 CP « Les dispositions de l'alinéa précédent sont également applicables lorsque la personne a
permis soit d'éviter la réalisation d'une infraction connexe de même nature que le crime ou le délit pour lequel elle
était poursuivie, soit de faire cesser une telle infraction, d'éviter qu'elle ne produise un dommage ou d'en identifier
les auteurs ou complices. »
375
G. ROUSSEL « L’introduction du « repenti » ou le pragmatisme appliqué du législateur », AJ Pénal 2005 p. 363

72
la protection de l’État376, mais elles ont fait l’objet d’une extension et visent désormais des infractions
plus communes et difficilement décelables377. Ces clauses ont souvent une rédaction différente de
l’art. 132-78, ce qui pose question quant au champ matériel de la récompense.
158. Ainsi, l’art. 132-78 prévoit l’exemption pour les auteurs d’une tentative, alors que certaines
clauses spéciales la prévoient pour les auteurs d’une infraction consommée. C’est le cas notamment
de l’art. 450-2 relatif à l’association de malfaiteurs, mais cela s’explique car la tentative de ce délit
n’est pas envisageable. Ce faisant, la clause spéciale est plus favorable au repenti que la clause
générale.
De même, alors que l’art. 132-78 ne précise pas à quel moment le mécanisme de repentance peut être
déclenché, certaines clauses spéciales le limitent temporellement 378 . Pour ces cas de figure, la
proposition de mise en œuvre du mécanisme ne pourrait émaner que de policiers379.
Enfin, alors que l’art. 132-78 al. 2 retient une conception alternative des conditions permettant
d’obtenir une réduction de peine, les clauses spéciales reprennent parfois la formule de l’art. 132-78
al. 1 : « et, le cas échéant ». Cela laisse entendre que l’identification est une condition qui se cumule
aux autres afin de bénéficier de la réduction de peine, ce qui contredit l’art. 132-78 al. 2. Toutefois,
la circulaire du ministère de la Justice380 indique que la clause générale l'emporte. Il aurait été plus
clair que les rédactions soient semblables.
Au-delà de ces incohérences inhérentes à des maladresses rédactionnelles, les conséquences
pénologiques des récompenses interrogent.

2. L’incohérence au regard des conséquences pénologiques du mécanisme

159. Une incohérence plus globale a été mise en lumière en doctrine, concernant les conséquences
pénologiques des récompenses appliquées à l’assassinat et l’empoisonnement 381 . En appliquant
l’exemption de peine à l’assassinat, l’art. 132-78 al. 1 exige que la dénonciation fasse obstacle à la

376
Pour l’exemption de peine par ex. l’attentat, trahison ou espionnage à l’art. 414-2 CP, le complot à l’art. 414-3
CP… De même pour la réduction de peine, par ex. l’intelligence avec une puissance étrangère aux art. 411-4, 411-5
et 414-4 CP.
377
Pour l’exemption de peine, par ex. l’assassinat et l’empoisonnement à l’art. 221-5-3 CP, le vol en bande organisée
à l’art. 311-9-1 CP… De même pour la réduction de peine, mêmes fondements.
Pour une comparaison des dispositions après la loi Perben II, v. le tableau récapitulatif de A. MIHMAN, op. cit.
378
Par ex. les art. 450-2 et 414-3 CP qui indiquent que la dénonciation doit avoir lieu « avant toute poursuite ».
379
C. SAAS, « Art. 132-78 - Fasc. 20 : Circonstances entraînant une réduction ou une exemption de peine » JCl.
Pénal Code 2016, §35
380
Circ. crim. 2004-13 G1/02-09.2004, préc.
381
Pour cette démonstration, v. A. MIHMAN, « Exemption et réduction de peine pour les repentis - apports de la loi
du 9 mars 2004 dite loi « Perben II » », Dr. pénal 2005, chr. 1, p. 6, §24 à 29

73
réalisation de l’infraction, ce qui implique que l’intégrité physique de la victime ne soit pas atteinte.
Mais imaginons que la victime soit atteinte par un premier coup de feu, et que le complice prévienne
les autorités immédiatement après : la vie de la victime est sauve, mais elle est atteinte dans son
intégrité physique. Il y a seulement eu tentative d’assassinat, donc la réduction de peine pour les
infractions consommées ne s’applique pas. Par conséquent, le complice peut bénéficier de plein droit
d’une exemption de peine conformément à l’art. 221-5-3 al. 1382 pour tentative d’assassinat, alors
même que la victime serait atteinte dans son intégrité physique, ce qui paraît peu conforme à l’esprit
de l’art. 132-78 al. 1.
160. La solution surprend d’autant plus en poursuivant la démonstration pour l’empoisonnement
et la réduction de peine. La dénonciation d’un empoisonnement avec préméditation, n’ayant pas
entraîné la mort, permet au dénonciateur de bénéficier d’une réduction de peine sur le fondement de
l’art. 221-5-3 al. 2383. En effet, l’infraction est consommée même si la mort ne survient pas, car il
s’agit d’une infraction formelle. Pourtant, les mêmes faits poursuivis sur le fondement de la tentative
d’assassinat permettraient au dénonciateur de bénéficier d’une exemption de peine. La dénonciation
d’une tentative d’assassinat et celle d’un empoisonnement ont donc les mêmes conséquences
pénologiques, ce qui n’est pas pertinent. Le repenti bénéficierait d’une réduction de peine quelles que
soient les circonstances et les conséquences de la tentative : il faudrait reformuler l’art. 221-5-3 afin
de limiter l’exemption de peine à la tentative d’assassinat n’ayant eu aucune conséquence physique
pour la victime384.
Le mécanisme de l’art. 132-78 est donc inadapté au but pour lequel il avait été institué : «
renforcer l’efficacité des enquêtes en favorisant la divulgation d’informations 385 ». De plus, sa
conformité aux droits interne et européen est insatisfaisante386.

382
L’art. 221-5-3 al. 1 CP dispose « Toute personne qui a tenté de commettre les crimes d'assassinat ou
d'empoisonnement est exempte de peine si, ayant averti l'autorité administrative ou judiciaire, elle a permis d'éviter
la mort de la victime et d'identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou complices. »
383
L’art. 221-5-3 al. 2 CP énonce « La peine privative de liberté encourue par l'auteur ou le complice d'un
empoisonnement est ramenée à vingt ans de réclusion criminelle si, ayant averti l'autorité administrative ou
judiciaire, il a permis d'éviter la mort de la victime et d'identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou complices. »
384
A. MIHMAN, op. cit.
385
Selon les termes du ministre de la Justice D. PERBEN, Rapport n°856 Tome I de J.-L. WARSMANN,
Commission des lois de l’Assemblée Nationale, 14 mai 2003, p. 37
386
V. C. SAAS, op. cit., §75 s.

74
§2 La conformité discutable de l’article 132-78 du Code pénal aux droits interne et européen

161. L’équilibre du dispositif est globalement fragile, et profite surtout aux enquêteurs : la
dénonciation récompensée soulève des questions tant au regard du collaborateur de justice (A), que
du mis en cause par la dénonciation (B).

A. Une conformité discutable au regard du collaborateur de justice

162. Tout d’abord, les mesures de protection du collaborateur de justice387 sont faibles, et ne sont
mises en place qu’« en cas de besoin »388 ce qui n’est pas conforme à l’esprit du droit interne sur les
repentis 389 . L’identité d’emprunt en particulier, présentée comme au cœur de la protection, est
subordonnée à la démonstration de sa nécessité390. Il faudra donc établir l’existence d’une menace
pour le repenti ou sa famille : cela est particulièrement dissuasif pour d’éventuels repentis, d’autant
plus que le collaborateur de justice post-sentenciel ne bénéficie pas de cette protection391. De plus,
ces mesures de protection sont décidées par une commission nationale, dont les modalités de
fonctionnement ont été définies plus de dix ans après la loi Perben II392 : cela atteste finalement du
peu d’intérêt des pouvoirs publics pour la protection des repentis, contrairement à ce qu’annonçait
initialement cette loi en 2004. Cette protection lacunaire compromet la collaboration.
163. Ensuite, le droit au silence est possiblement remis en cause : il faut que la dénonciation du
mis en cause constitue une renonciation libre et éclairée à son droit au silence. Ainsi, la récompense
ne peut être disproportionnée393, et l’exemption de peine prévue par le droit pénal français suscite des
interrogations en ce sens. Il faudrait que le repenti soit assisté d’un avocat afin de prendre sa décision
de façon libre et éclairée, mais cette négociation prend place lors de l’enquête, et la criminalité
organisée par sa procédure dérogatoire permet de retarder l’intervention de l’avocat 394 . Dans des

387
Ibid, §56 et s.
388
Art. 706-63-1 al. 1 CPP
389
V. Rapport n°856 Tome I de J.-L. WARSMANN préc., p. 79 et s.
390
Art. 706-63-1 al. 2 CPP
391
Or, il peut tout à fait faire l’objet de représailles en détention, et sa famille n’est pas à l’abri non plus, F.
PALAZZO, « La législation italienne sur les « repentis » : discipline, problèmes et perspectives », RSC 1986 p. 757
392
Décret n°2016-346 du 17 mars 2014
393
M.-A. BEERNAERT, Repentis et collaborateurs de justice dans le système pénal : analyse comparée et critique,
Bruylant 2002, p. 464
394
Art. 706-88 al. 6 et s. CPP

75
hypothèses de criminalité organisée, il y a donc également une possible atteinte aux droits de la
défense395.
Ensuite, l’exemption de peine porte atteinte au principe d’égalité devant la loi. En principe, « pour
des infractions identiques, la loi pénale ne saurait, […] instituer au profit de quiconque une
exonération de responsabilité à caractère absolu, sans par là même porter atteinte au principe
d’égalité396 ». Mais au sein d’un réseau de criminalité organisée, seules les « têtes » du réseau sont à
même d’avoir les informations pertinentes qui intéressent la justice397 : en ce sens, il peut y avoir
rupture d’égalité. Curieusement, le Conseil constitutionnel n’a pas relevé cette difficulté lorsqu’il a
examiné la loi Perben II398. Surtout, une inégalité est créée entre les infractions pouvant donner lieu à
une telle récompense, et les autres.
De la même façon, le dispositif est peu conforme aux droits interne et européen pour le mis
en cause par la dénonciation.

B. Une conformité discutable au regard du mis en cause

164. La conformité du dispositif de repentance soulève également des difficultés pour le mis en
cause. En premier lieu se pose la question de la fiabilité des propos du dénonciateur, qui a un intérêt
personnel à révéler les faits399. Il n’est pas possible de donner trop de crédit à ces déclarations, sous
peine de prendre le risque d’une erreur judiciaire ou d’un possible bouleversement dans le procès, si
le repenti vient à se rétracter 400 . Ainsi, il faut veiller à ce que la défense soit informée de telles
déclarations et des conditions dans lesquelles elles ont été obtenues (exigence de transparence), et
qu’elle puisse contrôler elle-même la fiabilité du dénonciateur lors de confrontations (exigence de
contradiction)401.
Mais la confrontation n’est pas toujours envisageable, notamment si le collaborateur de justice se sent
en danger : il est possible dans ce cas de recourir à l’anonymat. Si la Cour européenne a admis le

395
C. SAAS, « Art. 132-78 - Fasc. 20 : Circonstances entraînant une réduction ou une exemption de peine » JCl.
Pénal Code 2016, §80
396
Cons. const. n° 80-125 DC, 19 déc. 1980 et n° 89-262 DC, 7 nov. 1989
397
C. SAAS, op. cit., §79
398
Cons. const. n°2004-492 DC, 2 mars 2004
399
V. CEDH 17 janv. 2017, Habran et Dalem c. Belgique, req. n°43000/11 et 49380/11, spéc. §100
400
F. PALAZZO, « La législation italienne sur les « repentis » : discipline, problèmes et perspectives », RSC 1986
p. 757
401
M.-A. BEERNAERT, Repentis et collaborateurs de justice dans le système pénal : analyse comparée et critique,
Bruylant, 2002, p. 480 et s.

