mseddi2008
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MÉMOIRE
MOTS CLÉS Résumé L’embrochage centromédullaire est une technique d’ostéosynthèse des fractures des
Fracture ; deux os de l’avant-bras de l’adulte, que nous utilisons depuis 1995. Le but de ce travail était
Avant-bras ; d’en déterminer les résultats cliniques et radiologiques et de préciser les indications. Nous
Brochage rapportons une série rétrospective continue (1995 à 2004) de 46 fractures diaphysaires des deux
centromédullaire os de l’avant bras d’adultes âgés de 32 ans (16 et 92 ans). Quatorze (30,4 %) fractures étaient
ouvertes. Il y avait trois fractures itératives, 17 polytraumatisés (37 %) et cinq polyfracturés.
Trente-neuf (84,7 %) fractures étaient médiodiaphysaires sur le radius et 33 (71,7 %) sur l’ulna.
Cinq fractures (10,8 %) étaient bifocales. Dans cinq cas (10,8 %) la fracture des deux os était
associée à une luxation du coude ou du poignet. Toutes ont eu un embrochage de l’ulna et
du radius, dans 27 cas (58,6 %) réalisé à foyer fermé. Une autorééducation immédiate, sans
immobilisation complémentaire a été débutée. Les résultats fonctionnels selon la cotation de
Tscherne et Oestern ont été évalués chez 41 patients avec un recul moyen de 18 mois (trois
mois à sept ans). Les résultats fonctionnels étaient très bons et bons dans 31 cas (75,5 %). La
consolidation était acquise dans 35 cas (85,4 %) après un délai moyen de trois mois et demi pour
le radius et quatre mois pour l’ulna. Les six pseudarthroses aseptiques (14,6 %) concernaient
un seul os dans quatre cas (deux fois le radius, deux fois l’ulna) et deux fois les deux os. Il
y avait quatre (9,7 %) synostoses, trois ont nécessité une exérèse. Aucune infection et aucune
fracture itérative n’ont été notées. Cette méthode constitue une ostéosynthèse simple, à faible
risque et non traumatisante qui permet une consolidation osseuse rapide avec de bons résultats
fonctionnels. Dans notre expérience, elle doit être réalisée à foyer fermé, avec une seule
broche de diamètre 2,5 mm. Elle ne paraît pas indiquée lorsque le trait de fracture concerne
le cinquième distal du radius ou dans les fractures de Galeazzi ou de Montegia.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (P. Hernigou).
0035-1040/$ — see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.rco.2007.11.006
Embrochage centromédullaire des fractures diaphysaires des os de l’avant-bras 161
Summary
KEYWORDS Purpose of the study. — The goal when treating shaft fractures of the forearm bones is to obtain
Forearm; good bone healing with good preservation of upper limb function. We report a retrospective
Intramedullary (1995—2004) consecutive series of patients aged 32 years on average (range 16 to 92 years) who
pinning presented 46 shaft fractures of both forearm bones.
Material and methods. — Using Hackethal’s classification by sixths, the fracture involved the
3rd and 4th sixth in 39 cases (84.7%) for the radius and 33 (71.7%) for the ulna. Seventeen
(37%) patients were trauma victims with multiple injuries. Fourteen fractures (30.4%) were
open and all fractures were treated: 11 stage I (23.9%), two stage II (4.3%) and one stage III
(2.3%). Intramedullary pinning was used in all cases for the radius and the ulna. In 27 patients
(58.6%) pinning was achieved without open access to the focus. Pin diameter was 2.5 mm for
38 cases (82.6%). Self-controlled rehabilitation exercises were started immediately without
complementary immobilization. Outcome was assessed in 41 patients with a mean follow-up of
18 months (range three months to seven years).
Results. — Functional outcome, according to Tscherne and Oestern, was very good or good in 31
cases (75.5%). For 35 cases (85.4%) bone healing was achieved at mean 3.5 months for the radius
and four months for the ulna. Retarded healing was noted in four cases (9.7%) for the ulna. For
the 41 patients reviewed, 11 (26.8%) presented axial misalignment of one of the forearm bones
with an angle strictly greater than 10◦ for three. There were six patients with nonunion (14.6%),
of both bones in two and one in four. Radioulnar synostosis was observed in four cases (9.7%).
No infections or recurrent fractures were noted.
