« Kabylie » : différence entre les versions
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Le développement du tourisme permet aussi d'entrevoir un avenir dans cette activité pour laquelle la région, parfois surnommée la « petite Suisse<ref>Déjà en 1833, le nom de « Suisse sauvage » lui était attribué : ''cf.'' Eugène Daumas, ''Mœurs et coutumes de l'Algérie : Tell, Kabylie, Sahara'', Hachette, 1855, p. 191.</ref> », bénéficie de solides atouts. Lors des dernières assises nationales du secteur, de nombreux projets, souvent colossaux, ont été abordés. Dans la [[wilaya de Béjaïa]], le groupe Cevital vient d'obtenir une assiette foncière de 26 hectares à l'intérieur de la zone d’expansion touristique (ZET) d’Agrioun, à [[Souk El Ténine (Béjaïa)|Souk El Ténine]] (une station balnéaire située à une trentaine de kilomètres à l’est du chef-lieu de wilaya) pour l’implantation d’un complexe touristique moderne. |
Le développement du tourisme permet aussi d'entrevoir un avenir dans cette activité pour laquelle la région, parfois surnommée la « petite Suisse<ref>Déjà en 1833, le nom de « Suisse sauvage » lui était attribué : ''cf.'' Eugène Daumas, ''Mœurs et coutumes de l'Algérie : Tell, Kabylie, Sahara'', Hachette, 1855, p. 191.</ref> », bénéficie de solides atouts. Lors des dernières assises nationales du secteur, de nombreux projets, souvent colossaux, ont été abordés. Dans la [[wilaya de Béjaïa]], le groupe Cevital vient d'obtenir une assiette foncière de 26 hectares à l'intérieur de la zone d’expansion touristique (ZET) d’Agrioun, à [[Souk El Ténine (Béjaïa)|Souk El Ténine]] (une station balnéaire située à une trentaine de kilomètres à l’est du chef-lieu de wilaya) pour l’implantation d’un complexe touristique moderne. |
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===Agriculture et rapport à l'environnement=== |
===Agriculture et rapport à l'environnement=== |
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[[Image:Figues chemini.jpg|thumb|[[Figues]] de Kabylie]] |
[[Image:Figues chemini.jpg|thumb|[[Figues]] de Kabylie]] |
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Les populations de Kabylie ont toujours entretenu avec leur environnement montagneux des rapports spécifiques qui de nos jours sont remis en cause par l'exode rural. |
Les populations de Kabylie ont toujours entretenu avec leur environnement montagneux des rapports spécifiques qui de nos jours sont remis en cause par l'exode rural. |
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Deux arbres sont emblématiques de la région tant au niveau économique que culturel, ce sont l'[[olivier]] |
Deux arbres sont emblématiques de la région tant au niveau économique que culturel, ce sont l'[[olivier]] et le [[figuier]]. L'olivier est surtout cultivé pour la production d'huile d'olive dont celle de kabylie est réputée pour être une des meilleur du bassin méditerranéen<ref name="RachidOulebsir">Rachid Oulebsir, « L’olivier en Kabylie entre mythes et réalités ». L’Harmattan, Paris, 2008.</ref>. De nos jours l'olivier constitue encore une source de revenus importante pour beaucoup de familles en hiver alors que le figuier prend le relais l'été. Son huile sert aussi dans la médecine traditionnelle et c'est aussi un ingrédient dans la confection de savon noir avec la cendre de laurier rose et d'autres produit de beauté comme le ''tazoult''<ref>[LA GRANDE KABYLIE - ÉTUDES HISTORIQUES PAR M. DAUMAS ET M. FABAR]</ref>{{refconf}}. La cueillette des olives constitue pour beaucoup de village kabyle un rite et un moment de fête avec notamment une solidarité ''(tiwizi)''{{quoi}} pour les plus démunis<ref name="RachidOulebsir" />. Dans la plus part des villages ces différentes coutumes prennent la forme d'une veritable fête de l'olivier{{refnec}}. Le bois de l'olivier sert aussi comme bois de chauffe pour surmonter les hivers rigoureux et enneigés tandis que le feuillage et les fruits de mauvaise qualité (tout comme celui des autres cultures) sert d'alimentation au bétail. |
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L’olivier en Kabylie entre mythes et réalités ; L’Harmattan, Paris, 2008</ref>. De nos jours l'olivier constitue encore une source de revenus importante pour beaucoup de familles en hiver alors que le figuier prend le relais l'été. Son huile sert aussi dans la médecine traditionnelle et c'est aussi un ingrédient dans la confection de savon noir avec la cendre de laurier rose et d'autres produit de beauté comme le ''tazoult''<ref>[LA GRANDE KABYLIE - ÉTUDES HISTORIQUES PAR M. DAUMAS ET M. FABAR]</ref>. La cueillette des olives constitue pour beaucoup de village kabyle un rite et un moment de fête avec notamment une solidarité ''(tiwizi)'' pour les plus démunis<ref>Rachid Oulebsir/ |
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L’olivier en Kabylie entre mythes et réalités ; L’Harmattan, Paris, 2008</ref>. Dans la plus part des villages ces différentes coutumes prennent la forme d'une veritable fête de l'olivier<ref>http://www.la-kabylie.com/article-878-Kabylie-la-commune-dAit-Zaim-fete-lolive-et-lolivier.html</ref>. Le bois de l'olivier sert aussi comme bois de chauffe pour surmonter les hivers rigoureux et enneigés tandis que le feuillage et les fruits de mauvaise qualité (tout comme celui des autres cultures) sert d'alimentation au bétail. |
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⚫ | Le figuier se décline en plusieurs variétés locales, son fruit la figue se consomme fraiche |
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[[Image:Kabylie - figuier de Barbarie.jpg|right|thumb|[[Figuier de barbarie]]]] |
[[Image:Kabylie - figuier de Barbarie.jpg|right|thumb|[[Figuier de barbarie]]]] |
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⚫ | Mis a part ces deux arbres emblématiques de la Kabylie, les cultures céréalières ont une grande importance comme le blé et l'orge et occupent une grande place dans la gastronomie locale notamment pour le [[couscous]] et {{refnec|une variante locale spécifique}} qui est le couscous d'orge préparé à l'occasion de festivités. |
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⚫ | Les cultures maraichères ne sont pas en reste profitant de la pluviométrie et des abondantes ressources en eau de la région les [[kabyles]] ont mis en place dans pratiquement chaque village des vergers de montagnes. On y cultive la grenade, le raisin, l'amande et dans la vallée de la [[Soummam]] l'orange et le citron. {{refnec|Il subsiste encore un savoir faire pour la confection des colliers en perles de lait d'amandes appelés ''azrar n skhav''}}. La cuisine locale variée permet de valoriser les produits locaux comme le zeste de citron et l'eau de fleur d'oranger utilisés en pâtisserie. |
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⚫ | Mis a part ces deux arbres emblématiques de la Kabylie, les cultures céréalières ont une grande importance comme le blé |
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⚫ | Les cultures maraichères ne sont pas en reste profitant de la pluviométrie et des abondantes ressources en eau de la région les [[kabyles]] ont mis en place dans pratiquement chaque village des vergers de montagnes |
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La population pratique aussi la cueillette de divers plantes aromatiques comme le laurier |
La population pratique aussi la cueillette de divers plantes aromatiques comme le laurier-rose qui pousse dans le lit des rivières et qui évoque dans la poésie kabyle l'amertume<ref>Dictionnaire de la culture berbère en Kabylie de Camille Lacoste-Dujardin au Editions La Découverte</ref>{{référence insuffisante}}. |
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Pour chacune de ces pratiques agricoles correspond une saison de l'année, le calendrier ''amazigh'' est d'ailleurs un calendrier agricole avec la fête de [[Yennayer]] ou ''nouvel an berbère'' le 12 janvier pour marquer le début de la nouvelle saison agricole<ref>Jean Servier. Tradition et civilisation berbères. "Les portes de l’année". Éditions du Rocher. août 1985.</ref>. |
Pour chacune de ces pratiques agricoles correspond une saison de l'année, le calendrier ''amazigh'' est d'ailleurs un calendrier agricole avec la fête de [[Yennayer]] ou ''nouvel an berbère'' le 12 janvier pour marquer le début de la nouvelle saison agricole<ref>Jean Servier. Tradition et civilisation berbères. "Les portes de l’année". Éditions du Rocher. août 1985.</ref>. |
Version du 14 août 2011 à 16:21
Kabylie | |
Administration | |
---|---|
Statut politique | région historique et ethnolinguistique d'Algérie |
Gouvernement - wilayas |
sans unité administrative Béjaïa, Tizi-Ouzou[1], Bouira, Boumerdès, Bordj-Bou-Arreridj, Jijel, Sétif[2] |
Démographie | |
Langue(s) | kabyle[3],
arabe algérien[4] |
Géographie | |
Coordonnées | 36° 36′ nord, 5° 00′ est |
Superficie | 25 257 km2 |
Divers | |
Fuseau horaire | UTC +1 |
Hymne | Kker a mmi-s umaziɣ (Debout fils d'Amazigh)[8] |
Devise | A nerrez wala a neknu (Plutôt briser que plier)[9] |
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La Kabylie est une région historique et ethnolinguistique fortement homogène située dans le nord de l'Algérie, à l'est d'Alger. Terre de montagnes densément peuplées, elle est entourée de plaines littorales à l'ouest et à l'est, au nord par la Méditerranée et au sud par les Hauts Plateaux. Dénuée d'existence administrative globale, elle tient son nom des Kabyles, population berbère dont elle est le foyer.
