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« Matérialisme » : différence entre les versions

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est un point fondamental. Confronter les théories avec le réel est un point crucial de la progression de toute forme de [[savoir]] sur le fonctionnement du monde (désigné aussi par [[science]]). On appelle souvent cette confrontation : [[validation]].
est un point fondamental. Confronter les théories avec le réel est un point crucial de la progression de toute forme de [[savoir]] sur le fonctionnement du monde (désigné aussi par [[science]]). On appelle souvent cette confrontation : [[validation]].


Expliquer un [[phénomène]] a pour but de proposer un [[savoir]] solide et [[validation|valable]]. C'est à dire un savoir que l'on puisse transposer et utiliser par la suite dans d'autres situations de même type, voire dans d'autres domaines si cela est possible. L'idée est qu'une explication qui n'est pas vérifiée ne sert à rien au sens où elle n'est qu'une conjecture possible parmi des milliers d'autres que tout un chacun peut imaginer et inventer. Si elle n'est pas validée, une théorie ne sert à rien (notamment, elle ne peut pas servir à faire progresser le [[savoir]] ou la [[science]]) ; on ne peut pas se fier à elle pour expliquer davantage de choses simplement parce que l'on n'est pas sûr qu'elle rende effectivement compte des phénomènes observés et du fonctionnement de la réalité. Elle peut n'être qu'une proposition farfelue que seule la validation permet de consolider.
Expliquer un [[phénomène]] a pour but de proposer un [[savoir]] solide et [[validation|valable]]. C’est-à-dire un savoir que l'on puisse transposer et utiliser par la suite dans d'autres situations de même type, voire dans d'autres domaines si cela est possible. L'idée est qu'une explication qui n'est pas vérifiée ne sert à rien au sens où elle n'est qu'une conjecture possible parmi des milliers d'autres que tout un chacun peut imaginer et inventer. Si elle n'est pas validée, une théorie ne sert à rien (notamment, elle ne peut pas servir à faire progresser le [[savoir]] ou la [[science]]) ; on ne peut pas se fier à elle pour expliquer davantage de choses simplement parce que l'on n'est pas sûr qu'elle rende effectivement compte des phénomènes observés et du fonctionnement de la réalité. Elle peut n'être qu'une proposition farfelue que seule la validation permet de consolider.
* Exemple : on a cru pendant très longtemps que le [[cœur]] créait le [[sang]], qu'il était une machine divine qui produisait le sang à l'infini. Cette supposition est à la base des techniques de saignées dans la [[médecine]] ancienne en [[occident]] : le sang mauvais et malade était éliminé par saignées pour faciliter la production de sang sain par le cœur. Pour des raisons qui ne concernent pas le sujet présent, il a été longtemps interdit de vérifier si oui ou non cette hypothèse du cœur créateur du sang était valide. Lorsque l'on a enfin pu observer le corps humain pour regarder comment l'organisme fonctionne réellement, il a été possible de dire que l'explication du cœur créateur de sang était fausse. Le cœur est une pompe. La confrontation avec l'observation du fonctionnement du corps a permis d'infirmer une hypothèse et de confirmer le cœur comme pompe.
* Exemple : on a cru pendant très longtemps que le [[cœur]] créait le [[sang]], qu'il était une machine divine qui produisait le sang à l'infini. Cette supposition est à la base des techniques de saignées dans la [[médecine]] ancienne en [[occident]] : le sang mauvais et malade était éliminé par saignées pour faciliter la production de sang sain par le cœur. Pour des raisons qui ne concernent pas le sujet présent, il a été longtemps interdit de vérifier si oui ou non cette hypothèse du cœur créateur du sang était valide. Lorsque l'on a enfin pu observer le corps humain pour regarder comment l'organisme fonctionne réellement, il a été possible de dire que l'explication du cœur créateur de sang était fausse. Le cœur est une pompe. La confrontation avec l'observation du fonctionnement du corps a permis d'infirmer une hypothèse et de confirmer le cœur comme pompe.
