1) Igh Intro Generale l1-1
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1) Igh Intro Generale l1-1
at naturel dorganiser notre pense dans un rapport au temps (pass, prsent, futur) qui nous permet dtablir une chronologie de faits, dvnements, de techniques etc. Cette organisation du temps remonte en occident lantiquit et commence donc logiquement par un rcit des origines du monde pour arriver nos jours. Cest l que tout se complique, nous avons une conception rationnelle de lhistoire, que nous concevons comme une science capable de nous fournir des faits scientifiquement prouvs COMMENT FAIT ON DE LART ? Se poser la question : l'art a-t-il une histoire ? exige qu'on lucide le rapport de l'art au temps, avant de rflchir sur cette vision du temps que nous appelons l'histoire, elle mme considre comme une manire dtre prsent , une sorte dvnement de la
culture humaine. L'art -cest dire tout ce qui nest pas naturel dans sa dimension la plus large de production- est en effet soumis au devenir de son origine l'historicit de sa production, qui a lieu dans un temps et dans un espace prcis, rsulte de l'initiative d'un agent (artisan, artiste) et dpend de circonstances prcises qui sont celles de sa ralisation (pourquoi, comment)et de sa rception (succs, mode incomprhension etc). L'art, comme production, est un vnement historique. Mais le contexte de la production (pour l'art comme pour la technique) fait apparatre ce rapport au temps comme essentiel, constitutif et non pas accidentel ou contingent. (cf. digression sur la philosophie Artistotlicienne et mdivale) En effet une oeuvre dart nest pas un en soi intemporel et objectif , passant travers les poques et les cultures comme une expression de la beaut ternelle : je suis belle mortels comme un rve de pierre. Toute production est en effet dtermine par ses conditions de ralisation effectives, qui concernent : La civilisation qui rend cette production possible, l'histoire des techniques et des
matriaux, des savoirs-faire, l'histoire de styles qui dtermine quoi produire et selon quelles techniques (une reprsentation peinte dun sujet sera diffrente selon lpoque et le got de celle ci). Les conditions qui dterminent la production comprennent non seulement les conditions de ralisation effective (comment faire) mais aussi celle de leur rception. Produire, qu'il s'agisse des Beaux-Arts ou de la technique, c'est s'inscrire dans un certain moment de l'histoire du got et de la demande. Le contexte historique de la fabrication et de l'accueil des oeuvres fait apparatre le produit comme changement, modification sur le fond permanent de la tradition (mme si cette permanence est relative, et relve de la longue dure, non d'une ternit atemporelle). Cette tradition dtermine des conditions du faire (matriau, technique) mais est aussi norme , rgle, loi, canon l'gard du faire. L'art est en relation avec son histoire car produire na de sens quen relation avec sa tradition. L'histoire apparat alors comme le fond dterminant de l'art et son pass comme sa condition de possibilit.
HISTOIRES OU HISTOIRE : QUEST CE QUE LHISTOIRE ? Comme toute histoire, l'histoire de l'art a commenc par la Fable. Dans la plupart des civilisations, un mythe expose l'origine des techniques et des formes traditionnelles : dans le monde grec, le rcit de Ddale sert d'introduction toute l'architecture, celui de Pygmalion aux pouvoirs de la sculpture. ces fables antiques, on peut rattacher une tendance encore vivace durant tout le Moyen ge, plus encore la Renaissance, et qui est peut-tre un trait irrductible de l'esprit humain donner un caractre hroque ou lgendaire aux nouveauts artistiques : le thme de ces rcits est toujours soit la merveille des tours de force naturalistes, soit l'impertinence glorieuse des matres et leur non-conformisme. L'histoire de l'art, destine tre populaire, retient avant tout les pisodes extraordinaires qui valorisent des personnalits d'exception comme Giotto, Caravage, Czanne, Picasso. Andr Chastel. Rflchir sur le rapport que l'vnement entretient avec sa tradition, rflchir sur le rapport que le prsent entretient avec son pass, c'est penser l'histoire non comme
prsent qui change, mais comme volution qui dure. Or l'volution suppose que soit dtermin le sujet de l'volution, qu'il y ait un mme qui change. Alors, l'historicit de l'art (comme devenir des cultures humaines) pose le problme de l'identit de cet art qui change, qui varie au cours de son histoire et donc exige qu'on rflchisse le rapport de l'histoire de l'art et l'histoire gnrale de la culture. S'il s'agit de rflchir sur l'identit de cet art qui varie, l'histoire pose la question de l'essence. Penser l'histoire comme volution, c'est penser le devenir d'une essence, soit fluctuation contingente autour de sa nature propre (position antique), soit dveloppement. C'est donc ici le concept d'histoire qui est dterminant. Pour donner "l'histoire" son sens moderne, il faut penser le dveloppement de lart comme une complexification, une ralisation rationnelle et effective de l'essence dans l'histoire et non comme un passage de la puissance lacte o la ralisation ne serait quune maturation de l'art ralisant son essence (sa nature, son type : Vasari) et o lartiste ne serait que le technicien rvlant par son travail luvre prexistante in se sed in potentia .