Ses habitants berbérophones la nomment en kabyle Tamurt n Leqbayel (en tifinagh : ), « pays des Kabyles », ou plus simplement Tamurt, « terre natale », « patrie ». Les arabophones l'appellent بَلَد القبائل (prononcé [blæd ləqbæyəl] en arabe algérien), littéralement « pays des Tribus ».
Géographie
Nom et territoire
En français, Kabylie dérive de Kabyle, dont l'étymologie la plus courante fait une déformation de l'arabe qabā'il[10], pluriel de qabila (القبيلة), « tribu ». Au sens premier, les Kabyles seraient donc simplement les « gens des tribus ». Dans l'histoire précoloniale de l'Afrique du Nord, la tribu est la forme d'organisation sociale qui s'est maintenue contre ou malgré toutes les tentatives de soumission des États makhzen émergents[11]. Les officiers français, successeurs du makhzen turc, se sont d'abord servi du terme pour distinguer moins une ethnie ou une région précises qu'un type d'adversaire particulièrement opiniâtre : le montagnard. Mais le mot fut aussi employé pour désigner de façon plus spécifique les seuls montagnards berbérophones ou encore, en un sens plus général, tous les Berbères sédentaires, voire tous les sédentaires d'Afrique du Nord[12].
Initialement la dénomination Kabylie, au singulier ou au pluriel, était appliquée à toutes les régions peuplées de Kabyles, à tous les sens de ce terme, et avait donc la même élasticité que lui. Mais elle prit à partir du milieu du XIXe siècle une signification plus précise, pour être progressivement réservée à l'ensemble d'un seul tenant que forment les montagnes telliennes entre Alger et Constantine, autour des massifs du Djurdjura et des Babors[13]. Le mot Kabyle se vit à son tour redéfini pour ne plus s'appliquer qu'à la population habitant ou originaire de la région ainsi circonscrite, qui était encore presque entièrement berbérophone[14]. L'espace alors délimité sur cette double base géographique et humaine recoupe de nombreuses circonscriptions de l'Algérie contemporaine : la totalité des wilayas de Tizi-Ouzou (Tizzi Wezzu) et Béjaïa (Bgayet), une grande partie de celle de Bouira (Tubiret), une part aussi de celles de Boumerdès (Bumerdas), Bordj-Bou-Arreridj (Burdj Bu Arreridj), Sétif (Stif) et Jijel, ainsi que des marges de celles de Mila, Constantine (Qsemṭina) et Skikda.
Avec la progression de l'arabisation, l'usage tendit à faire sortir du périmètre d'application du terme les franges les plus arabisées de cette Kabylie « historique ». Chez les Kabyles des années 1950 déjà, le mot Aqbayli, bien que sans traduction territoriale rigoureuse, renvoyait grossièrement à l'espace compris entre Thenia à l'ouest, Sétif et Jijel à l'est[15]. Dans le même sens, les cartes en circulation dans la mouvance régionaliste contemporaine se cantonnent à l'intérieur du cadre des sept wilayas de Béjaïa, Tizi-Ouzou, Boumerdès, Bouira, Bord-Bou-Arreridj, Sétif et Jijel[16]. Dans une acception minimale, la Kabylie est parfois simplement assimilée à sa partie nord-occidentale, la Grande Kabylie, étendue jusqu'à l'ouest de Béjaïa pour englober la majeure partie de l'aire kabylophone actuelle[17].
Relief et sous-régions
Composante de l'Atlas tellien située en bordure de la mer Méditerranée, la Kabylie tire son unité physique du relief élevé qu'évoque son surnom traditionnel de Tamurt Idurar, « Pays des Montagnes ». L'altitude y connaît cependant des variations et des ruptures qui sont le support de plusieurs subdivisions. La principale est celle qui sépare Grande et Petite Kabylies. Elle recoupe dans sa partie méridionale une distinction traditionnelle entre les populations du Djurdjura occidental, que les anciens Kabyles appelaient At Ufella (« Ceux d'en-haut »), et du Djurdjura oriental, qu'ils nommaient At Wadda (« Ceux d'en-bas »). Au nord, en revanche, la limite entre les deux sous-ensembles n'a pas de support naturel nettement défini. Elle correspond à une ligne de partage historique utilisée à diverses reprises : wilayas actuelles, départements d'Alger et de Constantine sous la colonisation française, beylicks de Médéa et de Constantine pendant la période turque, royaume de Bougie[18].
Si l'usage des termes de Grande, Haute, Petite ou Basse Kabylie tend à tomber en désuétude parmi les habitants de la région, il subsiste à divers degrés au sein des populations émigrées.
Grande Kabylie
La Grande Kabylie correspond au territoire que les anciens Kabyles nommaient Tamawya taqbaylit (ou Tamawya), la « Fédération kabyle ». Elle se distingue par son altitude de la Petite Kabylie, au sud-est, et de la Basse Kabylie, à l'ouest, et s'étend, du nord au sud, de la côte méditerranéenne jusqu'aux crêtes du Djurdjura. Trois ensembles montagneux en occupent la plus grande part :
- au nord, jusqu'à la mer, et à l'est, les hauts massifs boisés de la Kabylie maritime, qui culmine au mont Tamgout (1278 m), et de l'Akfadou, qui marque le début de la Petite Kabylie ;
- au sud, la chaîne calcaire du Djurdjura, surplombant au nord-ouest la dépression Draa El Mizan-Ouadhia, au sud la vallée de l'oued Sahel-Soummam, et culminant au Lalla-Khadîdja (Tamgut Aâlayen), plus haut sommet de tout l'Atlas tellien (2308 m) ;
- entre les deux, bordées au nord par le bassin du Sebaou, jouxtant le Djurdjura au sud-est, profondément entaillées par de nombreuses gorges, les montagnes anciennes du massif Agawa, le plus densément peuplé, avec huit cents mètres d'altitude moyenne[19],[20]. C'est là que se trouvent Tizi-Ouzou, fondée à l'époque coloniale et appelée autrefois « le village », aujourd'hui principale ville de Grande Kabylie ; ainsi que Larbaâ Nath Irathen, centre urbain le plus élevé de la région, à environ mille mètres d'altitude.
Le territoire de la Grande Kabylie recouvre aujourd'hui la wilaya de Tizi-Ouzou et une moitié de celle de Bouira, incluant les centres de Lakhdaria (anciennement Palestro), Kadiria, Bouira, Haizer, Bechloul et M'Chedallah (anciennement Maillot) et délimitée par Aghbalou et Chorfa du côté de la wilaya de Béjaïa, Ahnif et Ahl El Ksar vers celle de Bordj-Bou-Arreridj.
Les expressions de Haute Kabylie ou de Kabylie du Djurdjura sont souvent employées comme synonymes de Grande Kabylie, parfois aussi pour désigner plus spécifiquement la partie située au sud du Sebaou.
Petite Kabylie
La Petite Kabylie gravite quant à elle autour de Béjaïa (anciennement Bougie), l'antique Saldae, la plus grande ville de Kabylie, surnommée par les Kabyles Bgayet n Lejdud, « Bougie des Ancêtres[21] ». Son territoire reprend en partie les contours de l'ancienne province de Bougie, décrite par Ibn Khaldoun. Elle englobe la vallée de la Soummam jusqu'à la côte et se poursuit par la « Corniche kabyle », qui surplombe la Méditerranée entre Béjaïa et Jijel. Plus au nord, elle s'étend sur les versants du Djurdjura oriental et de l'Akfadou (point culminant à 1623 m). Elle se prolonge vers le sud jusqu'à la chaîne des Bibans et vers l'est par celle des Babors, dont le mont éponyme est le plus haut sommet de la sous-région (2004 m). Les définitions les plus larges y incluent le massif de Collo, voire les montagnes qui bordent la plaine d'Annaba.
En superficie, la Petite Kabylie n'est pas plus « petite » que la Grande, elle est même beaucoup plus étendue si on ne la limite pas à la wilaya de Béjaïa. Mais elle est morcelée par le relief, au point qu'on préfère souvent y voir plusieurs « Kabylies » : Kabylie de la Soummam (parfois rattachée, au moins pour son versant nord, à la Grande Kabylie), Kabylie des Babors (parfois considérée comme « la » Petite Kabylie stricto sensu), Kabylie de Collo, Kabylie orientale[17],[22]...