76
recours au témoin anonyme, les conditions qui l’encadrent sont importantes402. Le droit pénal français
permet d’écarter l’anonymat, si la connaissance de l’identité de la personne est « indispensable à
l’exercice des droits de la défense au regard des circonstances dans lesquelles l’infraction a été
commise ou de la personnalité du témoin403 ». Ainsi, il faut conclure à l’inapplicabilité de l’anonymat
au collaborateur de justice, en raison des droits de la défense du mis en cause404.
165. Pour finir, la Cour européenne a exigé que les déclarations d’un repenti soient corroborées
par d’autres éléments405, cette exigence étant reprise par la doctrine qui écarte la possibilité que cette
corroboration émane d’autres collaborateurs de justice406. Ainsi, l’art. 132-78 al. 4 énonce qu’aucune
condamnation ne pourra reposer sur le seul fondement de déclarations de collaborateurs de justice.
De ce point de vue, le mécanisme est conforme aux exigences européennes. Il est souhaitable qu’une
condamnation rendue en partie sur le fondement de déclarations d’un repenti soit particulièrement
motivée sur ce point407.

166. Par conséquent, le mécanisme de dénonciation récompensée laisse songeur. Faute de chiffres
il est difficile d’évaluer s’il a réellement un impact dans la politique pénale. Certes les repentis ont
permis à l’Italie de sortir des années de plomb408, mais il n’a pas été relevé d’effet semblable sur le
crime organisé en France. Quoiqu’il en soit, la disposition est critiquable dans sa lettre et dans sa
conformité avec les normes interne et européenne. Par conséquent, l’article 132-78 du Code pénal ne
constitue pas une incitation effective à la collaboration des individus avec la justice.
La dénonciation faculté est donc encouragée de manière relative par le biais de dispositions
visant des dénonciateurs particuliers. L’incitation n’est que peu effective pour le collaborateur de
justice, et paraît plus satisfaisante pour le lanceur d’alerte même s’il reste à voir de quelle façon la
jurisprudence va se saisir des dispositions résultant de la loi Sapin II.

L’incitation des citoyens à collaborer avec la justice pénale se manifeste en dernier lieu par
l’application de dispositions générales au dénonciateur, qui facilitent la dénonciation.

402
CEDH 14 févr. 2002 Visser c/ Pays-Bas, n° 26668/95 : le recours à l’anonymat doit être autorisé par le juge
d'instruction ayant entendu le témoin sous serment, connaissant son identité et motivant sa décision par l’appréciation
des motifs justifiant l’octroi de l’anonymat.
403
Art. 706-60 CPP
404
En ce sens, M.-A. BEERNAERT, op. cit., p. 493 qui estime que la crédibilité du collaborateur de justice étant
déjà douteuse, le recours à l’anonymat semble inacceptable au vu des restrictions apportées aux droits de la défense
du mis en cause.
405
CEDH 6 avr. 2000 Labita c/ Italie, JurisData n° 2000-134581
406
M.-A. BEERNAERT, op. cit., p. 498 à 500.
407
Ibid, p. 502
408
F. PALAZZO, « La législation italienne sur les « repentis » : discipline, problèmes et perspectives », RSC 1986
p. 757
77
TITRE 2 : L’ENCOURAGEMENT PAR L’APPLICATION DE DISPOSITIONS
GÉNÉRALES AU DÉNONCIATEUR

167. Outre les dispositions établies pour un dénonciateur particulier, des dispositions générales
sont également applicables au dénonciateur. Celles-ci sont dites générales en ce qu’elles sont
applicables à tout dénonciateur. En effet, qu’il s’agisse du témoin, de la victime de l’infraction (partie
civile ou non), ou du tiers à celle-ci, celui qui porte des faits délictueux 409 à la connaissance des
autorités judiciaires est dénonciateur. Ainsi ce qui importe, c’est d’informer la justice d’un fait
susceptible de qualification pénale, et non la qualité que le dénonciateur peut acquérir ensuite dans la
procédure pénale.
168. Ces dispositions encouragent une nouvelle fois la dénonciation et la collaboration des
individus avec la justice pénale, car elles sont favorables à l’information des autorités judiciaires.
Néanmoins, qu’il soit témoin, victime de l’infraction ou tiers à celle-ci, le dénonciateur n’est pas
autorisé à révéler tout et n’importe quoi à la justice, ce qui paralyserait une collaboration efficace.
La collaboration des individus avec la justice est donc assurée à deux niveaux. D’abord, la
présence du dénonciateur est consacrée dans la procédure pénale, de nombreuses dispositions visant
à faciliter l’information des autorités par les citoyens (Chapitre 1). Ensuite afin de préserver
l’efficacité de la collaboration et sa qualité, la justice est protégée du mensonge sans distinction de la
personne qui dénonce (Chapitre 2).

Chapitre 1 : la présence consacrée du dénonciateur dans la procédure pénale

169. Les règles de la procédure pénale incitent à la dénonciation en facilitant l’information des
autorités judiciaires par les citoyens, sans tenir compte de leur qualité. Toutefois, la qualité du
dénonciateur dans la procédure pénale a un effet quant à la terminologie employée. En procédure
pénale, la dénonciation a une acception plus large que la plainte, bien que le législateur n’en donne
aucune définition410. Il faut les distinguer selon le déposant : la plainte est l’acte par lequel la personne
lésée par l’infraction porte le fait délictueux à la connaissance des autorités. Il s’agit donc d’une
variété de dénonciation, la plainte et la dénonciation étant très proches juridiquement car elles révèlent
un fait susceptible de qualification pénale 411 . En raison de ce but identique, il faut les examiner
conjointement, mais employer des termes distincts.

409
Ou bien celui qui appréhende l’auteur d’un crime ou délit flagrant pour le conduire aux autorités, art. 73 CPP.
410
E. BONIS, « Plainte et dénonciation », Rép. pén. 2018, §2
411
J.-F. GAYRAUD, La dénonciation, PUF, 1995, coll. « Politique d’aujourd’hui », p. 141
78
L’étude des dispositions générales applicables à toute personne informant les autorités
judiciaires d’un fait délictueux, démontre que l’incitation à la dénonciation se manifeste à deux
égards. D’abord, la souplesse des conditions de recevabilité des plaintes et dénonciations permet un
flux important d’informations vers les autorités compétentes (§1). Ensuite, les effets des plaintes et
dénonciations sont importants, ce qui stimule la révélation (§2).

§1 La souplesse des conditions de recevabilité des plaintes et dénonciations

170. La recevabilité des plaintes et dénonciations412 se caractérise par sa souplesse, car il s’agit de
préalables à la mise en mouvement de l’action publique413. Afin de faciliter le flux d’informations
vers les autorités compétentes et de ne pas poser d’obstacle à la dénonciation, le législateur a défini
souplement les conditions de forme et les conditions de fond de recevabilité.
En particulier, la recevabilité des plaintes et dénonciations n’est subordonnée à aucun
formalisme (A), et les conditions de fond tenant aux protagonistes sont largement définies (B).

A. Le principe de l’absence de formalisme des plaintes et dénonciations

171. Afin d’encourager le flux d’informations parvenant aux autorités, la recevabilité des plaintes
simples et dénonciations n’est soumise à aucun formalisme (1). Toutefois, la plainte avec constitution
de partie civile atténue légèrement ce principe (2).

1. L’absence de formalisme destinée à ne pas tarir la source d’information

172. L’information des autorités compétentes est essentielle pour la poursuite d’infractions, c’est
pourquoi « pratiquement l’ensemble de la réaction sociale contre le crime repose sur les déclarations
de certaines personnes relativement à la conduite de certaines autres414 ». Par conséquent, l’exigence
d’un écrit signé des art. 31 et 65 du Code de l’instruction criminelle a été supprimée par la pratique,
et le Code de procédure pénale n’a pas repris ces exigences de forme415.
Ainsi, la plainte simple ou la dénonciation peut être écrite ou orale, que la révélation provienne d’un
particulier ou d’un officier de police judiciaire tenu de porter à la connaissance du ministère public
les faits dont il a eu connaissance, conformément à l’art. 19 CPP416. Cette absence de formalisme sert

412
Pour une étude complète v. E. BONIS, « Plainte et dénonciation », Rép. pén. 2018, §10 à 104
413
Ibid, §10
414
J. SUSINI, « Un chapitre de la psychologie policière : la dénonciation », RSC 1964, p. 887
415
M.-L. RASSAT, Procédure pénale, 3ème éd., Ellipses 2017, §60
416
E. BONIS, op. cit., §81
79
l’effectivité de la répression puisque le législateur ne subordonne l’information des autorités, et donc
la dénonciation, à aucune condition de forme.
En revanche, la plainte avec constitution de partie civile paraît atténuer ce principe.

2. L’atténuation apparente du principe par la plainte avec constitution de partie


civile

173. La loi ne prévoit aucune règle de forme pour la plainte avec constitution de partie civile. Elle
peut se faire par lettre simple au juge d’instruction, par déclaration orale devant le juge ou l’officier
ou agent de police judiciaire qui dresse le procès-verbal, ou même par télécopie, par la victime elle-
même ou l’avocat la représentant417.
174. Toutefois, le plaignant doit avoir manifesté sans équivoque son intention de se constituer
partie civile418, et communiqué au juge d’instruction une adresse à laquelle les actes de la procédure
peuvent lui être notifiés. De plus, le plaignant doit déposer une consignation qui garantit le paiement
de l’amende civile pour constitution abusive ou dilatoire, sous peine d’irrecevabilité de sa plainte419.
Ces exigences atténuent la simplicité mise en lumière précédemment, ce qui limite possiblement
l’information des autorités. En réalité, ces conditions tiennent davantage à la nature particulière de
cette plainte (la victime demandant réparation et devenant partie au procès), qu’au fait que cette
plainte constitue un vecteur d'information420. En réalité, si une condition n’est pas satisfaite, la plainte
vaut plainte simple : dans tous les cas, les autorités seront informées du fait délictueux. Le principe
n’est atténué qu’en apparence.
Les conditions relatives aux acteurs entrant en jeu pour une plainte ou dénonciation incitent
également à informer les autorités judiciaires d'un fait délictueux.

B. La souplesse des conditions de fond tenant aux personnes concernées

175. Tout d’abord, le fait dénoncé doit simplement révéler un fait susceptible de qualification
pénale, et non son auteur 421 . Outre cette condition de fond, la faveur du législateur pour la

417
Ibid, §85
418
Cass. crim. 15 mai 2002, n°0183.337, Bull. crim. n°116, D. 2003. Somm. 29, obs. Pradel
419
Art. 88 CPP
420
Toutefois de façon exceptionnelle, la constitution de partie civile peut être subordonnée à la qualification juridique
des faits, en droit de la presse notamment. V. E. BONIS, « Plainte et dénonciation », Rép. pén. 2018, §99 et s.
421
Une plainte pouvant être déposée contre personne non dénommée, ou « contre X » dans le langage courant.

80
dénonciation se manifeste à l’étude des protagonistes des plaintes et dénonciations : il s’agit des
dépositaires (1), et des dénonciateurs (2).

1. La souplesse des conditions de fond relatives aux dépositaires

176. En premier lieu, les dépositaires des plaintes simples et dénonciations sont nombreux422, ce
qui encourage les particuliers à informer les autorités. De plus, si la plainte simple parvient à un
dépositaire non visé par la loi tel que le juge d’instruction, celui-ci doit transmettre la plainte au
procureur423 : la tâche du dénonciateur est donc simplifiée424.
En second lieu, des obligations à la charge des dépositaires veillent à rendre effectif le dépôt de plainte
ou de dénonciation, ce qui renforce également la collaboration des citoyens qui constatent que leur
signalement est pris au sérieux. Ainsi, la police judiciaire a une obligation de transmettre les plaintes
et dénonciations au parquet425, et de recevoir les plaintes et les transmettre au service compétent426.
Les conditions tenant au déposant du signalement sont également bienveillantes.

2. La souplesse des conditions de fond relatives aux dénonciateurs

177. Tout d’abord, la plainte ou la dénonciation ne requièrent pas la capacité juridique du


dénonciateur427. La loi permet donc à un grand nombre de déclarants de se manifester. Néanmoins, la
capacité juridique est requise pour se constituer partie civile, car il s’agit d’exercer une action en
justice afin d’obtenir réparation du dommage causé par l’infraction. En toute hypothèse, cette
condition de capacité ne constitue pas un obstacle à l’information de la justice de faits délictueux.
Elle sera informée des faits par une plainte simple, seulement le dénonciateur-victime ne pourra pas
exercer une action pour obtenir réparation du préjudice causé.