Nous autres civilisations nous savons maintenant que nous sommes mortelles coutons cette phrase et la question devient celle du statut du des cultures. Que devient l'art dans cette perspective ? L'histoire de l'art concerne le devenir des civilisations. Elle fait partie du devenir des socits humaines sans qu'on sache pour autant dfinir la place de l'art au sein de la culture, car le rapport entre art et culture est lui mme historique. En ce sens, lhistoire de l'art est spcifiquement celle de la constitution de son concept et de l autonomie de celui ci en occident. Historiquement cest au XVIIIe sicle que va se poser la question de la diffrence entre arts du beau (beaux-arts), arts-appliqus, art- industriel (plus tard design ), mme si ce que nous appelons aujourd'hui "art" existait bien avant de recevoir ce statut spcifique. Mais du coup, la dtermination historique du concept d'une essence de l'art (comme beaux-arts) fait apparatre l'art comme une ralit permanente, constituant comme le langage articul et la fabrication de loutil) le concept transculturel dun humain conu comme producteur. Lhistoire prtend tre la objective des faits du pass reconstitution
En tant que telle lhistoire de l'art exige que l'on dfinisse ce qu'est un style, et le style dpend de la dfinition de l'art auquel il donne ses rgles, ses normes. On voit ici que l'objectivit de l'histoire n'est pas simple, et que lon pourrait envisager une histoire de lart qui ne soit quune chronologie des styles cest dire en fait une histoire du got. Le problme qui se pose est alors celui de lanachronisme : peut-on chapper au relativisme du got pour penser l'art ? Y a-t-il une intelligibilit dans cette succession de production doeuvres ? Peut-on s'intresser au dveloppement des arts sans comprendre leur succession comme principe dintelligibilit ? Cela constituerait e fait une thorie du progrs (ce qui est rcent est suprieur ce qui est ancien), qui rend incomprhensible la raison pour laquelle, aujourd'hui, notre "conscience esthtique largie" pour reprendre l'expression Kantienne (deuxime maxime du sens commun au paragraphe 40 de la Critique du jugement) nous fait apprcier une uvre ancienne mais aussi les tmoins historiques et techniques plus modestes (le silex, la tresse de cauris, loutil mdival). Il est aussi intressant de rflchir ce qucrit Georges Didi-Hubermann :
Quand et comment avez-vous dcid de devenir historien de lart ? Est-ce dabord un attrait pour lart lui-mme ? Et si oui, pour quel art en particulier, pour quels artistes ? Demble pour Giotto, lAngelico et le Quattrocento ? Ou autant pour lart moderne et contemporain, votre rapport lhistoire de lart vous permettant de multiplier les renvois les plus inattendus, par exemple entre Fra Angelico et Pollock ou entre Penone et Lonard de Vinci ? Je suis enfant de peintre. Je passais des heures dans latelier. Je regardais les tableaux en train de se faire. Je faisais lassistant, je lavais les pinceaux. Trs tt, jai aim discuter du travail, du processus, de comment senchanent les problmes dans un tableau. Il y avait aussi une forte charge rotique dans cet atelier (les catalogues de dessins, Ingres ou Bellmer, Les Larmes dros de Georges Bataille...). Je faisais de lautostop pour aller voir les galeries dart contemporain Paris et quelques ateliers de sculpteurs. Adolescent, je travaillais souvent au Muse dArt moderne de Saint-tienne, aidant la documentation, assistant aux accrochages dexposition ou messayant des visites commentes toujours trs vives avec un public gnralement suspicieux devant lart depuis Czanne. Donc, llment
natif, si lon peut dire, cest lart contemporain, cest--dire lart de chaque instant prsent, lart en tant que question toujours en train de se poser. Je ne suis entr dans lart mdival et renaissant que lorsque jen ai eu lexprience concrte, lors des quatre ou cinq ans que jai passs, bien plus tard, en Italie. Mais, l encore, devant les taches de Fra Angelico, par exemple, les questions comment cest fait ? comment se pose le problme ? venaient en avant des questions qui a fait cela ? ou quest-ce que a veut dire ? Cest pourquoi jai limpression davoir plus appris des artistes eux-mmes avec qui le dialogue na jamais cess que des historiens. (entretien avec Georges Didi-Huberman ralis par Mathieu Potte-Bonneville & Pierre Zaoui)
