1er La Question de Juridictions Compétentes

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LA QUESTION DE JURIDICTIONS CONGOLAISES COMPETENTES

EN MATIERE DE CRIMES CONTRE LA PAIX ET LA SECURITE DE


L’HUMANITE

Par

Dr. WANE BAMEME Bienvenu


Professeur Associé à la Faculté de Droit de l’Université de Kinshasa
Diplômé d’Aix-Marseille Université
Avocat

INTRODUCTION

Lorsqu’ils se commettent, les crimes contre la paix et la sécurité de


l’humanité, appellent nécessairement une action en justice, en vue d’établir les
responsabilités, et cela, à cause de leur particulière gravité, mais également,
suite à la singulière nocivité de leur conséquence. L’objectif majeur est celui de
rendre justice, afin que le coupable subisse la sanction prévue par le texte pour
son agissement, que les victimes soient rétablies, tant soi peu, dans leur droit,
et que l’ordre public troublé par le comportement décrié soit rétabli au sein de
la société toute entière.

Pour y parvenir, il faudra faire intervenir le droit pénal. Mais, comme on


le sait, la matière du droit pénal est d’abord théorique. C’est que, le droit pénal
se trouve dans un premier temps dans le texte comportant des prescriptions,
insinuant en réalité, mais souvent sans l’affirmer, des interdictions et
brandissant des sanctions pour la plupart menaçantes. Sauf qu’en cas d’échec,
c’est-à-dire que lorsque ces prescriptions, insinuations d’interdictions et
menaces ne suffisent pour produire l’effet attendu, et que certaines personnes
parvenaient néanmoins à passer outre en posant des actes proscrits, les textes
devront s’appliquer. C’est donc à partir de ce moment que le droit pénal de
prescription (qui n’était alors que théorique) deviendra un droit pénal
d’application, puisque mis en pratique.

En matière d’application du droit pénal, il convient de noter que tout


organe ne peut agir de n’importe quelle manière, à n’importe quel moment et
contre n’importe quelle personne. Il faut bénéficier de la compétence requise et
agir dans les strictes limites de ces règles pour rendre plus concrètes les règles
théoriques du droit pénal.
56 La question de juridictions congolaises compétentes en matière de crimes contre la paix
et la sécurité de l’humanité

Si au niveau international, la question semble avoir été résolue, avec


l’entrée en vigueur du Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale
(article 11 du Statut), permettant ainsi que les crimes portés par son article 5,
relevant donc de la compétence de cette juridiction, soient connues par elle, au
niveau interne congolais par contre, cette question demeure.

En ce qui concerne la Cour pénale internationale, il ne nous semble pas


inintéressant de souligner que ses compétences ne sont pas illimitées. Le statut
prend soin, chaque fois qu’il le faut, de limiter ses compétences.

- Sur le plan matériel, cette Cour ne connaît principalement que de crimes


prévus à l’article 5 de son statut. Il en est ainsi du génocide, des crimes contre
l’humanité, des crimes de guerre et du crime d’agression. A titre secondaire,
elle peut connaître des atteintes à l’administration de sa justice prévues à
l’article 70.

- Sur le plan spatial, la Cour n’a pas une compétence universelle. Elle est
limitée aux territoires des Etats parties, et par une convention aux autres
Etats (article 4).

- Sur le plan temporel, la Cour n’a compétence qu'à l'égard des crimes
commis après l'entrée en vigueur de son Statut (article 11). Puisque cette
entrée est fixée au 1er juillet 2002, on peut donc dire que sa compétence part
du 02 juillet 2002.

- Sur le plan personnel, la Cour ne peut juger que des êtres humains, âgés
d’au moins 18 ans au moment des faits. Au cas contraire, elle se déclarera
incompétente pour juger des personnes âgées de moins de 18 ans au
moment des faits (article 26).

Notons par ailleurs, que la Cour pénale internationale a, comme le


prévoit l’article 17 de son statut, une compétence subsidiaire par rapport à celle
des Etats parties. La subsidiarité vise la suppléance (le remède, la garantie) de
la Cour en cas de défaut ou de carence des juridictions nationales des Etats soit
pour manque de volonté soit pour manque de capacité.

Les juridictions nationales sont compétentes à titre principal (art. 21


octies CPP modifié le 31/12/2015). On parle dans ce cas de la primauté des
juridictions nationales. La primauté suppose donc une prééminence, une
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AINSI QUE DU DEVELOPPEMENT DURABLE

certaine prépondérance de ces juridictions sur la Cour pénale internationale.


Les juridictions nationales sont donc préférées et doivent être les premières à
être saisies en cas de crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité. Mais,
pour tous les faits constitutifs de l’un de ces crimes, remontant à la date qui a
suivie l’entrée en vigueur du statut de la Cour, les juridictions nationales ne
peuvent prétendre détenir une compétence exclusive.

Puisqu’il en est ainsi au niveau international, la question qui mérite d’être


posée est celle se rapportant à cette compétence en droit interne congolais, qui
nous concerne.

En effet, en République démocratique du Congo, les crimes contre la paix


et la sécurité de l’humanité ont, depuis belle lurette, été portés par la législation
pénale militaire. Ce fut le cas déjà sous l’Ordonnance-loi n°72/060 du 25
septembre 1972 portant institution d’un Code de justice militaire, comptant 543
articles qui prévoyait au chapitre VI du titre II du livre III les crimes de guerre
et contre l’humanité, et en évoquait d’autres au chapitre VIII se rapportant aux
infractions diverses (articles 522, 523 et 530 prévoyant respectivement
l’empoisonnement des eaux et denrées consommables, la mise à mort par
représailles et le génocide).

En 2002, à la suite de la conclusion suivie de la signature1 d’un traité


international en Italie, portant statut de Rome de la Cour pénale internationale,
puis sa ratification par la République démocratique du Congo2, intervenue bien
avant son entrée en vigueur3, le législateur congolais prendra, sous deux
numéros différents mais en la même date, deux lois abrogeant ipso jure le Code
de justice militaire de 1972 qui s’appliquait jusqu’alors. Il s’est agi d’abord de
la loi n°023/2002, ensuite de celle n°024/2002 du 18 novembre 2002.

Si le premier texte a porté sur le Code judiciaire militaire et traité de


l’organisation, du fonctionnement et de diverses règles de compétence des
juridictions militaires, il importe de noter cependant que le second a quant à
lui porté sur le Code pénal militaire. A cet effet, il a traité des infractions et
sanctions pénales applicables principalement par les juridictions militaires.

1
. Après d’intenses débats, le statut de Rome de la Cour pénale internationale fut signé le 17 juillet 1998.
2
. La République démocratique du Congo a ratifié cette Convention internationale à travers son Décret n°0013 du
30/03/2002.
3
. Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale est entré en vigueur le 1er juillet 2002.
58 La question de juridictions congolaises compétentes en matière de crimes contre la paix
et la sécurité de l’humanité

C’est justement dans le titre V du livre II de ce dernier texte que le


législateur congolais avait placé trois des quatre crimes que porte l’article 5 du
statut qui régit la Cour pénale. On y retrouve donc les crimes ci-après : le
génocide, les crimes contre l’humanité ainsi que les crimes de guerre. Mais, à
travers la réforme intervenue en 2015, le législateur a intégré dans le livre II du
décret du 30/01/1940 portant Code pénal, un titre IX se rapportant aux crimes
contre la paix et la sécurité de l’humanité.

En conséquence de cette prévision, il a pris soin de supprimer, à la même


date, à travers une autre loi4, le titre V du livre II du Code pénal militaire,
évitant ainsi toute hypothèse de double incrimination en droit congolais en la
matière.

Sauf qu’il importe de signaler que bien avant cette réforme, il a été
affirmé dans la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013, la compétence pour
les Cours d’appel de connaître au premier degré des crimes que l’on retrouve
aujourd’hui dans le dernier titre du livre II du Code pénal. C’est ainsi que pour
certains penseurs, cette disposition légale consacre l’exclusive compétence des
Cours d’appel en la matière dans notre pays. Point de vue que nous ne
partageons pas.

C’est justement ce qu’il va falloir démontrer dans les lignes qui suivent.

En droit pénal, il existe différents critères de compétences des institutions


juridictionnelles. Sans pour autant méconnaître les autres critères5, par ailleurs
secondaires, il faudra parcourir ici les deux principaux, à savoir : la matière et
la personne. Une juridiction peut se déclarer compétente à connaître d’une

4
. La loi n°15/023 du 31 décembre 2015, modifiant la loi n°024/2002 du 18 novembre 2002 portant Code pénal militaire,
in JO RDC,57ième année, n° spécial, du 29 février 2016.
5
. Le lieu et le moment de la commission de l’infraction sont les deux autres critères de compétence d’une juridiction.
Les juridictions congolaises sont compétentes pour connaître des infractions perpétrées sur le territoire congolais.
D’une part, le principe de territorialité s’applique. Mais, le législateur congolais reconnaît aussi aux juridictions
nationales congolaises, la compétence de connaître des infractions commises en dehors du territoire national. On parle
alors de la compétence Universelle. C’est ce qu’on retrouve à l’article 3 du décret du 30 janvier 1940 portant Code
pénal. Le législateur admet cette possibilité sous quelques conditions, à savoir : la punissabilité à au moins deux mois
de servitude pénale, la requête du ministère public, et en cas d’un particulier victime et d’une peine d’au moins 5 ans
de servitude pénale, cette requête doit avoir été précédée de la plainte de la partie offensée ou d’une dénonciation
officielle de l’autorité du pays où l’infraction s’est produite. Le législateur admet par ailleurs qu’une décision
étrangère (non bis in idem), rendue en la matière, ou une mesure de grâce prise à l’étranger, produise ses effets au
Congo, sauf pour les infractions des deux premières sections du titre III et celles du titre VIII. La présence du suspect
sur le sol congolais, sauf pour ces infractions des deux premières sections du titre III et celles du titre VIII. D’autre
part, les juridictions congolaises sont compétentes pour connaître de toutes les infractions portées par les lois pénales
congolaises dès leur entrée en vigueur. C’est ici la compétence temporelle.
CAHIERS AFRICAINS DES DROITS DE L’HOMME ET DE LA DEMOCRATIE 59
AINSI QUE DU DEVELOPPEMENT DURABLE

infraction en se fondant sur un critère de compétence matérielle ; tandis qu’il


n’est pas exclu qu’une juridiction se déclare également régulièrement
compétente, sur le fondement d’un critère de compétence personnelle.