422
Le procureur de la République (art. 40 CPP), les officiers (art. 17 CPP) et les agents de police judiciaire (art. 20
CPP)
423
Art. 80 CPP
424
On peut également citer le service de pré-plainte en ligne, qui facilite également la démarche d’information, v. E.
BONIS, « Plainte et dénonciation », Rép. pén. 2018, §52
425
Art. 19 CPP
426
Art. 15-3 CPP
427
V. E. BONIS, op. cit., §14 à 16

81
178. De plus, alors que l’identité de la victime figure obligatoirement dans la plainte, la loi semble
admettre la dénonciation anonyme 428 . Au regard des risques procéduraux de l’anonymat 429 , le
législateur s’est saisi de l’anonymat du témoin pour des infractions déjà poursuivies430. En revanche,
l’anonymat du dénonciateur qui porte les faits à la connaissance des autorités ne fait l’objet d’aucun
texte431. La jurisprudence a admis la réception de la dénonciation anonyme par la police, mais elle en
a tiré des conséquences pour les pouvoirs d’enquête qui en découlent. En effet, la dénonciation
anonyme ne peut donner lieu à une enquête de flagrance432, faute de constituer un indice apparent
d’un comportement délictueux433 : elle ne constitue pas la vraisemblance nécessaire à l’ouverture
d’une telle enquête. Comme elle n’est pas vérifiable et ne peut être sanctionnée en cas d’abus, la
dénonciation anonyme est écartée car elle expose à un « risque de subjectivisme434 ». Cependant, elle
demeure essentielle pour informer les autorités : elle peut justifier l’ouverture d’une enquête
préliminaire, d’une information judiciaire par le parquet, ou encore d’une procédure extrapénale435.
À côté de la souplesse des conditions de recevabilité des plaintes et dénonciations, les effets
qui sont accordés à ces révélations stimulent également la dénonciation.

§2 L’importance des effets des plaintes et dénonciations

179. Les effets découlant de l’information des autorités par le dénonciateur lui permettent de
constater les effets concrets de sa révélation, et donc d’encourager les dénonciations. Ces effets
peuvent être constatés pour l’action publique (A) et le déroulement du procès pénal (B).

428
Ni l’art. 17 CPP ni l’art. 40 CPP ne subordonnent la réception de la dénonciation à l’identification du
dénonciateur.
429
Notamment pour les droits de la défense, le mis en cause ne pouvant être confronté à son dénonciateur.
430
Loi n°2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, créant les art. 706-57 et s. CPP
431
Malgré l’avant-projet du Code de procédure pénale suite à l’affaire d’Outreau, qui prévoyait de ne pas tenir
compte des dénonciations anonymes à moins que la nature, la gravité de l’affaire ou l’urgence ne le justifient. V. au
sujet de ce projet H. VLAMYNCK, « Première approche policière et pratique du projet de code de procédure pénale
», AJ Pénal 2010, p. 174
432
Cass. crim. 2 fév. 1988, Bull. crim. n°52, D. 1988, somm. p. 358
433
À l’inverse, la dénonciation par la victime constitue un indice apparent du fait délictueux. Ce qui revient à
confondre connaissance et apparence selon H. MATSOPOULOU, Les enquêtes de police, thèse 1994, sous la dir.
de B. Bouloc, Paris I, §154
434
B. BOULOC, « Les abus en matière de procédure pénale », RSC 1991, p. 221
435
E. BONIS, « Plainte et dénonciation », Rép. pén. 2018, §23

82
A. Les effets des plaintes simples et dénonciations sur l’action publique

180. Outre la faculté reconnue à la partie civile de mettre en mouvement l’action publique436, les
plaintes simples et dénonciations ont également un effet sur l’action publique. Bien qu’elles ne
contraignent pas le ministère public à poursuivre437, elles peuvent entraver momentanément la mise
en mouvement de l’action publique438 (1), et octroient au dénonciateur un rôle lors du classement sans
suite (2).

1. L’entrave momentanée résultant de l’exigence d’une plainte préalable

181. La loi peut subordonner la recevabilité de la poursuite à une plainte ou dénonciation préalable,
ou à une autorisation préalable439 : le procureur ne peut donc intenter motu proprio une poursuite qu’il
estime souhaitable 440 . Par exemple, une plainte préalable de la victime est requise en cas de
diffamation ou d’injure, ou en cas d’atteinte à l’intimité de la vie privée441, en raison des intérêts
privés en jeu. Les poursuites peuvent également dépendre de la plainte d’une administration,
notamment en matière fiscale442 ou douanière443. Enfin, l’autorité militaire dénonce au procureur de
la République les infractions militaires, et à défaut celui-ci doit demander préalablement à tout acte
de poursuite l’avis de cette autorité, hors délit flagrant444.
182. Ce faisant, l’action publique est momentanément entravée, le procureur ne peut pas
poursuivre, quand bien même il en aurait la volonté. La jurisprudence voit dans la nécessité d’obtenir
une plainte préalable une cause de suspension du délai de prescription de l’action publique445. Ainsi,
la plainte simple ou la dénonciation ont un effet majeur sur l’action publique : sans elles, point de
poursuites envisageables. Cela peut inciter à la dénonciation, car le dénonciateur n’est plus

436
La constitution de partie civile est un acte de poursuite qui interrompt la prescription de l’action publique. Ce
pouvoir concurrent au ministère public est incontesté par la jurisprudence depuis Cass. crim. 8 déc. 1906 « Laurent-
Atthalin », DP 1907. IR 207. C’est pourquoi cet aspect ne sera pas développé davantage.
437
V. art. 40 al. 1 CPP qui définit le principe d’opportunité des poursuites.
438
E. BONIS, « Plainte et dénonciation », Rép. pén. 2018, §108
439
C’est le cas pour l’immunité parlementaire notamment.
440
B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, Droit pénal général et procédure pénale, 21ème éd., Sirey 2018, coll. «
Intégral concours », §764
441
De manière non exhaustive, v. les art. 47 et s. loi du 29 juillet 1881 et art. 226-6 CP.
442
Art. L228 LPF
443
En matière de contrôle des changes par exemple, art. 458 C. douanes.
444
Art. 698-1 à 698-3 CPP
445
Cass. crim. 9 mai 1885, DP 1886. 1. 89

83
uniquement source d’information, il contribue aussi d’une certaine façon à déclencher les poursuites
pénales, si le ministère public décide de poursuivre l’infraction révélée.
Dans l’hypothèse contraire d’un classement sans suite, il est intéressant de relever que le
dénonciateur n’est pas dépourvu de toute influence sur l’action publique.

2. Le recours du dénonciateur contre la décision de classement sans suite

183. Conformément au principe de l’opportunité des poursuites, le procureur peut décider de


classer sans suite446. Il doit informer la victime qui a déposé plainte de cette décision, et des raisons
qui la justifient447. Ainsi, la victime a une connaissance précise des motifs ayant conduit au classement
sans suite de sa plainte, ce qui lui permet de mieux comprendre la décision et de ne pas avoir le
sentiment que son acte d’information était vain. Cependant, cette disposition ne vise que les «
plaignants et les victimes » et ne s’applique donc qu’à la plainte.
184. Le dénonciateur au sens large, comprenant le tiers à l’infraction, peut former un recours
auprès du procureur général contre la décision de classement sans suite, prise suite à sa
dénonciation 448 . Ce dernier pourra enjoindre le procureur d’engager les poursuites, ou informer
l’intéressé qu’il estime ce recours infondé. Selon certains auteurs, il s’agit d’admettre en partie un «
droit d’action populaire » au profit de personnes qui ne sont pas victimes de l’infraction449. En effet,
il est possible d’imaginer que le procureur général décide finalement que les poursuites sont
opportunes : dans ce cas, le recours du dénonciateur permet indirectement de mettre en mouvement
l’action publique. Il est donc doté d’un recours important, ce qui encourage sa dénonciation.
Après avoir étudié les effets des plaintes et dénonciations sur l’action publique, ces effets se
constatent encore sur le déroulement du procès pénal.

B. Les effets des plaintes et dénonciations sur le déroulement du procès pénal

185. Sur le fondement d’une plainte simple ou d’une dénonciation, le procureur de la République
peut requérir l’ouverture d’une instruction, et provoquer la saisine du juge d’instruction. De même,
la plainte avec constitution de partie civile saisit ce juge. Ces révélations produisent donc des effets
au regard des prérogatives du juge devant le juge d’instruction.

446
Art. 40-1 3° CPP
447
Art. 40-2 al. 2 CPP
448
Art. 40-3 CPP
449
J. LARGUIER et P. CONTE, Procédure pénale, 24ème éd., Dalloz 2016, coll. « Mémentos », p. 76 et J.
PRADEL, Procédure pénale, 19ème éd., Cujas 2017, coll. « Référence », §664

84
Toutefois, au stade de l’instruction les effets se prolongent uniquement pour la partie civile. Ainsi
avant qu’il ne prenne ses réquisitions, le procureur peut demander au juge d’instruction d’entendre la
partie civile, et l’inviter à produire toute pièce utile 450 . De plus, le juge d’instruction est tenu
d’informer sur les faits dont il est saisi451 : la saisine par la partie civile crée cette obligation à sa
charge. Enfin, la partie civile se voit informée des ordonnances de renvoi et de mise en accusation452,
et cette information a été étendue au profit de la victime ayant déposé une plainte simple, pour une
ordonnance de non-lieu devenue définitive453. Par conséquent, les effets au stade de l’instruction sont
particulièrement importants pour la partie civile devenue partie à l’instance, et sont rares pour la
victime ayant déposé une plainte simple voire inexistants pour le tiers à l’infraction qui l’aurait
dénoncée.
186. En revanche au stade du jugement, les effets de la dénonciation sont plus marqués, qu’elle
émane d’une victime ou d’un tiers à l’infraction. En effet, la personne qui a porté les faits poursuivis
à la connaissance de la justice est entendue comme témoin454, qu’elle ait été obligée de dénoncer ou
que la dénonciation résulte de son initiative. Cela permet au dénonciateur de mesurer la portée
concrète de son acte d’information, et comme le témoignage précis comporte toujours un « germe de
dénonciation455 », des sanctions existent à l’encontre du témoin récalcitrant456. De même, la partie
civile doit comparaître devant la juridiction quand elle est régulièrement citée. Si elle manque à cette
obligation, il en résulte une présomption simple de désistement457.
Par sa présence à l’audience, le dénonciateur constate que son signalement est pris au sérieux et qu’il
constitue potentiellement la clé de voûte de l’accusation. Il prend ainsi conscience de l’importance de
son acte de dénonciation, et cela peut encourager d’autres citoyens à adopter le même comportement.

187. Par ailleurs, cette présence permet également de prendre pleinement conscience de l’impact
de sa dénonciation sur le mis en cause, ce qui responsabilise le dénonciateur. Le fait que la
dénonciation puisse être réprimée conforte cette idée, et participe à une collaboration efficace entre
citoyens et justice.

450
Art. 86 al. 3 CPP
451
Cass. crim. 18 juill. 1991, n°90-86.639
452
Art. 183 al. 1 CPP
453
Art. 183-1 CPP
454
Devant le tribunal correctionnel art. 451 al. 1 CPP et devant la Cour d’assises, art. 337 al. 1 CPP.
455
J.-F. GAYRAUD, La dénonciation, PUF, 1995, coll. « Politique d’aujourd’hui », p. 159
456
Les refus de témoigner des art. 109 CPP, art. 434-12 CP pour celui ayant déclaré publiquement connaître l’identité
d’un auteur d’un crime ou délit, ou encore de l’art. 434-11 CP pour le témoignage en faveur d’un innocent détenu
ou jugé.
457
Art. 425 al. 1 CPP

85
Chapitre 2 : les limites à la dénonciation assurant la qualité de la collaboration

188. La collaboration entre les citoyens et la justice est assurée en premier lieu par la protection
du dénonciateur, à travers l’aggravation de la répression des infractions dont il pourrait être victime458,
ou des dispositions procédurales 459 . Mais afin d’être fructueuse, cette collaboration suppose
également la protection de l’institution judiciaire, qui ne doit pas être sollicitée de façon intempestive.
Si elle est contraire à la vérité, la dénonciation constitue un danger tant pour la personne visée, que
pour la société 460 . Par conséquent, le législateur a institué des sanctions spécifiques visant la
dénonciation 461 , afin que le dénonciateur engage par son acte son crédit et son sérieux. Elles
garantissent une collaboration efficace de la justice avec les particuliers, en s’appliquant à tout
dénonciateur.
Cette protection de l’institution judiciaire se manifeste à deux égards, qui ont pour
dénominateur commun le mensonge ce qui assure la qualité de la collaboration. En premier lieu, la
réforme du Code pénal a instauré le délit de dénonciation mensongère, qui vise à réprimer
spécialement l’atteinte au respect dû à la justice462 (§1). En second lieu, la protection de l’individu
dénoncé conduit incidemment à protéger l’institution judiciaire, comme le démontre la dénonciation
calomnieuse (§2).