LART ET LA DUREE DU TEMPS Le rapport de l'art au temps. Ce qui caractrise l'art, c'est d'tre oeuvre humaine, d'introduire un changement dans la dure. En ce sens, tous les artefacts humains sont temporels dans leur essence, et il n'est
pas besoin d'attendre la constitution d'une doctrine explicite de l'histoire au XIXe sicle pour penser l'historicit des oeuvres, puisque Aristote dfinit ainsi la poiesis au chapitre 4 de la sixime partie de l'Ethique Nicomaque : "Les choses qui peuvent tre autres qu'elles ne sont comprennent la fois les choses qu'on fait et les actions qu'on accomplit". L'art, dans sa dimension de fabrication, reoit le statut ontologique du contingent, son essence temporelle est : devenir. "L'art [comme disposition produire accompagne de rgle exacte] concerne toujours un devenir" continue Aristote et "s'appliquer un art, c'est considrer la faon d'amener l'existence une de ces choses qui sont susceptibles d'tre ou de ne pas tre, mais dont le principe d'existence rside dans l'artiste (le facteur) et non dans la choses produite. L'art en effet ne concerne ni les choses qui existent ou deviennent ncessairement, ni non plus les tres naturels, qui ont en eux-mmes leur principe." Donc, il n'y a d'art qu'en devenir, et devenir contingent (non par nature, ncessit mais
par fabrication). C'est donc ce qui fait la spcificit de la poiesis (tre un accident de la nature, produit par l'homme) qui permet d'apprcier le statut ontologique de l'art, identique celui de la technique. L'art est devenir parce qu'il est culture, et l'artefact culturel est contingent parce que son principe d'existence est extrieur lui. Si l'oeuvre est devenir, c'est qu'elle produite par l'homme, et son devenir s'explique par sa gense, non naturelle, mais artificielle. Elle relve d'une thorie de la production causale, qui permet de diffrencier la causalit technique d'une causalit naturelle. En mme temps, prciser le statut causal de l'art permet d'analyser la multiplicit de ses rapports au temps. Par ailleurs et cest essentiel la production artistique est ainsi intgre dans le principe rationnel dexplication du rel (lhomme produit de lobjet dart comme larbre produit des fruits). Il y a l les prmices dune autonomie e la production humaine par rapport au divin. LART QUI DURE Comme tout ce qui associe une chronologie (un avant - aprs) une production (une cause efficiente extrieure), l'art connat une
histoire, celle de la causalit qui rgit sa venue l'existence. Une telle thorie de la causalit est dveloppe par Aristote en Physique II, 3 (voir galement Mtaphysique, D, 2, 1013 a-b). Si jaccepte comme postulat que tout phnomne est soit cause soit effet (et peut mme tre lun et lautre en fonction du point de vue (ex. luf est effet de la poule mais est aussi cause des celle ci.), je puis dfinir quatre causes applicables tout phnomne : une cause matrielle une cause efficiente qui marquent deux usages du temporel, puisque la cause efficiente transforme la cause matrielle et concernent la matire soumise au devenir. Dune part et dautre part : une cause finale une cause formelle qui peuvent sembler soustraites au temps, mais sinscrivent aussi dans une culture et donc dans une histoire. La production qui peut tre considre selon l'histoire de la dure de son matriau et de la conservation de son t. (l'architecture,la sculpture, la peinture rsistent plus longtemps ; luvre littraire exige la fois un support durable et une intelligibilit
(comprendre la langue, la musique crite dure mais que savons nous de son interprtation ancienne et de sa rception, et, depuis qu'on sait conserver le son et l'image, musique et cinma produisent encore des objets, mais les arts vnementiels, les performances, les vnements, l'improvisation restent fugitifs). Le produit de l'art est soumis au devenir. Il est soumis la gnration et la corruption : il devient une ruine et inaugure ainsi une nouvelle prsence au temps et lhistoire, celle de la mmoire, du monument. Mme ruin le pont du Gard ou labbaye de Jumiges manifestent la prsence du pass. Ceci est une caractristique du rapport de l'art l'histoire, luvre monumentale ou ruine rend l'histoire passe actuelle (confer Didi-Huberman) Je ne suis entr dans lart mdival et renaissant que lorsque jen ai eu lexprience concrte, lors des quatre ou cinq ans que jai passs, bien plus tard, en Italie (op.cit). On peut donc dire qu qu'une oeuvre d'art qui n'est pas prsente ne fonctionne pas comme oeuvre. Nous relevons donc, pour l'histoire du matriau, une double temporalit : la succession naturelle du temps s'exprime comme dgradation, vieillissement, entropie de la nature, mais la prsence de ces tmoins vieillis dans nos villes, dans notre prsent oppose l'entropie
