Édenté

Pour la maladie, voir édentement.

Une sans-dent par l'artiste Fritz von Uhde.

Vieille femme édentée de l'éthnie Dong

Sans-dent (ou au pluriel sans-dents) renvoie à trois significations bien distinctes :

1. un édenté, c'est-à-dire une personne qui n'a pas de dents, une personne souffrant d'édentement, source d'inspiration dans l'art, notamment en peinture et dans le cinéma - plus rarement un bébé qui n'a pas encore fait ses dents ;
2. une expression populaire dont la signification a fortement évolué durant ces cinq derniers siècles - expression utilisée au singulier (sans-dent) ou au pluriel (sans-dents) ;
3. un mouvement d'indignation et de dénigrement né en septembre 2014 contre le président français François Hollande en réaction à des propos que lui prête Valérie Trierweiler dans son ouvrage "Merci pour ce moment". François Hollande par boutade aurait qualifié les pauvres de « sans-dents » dans une soirée privée.

Ces trois significations sont étroitement liées. En effet, l'expression populaire découle de la première signification "un édenté". Le mouvement d'indignation découle lui de la deuxième signification, l'expression "sans-dents". C'est pourquoi, ils sont tous les trois traités dans ce même article.

Un édenté

Un édentement libre.

Un édentement encastré.

L'édentement était une pathologie autrefois fort commune, mais aujourd'hui cette pathologie concerne en premier lieu les personnes âgées et/ou précaires dans les pays développés. De nombreux autres facteurs entre en ligne de compte : alimentation, prédisposition génétique, hygiène buccale, toxicomanie, etc.

Définition

On parle d'édentement quand il manque des dents dans une bouche.L'absence des dents de sagesse (troisièmes molaires), ne constitue pas un édentement. La denture complète d'un humain adulte comporte 32 dents. Souvent, les dents de sagesse, ou les troisièmes molaires, sont extraites. Dans ce cas, la bouche va comporter 28 dents, à savoir : 8 incisives, 4 canines, 8 prémolaires et 8 molaires. Lorsqu'une ou plusieurs dents manquent, on parle d'édentement. Cet édentement peut être libre ou encastré. Un édentement est dit encastré quand il est bordé de dents sur ses deux côtés. Il est libre quand les dents manquantes se trouvent au fond de la bouche et qu'il ne reste des dents que d'un côté de l'édentement.

On parle plus rarement d'un édenté pour un bébé qui n'a pas encore fait ses dents.

D'un point de vue épidémiologique, l'édentement concerne environ 158 millions de personnes dans le monde en 2010 (2,3 % de la population mondiale). Cela est plus commun chez les femmes (2,7 % de la population) que chez les hommes (1,9 % de la population).

Les sans-dents ont été représentés à de nombreuses reprises dans les différents arts, en particulier dans la peinture et le cinéma.

Sans-dents et peinture

Une allégorie de la folie, représentant un sans-dent, du peintre Quentin Matsys.

Le peintre flamand des XVe et XVIe siècles Quentin Matsys, du mouvement artistique des primitifs flamands, fondateur de l'école d'Anvers, représente un sans-dent lorsqu'il peint une allégorie de la folie.

Le peintre flamand du XVIe siècle Jérôme Bosch semble donner dans le réalisme en représentant des sans-dents dans son tableau Le Portement de Croix. C’est dans ses lectures et dans l’atmosphère d’hérésie et de mysticisme régnant à son époque que Bosch puise une inspiration nouvelle, qui lui fait délaisser l’iconographie traditionnelle de ses débuts pour s’orienter vers des œuvres « sacrilèges » où le religieux se confronte au péché et à la damnation. L’enfer se mêle au paradis, et le satirique à la morale. Son style est caractérisé par des personnages caricaturaux issus des bestiaires du Moyen Âge, mis en scène dans des diableries. Et les sans-dents tiennent un rôle important parmi ces personnages caricaturaux.

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  Jérôme Bosch : Le Portement de Croix
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  Jérôme Bosch : détail du Portement de Croix

Les jeunes piaillent comme chantent les vieux (1638-1640) de Jacob Jordaens.

On retrouve des édentés dans l'œuvre Jacob Jordaens, peintre flamand du XVIIe siècle. Dans son huile sur toile Les jeunes piaillent comme chantent les vieux (1638-1640) conservée au musée du Louvre, on voit trois enfants jouant de la flute, qui participent aux beuveries de trois vieillards édentés.

