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« Génération spontanée » : différence entre les versions

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{{Voir homonymes|Génération|Spontané}}
{{à sourcer|date=date inconnue}}
{{2autres|la théorie aristotélicienne de l'origine de la vie|les théories scientifiques modernes|Origine de la vie|les aspects mythiques et religieux|Cosmogonie}}
La '''génération spontanée''' serait l'apparition d'un être vivant sans ascendant, sans parent. Au {{s-|XIX|e}} cela prend aussi le nom de '''''spontéparité''''', ou encore '''''hétérogénie'''''.
[[Fichier:"Ballon à col sinueux employé par M. Pasteur dans ses expériences contre la génération spontanée".jpg|vignette|Schéma de la bouteille à col de cygne utilisée dans les expériences de Pasteur pour réfuter la génération spontanée.]]


La '''génération spontanée''' est une notion [[Aristote|aristotélicienne]] tombée en désuétude, supposant l’apparition, sans ascendant, d’êtres vivants à partir de la matière inanimée. Cette notion est apparentée au concept moderne d'[[abiogenèse]]<ref group=alpha>L'[[abiogenèse]] est l'apparition de la vie, sans doute sous la forme de [[micro-organisme]]s primitifs, à partir de [[matière organique]] inanimée. Ce n'est pas la même chose que la génération spontanée d'organismes complexes, par exemple l'apparition de vermine à partir de la pourriture comme on l'a cru jusqu'aux démonstrations contraires de [[Louis Pasteur|Pasteur]].</ref>.
La croyance en la génération spontanée fit longtemps partie du sens commun, parce que l’apparition d’êtres vivants là où on n’en voyait pas est un phénomène d’observation courante. Au cours des millénaires, les hommes s'étaient aperçus que leurs animaux d'élevage avaient besoin d'un accouplement pour produire des petits. Les vaches ne pouvaient avoir de veaux sans taureau, les brebis pas d'agneaux sans bélier, etc. Néanmoins, pour les petits animaux, on continuait à croire que des petites souris pouvaient naître spontanément d'un tas de chiffons et des asticots sortir d'un morceau de viande. Les micro-organismes, microbes et levures, semblaient le produit évident d'une génération spontanée.


[[Diogène Laërce|Diogène Laerce]] rapporte que, déjà, [[Démocrite]] aurait mentionné que les atomes auraient pu en s'assemblant donner naissance aux premiers êtres vivants, ce qui n'est pas faux en soi, car les êtres vivants sont effectivement composés de molécules (qui sont des assemblages d'atomes). Mais contrairement à ce que dit [[Aristote]] qui, dans l’''[[Organon]]'', mentionne l'apparition spontanée au bout de quelque temps des moisissures sur les aliments, des mites sur la laine et des souris là où on entasse de vieux vêtements de façon prolongée, donnant naissance au concept de génération spontanée, personne n'a observé d'apparition spontanée de la vie à partir d'une « soupe primitive », malgré les nombreuses tentatives effectuées.
Au début du {{s-|XIX|e}} elle était soutenue par [[Étienne Geoffroy Saint-Hilaire|Geoffroy Saint-Hilaire]] et [[Jean-Baptiste de Lamarck]]. En 1859 quand éclate la controverse entre
[[Louis Pasteur]] et [[Félix-Archimède Pouchet]] auteur de «Hétérogénie ou Traité de la génération spontanée», elle est déjà une théorie hétérodoxe, rejetée par l'Académie des sciences <ref>[http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2250/dossier/a363031-la_science_conqu%C3%A9rante.html ''Louis pasteur, claude bernard, charles darwin...La science conquérante''] Michel de Pracontal in Le Nouvel Observateur n°2250 du 20 décembre 2007</ref>.


Cette hypothèse [[aristotélicienne]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=André Brack|titre=The Molecular Origins of Life|sous-titre=Assembling Pieces of the Puzzle|éditeur=[[Cambridge University Press]]|année=1998|pages totales=417|passage=« Introduction », p. 1|isbn=978-0-521-56475-5|lire en ligne=http://assets.cambridge.org/97805215/64755/excerpt/9780521564755_excerpt.pdf}}</ref>, imaginée à partir des diverses interprétations de l’apparition des organismes par les philosophies naturelles l’ayant précédé, a néanmoins perduré pendant les deux millénaires de la grande influence d'Aristote sur la science, avant d'être remise en cause par des expérimentations menées par des scientifiques du {{s-|XVII}}, comme le naturaliste italien [[Francesco Redi]].
Les expériences soigneuses de [[Louis Pasteur|Pasteur]] au {{s-|XIX|e}} ont clairement établi que dans tous les cas supposés de génération spontanée, il y avait en fait des germes, des œufs, à l’origine des êtres vivants apparus. Dans un milieu isolé et convenablement stérilisé, la vie n’apparaît pas spontanément, du moins pas aux échelles de temps et d’espace typiques d’un laboratoire. La remise en cause de la génération spontanée a joué un grand rôle dans les mesures d'hygiène et d'[[asepsie]] contre le développement des maladies. [[Félix-Archimède Pouchet]] inventeur de l'[[hétérogénie]], avec qui Pasteur s'est opposé à l'[[Académie des sciences (France)|Académie des sciences]] est resté jusqu'à sa mort convaincu de la génération spontanée.


Il faudra attendre jusqu'au {{s-|XIX|e}}, où elle avait aussi pris le nom de « spontéparité », ou encore d’« hétérogénie », pour que celle-ci soit invalidée par [[Louis Pasteur|Pasteur]] avec l'expérience de ses ''ballons à col de cygne'' et sa découverte de la [[pasteurisation]], ainsi que par les expériences de [[John Tyndall (physicien)|John Tyndall]]. Elle a alors été remplacée par la [[théorie microbienne]] et la [[théorie cellulaire]].
L'hypothèse de la génération spontanée a aujourd'hui perdu tout crédit scientifique, excepté dans le cadre des recherches sur l'[[origines de la vie|origine de la vie]] sur terre. Les conditions de l’[[océan primitif]], la matière et le temps disponibles, font qu’il n’est pas possible d’étendre les résultats négatifs de Pasteur à la question de l’origine de la vie.