Discussion. — The localization of the fracture line affected the outcome. Among the four cases
with a fracture in the 5th sixth of the radius, two developed misalignment with an angle strictly
greater than 10◦ and one presented a secondary displacement which required revision on day
15 for plate-screw fixation of the radius. This might be due to the spreading corticals of the
distal radius where pin stabilization would be less effective than for fractures in the 3rd or 4th
sixths where the corticals run parallel. Outcome was less satisfactory when the fracture focus
was opened. Four of the six nonunions and three of the four synostoses occurred among the 19
patients who had open pinning. This might be due to loss of the fracture hematoma. Analysis
of the type of fixation has shown that our best results were obtained when we used a single
2.5 mm elastic pin. For the cases where we used a smaller pin (2 mm), we had three major
misaligments, one nonunion involving both bones and one recurrent dislocation of the radial
head. There were no infections or recurrent fractures in this series where the pin was removed
in 27 patients (65.6%) at mean one year.
Conclusion. — Intramedullary pinning is an attractive alternative for the treatment of shaft frac-
tures involving both forearm bones in adults. Best results are obtained if the fracture (situated
outside the 5th sixth) can be stabilized without opening the focus with a single 2.5 mm pin. This
method combines the advantages of closed osteosynthesis, that is, a simple nontraumatic pro-
cedure decreasing the risk of suppuration, and early return of function, limiting postoperative
immobilization. It enables early sturdy bone healing with a low risk of recurrent fracture.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
n Pourcentage n Pourcentage
Matériel er
1 sixième 0 0 0 0
2e sixième 0 0 1 2,3
Nous rapportons une série rétrospective continue 3e sixième 21 45,6 10 21,7
(1995—2004) de 46 fractures diaphysaires des deux os 4e sixième 18 38,8 23 49,7
de l’avant-bras d’adultes âgés en moyenne de 32 ans (16 5e sixième 4 8,7 10 21,7
à 92 ans). La prédominance était masculine : 33 hommes 6e sixième 0 0 0 0
(71,7 %). La cause la plus fréquente était un accident de Bifocale 3 6,5 2 4,3
circulation (28 cas : 60,8 %), suivi par les accidents de sport
(neuf cas : 19,5 %) et les causes diverses (neuf cas : 19,5 %).
Le mécanisme était direct dans 32 cas (69,5 %). Le côté le
Tableau 2 Type de fractures.
plus souvent atteint était le côté gauche (26 cas : 56,6 %).
La localisation de la fracture codifiée en sixième d’après Radius Ulna
Hackethal [3] (Fig. 1) était située dans les troisième et le
quatrième sixième dans 39 cas (84,7 %) pour le radius et dans n Pourcentage n Pourcentage
33 cas (71,7 %) pour l’ulna (Fig. 2A) (Tableau 1). Le type de Transversal 20 43,4 14 30,4
trait de fracture le plus souvent rencontré a été transversal Oblique 4 8,7 9 19,5
dans 20 cas (43,4 %) pour le radius et 14 cas (30,4 %) pour Spiroïde 0 0 2 4,3
l’ulna (Tableau 2). Communitif 9 19,5 10 21,7
Cinq fractures concernaient une fracture de Monteggia ou 3e fragment 10 21,7 9 19,5
de Galeazzi. Cinq fractures étaient bifocales (10,8 %) : trois Bifocal 3 6,5 2 4,3
fois (6,5 %) sur le radius et deux fois (4,3 %) sur l’ulna, dix-
sept patients (37 %) présentaient un polytraumatisme : dix
patients (21,6 %) avec traumatisme crânien et cinq patients
(10,8 %) polyfracturés. Sept patients présentaient un trau- Les autres complications secondaires à la fracture étaient
matisme étagé du membre homolatéral. comme suites :
Il y avait trois fractures itératives (6,5 %). Trois fractures
itératives (6,5 %) récentes ont été traitées selon cette tech- • lésion de l’artère radiale (un cas) ;
nique. • parésie du plexus brachial (un cas) ;
Les fractures ouvertes représentaient 30,4 % (14 cas) de • syndrome des loges (un cas) ;
l’ensemble des fractures traitées. Elles se répartissaient en • lésions tendineuses (deux cas).
11 cas stade I (23,9 %), deux cas stade II (4,3 %) et un cas
stade III (2,3 %) selon la classification de Cauchoix.
Méthodes
Figure 2 A : Fracture des deux os de l’avant-bras ; B : radiographie postopératoire ; C : consolidation après trois mois ; D : ablation
des broches après dix mois.