§1 La protection principale de l’institution judiciaire par le biais de la dénonciation


mensongère

189. L’article 434-26 du Code pénal réprime « le fait de dénoncer mensongèrement à l'autorité
judiciaire ou administrative des faits constitutifs d'un crime ou d'un délit qui ont exposé les autorités

458
Pour une infraction commise contre le témoin, la victime ou la partie civile « soit pour l'empêcher de dénoncer
les faits, de porter plainte ou de déposer en justice, soit en raison de sa dénonciation ou de sa plainte, soit à cause de
sa déposition devant une juridiction nationale ou devant la Cour pénale internationale ». Par ex. art. 222-8, art. 322-
3 CP
459
Ainsi, le gardé à vue ne dispose pas d’un accès direct au dossier durant la phase policière, car cela « pourrait faire
courir un risque de mise en danger de la victime ou de la personne ayant dénoncé les infractions dès lors que la
personne gardée à vue pourrait consulter elle-même son dossier et donc avertir des tiers du contenu du dossier ». C.
UNTERMAIER, Rapport n°1895, Commission des lois de l’Assemblée Nationale, 29 avril 2014, p. 71
460
J.-F. GAYRAUD, La dénonciation, PUF 1995, coll. « Politique d’aujourd’hui », p. 145
461
Il est également envisageable de réprimer de telles déclarations sous les qualifications d’outrage ou d’injure.
462
Auparavant, la dénonciation de faits imaginaires exposant les autorités à d’inutiles recherches était réprimée par
le relais de l’outrage à l’autorité publique, Cass. crim. 8 juill. 1948, Bull. crim. n°188. La protection de l’institution
judiciaire était donc assurée par le biais de ses agents. V. Y. MAYAUD, « Dénonciation mensongère », Rép. pén.
2016, §16, pour qui la création de cette incrimination autonome a répondu à un réel besoin.

86
judiciaires à d'inutiles recherches ». Selon sa place dans le Code, il s’agit d’un délit contre l’État, et
plus particulièrement d’un délit contre l’autorité de la justice et le respect qui lui est dû. L’enjeu est
donc exclusivement institutionnel, et le droit comparé démontre qu’il existe une communauté de vues
quant à cet objectif de protection de la justice463.
190. En son élément matériel, ce délit requiert une dénonciation aux autorités administratives ou
judiciaires d’un crime ou d’un délit imaginaire, qui expose les autorités judiciaires à d’inutiles
recherches. L’élément moral suppose quant à lui la connaissance de l’inexistence des faits dénoncés,
et la volonté de dénoncer malgré tout464.
La justice est ainsi protégée d’une dénonciation particulière (A), qui expose l’institution à des
conséquences indésirables (B).

A. La répression d’une dénonciation particulière

191. Le législateur incrimine la dénonciation car elle est abusive. Ainsi, s’il s’agit classiquement
d’une dénonciation aux autorités (1), mais elle porte singulièrement sur des faits imaginaires (2).

1. Une dénonciation aux autorités

192. Toute dénonciation, quelle que soit sa forme ou son destinataire, entre dans les prévisions de
l’art. 434-26 faute de précision supplémentaire du texte465. Le champ de l’incrimination est donc
large, c’est pourquoi la jurisprudence a indiqué que la dénonciation doit être spontanée466. Cela permet
d’écarter toute dénonciation consécutive à une obligation légale, ce qui paralyserait la collaboration
des citoyens avec la justice : seule est réprimée la dénonciation résultant d’une initiative personnelle.
Par ailleurs, l’auteur de la dénonciation est celui qui alerte l’autorité, peu importe sa qualité de
victime, témoin, ou tiers à l’infraction. De nombreuses dénonciations peuvent donc tomber sous le
coup de l’art. 434-26, ce qui garantit une collaboration de qualité avec la justice.

463
Les Pays-Bas, la Suisse, l’Allemagne, le Canada ou encore le Royaume-Uni ayant un dispositif semblable, v. V.
DELBOS, « Outrage », Rép. pén. 2013, m.à.j. 2018, §139 à 145
464
V. A.-G. ROBERT, « Art. 434-26 - Fasc. 20 : Dénonciation d’une infraction imaginaire », JCl. Pénal 2018
465
Ibid, §12 à 14
466
Cette exigence avait été établie à propos du délit d’outrage à personne dépositaire de l’autorité publique, Cass.
crim. 13 mai 1971, Bull. crim. n°159. Elle n’a pas été remise en cause depuis, v. par ex. CA Lyon 20 juill. 2012
n°12/388, AJ Pénal 2012, p. 548 obs. S. Lavric

87
193. Dans le même esprit, la ratio legis de l’infraction se manifeste au travers du destinataire de la
dénonciation. Seules l’autorité judiciaire ou l’administration 467 peuvent être destinataires de cette
dénonciation.
Toutefois, afin d’être incriminée, la dénonciation faite aux autorités doit avoir un objet
particulier.

2. Une dénonciation d’un crime ou délit imaginaire

194. L’objet de la dénonciation est au cœur de cette incrimination : il s’agit de dénoncer un crime
ou un délit 468 imaginaire. Ce n’est pas tant la dénonciation qui est mensongère, que les faits
constitutifs de l’infraction dénoncée qui ne sont pas réels469. En effet, un fait peut être mensonger tout
en étant réel (par exemple, une infraction dénoncée dont l’auteur désigné n’est pas le bon). En
indiquant « le fait de dénoncer mensongèrement », le législateur définit d’une même formule
l’élément matériel et l’élément moral de cette infraction intentionnelle 470 . Il faut donc démontrer
l’inexistence de l’infraction dénoncée, et la connaissance par le dénonciateur de cette inexistence.
195. Seule la dénonciation qui importune la justice est réprimée, et non celle qui permet la
poursuite d’infractions. Ainsi, la dénonciation mensongère d’une circonstance aggravante d’une
infraction réelle ne tombe pas sous le coup de l’art. 434-26 471 , ce qui est conforme au principe
d’interprétation stricte de la loi pénale 472 . En revanche, le délit est caractérisé quand bien même
l’agent aurait menti pour échapper à d’éventuelles poursuites 473 . Les mobiles sont classiquement
indifférents, l’autorité de la justice est ainsi garantie.
Enfin, la preuve de la fausseté de l’infraction dénoncée est facilitée, car elle n’exige pas une décision
judiciaire définitive, comme pour la dénonciation calomnieuse. Une simple décision de classement

467
L’administration ayant une obligation de dénoncer conformément à l’art. 40 CPP, elle est tenue de transmettre
ensuite le signalement aux autorités judiciaires.
468
La dénonciation est donc ciblée et tient compte de la qualification juridique du fait ce qui exclut les
contraventions, Y. MAYAUD, « Dénonciation mensongère », Rép. pén. 2016, §12 à 17
469
La Cour de cassation employant elle-même les termes d’« infraction imaginaire », Cass. crim. 30 mars 2016 n°15-
81.660
470
A.-G. ROBERT, « Art. 434-26 - Fasc. 20 : Dénonciation d’une infraction imaginaire », JCl. Pénal 2018, §34
471
Cass. crim. 20 déc. 2996 n°06-80.006, Bull. crim. n°323, Dr. pén. 2007, comm. 30, note M. Véron, AJ Pénal
2007 p. 134, obs. C. Saas. Pourtant, la plaignante avait menti afin de bénéficier de son assurance : ne peut-on pas y
voir une atteinte à l’autorité de la justice ?
472
Le texte portant uniquement sur « des faits constitutifs d’un crime ou d’un délit », ce qui suppose que l’infraction
soit constituée avant d’être aggravée. Ainsi, l’art. 113-1 CP se référant également aux « faits constitutifs » ne trouve
à s’appliquer qu’aux éléments constitutifs entendus largement, et non à la circonstance aggravante.
473
Cass. crim. 13 mai 1971 Bull. crim. n°159, JCP G 1971, II, 16844, Gaz. Pal. 1971, 2, p. 531, RSC 1971 p. 933,
obs. A. Vitu

88
sans suite suffit474, mais les juges devront quand même apprécier la pertinence des accusations475.
Ainsi, la fausseté étant admise de façon plus aisée que la fausseté de la dénonciation calomnieuse476,
la protection de l’institution judiciaire paraît satisfaisante.
Cependant, la dénonciation mensongère ne se suffit pas à elle seule. Afin d’être réprimée, elle
doit avoir exposé la justice à des conséquences indésirables.

B. La répression d’une dénonciation exposant l’autorité judiciaire à d’inutiles


recherches

196. Finalement, la dénonciation n’est punissable que si elle a exposé les autorités judiciaires, et
elles seules477, à d’inutiles recherches. La justice ne peut mener d’investigations sans raison : elle est
protégée en elle-même, sans le relais personnalisé qui existait avec l’outrage478. La simple exposition
à d’inutiles recherches satisfait l’élément matériel : ainsi, il importe peu que les recherches n’aient
pas été effectivement entreprises 479 . L’approche retenue est donc « plus virtuelle que réelle, plus
synonyme de risque ou de potentialité, que d’effectivité et de certitude établie480 ». Le délit de l’art.
434-26 pouvant être retenu aisément, l’incrimination paraît dissuader toute dénonciation
intempestive.
197. Néanmoins, certains pointent le manque d’enthousiasme et de condamnations que suscite
cette infraction d’intérêt général481. En effet, la peine encourue de 6 mois d’emprisonnement et de
7500€ d’amende est faible, car elle ne représente que la moitié de celle encourue pour outrage à
magistrat482. De même, l’action civile d’un agent du Trésor n’est pas admise483 : on protège donc
l’institution judiciaire mais non les frais qu’elle peut engager. La protection de l’institution paraît
donc incomplète, mais cela s’explique par le fait que la justice est un service public. Les

474
Cass. crim. 10 oct. 2000 n°00-80.042 Dr. pén. 2001, comm. 2, obs. M. Véron
475
Cass. crim. 30 mars 2016 n°15-81.660, 951, Dr. pén. 2016, comm. 125, comm. P. Conte
476
Ce qui s’explique par l’inexistence du souci de cohérence des instances, contrairement à la dénonciation
calomnieuse. Y. MAYAUD, « Dénonciation mensongère », Rép. pén. 2016, §26
477
Cela s’explique par l’objet de la dénonciation, qui ne porte que sur les infractions pénales. Partant,
l’administration n’agit qu’à titre de relais en application de l’art. 40 CPP et seuls sont concernés la police judiciaire,
le parquet et les juridictions répressives. V. Y. MAYAUD, op. cit., §21
478
V. Cass. crim. 8 juill. 1948, Bull. crim. n°188, préc.
479
Cass. crim. 18 oct. 2016, n°16-80.579, D. actu. 10 nov. 2016 obs. Goetz, RSC 2016. 755 obs. Mayaud, Gaz. Pal.
24 janv. 2017, p. 54, obs. Dreyer
480
De nombreuses poursuites et condamnations témoignant de la propension de certains citoyens à mentir, allant
jusqu’à perturber les institutions. V. Y. MAYAUD, « Dénonciation mensongère », Rép. pén. 2016, §23
481
Seules 1 494 peines ont été prononcées en 2010, V. DELBOS, « Outrage », Rép. pén. 2013, m.à.j. 2018, §147
482
Art. 434-24 CP
483
Cass. crim. 20 janv. 2009 n°08-82.357, Bull. crim. n°17, AJ Pénal 2009. 183, obs. C. Duparc

89
considérations pécuniaires ne doivent pas entrer en ligne de compte lorsqu’il s’agit de rechercher la
vérité judiciaire.
198. Finalement, le cumul traditionnellement admis avec la dénonciation calomnieuse484, lorsque
l’auteur de l’infraction imaginaire est identifiable, pourrait ne plus l’être à l’avenir si les faits «
procèdent de manière indissociable d’une action unique caractérisée par une seule intention
coupable485 ». Or, il se pourrait dans ce cas que la dénonciation mensongère soit absorbée par le délit
de dénonciation calomnieuse, car elle en constitue l’infraction-moyen486.
Ainsi, cette infraction ne paraît pas se suffire à elle-même pour protéger l’institution
judiciaire. Les infractions protégeant le dénoncé viennent compléter cette protection, afin d’assurer
la qualité de la collaboration entre citoyens et justice.