D’une part, le législateur congolais affirme, à l’article 91 de la loi


organique du 11 avril 2013 la compétence des Cours d’appel à connaître au
premier degré, sous certaines conditions, des crimes portés aujourd’hui par le
titre IX du livre II du décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal (I), tel que
modifié en 2015, sans pour autant infirmer d’autre part, celle des autres
juridictions congolaises (II) à connaître de ces mêmes crimes.

I. DE L’AFFIRMATION DE LA COMPETENCE DES COURS D’APPEL

Deux principaux textes sont aujourd’hui évoqués pour tenter de justifier


une compétence exclusive des Cours d’appel en matière de crimes contre la
paix et la sécurité de l’humanité. Il s’agit d’abord de l’article 91 de la loi
organique du 11 avril 2013 ainsi qu’assez curieusement, de l’article 27 du statut
qui régit la Cour pénale internationale. Lorsqu’on y regarde de près, on se rend
compte que le législateur affirme certes la compétence des Cours d’appel au
premier degré, sans pour autant consacrer une exclusivité.

A. L’article 91 de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 : Une


affirmation à faible portée
L’article 91 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant
organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre
judiciaire prévoit ce qui suit : « Les Cours d’appel connaissent de l’appel des
jugements rendus en premier ressort par les tribunaux de grande instance et les
tribunaux de commerce. Elles connaissent également, au premier degré : 1) du
crime de génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis
par les personnes relevant de leur compétence et de celle des tribunaux de
grande instance ; 2) des infractions commises par les membres de l’Assemblée
provinciale, les magistrats, les Maires, les Maires adjoints, les Présidents des Conseils
urbains et les fonctionnaires des services publics de l’Etat et les dirigeants des
établissements ou entreprise publique revêtus au moins du grade de Directeur ou du
grade équivalent. Lorsque le magistrat inculpé est un membre d'une Cour d'appel ou
d'un Parquet général près cette Cour, les infractions sont poursuivies devant la Cour
dont le siège est le plus proche de celui de la Cour au sein de laquelle ou près laquelle il
exerce ses fonctions ».
60 La question de juridictions congolaises compétentes en matière de crimes contre la paix
et la sécurité de l’humanité

Contrairement à l’opinion qui soutient que le législateur congolais aurait


dévolu aux Cours d’appel, à travers cette disposition, la compétence, exclusive
ou quasi-exclusive, de connaître de ces crimes ; nous estimons quant à nous,
qu’à l’état actuel de notre législation, et particulièrement, la formulation du
premier point du deuxième alinéa de l’article 91 de cette loi organique, ne
saurait justifier pareille interprétation. En effet, dans cette disposition, le
législateur n’a fixé qu’une règle de compétence personnelle pour cette
juridiction, sans pour autant écarter la possibilité pour d’autres juridictions, de
connaître de ces mêmes crimes. L’innovation apportée par cette disposition en
matière de crimes sous examen, est simplement, pensons-nous, celle d’avoir
ramené les justiciables personnels des tribunaux de grande instance devant les
Cours d’appel, et cela, au premier degré.

D’abord, il est tout aussi important de noter que sur le plan purement
processuel, le législateur affirme la possibilité pour les Cours d’appel, d’être
saisies en appel des décisions rendues au premier ressort, notamment par les
tribunaux de grande instance (Article 91, alinéa 1ier de la loi organique du 11
avril 2013).

Etant donné qu’aucune disposition ne prive les tribunaux de grande


instance de cette même compétence, comme nous le développerons plus loin,
il ne nous semble pas exclu la possibilité pour les Cours d’appel, faisant
application du premier alinéa de l’article 91 de la loi organique de 2013, de
connaître au second degré de toutes les infractions punissables de la peine de
mort, comme c’est actuellement le cas pour les crimes contre la paix et la
sécurité de l’humanité6.

Ensuite, le deuxième alinéa de l’article 91 de la loi organique n°13/011-B


du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des
juridictions de l’ordre judiciaire affirme exactement qu’elles (Cours d’appel)
connaissent également, au premier degré du crime de génocide, des crimes de
guerre et des crimes contre l’humanité commis par les personnes relevant de
leur compétence et de celle des tribunaux de grande instance.

6
. L’hypothèse plausible est celle d’un jugement rendu au premier degré par le Tribunal de grande instance en justifiant
sa compétence sur le fondement d’un critère matériel. De ce fait, la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe était la
juridiction compétente à connaître, de l’appel du jugement rendu le 17 décembre 2011 par le Tribunal de grande
instance de Kinshasa/Kalamu dans l’affaire inscrite sous R.P. RP 11. 154/11.155/11.156.
CAHIERS AFRICAINS DES DROITS DE L’HOMME ET DE LA DEMOCRATIE 61
AINSI QUE DU DEVELOPPEMENT DURABLE

Alors que la formulation de cet alinéa paraît claire, il est arrivé cependant
que ce point soit interprété comme consacrant la compétence matérielle
exclusive des Cours d’appel. On a considéré que ces crimes relèveraient
matériellement et exclusivement de leur compétence. Et pourtant, pareille
interprétation a d’extrêmes difficultés à résister à toute vérification.
Premièrement, notons que le législateur congolais ne reprend pas tous
les crimes de la compétence de la Cour pénale internationale. Les crimes portés
par l’article 5 du statut, sont à quatre et non à trois. Le crime d’agression n’est
donc pas retenu par le titre IX du livre II du Code pénal actuellement en
vigueur en République démocratique du Congo.
Deuxièmement, et c’est capital, le législateur reconnaît aux Cours
d’appel, la compétence de connaître des crimes visés en la limitant. Il convient
et il suffit de chercher à comprendre le premier point de l’alinéa 2 de cet article
in fine. En effet, les Cours d’appel ne pourront connaître des crimes de
génocide, contre l’humanité et de guerre que si et seulement si, selon les
propres termes de la loi : ils sont commis par les personnes relevant de leur
compétence et de celle des tribunaux de grande instance.
Cette limitation nous permet de considérer qu’en matière de crimes
contre la paix et la sécurité de l’humanité, tels que portés par le titre IX du livre
II de notre actuel Code pénal, les Cours congolaises d’appel, n’ont en réalité
qu’une compétence personnelle. C’est qu’elles ne pourront connaître de l’un
de ces crimes que si la personne mise en cause relève de leur compétence
(personnelle), ou encore de celle (compétence personnelle) des tribunaux de
grande instance.
On retiendra qu’uniquement pour ces crimes, cette disposition reprend
aux tribunaux de grande instance, la compétence personnelle que leur confère
le deuxième alinéa de l’article 89 de la loi organique du 11 avril 2013.
C’est ainsi que toutes les personnes visées à l’alinéa 2 de l’article 89 de
cette loi organique seront jugées, au premier degré par la Cour d’appel, si la
qualification retenue pour les faits mis à leur charge se trouve être celle de l’un
des crimes cités à l’article 91 alinéa 2 de la loi organique du 11 avril 2013 (on
peut même noter que ce deuxième point du deuxième alinéa de l’article 91
constitue l’équivalent du deuxième alinéa de l’article 89 de cette loi organique).
Dans ces dispositions, le législateur limite le champ de la compétence
personnelle de la juridiction. L’affirmation faite au deuxième alinéa de l’article
91 de la loi organique du 11 avril 2013, est donc de très faible portée car ne
62 La question de juridictions congolaises compétentes en matière de crimes contre la paix
et la sécurité de l’humanité

visant que certaines personnes ajoutées, étant donné que la compétence en


appel et celle de ses propres justiciables avaient déjà été organisées depuis bien
longtemps.

Pour ces personnes citées, il s’agit d’un privilège de juridiction leur


accordé par la loi. Plutôt que d’être jugées par la juridiction matériellement
compétente au premier degré, elles seront jugées par une juridiction supérieure
bénéficiant d’une compétence personnelle à les juger ; et cela, pour toute
infraction et au premier degré. Ce privilège est rattaché à leur qualité au
moment de la commission de l’infraction.