Caricature de Lord North, représenté sans dents

Le sans-dent sert aussi à caricaturer, comme en atteste le dessin datant de 1771 caricaturant Lord North.

On retrouve aussi ce thème chez Fritz von Uhde, un peintre allemand de la Sécession de la fin du XIXe siècle. Ses thèmes sont la transposition contemporaine des scènes de la Bible et une nouvelle représentation de la classe ouvrière. C'est ainsi qu'il dépeint une sans-dent de façon très réaliste.

Sans-dents et cinéma

On retrouve beaucoup de sans-dents dans les vidéos de Donigan Cumming. Mais également dans des films de Maurice Proulx, de Pierre Perrault, de Luis Buñuel et de John Boorman.

Par exemple, le film Terre sans pain de 1933 de Bunuel est un portrait terrifiant des conditions de vie dans la région isolée de Las Hurdes en Espagne. Le film visite des villages de montagne pour présenter les Hurdanos comme des gens totalement démunis. On y voit des gens mal nourris, qui ne connaissent pas le pain. Il souffrent de nombreuses maladies de toute sorte. Ce n'est donc pas sans raison que Bunuel filme de nombreux sans-dents, des images au très fort impact visuel.

Maurice Proulx, communément appelé l'abbé Proulx, prêtre catholique, agronome, et cinéaste est un pionnier du cinéma documentaire au Québec. Sa carrière s'est échelonnée de 1934 à 1968, période au cours de laquelle il a réalisé un peu plus de 50 films. Il fut le premier cinéaste québécois à réaliser un long métrage documentaire avec En pays neufs (1937), un documentaire sur l'Abitibi, qui fut également le premier film sonorisé de l'histoire du Québec. Il est remarquable d'y voir de nombreuses images de sans-dents tant de personnes jeunes, qu'âgées, ce qui traduit la misère sociale de l'époque.

Parfois, dans le cinéma, les sans-dents non seulement représentent la pauvreté, mais également la méchanceté. Ainsi, dans le film Delivrance datant de1972 de John Boorman, la scène de viol est le fruit de deux montagnards armés, dégénérés et violents – représentation extrême du stéréotype des « hillbillies » du sud des États-Unis. Or un gros plan sur le violeur révèle une dentition fort malsaine.

Le personnage Requin, joué par Richard Kiel dans les deux films de James Bond - L'espion qui m'aimait (1977) et Moonraker (1979) - est considéré comme l'un des personnages les plus méchants du cinéma. Or il se trouve qu'il a des mâchoires d'un requin en acier. Sans doute, ce personnage contribue-t-il à renforcer l'idée que les sans-dents sont les "méchants".

Une expression populaire vieille de plus de cinq siècles

Les expressions "sans-dent" ou "sans-dents" au pluriel, ont vu leur signification fortement évolué durant ces cinq derniers siècles. Leurs significations sont passées de "sans-force", à "vieux" et enfin à "pauvre". Cette évolution va plus ou moins de pair avec la représentation dans l'imaginaire collectif des édentés, qui représentent les personnes âgées, les pauvres et parfois mais plus rarement les méchants. On remarque aussi, bien que plus rarement, dans l'imaginaire collectif les sans-dents sont parfois associés à des personnes méchantes. Cela se retrouve essentiellement dans l'art, et en particulier dans le cinéma, comme cela est détaillée ci-après. Cette association fort péjorative se retrouve dans la lignée directe de la pensée philosophique platonique qui associait « beauté » et « bonté » et qui a perduré jusqu'à aujourd'hui. Par association opposée, un sans-dent est moche et donc méchant. Cette signification ne s'est pas retrouvé à ce jour dans l'expression "sans-dent".

Premier sens : sans-force

On retrouve l'ancien proverbe français Un homme sans argent est un loup sans dents de Gabriel Meurier (1568), qui signifie que, sans argent, nos moyens et notre influence dans la vie sont limités. Un loup sans dents n'impressionne personne.

On retrouve ce sens dans l'adjectif anglais toothless qui signifie « sans dent », « édenté », mais également « sans moyen de coercition ».

Deuxième sens : vieux

Deux vieillards mangeant de la soupe (1819-1823) de Francisco de Goya.

Ce nom composé, formé des mots sans et dent, n'est pas inconnu des dictionnaires. Selon le dictionnaire Littré, « substantivement et au féminin, une sans dent, [est] une femme qui n'a plus de dents ».