== Historique ==
==Le problème de la régression à l’infini==
La croyance en la génération spontanée fit longtemps partie du sens commun, parce que l’apparition d’êtres vivants là où on n’en voyait pas est un phénomène d’observation courante. On continuait à croire que des souris pouvaient naître spontanément d’un tas de chiffons et des asticots sortir d’un morceau de viande. Les micro-organismes, microbes et levures, semblaient le produit d’une génération spontanée.
Le problème de la régression à l’infini est celui du [[paradoxe de l'œuf et de la poule]].
L’origine d’une poule, ou de tout être vivant [[pluricellulaire]], est un [[œuf (biologie)|œuf]]. L’origine d’un œuf de poule est une poule. Qui était là le premier ? On peut supposer qu’il n’y a pas de premier, que les poules et les œufs se sont succédé sans qu’il n’y ait jamais eu de commencement.


Hors de cette compréhension animiste de la génération spontanée, c’est penser que la nature peut spontanément s’organiser pour donner l’existence à une forme de vie qui lui semble opportune.
Sous cette forme, cette hypothèse est incompatible avec ce que l’on sait de l’histoire de la vie sur la [[Terre]]. Il n’est pas contestable que les êtres vivants d’aujourd’hui aient évolué à partir de formes primitives [[unicellulaire]]s. Mais on pourrait encore croire à une régression à l’infini des unicellulaires. L'hypothèse de la régression à l’infini se heurte à la finitude temporelle de l’Univers. Elle impose que le temps n’ait pas de commencement, ce qui est logiquement possible, mais incompatible avec les données d’observation, au sens où il est impossible que notre univers soit demeuré tel qu’il est depuis une éternité (un temps infiniment long).


Théorie synthétisée par [[Aristote]] et soutenue par [[René Descartes|Descartes]] ou par les observations au microscope de [[John Turberville Needham|Needham]], son inexactitude fut d’abord démontrée expérimentalement par [[Francesco Redi]], dans son traité ''Esperienze Intorno alla Generazione degl’Insetti'', en 1668<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=La génération spontanée. Histoire d'une hypothèse persistante|url=http://exobio.chez-alice.fr/generation-spontanee.htm|site=exobio.chez-alice.fr|date=}}</ref> puis par le naturaliste [[Lazzaro Spallanzani]] en 1765<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Génération spontanée (repères chronologiques)|url=https://www.universalis.fr/encyclopedie/generation-spontanee-reperes-chronologiques/|site=universalis.fr}}</ref>.
Pour échapper aux difficultés de la régression à l’infini sans renoncer aux théories, il faut supposer que la vie peut apparaître spontanément sans transgresser les lois connues. Cela conduit à supposer que dans un océan sans vie, des molécules prébiotiques puis des unicellulaires primitifs ont pu apparaître.


Au début du {{s-|XIX}}, elle était soutenue par [[Étienne Geoffroy Saint-Hilaire|Geoffroy Saint-Hilaire]] et [[Jean-Baptiste de Lamarck]]. Ils considéraient tous deux que les formes de vie les plus simples, les ''infusoires'', pouvaient encore apparaître actuellement par génération spontanée. De même, [[Antoine Béchamp]] a montré, par ses microzymas, une forme de génération spontanée de la vie.
==Le [[hasard]] et la [[complexité]]==
La théorie de la génération spontanée semble se heurter à la complexité des êtres vivants. Même les plus élémentaires, comme les [[bactérie]]s, sont des prodiges de technique moléculaire. Les molécules sont nombreuses, complexes et remarquablement bien adaptées à leur fonction. De très légères différences dans l’agencement des milliers d’atomes dont ces molécules sont constituées et toute la bactérie peut cesser de fonctionner.


En 1859, quand éclate la [[Liste de controverses scientifiques|controverse à l’Académie des sciences]] entre [[Louis Pasteur]] et [[Félix Archimède Pouchet|Félix-Archimède Pouchet]], auteur d’''Hétérogénie ou Traité de la génération spontanée'', elle est déjà une théorie hétérodoxe, rejetée par l’[[Académie des sciences (France)|Académie des sciences]]<ref>[http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2250/dossier/a363031-la_science_conqu%C3%A9rante.html ''Louis Pasteur, Claude Bernard, Charles Darwin… La science conquérante''] Michel de Pracontal, ''Le Nouvel Observateur'', {{n°|2250}}, 20 décembre 2007</ref>.
Un événement impossible n'arrive jamais, même avec des milliards d'« essais ». Un événement improbable, par contre, se produira mais statistiquement d'autant plus rarement qu'il est improbable. Ainsi, un événement qui a une chance sur un milliard de se produire, aura relativement beaucoup de chances de se produire avec plusieurs milliards d'« essais ».