§2 La protection secondaire de l’institution judiciaire par le biais de la dénonciation


calomnieuse

199. L’institution judiciaire et la collaboration entre justice et individus est également assurée de
façon incidente par le biais de dispositions civiles ou pénales qui protègent à titre principal le dénoncé.
Sur le plan civil, le dénonciateur peut se voir infliger une amende pour dénonciation téméraire487. Sur
le plan pénal, le législateur a réprimé spécifiquement la dénonciation calomnieuse, qui implique
l’intention de nuire à la personne désignée488. L’art. 226-10 al. 1 dispose ainsi « La dénonciation,
effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d’un fait qui est de nature à
entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l’on sait totalement ou
partiellement inexact, lorsqu’elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative
ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d’y donner suite ou de saisir l’autorité compétente,
soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l’employeur de la personne dénoncée est punie de cinq ans
d’emprisonnement et de 45 000€ d’amende ».

484
Cass. crim. 8 juill. 1997 n°96-82.536
485
Cass. crim. 24 janv. 2018 n°16-83.045, Dr pén. 2018, comm. 60, note P. Conte, AJ Pénal 2018 p. 196, note E.
Clément, Gaz. Pal. 13 mars 2018, n°10, p. 22, note R. Mésa. L’une des infractions en jeu en l’espèce était justement
la dénonciation mensongère.
486
A.-G. ROBERT, « Art. 434-26 - Fasc. 20 : Dénonciation d’une infraction imaginaire », JCl. Pénal 2018, §60
487
Art. 91, 472 et 516 CPP. Cette dénonciation peut n’être qu’imprudente contrairement à la dénonciation
calomnieuse, V. Y. MAYAUD, « Dénonciation téméraire », Rép. pén. 2016
488
Ainsi, les valeurs protégées étant distinctes, le cumul de qualifications était admis avec la dénonciation téméraire,
Cass. crim. 22 sept. 2015, n°14-84.029, D. actu. 6 oct. 2015, obs. S. Lavric, RSC 2016. 63, obs. Mayaud

90
Initialement, le délit de dénonciation calomnieuse avait pour fondement la protection de la
considération de la justice, ce qui le rapprochait de la dénonciation mensongère489. Désormais, il s’agit
davantage de protéger la personne dénoncée, que l’institution judiciaire490.
Pour autant, la dénonciation calomnieuse garantit également une collaboration efficace des
individus avec la justice, en réprimant celui qui se servirait de la justice comme d’un instrument pour
nuire à autrui. La garantie d'une collaboration saine par l’article 226-10 du Code pénal se manifeste
à l’égard de la double destination de la dénonciation (A), et du mensonge qu’elle comporte (B).

A. La répression de la dénonciation à raison de sa double destination

200. La dénonciation calomnieuse suppose une double destination qui permet notamment de
prévenir tout recours intempestif à la justice pénale. Ainsi, elle doit être adressée à des dépositaires
définis (1), et doit être destinée à produire une sanction (2).

1. La destination institutionnelle491 de la dénonciation

201. À l’instar de la dénonciation mensongère, la dénonciation de l’art. 226-10 doit être


spontanée 492 . La jurisprudence s’assure ainsi le concours de citoyens soumis à une obligation de
dénoncer, mais consacre également leur impunité, quand bien même ils seraient animés d’une
intention de nuire à autrui493. Par ailleurs, la dénonciation peut être faite par « tout moyen », mais elle
doit désigner une personne déterminée car il s’agit de protéger l’atteinte à la personnalité de celle-
ci494.
202. Toutefois, la dénonciation de l’art. 226-10 protège également l’institution judiciaire de façon
incidente. En effet, elle est incriminée en raison de sa destination institutionnelle. Les autorités

489
A. LEPAGE, « La dénonciation calomnieuse, une infraction entre diffamation et dénonciation mensongère », in
M. BEHAR-TOUCHAIS, La dénonciation en droit privé, Economica 2010, p. 159
490
Comme l’atteste la place de l’art. 226-10 dans le Code pénal, au Titre II du Livre II « Des atteintes à la personne
humaine », dans le Chapitre IV « Des atteintes à la personnalité ».
491
Pour les expressions de « destination institutionnelle » et « destination punitive » v. Y. MAYAUD, « Dénonciation
calomnieuse », Rép. pén. 2016, §55 à 84
492
C’est également la jurisprudence qui a établi cette exigence, Cass. crim. 16 juin 1988, n°87-85.432, Bull. crim.
n°275, RSC 1989. 509, obs. Levasseur
493
V. Cass. crim. 3 févr. 1998, n°96-82.665, D. 1998. 443, note Gassin. R. GASSIN considère que la Chambre
criminelle y consacre les « intouchables », en permettant à tout débiteur de l’art. 40 al. 2 CPP, et plus largement à
tout débiteur d’une obligation de dénoncer, d’échapper aux poursuites pour dénonciation calomnieuse faute de
spontanéité.
494
V. Y. MAYAUD, « Dénonciation calomnieuse », Rép. pén. 2016, §50 à 54

91
destinataires de la dénonciation sont nombreuses, elles peuvent être publiques ou privées,
conformément à la valeur protégée par l’incrimination495. Mais si elle est adressée à un officier de
justice, de police, ou à une autorité pouvant y donner suite ou saisir l’autorité compétente, la
dénonciation calomnieuse peut porter atteinte à l’action de la justice. Ces autorités supposent que le
dénonciateur leur révèle une infraction pénale inexistante, et de façon intentionnelle, mais l’art. 226-
10 n’est pas limité à ces hypothèses496. Par conséquent dans une certaine mesure, la dénonciation
calomnieuse vise à garantir la collaboration entre les particuliers et la justice, lorsque le dénonciateur
révèle une infraction pénale fausse.
Cette définition des destinataires de l’art. 226-10 est conforme à la destination punitive de la
dénonciation incriminée, qui permet également de considérer que la disposition protège l’institution
judiciaire.

2. La destination punitive de la dénonciation

203. La dénonciation calomnieuse suppose que soit dénoncé un « fait qui est de nature à entraîner
des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires ». La trilogie couvre a priori toutes les
sanctions possibles 497 , la sanction pénale constitue donc une des modalités de sanction pouvant
tomber sous le coup de l’art. 226-10. Il semble que le délit doive être retenu lorsque les faits rejoignent
une qualification établie, peu importe que les éléments constitutifs ne soient pas réunis. À l’inverse,
si les faits dénoncés ne correspondent à aucune qualification, alors la dénonciation ne pourrait être
poursuivie498. Ainsi, la jurisprudence considère que lorsque les faits dénoncés ne sont pas de nature à
entraîner une sanction contre le dénoncé, la dénonciation est dépourvue de portée punitive499.
204. Finalement, le fait de dénoncer un fait inexact à la justice dans le but d’entraîner des sanctions
judiciaires pour le dénoncé, protège la justice des dénonciations intempestives. Dans son volet «
sanctions judiciaires », la dénonciation calomnieuse a un effet dissuasif qui garantit la qualité de la
collaboration des citoyens avec la justice.
Cette collaboration est assurée en dernier lieu par l’objet de la dénonciation : il s’agit
incidemment de protéger la justice de la dénonciation d’une calomnie.

495
L’art. 226-10 CP énonce « […] officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité
ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l'employeur
de la personne dénoncée […] ».
496
La dénonciation pouvant également être adressée aux supérieurs hiérarchiques, à une administration…
497
Y. MAYAUD, « Dénonciation calomnieuse », Rép. pén. 2016, §60
498
Ibid, §61
499
V. Cass. crim. 19 juin 2012, n°11-85.324, Bull. crim. n°150, D. actu., 18 juill. 2012, obs. Bombled ; D. 2012.
2084, note Detraz ; Gaz. Pal. 2012. 2. 2712, note Dreyer. En l’espèce, le dénoncé était un mineur de 10 ans qui ne
pouvait faire l’objet d’une sanction éducative ou d’une peine, conformément à l’art. 2 de l’ordonnance du 2 févr.
1945.
92
B. La répression de la dénonciation à raison de son objet

205. L’art. 226-10 sanctionne la dénonciation car elle génère de l’injustice pour le dénoncé, en
raison de la fausseté des faits faisant l'objet de la dénonciation. À titre principal, il s’agit d’éviter au
dénoncé une procédure punitive indue. Néanmoins il s’agit incidemment d’éviter à la justice une perte
de temps. Contrairement à la dénonciation mensongère, il n’est pas requis que la dénonciation ait
exposé les autorités judiciaires à d’inutiles recherches. Ainsi, le simple mensonge de nature à entraîner
une sanction est réprimé, ce qui facilite la constitution de l’élément matériel du délit.
De plus ce délit étant intentionnel, le législateur réprime la volonté de mentir aux autorités judiciaires,
car la connaissance de la fausseté s’apprécie au jour où la dénonciation est portée aux autorités
compétentes500. Il est donc possible de voir dans ce délit la prévention d’atteintes au respect dû à la
justice, ce que conforte son fondement initial de protection de la considération de la justice501.
206. La fausseté de l’objet de la dénonciation semble donc aisée à retenir, et le régime de preuve
institué facilite davantage sa caractérisation lorsque la dénonciation porte sur une infraction pénale.
En effet, le législateur a institué une présomption de fausseté à l’art. 226-10 al. 2, complétée par une
preuve par appréciation à l’al. 3 du même article. Par conséquent, la dénonciation calomnieuse a un
effet dissuasif à l’encontre du dénonciateur d’une infraction pénale qui importune la justice en s’en
servant pour nuire à autrui.
Ainsi en son alinéa 2, l’art. 226-10 dispose que « la fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement
de la décision, devenue définitive, d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n'a
pas été commis502 ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée. ». Cette présomption
ne trouve à s’appliquer qu’aux décisions judiciaires : les décisions administratives ou disciplinaires
relèvent de la preuve par appréciation de l’alinéa 3. La preuve de la fausseté est donc facilitée lorsque
la dénonciation du fait inexistant porte sur une infraction pénale, exception faite des décisions de
classement sans suite503. Cette présomption d’inexactitude ne peut être renversée par le défendeur :
elle facilite grandement la tâche probatoire de l’accusation ce qui implique un effet dissuasif
considérable de l’infraction, mais il s’agit vraisemblablement d’une présomption de culpabilité

500
Cass. crim. 7 juin 2005, n°03-86.640, Bull. crim. n°171, Dr. pénal 2005. 156, obs. M. Véron, RSC 2005. 849,
obs. Mayaud, Gaz. Pal. 2006. 1. Somm. 526, note Monnet
501
A. LEPAGE, « La dénonciation calomnieuse, une infraction entre diffamation et dénonciation mensongère », in
M. BEHAR-TOUCHAIS, La dénonciation en droit privé, Economica 2010, p. 159
502
Avant une réforme par la loi n°2010-769 du 9 juillet 2010, il suffisait que la réalité du fait ne soit pas établie.
503
Cass. crim. 12 oct. 2010, n°10-80.157, Bull. crim. n°154, D. 2010. 2706, Gaz. Pal. 2011. 1, p. 261, note Detraz,
RSC 2011. 93, obs. Mayaud

93
irréfragable. La Cour de cassation a récemment refusé de transmettre une QPC sur ce point, sans
s’exprimer sur le caractère de cette présomption504.
En dehors des cas où la présomption est applicable, la preuve par appréciation est possible. Dans
notre hypothèse, peuvent par exemple faire l’objet de cette appréciation505 un fait dénoncé qui ne
constitue pas une infraction pénale, le fait dénoncé constituant une infraction pénale mais non
poursuivi ou classé sans suite, le fait dénoncé constitutif d’une infraction poursuivi mais qui fait
l’objet d’une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement en dehors des conditions légales pour valoir
présomption de fausseté506… Dans ce cas, le ministère public doit établir que les faits rapportés ne
sont pas en adéquation avec la réalité, et afin de se forger une opinion, le juge ne peut
vraisemblablement pas s’appuyer sur une décision n’entrant pas dans les prévisions de l’alinéa 2. La
Cour de cassation a en effet rejeté la passerelle qui pouvait être formée entre les alinéas 2 et 3507.
Par conséquent, la justice est protégée incidemment de toute dénonciation portant sur une
calomnie, et le régime de preuve complexe institué à l’art. 226-10 facilite la preuve de la fausseté du
fait dénoncé, lorsque la dénonciation porte sur une infraction pénale. Tout ceci favorise une
collaboration de qualité entre individus et justice.