Une sans-dent est une vieille dame qui a perdu ses dents, puis par extension, une femme ou un homme (un sans-dent) vieux.

Le terme se rencontre sous la plume d'un Jean de la Fontaine au XVIIe siècle  :

« Qu’entend ce rustre, et que nous veut-il dire ?
S’écria lors une de nos sans-dents. »

— Jean de la Fontaine, conte Les lunettes, 1674

et d'un Nicolas Racot de Grandval au XVIIIe :

« Pendant tout le souper, parlant de chose et d’autre
Nôtre vieille sans-dent lorgnoit le bon Apôtre. »

— Nicolas Racot de Grandval, Le vice puni, ou Cartouche, 1726

Les personnes sans dent sont courantes dans l'histoire. Cela concernait autrefois tant les pauvres que les riches. C'est d'ailleurs pour cette raison, que dans les aristocrates portaient des éventails, afin de cacher le fait qu'elles étaient édentées. Les personnes édentées représentaient alors plus la vieillesse que la pauvreté. On trouve dans Le grand vocabulaire françois de 1769, l'expression proverbiale "sans-dents"  :

« On dit proverbialement & populairement d'une vieille femme décrépite, que c'est une vieille sans dent. »

— Auteurs multiples, Le grand vocabulaire françois, volume 8, page 7, 1769

Ce trait est alors mis dans avant dans l'art pictural pour représenter des personnes âgées. Le tableau datant du début du XIXe siècle, des deux vieillards mangeant de la soupe, du peintre espagnol Francisco de Goya en est la parfaite illustration. Dans ce tableau d'ailleurs, le personnage de gauche porte un foulard blanc et il grimace, probablement à cause du manque de dents.

Fac-similé du premier in-folio de 1623 de la pièce de théâtre "Comme il vous plaira" de Shakespeare

Dans la littérature anglaise, le « sans dents » se retrouve sous la forme "sans teeth" dans les dernières lignes du célèbre monologue All the World's a Stage écrit par Shakespeare décrivant la décrépitude de la vieillesse dans sa pièce de théâtre Comme il vous plaira:

Last scene of all,
That ends this strange eventful history,
Is second childishness and mere oblivion,
Sans teeth, sans eyes, sans taste, sans everything.

— Shakespeare, Comme il vous plaira, All the World's a Stage, 1599

Troisième sens : pauvre

Evolution vers le sens de pauvre

La perte des dents concernait autrefois tant les pauvres que les riches. Les vieilles aristocrates cachaient sous un éventail le fait qu'elles étaient édentées. Les personnes édentées représentent alors plus la vieillesse que la pauvreté. On trouve dans Le grand vocabulaire françois de 1769, l'expression proverbiale « sans dent » : « On dit proverbialement & populairement d'une vieille femme décrépite, que c'est une vieille sans dent. »

Les progrès de l'odontologie au XXe siècle permettent aux personnes qui en ont les moyens, de remplacer leurs dents manquantes par des couronnes, des implants ou des prothèses dentaires. Toutefois ces soins sont chers dans de nombreux pays, notamment en France, et ne sont pas, de ce fait, à la portée des pauvres.

Dans les pays développés, les sans-abris sont particulièrement touchés, et c'est dans cette population que l'on peut retrouver des édentés complets, c'est-à-dire sans aucune dent.

En France, un rapport du Centre de recherche, d'études et de documentation en économie de la santé (CREDES) datant de 2002 souligne les problèmes dentaires liées à la précarité. Il pointe notamment le fait que le nombre de dents manquantes est beaucoup plus élevé chez les précaires et que l'écart augmente fortement avec l'âge.

« Trois personnes précaires sur quatre déclarent avoir au moins une dent manquante non remplacée. En population générale, cette proportion est nettement plus faible (38 %). Les personnes précaires ont en moyenne 4,6 dents non remplacées par personne, contre 1,3 dent en population générale. A tout âge, le nombre de dents manquantes est supérieur en population précaire. Cependant, le nombre de dents manquantes augmente avec l’âge de façon beaucoup plus rapide chez les personnes précaires : de 1,8 dents manquantes en moyenne chez les moins de 25 ans jusqu'à 9,8 dents chez les 55 ans et plus, contre respectivement 0,5 et 2,6 dents aux mêmes âges en population générale. Les “ 45-54 ans ” en situation de précarité déclarent en moyenne 7 dents non remplacées de plus que les non précaires. »

— Alice Beynet et Georges Menahem du CREDES, Rapport n° 509 (biblio n° 1369) : problèmes dentaires et précarité, février 2002

Dans le vocabulaire de la représentation sociale, l'expression, un « sans-dent », est devenu un synonyme péjoratif de « pauvre » (en anglais, l'adjectif substantivé the toothless peut s'appliquer de façon péjorative aux classes sociales inférieures).

