I - 3. - I - Migrations Et Territoires en Amérique Du Nord
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Démo-géographie
Jean-Marc Zaninetti
Unis et du Canada, d’autre part, sont conditionnées par le décalage historique des
étapes du développement économique, qui ont placé le Mexique dans le groupe des
pays « en voie de développement », alors que les États-Unis et le Canada font déjà
partie des pays les plus riches. Ces disparités de développement se retrouvent dans
les calendriers de la transition démographique. Alors que les États-Unis et le
Canada sont déjà bien avancés dans la seconde phase de leur transition en 1940, le
Mexique est encore seule ment engagé dans la première phase. Ce décalage de phase
persiste jusqu’à aujourd’hui, et les flux migratoires prolongent ces disparités
économiques et démographiques au sein du continent.
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Il n’en va pas de même des deux autres grands pays d’Amérique du Nord, dont la 5
démographie atypique est un autre trait commun. Les États-Unis et le Canada sont
sortis de la transition démographique. La fécondité est inférieure au seuil de
renouvellement de la génération depuis les années 1970, particulièrement au Canada.
La population est relativement âgée. Le vieillissement est avant tout un problème
dans les régions rurales, même si certaines régions des États-Unis fondent leur
développement sur l’installation résidentielle des seniors, la Floride en premier lieu,
mais aussi l’Arizona.
en moyenne entre les recensements 2000 et 2010 aux États-Unis et + 1,1 % par an
pour le Canada. L’immigration compense la faiblesse de l’accroissement naturel, y
compris, mais pas exclusivement, l’entrée de nombreux ressortissants mexicains aux
États-Unis.
Contrairement à la majorité des pays européens, l’immigration est une vieille histoire 7
Selon les dernières estimations des Nations unies, la population mondiale s’accroît 8
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Après avoir culminé entre 1995 et 2000, l’immigration s’est ralentie aux États-Unis 9
en deux temps. D’abord, les conditions d’entrées ont été durcies après le 11 septembre
2001. Ensuite, la grande crise économique qui a éclaté aux États-Unis dès 2007 a
découragé les immigrants. La moyenne des entrées annuelles nettes entre 2000 et
2005 était encore de + 1,239 million, mais elle est tombée à + 0,855 million en 2008-
2009 selon les dernières estimations du bureau fédéral du recensement. Grâce à son
économie de ressources, le Canada échappe en grande partie à cette crise avec une
seule année de récession en 2009. Le nombre annuel net d’immigrants reste stable
aux alentours de 0,216 million. Toutefois, ces fluctuations conjoncturelles ne doivent
pas occulter le fait majeur que les États-Unis ont accueilli plus de 50 millions
d’immigrants depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et le Canada près de
10 millions.
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les effectifs progressent d’année en année (+ 0,5 % par an). Toutefois, la descendance
finale des femmes de 45 ans n’était que de 1,9 enfant en 2004 contre 3,1 en 1976. Près
de 19 % des femmes âgées de 40 à 44 ans en 2004 sont restées sans enfant contre
moins de 10 % en 1976. Inversement, les femmes ayant eu au moins trois enfants sont
passées de 59 % en 1976 à 29 % en 2004. La progression récente de l’ est plutôt
liée à un rajeunissement de la population des femmes de 15 à 49 ans et à la
persistance des comportements de maternité précoce dans certains groupes
ethniques et sociaux. En effet, la descendance finale des femmes d’expression
hispanique est de 2,3 enfants par femme en 2004 contre 1,8 pour les femmes noires
et 1,9 pour les femmes blanches non hispaniques. L’importance de l’immigration
d’origine latino-américaine est donc la cause principale du relèvement de la fécondité
dans les années récentes aux États-Unis.