Le deuxième point du deuxième alinéa de l’article 91 de ce même texte


cite toutes les personnes qui relèvent de la compétence (personnelle) des Cours
d’appel. Dès lors, selon la loi organique actuellement en vigueur au sein de
l’ordre judiciaire en République démocratique du Congo, les Cours d’appel ne
sont compétentes à connaître au premier degré des crimes contre la paix et la
sécurité de l’humanité qu’à condition que les personnes mises en cause soient
porteuses, au moment de la prétendue réalisation des faits, de l’une ou de
l’autre qualité retenue par le législateur. Au cas contraire, elles ne sauront
justifier d’une quelconque compétence en la matière au premier degré. Et donc,
si l’on prouve que ces justiciables relèvent de la compétence personnelle d’une
autre juridiction, mais de rang supérieur aux Cours d’appel, ces dernières
devront se déclarer incompétentes, au profit de la juridiction effectivement
compétente, et cela, sans être influencées, sur le plan processuel, par l’article 27
du statut qui régit la Cour pénale internationale.

B. L’impertinence de l’article 27 du Statut régissant la Cour pénale


internationale sur les règles pénales de forme des juridictions internes
congolaises

Pour tenter de justifier la prétendue compétence exclusive des Cours


d’appel, à connaître de crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, l’un
des arguments avancés repose sur l’article 27 du Statut qui régit la Cour pénale
internationale, qui consacre le principe de défaut de pertinence de la qualité
officielle, sur deux points en ces termes : « 1. Le présent Statut s'applique à tous
de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier,
la qualité officielle de chef d'État ou de gouvernement, de membre d'un gouvernement
ou d'un parlement, de représentant élu ou d'agent d'un État, n'exonère en aucun cas
de la responsabilité pénale au regard du présent Statut, pas plus qu'elle ne constitue en
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AINSI QUE DU DEVELOPPEMENT DURABLE

tant que telle un motif de réduction de la peine. 2. Les immunités ou règles de procédure
spéciales qui peuvent s'attacher à la qualité officielle d'une personne, en vertu du droit
interne ou du droit international, n'empêchent pas la Cour d'exercer sa compétence à
l'égard de cette personne. ».

De cette disposition, on estime d’emblée que toute personne doit être


attraite devant le même organe de justice et traitée de la même manière, peu
importe la qualité officielle. En conséquence, on affirme la compétence
exclusive des Cours d’appel de notre pays à juger tout individu, y compris le
Président de la République et même le Premier ministre congolais, en matière
de crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité. Et pourtant, une lecture
quelque peu approfondie aurait permis de ne pas aboutir facilement à une telle
conclusion.

Quant à ce qui nous concerne, nous considérons que l’article 27 du statut


qui régit la Cour pénale internationale n’a, dans aucun Etat partie, une
quelconque incidence sur les règles de forme, en l’occurrence pour la
République démocratique du Congo, celles de compétence matérielle des
Cours d’appel. Relevons d’entrée de jeux qu’au moment de la ratification du
statut de Rome, les dispositions constitutionnelles en vigueur au pays, fixaient
déjà à l’époque, les règles de pertinence de la qualité officielle en matière
pénale, ainsi que la règle nécessitant sa conformation à tout traité ou accord
international à ratifier7. Signalons en même temps que nonobstant toutes ces
prescriptions constitutionnelles de ce moment et d’aujourd’hui, le pays a
choisi, sans aucune réserve quelconque, de le ratifier, processus intégrant cet
instrument international dans l’ordonnancement juridique congolais tel que
l’organise l’article 215 de la Constitution actuellement en vigueur.

7
. Etant donné que le décret-loi constitutionnel n°003 du 27 mai 1997 faisant office de texte fondamental régissant
l’Etat pendant cette période, n’abrogeait pas tout l’Acte constitutionnel de la Transition du 09 avril 1994, ce décret-
loi ne s’étant occupé que de l’organisation et de l’exercice du pouvoir, et puisque précisément à son article 14, il
n’abrogeait que les dispositions antérieures contraires, on peut se référer aux articles 102, alinéa 2, 113 et 114 de
l’Acte constitutionnel de la Transition du 09 avril 1994, révisé le 06 juillet 1995 (voir F. VUNDUAWE te PEMAKO
et J.-M. MBOKO DJ’ANDIMA, Droit constitutionnel du Congo, Textes et documents fondamentaux, vol. 2,
Academia, L’Harmattan, 2012, p. 842). Il faut avouer que même aujourd’hui, la Constitution actuellement en
vigueur organise les mêmes règles de pertinence de la qualité officielle sur la forme et de nécessité de conformation
de la Constitution au traité ou accord international à ratifier. C’est ce que disposent l’article 153 alinéa 3, les articles
163 à 167 et l’article 216 de la Constitution de la République démocratique du Congo, modifiée par la loi n°11/002
du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République démocratique du Congo
du 18 février 2006.
64 La question de juridictions congolaises compétentes en matière de crimes contre la paix
et la sécurité de l’humanité

Lorsqu’on analyse l’article 27 du statut de Rome, dont le contenu est


repris par ailleurs en droit interne congolais8, on se rend compte que d’une
part, son premier point (comme dans le code pénal), écarte toute possibilité de
bénéficier de l’exonération de sa responsabilité pénale ou de bénéficier d’une
atténuation de la sanction pénale, du seul fait ou au seul motif fondé sur sa
qualité officielle portée au moment de la réalisation des infractions sous
examen. On comprend de ce fait, ceci expliquant cela, que ce principe n’a
d’incidence qu’en droit pénal de fond. Puisque le texte indique clairement
l’impertinence de la qualité officielle sur la responsabilité pénale et la sanction
pénale. Dès lors, aucun plaideur, ne peut espérer être exonéré de sa
responsabilité pénale, ni obtenir une atténuation de la sanction pénale, en
excipant simplement et uniquement la qualité officielle qu’il portait lors de la
perpétration du crime mis à sa charge. D’autre part, le deuxième point du
même article (non prévu en droit interne congolais) n’accorde plein pouvoir
qu’à la Cour pénale internationale, à juger toute personne sans tenir compte de
toutes éventuelles faveurs dont elle peut bénéficier soit sur le fondement du
droit interne, soit en se basant sur le droit international. Ce second point vise
donc assez précisément les règles relatives aux immunités et celles de
procédure spéciales dans un Etat. Dès lors, la « Cour9, » ne devra faire égard à
aucune de ces règles, car notamment celles internes trouvent généralement leur
solution au niveau interne des Etats10, comme c’est le cas pour certains porteurs
de la qualité officielle dans la Constitution actuellement en vigueur11 en

8
. L’article 20 quater du décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal, tel que modifié et complété par la loi n°15/022
du 31 décembre 2015 le prévoit comme suit : « En ce qui concerne les poursuites pour les crimes visés au titre IX
relatif aux crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, la loi s’applique à tous de manière égale sans aucune
distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier, la qualité officielle de chef d’Etat ou de gouvernement, de
membre du gouvernement, de membre du parlement ou de représentant élu ou d’agent public de l’Etat, n’exonère en
aucun cas de la responsabilité pénale, pas plus qu’elle ne constitue en tant que telle un motif de réduction de la
peine ». Bien qu’avec reformulation, c’est à peu près ce que prévoit l’article 42 bis du décret du 30 janvier 1940
portant Code pénal, tel que modifié et complété par la Loi n° 06/018 du 20 juillet 2006, in JO RDC, 47ième année,
Première partie, n°15, du 1ier Août 2006, en ces termes : « La qualité officielle de l’auteur d’une infraction relative
aux violences sexuelles ne peut en aucun cas l’exonérer de la responsabilité pénale ni constituer une cause de
diminution de la peine ».
9
. Au point 2, le statut ne vise pas n’importe quelle Cour ou juridiction. Il faut donc entendre Cour pénale internationale,
comme le précise l’article premier du Statut de Rome de la Cour pénale internationale qui prévoit ce qui suit : « Il est
créé une Cour pénale internationale (« la Cour ») en tant qu'institution permanente, qui peut exercer sa compétence
à l'égard des personnes pour les crimes les plus graves ayant une portée internationale, au sens du présent Statut.
Elle est complémentaire des juridictions pénales nationales. Sa compétence et son fonctionnement sont régis par les
dispositions du présent Statut ».
10
. Voir l’ouvrage de Julian FERNANDEZ et Xavier PACREAU (sous la coordination éditoriale de Lola MAZE), Statut
de Rome de la Cour pénale internationale. Commentaire article par article, Tome I et Tome II, Ed. Pédone, article
27
11
. S’il est vrai que la Constitution actuellement en vigueur en République démocratique du Congo organise l’égalité de
tous devant la loi (article 12), il n’est pas moins vrai qu’elle n’organise pas l’identité de traitement. L’égalité de
CAHIERS AFRICAINS DES DROITS DE L’HOMME ET DE LA DEMOCRATIE 65
AINSI QUE DU DEVELOPPEMENT DURABLE

République démocratique du Congo.

En jugeant, la Cour pénale internationale ne tiendra compte ni des


immunités se rapportant justement aux fonctions éventuellement exercées par
l’agent mis en cause, au moment de la commission des faits, ni de toutes autres
règles de procédure spéciales dont il bénéficie à cet effet. Concrètement, les
mêmes juges de la Cour pénale internationale jugent toute personne qui y serait
attraite, peu importe la qualité officielle portée.