Basse Kabylie
L'expression de Basse Kabylie est fréquemment appliquée à la Petite Kabylie mais sert aussi à désigner une autre partie de la région, celle qui s'étend entre la Mitidja et la basse vallée du Sebaou. Premier sous-ensemble kabyle rencontré en venant d'Alger, c'est un espace de transition entre plaine et montagne[23]. Beaucoup moins étendue que la Haute Kabylie voisine, la Basse Kabylie est aujourd'hui englobée dans la wilaya de Boumerdès.
Climat
La Kabylie comporte plusieurs zones climatiques. Le littoral et la Kabylie maritime sont de climat méditerranéen. L'hiver y est plutôt doux comparé au reste de la région, avec une température de 15 °C en moyenne. La période estivale, rafraîchie par les vents marins, présente une température moyenne de 35 °C environ[24].
Sur les hauteurs le climat est beaucoup plus rude, avec parfois des températures négatives et une neige abondante l'hiver ; et des étés très chauds, très secs, notamment vers le sud où la pluviométrie est moindre. Cependant dans les parties les plus hautes la température estivale est modérée par l'altitude.
Dans les vallées intérieures, l'hiver est sensiblement identique à celui des hauteurs. Mais en été, du fait de l'enclavement ou de l'exposition aux vents du sud, les températures sont particulièrement élevées : c'est le cas à Tizi-Ouzou, où la température peut atteindre les 46 degrés quand elle est de 35 degrés à Dellys, comme à Akbou, dans la vallée de la Soummam, couloir idéal pour le passage du sirocco.
Hiver | Printemps | Été | Automne |
---|---|---|---|
Froid, neigeux et pluvieux | Ensoleillé avec des épisodes de pluie fréquents | Très chaud et sec, épisodes orageux | Très pluvieux avec du soleil parfois |
T° entre -5° et 15° | T° entre 20° et 35° | T° entre 30° et 45° | T° entre 15° et 25° |
La Kabylie bénéficie d'une pluviométrie relativement abondante qui a facilité le développement d'une agriculture typique. En Grande Kabylie, les régions intérieures sont plus arrosées en raison de l'ascension et de la décompression des vents humides : ainsi à Larbaâ Nath Irathen, la pluviométrie est de 1 059 mm contre 833 mm à Tizi Ouzou[24].
Une ligne de crête qui traverse la région en joignant l'Atlas blidéen, le Djurdjura, les Babors, le massif de Collo et l'Edough, sépare une zone nord très pluvieuse (plus de 800 mm de précipitations par an) d'une zone sud moins arrosée (de 600 à 800 mm par an). Cette différence de pluviosité aurait eu pour conséquence une végétation naturelle plus ou moins dense : aux versants nord, initialement couverts d'une forêt peu hospitalière, devenus plus tard terres de vergers, s'opposeraient ainsi des versants sud plus facilement et sans doute plus précocement peuplés, car plus immédiatement propices à la culture et à l'élevage. Ce facteur introduit un élément supplémentaire de distinction entre Grande et Petite Kabylies. En effet la première, si l'on en exclut le versant sud du Djurdjura (comme le fait d'ailleurs le tracé de l'actuelle wilaya de Tizi-Ouzou), se trouve entièrement en zone de forte pluviosité. Au contraire, en Petite Kabylie les orientations combinées du littoral et du relief ne laissent que peu de profondeur aux versants nord. Elles font plus de place aux zones moins humides, comme le Guergour et le Ferdjioua qui s'étendent entre Babors et Hauts Plateaux[25].
Population et langue
Peuplement
C'est dans la wilaya de Sétif, à Aïn El Ahnech, dans le voisinage des montagnes kabyles, que se trouvent les plus anciens vestiges préhistoriques découverts jusqu'à présent en Afrique du Nord. Ils témoignent de la présence d'Homo habilis dans la région il y a plus d'un million d'années. Quant aux Kabyles actuels, ils font partie du vaste ensemble des héritiers des premiers Berbères, dont les origines ont donné lieu à une multitude d'hypothèses. Les spécialistes restent partagés entre tenants d'un foyer initial moyen-oriental ou africain ; les estimations de l'époque d'apparition du berbère en Afrique du Nord vont encore de 8 000 à 2 500 ans avant notre ère[26]. Les données archéologiques et linguistiques disponibles ne permettent pas de trancher mais établissent suffisamment l'ancienneté et la continuité de la présence des Berbères dans leur espace actuel pour qu'on puisse les qualifier d'autochtones[27].
Les sept wilayas qui englobent le périmètre Thenia - Sétif - Jijel totalisent une population d'environ six millions de personnes[28] dont, suivant les estimations, de trois à trois millions et demi de kabylophones[29]. La densité démographique est forte pour une région à dominante montagnarde et rurale. Elle atteint même 375 hab./km2 dans la wilaya de Tizi-Ouzou, où se rencontrent pourtant les altitudes les plus élevées. Le phénomène n'est pas nouveau et il frappa particulièrement les colonisateurs français. Il est d'autant plus original que la taille des centres urbains de la région est longtemps restée limitée, le village étant traditionnellement la forme principale d'agglomération.
La question de l'origine de ces hautes densités montagnardes divise encore les historiens. Aux extrêmes s'opposent la thèse d'un peuplement dense très ancien, antérieur à la présence romaine, et celle d'un afflux tardif, consécutif à l'arrivée des Arabes[30]. Toutefois un relatif consensus se dégage sur plusieurs points. Pour commencer, une distinction semble s'imposer, pour l'ensemble de l'Afrique du Nord, entre un premier peuplement berbère, « paléo-montagnard », caractérisé par la pratique des cultures en terrasses, s'étendant progressivement depuis les Aurès et l'Atlas saharien jusqu'aux Hautes Plaines ; et un second, « néo-montagnard », ignorant la technique des terrasses et propre aux massifs du Tell : c'est à cette seconde vague, plus tardive, que l'on rattache les premières populations de Kabylie[31].
La présence de populations dans l'ensemble de la région, dès l'époque romaine au moins, paraît également attestée, le seul point encore en débat portant sur le peuplement du territoire relativement restreint, mais aussi le plus densément peuplé, que constitue le massif Agawa. Enfin, il est généralement admis que ce peuplement initial s'est trouvé accru, à partir du Xe siècle, de l'apport de populations d'agriculteurs menacés par le processus de pastoralisation des plaines puis, à partir du XIVe siècle surtout, par les prélèvements fiscaux du makhzen[32]. Les traditions locales paraissent corroborer l'hypothèse d'une dualité historique du peuplement kabyle.
Situation linguistique
Les Kabyles font partie des Berbères (Imazighen). Leur langue, le kabyle (taqbaylit), est une variété du berbère (tamazight). Elle compte un nombre important de locuteurs en dehors de Kabylie, de l'ordre de deux à deux millions et demi[29], dans le reste du pays (notamment à Alger où ils représentent une forte proportion de la population[33]) et à l'étranger (principalement en France où ils seraient près d'un million de personnes[29], mais aussi dans le reste de l'Europe et au Canada). On peut estimer à cinq millions et demi le nombre total de locuteurs du kabyle[29], ce qui en fait le deuxième groupe berbérophone dans le monde, après les Chleuhs du Maroc.
Si le territoire de Grande Kabylie compte peu d'habitants de langue maternelle arabe, Basse et Petite Kabylies ont été davantage arabisées. En Basse Kabylie, l'arabisation remonte à la période ottomane. À cette époque, des terrains de la région furent concédés à quelques familles d'origine turque ou arabe ainsi qu'à la tribu des Iamriwen, constituée d'aventuriers et de proscrits des autres tribus kabyles[34]. En même temps que la garde et l'usage des terres de plaines, ils recevaient de leurs commanditaires un cheval avec la charge de tenir en respect les populations avoisinantes. Leur contrôle s'étendit jusqu'en Haute Kabylie, sur toute la moyenne vallée du Sebaou : là comme dans les basses plaines, le makhzen se montra un puissant facteur d'arabisation. Toutefois on a assisté depuis à une rekabylisation partielle de ces territoires.
En Petite Kabylie, le kabyle était encore majoritairement parlé au XIXe siècle jusqu'au-delà de l'Oued el Kebir. Si Jijel et ses environs étaient déjà arabisés, vers l'intérieur il n'y avait pas encore de rupture territoriale entre les parlers kabyle et chaouïa. Aujourd'hui le Guergour est à moitié arabophone et le Ferdjioua en totalité. À l'est, l'expression de Kabyles el hadra a été créée pour désigner les montagnards arabisés du Nord-Constantinois[35].
En Grande Kabylie et dans la partie de la Petite Kabylie où le kabyle prévaut, il est la langue maternelle et quotidienne de la presque totalité de la population[3]. Là où populations kabylophones et arabophones sont en contact, un bilinguisme kabyle-arabe algérien est pratiqué de part et d'autre[4]. À Béjaïa et à Tizi-Ouzou, où la population urbaine traditionnelle était majoritairement arabophone, l'exode rural qui a suivi l'indépendance a généralisé la diffusion du kabyle[29]. Quant à l'arabe littéral, son emploi est cantonné au système d'enseignement et aux administrations de l'État central[7]. En pratique, c'est plutôt le français qui est employé pour les usages écrits ou savants et, de façon presque exclusive, dans le commerce et la publicité[6].