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La concentration des créations d’emploi dans les régions urbaines en général, et dans 13
L’opposition des situations de part et d’autre du Rio Grande est la première raison 14
qui rend difficile l’étude globale des trois pays d’Amérique du Nord en ce qui
concerne l’analyse des effets territoriaux de la mobilité de la main-d’œuvre entre les
territoires. Les migrations intérieures ont un impact majeur sur les mutations en
cours au Mexique, tandis que l’installation d’une large communauté d’origine
mexicaine a aussi des effets territoriaux majeurs sur les États-Unis voisins.
Même s’il reste très en deçà de la situation qui prévaut aux États-Unis et au Canada, 17
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effectifs scolaires dans l’enseignement primaire a été atteint entre 2000 et 2005. Le
Mexique compte 20,8 millions d’habitants âgés de 15 à 24 ans en 2010, ce qui
représente près de trois fois les effectifs des 55-64 ans. Par comparaison, les États-
Unis voisins ne comptent que 43,3 millions de résidents âgés de 15 à 24 ans en 2010,
ce qui ne représente que 120 % des effectifs des 55-64 ans.
Le nombre des jeunes adultes âgés de 15 à 24 ans a doublé entre 1975 et 2010 au 18
Mexique, et l’expansion n’est pas terminée en dépit de la décrue amorcée des effectifs
scolaires depuis le début du siècle. Cela signifie qu’il faut créer environ 2 millions de
nouveaux emplois chaque année pour absorber l’accroissement de la population
active.
Les disparités économiques internes entre les États fédérés du Mexique sont à 20
Les situations régionales sont très contrastées, avec quelques États où la proportion 21
population âgée d’au moins 5 ans qui ne résidait pas dans le même État 5 ans avant le
recensement. C’est ainsi que 3,3 % de la population âgée de 5 ans et plus recensée au
Mexique en 2010 avait changé d’État de résidence depuis 2005. C’est un niveau de
mobilité résidentielle relativement élevé. Une différence de méthode de recensement
ne permet plus de comparaison avec les États-Unis, mais la même statistique
recensée pour les migrations interprovinciales au Canada dénombrait une mobilité
intérieure moyenne de 2,9 % de la population âgée de 5 ans et plus recensée en 2006.
Le développement de la Mexamérique
mondiale, la population d’origine mexicaine est de loin la plus nombreuse aux États-
Unis d’Amérique. Longue de presque 3 170 km, la frontière terrestre entre les États-
Unis et le Mexique est perméable à une circulation migratoire dont l’origine remonte
à la Première Guerre mondiale, lorsque les agriculteurs Yankee de la vallée du Rio
Grande au Texas et de l’Imperial Valley en Californie ont commencé à aller chercher
de la main-d’œuvre de l’autre côté de la frontière pour compenser le tarissement des
entrées de prolétaires d’origine européenne. Au fil du temps, la circulation migratoire
s’est intensifiée en dépit du durcissement progressif des politiques de contrôle des
flux. En effet, la présence mexicaine aux États-Unis est issue en partie de
l’immigration légale, en partie de l’immigration clandestine. Le phénomène des
« wetbacks » franchissant nuitamment le Rio Grande à la nage est mentionné dès
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1920 par le New York Times et « Operation Wetback » devient le nom de code officiel
d’une politique d’expulsion d’1 million de sans papiers en 1954.