Tel que formulé, le second point de l’article 27 du statut, ne méconnaît


nullement la possibilité pour les législations des Etats parties, d’organiser des
règles différentes de traitement des justiciables en la matière. Il ne les oblige
pas non plus, à supprimer leurs règles pénales de forme, se rapportant tant à
la compétence des juridictions, à leur organisation qu’aux procédures spéciales
applicables au niveau interne. Il écarte simplement toute éventuelle incidence
de ces règles de forme devant la Cour pénale internationale.

Assez clairement, ni le premier, ni le second point de l’article 27 du Statut


qui régit la Cour pénale internationale, n’accordent une compétence exclusive
aux Cours congolaises d’appel en matière de crimes contre la paix et la sécurité
de l’humanité, lesquels peuvent aussi être connus par d’autres juridictions en
République démocratique du Congo, étant donné que le législateur ne s’y
oppose nulle part.

II. A LA NON INFIRMATION DE COMPETENCE DES AUTRES


JURIDICTIONS EN MATIERE DE CRIMES CONTRE LA PAIX ET LA
SECURITE DE L’HUMANITE

A côté de la compétence personnelle qu’il affirme à l’article 91 de la loi


organique de 2013, en faveur des Cours d’appel, juridictions bénéficiant de la
compétence soit en cas d’appel mais aussi en tenant compte de la qualité du
justiciable, comme soutenu précédemment, le législateur congolais n’infirme
pas la possibilité pour d’autres juridictions de connaître également de ces
crimes.

traitement suppose que l’on se retrouve dans une catégorie donnée, pour bénéficier du traitement prévue à cet effet.
C’est ainsi que la Constitution fixe quelques règles spéciales de procédures applicables à toute personne de certaines
catégories visées (articles 153, 156 et 163-168).
66 La question de juridictions congolaises compétentes en matière de crimes contre la paix
et la sécurité de l’humanité

Il prend en compte d’une part la matière et d’autre part la qualité de


l’agent au moment de la réalisation de son comportement proscrit.

Si les tribunaux de grande instance bénéficient en matière pénale aussi


bien de la compétence matérielle que de celle personnelle au premier degré, il
n’est pas le cas pour d’autres juridictions congolaises. Le législateur n’attribue
aux autres juridictions, la possibilité de connaître des infractions au premier
degré qu’à condition notamment que la personne mise en cause porte l’une ou
l’autre qualité visée par le texte.

C’est qu’il accorde à certaines personnes la faveur d’être jugées au


premier degré par une toute autre juridiction que celle matériellement
compétente. On parle dans ce cas, de la compétence personnelle d’une
juridiction. Cette dernière se rapporte à l’aptitude reconnue par la loi à une
juridiction, à connaître d’une affaire en fondant sa compétence sur la qualité de
la personne mise en cause, et pouvant donc y être déférée et jugée. Sans cette
qualité requise par la loi, aucune personne suspectée d’une infraction, plus
grave soit-elle, ne pourra être jugée ni condamnée par cette juridiction au
premier degré12.

Comme pour d’autres infractions, il existe en République démocratique


du Congo des juridictions ordinaires de l’ordre judiciaire et d’autres
juridictions, pouvant se déclarer compétentes à connaître, au premier degré, de
toutes infractions, y compris les crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité, et cela, en se fondant soit sur la matière, soit sur la qualité des
personnes à juger. Dès lors, la compétence affirmée aussi bien en cas d’appel
sur le plan processuel, que sur le plan personnel, pour les Cours d’appel, se
trouve non infirmée par le législateur pour différentes autres juridictions. La
différence entre ces compétences attribuées se situe au niveau du fondement.
Il y a donc le fondement matériel mais aussi celui personnel.

Il va falloir ainsi dégager certaines juridictions ordinaires de l’ordre


judiciaire (A), avant de traiter des autres juridictions (B), compétentes en
matière de crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité.

12
. Dans ce cas, la juridiction qui en bénéficie sera compétente pour juger au premier degré uniquement les personnes
visées, mais pour toutes infractions. La compétence matérielle suppose quant à elle que la juridiction qui en
bénéficie soit à même de connaître des infractions rentrant dans la fourchette fixée peu importe la qualité de son
réalisateur. Dès lors, la compétence personnelle déroge à celle matérielle.
CAHIERS AFRICAINS DES DROITS DE L’HOMME ET DE LA DEMOCRATIE 67
AINSI QUE DU DEVELOPPEMENT DURABLE

A. La non prohibition de la compétence de certaines juridictions ordinaires


de l’ordre judiciaire

Le législateur congolais n’organise aucune prohibition de compétence


pour certaines juridictions ordinaires de l’ordre judiciaire, en matière de crimes
contre la paix et la sécurité de l’humanité. C’est justement ce qui se dégage de
certaines dispositions de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant
organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre
judiciaire. Il y a d’abord une juridiction inférieure aux Cours d’appel (1), mais
également une juridiction supérieure, en l’occurrence la Cour de Cassation (2).

1. Des tribunaux de Grande Instance : Juridictions inférieures


compétentes en matière de crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité

Au sein de l’ordre judiciaire congolais13, les tribunaux de grande instance


occupent la deuxième position des juridictions ordinaires, sur le plan
hiérarchique. Ils sont donc placés au rang supérieur des tribunaux de paix,
mais inférieur aux Cours d’appel et bénéficient d’une organisation14 et des
règles de compétence propres, différentes de celles des autres juridictions

Il y a lieu de remarquer non difficilement que le législateur organise leur


compétence, et ne s’oppose pas à ce qu’ils connaissent de crimes contre la paix
et la sécurité de l’humanité (A). C’est qu’en dehors de leur compétence
matérielle prévue par la loi, il n’existe aucune autre disposition qui l’aurait
retiré en faveur d’une autre juridiction. D’ailleurs, bien que cela se soit produit
avant l’entrée en vigueur de la loi organique du 11 avril 2013, mais, il n’est pas
inintéressant de mentionner que ces tribunaux avaient déjà connu de ces crimes
sans que les contestations de cette compétence ne soient confirmées à ce jour
(B).

13
. Lire avec intérêt Félix VUNDUAWE te PEMAKO, Cours de contentieux administratif congolais, Volume I, Notions
de juridictions et délimitation du contentieux administratifs en République Démocratique du Congo, Kinshasa,2017,
pp. 57-64
14
. Lire avec intérêt les articles 14 à 18 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire, in JO RDC,54ième année, n° spécial-Première
partie, du 04 mai 2013.
68 La question de juridictions congolaises compétentes en matière de crimes contre la paix
et la sécurité de l’humanité

a. Les tribunaux de grande instance : Juridictions doublement


compétentes au pénal

Deux critères permettent aux tribunaux de grande instance de se déclarer


compétentes en matière pénale, savoir : le critère matériel et celui personnel.
Ce qui veut sous-entendre que ces tribunaux peuvent se déclarer compétentes
à connaître des infractions au premier degré soit sur le fondement de la matière
à traiter (1°), soit encore sur le fondement relatif à la qualité du justiciable (2°).

1° De la compétence matérielle des tribunaux de grande instance

Il est connu de tous qu’en droit répressif, le critère de compétence, c’est


d’abord la matière. En effet, au pénal, une juridiction ne peut se déclarer
principalement compétente que dans la mesure où le législateur lui attribue
l’aptitude à instruire et à juger une affaire, soit en se fondant sur le type ou la
gravité de sanction à encourir par celui ou celle qui serait reconnue coupable
(notamment en ce qui concerne les juridictions ordinaires, exemple : l’amende,
la servitude pénale, la mort …etc. ) ; soit en tenant compte du type d’infraction
à traiter (particulièrement en ce qui concerne les juridictions spécialisées,
exemple : les infractions d’affaire, les infractions militaires…etc.).

En ce qui concerne les tribunaux de grande instance, il importe de noter


qu’au premier alinéa de l’article 89 de la loi organique de 2013, le législateur
précise ce qui suit : « Ils connaissent des infractions punissables de la peine de mort
et de celles punissables d'une peine excédant cinq ans de servitude pénale principale ».

Deux observations méritent d’être faites à ce niveau :

- Premièrement, cet alinéa ne se rapporte qu’à la compétence matérielle des


tribunaux de grande instance (il ne traite donc pas de la compétence
personnelle, ni de celle territoriale) ;

- Deuxièmement, cette compétence matérielle fixée sur le fondement de ce


premier alinéa, l’est sur la base de la sanction à encourir par le coupable.
C’est qu’il convient et il suffit qu’une infraction soit punissable de la peine
de mort ou de plus de cinq ans de servitude pénale pour que le tribunal de
grande instance soit matériellement compétent.
CAHIERS AFRICAINS DES DROITS DE L’HOMME ET DE LA DEMOCRATIE 69
AINSI QUE DU DEVELOPPEMENT DURABLE

Par ailleurs, les articles 221 alinéa 2, 222 alinéa 2 et 223 alinéa 4 de la loi
n°15/022 du 31 décembre 2015 modifiant et complétant le Décret du 30 janvier
1940 portant Code pénal ont clairement prévu la peine de mort en ce qui
concerne les trois15 crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, portés par
le titre IX du livre II de ce code.

Etant donné que les crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité,


portés par notre code pénal sont aujourd’hui punis de mort, il nous paraît tout
à fait légal, de reconnaître aux tribunaux de grande instance la compétence de
connaître des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité.