504
V. P. CONTE, « Dénonciation calomnieuse : l’article 226-10 comporte-t-il une présomption de culpabilité ? »
RPDP 2015, n°1, p. 129 et s.
505
Y. MAYAUD, « Dénonciation calomnieuse », Rép. pén. 2016, §134 à 148
506
Cass. crim. 11 juill. 2017, n°16-83.932, D. actu. 4 sept. 2017, obs. S. Lavric, pour une décision de non-lieu fondée
sur d’autres motifs que l’absence de commission des faits ou de leur imputabilité à la personne dénoncée.
507
P. CONTE, « Dénonciation calomnieuse : l’appréciation de la « pertinence » des accusations », à propos de Cass.
crim. 9 déc. 2014 n°13-83.679, RPDP 2015 n°1, p. 133
94
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE

207. Finalement, la dénonciation en matière pénale est également favorisée lorsqu’elle n’est
qu’une faculté, incitant à la collaboration des individus avec la justice pénale.
En premier lieu le législateur a introduit, pour des raisons d’opportunité, des dispositions particulières
visant des dénonciateurs précis. L’encouragement à la dénonciation paraît effectif pour les lanceurs
d’alerte, bien qu’une véritable culture de l’alerte doive encore se mettre en place. En revanche, la
conclusion est plutôt négative pour les repentis dont le régime juridique est peu satisfaisant, alors
même que la récompense offerte à leur dénonciation est alléchante.
En second lieu, la collaboration entre individus et justice pénale est incitée plus largement par des
dispositions générales qui s’appliquent, indépendamment de la qualité du dénonciateur, dans la
procédure pénale. Ainsi, la souplesse des conditions de recevabilité et l’importance des effets
accordés aux plaintes et dénonciations, permettent de garantir le flux d’informations vers les autorités
judiciaires. De plus, ces dispositions générales garantissent également la qualité de la collaboration
entre individus et justice pénale, en sanctionnant la dénonciation résultant d’un mensonge.

95
CONCLUSION

208. Loin de l’idée négative accolée à la dénonciation 508 , le droit pénal français reconnaît et
encourage ce mode d’information des autorités judiciaires. Cette stimulation passe par deux canaux :
la dénonciation obligée, et la dénonciation encouragée.
La première, rattachée à des infractions déterminées ou des victimes définies, illustre le fait que la
dénonciation est un acte de solidarité et de civisme, et qu’elle ne rompt pas le pacte social mais le
renforce509. La seconde quant à elle ne vise pas toujours à protéger les personnes, et est instaurée
lorsqu’une obligation de dénoncer ne peut l’être.
209. Aux termes de ces développements, il est possible d’affirmer que le droit pénal tend
progressivement à encourager la dénonciation, afin de stimuler le flux d’informations vers le
procureur de la République et d’associer davantage les citoyens à l’œuvre de la justice pénale. Son
approbation se manifeste graduellement : d’abord, les obligations de dénoncer voient leur champ
d’application s’étendre, et il faut circonscrire cet élan avant qu’il ne donne lieu aux pires dérives510.
Puis, le droit pénal instaure des dispositions spécifiques visant à encourager certains individus à
dénoncer, lorsqu’ils se trouvent au cœur d’un système contre lequel ils détiennent des informations
privilégiées. Enfin, la dénonciation est encouragée par le biais de dispositions applicables à toute
personne qui informe les autorités judiciaires d’un fait délictueux, d’autres dispositions permettant
également de garantir la qualité de la dénonciation en réprimant le mensonge. De manière étonnante,
seuls les fonctionnaires résistent à ce mouvement de collaboration croissante, alors même qu’ils sont
les seuls dépositaires d’une obligation générale.
210. Finalement, cette étude donne le sentiment que la notion manque de lisibilité. Les dispositions
obligeant les citoyens à dénoncer sont sporadiques, de même que celles qui les encouragent. La loi et
le juge semblent uniquement guidés par l’opportunité et l’utilitarisme. Pour autant, l’absence de
disposition générale obligeant à dénoncer garantit un système libéral. La dénonciation permanente et
systématique tend à une totale transparence du corps social, et aboutirait à un « rêve panoptique
liberticide511 ». Le défaut de lisibilité de la notion s’explique donc par son essence même : perçue
comme une trahison, la dénonciation ne doit être imposée que lorsqu’elle est vraiment utile.

508
Ce sentiment de nuisance accolé à la dénonciation étant conforté par l’Histoire, de l’Inquisition à la Terreur, en
passant par les delatores et l’Occupation.
509
J.-F. GAYRAUD, La dénonciation, PUF 1995, coll. « Politique d’aujourd’hui », p. 278
510
Notamment les dérives au nom de la protection de l’État amorcées en matière de crime terroriste, sachant que
toute dérogation introduite en matière de criminalité organisée a vocation à s’étendre in fine au droit commun.
511
J.-F. GAYRAUD, op. cit., p. 279
96
Cependant, les hypothèses étudiées permettent de douter de l’utilité systématique de la dénonciation.
Il est donc possible de se demander jusqu’où ira ce mouvement d’incitation. Certes, l’information est
l’oxygène de tout système répressif, mais il pourrait être judicieux de tenter de redonner une
cohérence d’ensemble à la dénonciation, en la limitant aux hypothèses strictement nécessaires telles
que la protection de l’intégrité physique des individus. De plus, modifier les dispositions afin de faire
des citoyens des auxiliaires de la justice est illusoire512. Lorsque l’État se fait initiateur du devoir
civique, il est à craindre qu’il se retrouve être le seul bavard513.
211. Néanmoins, il ne faut pas omettre que le droit de la dénonciation peut difficilement être séparé
du substratum philosophique et politique sur lequel repose l’organisation de l’État514. Or dans une
société réclamant toujours plus de sécurité515, il est difficilement concevable que le développement
de la collaboration des individus avec la justice par le biais des dénonciations s’arrête en si bon
chemin. Ceci paraît d’autant plus redoutable que l’efficacité de la procédure est prônée à tout prix
afin d’optimiser la répression, comme l’illustre encore l’adoption de la Loi programmation de la
justice516.

512
On pense notamment à la suppression de l’immunité familiale pour l’art. 434-2 CP.
513
En ce sens, J. SUSINI, « Un chapitre de la psychologie policière - la dénonciation », RSC 1964, p. 887
514
A. VITU, « La collaboration des personnes privées à l’administration de la justice criminelle française », RSC
1956, p. 675
515
Selon l’enquête « Victimation 2016 et perceptions de la sécurité » de l’ONDRP, 21% des individus interrogés
déclarent se sentir en insécurité dans leur quartier ou village, le terrorisme devenant le problème le plus préoccupant
de la société pour 32% des sondés. V. p. 97.
516
Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice
97
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103
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Articles de mélanges

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l’honneur du Professeur Jacques-Henri Robert, LexisNexis 2012, p. 31

104
DARSONVILLE A., « La famille, instrument de politique criminelle », in Entre tradition et
modernité : le droit pénal en contrepoint - Mélanges en l’honneur d’Yves Mayaud, Dalloz 2016, p.
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LOCHAK D., « La dénonciation, stade suprême ou perversion de la démocratie » in Mélanges du


président Braibant, Dalloz 1996, p. 451

LUCIANI-MIEN D., « La lutte contre le blanchiment de capitaux et le secret professionnel de


l’avocat : étude autour d’une dissonance », in Entre tradition et modernité : le droit pénal en
contrepoint - Mélanges en l’honneur d’Yves Mayaud, Dalloz 2016, p. 413

PRADEL J., « Procédure pénale et morale », in Entre tradition et modernité : le droit pénal en
contrepoint - Mélanges en l’honneur d’Yves Mayaud, Dalloz 2016, p. 661

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Lois, propositions de loi, ordonnances et circulaires ministérielles

Loi organique

Loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits

Lois

Loi n°54-411 du 13 avril 1954 relative à la répression des crimes et délits commis contre les enfants

Loi n°71-446 du 15 juin 1971 modifiant et complétant les art. L504-1 et L504-2 du Code de la santé
publique

Loi n°2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne

Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite
loi « Perben II »

105
Loi n°2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux
violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants

Loi n°2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique

Loi n°2013-316 du 16 avril 2013 relative à l'indépendance de l'expertise en matière de santé et


d'environnement et à la protection des lanceurs d'alerte

Loi n°2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant

Loi n°2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur
financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale

Loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la


modernisation de la vie économique, dite loi « Sapin II »

Loi n°2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes

Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice

Propositions de loi

Proposition de loi n°1246 visant à renforcer pénalement les dispositions de l’article 40 du Code de
procédure pénale, enregistrée à la Présidence de l’Assemblée Nationale le 19 septembre 2018

Ordonnances

Ordonnance n°45-1391 du 25 juin 1945

Ordonnance n°2009-104 du 30 janvier 2009 relative à la prévention de l’utilisation du système


financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme

Circulaire ministérielle

Circ. crim. 2004-13 G1/02-09.2004, NOR JUSDO 430177C, BO min. just. n° 95

106
Rapports et études

ASSEMBLÉE NATIONALE, Commission des lois, Rapport n°856 Tome I, J.-L. WARSMANN, 14
mai 2003

ASSEMBLÉE NATIONALE, Commission des lois, Rapport n°1895, C. UNTERMAIER, 29 avril


2014

CONSEIL D’ÉTAT, Le droit d’alerte : signaler, traiter, protéger, La Documentation française 2016,
coll. « Les études du Conseil d’État »

DÉFENSEUR DES DROITS, Guide d’orientation et protection des lanceurs d’alerte, 2017,
<https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/guides/guide-orientation-et-protection-des-lanceurs-dalerte>
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GOUVERNEMENT DU CANADA, Annual report Witness Protection Program Act, 2016-2017,


<https://www.publicsafety.gc.ca/cnt/rsrcs/pblctns/wtnss-prtctn-rprt-2016-17/index-en.aspx>
(dernière consultation le 21 avril 2019)

OBSERVATOIRE NATIONAL DE LA DÉLINQUANCE ET DES RÉPONSES PÉNALES,


Rapport « Victimation 2016 et perceptions de la sécurité », Institut National des Hautes Études de la
Sécurité et de la Justice, <https://inhesj.fr/ondrp/publications/rapport-annuel/victimation-2016-
perceptions-securite> (dernière consultation le 20 avril 2019)

MINISTÈRE DE L’ACTION ET DES COMPTES PUBLICS, Rapport annuel d’activité Tracfin


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MINISTÈRE DE LA JUSTICE, Annuaire statistique de la Justice 2009-2013,


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(dernière consultation le 20 avril 2019)

SÉNAT, Commission des lois, Rapport n°712, F. PILLET, 22 juin 2016

107
Sources juridiques diverses

COMMISSION NATIONALE DE L’INFORMATIQUE ET DES LIBERTÉS, délibérations n°2005-


110 et n°2005–111 du 26 mai 2005

Décret n°2016-346 du 17 mars 2014 relatif à la protection des personnes mentionnées à l'article 706-
63-1 du Code de procédure pénale bénéficiant d'exemptions ou de réductions de peines

PARLEMENT EUROPÉEN, Directive du 16 avril 2019 relative à la protection du lanceur d’alerte

SÉNAT JOURNAL OFFICIEL, Réponse du Ministère de la Justice, 25 avril 2013, p. 1360

Sources non juridiques

SAUBADER D. et PELLETIER E., « La France se dote d'un statut du « repenti » », L'Express, 19


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repenti_1501387.html> (dernière consultation le 21 avril 2019)

VIDALIE A., « La délation peut-elle être civique ? », L’Express, 4 avril 2005,


<https://www.lexpress.fr/actualite/societe/justice/la-delation-peut-elle-etre-civique_486414.html>
(dernière consultation le 21 avril 2019)

ARON M. et NERSON J. « Le procès de la bienséance - Entretien avec Éric Dupond-Moretti », L’Obs


n°2829, 24 au 30 janvier 2019, p. 27

108
TABLE DE JURISPRUDENCE

Conseil Constitutionnel

Cons. const. n°80-125 DC, 19 déc. 1980, Loi relative à la répression du viol et de certains attentats
aux mœurs

Cons. const. n°89-262 DC, 7 nov. 1989, Loi relative à l’immunité parlementaire

Cons. const. n°2004-492 DC, 2 mars 2004, Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la
criminalité