• cinq fois (10,8 %) pour le radius ; Les résultats fonctionnels globaux appréciés selon la classi-
• trois fois (6,5 %) pour l’ulna et ; fication de Tscherne et Oestern [4] étaient très bons dans 22
• 11 fois (23,9 %) pour les deux os. cas (53,6 %), bon dans neuf cas (21,9 %), moyen dans quatre
cas (9,7 %) et mauvais dans six cas (14,6 %) (Tableau 5).
Le diamètre de la broche était de 2,5 mm dans 38 cas
(82,6 %), dans huit cas il était inférieur à 2,5 mm.
Des radiographies de face et de profil postopéra-
Résultats radiologiques
toire nous ont permis d’apprécier la réduction (Fig. 2B)
(Tableau 3). Une autorééducation immédiate sans immobi- Dans 35 cas (85,4 %), la consolidation était acquise après un
lisation complémentaire a toujours été débutée. La durée délai moyen de trois mois et demi pour le radius et de quatre
d’hospitalisation était en moyenne de deux jours (un à sept mois pour l’ulna (Fig. 2C). Un retard de consolidation a été
jours), hormis les polytraumatisés (32 jours). observé dans quatre cas (9,7 %) pour l’ulna.
Parmi les 46 fractures opérées, nous avons exclu les Sur les 41 patients revus, 11 (26,8 %) présentaient une
suivants : un polytraumatisé décédé au deuxième jour post- déviation axiale d’un ou des deux os de l’avant-bras : cette
opératoire ; deux patients qui avaient un recul de moins de déviation était huit fois inférieure à 10◦ ; seulement trois
trois mois et deux reprises au quinzième jour postopéra- patients (7,3 %) avaient une angulation supérieure à 10◦ .
toire, l’une pour déplacement secondaire suite à un défaut Les 11 cals vicieux se répartissaient ainsi :
technique et l’autre pour récidive d’une luxation de la tête
radiale. • sept cals vicieux (17 %) au niveau du radius : trois flessums
Nous avons revu 41 patients avec un recul moyen de (6◦ , 9◦ , 20◦ ), un varus 9◦ , deux valgus (4◦ , 8◦ ) et un varus
18 mois (trois mois et sept ans). Les résultats, fonctionnels, 11◦ et récurvatum 5◦ ;
ont été évalués selon la cotation de Tscherne et Oestern [4]. • un cal vicieux (2,4 %) au niveau de l’ulna : récurvatum 5◦ ;
(Tableau 4). • trois cals vicieux (7,3 %) au niveau des deux os :
Radius Ulna
n Pourcentage n Pourcentage
Espace interfragmentaire
< 2 mm 41 89,1 40 87
Compris entre 2 et 4 mm 4 4,7 6 13
> 4 mm 1 2,3 0 0
Défaut d’axe
< 5◦ 3 6,5 2 4,3
Compris entre 5◦ et 10◦ 5 10,8 1 2,3
164 M.B.E. Mseddi et al.
Tableau 4 Classification des résultats des fractures de l’avant-bras selon Tscherne et Oestern [4].
◦ premier cas : radius (valgus 5◦ et flexum 12◦ ), ulna (varus fois l’ulna) et deux fois les deux os. Il y avait quatre (9,7 %)
15◦ et flexum 2◦ ), synostoses radio—ulnaires, trois ont nécessité une réinter-
◦ deuxième cas : radius (varus 4◦ et flexum 4◦ ), ulna (varus vention. Aucune infection et aucune fracture itérative n’ont
5◦ ), été notées.
◦ troisième cas : radius (flexum 6◦ ), ulna (récurvtum 8◦ ). Dans 16 cas (39 %), la saillie des broches a nécessité un
raccourcissement : trois fois au niveau du radius et 13 fois
au niveau de l’ulna.
Complications
Nous avons observé d’autres complications :
Indépendamment des deux reprises techniques précoces,
six pseudarthroses (14,6 %) ont été observées, elles concer- • déficit d’extension des doigts (deux cas) ;
naient un seul os dans quatre cas (deux fois le radius, deux • hypoesthésie du pouce (deux cas) ;
n Pourcentage
• bris de broches (deux cas) ; et une bonne fonction du membre supérieur. Les résultats
• hygroma du coude (un cas) ; fonctionnels sont corrélés aux résultats anatomiques, pour
• disjonction radio—ulnaire (un cas). cela la conservation de la courbure pronatrice du radius et
de l’intégrité des articulations radio—ulnaires est nécessaire
Résultats analytiques [5].