La volonté clairement exprimée par le législateur n’est pas celle d’une


quelconque méconnaissance de cette compétence. Bien au contraire, le
législateur affirme en effet plutôt la compétence matérielle de ces tribunaux à
connaître des infractions (toutes), à condition qu’elles soient punissables soit
de plus de 5 ans de servitude pénale, soit de la peine de mort (art. 89 LO).

S’il voulait, le législateur pouvait, notamment à travers la révision


intervenue le 31 décembre 2015, excepter les crimes contre la paix et la sécurité
de l’humanité. Ne l’ayant pas fait, nous ne pensons pas l’affirmer sans courir
le risque d’une violation manifeste de la loi.

2° De la compétence personnelle des tribunaux de grande instance

En plus de leur compétence matérielle, les tribunaux de grande instance


bénéficient, de par la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013, de la
compétence personnelle, permettant de soumettre à leur examen une affaire se
rapportant à tout crime, y compris ceux contre la paix et la sécurité de
l’humanité, à condition d’établir que la personne mise en cause relève de leur
compétence personnelle. Le deuxième alinéa de l’article 89 de ladite loi
organique prévoit ce qui suit : « Ils connaissent en premier ressort des infractions
commises par les Conseillers urbains, les Bourgmestres, les Chefs de secteur, les Chefs
de chefferie et leurs adjoints ainsi que par les Conseillers communaux, les Conseillers
de secteur et les Conseillers de chefferie ».

15
. Il s’agit du génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre.
70 La question de juridictions congolaises compétentes en matière de crimes contre la paix
et la sécurité de l’humanité

Les Tribunaux de grande instance sont donc compétents pour connaître


de toute infraction commise par l’une des personnes citées ci-dessus. Le
législateur n’a pas excepté une infraction. Qu’il s’agisse d’une infraction
punissable de tout au plus cinq ans de servitude pénale ou de plus de cinq ans
de servitude pénale, les Tribunaux de grande instance seront compétents à
juger les personnes mises en cause, si l’on établit qu’au moment de la
commission de l’infraction, elles portaient l’une ou l’autre qualité visée par le
législateur.

En conséquence de ce qui précède, on peut noter qu’en principe, si la


personne mise en cause était, lors de la perpétration de l’infraction, notamment
Chef de secteur, et que la qualification retenue en ce qui concerne les faits mis
à sa charge, a été par exemple celle de crime de génocide, ce tribunal (de grande
instance) sera compétent au premier degré. Mais, l’article 91 de la même loi
organique, excepte ce cas particulier dans sa formulation actuelle, comme
analysé précédemment, retirant ainsi cette compétence (personnelle) aux
Tribunaux de grande instance au profit des Cours d’appel uniquement en
matière de crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité.

b. Illustration de connaissance du crime de Génocide par le Tribunal de


grande instance de Kinshasa/Kalamu

Dans une affaire inscrite sous RP 11. 154/11.155/11.156, le tribunal de


grande instance de Kinshasa/Kalamu a connu du crime de génocide qu’il a
retenu contre des personnes qui en étaient accusées16.

Ce tribunal s’est déclaré compétent à connaître de ce crime au moment


où, bien avant ces faits, aucune autre juridiction congolaise de droit commun,
qualifiée aujourd’hui juridiction ordinaire, de l’ordre judiciaire, n’avait déjà
jugé pour un tel crime.

16
. Les faits peuvent se résumer comme suit : En 2011, à la suite des élections présidentielles, un conflit était né entre
différents groupes de soutien des candidats. Au sein de la population kinoise, certains s’en prenaient à quelques
adeptes de l’Eglise kimbanguiste. Si les premiers étaient considérés avoir soutenu un candidat de l’opposition, les
derniers quant à eux, étaient accusés de soutenir le président de la République, qui était candidat à sa propre
succession. Ledit conflit a entrainé des actes de violence ou d’agression physique avec mort d’homme, des blessures
graves, le pillage de l’Eglise, et sa démolition …etc.
CAHIERS AFRICAINS DES DROITS DE L’HOMME ET DE LA DEMOCRATIE 71
AINSI QUE DU DEVELOPPEMENT DURABLE

Au-delà des arguments qu’il a avancés pour justifier sa compétence, l’on


peut noter également que : d’abord, lorsqu’on prend en compte la définition
du législateur lui-même, les crimes visés ne sont pas des infractions purement
militaires. Pour s’en convaincre, il suffit de parcourir les articles 39 et 40 du
Code pénal militaire. En effet, l’article 39 retient dans le Code pénal militaire
deux catégories d’infractions, à savoir : les infractions d’ordre militaire et celles
mixtes ; mais, sans préjudice du Code pénal ordinaire.

Par contre, l’article 40 définit les infractions d’ordre militaire comme


celles qui ne sont commises que par des militaires ou assimilés et consistent en
un manquement au devoir de leur état. Il précise enfin que les infractions
mixtes sont des infractions de droit commun, aggravées en raison des
circonstances de leur perpétration et réprimées à la fois par le Code Pénal
ordinaire et le Code pénal militaire.

A cet effet, il a consacré tout le titre II du Code pénal militaire aux


infractions d’ordre militaire17. Cependant, les crimes qui se trouvent
aujourd’hui portés par le titre IX du Livre II du Code pénal, étaient à l’époque
portés par le titre V de la loi n°024/2002 du 18 novembre 2002 portant Code
pénal militaire. Dès lors, ces crimes ne sont pas des infractions d’ordre militaire
(ne pouvant être commises que par les militaires et assimilés) et devant sur
base de la qualité de leurs auteurs, être connues par les juridictions militaires.

Mais puisque ces crimes étaient classés en effet plutôt parmi les
infractions mixtes (infractions de droit commun mais aggravées), on peut en
comprendre qu’ils pouvaient être commis par quiconque (comme c’est
d’ailleurs le cas concrètement) et de ce fait, être portés devant toute juridiction
compétente (ordinaire ou spécialisée).

17
. Dans la loi n°024/2002 du 18 novembre 2002 portant Code pénal militaire, le législateur ne retient, sous le deuxième
titre, que quatre catégories d’infractions d’ordre militaire, à savoir :
- Les infractions tendant à soustraire leurs auteurs aux obligations militaires. Le cas des désertions (Art. 44 à 52), la
provocation et le recel de déserteur (art. 53-54).
- Les infractions contre l’honneur et le devoir. Il en est ainsi de la capitulation ou du défaitisme (Art. 58-61) ; du
complot militaire (Art. 62).
- Les infractions contre la discipline. On peut citer la révolte militaire (Art. 89-90) et les voies de fait et outrage à
subordonné (Art. 107-109).
- Les infractions aux consignes17. Il y a notamment l’abandon de poste en temps de paix et de guerre17 (Art. 116-117)
et la non-assistance à un autre navire en détresse (Art. 123).
72 La question de juridictions congolaises compétentes en matière de crimes contre la paix
et la sécurité de l’humanité

Ensuite, à l’époque des faits, l’interprétation qui avait prévalue en ce qui


concerne les articles 161 et 207 de la loi n°024/2002 du 18 novembre 2002
portant Code pénal militaire, affirmait une exclusivité de compétence des
juridictions militaires congolaises à connaître de ces crimes. Alors qu’à dire
vrai, ces deux articles étaient suffisamment clairs dans leurs libellés et
n’auraient pas dû orienter vers une telle conclusion.

L’article 161 du Code pénal militaire prévoyait ce qui suit : « En cas


d’indivisibilité ou de connexité d’infractions avec des crimes de génocide, des crimes de
guerre ou des crimes contre l’humanité, les juridictions militaires sont seules
compétentes ». Il se dégageait donc de cette disposition que les juridictions
militaires congolaises ne pouvaient être seules compétentes à connaître de ces
crimes que si et seulement si l’on décelait soit l’indivisibilité, soit la connexité
d’avec d’autres infractions. Au cas contraire, c’est-à-dire que lorsqu’il n’y a ni
indivisibilité ni connexité, les juridictions militaires ne pouvaient nullement se
considérer seules compétentes. Dans ce second cas (absence de connexité et
d’indivisibilité), elles ne devaient être compétentes qu’au même titre que les
autres juridictions.

Mais, bien plus, l’article 207 de ce même texte prévoyait ce qui suit : « Sous
réserve des dispositions des articles 117 et 119 du Code Judiciaire Militaire, seules les
juridictions militaires connaissent des infractions prévues par le présent Code ».
Encore une fois, le législateur congolais affirmait la compétence des juridictions
militaires. Mais, il faut noter qu’il s’agissait d’une compétence d’une exclusivité
simplement apparente. Puisqu’elle était limitée ou plutôt conditionnée. Les
juridictions militaires congolaises ne devraient connaître seules des infractions
du Code pénal militaire que tant que les libellés des articles 117 et 119 du Code
judiciaire militaire18 étaient observés.