Cons. const. n°2016-552 QPC, 8 juill. 2016

Cons. const. n° 2016-740 DC, 8 déc. 2016, Loi organique relative à la compétence du Défenseur des
droits pour l'orientation et la protection des lanceurs d'alerte

Cour de cassation

Cass. civ. 1re, 9 avr. 2015, n°14-14.146, D. 2015. 864

Cass. civ. 1re, 11 juill. 2018, n°17-21.457, D. 2018. 2010, note C. Bigot, et 2326, obs. Y. Picod, RTD
civ. 2018. 913, obs. P. Jourdain

Cass. com., 15 mars 2017, n° 14-26.970, Bull. Joly Sociétés 2015, p. 329, note J.-F. Barbièri, Dr.
sociétés 2017, comm. 103, note C. Coupet

Cass. crim., 9 mai 1885, DP 1886. 1. 89

Cass. crim., 4 décembre 1891, S. 1892, 1, p. 473, rapp. Salantin, note Villey, DP 1892, p. 139

Cass. crim., 24 févr. 1893, D. 1893, 1, p. 393

109
Cass. crim., 8 déc. 1906 Laurent-Atthalin, DP 1907. IR 207

Cass. crim., 8 juill. 1948, Bull. crim. n°188

Cass. crim., 24 janvier 1957, Bull. crim. n°86, D. 1957 p. 298, S. 1957 p. 219, Gaz. Pal. 1957, 1, p.
412

Cass. crim., 19 févr. 1957, Bull. crim. n°166

Cass. crim., 27 décembre 1960, Bull. crim. n°624, RSC 1961 p. 345 obs. L. Hugueney

Cass. crim., 2 mars 1961, Bull. crim. n°137, D. 1962. 121, note Bouzat, JCP G 1961, II, 12092 note
Larguier

Cass. crim., 25 oct. 1962 Lacour, Bull. crim. 1962 n°292

Cass. crim., 29 janv. 1963, Bull. crim. n°56, p. 109

Cass. crim. 13 mai 1971 Bull. crim. n°159, JCP G 1971, II, 16844, Gaz. Pal. 1971, 2, p. 531, RSC
1971 p. 933, obs. A. Vitu

Cass. crim., 6 juill. 1977, Bull. crim. n°255

Cass. crim., 28 mai 1980, D. 1981, IR n°137

Cass. crim., 2 fév. 1988, Bull. crim. n°52, D. 1988, somm. p. 358

Cass. crim., 16 juin 1988, n°87-85.432, Bull. crim. n°275, RSC 1989. 509, obs. Levasseur

Cass. crim., 30 oct. 1989, Bull. crim. n°89

Cass. crim., 18 juill. 1991, n°90-86.639

Cass. crim., 5 oct. 1992, n°91-85.758

110
Cass. crim., 13 oct. 1992, Bull. crim. n°320

Cass. crim., 17 nov. 1993, n°93-80.466, RSC 1994 p. 333, obs. Levasseur, Dr. pénal 1994 n°3, p. 6
n°58, M. Véron

Cass. crim., 7 juin 1993, RTD com. 1994, p. 147 obs. Bouzat

Cass. crim., 8 juill. 1997, n°96-82.536

Cass. crim., 17 sept. 1997, Bull. crim., n° 300

Cass. crim., 8 oct. 1997, n°94-84.801, D. 1998, Somm. 305, obs. Dekeuwer-Défossez, Dr. pénal 1998.
50, obs. Véron, RSC 1998. 320, obs. Mayaud

Cass. crim., 3 févr. 1998, n°96-82.665, D. 1998, 443, note R. Gassin

Cass. crim., 9 mars 1999, n°98-81.485, Bull. crim. n°32, Rev. soc. 1999. 654 note Bouloc, RGDP
1999. 3, chron. Rebut

Cass. crim., 24 mars 1999, n°98-81.548, Bull. crim. n°53

Cass. crim., 12 mai 1999 n°98-86.360

Cass. crim., 15 sept. 1999, Bull. crim. n°187, D. 2001. Somm. 626, obs. Navarro, Rev. soc. 2000.
353, obs. Bouloc, RTD com. 2000. 475, obs. Bouloc, Bull. Joly 2000. 25, note Barbièri

Cass. crim., 19 sept. 2000, n°99-83960

Cass. crim., 20 sept. 2000, Bull. crim. n°275

Cass. crim., 10 oct. 2000, n°00-80.042 Dr. pén. 2001, comm. 2, obs. M. Véron

Cass. crim., 14 déc. 2000, AJFP 2001 n°4, p. 54, note S. Petit

Cass. crim., 27 févr. 2001, n°00-84.532 , Bull. crim. n°48

111
Cass. crim., 15 mai 2002, n°0183.337, Bull. crim. n°116, D. 2003. Somm. 29, obs. Pradel

Cass. crim., 7 juin 2005, n°03-86.640, Bull. crim. n°171, Dr. pénal 2005. 156, obs. M. Véron, RSC
2005. 849, obs. Mayaud, Gaz. Pal. 2006. 1. Somm. 526, note Monnet

Cass. crim., 8 mars 2006, n°05-81.153, Dr. sociétés 2006, comm. 133, obs. R. Salomon ; Rev. soc.
2006, p. 880, note B. Bouloc, Bull. Joly Sociétés 20006, 1041, note H. Matsopoulou

Cass. crim., 6 septembre 2006, n°05-87.274, Dr. pénal 2006, comm. 149, obs. Véron

Cass. crim., 20 déc. 2006, n°06-80.006, Bull. crim. n°323, Dr. pén. 2007, comm. 30, note M. Véron,
AJ Pénal 2007 p. 134, obs. C. Saas

Cass. crim., 20 janv. 2009, n°08-82.357, AJ Pénal 2009. 183, obs. C. Duparc

Cass. crim., 7 avril 2009 n°09-80.655, Dr. pénal 2009, comm. 91, obs. Véron

Cass. crim., 26 mai 2010, no 10-80.392

Cass. crim., 12 oct. 2010, n°10-80.157, D. 2010. 2706, Gaz. Pal. 2011. 1, p. 261, note Detraz, RSC
2011. 93, obs. Mayaud

Cass. crim., 27 avril 2011, Dr. pénal 2011, comm. 77, obs. M. Véron

Cass. crim., 19 juin 2012, n°11-85.324, Bull. crim. n°150, D. actu., 18 juill. 2012, obs. Bombled, D.
2012. 2084, note Detra, Gaz. Pal. 2012. 2. 2712, note Dreyer

Cass. crim., 10 avr. 2013, n° 12-82.351, Dr. sociétés 2013, comm. 130, obs. R. Salomon

Cass. crim., 23 oct. 2013, Bull. crim. n°204, Dr. pénal 2013 n°166, obs. M. Véron, Dr. pénal 2014,
comm. 15, obs. A. Maron et M. Haas, RPDP 2013, n°4, p. 911 chron. Décima

Cass. crim., 7 janv. 2014, n°13-85.246, D. 2014. 264, obs. Detraz, Gaz. Pal. n°131-133, 2014, p. 41,
obs. Fourment, JCP 2014. 434, note Gallois, D. 2014. 417, obs. Vergès, Dr. pénal 2014. 45, obs.
Maron et Haas

112
Cass. crim., 8 avr. 2014, n°14-90.006, D. actu. 16 avr. 2014, obs. Fleuriot, Dr. pénal 2014, comm. 85,
obs. Véron, Gaz. Pal. 2014. 2. 2335, obs. Detraz, RSC 2014. 344, obs. Mayaud

Cass. crim., 9 déc. 2014, n°13-83.679, RPDP 2015 n°1, p. 133, chron. Conte

Cass. crim., 22 sept. 2015, n°14-84.029, D. actu. 6 oct. 2015, obs. S. Lavric, RSC 2016. 63, obs.
Mayaud

Cass. crim., 30 mars 2016, n°15-81.660, 951, Dr. pén. 2016, comm. 125, comm. P. Conte

Cass. crim., 18 oct. 2016, n°16-80.579, D. actu. 10 nov. 2016 obs. Goetz, RSC 2016. 755 obs.
Mayaud, Gaz. Pal. 24 janv. 2017, p. 54, obs. Dreyer

Cass. crim., 26 oct. 2016, n°15-83.774, D. actu. 16 nov. 2016, obs. Gallois, AJ Pénal 2017. 38, obs.
Verly, Dr. pénal 2017, no 2, obs. Conte, Gaz. Pal. 24 janv. 2017, p. 51, obs. Detraz, CCE n° 12, déc.
2016, comm. 103

Cass. crim., 11 juill. 2017, n°16-83.932, D. actu. 4 sept. 2017, obs. S. Lavric

Cass. crim., 24 janv. 2018, no 16-83.045, Dr pén. 2018, comm. 60, note P. Conte, AJ pénal 2018. p.
196, obs. Clément, RSC 2018. 412, obs. Mayaud, Gaz. Pal. 13 mars 2018, n°10, p. 22, note R. Mésa

Cass. crim., 17 oct. 2018 n°17-80.485, D. actu. 7 nov. 2018, obs. Azoulay, AJ pénal 2018. 574, obs.
Sordino, D. 2019. 105, avis Salomon; ibid. 105, note Saenko

Conseil d’État

CE, 9 mars 1923, Hardouin, RDP 1923, p. 239

CE, 12 oct. 1934, Colombino, S. 1935. III, p. 41, note P. L.

CE, 25 oct. 1991, Le Foll c. Préfet du Finistère, req. n°83901, JCP 1992, II, n°21891

CE, 15 mars 1996, Guigon, n°146326

CE, 27 oct. 1999, Solana, n°196306, RFDA 2000 p. 825, CJEG janv. 1998 p. 8

113
CE, 28 déc. 2001, Élections municipales de Rivery, req. n°233993, Dr. adm. 2002, p. 32, n°112, note
C. M.

Juridictions du fond

CA Nouméa, 16 janv. 1997, JurisData n°1997-040579

CA Lyon, 20 juill. 2012, n°12/388, AJ Pénal 2012, p. 548 obs. S. Lavric

TGI Paris, 1er juill. 1977, Bull. CNCC 1978, n°29, p. 57, note du Pontavice

Trib. corr. Caen, 4 sept. 2001, D. 2001. IR 2721 ; ibid. 2002. Somm. 1803, obs. Roujou de Boubée,
Gaz. Pal. 2001. 2. 1811, note Damien, Dr. pénal 2001, chron. no46, obs. L. Leturmy, D. 2001. Chron.
3454 Y. Mayaud

Trib. corr. Lyon, 7 mars 2019, D. actu. 18 mars 2019 obs. Fucini

Cour européenne des droits de l’Homme

CEDH, 25 févr. 1993, Funke c/ France, JCP G 1993, II, 22073, note R. et A. Garnon, D. 1993, jurispr.
p. 457, note J. Pannier

CEDH, 6 avr. 2000, Labita c/ Italie, JurisData n°2000-134581

CEDH, 14 févr. 2002, Visser c/ Pays-Bas, n° 26668/95

CEDH, 12 févr. 2008, Guja c/ Moldavie, n° 14277/04, AJDA 2008. 978, chron. J.-F. Flauss