Les expériences soigneuses de Pasteur au {{s-|XIX}} ont clairement établi que, dans tous les cas supposés de génération spontanée, il y avait en fait des germes —&nbsp;des contaminations par un ou plusieurs microorganismes&nbsp;—, à l’origine des êtres vivants apparus, réfutant définitivement cette théorie. Dans un milieu isolé et convenablement stérilisé, la vie n’apparaît pas spontanément, du moins pas aux échelles de temps et d’espace typiques d’un laboratoire. La remise en cause de la génération spontanée a joué un grand rôle dans les mesures d’hygiène et d’[[asepsie]] contre le développement des maladies. Pouchet, l’inventeur de l’hétérogénie, est resté convaincu jusqu’à sa mort de sa théorie de la génération spontanée<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Darius-C.|nom1=Rossi|titre=Le darwinisme et les générations spontanées ou Réponse aux réfutations de MM. Flourens, de Quatrefages, Léon Simon, Chauvet, etc. suivie d'une lettre de M. le Dr F. Pouchet|éditeur=|année=1870|passage=241-244|lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k97757168/f265.item|consulté le=2023-07-31}}</ref>.
Si l'on considère maintenant le nombre astronomique de planètes dans l'univers, est-ce que, sur la grande majorité de ces planètes, où la vie n'est pas apparue, ou alors où la vie est apparue mais n'a pas évolué autant que sur Terre, il y a des êtres se questionnant sur le « miracle » de l'organisation hasardeuse des molécules, organisation qui a mené, avec les millions et les millions d'années, à eux ?


L’hypothèse de la génération spontanée a aujourd’hui perdu tout crédit scientifique, y compris dans le cadre des recherches sur l’[[origine de la vie]] sur Terre, qui n'est pas apparue telle qu'on la connait mais a connu un long processus gradué d'évolution de la matière inerte vers la matière vivante sur des millions d'années, au point de rendre vain la datation de son apparition à un stade précis.
C'est probable dans une mesure que nous ne connaissons pas si l'on considère la quantité gigantesque d'étoiles pouvant réunir des planètes autour d'elles rien qu'au niveau de la galaxie dans laquelle nous habitons.


Le seul fait établi est que toute la vie connue sur Terre descend d'un [[Dernier ancêtre commun universel|ancêtre commun]] apparu il y a plus de trois milliards d'années, issu lui-même d'une lignée d'organismes plus anciens.
Il y a donc eu un nombre très élevé d'« essais ratés », de planètes sans vie, et la Terre, comme probablement beaucoup d'autres planètes, où elle est apparue, par hasard. L'événement très improbable de la vie avait énormément d'« essais accordés »; cet événement est donc arrivé. Ce mécanisme ne nécessite aucune intervention divine.


== Adoption par l’Église ==
Nos capacités de nous émerveiller devant la beauté de la vie venant de son émergence, puisque nous en sommes un des très, très lointains descendants, il n'y a tout compte fait pas de quoi s'étonner que nous soyons là.
[[Fichier:Pollicipes cornucopia.jpg|vignette|Des crustacés [[Cirripedia|cirripèdes]] (tel le pouce-pied, ''[[Pouce-pied|Pollicipes cornucopia]]'') étaient désignés sous le nom vernaculaire de « ''[[Branta|bernaches]] ou bernacle des navires'' » en référence à l'idée qu'ils engendraient des canards ou [[Branta|oies bernaches]].]]
[[Fichier:Melanitta nigra 1842.jpg|alt=Macreuse noire : Melanitta nigra|vignette|La macreuse.]]
[[Augustin d'Hippone]] discute de la génération spontanée dans ''[[La Cité de Dieu]]'' et dans ''La Genèse au sens littéral'', en citant des passages de la [[Bible]] comme « Que les eaux produisent en abondance les créatures mouvantes qui ont vie » (Genèse 1:20) comme des décrets permettant la création permanente<ref name ="irisfry">{{Ouvrage| langue=en| prénom1=Iris| nom1=Fry| titre=The Emergence of Life on Earth| lieu=Nouveau-Brunswick| éditeur=Rutgers University Press| année=2000| pages totales=352| format livre=poche| isbn=978-0-8135-2740-6| lire en ligne=https://books.google.com/books?id=Fo7tQ5mG21IC&printsec=frontcover| consulté le=21 janvier 2009| titre chapitre=Chapter 2: Spontaneous Generation — Ups and Downs}}</ref>. Augustin a insisté sur le fait qu’apparaitre comme ignorants du monde naturel ne donnerait pas une bonne opinion des chrétiens<ref>{{Ouvrage | auteur1=[[Saint Augustin]] | titre=De Genesi ad litteram imperfecti liber (Le Sens littéral de la Genèse | sous-titre=ouvrage inachevé) | volume=Livre 1 | éditeur= | année=v. 391 | isbn= | titre chapitre=Part 19}}</ref>. D’autres auteurs ont mentionné la génération d’animaux à différents moments dans le récit de l’''Exode'', ainsi que l’incident de la ruche générée dans la carcasse du lion dans l’histoire de Samson au chapitre 14 du livre des ''Juges''.