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États-Unis. Les flux sont anciens, et nombre de « Mexaméricains » sont nés aux
États-Unis, surtout parmi les jeunes générations. On estime à 11,7 millions le nombre
d’immigrants mexicains résidant aux États-Unis en 2010, soit 35 % de la
communauté. Plus de 21,2 millions de résidents des États-Unis d’origine mexicaine,
soit 65 % de la communauté, sont nés sur place. La fécondité des immigrantes a été
encouragée par la protection qu’une naissance aux États-Unis octroie contre le risque
d’expulsion pour les sans-papiers. C’est pourquoi un tiers de la population d’origine
mexicaine a moins de 18 ans contre le quart de la population totale, et que les
descendants d’immigrants mexicains représentent donc près du quart des moins de
18 ans. La Mexamérique est portée désormais par une dynamique interne aux États-
Unis, ce qui interdit d’imaginer tout renversement de situation, même si les retours
d’immigrés au pays natal sont nombreux et se sont accélérés avec la crise depuis
2007. En dépit de ces mutations structurelles, la communauté mexaméricaine
entretient des relations familiales étroites avec la mère-patrie. Les transferts
financiers des émigrants (remesas en espagnol) représentent un élément essentiel
dans la formation des revenus de nombreuses familles mexicaines. La Banque
Mondiale a estimé à 23 milliards de dollars américains les transferts financiers des
émigrants mexicains établis aux États-Unis à destination de leurs familles restées au
pays pour l’année 2007. Cela représente 2 % du mexicain et une manne
supérieure aux revenus générés par l’excédent de la balance des échanges de services
touristiques la même année. Le tassement de ces transferts à la suite de l’éclatement
de la crise financière de 2008 a été l’un des vecteurs de transmission de la récession à
l’économie mexicaine.
États-Unis provient du fait que les trois quarts des hispaniques conservent l’espagnol
comme langue parlée à domicile. Le plus grand nombre est bilingue, mais près de
47 % des hispanophones maîtrisent mal l’anglais. C’est en particulier le cas des
immigrants (plus de 68 % sont dans cette situation) mais ce n’est plus le cas que de
11 % de leurs enfants nés aux États-Unis. L’intégration des hispaniques dans la
société américaine est en bonne voie, en dépit de leur statut social généralement
défavorisé. Mais l’existence de colonies compactes dans les régions rurales du Sud-
Ouest où ils ne vivent qu’entre eux est un frein évident à leur assimilation. Au-delà de
ces ordres de grandeur, l’importance et l’ancienneté de la présence mexicaine aux
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24/04/2018 <i>3. </i>Migrations et territoires en Amérique du Nord
États-Unis ont entraîné une hybridation culturelle manifeste dans les deux pays. De
la cuisine « tex-mex » aux chaînes de télévision diffusées en langue espagnole,
l’influence hispanique est visible dans tous les États-Unis, mais principalement dans
le Sud-Ouest. Inversement, les modes venues des États-Unis pénètrent en profondeur
la société mexicaine avec l’aide de l’importante circulation migratoire de retour.
Canada
Après avoir accueilli principalement des immigrants d’origine européenne avant les 29
années 1930, les États-Unis et le Canada se sont ouverts à des flux d’origine beaucoup
plus diverse depuis les années 1960.
Les États-Unis d’Amérique sont le premier pays d’immigration au monde. Celle-ci n’a 30
jamais cessé, mais elle a connu un ralentissement sensible après 1914. En 1965, la loi
Johnson change les conditions d’accueil et relance l’immigration. De 1965 à 2010, le
pays a délivré plus de 33 millions de cartes vertes [2]
, avec moins de 300 000 entrées
annuelles à l’origine, puis un niveau croissant jusqu’en 2000, dépassant le million
d’entrées annuelles. Cette immigration a deux origines principales : l’Amérique
latine, avec une majorité de Mexicains, et l’Asie Pacifique, dont les Chinois forment la
première communauté. Le Canada et l’Europe contribuent plus faiblement à ces flux.
L’arrivée de migrants issus du sous-continent indien est la conséquence très récente
de l’introduction des visas H1-B (Immigration Act, 1990) pour répondre aux besoins
de main-d’œuvre qualifiée de l’industrie informatique. Ce flux a culminé à 100 000
entrées en 2000-2001, juste avant que le 11 septembre ne précipite une vague de
retours au pays. Toutefois, l’afflux persiste et on comptait déjà 1,6 million de
résidents nés en Inde en 2010.