Démographie
Municipalité | Population (2008) | |
---|---|---|
Tizi Ouzou | 230 000 | |
Bejaia | 177 988 | |
Bouira | 75 000 | |
Sources : "Office national des Statistiques"[36] |
La Kabylie au sens stricte de région berberophone compte 3,5 millions d'habitants repartis majoritairement sur les wilayas de Tizi Ouzou et Bejaia et 6 490 776 habitants si on compte les populations arabophones environnantes vivant sur le territoire historique et culturel de la région.
- La wilaya de Tizi Ouzou compte 1 119 646 habitants répartis dans 67 communes au dernier recensement de 2008[37].
- La wilaya de Bejaia compte presque un millions d'habitant répartis dans 52 communes au dernier recensement de 2008[38].
- Le reste des populations se repartis sur la moitié est de la wilaya de Boumerdes, la moitié nord de la wilaya de Bouira, le nord de la wilaya de Bordj Bou Arreridj, le nord-ouest de la wilaya de Setif et l'ouest de la wilaya de Jijel.
La région a subit un exode rural important du fait de la lutte anticolonialiste, de la répression et de ses conséquences sur le tissus socioéconomique de la région. La population fut poussée a quitter l'arrière pays pour les grandes villes de la région (Tizi Ouzou, Bejaia...) ce phénomène persiste jusqu'à nos jours. Elle donna dès le début du 20ème siècle les premières vagues d'immigration maghrébines vers la France, ce flux a connu une baisse dans les années 1960.[39]. Après l'indépendance l'exode rural s'effectuera surtout vers les grandes villes Algériennes comme Alger ou Oran[40]. On estime d'ailleurs le nombre de kabyles dans les grandes villes d'Algerie a 2.5 millions d'individus et en France a 1 millions d'individus. Le taux d'accroissement de la population n'est que de 0.2 pour la wilaya de Tizi Ouzou et 0.6 pour la wilaya de Bejaia, ce qui est relativement faible comparé au reste de l'Algérie, cela s'explique principalement par l'exode rural[41].
Histoire
Pas plus au cours de son histoire qu'aujourd'hui la région n'a connu de frontières fixes et rigoureusement définies, faute d'avoir jamais constitué un État. C'est que la forme d'organisation tribale qui s'y est développée est restée caractérisée par le contrôle direct et rigoureux exercé sur des dirigeants désignés et s'est toujours opposée à l'émergence d'un pôle de pouvoir unique et centralisé. Intérieurement divisée, elle a toutefois trouvé son unité vis-à-vis de l'extérieur dans le rôle de refuge qu'elle a tenu pour tous ceux qui, dans les populations environnantes, ont voulu résister à l'emprise des conquérants successifs ou des États en construction. Selon les circonstances, ses contours se sont réduits aux bastions les plus montagneux, hors d'atteinte de l'ennemi ou d'une autorité centrale parfois reconnue nominalement, mais en pratique ignorée ; ou se sont étendus sur les plaines voisines, dans les périodes de récupération et de reconquête[42].
Antiquité
Pendant l'Antiquité, la région, comme le reste de l'Algérie septentrionale, est en contact avec les principales civilisations du bassin méditerranéen. C'est aussi la période d'émergence de grands royaumes berbères. Les Phéniciens, qui s'implantent à partir de 1200 av. J.-C. sur les côtes d'Afrique du Nord, y créent des comptoirs à Béjaïa et à Dellys. Après la fondation de Carthage, l'influence punique s'étend à la façade maritime et assez peu à la région entière, qui se trouve dans la mouvance des royaumes de Maurétanie.
Les premières interventions des Romains remontent aux guerres puniques, où ils s'allient à certains chefs berbères pour contrer la puissance de Carthage. Ils vassalisent ensuite progressivement les royaumes de Maurétanie pour les intégrer finalement comme provinces. Le Djurdjura, appelé par les Romains Mons Ferratus, « la montagne dure comme le fer », voit quatre colonies s'installer à ses pieds, sur les ports de la côte : Igilgili (Jijel), Saldae (Béjaïa), Ruzazus (Azeffoun) et, dans la vallée de la Soummam, Tubusuptu (Tiklat), à une trentaine de kilomètres de Saldae. La domination romaine (25 av. J.-C. - 439 apr. J.-C.) est peu appuyée et la culture latine reste pour l'essentiel cantonnée aux colonies.
Les récits des auteurs latins relatent l'alternance de replis défensifs et d'expansions des guerriers montagnards sur les plaines, forçant alors les colons à se réfugier derrière les fortifications des cités[42]. L'occupation romaine soulève à plusieurs reprises de vives résistances qu'incarnent les figures de Tacfarinas et de Firmus. On retrouve des mouvements similaires face aux intrusions ultérieures des Vandales, des Byzantins puis des Arabes.
Béjaïa et ses environs sont inclus dans l'éphémère royaume (439–533) fondé en Afrique du Nord par les Vandales, qui trouvent un large appui parmi les tribus berbères, alors appelées Maures, contre la puissance romaine. Les Byzantins, sous Justinien, parviennent à reprendre le contrôle d'une partie de l'Afrique du Nord. Cependant les Maures leur sont plus hostiles et la période byzantine est d'une grande instabilité.
Islamisation et dynasties musulmanes
Les cavaliers arabes qui conquièrent l'Ifriqiya en 647 apportent avec eux l'islam. Ils s'allient à certaines des tribus maures pour renverser les Byzantins et leurs alliés. Après des résistances, les Berbères se convertissent en nombre à la religion des conquérants mais rejettent bientôt leur domination. En 737, avec le soutien de l'ensemble des tribus, le Zénète Abou Qurra reprend toute l'Ifriqiya aux Arabes.
En Kabylie la période du VIIIe au XIe siècle, telle que nous la décrit Ibn Khaldoun, voit se cotoyer, sur un territoire qui s'étend alors de Cherchell à Annaba et de la Méditerrannée aux premières montagnes sahariennes, trois groupes de tribus berbères aux dialectes proches et généralement alliés : les Sanhadja, à l'ouest de Dellys ; à l'est de Béjaïa, les Kutama ; au centre, les Zouaoua[42]. Le Maghreb tout entier devient alors le lieu d'affrontement d'entreprises dynastiques dont certaines, comme celles des Fatimides, des Zirides et des Hammadides, vont impliquer une partie ou l'autre de ces populations.
C'est ainsi que la dynastie chiite des Fatimides est fondée au Xe siècle en Petite Kabylie par le dai ismaélien Ubayd Allah al-Mahdi, dont les prêches millénaristes ont trouvé un écho favorable auprès des Kutama[43]. Après s'être portés à leur tête, les Fatimides les lancent à la conquête de l'Ifriqiya, puis de l'Égypte où ils fondent Le Caire (Al-Kahira) et la mosquée Al-Azhar, avant d'étendre leur empire du Maghreb jusqu'au Hedjaz et à la Syrie[44]. Après avoir conquis l'Égypte, les Fatimides laissent aux Zirides la charge de défendre le Maghreb contre les tribus zénètes kharidjites. Bologhine ibn Ziri, qui inaugure la dynastie en 973, est un Sanhadja nomade, originaire du Hodna, auquel on doit notamment la fondation d'Alger (El Djazaïr)[45]. Les Fatimides lui concèdent les titres d'émir et de vice-roi de l'Ifriqiya. Tandis que la nouvelle dynastie s'installe en Ifriqiya, en 1014 sa branche hammadide se déclare indépendante et prend le contrôle du Maghreb central. Les Hammadides rénovent Alger et surtout Béjaïa où ils déplacent leur capitale après avoir abandonné la Kalâa des Béni Hammad, dans le Hodna : c'est l'un des résultats de la pression hilalienne qui, à partir de la fin du XIe siècle, commence à s'exercer sur l'espace berbère.
Capitale du « royaume de Bougie », Béjaïa, qui acquiert alors le surnom de « Perle de l'Afrique », est aussi un foyer de culture dont le rayonnement s'étend à l'échelle de la Méditerranée. C'est notamment par son intermédiaire que les chiffres arabes sont diffusés en Europe. C'est à proximité que se rencontrent vers 1120 Abdelmoumen, alors jeune étudiant dans la cité, et Ibn Toumert, réformateur religieux qui en a été expulsé et dont il devient le disciple, avant de prendre à sa suite la tête du mouvement almohade. Partie de « l'extrême Maghreb » (l'actuel Maroc), la dynastie qu'il fonde renverse au milieu du XIIe siècle les royaumes des Hammadides et des Zirides et rassemble sous une autorité unique le Maghreb et une partie de la péninsule Ibérique.