Même avec le déclin de l’influence de la science grecque, de la chute de l’Empire romain au {{s-|V}} au [[Schisme de 1054|grand schisme avec l’Orient]] de 1054, la théorie de la génération spontanée n’a généralement pas été contestée et de nouvelles descriptions ont été effectuées. Le {{s-|XIII}} vit l’époque de la plus grande acceptation d’Aristote, réintroduit en Europe occidentale en traduction arabe. Avec la disponibilité des traductions latines, [[Albert le Grand]] et son élève, [[Thomas d'Aquin]], l’[[aristotélisme]] atteignit sa plus grande importance. Albert le Grand rédigea une paraphrase d’Aristote, ''De causis et processu universitatis'', dans laquelle il a enlevé certains commentaires par les savants arabes et incorporé d’autres<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Edward N.|nom1=Zalta|lien auteur1=Edward N. Zalta|responsabilité1=éditeur|auteur2=[http://plato.stanford.edu/entries/albert-great/Albert the Great]|titre=Stanford Encyclopedia of Philosophy|lieu=Stanford, CA|éditeur=The Metaphysics Research Lab|année=2009|date=20 mars 2006|isbn=1-158-37777-0|issn=1095-5054|oclc=179833493|lire en ligne=http://plato.stanford.edu/|consulté le=23-01-2009}}</ref>. Les écrits influents de Thomas d’Aquin, tant sur le physique et le métaphysique, sont principalement d’influence aristotélicienne, mais ils montrent de nombreuses autres influences<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Edward N.|nom1=Zalta|lien auteur1=Edward N. Zalta|responsabilité1=éditeur|titre=Stanford Encyclopedia of Philosophy|lieu=Stanford, CA|éditeur=The Metaphysics Research Lab|année=2009|date=July 12, 1999|réimpression=09-01-2005|isbn=978-1-158-37777-0|isbn2=1-158-37777-0|issn=1095-5054|oclc=179833493|lire en ligne=http://plato.stanford.edu/|consulté le=2009-01-23|lire en ligne-doublon=http://plato.stanford.edu/entries/aquinas/ <!--PARAMETRE 'lire en ligne-doublon' N'EXISTE PAS -->}}</ref>.
==Les expériences numériques de Kauffman==
Que des formes complexes ne puissent pas avoir une origine aléatoire était un principe très généralement accepté. [[Stuart Kauffman]] est le premier à l’avoir mis en doute à la suite d’[[expérience numérique|expériences numériques]]. Il étudiait la dynamique de réseaux d’[[automate cellulaire|automates cellulaires]] engendrés d’une façon aléatoire. Il a alors observé que des formes stables animées d’un mouvement [[fonction périodique|périodique]] apparaissaient spontanément, quelles que soient les conditions initiales. Il voyait ainsi des formes complexes et durables engendrées d’une façon purement aléatoire. Il a vite compris que son observation renouvelle d’une façon très originale nos façons d’expliquer les phénomènes et qu’il pouvait l’appliquer à la question de l’origine de la vie. Il a mis quelques années avant de le faire accepter par d’autres scientifiques.


La génération spontanée est admise comme un fait dans la littérature jusqu’à la Renaissance. Là où Shakespeare traite, en passant, des serpents et des crocodiles formés à partir de la boue du Nil dans ''[[Antoine et Cléopâtre]]'' (2.7 F1), [[Izaac Walton]] soulève à nouveau la question de l’origine des anguilles dans ''[[le Parfait Pêcheur à la ligne]]'' quand « les rats et les souris, et de nombreuses autres créatures vivantes, naissent en Égypte, de la chaleur du soleil quand il brille sur la crue du fleuve… ». Bien que la vieille question de l’origine des anguilles soit restée sans réponse et que l’idée que les anguilles se reproduisaient à partir de la corruption de l’âge ait été mentionnée, celle de la génération spontanée des rats et des souris n’a suscité aucun débat<ref>{{Ouvrage | langue=en | prénom1=Izaak | nom1=Walton | lien auteur1=Izaak Walton | champ libre=transcribed by Risa Bear | titre=The Compleat Angler or the Contemplative Man's Recreation | lieu=Bloomington (Indiana) | éditeur=George Bell & Sons | année=1903 | année première édition=1653 | pages totales=340 | isbn=978-0-929309-00-2 | lire en ligne=http://www.uoregon.edu/~rbear/walton/index.html | consulté le=5 février 2009 | titre chapitre=XIII. Observations of the eel, and other fish that want for scales, and how to fish for them}}</ref>.
==Les réseaux autocatalytiques==
Lorsque de nombreuses molécules différentes sont mises en présence, on peut décrire la dynamique chimique par un réseau. Chaque espèce de molécules est reliée aux autres espèces avec lesquelles elle réagit. Un tel réseau peut avoir des boucles [[réseau autocatalytique|autocatalytiques]], c’est-à-dire qu’une espèce moléculaire, appelons-la A, favorise, ou [[catalyse]], des [[réaction chimique|réactions chimiques]] qui vont conduire à la production de molécules du type A. Une telle boucle est potentiellement explosive, parce qu’il y a un effet boule de neige, mais si les espèces à partir desquelles A est produite sont en quantité limitée, l’autoproduction de A est elle-même limitée.


Parmi ces nombreuses croyances, certaines avaient des implications doctrinales. Par exemple, l’idée que la variété de canard plongeur connue sous le nom de [[Macreuse noire|macreuse]] émanait du crustacé connu sous le nom de [[Pedunculata|bernacle des navires]], eut des répercussions sur la pratique du jeûne pendant le [[Carême]]. En 1188, [[Giraud de Barri]], après s’être rendu en Irlande, fit valoir que le fait que la génération « contre nature » des macreuses prouvait la véracité de l’[[Immaculée Conception]]<ref>{{Ouvrage | auteur1=[[Giraldus Cambrensis]] | titre=Topographia Hiberniae | éditeur= | année=1188 | pages totales=144 | isbn=978-0-85105-386-8 | lire en ligne=http://www.fordham.edu/halsall/source/1188geraldwales-barnacle.html | consulté le=1 février 2009}}</ref>. Conséquemment, la consommation de cette espèce de canard plongeur était autorisée au cours du jeûne de Carême lorsque la volaille était interdite mais le poisson autorisé, puisqu’on pensait qu’elle venait d’un coquillage. Il ne fallut rien de moins qu’un décret du pape [[Innocent III]] en 1215 pour mettre fin à cette pratique<ref>{{Ouvrage | langue=en | prénom1=Sir Edwin Ray | nom1=Lankester | titre=Diversions of a Naturalist | lieu=Freeport | éditeur=Ayer Publishing | année=1970 | année première édition=1915 | pages totales=424 | passage=117–128 | isbn=978-0-8369-1471-9 | lire en ligne=https://books.google.com/books?id=d1GnwwmfvC8C&printsec=frontcover | consulté le=1 février 2009 | titre chapitre=XIV. The History of the Barnacle and the Goose}}</ref>. Contester la génération spontanée équivalait donc à contester les enseignements de l’Église et pouvait avoir de graves conséquences : au début de 1672, le savant caennais [[André Graindorge]] réunit l’[[Académie de physique de Caen]], fondée en 1662, autour d’un projet d’étude visant à réfuter la théorie selon laquelle la macreuse provenait des bernacles des navires. Lorsque [[Guy Chamillart]], intendant royal de la [[généralité de Caen]], à qui Graindorge avait confié les conclusions qu’il avait rédigées sur le projet auquel il avait travaillé personnellement, les soumit à l’[[Académie des sciences (France)|Académie des sciences]] et à la cour<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=David Lux|titre=Patronage and Royal Science in Seventeenth-Century France|sous-titre=Academie de Physique in Caen|lieu=Ithaca|éditeur=[[Cornell University Press]]|année=1989|pages totales=256|passage=20|isbn=978-0-8014-2334-5}}</ref>, ses conclusions furent rejetées et, en représailles, la Cour décida de cesser de financer l’Académie qui, à court de fonds, fut acculée à la dissolution fin 1672<ref>Il faudra attendre 1680, quatre ans après la mort de Graindorge, pour que son traité intitulé ''De l’origine des macreuses'', soit édité à Caen par Thomas Malouin.</ref>.
Les êtres vivants sont toujours des réseaux autocatalytiques. Toutes leurs molécules ([[Acide désoxyribonucléique|ADN]], [[protéine]]s et autres) réagissent avec les molécules ingérées (les [[aliment]]s) pour produire des molécules semblables à elles-mêmes. Les [[plante]]s sont même capables d’utiliser la lumière du soleil dans ce but.