CEDH, 6 déc. 2012, Michaud c/ France, n° 12323/11

CEDH, 17 janv. 2017, Habran et Dalem c. Belgique, req. n°43000/11 et 49380/11

114
INDEX

Exemption de peine ................................ 71


A
Exigence de contradiction....................... 77
Anonyme
Exigence de transparence ....................... 77
Dénonciation anonyme ........................... 83
Protection ................................................ 75
Témoin anonyme .................................... 77
Réduction de peine ................................. 72
Auto-incrimination .......................... 12, 29, 41
Commissaire aux comptes .. Voir Obligations
Autorité administrative indépendante ......... 13
de dénoncer
Aveu ............................................................ 12
D
B
Défenseur des droits .......Voir Lanceur d'alerte
Bonne foi
Délation ....................................................... 10
Lanceur d'alerte ....................................... 63
Collaborateur de justice .......................... 71
Révélation du commissaire aux comptes 44
Non-dénonciation de crimes ................... 22
Signalement à Tracfin ............................. 47
Dénonciation calomnieuse .......................... 91
C Cumul avec la dénonciation mensongère 91
Dénonciation mensongère ........................... 88
Citoyens ........... Voir Obligations de dénoncer
Dénonciation téméraire ............................... 91
Classement sans suite
Dénonciation calomnieuse ...................... 94 F
Dénonciation mensongère ...................... 90
Fait justificatif
Information de la victime........................ 85
Fait justificatif du lanceur d'alerte .... 64, 67
Recours du dénonciateur................... 11, 85
Fonctionnaires .. Voir Obligations de dénoncer
Collaborateur de justice
I
Anonymat ............................................... 77
Clause générale ....................................... 73 Immunité familiale ...................................... 30
Clauses spéciales .................................... 73 Crime terroriste ....................................... 32
Collaboration post-sentencielle .............. 70 Indicateur .................................................... 13
Collaboration pré-sentencielle ................ 69 Aviseur douanier ..................................... 13
Conséquences pénologiques ................... 74 Aviseur fiscal .......................................... 13
Déclaration entraînant une condamnation Intérêt général
............................................................ 77 Infraction d'intérêt général ................ 30, 91
Dénonciation récompensée ..................... 60 Lanceur d'alerte ................................. 63, 65
Droit au silence ....................................... 76
L
Égalité devant la loi ................................ 76
Lanceur d’alerte .......................................... 62
115
Défenseur des Droits............................... 66 Délit de non-révélation du commissaire
Fait justificatif spécial............................. 67 aux comptes ........................................ 42
Objet de l'alerte ....................................... 65 Plainte préalable...................................... 84
Procédure d'alerte.................................... 68 Procureur de la République . 47, 49, 61, 82, 84
Statut ....................................................... 63 Classement sans suite ............................. 85
Procureur général .................................... 85
M
Réquisitoire introductif d'instance .......... 85
Mensonge ..... Voir Dénonciation mensongère,
R
Voir Dénonciation calomnieuse
Mobile ........................................Voir Délation Repentis............. Voir Collaborateur de justice

O S

Obligations de dénoncer Secret professionnel ............ 26, 46, 47, 48, 67


Délit de non-dénonciation de crimes ...... 22
T
Délit de non-dénonciation de mauvais
Témoignage................................................. 12
traitements .......................................... 24
Refus de témoigner ................................. 86
Délit de non-révélation du commissaire
Témoignage du dénonciateur en justice . 86
aux comptes ........................................ 40
Témoin ........................................ 39, 63, 79
Obligation d'aviser des agents publics .... 49
Témoin anonyme ............... Voir Anonymat
Obligation de signalement à Tracfin....... 45
Tracfin .............. Voir Obligations de dénoncer
P
V
Plainte ........................................ Voir Victime
Victime ................................ 37, 59, 63, 74, 79
Police................................................. 9, 13, 50
Constitution de partie civile .................... 81
Enquête de flagrance............................... 83
Constitution de partie civile pour non-
Officier de police judiciaire .................... 80
dénonciation ....................................... 30
Prescription de l'action publique ................. 34
Information des ordonnances de règlement
Non-dénonciation de mauvais traitements
............................................................ 86
............................................................ 34
Plainte ..................................................... 11
Prescription du délit de non-dénonciation
Plainte préalable...................................... 84
de mauvais traitements ....................... 36
Victime vulnérable.................................. 24
Prescription de l’action publique

116
TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION…………………………………………………………………………………....7
§1 L’unicité de la dénonciation……………………………………………………………………...10
A. La distinction non exclusive de la dénonciation avec des notions voisines………………….10
1. Dénonciation et délation, distinction à raison de la motivation………………………….10
2. Dénonciation et plainte, témoignage et aveu, distinction à raison du dénonciateur……..11
a. La dénonciation et la plainte……………………………………………………11
b. La dénonciation et le témoignage……………………………………………….12
c. La dénonciation et l’aveu……………………………………………………….12
B. Le rôle informatif poursuivi par la dénonciation…………………………………………….13
§2 La multiplicité de la dénonciation………………………………………………………………..14
A. La multiplicité de dénonciateurs…………………………………………………………….15
1. La dénonciation exercée à titre personnel ou à titre privé……………………………….15
2. Les motivations variées fondant la dénonciation……………………………………….15
B. La multiplicité de textes relatifs à la dénonciation………………………………………….16
1. La dénonciation dissimulée……………………………………………………………..16
2. La dénonciation graduée………………………………………………………………..17

PREMIÈRE PARTIE : LA COLLABORATION IMPOSÉE……………………………………….20

TITRE 1 : LES OBLIGATIONS À LA CHARGE DE TOUT CITOYEN…………………………21


Chapitre 1 : le champ d’application restreint des articles 434-1 et 434-3 du Code pénal……………21
§1 L’objet strictement défini des obligations d’information…………………………………………21
A. La dénonciation utile de l’article 434-1 du Code pénal……………………………………..22
1. Une obligation limitée aux crimes………………………………………………………22
2. Une obligation guidée par son utilité……………………………………………………23
B. La dénonciation spéciale de l’article 434-3 du Code pénal…………………………………24
1. Une obligation limitée au regard des victimes……………………………………….…24
2. Une obligation limitée au regard de l’infraction à dénoncer……………………………25
§2 Les limites communes encadrant ces obligations d’information…………………………………26
A. La limite textuelle du secret professionnel………………………………………………….26
1. Une limite incontestée à l’article 434-1 du Code pénal…………………………………26
2. Une limite contestable à l’article 434-3 du Code pénal…………………………………28
B. La limite relative à l’auto-incrimination…………………………………………………….29
Chapitre 2 : l’atténuation des limites établies……………………………………………………..…31
§1 L’atténuation des immunités familiales de l’article 434-1 du Code pénal……………………….31
A. Une limite attestant de l’équilibre entre devoir moral et devoir juridique…………………..32
1. La nature et les effets de l’immunité familiale…………………………………………..32
2. La justification de l’immunité familiale………………………………………………...33
B. La primauté récente donnée à l’intérêt général dans l’hypothèse du terrorisme………….....33
§2 La prescription étendue de l’article 434-3 du Code pénal………………………………………..35
A. L’extension au regard de la prescription du délit à dénoncer……………………………….35
B. L’extension au regard de la prescription du délit de non-dénonciation……………………..37

117
TITRE 2 : LES OBLIGATIONS À LA CHARGE DE CERTAINS PROFESSIONNELS…………39
Chapitre 1 : les obligations spéciales imposées en matière financière………………………………39
§1 Le délit de non-révélation visant le commissaire aux comptes…………………………………..39
A. L’extension du délit de non-révélation au regard de l’incrimination………………………..40
1. L’acception généreuse de l’élément matériel…………………………………………...41
2. L’interprétation large de l’élément moral……………………………………………….42
B. Les limites à la répression du délit de non-révélation……………………………………….42
1. La nature instantanée de l’infraction permettant une circonscription temporelle des
poursuites……………………………………………………………………………….43
2. L’admission encadrée de la constitution de partie civile………………………….....….43
§2 L’obligation de signalement à Tracfin……………………………………………………………44
A. Une dénonciation systématique……………………………………………………………..45
1. Le champ d’application étendu de l’obligation de signalement…………………………45
2. L’extension du signalement au mépris du secret professionnel…………………………46
B. Une répression bienveillante en apparence………………………………………………….47
1. L’incitation à signaler résultant des immunités…………………………………………48
2. La possibilité d’une répression pénale…………………………………………………..48
Chapitre 2 : l’obligation générale d’aviser incombant aux agents publics………………………….49
§1 Le champ d’application étendu de l’article 40 alinéa 2 du Code de procédure pénale……………50
A. Une obligation à la charge de nombreux débiteurs………………………………………….50
1. L’absence de définition des personnes visées à l’article 40 al. 2……………………….50
2. L’exclusion du juge administratif du champ de l’article 40 al. 2………………………..51
B. Une obligation absolue au contenu imprécis………………………………………………..52
1. L’absence de consensus quant au contenu de l’obligation………………………………52
2. Une obligation absolue excluant tout pouvoir d’appréciation……………..……………53
§2 Une obligation de dénoncer inefficace……………….……………………………..……………54
A. L’imprécision de la procédure de dénonciation……………………………………………..54
1. L’absence de formalisme………………………………………………………………..54
2. L’inadaptation de la dénonciation à la déontologie de l’administration…………………55
B. Une obligation apparemment dépourvue de sanction……………………………………….55
1. L’absence de sanction pénale propre.…………………………………………………...55
2. L’engagement de la responsabilité sur d’autres fondements…………………………….57
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE……………………………………………………...58

SECONDE PARTIE : LA COLLABORATION ENCOURAGÉE…………………………………59

TITRE 1 : L’ENCOURAGEMENT PAR L’ÉLABORATION DE DISPOSITIONS


PARTICULIÈRES…………………………………………………………………………………..60
Chapitre 1 : l’encadrement réussi de la dénonciation éthique………………………………………..62
§1 La création d’un statut du lanceur d’alerte, source de sécurité juridique…………………………62
A. La définition du lanceur d’alerte unifiée…………………………………………………….62
1. Une définition textuellement limitée encadrant la protection…………………………...62
2. L’extension possible de la définition par la jurisprudence………………………………63
B. L’objet de l’alerte largement défini…………………………………………………………64
1. Une définition imprécise permettant une interprétation favorable au lanceur d’alerte….64
2. L’exclusion restreinte du champ de l’alerte de certains secrets…………………………65
§2 La protection conférée au lanceur d’alerte………………………………………………………..66

118
A. La protection pénale circonscrite du lanceur d’alerte………………………………………..66
B. Une protection subordonnée au respect d’une procédure graduée…………………………..68
Chapitre 2 : l’encadrement insatisfaisant de la dénonciation récompensée…………………………69
§1 L’inadaptation de l’article 132-78 du Code pénal au but poursuivi………………………………70
A. Des récompenses d’applicabilité restreinte………………………………………………….70
1. L’applicabilité marginale de l’exemption de peine……………………………………...70
2. L’applicabilité restreinte de la réduction de peine………………………………………71
B. Un mécanisme incohérent……………………………………………..……………………72
1. L’incohérence résultant de la confrontation du mécanisme aux clauses spéciales……..72
2. L’incohérence au regard des conséquences pénologiques du mécanisme………………73
§2 La conformité discutable de l’article 132-78 du Code pénal aux droits interne et européen…….75
A. Une conformité discutable au regard du collaborateur de justice……………………………75
B. Une conformité discutable au regard du mis en cause……………………………………….76

TITRE 2 : L’ENCOURAGEMENT PAR L’APPLICATION DE DISPOSITIONS GÉNÉRALES AU


DÉNONCIATEUR………………………………………………………………………………….78
Chapitre 1 : la présence consacrée du dénonciateur dans la procédure pénale………………………78
§1 La souplesse des conditions de recevabilité des plaintes et dénonciations………………………79
A. Le principe de l’absence de formalisme des plaintes et dénonciations………………………79
1. L’absence de formalisme destinée à ne pas tarir la source………………………………79
2. L’atténuation apparente du principe par la plainte avec constitution de partie civile…..80
B. La souplesse des conditions de fond tenant aux personnes concernées……………………..80
1. La souplesse des conditions de fond relatives aux dépositaires…………………………81
2. La souplesse des conditions de fond relatives aux dénonciateurs………………………81
§2 L’importance des effets des plaintes et dénonciations……………………………………………82
A. Les effets des plaintes simples et dénonciations sur l’action publique………………………83
1. L’entrave momentanée résultant de l’exigence d’une plainte préalable………………...83
2. Le recours du dénonciateur contre la décision de classement sans suite………………..84
B. Les effets des plaintes et dénonciations sur le déroulement du procès pénal……………….84
Chapitre 2 : les limites à la dénonciation assurant la qualité de la collaboration…………………….86
§1 La protection principale de l’institution judiciaire par le biais de la dénonciation mensongère…86
A. La répression d’une dénonciation particulière………………………………………………87
1. Une dénonciation aux autorités…………………………………………………………87
2. Une dénonciation d’un crime ou délit imaginaire……………………………………….88
B. La répression d’une dénonciation exposant l’autorité judiciaire à d’inutiles recherches……89
§2 La protection secondaire de l’institution judiciaire par le biais de la dénonciation calomnieuse…90
A. La répression de la dénonciation à raison de sa double destination………………………….91
1. La destination institutionnelle de la dénonciation……………………………………….91
2. La destination punitive de la dénonciation……………………………………………...92
B. La répression de la dénonciation à raison de son objet………………………………………93
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE………………………………………………………95

CONCLUSION……………………………………………………………………………………..96

119

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