L'expression "sans-dents" prêtée à François Hollande, stigmatisant les pauvres

Écho avec le livre de Valérie Trierweiler

Valérie Trierweiler.

En 2014, Valérie Trierweiler, ex-compagne de François Hollande, publie un livre : Merci pour ce moment dénigrant son ancien compagnon. L'ouvrage dévient rapidement un succès de librairie avec 145 000 exemplaires vendus dès la première semaine. Des militants provenant de diverses orientations politiques reprennent sur les réseaux sociaux certaines expressions attribuées à François Hollande pour appuyer leurs multiples revendications : démission du président de la République, abandon des politiques de rigueur, défense des plus précaires, etc..

« Il s'est présenté comme l'homme qui n'aime pas les riches. En réalité, le président n'aime pas les pauvres. Lui, l'homme de gauche, dit en privé : “les sans-dents”, très fier de son trait d'humour. »

— Valérie Trierweiler, Merci pour ce moment, 2014

Il s'agit là d'une formule que certains jugent méprisante et qui attribue la création du terme « sans-dents » à François Hollande. En fait, elle s'appuie sur un imaginaire collectif fondé sur une réalité sociale avérée et trouve écho dans certains esprits, car elle peut paraître méprisante pour les personnes précaires, quand bien même elle se voudrait trait d'humour. Elle renvoie à une réalité : une partie des Français renonce à tout soin dentaire par manque d’argent et les plus précaires souffrent beaucoup plus d'édentement que les autres. Dans les pays développés, les sans-abri sont particulièrement touchés, et c'est dans cette population que l'on peut retrouver des édentés complets, c'est-à-dire sans aucune dent.

Cette expression « les sans-dents » fait partie de ces petites phrases qui restent associées aux grandes figures politiques et fait écho à « Casse-toi, pauv' con ! » de Nicolas Sarkozy ou encore à « Moi président de la République » du même François Hollande.

Réaction de François Hollande

François Hollande.

François Hollande réagit pour la première fois le 5 septembre lors du sommet de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord à Newport au Royaume-Uni. Puis il prend le temps d'y répondre en détail dans le magazine Le Nouvel Observateur.

« Cette attaque sur les pauvres, les démunis, je l'ai vécue comme un coup porté à ma vie entière, se défend-il. (…) Dans toutes mes fonctions, dans tous mes mandats, je n'ai pensé qu'à aider, qu'à représenter ceux qui souffrent. (...) Je ne veux pas qu'on puisse dire ou écrire que je me moque de la douleur sociale, car c'est un mensonge qui me blesse. (...) J'ai rencontré des gens dans les pires difficultés, usés par la vie. Ils avaient du mal à soigner leurs dents. C'est le signe de la pire misère. (...) Mon grand-père maternel, petit tailleur d'origine savoyarde, (…) mon grand-père paternel, instituteur, issu d'une famille de paysans pauvres du nord de la France (...). Et vous croyez que je pourrais mépriser le milieu d'où je tiens mes racines, ma raison de vivre ? »

— François Hollande, Article du Nouvel Observateur, 10 septembre 2014

Tout en s'expliquant, le président ne cite à aucun moment, dans l'interview, l'expression en question . Valérie Trierweiler affirme au magazine Le Point qu'elle détient des preuves pour confondre François Hollande sur son utilisation du terme « sans-dents ». Elle affirme qu'elle aurait également conservé tous les SMS de son ex-compagnon.

Une expression popularisée en 2014

L'écho médiatique rencontré par cette expression a renforcé son acception comme stigmatisation des pauvres.

Détournements publicitaires

Le 6 septembre 2014, la marque Générale d’Optique a repris l'expression comme accroche d'une nouvelle publicité : « En France, il y a les sans-dents mais il y a aussi les sans-lunettes ».