18
. Loi n°023/2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire. Article 117 : Lorsque la juridiction ordinaire
est appelée à juger une personne justiciable de la juridiction militaire, elle lui applique le Code Pénal Militaire. Le
président de la juridiction civile compétente peut requérir les services d’un juge militaire, magistrat de carrière,
pour faire partie du siège. De même, lorsque les Cours et Tribunaux Militaires sont appelés à juger des personnes
qui ne sont pas justiciables des juridictions militaires, conformément au présent Code, le président de la juridiction
militaire compétente peut requérir les services d’un juge civil pour faire partie du siège.
Article 119 : En cas d’infraction continue s’étendant d’une part sur une période où le justiciable relevait de la
juridiction de droit commun et, d’autre part, sur une période pendant laquelle il relève de la juridiction militaire ou
vice-versa, la juridiction militaire est compétente.
CAHIERS AFRICAINS DES DROITS DE L’HOMME ET DE LA DEMOCRATIE 73
AINSI QUE DU DEVELOPPEMENT DURABLE

De ces deux articles du Code judiciaire militaire auxquels faisait allusion


l’article 207 du Code pénal militaire, par une réserve claire, on retiendra que le
premier précise en effet plutôt les règles de compétence des juridictions
ordinaires à juger un justiciable des juridictions militaires et à lui appliquer le
code pénal militaire et vice-versa. Donc, le Tribunal de grande instance
(juridiction ordinaire) pouvait, sur base de cet article 117 du Code judiciaire
militaire, juger un militaire ou assimilé (justiciable des juridictions militaires)
et lui appliquer toutes les dispositions du Code pénal militaire, sans pour
autant être accusé de l’avoir violé. Or dans le cas d’espèce, il s’est agi de
justiciables ne relevant pas de la compétence des juridictions militaires. Donc,
pensons-nous, ce tribunal de grande instance pouvait les juger et leur
appliquer le texte qui incrimine leur comportement et qui est effectivement
applicable au Congo. Le deuxième article quant à lui, indique simplement que
la juridiction militaire sera compétente en cas d’une infraction continue,
commise sous deux qualités différentes dont l’une était militaire.

Dès lors, il n’y avait pas d’exclusive compétence des juridictions


militaires en la matière. Ces limitations ou conditions laissaient bien entrevoir
la possibilité pour les juridictions de droit commun, dites aujourd’hui
ordinaires de connaître de ces crimes, comme l’avait fait le Tribunal de grande
instance de Kinshasa/Kalamu dans l’affaire inscrite en procédure de flagrance
sous RP 11.154/11.155/11.156 le 16 décembre 2011, et dont jugement rendu le
17 décembre 2011.

Enfin, lorsqu’elle avait ratifié le Statut de Rome de la Cour pénale


Internationale par un décret du 30 mars 2002, la République démocratique du
Congo n’avait pas écarté certaines juridictions au profit d’autres. Elle n’avait
pas admis l’application de ce texte que par les juridictions militaires. Par
conséquent, il ne nous semble pas justifié de s’opposer, sans motif fondé, à
l’application de ce statut par une juridiction de droit commun ou ordinaire.

De ce qui précède, il est tout à fait clair que dans l’affaire sous examen, le
Tribunal de grande instance de Kinshasa/Kalamu devait, comme il l’avait fait,
se déclarer compétent matériellement pour connaître au premier degré de ce
crime de génocide, nonobstant les critiques, par ailleurs fondées, formulées en
ce qui concerne notamment la qualification retenue par rapport aux faits qui
lui étaient soumis et les règles de procédure de flagrance appliquées.
74 La question de juridictions congolaises compétentes en matière de crimes contre la paix
et la sécurité de l’humanité

Disons enfin que l’affirmation de la compétence du Tribunal de grande


instance au premier degré, n’exclut pas la possibilité pour une toute autre
juridiction de connaître au premier degré, de l’un ou l’autre crime contre la
paix et la sécurité de l’humanité en République démocratique du Congo. Le
législateur congolais n’infirme pas non plus cette compétence à la Cour de
Cassation.

2. De la compétence de la Cour de Cassation


Les crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité peuvent également
être portés pour être connus par la Cour de Cassation.
Il en sera le cas, en ce qui concerne sa compétence personnelle, lorsque la
personne mise en cause relève de sa compétence personnelle. Dans un tel cas,
l’affaire y sera portée au tout premier ressort mais en même temps au dernier.
C’est justement ce qu’il convient de retenir de l’article 93 de la loi organique
judiciaire du 11 avril 2013 qui prévoit ce qui suit : « La Cour de cassation connaît
en premier et dernier ressort des infractions commises par : 1° les membres de
l'Assemblée Nationale et du Sénat ; 2° les membres du Gouvernement autres que le
Premier Ministre ; 3° les membres de la Cour constitutionnelle et ceux du Parquet près
cette Cour ; 4° les membres de la Cour de Cassation et ceux du Parquet près cette Cour ;
5° les membres du Conseil d'État et ceux du Parquet près ce Conseil ; 6° les membres
de la Cour des Comptes et ceux du Parquet près cette Cour ; 7° les Premiers Présidents
des Cours d'appel et des Cours administratives d’appel ainsi que les Procureurs
Généraux près ces Cours ; 8° les Gouverneurs, les Vice Gouverneurs de province et les
Ministres provinciaux ainsi que les Présidents des Assemblées provinciales ».
L’article 93 ci-dessus évoqué, rend la Cour de Cassation compétente à
connaître de toutes les infractions au premier et dernier ressort, à l’unique
condition qu’elle soit mise à la charge de l’une des personnes visées. Qu’il
s’agisse d’une infraction punissable de cinq ans de servitude pénale ou d’une
simple peine d’amende, ou de plus de cinq ans de servitude pénale et même
de la peine de mort, la Cour de Cassation sera compétente. C’est qu’il convient
et il suffit que la personne mise en cause soit l’une de celles visées (ex. : Un
sénateur) par la loi organique pour que notamment le crime de génocide soit
connu par la Cour de Cassation.
Mais, il faut admettre qu’en dehors de sa compétence personnelle, la
Cour de Cassation peut également connaître des crimes sous examen lorsqu’un
arrêt rendu au premier degré par la Cour d’appel, est frappé d’appel (Art. 94).
Et dans ce cas, il n’y aura plus possibilité de se pourvoir à Cassation.
CAHIERS AFRICAINS DES DROITS DE L’HOMME ET DE LA DEMOCRATIE 75
AINSI QUE DU DEVELOPPEMENT DURABLE

En plus, lorsqu’une affaire pénale, relative notamment aux crimes contre


la paix et la sécurité de l’humanité avait été connue au dernier ressort par une
juridiction ordinaire ou spécialisée de l’ordre judiciaire, la décision rendue
dans ce cas, pourra être entreprise en Cassation devant la Cour de Cassation.
C’est justement ce que souligne l’article 95 de la loi organique en ces termes :
« La Cour de cassation connaît des pourvois pour violation des traités internationaux
dûment ratifiés, de la loi ou de la coutume formés contre les arrêts et jugements rendus
en dernier ressort par les Cours et tribunaux civils et militaires de l'ordre judiciaire ».

La Cour de Cassation pourra enfin connaître de crimes contre la paix et


la sécurité de l’humanité en cas de pourvoi en révision contre des
condamnations passées en force de chose jugée, étant donné que ces crimes
sont punissables d’une peine supérieure à la servitude pénale de deux mois, et
que la juridiction qui aura rendu la décision entreprise importe peu, ni même
la peine effectivement prononcée19.

B. De la non exclusion de compétence des autres juridictions

En plus des cas traités ci-dessus, en rapport avec les juridictions


congolaises compétentes en matière de crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité, trois autres cas de figures existent, et méritent selon nous, d’être
évoqués, savoir : la compétence des juridictions militaires, celle des tribunaux
pour enfants et celle de la Cour constitutionnelle.

1. De la compétence des juridictions militaires

Les juridictions militaires congolaises sont aujourd’hui régies par la loi


n°023/2002 du 18 novembre 2002 portant Code de justice militaire20. Mais,
nous pensons que le législateur devra intervenir pour conformer ce texte à
l’article 153 de la Constitution, actuellement en vigueur21.

19
. Les articles 67 à 72 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
Cassation.
20
. A cette même date, avait été prise une autre loi sous le n°024/2002 portant Code pénal militaire.
21
. En effet, le texte qui régit les juridictions militaires congolaises aujourd’hui suscite une préoccupante question de sa
conformité ou non à la Constitution. Alors que la volonté clairement exprimée du constituant congolais est celle de
voir les juridictions militaires être régies, en République démocratique du Congo, par une loi organique, comme
l’indique son article 156, l’on déplore néanmoins que les personnes mises en cause, soient traduites devant ces
juridictions, régies jusqu’aujourd’hui, par une loi ordinaire. L’inconstitutionnalité de ce texte, entamant ainsi ces
juridictions devra être portée devant la juridiction congolaise, compétente en la matière pour trancher. L’article 156,
alinéa 3 dispose ce qui suit : « Une loi organique fixe les règles de compétence, d’organisation et de fonctionnement
des juridictions militaires » Article 156 , alinéa 3 de la Constitution de la République démocratique du Congo,
modifiée par la loi n°11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République
démocratique du Congo du 18 février 2006, in JO RDC, 52è année, n° spécial, du 05 février 2011.
76 La question de juridictions congolaises compétentes en matière de crimes contre la paix
et la sécurité de l’humanité

En dépit de cette inconstitutionnalité que nous décrions dans la doctrine,


mais non encore décidée par le juge compétent, il va falloir analyser les règles
de compétence des juridictions militaires régies par ce texte, jusqu’alors en
vigueur.
A cet effet, il y a lieu de relever qu’aucune disposition légale en vigueur
en République démocratique du Congo n’écarte les juridictions militaires de la
compétence en matière de crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité.
Nonobstant l’interprétation actuellement faite du deuxième alinéa de
l’article 91 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013, les règles de
compétence des juridictions militaires restent néanmoins maintenues. C’est
ainsi que :