=== Critique de Théophraste ===
En étudiant des modèles, Kauffman a établi que sous des conditions assez générales un réseau de réactions chimiques contient nécessairement des réseaux autocatalytiques. Il suffit que le réseau soit suffisamment touffu, que les espèces moléculaires soient suffisamment nombreuses et réactives les unes vis à vis des autres.
[[Théophraste]] admet une génération spontanée chez les plantes et une génération normale<ref name=wit>Hendrik Cornelius Dirk De Wit, ''Histoire du Développement de la Biologie'', Volume III, [[Presses Polytechniques et Universitaires Romandes]], [[Lausanne]], 1994, {{p.|370}} {{ISBN|2-88074-264-1}}</ref>.


== Notes et références ==
Les réseaux autocatalytiques expliquent la reproduction des molécules mais à eux seuls ils ne suffisent pas pour expliquer la [[Reproduction (biologie)|reproduction]] des unicellulaires.
=== Notes ===
{{Références|groupe=alpha}}


=== Références ===
==La formation spontanée des vésicules==
{{Références}}
Il suffit d’agiter une [[eau]] savonneuse pour obtenir de la [[mousse (physique)|mousse]]. L’écume de la mer se forme de la même façon, d’autant plus facilement que l’eau est plus sale. On l’explique à partir du caractère [[amphiphile]] de certaines molécules. Une molécule est hydrophile si elle « préfère » être dans l’eau que dans l’huile, c’est-à-dire si spontanément, du fait des lois de la [[physique statistique]], elles se concentrent davantage dans l’eau que dans l’huile. Elle est [[hydrophobe]], ou lipophile, dans le cas inverse. Certaines molécules, telles que celles du savon, sont allongées avec une extrémité hydrophile et l’autre hydrophobe, c’est pourquoi elles sont dites amphiphiles. Lorsqu’elles sont mises en solution dans l’eau, elles forment alors spontanément de nombreuses structures qui peuvent être très complexes et notamment des bicouches qui se replient en [[Vésicule (biologie)|vésicule]]s. Une [[bicouche]] est une paroi, plongée dans l'eau, dont les deux faces sont composées de têtes hydrophiles, les extrémités hydrophobes étant rassemblées à l’intérieur de la bicouche. Une vésicule est un petit sac plein d’eau, qui flotte dans l’eau, et dont la paroi est une bicouche.


== Voir aussi ==
Les cellules des êtres vivants sont des vésicules très élaborées. Leur paroi est essentiellement une bicouche lipidique, mais elle est beaucoup plus complexe que les parois des vésicules dans l’eau savonneuse. L’intérieur de la cellule surtout est très différent de son extérieur, ce qui n’est pas le cas des vésicules que l’on forme en agitant une eau sale.
{{Autres projets|wiktionary=génération spontanée}}


=== Bibliographie ===
==Les premières cellules==
* {{en}} Stuart Kauffman, ''At home in the universe''
De très nombreuses vésicules ont pu se former dans l’océan primitif, aussi facilement qu’aujourd’hui l’[[écume]] de la mer. Qu’une telle vésicule soit le lieu de réactions autocatalytiques est tout à fait plausible. Si ses parois sont telles qu’elles laissent pénétrer les petites molécules nécessaires à la reproduction des grosses, alors on obtient, par le simple jeu des lois physiques et chimiques, un organisme capable de s’alimenter et de grandir. Bien sûr les vésicules ne sont pas toujours dotées d’une telle capacité, mais si elles sont assez nombreuses et assez diversifiées un tel événement n’est peut-être pas complètement improbable.
* John Maynard Smith, Eörs Szathmary, ''Les origines de la vie''
* Céka et Yigaël et Gabiculi, ''[http://www.editionsekoya.com/index.php/jeunesse/99-pasteur-et-la-generation-spontanee Pasteur et la génération spontanée : la vie peut-elle apparaître sans parents] ?'', Les Éditions du Sékoya, 2016