Plusieurs méthodes thérapeutiques ont été proposées.
Ces résultats étaient très bons et bons dans 75,5 % des cas.
Les résultats moyens et mauvais (24,5 %) étaient en rapport
avec une perte d’amplitude de la pronation/supination, des
Le traitement orthopédique
cals vicieux importants (angulation supérieure à 10◦ ) trouvés
dans trois cas, une inégalité de longueur des deux os avec un Les difficultés liées à la réduction anatomique des deux os
index radio—ulnaire distal négatif observé chez six patients et en particulier le radius [6], le taux non négligeable de
et la synostose (9,7 %). syndrome des loges 3,1 % [7] et la fréquence des déplace-
La localisation du trait influençait également le résul- ments secondaires, voire des cals vicieux [8] ne permettent
tat. Dans les quatre cas où la fracture était située dans le de retenir l’indication d’un traitement orthopédique que
cinquième distal du radius, deux cals vicieux avec une angu- dans les fractures non déplacées des deux os de l’avant-
lation supérieure à 10◦ et un déplacement secondaire ont bras chez des blessés pour lesquels l’anesthésie expose à
nécessité une reprise au quinzième jour par une plaque vis- des risques vitaux.
sée sur le radius. L’extrémité distale du radius s’évase et la Anderson et Meyer [9], rapportant les travaux de Knight
stabilisation par la broche est moins efficace qu’au troisième datant de 1949, soulignent l’existence de déplacement
et quatrième sixième où les corticales sont parallèles. secondaire constant en inclinaison radiale des deux seg-
L’ouverture du foyer de fracture réalisée chez 19 patients ments fracturaires distaux.
était responsable de moins bons résultats : quatre des six
pseudarthroses et trois des quatre synostoses parmi les Le fixateur externe
quatre sont des complications d’un embrochage réalisé à
foyer ouvert. Pour schuind et al. [10], quelle que soit la lésion fracturaire,
L’analyse du type d’ostéosynthèse nous montre que les le fixateur peut être une option thérapeutique pour les frac-
meilleurs résultats ont été obtenus lorsque nous avons uti- tures des deux os de l’avant-bras. Pour d’autres [11—13],
lisé une seule broche élastique de diamètre 2,5 mm. Dans son indication restera limitée aux fractures communitives
les cinq cas, où une broche de diamètre inférieur à 2 mm a avec perte de substance osseuse et aux fractures ouvertes
été utilisé, il y avait trois cals vicieux importants (angula- de haut grade.
tion supérieure à 10◦ ), une pseudarthrose des deux os repris Pour Tscherne et Oestern [4] et Moed et al. [14], le
au dixième mois par changement des broches de plus gros fixateur externe a un rôle limité même dans les fractures
diamètre avec un bon résultat final et une récidive d’une ouvertes, on lui préfère une ostéosynthèse interne associée
luxation de la tête radiale qui a nécessité une reprise au à des gestes de couverture, en urgence si besoin, du fait de
quinzième jour par deux plaques vissées. la nécessité de la réduction anatomique de ces fractures.
Les six mauvais résultats de la série étaient en rapport
avec une perte d’amplitude sur la pronosupination. Ils sont
à nuancer aussi par le fait qu’il existait dans la série deux L’ostéosynthèse à foyer ouvert par plaque vissée
fractures équivalents Galeazzi qui ont évolué l’une vers une
pseudarthrose du radius et l’autre vers un cal vicieux en C’est la technique opératoire de référence [15,16]. Néan-
varus de 9◦ du radius associé à une disjonction radio—ulnaire moins, elle expose au risque de démontage en cas
inférieure repris au sixième mois par une ostéotomie de d’insuffisance d’extension du matériel d’ostéosynthèse, de
recentrage de la tête de l’ulna associée à une greffe osseuse. pseudarthrose en cas de dépériostage excessif [17], de trau-
Il existait aussi trois fractures itératives et une fracture matisme de la membrane interosseuse, facteur de synostose
ouverte stade III qui ont évolué vers une pseudarthrose. secondaire [18], de fracture itérative après ablation du
On ne déplore aucune infection et aucune fracture ité- matériel et enfin au risque d’infection.