- Les tribunaux militaires de police connaissent des infractions punissables de


un an de servitude pénale, au maximum, à condition qu’elles soient
commises par les militaires des Forces Armées Congolaises, ou assimilés,
d’un grade inférieur à celui de Major, qui se rendent coupables des faits
punis par la loi d’une peine de servitude pénale de un an au maximum (Art.
90 et 122, al. 2 CJM).
Dès lors, on comprend que ces tribunaux ne pourront pas connaître de
crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité étant donné que la peine
actuellement prévue est celle de mort. Les tribunaux militaires de police
sont donc matériellement incompétents à connaître de ces crimes, au profit
des tribunaux militaires de garnison.
- Les Tribunaux militaires de garnison connaissent des infractions
punissables de la peine de mort et de celles punissables d’une peine
supérieure à un an commises par les militaires des Forces Armées
Congolaises d’un grade inférieur à celui de Major et les membres de la Police
Nationale et du Service National de même rang (Art. 88 et 122, al. 1ier CJM).
En ce qui concerne les tribunaux militaires de garnison, il faut retenir
d’abord la gravité de l’infraction caractérisée par le taux de la peine, à savoir
la peine de mort et une autre peine supérieure à un an. Sur le plan personnel
cependant, le législateur cite uniquement certaines personnes. C’est
seulement lorsque les faits constitutifs de ces infractions (gravement
sanctionnées, comme les crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité)
seront mis à la charge de ces personnes, que les tribunaux militaires de
garnison se déclareront compétents.
CAHIERS AFRICAINS DES DROITS DE L’HOMME ET DE LA DEMOCRATIE 77
AINSI QUE DU DEVELOPPEMENT DURABLE

- A côté des appels des jugements rendus par les Tribunaux militaires de
garnison (donc au second degré), les Cours Militaires connaissent au
premier degré des infractions commises par les officiers supérieurs des
Forces Armées Congolaises et les membres de la Police Nationale et du
Service National de même rang ; les personnes justiciables, par état, de la
Cour d’Appel pour des faits qui relèvent de la compétence des juridictions
militaires ; les fonctionnaires de commandement du Ministère de la Défense,
de la Police Nationale, du Service National ainsi que de leurs services
annexes ; les magistrats militaires des Tribunaux Militaires de Garnison et
ceux des Auditorats Militaires près ces Tribunaux Militaires ; ainsi que les
membres militaires de ces juridictions poursuivis pour les faits commis dans
l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions de juge (Art. 84 et
121 CJM).
Les Cours Militaires Opérationnelles quant à elles, connaissent des
infractions de toute nature commises par des justiciables des juridictions
militaires (Art. 86 CJM). On doit logiquement inclure également les crimes
contre la paix et la sécurité de l’humanité.
Ces deux cours n’ont qu’une compétence personnelle. C’est qu’elles
peuvent connaître de toutes les infractions commises par des personnes bien
visées par le législateur.
- La Haute Cour Militaire connaît, en premier et dernier ressort, des
infractions de toute nature commises par les officiers généraux des Forces
Armées Congolaises et les membres de la Police Nationale et du Service
National de même rang ; les personnes justiciables, par état, de la Cour
Suprême de Justice, pour des faits qui relèvent de la compétence des
juridictions militaires ; les magistrats militaires membres de la Haute Cour
Militaire, de l’Auditorat Général, des Cours Militaires, des Cours Militaires
Opérationnelles, des Auditorats Militaires près ces Cours ; et les membres
militaires desdites juridictions, poursuivis pour des faits commis dans
l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions de juge (Art. 82 et
120 CJM). On comprend qu’à côté des appels des arrêts rendus par les Cours
d’appel (art. 83, al. 1ier CJM), cette haute juridiction militaire n’a qu’une
compétence personnelle en matière pénale. C’est qu’elle ne peut connaître
d’une quelconque infraction (y compris les crimes contre la paix et la
sécurité de l’humanité), au premier degré, qu’à condition que celle-ci soit
mise à la charge de l’une des personnes visées par la loi judiciaire militaire.
78 La question de juridictions congolaises compétentes en matière de crimes contre la paix
et la sécurité de l’humanité

En définitive, les juridictions militaires ont donc principalement une


compétence personnelle. C’est qu’elles connaissent des faits constitutifs de
crimes mis à la charge soit des militaires, soit des assimilés, mais aussi de leurs
coparticipants22, à l’exception des mineurs de dix-huit ans23. Mais, le
constituant veut qu’elles soient également compétentes, lorsqu’en temps de
guerre, le Président de la République, après avoir proclamé l’état de siège ou
d’urgence, par une décision délibérée en Conseil des ministres, décide de
suspendre sur tout ou partie de la République et pour la durée et les infractions
qu’il fixera, l’action répressive des Cours et Tribunaux de droit commun au
profit de celle des juridictions militaires24. Dans ce cas justement, elles pourront
connaître des faits graves imputés même aux personnes qui ne relèvent pas de
leur compétence personnelle, mais qui sont plutôt justiciables des autres
juridictions.

2. De la compétence personnelle des tribunaux pour enfants : une


compétence générale en droit pénal

Les Tribunaux pour enfants ont une compétence fondée sur un critère
personnel. C’est ainsi qu’ils ne peuvent connaître d’une infraction, que si et
seulement si l’on parvient à prouver que, la personne mise en cause, était au
moment de l’accomplissement des actes proscrits, âgée de moins de dix-huit
ans.

Ces tribunaux pour enfants peuvent donc connaître de toute infraction,


peu importe sa nature, et même la peine encourue par le coupable. Cette
compétence est donc générale.

En ce qui concerne la nature des infractions, il y a lieu de noter que les


tribunaux pour enfants peuvent connaître des infractions de droit
commun (exemple : le meurtre, le viol, la destruction méchante …etc.) ; des
infractions d’affaires (notamment : en matière commerciale, en matière du
travail, en matière douanière, en droit des sociétés, en droit minier, …etc.) ; des

22
. Articles 106 et suivants de la loi n°023/2002 du 8 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, in JO RDC, 43è
année, n° spécial, du 20 mars 2003.
23
. Article 112 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant, in JO RDC, 50è année, n° spécial,
Première partie, du 12 janvier 2009.
24
. Article 156 , alinéa 2 de la Constitution de la République démocratique du Congo, modifiée par la loi n°11/002 du
20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République démocratique du Congo du
18 février 2006, in JO RDC, 52è année, n° spécial, du 05 février 2011.
CAHIERS AFRICAINS DES DROITS DE L’HOMME ET DE LA DEMOCRATIE 79
AINSI QUE DU DEVELOPPEMENT DURABLE

infractions du code pénal militaire25 ; et même des crimes contre la paix et la


sécurité de l’humanité, pensons-nous …etc.

Quant à la peine, il importe de noter que ces tribunaux peuvent aussi


connaître de toute infraction quel que soit le type et le taux de la peine
encourue. Qu’il s’agisse d’une infraction punissable d’une simple amende, ou
encore d’une servitude pénale de moins voir de plus de cinq ans, ou enfin de
la peine de travaux forcés et même de la peine de mort. Sauf qu’assez
clairement, le législateur interdit tout prononcé de deux peines, savoir : la peine
de mort et celle de servitude pénale à perpétuité26. Aucune disposition de la loi
ne s’y oppose, mais que, bien au contraire, tout s’y prête.

Dans tous les cas, il convient et il suffit qu’il soit prouvé, qu’au moment
de la réalisation de l’acte proscrit par la loi sous la menace d’une sanction
pénale, la personne mise en cause était âgée de moins de dix-huit ans27. Peu
importe qu’elle soit ou non majeure au moment où elle est traduite devant le
juge d’enfants.

Mais, on est tous conscient que bien que prévu, il est néanmoins possible
de ne pas trouver un tribunal pour enfants, dans certains coins de la
République démocratique du Congo. Dans un tel cas, le législateur tranche, à
la suite d’une précédente position28 qui semble à ce jour dépassée, qu’en
attendant l’installation des tribunaux pour enfants institués par l’article 84 de
la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant, les chambres
spécialisées des tribunaux de paix connaissent des matières dans lesquelles se
trouve impliqué l’enfant en conflit avec la loi et appliquent toutes les règles de
procédures prévues par cette loi29.

25
. Le code pénal militaire prévoit deux catégories d’infractions, savoir : les infractions d’ordre militaire et les
infractions mixtes (Articles 39-40 de la loi n°024/2002 du 18 novembre 2002 portant Code pénal militaire, in JO
RDC, 43è année, n° spécial, du 20 mars 2003).
26
. Article 9, alinéa 2 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant, in JO RDC, 50è année, n°
spécial, Première partie, du 12 janvier 2009.
27
. Articles 98-99 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant, in JO RDC, 50è année, n° spécial,
Première partie, du 12 janvier 2009.
28
. Article 200 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant, in JO RDC, 50è année, n° spécial,
Première partie, du 12 janvier 2009 : « Les Tribunaux de paix et les tribunaux de grande instance restent compétents
pour connaître respectivement en premier et second ressort des affaires qui relèvent de la compétence des tribunaux
pour enfants qui seront installés et fonctionneront au plus tard dans les deux ans qui suivent la promulgation de la
présente loi ». Le législateur espérait à cet article que les tribunaux pour enfants seraient installés effectivement et
complètement dans un délai de deux ans. C’est ainsi qu’il avait attribué leur compétence, pour ce délai fixe
seulement, aux tribunaux de paix et à ceux de grande instance. Mais, lorsqu’il a constaté que tel n’était pas le cas,
il a dû postérieurement, dans une loi organique, adopter une autre attitude, en évitant justement de fixer de délai.
29
. Article 152 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences
des juridictions de l’ordre judiciaire, in JO RDC,54ième année, n° spécial-Première partie, du 04 mai 2013.
80 La question de juridictions congolaises compétentes en matière de crimes contre la paix
et la sécurité de l’humanité

3. De la non interdiction de compétence de la Cour constitutionnelle

En plus de ses différentes autres compétences se rapportant


essentiellement au domaine politique (contrôle de constitutionnalité,
interprétation de la Constitution, contentieux législatif national, déclaration de
patrimoine familial,… etc.), la Cour constitutionnelle de la République
démocratique du Congo bénéficie de la compétence pénale.