De son côté, l'entreprise de location de voiture Sixt a dévoilé, le 8 septembre 2014, une campagne publicitaire en détournant l'expression « sans-dents » : « Chère Valérie, cher François, avec ou « sans-dents », on peut tous louer une voiture belle à croquer ».

Consécration de l'expression par les médias

Le 31 décembre 2014, le journal 20 minutes retient « sans-dents » comme l'un des 10 mots de l'année 2014 de même que Bygmalion, Daesh, Ebola, etc., et affirme que « (Cette) attaque restera, sans doute, collée à la peau du président de la République »..

Il n'est pas le seul. Ils sont très nombreux à consacrer cette expression fin 2014 ou début 2015. Les journaux Libération et La Dépêche, le magazine Challenges Challenges, la radio RTL, les télévisions France 2 et LCI, etc. placent l'expression "sans dent" dans la liste des "mots de l'année 2014" en faisant notamment référence au contexte contenu dans le présent article.

Entrée de l'expression - avec ce nouveau sens de pauvre - dans le langage courant

Un mouvement d'indignation, en réaction aux propos prêtés à François Hollande

Les Sans-Dents (avec un "S" et un "D" majuscules) est le nom médiatisé donné au mouvement d'indignation et de dénigrement né en septembre 2014 contre le président français François Hollande en réaction à des propos que lui prête Valérie Trierweiler dans son ouvrage "Merci pour ce moment". François Hollande par boutade aurait qualifié les pauvres de « sans-dents » dans une soirée privée. Cette mobilisation médiatique rassemble des activismes politiques de différents horizons, allant de droite à gauche.

Contexte

Ce mouvement apparaît dans un contexte socio-économique difficile en France, où le chômage est élevé, la popularité et l'image du président au plus bas dans les sondages et où une partie de la gauche lui reproche une politique en décalage avec ses promesses électorales.

Activisme sur Internet

Sérigraphie de l'artiste Christopher Dombres qui a circulé sur Internet

De très nombreuses réactions se sont fait l'écho de cette expression des « sans-dents » que François Hollande emploierait pour désigner les pauvres, selon son ex-compagne Valérie Trierweiler. Des groupes d'activistes apparaissent sur les réseaux sociaux, s'appelant « les sans-dents » tant sur Facebook que sur Twitter. Ils sont plus de 30 000 membres sur Facebook. Ils sont plutôt véhéments envers le président. Les « sans-dents » enflamment pendant quelques jours les réseaux sociaux. Le dénigrement de François Hollande est accentué par des caricatures du président, essentiellement sur des sites humoristiques. Un site Internet sansdents.fr, qui ne durera que quelques semaines, est créé pour fédérer les actions des activistes. Un autre site Internet, journal-sans-dents-libere, est lancé, qui est encore actif en janvier 2015. Ces mouvements sont alimentés ou récupérés par plusieurs groupes militants, de droite (éléments proches du syndicat étudiant UNI, opposants au mariage homosexuel de la « Manif pour tous ») mais aussi de gauche (mouvement Attac).

Appels à manifester

En septembre 2014, de nombreux appels à manifester sont lancés sur les réseaux sociaux sous le nom des « Sans-Dents » dans plusieurs villes de France. Ils auront un écho limité (moins de 20 à 200 manifestants selon les villes). La manifestation de Paris est en particulier un échec.

• le 12 septembre : Paris devant le palais de Elysée, Bordeaux, Gap, Montbéliard, Nice, Pau, Perigueux, Saumur.
• le 19 septembre : Marseille, Toulon.
• le 28 septembre : Béziers.

Réactions du monde politique

Jean-Luc Mélanchon, le président du Parti de gauche, se revendique du "camp des sans-dents" sur Twitter . Il s'en prend violemment à François Hollande et ajoute à la polémique en affirmant : « Et s'il veut être cru, qu'il commence par poser des actes qui n'aillent pas au contraire. Or il vient de supprimer les crédits destinés à la prévention de la santé bucco-dentaire pour les enfants et adolescents. Ce programme M'T Dents a pourtant démontré son efficacité ».

Le Front National proclame que l'expression « les sans-dents» choque le monde politique. De nombreux articles de presse et émissions de télévision reprennent les réactions de certains hommes politiques.