Dans la seconde moitié du XIIIe siècle, l'empire almohade s'effondre à son tour et laisse la place à une tripartition du Maghreb entre Mérinides (Maroc actuel), Zianides (Maghreb central) et Hafsides (Ifriqiya). L'espace de l'actuelle Kabylie se retrouve pris en étau entre le pouvoir des Zianides, installés à Tlemcen et dont les visées s'étendent jusqu'à Dellys, et celui des Hafsides, dont Béjaïa relève. En perpétuel conflit, les royaumes maghrébins n'hésitent pas à recourir au renfort de mercenaires européens ou des tribus hilaliennes jusque là cantonnées plus au sud[46]. Les pourtours ouest, sud et est des montagnes kabyles, plus ouverts, sont les plus atteints par ces mouvements. À la fin du XIVe siècle, seule la confédération centrale, celle des Zouaoua, maintient encore son existence. Elle a perdu ses hauts plateaux mais hérite d'une partie des terres de ses anciennes voisines, dont elle accueille les réfugiés. Son territoire s'étend alors d'ouest en est entre les oued Boudouaou et Agrioun et de la Méditerranée jusqu'à une ligne joignant Sidi Aïssa à Sétif[42]. Les royaumes environnants, affaiblis par leurs rivalités et les conflits de succession internes, laissent se constituer dans les villes principales des centres de pouvoir pratiquement autonomes tandis que les campagnes échappent quasiment à tout contrôle[46].
Présence ottomane et royaumes kabyles
En 1510, sur la lancée de la Reconquista, les Espagnols s'emparent de Béjaïa. Ils organisent à partir de cette position des razzias dans l'arrière-pays. Les habitants de la région cherchent protection à l'intérieur des terres et prennent pour nouvelle capitale la Kalâa des Aït Abbas, au cœur de la chaîne des Bibans. Pour reprendre la ville, le sultan hafside de Tunis fait appel à des corsaires ottomans, les frères Barberousse[47]. Après une première tentative infructueuse, au printemps 1515 ils parviennent à emporter le vieux fort[48] avec le soutien décisif, par voie de terre, de plus de 20 000 combattants venus de la côte de Béjaïa et de Jijel et emmenés par Ahmed Belkadi, prince alors au service des Hafsides[49]. Toutefois ils échouent à déloger les occupants du château neuf et doivent finalement lever le siège[48].
Béjaïa n'est définitivement reprise aux Espagnols qu'en 1555, par Salah Raïs Pacha, pour le compte de la régence d'Alger. Les Hafsides sont évincés de leurs possessions en Kabylie comme dans tout l'est algérien. Les victoires des Ottomans face aux Espagnols et le statut de champions de l'islam qu'ils se sont ainsi acquis favorisent leur expansion territoriale. Dès la première moitié du XVIe siècle, ils implantent en Kabylie plusieurs bordjs[42]. Cependant ils se heurtent à la résistance de deux royaumes tribaux, celui de Koukou en Grande Kabylie et celui des Aït Abbas, ou de la Medjana, dans les Bibans et la vallée de la Soummam.
Le royaume de Koukou[50], qui durera deux siècles[51], est fondé au XVIe siècle par Ahmed Belkadi, l'un des acteurs du siège de Béjaïa revenu s'établir chez les Aït Ghobri d'où sa famille était originaire. En 1520, attaqué par Khayr ad-Din Barberousse, il le défait dans la plaine des Issers et s’empare d’Alger. Il y règne plusieurs années avant d'être à son tour vaincu par Khayr ad-Din, allié pour la circonstance aux Aït Abbas.
Le royaume des Aït Abbas, en Petite Kabylie, se maintiendra quant à lui jusqu'à l'invasion française. En 1823 ils entrent en révolte contre l'autorité de la Régence et coupent les voix de communications entre Alger et Constantine. Ce n'est qu'après plusieurs mois de combats que l'agha Yahia parvient à négocier la soumission des tribus[52]. Globalement les deux royaumes, qui bénéficient d'une certaine reconnaissance internationale (représentations diplomatiques en Espagne, notamment), contribuent à préserver une relative autonomie de la région par rapport au reste de la régence d'Alger[53].
Après une période de rivalité où alternent phases de paix et de guerre entre Ottomans et Kabyles pour le contrôle d'Alger, leurs relations se stabilisent à l'époque des deys. Ceux-ci se préoccupent de moins en moins d'administrer la Kabylie. Son autonomie fait l'objet d'une reconnaissance tacite qui marque une étape importante dans la constitution de l'identité régionale[42]. De plus de nombreux corsaires et miliciens de la Régence sont recrutés localement, parmi les Kabyles notamment, afin de contrebalancer le pouvoir des Janissaires. Certains beys, comme Ahmed Bey, ont des origines en Kabylie.
Colonisation française et mouvement national
En 1830, les Français se lancent à la conquête de l'Algérie. Au début, l'expédition est dirigée contre Alger. Mais très tôt les envahisseurs vont chercher à occuper l'ensemble du pays, notamment la Kabylie contre laquelle sont dirigées plusieurs expéditions. Les tribus kabyles se mobilisent fortement et combattent sur tous les fronts, d'Alger jusqu'à Constantine. C'est Lalla Fatma N'Soumer, d'une famille maraboutique, qui prend dans la région la tête de la résistance à la conquête.
Mais à partir de 1857 la Kabylie passe progressivement sous la domination française malgré des soulèvements périodiques qui culminent en 1871 avec la « révolte des Mokrani », où la confrérie de la Rahmaniya joue un grand rôle. La répression se solde par de nombreuses arrestations, des spoliations et des déportations en Nouvelle-Calédonie (c'est l'origine des « Kabyles du Pacifique »)[54]. La colonisation se traduit aussi par une accélération de l'émigration vers d'autres régions du pays et vers l'étranger.
L'administration française, à travers ses « bureaux arabes », procède à l'arabisation des noms de famille et de lieu kabyles. C'est ainsi que, par exemple, Iwadiyen devient les Ouadhias, 'At Zmenzer est transformé en Beni Zmenzer ou encore At Yahia en Ould Yahia. Après la révolte de 1871, cette action prend le caractère d'une politique systématique de dépersonnalisation[54] : pour casser la cohésion de la société kabyle, l'état civil est généralisé en attribuant des noms arbitraires et différents aux membres d'une même famille.
Pourtant le droit coutumier berbère est globalement maintenu en Kabylie, alors qu'il est aboli en pays chaoui au profit du droit musulman. Autre pratique réservée à la région : des missionnaires chrétiens y mènent des campagnes d'évangélisation jusque dans les villages les plus reculés[55]. Enfin l'enseignement du français jusqu'au certificat d'études y est assez courant alors que partout ailleurs, c'est la scholastique coranique, en arabe classique, qui est favorisée.
Ces différences entretenues n'empêchent nullement une présence kabyle massive dans les différentes formes de résistance qui s'organisent face à la colonisation. Nombreux sont les Kabyles à participer à la création en 1931 de l'association des Oulémas algériens. Plus tard, les membres fondateurs de l'Étoile nord-africaine sont aussi pour moitié originaires de Kabylie[56].
Pendant la guerre d'indépendance algérienne, la Kabylie, alors wilaya III, se trouve au cœur de la résistance au colonialisme français[57]. C'est aussi, avec les Aurès, la région la plus touchée par la répression du fait de l'importance des maquis et de l'implication de ses habitants. Le FLN y recrute plusieurs de ses chefs historiques, parmi lesquels Abane Ramdane, Krim Belkacem et Hocine Aït Ahmed, ainsi que de grands combattants comme le colonel Amirouche Aït Hamouda[58]. C'est également en Kabylie que se tient en 1956 le congrès de la Soummam, premier congrès du FLN.
La région est un bastion de l'ALN où l'armée française est tenue en échec dans sa mission de pacification, malgré l'ampleur de la répression sur les populations civiles et les moyens déployés (notamment lors de l'opération « Jumelles », dans le cadre du plan Challe, en 1959). En 1961, l'ALN parvient à y occuper plusieurs postes militaires français[59].
Depuis l'indépendance algérienne
La région s'est opposée à plusieurs reprises au régime d'Alger. Dès 1963, le Front des forces socialistes emmené par Hocine Aït Ahmed et Yaha Abdelhafid conteste l'autorité du parti unique. Entre 1963 et 1965, la répression de l'ANP (Armée Nationale Populaire) a fait plus de 400 morts parmi les Kabyles[60]
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En 1980, la Kabylie et les universités algéroises connaissent plusieurs mois de manifestations réclamant l'officialisation de la langue berbère : c'est le « Printemps berbère ». Le réveil culturel s'intensifie en réaction au durcissement de l'arabisation que connaît l'Algérie dans les années 1990[61]. En 1994-1995, l'année scolaire fait l'objet d'un boycott appelé « grève du cartable[62] ».