rative après l’ablation des broches qui a été réalisée chez Dans l’étude multicentrique de la SOFCOT 2004 : sur 804
27 patients (65,6 %) dans un délai moyen d’un an (Fig. 2D). fractures de l’avant-bras, 113 pseudarthroses (14,05 %) ont
Dans cette série, l’ouverture du foyer de fracture, été identifiées, ce taux varie en fonction du type de plaque
l’utilisation de broches de diamètre inférieur à 2 mm et/ou utilisée dans 418 cas (79 %) : 25,64 % pour les plaques tiers
l’embrochage des fractures localisées en cinquième sixième de tube, 16,16 % pour celles de Maconor, 9,8 % pour celles
du radius sont donc à l’origine de la plupart des compli- de Tornier, 4,79 % pour les plaques DCP et 2,47 % pour les
cations. Dans les cas où ces trois paramètres ont été pris LC-DCP.
en compte : on passe de 75,5 % de très bons et bons résul- Hertel et al. [19] rapportent 134 fractures des deux os de
tats à 92,3 % ; de 9,7 % de synostoses à 0 % ; de 14,6 % de l’avant-bras traitées par plaque, le taux de fractures itéra-
pseudarthroses à 7,6 % et de 7,3 % de cals vicieux à 3,8 %. tives après ablation du matériel était de 4,3 %. Pour Mih et
al. [20], sur 62 ablations pour séquelles de fractures diaphy-
Discussion saires de l’avant-bras, sept fractures itératives (11 %) ont
été recensées.
Le but du traitement des fractures diaphysaires des deux os L’ostéosynthèse par plaque donne de bons résultats à
de l’avant-bras est d’obtenir la consolidation de la fracture condition de respecter des mesures rigoureuses incluant une
166 M.B.E. Mseddi et al.
réduction anatomique, l’absence de dépériostage excessif, postopératoire. Elle assure aussi une consolidation osseuse
la mise en place de vis à compression et des greffes osseuses basée sur le développement du cal externe qui est précoce
précoces en cas de perte de substance. Les fractures itéra- et résistant.
tives après ablation du matériel ne sont pas exceptionnelles. L’ostéosynthèse que nous avons utilisée depuis 1995 pour
les fractures des deux os de l’avant-bras chez l’adulte est
L’ostéosynthèse à foyer fermé l’embrochage centromédullaire en utilisant une broche de
2,5 mm de diamètre dans chaque os permettant un rap-
Elle ne nécessite qu’une voie d’abord minime, à distance pel élastique en cathétérisant à frottement dur le canal
du foyer de fracture. Cela permet de conserver l’hématome médullaire suivie d’une autorééducation immédiate. Cette
fracturaire, primordiale pour la consolidation osseuse [21]. méthode thérapeutique est une alternative intéressante
Plusieurs types d’implant ont été utilisés comme suit : dans le traitement des fractures diaphysaires récentes des
deux os de l’avant-bras chez l’adulte. Dans notre expé-
• les clous à section ronde (Steinman) : utilisés dans les rience, elle doit être réalisée à foyer fermé, avec une seule
années 1940, de 3 mm de diamètre, mis en place sans broche de diamètre 2,5 mm. Elle ne paraît pas indiquée
alésage, leur rigidité ne permettait pas de redonner la lorsque le trait de fracture concerne le cinquième distal du
courbure pronatrice du radius. Leur section ronde ne radius ou dans les fractures de Galeazzi ou de Montegia.
bloque pas les rotations, ce qui nécessitait la confec- Elle est particulièrement utile chez le polytraumatisé ou
tion d’un plâtre brachioantébrachiopalmaire. L’ablation le polyfracturé, car elle est d’exécution rapide et facile,
du matériel était presque impossible et le taux de pseu- peu traumatisante et réduit le risque infectieux. Elle permet
darthrose atteignait 20 % ; d’aboutir le plus souvent à des résultats fonctionnels et mor-
• les clous à section angulaire : ils permettaient de blo- phologiques satisfaisants, même si la réduction anatomique
quer les rotations, au prix d’une augmentation du risque n’est pas parfaite.
d’éclatement cortical. Rush et Rush [22] ont proposé à la
fin des années 1930 une broche de section triangulaire de
Références
3 mm de diamètre. Kuntcher, au début des années 1940,
proposait un clou mis sans alésage à frottement dur, mais
[1] Bégué T. Fractures des deux os de l’avant-bras de
cette technique distractait le foyer de fracture rendant
l’adulte. Cahiers d’enseignement de la SOFCOT. Conférences
la consolidation aléatoire. Street [23], dans les années d’enseignement. Éditions Elsevier;2002:187—206.