Cette compétence est consacrée par la Constitution30 actuellement en


vigueur, formalisée par la loi organique31 de la Cour, et matérialisée par son
Règlement intérieur32.

Mais, cette compétence pénale de la Cour constitutionnelle n’est pas


générale. Elle est spéciale puisque limitée, étant donné qu’elle est conditionnée
par la qualité de la personne à mettre en cause. En effet, dans toute affaire
pénale portée devant la Cour constitutionnelle, il doit être fait état de
l’implication du Président de la République ou du Premier ministre, pour
qu’elle se déclare compétente. Il faudra donc prouver l’existence de cette
qualité dans le chef du principal suspect. Sans cette implication, la Cour ne
pourra nullement se déclarer compétente. Il s’agit, à n’en point douter d’une
compétence pénale fondée sur un critère personnel. Elle est donc liée à la
qualité du principal justiciable. Il doit s’agir précisément de deux plus hauts
responsables politiques, en pleine activité officielle ou plus précisément en
plein exercice du mandat ou des fonctions. De ce fait, il conviendrait d’écarter
de cette compétence personnelle, et la Cour constitutionnelle devrait se
déclarer incompétente, lorsqu’elle est saisie pour juger un Président ou un
Premier ministre honoraire. D’une part, le législateur ne l’a pas prévu33, et
d’autre part, les règles de procédure à suivre ne s’y accommodent.

30
. Articles 164-167 de la Constitution de la République démocratique du Congo, modifiée par la loi n°11/002 du 20
janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République démocratique du Congo du 18
février 2006, in JO RDC, 52è année, n° spécial, du 05 février 2011.
31
. Articles 72-80 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour
constitutionnelle, in JO RDC, 54è année, n° spécial, 2013.
32
. Articles 57-70 du Règlement intérieur de la Cour constitutionnelle du 30 mai 2015, in JO RDC, 56e année, n° spécial,
du 22 mai 2015.
33
. Sauf le cas de défaut de déclaration du patrimoine familial, ou encore celui de déclaration frauduleuse ou enfin de
soupçon d’enrichissement sans cause, comme l’indiquent les articles 99, alinéa 5 de la Constitution de la
République démocratique du Congo, actuellement en vigueur et 83, alinéa 7 de la loi organique n°13/026 du 15
octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle.
CAHIERS AFRICAINS DES DROITS DE L’HOMME ET DE LA DEMOCRATIE 81
AINSI QUE DU DEVELOPPEMENT DURABLE

Il ne devrait pas s’agir d’une personne portant une toute autre qualité
que l’une de ces deux visées par le législateur. C’est que, la Cour
constitutionnelle ne devrait se déclarer compétente à juger notamment un vice-
Président, un vice-Premier ministre, moins encore un ministre ni un vice-
ministre. Ceux-ci relèvent de la compétence de la Cour de Cassation. Il ne
devrait pas s’agir non plus d’un Président ou d’un Premier ministre d’un pays
étranger, les règles de procédure à suivre ne s’y prêtent pas.

Mais, il faut signaler que la Cour constitutionnelle peut néanmoins juger


d’autres personnes, c’est-à-dire celles n’ayant pas la qualité de Président de la
République démocratique du Congo, ni de Premier ministre du gouvernement
central de ce même pays, à condition qu’elles soient mises en causes non pas
en tant que justiciable principales mais simplement secondaires. La Cour les
jugera donc si elles sont retenues dans l’affaire en tant que complices ou co-
auteurs du Président ou du Premier ministre, peu importe le fait pour eux de
porter ou non une qualité officielle.

Par ailleurs, nonobstant l’énumération de certaines infractions dans la


Constitution et dans la loi organique, il faut noter que la Cour constitutionnelle
n’a pas une compétence pénale limitée uniquement à ces infractions
‘‘politiques’’.

Elle peut aussi connaître de toute infraction de droit commun mise à la


charge de ses justiciables, lorsqu’elles sont censées avoir été commises dans
l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leur fonction (articles 164 de la
Constitution actuellement en vigueur et 72, alinéas 1 et 2 de la loi organique de
la Cour constitutionnelle du 15 octobre 2013). Elle prononcera en conséquence,
toutes les sanctions pénales que prévoient les textes d’incrimination.

En ce qui concerne les infractions mises à la charge des deux plus hauts
responsables politiques de la République démocratique du Congo, mais
censées avoir été commises en dehors de l’exercice de leurs fonctions, le
législateur congolais prévoit la suspension aussi bien des poursuites jusqu’à
l’expiration de leur mandat. Il suspend aussi l’écoulement du délai de
prescription.

C’est ainsi qu’assez logiquement, puisqu’après mandat, ces hauts


responsables politiques de notre pays auront perdu la qualité qui faisait d’eux
principaux justiciables de la Cour constitutionnelle en matière pénale, ils ne
seront jugés que par la juridiction compétente de droit commun.
82 La question de juridictions congolaises compétentes en matière de crimes contre la paix
et la sécurité de l’humanité

CONCLUSION

La question de juridictions compétentes en matière de crimes contre la


paix et la sécurité de l’humanité qui se pose avec acuité en République
démocratique du Congo, a nécessité un approfondissement à la lumière de
l’arsenal juridique actuellement en vigueur.

Etant donné que les juridictions nationales ont la primauté, par rapport
à la Cour pénale internationale qui n’a qu’une compétence subsidiaire, en
matière de crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité34, l’analyse s’est
avérée importante en vue de fixer les idées sur les règles de compétence
applicables en la matière. D’abord, il importe de noter la solution consacrée par
le législateur en cas de pluralité d’intervenants. En effet, lorsque plusieurs
personnes justiciables des juridictions de nature ou de rang différents, sont
poursuivies, en raison de leur participation à une infraction ou à des infractions
connexes, elles sont jugées l’une et l’autre par la juridiction ordinaire
compétente du rang le plus élevé (art. 100 LO du 11 avril 2013).

Ensuite, la réflexion a démontré que l’interprétation de l’article 91 de la


loi organique du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l’ordre judiciaire, devrait en même temps
prendre en compte, non seulement les dispositions constitutionnelles, mais
aussi et surtout celles d’autres lois actuellement en vigueur en République
démocratique du Congo, et se rapportant à la matière.

S’il est vrai que certaines personnes peuvent être aujourd’hui traduites
devant les Cours d’appel, au premier degré, pour répondre des faits mis à leurs
charges, pouvant constituer l’un ou l’autre crime contre la paix et la sécurité de
l’humanité tels que repris par les articles 221, 222 et 223 du décret du 30 janvier
1940 portant Code pénal, tel que modifié et complété par la loi n°15/022 du 31
décembre 2015 ; il n’est pas moins vrai que d’autres personnes ne relèvent pas
de la compétence, et surtout pas exclusive, des Cours d’appel, mais d’autres.

34
. Voir les points 4 et 6 du préambule, l’article 18, point 2 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, ainsi que
l’article 21 octies du décret du 06 août 1959 portant Code de procédure pénale, tel que modifié et complété par la
loi n°15/024 du 31 décembre 2015, in JO RDC,57ième année, n° spécial, du 29 février 2016.
CAHIERS AFRICAINS DES DROITS DE L’HOMME ET DE LA DEMOCRATIE 83
AINSI QUE DU DEVELOPPEMENT DURABLE

D’une part, dans sa formulation actuelle, en rapport avec les crimes


contre la paix et la sécurité de l’humanité, l’article 91 de la loi organique du 11
avril 2013 n’organise qu’une compétence pénale personnelle des Cours
d’appel. D’autre part, cette disposition n’infirme nullement la compétence que
différentes autres dispositions portées soit par la même loi, soit par d’autres
textes, retiennent en faveur de toutes les autres juridictions congolaises.

Enfin, à l’état actuel de la législation congolaise en la matière, certaines


juridictions sont personnellement compétentes, alors même qu’une autre en est
également matériellement compétente. Celle-ci ne peut se prévaloir d’une
exclusive compétence au détriment de celles-là, et vice-versa. Il n’y a pas non
plus de primauté de compétence ni de subsidiarité au niveau interne. Les
juridictions congolaises évoquées ci-dessus, peuvent toutes connaître de crimes
contre la paix et la sécurité de l’humanité, mais chacune sur base du critère
retenu par le législateur.

Mieux assurer les droits de l’homme en justice, c’est également éviter de


soustraire ou de distraire un prévenu du juge lui assigné explicitement par une
norme.

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