En juin et juillet 1998, la région s'embrase à nouveau après l'assassinat du chanteur Lounès Matoub et à l'occasion de l'entrée en vigueur d'une loi généralisant l'usage de la langue arabe dans tous les domaines[63],[64]. À partir d'avril 2001, l'assassinat d'un jeune par des gendarmes provoque de graves émeutes qui accentuent la rupture avec les autorités : c'est le « Printemps noir », au cours duquel 125 jeunes Kabyles vont être abattus par les services de l'État algérien, en plus de milliers de blessés et de mutilés.
Une revendication autonomiste, qui restait jusque-là le fait de quelques individualités, est désormais portée par le Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK) dirigé par le chanteur et militant Ferhat Mehenni. D'autres encore, comme le Mouvement citoyen des Aarchs, demandent une reconnaissance réelle de l'identité berbère comme élément constitutif de la pluralité culturelle dont bénéficie l'Algérie.
Économie
Jusque vers 1900, la base de l'économie régionale reste une arboriculture de montagne dont l'olivier et le figuier constituent les deux piliers. Les productions céréalières sont l'apanage des quelques propriétaires de terres de fond de vallées, mais après la révolte de 1871, celles-ci sont confisquées au profit des colons. Quant à l'élevage, principalement caprin, quelquefois ovin ou bovin, il est limité par l'exiguïté des sols disponibles pour les pâturages.
Avant la conquête française, l'une des principales sources de revenus extra-agricoles est constituée par l'artisanat et en particulier la fabrication des armes, le travail du bois et le tissage. La perte de l'indépendance entraîne la fermeture des fabriques d'armes et la confiscation des forêts. Le tissage se maintient jusqu'à nos jours grâce à la demande persistante de burnous et de couvertures de laine mais a largement perdu de son importance économique. Beaucoup d'activités artisanales ont disparu et celles qui subsistent, comme la bijouterie, apparaissent très menacées.
L'émigration est l'autre grande source de revenus complémentaires de la Kabylie précoloniale. Elle s'étend alors à toute l'Algérie et à une partie de la Tunisie, tout en conservant très généralement un caractère temporaire. À la suite de la colonisation, qui en élargit le champ à la métropole française, elle devient un phénomène massif. Aujourd'hui les trois quarts environ de la population active masculine de Kabylie vivent en dehors de la région[65].
La Kabylie abrite aujourd'hui un certain nombre d'industries agroalimentaires dont une multitude de producteurs de produits laitiers et de glaces, mais aussi les usines de grands groupes comme Cevital et le siège de l'Ifri. L'agriculture de montagnes laisse peu à peu la place à une industrie manufacturière locale (électroménager avec la société Sonalec) qui vise plutôt les Hauts Plateaux pour son développement.
Le port de Béjaïa est le deuxième port algérien en termes de volume d'activité, derrière celui d'Alger. En exportant une partie de la production locale il assure un revenu supplémentaire à la région. Il a été intégré au projet européen des autoroutes de la mer (ADM) aux côtés de villes comme Marseille ou Le Caire[66]. Par ailleurs, la Kabylie fournit une grande partie de l'eau potable aux régions fortement urbanisées qui la bordent à l'est et à l'ouest[67]. Enfin, l'aide apportée par la diaspora kabyle, notamment sous la forme d'apports de devises et d'actions de solidarité d'associations, constitue un facteur de dynamisme pour la région. Elle favorise le développement des infrastructures (route, transport, bibliothèques, ...) pour lesquelles l'action de l'État est insuffisante[68]. Toutefois les fonds ainsi apportés, gérés par les djemaas, accentuent l'autonomie des villages kabyles.
Le développement du tourisme permet aussi d'entrevoir un avenir dans cette activité pour laquelle la région, parfois surnommée la « petite Suisse[69] », bénéficie de solides atouts. Lors des dernières assises nationales du secteur, de nombreux projets, souvent colossaux, ont été abordés. Dans la wilaya de Béjaïa, le groupe Cevital vient d'obtenir une assiette foncière de 26 hectares à l'intérieur de la zone d’expansion touristique (ZET) d’Agrioun, à Souk El Ténine (une station balnéaire située à une trentaine de kilomètres à l’est du chef-lieu de wilaya) pour l’implantation d’un complexe touristique moderne.
Agriculture et rapport à l'environnement
Les populations de Kabylie ont toujours entretenu avec leur environnement montagneux des rapports spécifiques qui de nos jours sont remis en cause par l'exode rural. Deux arbres sont emblématiques de la région tant au niveau économique que culturel, ce sont l'olivier et le figuier. L'olivier est surtout cultivé pour la production d'huile d'olive dont celle de kabylie est réputée pour être une des meilleur du bassin méditerranéen[70]. De nos jours l'olivier constitue encore une source de revenus importante pour beaucoup de familles en hiver alors que le figuier prend le relais l'été. Son huile sert aussi dans la médecine traditionnelle et c'est aussi un ingrédient dans la confection de savon noir avec la cendre de laurier rose et d'autres produit de beauté comme le tazoult[71][réf. à confirmer]. La cueillette des olives constitue pour beaucoup de village kabyle un rite et un moment de fête avec notamment une solidarité (tiwizi)[Quoi ?] pour les plus démunis[70]. Dans la plus part des villages ces différentes coutumes prennent la forme d'une veritable fête de l'olivier[réf. nécessaire]. Le bois de l'olivier sert aussi comme bois de chauffe pour surmonter les hivers rigoureux et enneigés tandis que le feuillage et les fruits de mauvaise qualité (tout comme celui des autres cultures) sert d'alimentation au bétail. Le figuier se décline en plusieurs variétés locales, son fruit la figue se consomme fraiche ou séchée qui se consomment avec de l'huile d'olive. Il ne faut oublier aussi la figue de barbarie[réf. nécessaire].
Mis a part ces deux arbres emblématiques de la Kabylie, les cultures céréalières ont une grande importance comme le blé et l'orge et occupent une grande place dans la gastronomie locale notamment pour le couscous et une variante locale spécifique[réf. nécessaire] qui est le couscous d'orge préparé à l'occasion de festivités.
Les cultures maraichères ne sont pas en reste profitant de la pluviométrie et des abondantes ressources en eau de la région les kabyles ont mis en place dans pratiquement chaque village des vergers de montagnes. On y cultive la grenade, le raisin, l'amande et dans la vallée de la Soummam l'orange et le citron. Il subsiste encore un savoir faire pour la confection des colliers en perles de lait d'amandes appelés azrar n skhav[réf. nécessaire]. La cuisine locale variée permet de valoriser les produits locaux comme le zeste de citron et l'eau de fleur d'oranger utilisés en pâtisserie.
La population pratique aussi la cueillette de divers plantes aromatiques comme le laurier-rose qui pousse dans le lit des rivières et qui évoque dans la poésie kabyle l'amertume[72][source insuffisante].
Pour chacune de ces pratiques agricoles correspond une saison de l'année, le calendrier amazigh est d'ailleurs un calendrier agricole avec la fête de Yennayer ou nouvel an berbère le 12 janvier pour marquer le début de la nouvelle saison agricole[73].
Artisanat
Historiquement, l'artisanat kabyle a joué un grand rôle économique et social. En effet, dans un pays montagneux qui n'offrait à l'expansion de l'agriculture que des possibilités limitées, c'était souvent pour la population un complément de ressource indispensable. Cependant, comme dans le reste de l'Afrique du Nord et à la suite du déclin de la société traditionnelle dont il était l'expression, l'artisanat est aujourd'hui menacé.
L'artisanat en Kabylie se compose essentiellement de l'orfèvrerie, la poterie, le tissage, le travail du bois et la vannerie.
Bijoux
Les bijoux de Kabylie sont très connus au Maghreb pour leurs couleurs vives et leur raffinement. Constitués d'argent, ils sont ornés de coraux récoltés en Méditerranée ou parfois d'émaux.
Il y a plusieurs sortes de bijoux qui correspondent à des usages particuliers : broches de front ou de poitrine (tavrucht) et fibules (ﺗﺒﺰﻳﻤﺖ), qui retenaient les robes en divers points, ceintures (tahzamt), colliers (azrar), bracelets (azevg), bagues (tikhutam) et boucles d'oreilles (talukin). Les orfèvres kabyles les plus illustres sont les Aït-Yenni de Grande Kabylie. Il existe de plus en Petite Kabylie un type de bijou forgé semblable à ceux des Aurès[74].
Poterie
Alors que la fabrication des tuiles est effectuée par les hommes, la poterie à usage domestique est un travail réservé aux femmes. Elle est faite d'argile de différentes couleurs selon les gisements. Les signes et symboles utilisés pour la décoration remontent pour certains à la préhistoire et aux origines de l'alphabet tifinagh. La coloration se fait à base de kaolin ou d'oxyde ferro-manganique, ce qui permet d'obtenir des teintes vives[75]. La poterie a une utilité pratique mais aussi religieuse : les familles s'en servent pour orner les mosquées et les mausolées des saints soufis et des marabouts (imravten). Elle tient aussi un rôle important dans les fêtes, notamment pour la cérémonie du henné. Il s'agit actuellement d'un patrimoine menacé.