=== Articles connexes ===
Pour qu’une cellule soit vivante, il ne suffit pas qu’elle soit capable de grandir, il faut encore qu’elle puisse se reproduire. La destinée la plus probable d’une vésicule en croissance est d’exploser et donc de disperser tout son contenu, ce qui revient à mourir. Mais on peut supposer que certaines vésicules aient incorporé à leur paroi des molécules qui la rendent susceptible de former de nouvelles vésicules, par l'intermédiaire de protubérances qui se détachent par exemple. Cette partie du scénario ici proposé de l’origine de la vie n’est peut-être pas très plausible mais elle n’est pas non plus complètement exclue, surtout si l’on songe à la diversité des structures bidimensionnelles qui peuvent se former spontanément sur des bicouches.
* [[Expérience de Miller-Urey|Expérience de Miller]]
* [[Origine de la vie]]
* [[Biosynthèse des protéines]]
* [[Vitalisme]]
* [[Origine de la vie|Abiogénèse]]
* [[Bion (organique)]]
* [[Anaxagore]] : {{citation|Rien ne naît ni ne périt, mais des choses déjà existantes se combinent, puis se séparent de nouveau}}
* [[Antoine Lavoisier]] : {{citation|Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme}}


=== Liens externes ===
Si une vésicule est capable de croître en s’alimentant et de se reproduire, en formant des protubérances, alors elle est un être vivant primitif. Elle a la propriété essentielle des êtres vivants, la capacité de se reproduire quand elle est placée dans un environnement approprié. On peut alors supposer qu’une telle vésicule est l’ancêtre de tous les êtres vivants qui existent aujourd’hui.
{{Liens}}


{{Portail|origine et évolution du vivant}}
==L’origine de l’ADN et du code génétique==
Les premiers réseaux autocatalytiques n’étaient pas aussi élaborés que ceux d’aujourd’hui, fondés sur la machinerie très complexe de l’ADN, des [[ribosome]]s, du [[code génétique]] et des protéines. Mais les êtres vivants primitifs étaient capables d’évoluer. Leurs réseaux autocatalytiques pouvaient être modifiés par l’incorporation de nouvelles molécules, absorbées de façon exceptionnelle. De telles modifications sont héritables, parce qu’une fois qu’une molécule est incorporée à un réseau autocatalytique, elle devient capable de se reproduire. Les conditions de l’[[Évolution (biologie)|évolution]] par la [[sélection naturelle]], telles qu’elles ont été énoncées par [[Charles Darwin|Darwin]] (''[[L'origine des espèces]]''), sont donc réunies : variations aléatoires héritables et compétition au sein d’une population pour l’accès aux ressources. Les cellules primitives les plus performantes sont celles qui se reproduisaient le mieux et elles tendaient à dominer la population. On peut alors supposer que les êtres vivants primitifs ont évolué. Leurs techniques autocatalytiques rudimentaires se sont perfectionnées jusqu’à atteindre un point de quasi-perfection, à savoir les techniques de [[réplication]] de l’ADN et de fabrication des protéines qui sont possédées depuis des milliards d’années par tous les êtres vivants.

==Comment savoir si cette théorie est vraie ?==
On ne peut pas remonter le temps pour aller voir comment était l’océan primitif et comment il a évolué. Mais on peut trouver des témoignages indirects. Le passé laisse des traces dans le présent. Si on a les bons outils, théoriques et observationnels, on peut déduire le passé à partir du présent. Par exemple, les techniques autocatalytiques d’aujourd’hui se sont en quelque sorte [[fossile|fossilisées]] depuis des milliards d’années, puisqu’elles n’ont pas ou peu évolué. Elles nous renseignent donc sur un passé très lointain. En combinant ces informations avec d’autres, on peut espérer remonter encore plus loin dans le temps. Des expériences en laboratoire de [[chimie prébiotique]] peuvent apporter des renseignements précieux.

==Biologie et cosmologie==
La théorie de la génération spontanée conduit à une vision unifiée de la [[matière]] et de la [[vie]]. L’apparition et l’évolution de la vie y sont conçues comme des conséquences nécessaires de la [[dynamique]] de l’univers. Dès que des conditions adéquates sont réunies (de l’eau [[liquide]], ce qui suppose une [[température]] adéquate, et des molécules organiques en abondance, autrement dit, de l’eau sale), la matière manifeste sa capacité d'engendrer la vie. D’une façon métaphorique, on peut dire avec Kauffman que les êtres vivants peuvent se sentir chez eux dans l’univers, parce que la matière est comme la terre nourricière qui nous a donné la vie.
Aux premier temps de son existence la Terre était une sphère de matière encore fluide et brûlante, bombardée en permanence par des météorites de toutes tailles.
Les éléments qui la constituaient (comme les métaux et les substances minérales qui entrent dans la composition des roches) formaient un mélange assez homogène.

==Sources==
*Stuart Kauffman, ''At home in the universe''
*John Maynard Smith, Eörs Szathmary, ''Les origines de la vie''

== Références ==

<references/>

==Voir aussi==
* [[Expérience de Miller]]
* [[Origines de la vie]]
* [[Synthèse des protéines]]
* [[vitalisme]]
* [[abiogénèse]]

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Schéma de la bouteille à col de cygne utilisée dans les expériences de Pasteur pour réfuter la génération spontanée.

La génération spontanée est une notion aristotélicienne tombée en désuétude, supposant l’apparition, sans ascendant, d’êtres vivants à partir de la matière inanimée. Cette notion est apparentée au concept moderne d'abiogenèse[a].

Diogène Laerce rapporte que, déjà, Démocrite aurait mentionné que les atomes auraient pu en s'assemblant donner naissance aux premiers êtres vivants, ce qui n'est pas faux en soi, car les êtres vivants sont effectivement composés de molécules (qui sont des assemblages d'atomes). Mais contrairement à ce que dit Aristote qui, dans l’Organon, mentionne l'apparition spontanée au bout de quelque temps des moisissures sur les aliments, des mites sur la laine et des souris là où on entasse de vieux vêtements de façon prolongée, donnant naissance au concept de génération spontanée, personne n'a observé d'apparition spontanée de la vie à partir d'une « soupe primitive », malgré les nombreuses tentatives effectuées.