1950, utilisait un clou droit de section carrée de 4 mm de [2] Prevost J, Metaizeau JP, Ligier JN, Lascombes P, Leseur E,
diamètre mis en place avec alésage. Le taux de pseudar- Dautel G. Embrochage centromédullaire élastique stable.
throse avec ce type de matériel était de 15 à 20 % ; Encycl Med Chir. Techniques chirurgicales orthopédie trauma-
• les clous verrouillés : ils ont été mis au point par Lefèvre tologie. Éditions EMC;1993, 44018.
[24] pour l’ulna. Ils permettaient de bloquer les rota- [3] Hackethal KH. Die Bünedelnagelung. L’embrochage centro-
tions et de se passer d’immobilisation postopératoire. médullaire multifasciculé. Berlin, Göttingen, Heidelberg:
Leur indication était limitée dans les fractures combi- Springer Verlag; 1961.
nées des deux os de l’avant-bras, en raison des formes [4] Tscherne H, Oestern. Klassifizierung des weichteilschadens
bei offenen and geschlossenen frakturen. Unfallheilkundi
anatomiques respectives du radius et de l’ulna ;
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• l’embrochage centromédullaire multifasciculé : Holmen- [5] Kapandji A. Physiologie articulaire. Fascicule I — le membre
schlager et al. [25] ont traité par ce moyen 63 fractures supérieur (5e édn). Paris; Maloine éditions: 1994:106—37.
associées des deux os (40 %) dans une série de 159 cas. [6] Botte MJ, Gelberman RH. Acute compartment syndrome of the
Les résultats ne permettent pas d’identifier les particula- forearm. Hand Clin 1998;14:391—403.
rités et les complications de ce type de traitement dans le [7] McQueen MM, Gaston P, Court-Brown CM. Acute compartment
groupe spécifique des fractures des deux os. Les conclu- syndrome. Who is at risk ? J Bone Joint Surg 2000;82-B:200—3.
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concernant les tiers supérieur-tiers moyen du radius et [9] Anderson LD, Meyer FN. Fractures of the shafts of the radius
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Fractures in adults. 3rd ed. Philadelphie: JB Lippincott com-
leur diamètre le plus faible ; pany; 1991. p. 679—737.
• les broches de Kirchner : déjà utilisées dans les années [10] Schuind F, Andrianne Y, Burny F. Treatment of forearm fractures
1920, on leur reprochait de ne pas bloquer la rotation, de by Hoffmann external fixation. Clin Orthop 1991;266:197—204.
ne pas donner un montage stable et de nécessiter une [11] Hahn M, Strauss E, Yang EC. Gunhost wounds to the forearm.
immobilisation plâtrée, 17 % de pseudarthroses étaient Orthop Clin North Am 1995;26:85—93.
notées. Cette méthode d’ostéosynthèse avait été pra- [12] Morgan WJ, Breen TF. Complex fractures of the forearm. Hand
tiquement abandonnée. Cependant, d’après Muhr [26], Clin 1994;10:375—90.
l’embrochage aurait sa place parmi les indications opéra- [13] Shea KG, Fernndez DL, Casillas M. Fixation methods in contami-
toires des fractures des deux os de l’avant-bras. nated wounds and massive crush injuries of the forearm. Hand
Clin 1997;13:737—43.
[14] Moed BR, Kellam JF, Foster RG, Tile M, Hansen ST. Imme-
Cette méthode thérapeutique permet d’allier les avan- diate internal fixation of open fractures of the diaphysis of the
tages d’une ostéosynthèse à foyer fermé, c’est-à-dire un forearm. J Bone Joint Surg 1986;68-A:1008—17.
geste simple, atraumatique, n’ouvrant pas le foyer de frac- [15] Anderson LD. Compression plate fixation and the effect of dif-
ture, diminuant le risque de suppuration et permet une ferent types of internal fixation on fracture healing. J Bone
reprise précoce de la fonction en limitant l’immobilisation Joint Surg 1965;47-A:191—208.
Embrochage centromédullaire des fractures diaphysaires des os de l’avant-bras 167
[16] Anderson LD, Sisk D, Tooms RD, Park WI. Compression-plate [21] Sedel L, Vareilles JL. Consolidation des fractures. Ed Encycl
fixation in acute diaphseal fractures of the radius and ulna. Med Chir (Appareil locomoteur) 14031 1992;A20:11.
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