Tissage
Le tissage sert a réaliser une multitude d'objets qui ont une grande importance sociale, comme ibidhiyen, les burnous[76]. Ces ouvrages utilisent pour matière première la laine du mouton ou du dromadaire pour les plus importants. L'activité, actuellement menacée par le manque de transmission du savoir-faire, se maintient dans la production de divers objets comme les tapis, les burnous, les couvertures, les takchabit ou les takendourt. A l'image du reste de l'artisanat kabyle, le tissage emploie une variété importante de couleurs et de motifs géométriques.
Les tapis de Kabylie sont faits de laine et confectionnés par les femmes. Ils sont destinés à un usage domestique, sur le sol ou les murs, ou religieux, pour la prière. Bien que menacé, l'art du tapis se conserve dans quelques villages de Grande Kabylie. Il existe même des fêtes du tapis, comme celle des Ait Hichem, où sont exposées des productions de toute l'Algérie.
Les motifs présents sur les tapis remontent eux aussi à des temps très anciens, au paléolithique. On note par ailleurs une très forte ressemblance entre les productions de Kabylie et de la vallée du Mzab, autre région berbérophone. D'une manière générale, le tapis amazigh est très coloré et constitue un objet de décoration très demandé.
Travail du bois
Le travail du bois (takhdimt n'wasghar) est employé dans la fabrication d'objets tels que les coffres (sendouk), les portes (tigourra), les tables et, de façon marginale, les armes. Les essences utilisées sont diverses et vont du pin d'Alep au chêne-liège en passant par le cèdre. Les ouvrages sont souvent ornés de motifs géométriques : pointes, rosaces...
Le centre kabyle le plus connu de l'artisanat du bois, en même temps que de la vannerie, est le village de Djemâa Saharidj, dans la wilaya de Tizi Ouzou[77].
Architecture et urbanisme traditionnels
Taddart (le village)
Taddart (pluriel tuddar), le village kabyle, est généralement placé sur une crête (tawrirt) ou un plateau élevé (agwni), emplacement dont souvent son nom rend compte. Les maisons sont étroitement regroupées de façon à ce que l'ensemble vu de l'extérieur forme un bloc unique. Cette répartition est sensiblement identique à celle des casbahs. En élévation, les maisons paraîtront se chevaucher, chaque pignon dépassant le pignon voisin en montant vers le sommet. Pressées les unes à la suite des autres au long des lignes du relief, elles forment de véritables agglomérations descendant rarement en dessous de cinq cents habitants. Ce type de village répondait aussi à des préoccupations défensives, avant l'apparition de l'artillerie.
Axxam (la maison)
La maison kabyle, dite axxam, est une construction traditionnelle de montagne, plus ou moins décorée et ornée selon l'importance sociale et la richesse du propriétaire, de sa famille ou de sa tribu. Il y a deux grands types de maison, à tuile et à terrasse, certaines constructions mêlant les deux structures. Les fondations sont des tranchées comblées avec de grosses pierres (adrar) et du mortier d'argile. Pour les murs, deux techniques sont principalement employées, le mur de pisé avec un coffrage en bois (tabbadit) et le mur de pierre (taghaladt). La charpente est faite de poutres (isulas), la poutre centrale (asulas alemmas) étant souvent la plus importante. Les poutres reposent sur les murs et parfois sur des piliers de bois (tikejda). La toiture est faite de roseaux (ighunam) ou de branches d'olivier (tachita n tazemmurt) et de tuiles d'argile (karmoud). Les maisons sont souvent regroupées autour d'une cour centrale appelée oufrag.
Le travail intérieur (sol et murs) revient aux femmes. Les murs sont crépis à l’aide d’un enduit composé d’argile schisteuse passée au tamis, à laquelle on ajoute de la bouse de vache et de la paille fine pour éviter les fissures. Il y a un savoir-faire de fresques murales, dont les symboles variés ont des significations multiples. La décoration extérieure concerne les portes, sur les battants desquelles le menuisier incise des motifs au moyen d’une pointe de fer. Ces motifs faits de lignes droites, de points, de petits cercles, de rosaces et de croix forment des groupements ou des compositions d’ensemble[78].
Culture traditionnelle
La culture kabyle appartient à l'ensemble culturel berbère, comme celles des Chaouis, des Touaregs, des Chenouis, des Mozabites, ainsi que des autres berbérophones d'Afrique du Nord. De par l'histoire et la proximité, elle a considérablement influencé la culture urbaine des villes d'Algérie, comme Alger ou Constantine.
Signes et symboles
Activité économique, l'artisanat est aussi l'un des modes d'expression de la culture traditionnelle. À travers ses différentes formes se retrouve un ensemble de signes et de symboles également employés dans la décoration murale des maisons et dans les tatouages. Ce répertoire graphique remarquablement stable est constitutif d'une « écriture spécifiquement féminine », à signification ésotérique magique[79], et qui est peut-être la survivance d'une « écriture-mère » elle-même « à la source des écritures alphabétiques méditerranéennes, de l'Ibérie au Moyen-Orient[80] ».
Poésie
La poésie kabyle traditionnelle relève de la grande tradition orale, berbère et africaine. On y distingue plusieurs genres, chacun ayant son nom propre. Le poème épique est dit taqsit (histoire, geste), le poème lyrique asfrou (élucidation) et la pièce légère, parfois chantée, izli (courant d'eau). Cependant le mot asfrou tend de plus en plus à désigner le poème sans distinction de genre et, au pluriel, isfra, la poésie en général. Cette évolution rejoint l'usage que les poètes épiques faisaient déjà du même mot dans leurs exordes, qui débutent parfois par ce vers : « A yikhf iou refd asfrou » (« Ô ma tête, fais jaillir un poème »). Par ailleurs, le verbe sfrou (démêler, élucider, percer l'inconnu), employé sans complément, a le sens exclusif de dire ou réciter des vers, de la poésie, quel qu'en soit le genre[81].
Le poète kabyle traditionnel le plus célèbre est Si Muhand U M’hand, qui vécut au XIXe siècle[82].
Musique
La musique kabyle traditionnelle est l'achwiq. Cependant on retrouve dans le chaâbi algérois, forme populaire de la musique arabo-andalouse, l'influence de la musique de Kabylie. C'est d'ailleurs la région d'origine de quelques-uns de ses meilleurs interprètes, comme Hadj M'hamed El Anka ou Abdelkader Chaou, qui ont interprété dans le registre andalou des textes en langue kabyle. D'autres chansons, comme Yal Menfi de Akli Yahyaten, sont des reprises en arabe algérien de chants kabyles anciens[83].
La région possède aussi des troupes de musiciens traditionnels appelés Idheballen et qui se produisent lors de fêtes comme les mariages et Yennayer. Il y a 2 écoles de Idheballen celle des Igawawen qui correspond à la Grande Kabylie et celle des Ait Abbas en Petite Kabylie. Il utilisent plusieurs instrument locaux[84]:
Abendayer: C'est un instrument à mi-chemin entre le tambourin et la caisse claire. Il ne comporte qu'une seule face de percussion. Il est composé d'un cadre circulaire en bois sur lequel est tendue une peau de chèvre.
Lghidha: Elle est constituée d'un tube cylindrique de 30 à 50cm de longueur, en bois tendre (abricotier, jujubier ou noyer) percé de sept orifices. Lghidha se joue en souffle ininterrompu ce qui demande une grande maitrise de la part du musicien et un effort important.
T'bel: Instrument à percussion à baguettes, gros tambour à double membrane.
Thizemmarine : Elle a une forme de double trompette. Elles sont confectionnées à partir de deux roseaux accouplés et attachés, émettent un son analogue à celui de la cornemuse. Elle est percée de quatre ou parfois cinq trous disposés en paires. Les tuyaux constituant le corps de cet instrument sont prolongés par deux de bœuf ou de gazelle qui amplifient le son. Cet instrument est utilisé en Grande Kabylie.
Ajouak (flûte): Instrument par excellence de la musique de la solitude. Il était utilisé généralement par les bergers.
Sport
Parmi les équipes de football de la région, la Jeunesse sportive de Kabylie (JSK) se différencie des autres par l'importance des victoires et des prix qu'elle a remportés. C'est aujourd'hui la première équipe d'Algérie et du Maghreb par le nombre de coupes gagnées[85]. La JSK est classée 9ème meilleure équipe africaine de tous les temps par la CAF (Confédération Africaine de football)[86], ce qui est une vrai performance vu la date de création du club (1946) et l'année où il rejoint la première division (1969) alors que la plus part des club du continent accumulent les titres depuis les années 1920[87].
L'autre grand club de football de la région est la JSM Béjaïa. Son ascension a fait naître un inédit derby kabyle.
Paysages et monuments
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Chute d'eau
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Plage à Ziama Mansouriah.
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Les Aiguades à Béjaïa.
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La porte Sarrazine, entrée de la casbah de Béjaïa.
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Singe magot dans le Ksar de Yemma Gouraya à Béjaïa.
Notes et références
- Wilayas massivement kabylophones.