naturelle la permanence de la culture. L'histoire est la mmoire des hommes. Pour comprendre cette double valeur, il faut considrer la production de luvre, lacte qui la produit : la cause efficiente. La cause du changement, c'est l'agent qui faonne le matriau. Mais cette production ne se fait pas sans raisons : causes finale et formelle. La cause formelle dtermine la forme et le modle. La cause finale rend compte du mobile elle rpond la question que je vous pose si souvent : quelle question non formule cette uvre est elle une rponse ? . "C'est en construisant que l'on devient constructeur, c'est en jouant de la cythare qu'on devient cythariste" Ethique Nicomaque, II, 1, 1103 a 33. Ca nest pas en construisant une cithare que lon devient cythariste et a nest pas en habitant une maison que lon est constructeur. De ce point de vue, la diffrence entre construire et jouer de la cithare apparat. Production technique et artistique ont toutes deux leur fin dans l'usage, mais l'usage technique instrumental se distingue de l'usage des arts d'imitation, parce que son moyen est l'imitation, mimsis, et sa fin,
l'effet passionnel, la catharsis. D'autre part, si pour Aristote, cause formelle et finale sont antrieures, prexistent par principe, si elles sont idales, essentielles et non contingentes (soumise au devenir), notre point de vue de modernes nous avertit que la cause formelle, en tant qu'elle est dtermine comme thorie de l'art, participe du devenir d'une culture. Car il s'agit de l'idal de reprsentation d'une poque, soumise l'historicit de la culture. De mme, la cause finale appartient ce que l'esthtique moderne, avec Gadamer et Jauss, comprend sous le terme d'histoire de la rception. La forme et la finalit de l'art sont donc galement soumises l'histoire.
LEVOLUTION DES REGLES Il y a une histoire des rgles de production, et de l'volution du canon, Ainsi chaque art dtermin a une histoire, prsente une volution spcifique C'est ici l'histoire comme exprience de la culture qui nous oblige reconnatre le statut historique, des arts de la Grce ou de l'Antiquit en gnral.
Penser ceux ci comme appartenant au pass et non pas une intemporalit nous oblige considrer que nous dterminons la nature de l'art partir du canon de la culture, jinsiste sur ce point il est tellement vulgaire et cependant courant dentendre parle duvres intemporelles . La connaissance que nous avons du pass nous montre que la place de l'art dans la culture varie (je vous rappelle que peintres et sculpteurs ne sont pas considrs comme artistes mais techniciens car il leur manque linspiration ou enthousiasme), tout comme le statut confer loeuvre dans la cit, arc de triomphe, monument aux morts, art officiel). La culture grecque, il est vrai, s'est impose la conscience europenne comme larchtype dun art ternel cest dire intemporel (Vasari, Winckelmann, Hegel). Ainsi, la Renaissance florentine (Vasari), l'histoire de l'art naissante au XVIIIe (Winckelmann) assignent l'art de leur poque la tche de restaurer l'imitation antique de la nature. Restaurer, galer, c'est constater une dcadence ou une infriorit ; cest donc postuler la relativit ou la variabilit des canons et des Idaux. Ce qui nous oblige cesser de poser philosophiquement un Beau transcendant la temporalit (ternel) qui nest possible quen concevant une sorte dessence de l'art . Ainsi
l'histoire de la rception du canon antique intemporel dans la culture occidentale tmoigne de la mise en place des prmisses d'une conscience historique au sens moderne du terme. Nous pouvons en conclure que l'art a une histoire, connat une volution qui renseigne sur son concept. On peut toujours interroger le pass de la production, mais tablir une succession ou une gnalogie d'oeuvres exige la position d'une norme : c'est partir de la dfinition du tragique que l'histoire de la tragdie apparat. Or, cette norme, nous ne la pensons plus comme nature, mais comme une prescription culturelle qui rpond un certain moment de l'histoire du got.
