Colonisation POUR:CONTRE

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La colonisation est l’occupation, l’exploitation et la mise en tutelle d’un territoire

par une puissance étrangère. La France a connu deux empires coloniaux : le


premier dès le XVIIe siècle par la possession des Antilles, le second empire
colonial français se constitua vers 1830 et fut à son apogée entre 1919 et 1939.
Il fut alors le deuxième plus grand empire colonial du monde après celui de
l’Angleterre.

POUR
LE « POUR »

Jules Ferry
Homme politique, ministre des affaires étrangères et président du conseil des ministres sous la IIIe République

Site web
Les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races
inférieures
« Vous nous citez toujours comme exemple, comme type de la politique coloniale
que vous aimez et que vous rêvez, l’expédition de M. de Brazza. C’est très bien,
messieurs, je sais parfaitement que M. de Brazza a pu jusqu’à présent accomplir
son oeuvre civilisatrice sans recourir à la force ; c’est un apôtre ; il paie de sa
personne, il marche vers un but placé très haut et très loin ; il a conquis sur ces
populations de l’Afrique équatoriale une influence personnelle à nulle autre
pareille ; mais qui peut dire qu’un jour, dans les établissements qu’il a formés, qui
viennent d’être consacrés par l’aréopage européen et qui sont désormais le
domaine de la France, qui peut dire qu’à un moment donné les populations noires,
parfois corrompues, perverties par des aventuriers, par d’autres voyageurs, par
d’autres explorateurs moins scrupuleux, moins paternels, moins épris des moyens
de persuasion que notre illustre Brazza, qui peut dire qu’à un moment donné les
populations n’attaqueront pas nos établissements ? Que ferez-vous alors ? Vous
ferez ce que font tous les peuples civilisés et vous n’en serez pas moins civilisés
pour cela ; vous résisterez par la force et vous serez contraints d’imposer, pour
votre sécurité, votre protectorat à ces peuplades rebelles. Messieurs, il faut parler
plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures
ont un droit vis-à-vis des races inférieures…

[…] Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir
pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures… La vraie question,
messieurs, la question qu’il faut poser, et poser dans des termes clairs, c’est celle-ci
: est-ce que le recueillement qui s’impose aux nations éprouvées par de grands
malheurs doit se résoudre en abdication ? […] Est-ce que, absorbés par la
contemplation de cette blessure qui saignera toujours, ils laisseront tout faire
autour d’eux ; est-ce qu’ils laisseront aller les choses ; est-ce qu’ils laisseront
d’autres que nous s’établir en Tunisie, d’autres que nous faire la police à
l’embouchure du fleuve Rouge et accomplir les clauses du traité de 1874, que nous
nous sommes engagés à faire respecter dans l’intérêt des nations européennes ?
Est-ce qu’ils laisseront d’autres se disputer les régions de l’Afrique équatoriale ?
Laisseront-ils aussi régler par d’autres les affaires égyptiennes qui, par tant de
côtés, sont des affaires vraiment françaises ?
[…] Je dis que la politique coloniale de la France, que la politique d’expansion
coloniale, celle qui nous a fait aller, sous l’Empire, à Saïgon, en Cochinchine, celle
qui nous a conduits en Tunisie, celle qui nous a amenés à Madagascar, je dis que
cette politique d’expansion coloniale s’est inspirée d’une vérité sur laquelle il faut
pourtant appeler un instant votre attention : à savoir qu’une marine comme la
nôtre ne peut pas se passer, sur la surface des mers, d’abris solides, de défenses, de
centres de ravitaillement.

L’ignorez-vous, messieurs ? Regardez la carte du monde… et dites-moi si ces


étapes de l’Indochine, de Madagascar, de la Tunisie ne sont pas des étapes
nécessaires pour la sécurité de notre navigation ?

[…] Rayonner sans agir, sans se mêler aux affaires du monde, en se tenant à l’écart
de toutes les combinaisons européennes, en regardant comme un piège, comme
une aventure l’Orient, vivre de cette sorte, pour une grande nation, croyez-le bien,
c’est abdiquer, et dans un temps plus court que vous ne pouvez le croire ; c’est
descendre du premier rang au troisième et au quatrième. »

Source : discours à la Chambre des députés du 28 juillet 1885.


Georges Clémenceau
Homme d'État, président du conseil des ministres sous la IIIe République

Je garde mon patriotisme pour la défense du sol national


« En supposant que la théorie de M. Jules Ferry sur les profits des expéditions
coloniales soit justifiée, les dépenses de cet ordre ne sont jamais que des dépenses
de luxe [superflu]. Il y a à vos pieds des hommes, des Français qui demandent des
dépenses utiles, fructueuses […].

Les races supérieures ont sur les races inférieures un droit qu’elles exercent, ce
droit, par une transformation particulière, est en même temps un devoir de
civilisation. Voilà en propres termes la thèse de M. Ferry, et l’on voit le
gouvernement français exerçant son droit sur les races inférieures en allant
guerroyer contre elles et les convertissant de force aux bienfaits de la civilisation.
Races supérieures, races inférieures, c’est bientôt dit !