- Wilayas voisines des précédentes, partiellement kabylophones, ou massivement arabisée mais usuellement considérée comme kabyle (Jijel). Les chiffres de superficie et population ci-après sont obtenus par somme de ceux des sept wilayas.
- Salem Chaker (directeur du Centre de recherche berbère), « Le Berbère de Kabylie », Encyclopédie berbère, XXVI, 2004, pp. 4055-4066, en ligne [PDF] sur le site de l'Inalco : « La variété kabyle du berbère est la langue maternelle et usuelle de l’immense majorité de la population de Kabylie [...] Les départements de Tizi-Ouzou et de Bougie peuvent être considérés comme presque entièrement berbérophones ».
- Ibid. : « les autres fragments de l’aire kabyle sont intégrés dans des unités administratives périphériques, dont la plus grande partie est arabophone (Sétif, Bouira, Boumerdès). [...] Bien sûr, dans les zones de contact entre populations arabophones et berbérophones, le bilinguisme berbère/arabe dialectal est de règle ».
- Fatsiha Aoumer (Université de Béjaïa), « Renversement de situation : l’arabe de Bougie, un très ancien parler arabe citadin menacé par le berbère », Revue d'études berbères, 2009, en ligne sur le site de l'Inalco : « Quant à l'arabe bougiote, il se maintient dans certaines parties des quartiers de la haute ville qui s'est largement berbérisée. [...] Le parler arabe de cette ville a donc reculé devant le berbère, au plan de sa pratique et de son statut, au point d'être désormais menacé de disparition. »
- Salem Chaker, loc. cit. : « notamment dans les couches moyennes scolarisées, c’est plutôt le français qui concurrence significativement le berbère, bien sûr à l’écrit, mais aussi dans toutes les situations formelles ou requérant une certaine élaboration linguistique (usages techniques et scientifiques, politiques…). Cette tendance est confirmée par de nombreux indices objectifs : prégnance de la presse francophone en Kabylie (avec existence de plusieurs titres régionaux), prégnance des chaînes de télévision françaises, multiplication des écoles privées francophones, usage commercial et publicitaire quasi exclusif du français… »
- Ibid. : « les seuls lieux de Kabylie où l’on peut constater une présence de l’arabe classique sont les espaces institutionnels formels, placés sous le contrôle direct de l’administration centrale de l’État : écoles, tribunaux, gendarmeries… »
- Il s'agit précisément d'un chant nationaliste algérien et berbère d'expression kabyle, très connu.
- Proverbe traditionnel très usité, cité notamment dans le chant Kker a mmi-s umaziɣ.
- Jean Morizot, Les Kabyles : Propos d'un témoin, Centre des Hautes Études sur l'Afrique et l'Asie modernes (diff. Documentation française), coll. « Publications du CHEAM », Paris, 1985 (ISBN 2903182124), p. 19.
- Mohamed Salahdine, Maroc : Tribus, makhzen et colons, L'Harmattan, coll. « Bibliothèque du développement », Paris, 1986 (ISBN 2858025255[à vérifier : ISBN invalide]), p. 125, a proposé une théorisation de cette dualité comme articulation de deux modes de production, makhzen et qbila, le premier visant à se subordonner le second.
- Jean Morizot, op. cit., pp. 22-23.
- Ibid., pp. 24-25.
- Salem Chaker, Textes en linguistique berbère : Introduction au domaine berbère, Éditions du CNRS, Paris, 1984, p. 28 (carte).
- Omar Carlier, « La production sociale de l'image de soi : Notes sur la crise berbériste de 1949 » dans Jean-Robert Henry (éd.), Nouveaux enjeux culturels au Maghreb, Éditions du CNRS, coll. « Études de l'Annuaire de l'Afrique du Nord », Paris, 1986 (ISBN 2222039533), p. 351.
- Voir par exemple la carte présentée sur le site du Cercle d'étude et de réflexion sur l'autonomie de la Kabylie (CERAK), 2008.
- Camille Lacoste-Dujardin, « Géographie culturelle et géopolitique en Kabylie : La révolte de la jeunesse kabyle pour une Algérie démocratique », Hérodote n° 103, 2001 (ISBN 2707135925), pp. 57-91, en ligne sur Cairn, 2007.
- Yves Lacoste, Unité et diversité du tiers monde : Des représentations planétaires aux stratégies sur le terrain, La Découverte, coll. « Hérodote », Paris, 1984 (ISBN 2707114480), p. 482.
- Ibid., pp. 475-477 (dont carte).
- J. Flandrin dans A. Belin et coll., Guide de la montagne algérienne : Djurdjura, Club alpin français, Alger, 1947.
- Youcef Allioui, Les Archs, tribus berbères de Kabylie : histoire, résistance, culture et démocratie, L'Harmattan, (ISBN 9782296013636, lire en ligne), p. 46.
- Jean Morizot, op. cit., p. 25.
- Yves Lacoste, op. cit., p. 481.
- R. Lespès, « Le Climat de la Kabylie du Djurdjura », Annales de géographie, 1909, vol. 18, n° 97, pp. 24-33, en ligne sur Persée.
- Jean Morizot, op. cit., pp. 26-35.
- Hassan Remaoun, « Le Maghreb, le Sahara, l’Afrique et la langue berbère » [PDF] sur le site du CODESRIA, octobre 2004.
- Salim Chaker, « Berbères », section 1 : « Civilisation », Encyclopædia Universalis en ligne, 2011. Consulté le 4 mai 2011.
- 5 682 520 résidents d'après les chiffres officiels du recensement général de 1998.
- Salem Chaker, « Le Berbère de Kabylie », loc. cit.
- Jean Morizot, op. cit., p. 47.
- Marc Côte, L'Algérie ou l'espace retourné, Flammarion, 1988 (ISBN 2-08-212801-6), pp. 88, 94.
- Yves Lacoste, Ibn Khaldoun : Naissance de l'histoire, passé du tiers-monde, Éditions Maspero, coll. « Textes à l'appui », 1978 (1re éd. 1966) (ISBN 2-7071-0124-9), pp. 96, 112.
- Selon certaines estimations, 50 à 70% de la population algéroise pourrait être kabyle : cf. Zahia Ouadah-Bedidi, « La surprenante évolution démographique du Maghreb moderne », compte rendu d'un exposé à l'INED, 8 octobre 2002.
- Yves Lacoste, Unité et diversité du tiers-monde, op. cit., p. 488.
- Hocine Aït Ahmed, Mémoires d'un combattant : L'esprit d'indépendance, Sylvie Messinger, 1983 (ISBN 2-86583-034-9), p. 210.
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- http://www.tiziouzou-dz.com/
- http://www.andi.dz/PDF/MONOGRAPHIE/Bejaia.pdf
- http://www.langues-de-france.org/chaker.html
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- Office National des Statistiques
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- Ibn Khaldoun (1332-1406), Les Prolégomènes, traduction française et commentaires de William Mac Guckin de Slane (1801-1878), t. 1, 1868, en ligne [PDF] sur le site des classiques des sciences sociales de l'UQAC, p. 331.
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- http://www.revues-plurielles.org/_uploads/pdf/47/252/p043_045.pdf
- Déjà en 1833, le nom de « Suisse sauvage » lui était attribué : cf. Eugène Daumas, Mœurs et coutumes de l'Algérie : Tell, Kabylie, Sahara, Hachette, 1855, p. 191.
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- [LA GRANDE KABYLIE - ÉTUDES HISTORIQUES PAR M. DAUMAS ET M. FABAR]
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- Poèmes kabyles anciens Mouloud Mammeri
- http://www.horizons-dz.com/la24/22396.html
- http://www.m-culture.gov.dz/mc2/fr/instruments.php
- http://www.lebuteur.com/competitions/club/jsk
- http://www.tsa-algerie.com/sport/la-js-kabylie-9e-meilleure-equipe-africaine-de-tous-les-temps_15989.html
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Voir aussi
Bibliographie
- Adolphe Hanoteau et Aristide Letourneux, La Kabylie et les coutumes kabyles, Bouchêne, réédition de 1983 (ISBN 2912946433).
- Camille Lacoste-Dujardin, Dictionnaire de la culture berbère en Kabylie, La Découverte, Paris, 2005 (ISBN 2707145882).
- Henry-Jean Loustau, Guerre en Kabylie - 1956-1961, Albin Michel, 1985 (ISBN 2226023267).
- Étienne Maignen, Treillis au djebel : Les Piliers de Tiahmaïne, Yellow Concept, 2004 (ISBN 2915208107).
- Ferhat Mehenni, Algérie : la question kabyle, Michalon, 2004 (ISBN 2841862267).
- Martial Rémond, Terre kabyle, Ibis Press, 2004 (ISBN 2910728374).
- Germaine Laoust-Chantréaux, Mémoire de Kabylie - Scènes de la vie traditionnelle (1937-1939), Edisud (Aix-en-Provence), (ISBN 2-85744-739-6).
Articles connexes
Liens externes