CEST BEAU PARCE QUE CEST VIEUX ! La mode patrimoniale contemporaine pourrait tre ainsi formule cest beau parce que cest vieux ; formulation ridicule si lon songe que la vieillesse dun objet fut pendant des sicles le signe de son obsolescence, la beaut ne pouvant tre que moderne . L'histoire de l'art, cest donc non seulement
la connaissance de son volution mais aussi l'exprience qui nous permet, la fois dapprcier aujourd'hui l'art antique et de laccepter simultanment comme tant irrmdiablement rvolu. L'histoire de l'art est elle mme un devenir historique. La nouveaut , c'est que l'analyse dHegel donne la socit entire d'un sens, qui est celui de la ralisation de l'esprit. Il ne sagit pas dadmettre cet idalisme de principe qui subordonne le sensible l'intelligible et qui classe les diffrentes civilisations humaines dans un progrs lintrieur duquel l'Europe occupe une position prminente incontestable, et rduit le dveloppement historique une phnomnologie de l'Esprit pour la conscience europenne. Il ne sagit pas damoindrir limportance de Hegel qui a limmense mrite de nous faire comprendre que lhistoire n'est pas autre chose que la ralisation de l'humanit, comprise comme ralisation de la libert puisque la vrit de l'esprit s'accomplit travers l'histoire. L'art joue donc un rle dans l'histoire de l'humanit puisqu'il participe son dveloppement. Cela lui confre le rle de marqueur du progrs des civilisations. Il nous invite ainsi rflchir sur les rapports
entre art et civilisation qui agitent les esprits depuis la priode des Lumires. Quelle est l'influence de lart et des sciences sur le progrs des civilisations ? Quel degr de civilisation explique l'mergence des arts ? Comment penser le rapport entre art, sociologie et politique ? Les arts naissent, les styles varient, il y a donc un rapport entre lvolution de ceux-ci et lvolution de la socit entire. ART ET POLITIQUE Hume dans un ouvrage intitul : De la naissance et du progrs des arts et des sciences ",( in Essais esthtiques) prtend quun gouvernement libre est ncessaire leur (il reprend ici un thme fondamental des Lumires). Lactivit artistique ncessite la possibilit dune l'expression individuelle qui prsume un droit celle "les gouvernements libres sont le seul berceau propre permettre l'closion des arts et des sciences" (Essais esthtiques, p. 69). Et par ailleurs : "Rien n'est plus favorable la naissance de la politesse et de la culture qu'un certain nombre d'Etats voisins et indpendants, lis entre eux par des relations commerciales et politiques".
Ce qui dun point de vue largement partag lepoque explique la naissance des arts et des sciences en Grce : "forme d'un essaim de petites principauts, qui bientt devinrent des rpubliques. Etant unies aussi bien par leur proche voisinage que par les liens du mme langage et des mmes intrts, elles eurent les rapports les plus troits de commerce et de culture. A cela concoururent un heureux climat, un sol cultivable et le langage le plus harmonieux et le plus comprhensif du monde, de sorte que toutes les circonstances semblrent favoriser la naissance des arts et des sciences dans ce peuple." (p. 71-72). L'Europe, selon Hume, est assimilable la Grce tant, "fragmente de par ses mers, ses rivires, ses montagnes" formant des "rgions naturellement divises en plusieurs gouvernements distincts". Cette analyse est remarquable en ce quelle constitue une approche sociologique qui permet de penser les arts comme facteur de l'volution des socits humaines. Cependant lidologie sous-jacente est de justifier le primat de l'Europe et de la Grce. Lensemble de lanalyse se veut une justification de la supriorit europenne.