* Exemple : les Égyptiens connaissaient déjà le diamètre de notre planète (en pas de chameaux !). Dans le haut [[Moyen Âge]], l'[[occident]] se représentait la Terre comme plate. Cette [[représentation]] n'avait pas d'impact direct sur l'organisation sociale, à cette époque où la [[culture]] était le fait des [[monastère]]s [[christianisme|chrétiens]]. Cependant, avec cette [[hypothèse]], les techniques de localisation des navires ne pouvaient pas progresser. Dans le Bas [[Moyen Âge]], le développement de la navigation à partir du {{s|XII|e}} a nécessité de passer à l'hypothèse de la rotondité. La représentation d'une Terre ronde chez [[Ptolémée]] et [[Aristote]], qui était adoptée par [[sciences et techniques islamiques|les géographes et les astronomes islamiques]], s'accordait avec les relevés géographiques des navigateurs qui se sont lancés dans les [[grandes découvertes]] de la [[Renaissance (période historique)|Renaissance]]. Aussi, parmi toutes les explications possibles d'un [[phénomène]], la science moderne propose de ne garder que celles que l'on peut vérifier par l'[[expérience]] et/ou l'[[observation]] humaines. Si une théorie est [[validation|validée]], les explications qu'elle fournit s'avèrent en principe capables d'expliquer d'autres phénomènes et de révéler de nouvelles modalités de fonctionnement qui sont à même d'aider la compréhension de nouveaux [[phénomène]]s, et ainsi de suite. On peut donc s'en servir pour faire progresser le [[savoir]]. Le savoir permet quant à lui de soigner, de lancer des fusées, de construire des voitures, de protéger l'[[environnement]], de construire des maisons, etc. Une théorie qui n'est pas validée est une hypothèse qu'il faudra vérifier. Une théorie qui n'est pas validée parce qu'elle n'est pas en accord avec la réalité ([[expérience]] ou observation) doit être modifiée pour tenir compte de ce qu'elle ne prend pas en compte. C'est le processus de progression du savoir.
* Exemple : les Égyptiens connaissaient déjà le diamètre de notre planète (en pas de chameaux !). Dans le haut [[Moyen Âge]], l'[[occident]] se représentait la Terre comme plate. Cette [[représentation]] n'avait pas d'impact direct sur l'organisation sociale, à cette époque où la [[culture]] était le fait des [[monastère]]s [[christianisme|chrétiens]]. Cependant, avec cette [[hypothèse]], les techniques de localisation des navires ne pouvaient pas progresser. Dans le Bas [[Moyen Âge]], le développement de la navigation à partir du {{s|XII|e}} a nécessité de passer à l'hypothèse de la rotondité. La représentation d'une Terre ronde chez [[Ptolémée]] et [[Aristote]], qui était adoptée par [[sciences et techniques islamiques|les géographes et les astronomes islamiques]], s'accordait avec les relevés géographiques des navigateurs qui se sont lancés dans les [[grandes découvertes]] de la [[Renaissance (période historique)|Renaissance]]. Aussi, parmi toutes les explications possibles d'un [[phénomène]], la science moderne propose de ne garder que celles que l'on peut vérifier par l'[[expérience]] et/ou l'[[observation]] humaines. Si une théorie est [[validation|validée]], les explications qu'elle fournit s'avèrent en principe capables d'expliquer d'autres phénomènes et de révéler de nouvelles modalités de fonctionnement qui sont à même d'aider la compréhension de nouveaux [[phénomène]]s, et ainsi de suite. On peut donc s'en servir pour faire progresser le [[savoir]]. Le savoir permet quant à lui de soigner, de lancer des fusées, de construire des voitures, de protéger l'[[environnement]], de construire des maisons, etc. Une théorie qui n'est pas validée est une hypothèse qu'il faudra vérifier. Une théorie qui n'est pas validée parce qu'elle n'est pas en accord avec la réalité ([[expérience]] ou observation) doit être modifiée pour tenir compte de ce qu'elle ne prend pas en compte. C'est le processus de progression du savoir.
Ce mode de constitution du savoir est celui qui a été retenu pour définir ce qui est une [[science]] : une science moderne est un domaine où les hypothèses se confrontent avec la réalité, pour constituer le fondement des [[connaissance]]s (sciences dites ''dures'', sciences humaines, sciences du vivant, etc.).
Ce mode de constitution du savoir est celui qui a été retenu pour définir ce qui est une [[science]] : une science moderne est un domaine où les hypothèses se confrontent avec la réalité, pour constituer le fondement des [[connaissance]]s (sciences dites ''dures'', sciences humaines, sciences du vivant, etc.).