Cette hypothèse aristotélicienne[1], imaginée à partir des diverses interprétations de l’apparition des organismes par les philosophies naturelles l’ayant précédé, a néanmoins perduré pendant les deux millénaires de la grande influence d'Aristote sur la science, avant d'être remise en cause par des expérimentations menées par des scientifiques du XVIIe siècle, comme le naturaliste italien Francesco Redi.

Il faudra attendre jusqu'au XIXe siècle, où elle avait aussi pris le nom de « spontéparité », ou encore d’« hétérogénie », pour que celle-ci soit invalidée par Pasteur avec l'expérience de ses ballons à col de cygne et sa découverte de la pasteurisation, ainsi que par les expériences de John Tyndall. Elle a alors été remplacée par la théorie microbienne et la théorie cellulaire.

La croyance en la génération spontanée fit longtemps partie du sens commun, parce que l’apparition d’êtres vivants là où on n’en voyait pas est un phénomène d’observation courante. On continuait à croire que des souris pouvaient naître spontanément d’un tas de chiffons et des asticots sortir d’un morceau de viande. Les micro-organismes, microbes et levures, semblaient le produit d’une génération spontanée.

Hors de cette compréhension animiste de la génération spontanée, c’est penser que la nature peut spontanément s’organiser pour donner l’existence à une forme de vie qui lui semble opportune.

Théorie synthétisée par Aristote et soutenue par Descartes ou par les observations au microscope de Needham, son inexactitude fut d’abord démontrée expérimentalement par Francesco Redi, dans son traité Esperienze Intorno alla Generazione degl’Insetti, en 1668[2] puis par le naturaliste Lazzaro Spallanzani en 1765[3].

Au début du XIXe siècle, elle était soutenue par Geoffroy Saint-Hilaire et Jean-Baptiste de Lamarck. Ils considéraient tous deux que les formes de vie les plus simples, les infusoires, pouvaient encore apparaître actuellement par génération spontanée. De même, Antoine Béchamp a montré, par ses microzymas, une forme de génération spontanée de la vie.

En 1859, quand éclate la controverse à l’Académie des sciences entre Louis Pasteur et Félix-Archimède Pouchet, auteur d’Hétérogénie ou Traité de la génération spontanée, elle est déjà une théorie hétérodoxe, rejetée par l’Académie des sciences[4].

Les expériences soigneuses de Pasteur au XIXe siècle ont clairement établi que, dans tous les cas supposés de génération spontanée, il y avait en fait des germes — des contaminations par un ou plusieurs microorganismes —, à l’origine des êtres vivants apparus, réfutant définitivement cette théorie. Dans un milieu isolé et convenablement stérilisé, la vie n’apparaît pas spontanément, du moins pas aux échelles de temps et d’espace typiques d’un laboratoire. La remise en cause de la génération spontanée a joué un grand rôle dans les mesures d’hygiène et d’asepsie contre le développement des maladies. Pouchet, l’inventeur de l’hétérogénie, est resté convaincu jusqu’à sa mort de sa théorie de la génération spontanée[5].

L’hypothèse de la génération spontanée a aujourd’hui perdu tout crédit scientifique, y compris dans le cadre des recherches sur l’origine de la vie sur Terre, qui n'est pas apparue telle qu'on la connait mais a connu un long processus gradué d'évolution de la matière inerte vers la matière vivante sur des millions d'années, au point de rendre vain la datation de son apparition à un stade précis.

Le seul fait établi est que toute la vie connue sur Terre descend d'un ancêtre commun apparu il y a plus de trois milliards d'années, issu lui-même d'une lignée d'organismes plus anciens.

Adoption par l’Église

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Des crustacés cirripèdes (tel le pouce-pied, Pollicipes cornucopia) étaient désignés sous le nom vernaculaire de « bernaches ou bernacle des navires » en référence à l'idée qu'ils engendraient des canards ou oies bernaches.
Macreuse noire : Melanitta nigra
La macreuse.

Augustin d'Hippone discute de la génération spontanée dans La Cité de Dieu et dans La Genèse au sens littéral, en citant des passages de la Bible comme « Que les eaux produisent en abondance les créatures mouvantes qui ont vie » (Genèse 1:20) comme des décrets permettant la création permanente[6]. Augustin a insisté sur le fait qu’apparaitre comme ignorants du monde naturel ne donnerait pas une bonne opinion des chrétiens[7]. D’autres auteurs ont mentionné la génération d’animaux à différents moments dans le récit de l’Exode, ainsi que l’incident de la ruche générée dans la carcasse du lion dans l’histoire de Samson au chapitre 14 du livre des Juges.

Même avec le déclin de l’influence de la science grecque, de la chute de l’Empire romain au Ve siècle au grand schisme avec l’Orient de 1054, la théorie de la génération spontanée n’a généralement pas été contestée et de nouvelles descriptions ont été effectuées. Le XIIIe siècle vit l’époque de la plus grande acceptation d’Aristote, réintroduit en Europe occidentale en traduction arabe. Avec la disponibilité des traductions latines, Albert le Grand et son élève, Thomas d'Aquin, l’aristotélisme atteignit sa plus grande importance. Albert le Grand rédigea une paraphrase d’Aristote, De causis et processu universitatis, dans laquelle il a enlevé certains commentaires par les savants arabes et incorporé d’autres[8]. Les écrits influents de Thomas d’Aquin, tant sur le physique et le métaphysique, sont principalement d’influence aristotélicienne, mais ils montrent de nombreuses autres influences[9].