Cette analyse complte par celle de Hegel permet dchapper la notion de progrs et de relativiser une approche : l 'art, le got, le beau se dveloppent dans un territoire et donc tout jugement est ncessairement partial. COMPARATISME ET EVOLUTION ART PRIMITIF ART DECADENT Ds que lon parle dhistoire on parle aussi de chronologie ; chronologie qui joue bien sr un rle dans le dveloppement de l'art (nous hritons d'un certain tat de la question),mais qui ne doit pas sopposer la valeur esthtique. L'art d'une civilisation plus ancienne dans le temps n'en a pas pour autant une valeur moindre celle de l'art rcent. La chronologie en elle-mme n'est pas porteuse de sens. Mais il y a une histoire des styles qui nassent et se dveloppent dans le temps de manire naturelle .. Cela pose le problme de la naissance, de lapoge, et de la dcadence ou dgnrescence des styles. Depuis Vasari, l'ide que lart dune civilisation progresse en mme temps quelle est devenue courante en europe, ne parle-ton pas darts primitifs ou dart dcadents. Vision anthropomorphe dun dveloppement
qui est celui de l'enfance, de l'adolescence et de la maturit. Au XVIIIe, Winckelmann thmatise les quatre ges de l'art grec, art archaque, art sublime, bel art, art des pigones : lide de la mort dun style, que Vasari ludait avec lgance, fait son entre : les civilisations savent maintenant qu'elles sont mortelles (Valry). Mais cette dcadence est pense au XVIIIe, comme rsultat ou cause de la corruption des moeurs. C'est la thmatique du luxe: la dissolution des moeurs, suite ncessaire du luxe, entrane la corruption du got, dit Rousseau dans le Discours sur les sciences et les arts (en rpondant ngativement la question formule en 1750 par l'Acadmie de Dijon, "Si le rtablissement des Sciences et des Arts a contribu purer les moeurs"). Prenant la dfense des arts, Hume montre que le luxe n'est pas corrupteur en lui-mme et affirme : "premirement que les poques raffines sont la fois les plus heureuses et les plus vertueuses ; deuximement que partout o le luxe cesse d'tre innocent, il cesse aussi d'tre bnfique et que, quand il dpasse un certain degr, il se trouve tre d'une qualit pernicieuse, bien que ce ne soit peut-tre pas la plus pernicieuse pour la socit publique" ("Du raffinement dans les arts", in Essais esthtiques, p. 48).
Pourtant, "quand les arts et les sciences atteignent la perfection dans quelque Etat, partir de ce moment l, ils dclinent naturellement ou plutt ncessairement, et (ils) ne revivent jamais ou rarement dans la nation o ils ont fleuri antrieurement." ("De la naissance et du progrs des arts et des sciences", in Essais esthtiques). C'est une thorie de la dgnrescence qui lie la dcadence des arts non la corruption des moeurs mais une corruption du got par excs de civilisation. Les arts dgnrent par excs de raffinement : "c'est l'extrme dans lequel les hommes sont les plus aptes tomber une fois que la culture a fait quelque progrs et que des crivains minents sont apparus dans tous les genres littraires (...) la tentative pour plaire par la nouveaut loigne les hommes de la simplicit de la nature, et remplit leurs crits d'affectation et de pointes." "De la simplicit et du raffinement dans l'art d'crire", in Essais esthtiques, p. 78. L'ornement remplace le naturel, le passage du bon got (classique) au mauvais got
(baroque). Les deux exemples dterminants qui se proposent la conscience europenne sont le passage de l'art antique l'art palochrtien et byzantin, pens comme dcadence, et l'opposition du classique et du baroque. Dans les deux cas, l'art tardif est pens comme dcadence et cette dcadence se repre stylistiquement par la profusion des ornements. Conclusion L'art a bien une histoire, l'histoire qu'il se donne en fonction des exigences du got prsent. L'histoire de l'art est la reprsentation que l'art se donne de son pass, c'est--dire de lui-mme, qu'il pense sa norme comme naturalit donne dans la culture (l'art-artisanat) ou comme cration culturelle valable pour les productions de toutes les poques. Mais la valeur de l'oeuvre ou du genre excde leur situation historique. L'art possde en mme temps, dans la mesure o il est reu par le got du prsent, une validit transhistorique. Les oeuvres qui marquent chappent ainsi leur insertion historique, parce qu'elles sont sauves par le got prsent, qui salue leur actualit. Ainsi, les oeuvres qui sont rduites leur statut historique sont considres seulement comme des tmoins de l'poque et minores ;
les oeuvres salues comme grandes sont extraites de la succession parce qu'elle sont prouves comme durables (elles nous touchent au prsent et ne se contentent pas de jouer le rle second de symbole de la culture). La valeur de l'art ne se rduit pas sa valeur historique, qu'il partage avec tous les tmoins existants mais tient la valeur esthtique qu'on lui accorde aujourd'hui et qui lui reconnat une actualit prsente. "C'est seulement partir de la plus haute force du prsent que vous avez le droit d'interprter le pass... L'gal ne peut tre connu que par l'gal." Nietzsche, "De l'utilit et des inconvnients de l'histoire", par. 7 des Considrations intempestives, Folio, 1990, p. 134.