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Les États-Unis sont aujourd’hui le séjour d’au moins 20 % des expatriés à travers le 32
baisse sur les rémunérations des salariés non qualifiés (politique de compétitivité et
politique antisyndicale). Elle sert ensuite à alimenter la recherche scientifique,
l’innovation et l’avance technologique américaine (visas H1-B, programmes de Ph-D,
etc.). Ce brain drain amorcé en 1945 est une constante de la stratégie géopolitique et
géoéconomique des autorités étasuniennes. Cependant, cette politique est révisée à la
baisse depuis le 11 septembre 2001. Le nombre d’étudiants étrangers diminue depuis
2004.
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1,8 enfant par femme entre 1975 et 1985. Avoir un enfant sur le sol américain protège
les clandestins contre l’expulsion en vertu des lois sur la naturalisation des enfants
nés aux États-Unis. La fécondité des femmes hispaniques était estimée à 2,9 enfants
par femme en 2008.
monde (soft power). C’est ainsi que le programme de « diversité » promeut une
loterie de permis de séjour (Green Card) pour les ressortissants des pays qui ont
fourni moins de 50 000 immigrants aux États-Unis dans les cinq années précédentes.
La loi sur les réfugiés de 1986 poursuit des buts similaires.
La population née à l’étranger est inégalement répartie sur le territoire des États-Unis 37
en 2009. La proportion la plus élevée est observée en Californie (27 %), dans divers
États du Nord-Est atlantique (par ex., New York 21 %, New Jersey 20 %), au Nevada
et en Floride (19 %), à Hawaii (17 %) et au Texas (16 %).
américain, alors qu’elle était imposée (indien, blanc, noir) jusqu’en 1960. Les
« minorités » rassemblent tous les groupes qui ne s’identifient pas exclusivement
comme « blancs non hispaniques », soit 31 % de la population recensée en 2010. Au
niveau des États, en dehors du District fédéral (65 %), quatre États ont désormais une
majorité de leur population appartenant à une minorité. C’est un fait historique pour
Hawaii (77 %) et le Nouveau-Mexique (60 %). L’immigration a tourné la Californie en
société multiculturelle avant la fin du siècle dernier (60 %). C’est le tour du Texas en
2010 (55 %). Les États qui approchent du point de bascule sont ceux dont les
minorités constituent désormais plus de 40 % de la population et ont augmenté plus
rapidement qu’en moyenne fédérale (+ 28 % entre 2000 et 2010) : Arizona, Floride,
Géorgie et Maryland. Ces quatre États pourraient devenir à leur tour des États sans
communauté majoritaire en 2020. Cette tendance va inéluctablement s’amplifier
dans les prochaines décennies, dans la mesure où les minorités (Amérindiens,
Pacifiques et Hawaïens, Asiatiques, Hispaniques, Noirs) forment 46 % de la
population âgée de moins de 18 ans aux États-Unis et contribuent à près de 50 % des
naissances en 2010.
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24/04/2018 <i>3. </i>Migrations et territoires en Amérique du Nord
(28 %) et la Colombie britannique (27 %) sont les deux pôles d’attraction pour les
immigrants, devant l’Alberta (16 %), le Manitoba (13 %) et le Québec (11 %).
L’immigration est particulièrement faible dans les provinces Maritimes. C’est en
Colombie britannique que les minorités visibles non autochtones sont les plus
présentes (25 % de la population), devant l’Ontario (22 %) et l’Alberta (14 %).
Depuis les années 1920, l’immigration est devenue un fait urbain aux États-Unis 41
comme au Canada.
Au Canada, le fait le plus saillant est que 4,6 millions d’immigrés ont été recensés 43
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Les minorités visibles sont très concentrées dans ces grandes métropoles. 44
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La population hispanique dans la région métropolitaine de Houston,
Texas (2010)
Immigration à Houston
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[2] Titre attestant du permis de séjour permanent pour les immigrants aux États-Unis.
[3] Popularisé par D. Massey et N. Denton (American Apartheid : Segregation and the Making of the Underclass,
Cambridge, Harvard University Press, 1988), l'indice de dissimilitude de Duncan (1955) exprime quelle
proportion de la minorité considérée devrait changer de quartier de résidence afin d'être répartie
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