Pour ma part, j’en rabats singulièrement depuis que j’ai vu des savants allemands
démontrer scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre
franco-allemande parce que le Français est d’une race inférieure à l’Allemand.
Depuis ce temps, je l’avoue, j’y regarde à deux fois avant de me retourner vers un
homme et vers une civilisation, et de prononcer : homme ou civilisation inférieurs.
Race inférieure, les Hindous ! Avec cette grande civilisation raffinée qui se perd
dans la nuit des temps ! Avec cette grande religion bouddhiste qui a quitté l’Inde
pour la Chine, avec cette grande efflorescence d’art dont nous voyons encore
aujourd’hui les magnifiques vestiges ! Race inférieure, les Chinois ! Avec cette
civilisation dont les origines sont inconnues et qui paraît avoir été poussée tout
d’abord jusqu’à ses extrêmes limites. Inférieur Confucius ! En vérité, aujourd’hui
même, permettez-moi de dire que, quand les diplomates chinois sont aux prises
avec certains diplomates européens, ils font bonne figure et que, si l’un veut
consulter les annales diplomatiques de certains peuples, on y peut voir des
documents qui prouvent assurément que la race jaune, au point de vue de l’entente
des affaires, de la bonne conduite d’opération infiniment délicates, n’est en rien
inférieure à ceux qui se hâtent trop de proclamer leur suprématie. […].

Et vous verrez combien de crimes atroces, effroyables, ont été commis au nom de
la justice et de la civilisation. Je ne dis rien des vices que l’Européen apporte avec
lui : de l’alcool, de l’opium qu’il répand partout, qu’il impose s’il lui plaît. […] Non, il
n’y a pas de droits de nations dites supérieures contre les nations dites inférieures
; il y a la lutte pour la vie, qui est une nécessité fatale, qu’à mesure que nous nous
élevons dans la civilisation, nous devons contenir dans les limites de la justice et
du droit ; mais n’essayons pas de revêtir la violence du nom hypocrite de
civilisation ; ne parlons pas de droit, de devoir ! La conquête que vous préconisez,
c’est l’abus pur et simple de la force que donne la civilisation scientifique sur les
civilisations rudimentaires, pour s’approprier l’homme, le torturer, en extraire
toute la force qui est en lui au profit du prétendu civilisateur. Ce n’est pas le droit :
c’en est la négation. Parler à ce propos de civilisation, c’est joindre à la violence
l’hypocrisie. […]

Quant à moi, mon patriotisme est en France. Je déclare que je garde mon
patriotisme pour la défense du sol national. »

Source : Discours prononcé par Georges Clemenceau à la Chambre des députés le


30 juillet 1885.

La colonisation est un processus de conquête et d’expansion territoriale. On


distingue deux vagues principales de colonisation par les Européens. La
première, principalement du fait de l’Espagne et du Portugal, du XVIe au XIXe
siècle, la seconde tout au long des XIXe et XXe siècles par tous les pays
européens ainsi que le Japon et les États-Unis. Ces deux vagues ont en
commun une exploitation des peuples et territoires conquis, au profit d’un
enrichissement de la métropole et de certains colons. Les colons imposent
également leur culture et leur religion aux peuples soumis, la France allant
jusqu’à se voir investie d’une « mission civilisatrice ».
La France doit-elle s’excuser pour
son passé colonial ?
LE « POUR »

Dominique Day
Vice-présidente du groupe de réflexion de l'ONU sur les individus d'ascendance Africaine
Tout commence par des excuses
« Le passé n’est pas mort. Ce n’est même pas le passé. » Le passé colonial de la
France n’est pas la distante mémoire que l’on prétend. Le projet colonial a
engendré la hiérarchie géopolitique et le racisme systémique qui sont toujours
sources de conflits aujourd’hui. Et l’identité française s’enracine dans la tradition
des grands-pères héroïques, des grands-mères intrépides, et de la fierté nationale
de répandre la culture et la tradition depuis la Gaule. En France, certains grands-
pères adulés sont impliqués dans des crimes coloniaux, pillages, vols, viols et
meurtres. Certains grands-pères révérés ont développé des relations financières
opportunistes avec d’anciennes colonies, abusant même d’arguments
d’investissements publics pour forcer le remboursement d’infrastructures
bénéficiant au projet colonial. Et certains grands-pères honorés ont été colonisés,
réduits en esclavage ou dépouillés de leur fortune par le projet colonial. Une
excuse est un engagement envers la vérité.