La génération spontanée est admise comme un fait dans la littérature jusqu’à la Renaissance. Là où Shakespeare traite, en passant, des serpents et des crocodiles formés à partir de la boue du Nil dans Antoine et Cléopâtre (2.7 F1), Izaac Walton soulève à nouveau la question de l’origine des anguilles dans le Parfait Pêcheur à la ligne quand « les rats et les souris, et de nombreuses autres créatures vivantes, naissent en Égypte, de la chaleur du soleil quand il brille sur la crue du fleuve… ». Bien que la vieille question de l’origine des anguilles soit restée sans réponse et que l’idée que les anguilles se reproduisaient à partir de la corruption de l’âge ait été mentionnée, celle de la génération spontanée des rats et des souris n’a suscité aucun débat[10].

Parmi ces nombreuses croyances, certaines avaient des implications doctrinales. Par exemple, l’idée que la variété de canard plongeur connue sous le nom de macreuse émanait du crustacé connu sous le nom de bernacle des navires, eut des répercussions sur la pratique du jeûne pendant le Carême. En 1188, Giraud de Barri, après s’être rendu en Irlande, fit valoir que le fait que la génération « contre nature » des macreuses prouvait la véracité de l’Immaculée Conception[11]. Conséquemment, la consommation de cette espèce de canard plongeur était autorisée au cours du jeûne de Carême lorsque la volaille était interdite mais le poisson autorisé, puisqu’on pensait qu’elle venait d’un coquillage. Il ne fallut rien de moins qu’un décret du pape Innocent III en 1215 pour mettre fin à cette pratique[12]. Contester la génération spontanée équivalait donc à contester les enseignements de l’Église et pouvait avoir de graves conséquences : au début de 1672, le savant caennais André Graindorge réunit l’Académie de physique de Caen, fondée en 1662, autour d’un projet d’étude visant à réfuter la théorie selon laquelle la macreuse provenait des bernacles des navires. Lorsque Guy Chamillart, intendant royal de la généralité de Caen, à qui Graindorge avait confié les conclusions qu’il avait rédigées sur le projet auquel il avait travaillé personnellement, les soumit à l’Académie des sciences et à la cour[13], ses conclusions furent rejetées et, en représailles, la Cour décida de cesser de financer l’Académie qui, à court de fonds, fut acculée à la dissolution fin 1672[14].

Critique de Théophraste

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Théophraste admet une génération spontanée chez les plantes et une génération normale[15].

Notes et références

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  1. L'abiogenèse est l'apparition de la vie, sans doute sous la forme de micro-organismes primitifs, à partir de matière organique inanimée. Ce n'est pas la même chose que la génération spontanée d'organismes complexes, par exemple l'apparition de vermine à partir de la pourriture comme on l'a cru jusqu'aux démonstrations contraires de Pasteur.

Références

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  1. (en) André Brack, The Molecular Origins of Life : Assembling Pieces of the Puzzle, Cambridge University Press, , 417 p. (ISBN 978-0-521-56475-5, lire en ligne), « Introduction », p. 1
  2. « La génération spontanée. Histoire d'une hypothèse persistante », sur exobio.chez-alice.fr
  3. « Génération spontanée (repères chronologiques) », sur universalis.fr
  4. Louis Pasteur, Claude Bernard, Charles Darwin… La science conquérante Michel de Pracontal, Le Nouvel Observateur, no 2250, 20 décembre 2007
  5. Darius-C. Rossi, Le darwinisme et les générations spontanées ou Réponse aux réfutations de MM. Flourens, de Quatrefages, Léon Simon, Chauvet, etc. suivie d'une lettre de M. le Dr F. Pouchet, (lire en ligne), p. 241-244
  6. (en) Iris Fry, The Emergence of Life on Earth, Nouveau-Brunswick, Rutgers University Press, , 352 p., poche (ISBN 978-0-8135-2740-6, lire en ligne), « Chapter 2: Spontaneous Generation — Ups and Downs »
  7. Saint Augustin, De Genesi ad litteram imperfecti liber (Le Sens littéral de la Genèse : ouvrage inachevé), vol. Livre 1, v. 391, « Part 19 »
  8. (en) Edward N. Zalta (éditeur) et the Great, Stanford Encyclopedia of Philosophy, Stanford, CA, The Metaphysics Research Lab, (ISBN 1-158-37777-0, ISSN 1095-5054, OCLC 179833493, lire en ligne)
  9. (en) Edward N. Zalta (éditeur), Stanford Encyclopedia of Philosophy, Stanford, CA, The Metaphysics Research Lab, (réimpr. 09-01-2005) (ISBN 978-1-158-37777-0 et 1-158-37777-0, ISSN 1095-5054, OCLC 179833493, lire en ligne)
  10. (en) Izaak Walton (transcribed by Risa Bear), The Compleat Angler or the Contemplative Man's Recreation, Bloomington (Indiana), George Bell & Sons, (1re éd. 1653), 340 p. (ISBN 978-0-929309-00-2, lire en ligne), « XIII. Observations of the eel, and other fish that want for scales, and how to fish for them »
  11. Giraldus Cambrensis, Topographia Hiberniae, , 144 p. (ISBN 978-0-85105-386-8, lire en ligne)
  12. (en) Sir Edwin Ray Lankester, Diversions of a Naturalist, Freeport, Ayer Publishing, (1re éd. 1915), 424 p. (ISBN 978-0-8369-1471-9, lire en ligne), « XIV. The History of the Barnacle and the Goose », p. 117–128
  13. (en) David Lux, Patronage and Royal Science in Seventeenth-Century France : Academie de Physique in Caen, Ithaca, Cornell University Press, , 256 p. (ISBN 978-0-8014-2334-5), p. 20
  14. Il faudra attendre 1680, quatre ans après la mort de Graindorge, pour que son traité intitulé De l’origine des macreuses, soit édité à Caen par Thomas Malouin.
  15. Hendrik Cornelius Dirk De Wit, Histoire du Développement de la Biologie, Volume III, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, Lausanne, 1994, p. 370 (ISBN 2-88074-264-1)

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Bibliographie

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Articles connexes

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Liens externes

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