François Bayrou, le président du Modem, prend la défense de François Hollande et se montre assez circonspect quant au livre de Valérie Trierweiler, et en particulier sur le terme de « sans dents » par lequel François Hollande qualifierait les gens pauvres, selon l'ex-première dame. L'ancien candidat à la présidentielle met en avant deux arguments pour expliquer son scepticisme : il n'a « jamais vu le moindre indice de cette méchanceté-là » chez François Hollande, et si Valérie Trierweiler avait décelé ce genre de considérations, « peut-être n'aurait-elle pas vécu avec lui ».

Interrogée sur BFMTV/RMC sur l'expression « sans-dents » qui aurait été utilisée par le Président de la République pour parler des pauvres, Ségolène Royal, son ancienne épouse, juge que « c'est "le contraire" de l'identité de Hollande. Ce n'est pas sérieux ».

Réactions du monde culturel

Le rappeur Axiom écrit la chanson Sans-dents

Le philosophe Michel Onfray déclare sur France Inter : « C'est assez sidérant qu'une femme dont on sait qu'elle est animée par la colère, par la vengeance, par la haine, par la jalousie – tout ce que Spinoza appelait des "passions tristes" – puisse dire une chose et que ça devienne parole d'évangile ! Pour moi, cette femme n'est pas du tout crédible ! Elle a quand même un grand trajet de Rastignac ». Il évoque la possibilité de l'emploi par François Hollande, dans une configuration bien particulière, de l'expression « les sans-dents », laquelle est sortie de son contexte pour en faire une généralisation abusive.

Plusieurs artistes s'emparent du sujet. Les chanteurs les Glochos, le rappeur Axiom.

« Debout les pauvres, montrez les dents, sortez les crocs, faut avoir du mordant. Debout les pauvres, montrez les dents, montrez que vous en avez au président !
(...)
J'aime pas les pauvres, c'est dégoutant, ils puent de la gueule, ils ont des caries, ils ont plus de dents (...) »

— Glochos, La chanson Les sans-dents, 2014

Par ailleurs, le rappeur français, Hicham Kochman, plus connu sous son nom de scène Axiom, en réaction aux propos prêtés à François Hollande a écrit un morceau intitulé Sans-dents.

« Est-ce que t’entends la colère des sans dents ? »(...) « Donne ton salaire, m’sieur le président, promis, on s’refait les dents ! » « Les sans dents, leurs descendants ont le machin en l'air pour tous les condescendants » (...) »

— Axiom, La chanson "Sans-dents", 2014

L'artiste sérigraphe Christopher Dombres prend la défense des Sans-Dents avec sa sérigraphie « Le marqueur social 2014 fait disparaître les stigmates de la pauvreté ».

Le livre Au Nom des Sans Dents de Joey C.K. AMO est publié à peine un mois après le polémique, soit le 4 octobre 2014.

L'image du président durablement écornée

En dépit d'une impopularité croissante François Hollande "apparaissait comme pas vraiment compétent, mais plutôt sympathique" . Mais Les analystes politiques sont unanimes pour souligner l'impact dévastateur de cette expression sur l'image du président François Hollande :

• Cette petite phrase serait "la synthèse du débat politique français actuel, à savoir l'opposition entre le peuple et l'élite, la défiance du peuple vis-à-vis du politique", analyse Philippe Moreau-Chevrolet sur BFM TV

• Cette expression comme le célèbre "casse-toi, pauvre con" de Nicolas Sarkozy peut devenir le symbole du "mépris de classe" du président, rappelle Rue 89

• François Hollande était le candidat "qui n'aime pas les riches". Deux ans plus tard, le voilà catalogué "président qui n'aime pas les pauvres" constate le spécialiste de communication Philippe Moreau-Chevrolet.

 L'expression « sans-dents » est certainement celle qui a eu le plus d'échos dans la presse et l'opinion. Selon un sondage CQFD-i télé réalisé les 4 et 5 septembre 2014, 29 % des sympathisants de gauche et 26 % des sympathisants du Parti socialiste jugent que ce livre « modifie en mal » l'image qu'ils ont du président de la République.

Le magazine Challenges affirme le 22 décembre 2014 « d'un bilan 2014, à marquer d'une pierre noire pour Hollande. » et fait notamment référence aux « sans-dents ».

Annexes

Articles internes

• Sans-dent
• Édentement
• Merci pour ce moment
• Mouvement des Bonnets rouges
• Mouvement des Pigeons
• Ouvrage de Valérie Trierweiler Merci pour ce moment

Article externe

• Rapport de 2002 du CREDES sur les problèmes dentaires et la précarité