Aujourd’hui, le roman national français n’est que le domaine exclusif d’une


population homogène qui recontextualise les crimes du passé pour whitewash les
crimes de leurs parents. Au contraire, la diversité française nous oblige à la
redéfinition de l’identité française. Avec d’autres, la France a créé le suprémacisme
blanc, qui nourrit le racisme anti-noir, et la violation systématique des droits de
l’Homme, mais aujourd’hui la France déborde également de magnifiques et
complexes célébrations des races et cultures. Des compréhensions raciales qui
dépassent l’effacement existent partout. Mais seulement une excuse peut
reconnaître la contribution des personnes d’ascendance africaine,
particulièrement au vu de leur expérience de pillage durant le colonialisme. En
plus de l’exploitation systématique de la terre, du travail, des corps et des
intellects, le projet colonial a interrompu les projets individuels et collectifs. La
culture locale a été déchue, et beaucoup parmi les élites nationales ont intégré
qu’excellence rimait avec obéissance au projet colonial. Pour le dire simplement,
les Français ont dépouillé le Wakanda. Et pourtant, partout, les architectes de ces
atrocités et de ce terrible vol de culture sont commémorés dans les monuments et
les mentalités.
En vérité, la France devrait s’excuser pour son passé colonial qui hante tous les
individus qu’il touche. Elle devrait commencer un exercice de vérité et de
réconciliation, examinant l’héritage du projet colonial et le terrible vol culturel. La
France devrait reconsidérer comment ses symboles et monuments coloniaux
valorisent les atrocités, systématisent le racisme anti-noir, et dévaluent les
contributions des individus d’ascendance africaine à la société et à l’identité
française. La France doit également analyser comment sa propre richesse et
stabilité sont directement reliées à l’instabilité et l’exploitation de ses anciennes
colonies. Ce sont des étapes nécessaires dans la renégociation de l’identité à la
lumière de la vérité, de reconnaître les bienfaits de la diversité, de la grâce et de la
tolérance, et de réconcilier l’identité française avec sa réalité. Tout commence avec
des excuses.

CONTRE
LE « CONTRE »

Gerbert Rambaud
Avocat, chroniqueur, Vice Président de DLF, conseiller municipal de Vaugneray et auteur de La France et
l’islam au fil de l’histoire, édition du Rocher, 2017.
Présenter ses excuses serait un anachronisme
La question est lancinante, elle revient désormais sur le devant de la scène avec
violence dans le monde entier… En France, les grands personnages sont pris pour
cible : c’est Colbert et le Code noir, c’est le gouvernement algérien qui demande des
excuses à notre pays. On vandalise les statues et on insulte les morts.

« Le pire crime en histoire, écrivait Marc Bloch, c’est l’anachronisme ». Nous y


sommes. Comment peut-on juger l’Histoire, plusieurs siècles après, avec notre
regard d’aujourd’hui. L’Histoire est un bloc, tout en nuances, elle ne se fragmente,
ni se divise. Comme tout pays, nous avons eu des périodes glorieuses et plus
sombres, comme les hommes qui l’ont forgé, avec leurs forces, leurs faiblesses,
fruits eux-mêmes de notre histoire. Il ne s’agit pas de nier ce qui s’est passé, même
si certains actes du colonialisme nous paraissent inacceptables (pensons au
colonialisme raciste de Jules Ferry) mais pas question de s’en excuser. Autres
temps, autres mœurs. Qui sommes-nous pour juger nos ancêtres ?

Arrêtons-nous sur l’Algérie. Si nous devions nous excuser de notre passé colonial,
ne devrions-nous pas obtenir les excuses de l’Algérie pour avoir pratiqué
l’esclavage sur des millions d’européens ? Ne devrions-nous pas demander des
excuses aux descendants des Vikings, Hongrois, Huns qui envahirent notre
territoire, aux Sarazins pour leurs razzias durant des siècles ? Que dire des Francs,
Wisigoths, Ostrogoths, etc… et mêmes des celtes ? Et de l’Empire Romain ?
Tout pays a un jour été ou colonisateur ou colonisé. L’Algérie était colonie des
Ottomans avant que la France n’intervienne pour faire cesser l’esclavage et la
piraterie. Une terre jadis envahie par les Vandales et les Alains après la
colonisation romaine. Pourquoi ne demandent-ils pas réparation à ceux-ci et se
limitent-ils aux Français ? N’oublions jamais, une vision binaire est avant tout une
insulte à l’intelligence. Ceux qui la propagent instrumentalisent l’inculture,
l’émotion. Ce qui nous guette dans ce vaste mouvement mondial, c’est une «
réécriture » de l’Histoire. Ou sa destruction.

Curieusement, le Vietnam ne réclame rien. Le Maroc, la Tunisie, le Cambodge, le


Sénégal et d’autres se tournent assurément vers l’avenir, sans chercher de
responsabilités dans le passé. Seule l’Algérie n’assume pas depuis près de 70 ans et
accuse toujours la France.

Montalembert nous disait le 21 août 1863 : « Pour juger du passé, il aurait fallu y
vivre ; pour le condamner, il faudrait ne rien lui devoir ».

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