Les derniers développements des sciences et des techniques ont montré que la validation d'une [[théorie]] est un processus très complexe, dans lequel l'obtention d'une certitude scientifique est devenue plus difficile à saisir. En effet, compte tenu du fond chrétien dans la pensée occidentale, on a longtemps considéré comme évidentes l'unicité et l'universalité de la description scientifique d'un phénomène (le mouvement [[scientiste]] à la fin du {{s-|XIX|e}} sera par bien des égards l'apogée de cette pensée fausse). Heureusement, les révolutions scientifiques du début du {{s-|XX|e}} ont apporté la notion de ''domaine de validité'' d'une théorie scientifique qui explique qu'une théorie scientifique n'est valide que dans certaines conditions qui indiquent dans quels cas il est possible d'utiliser telle ou telle théorie. Sorti de ces conditions d'utilisation, les résultats d'une théorie n'ont aucun rapport avec le réel puisque la théorie est employée n'importe comment. On n'aura pas idée de faire la cuisine avec une perceuse, c'est la même chose en science : un outil scientifique (une théorie est un outil scientifique) doit être utilisée dans son cadre d'application. Par exemple :
Les derniers développements des sciences et des techniques ont montré que la validation d'une [[théorie]] est un processus très complexe, dans lequel l'obtention d'une certitude scientifique est devenue plus difficile à saisir. En effet, compte tenu du fond chrétien dans la pensée occidentale, on a longtemps considéré comme évidentes l'unicité et l'universalité de la description scientifique d'un phénomène (le mouvement [[scientiste]] à la fin du {{s-|XIX|e}} sera par bien des égards l'apogée de cette pensée fausse). Heureusement, les révolutions scientifiques du début du {{s-|XX|e}} ont apporté la notion de ''domaine de validité'' d'une théorie scientifique qui explique qu'une théorie scientifique n'est valide que dans certaines conditions qui indiquent dans quels cas il est possible d'utiliser telle ou telle théorie. Sorti de ces conditions d'utilisation, les résultats d'une théorie n'ont aucun rapport avec le réel puisque la théorie est employée n'importe comment. On n'aura pas idée de faire la cuisine avec une perceuse, c'est la même chose en science : un outil scientifique (une théorie est un outil scientifique) doit être utilisée dans son cadre d'application. Par exemple :
* On a longtemps cru à l'universalité de la mécanique de [[Isaac Newton|Newton]] (Newton l'a 'modestement' baptisé : "Loi Universelle de la Gravitation"), mais les résultats ont mis en évidence qu'elle n'est valide qu'a de faibles vitesses et pour des masses peu importantes. C'est à dire que sous ces conditions, les prédictions qu'elle permet d'obtenir sont en bon accord avec les résultats des observations (on peut l'utiliser pour des voitures, des chutes de corps sur Terre, etc.). Mais à de grandes vitesses et pour des masses très importantes, les résultats et les observations commencent à être différents (on le constate lorsque l'on étudie le mouvement des planètes dans le système solaire). Lorsque l'on étudie des phénomènes avec des masses énormes ([[étoile à neutron]] par exemple) ou des vitesses supérieures à 1/10{{e}} de la vitesse de la lumière, les prédictions données par la théorie de Newton n'ont alors plus rien à voir avec les résultats des observations : on est sorti du domaine de validité de la [[Mécanique newtonienne|mécanique de Newton]].
* On a longtemps cru à l'universalité de la mécanique de [[Isaac Newton|Newton]] (Newton l'a 'modestement' baptisé : "Loi Universelle de la Gravitation"), mais les résultats ont mis en évidence qu'elle n'est valide qu'a de faibles vitesses et pour des masses peu importantes. C’est-à-dire que sous ces conditions, les prédictions qu'elle permet d'obtenir sont en bon accord avec les résultats des observations (on peut l'utiliser pour des voitures, des chutes de corps sur Terre, etc.). Mais à de grandes vitesses et pour des masses très importantes, les résultats et les observations commencent à être différents (on le constate lorsque l'on étudie le mouvement des planètes dans le système solaire). Lorsque l'on étudie des phénomènes avec des masses énormes ([[étoile à neutron]] par exemple) ou des vitesses supérieures à 1/10{{e}} de la vitesse de la lumière, les prédictions données par la théorie de Newton n'ont alors plus rien à voir avec les résultats des observations : on est sorti du domaine de validité de la [[Mécanique newtonienne|mécanique de Newton]].
* Certains modèles de [[turbulence]] en [[thermohydraulique]] sont des théories valables dans certaines conditions (sur les fluides considérés, les [[température]]s, les [[pression]]s, etc.).
* Certains modèles de [[turbulence]] en [[thermohydraulique]] sont des théories valables dans certaines conditions (sur les fluides considérés, les [[température]]s, les [[pression]]s, etc.).
* La [[lumière]] peut être décrite par une théorie ondulatoire mais aussi par une théorie corpusculaire. Les deux sont valides et l'emploi de l'une ou l'autre des deux théories va dépendre des phénomènes étudiés, donc du domaine de validité qu'il faut considérer.
* La [[lumière]] peut être décrite par une théorie ondulatoire mais aussi par une théorie corpusculaire. Les deux sont valides et l'emploi de l'une ou l'autre des deux théories va dépendre des phénomènes étudiés, donc du domaine de validité qu'il faut considérer.

Version du 25 avril 2007 à 15:35

Le terme matérialisme désigne une disposition d'esprit qui consiste à partir de la réalité pour vivre et constituer le savoir et la connaissance. Le matérialisme s'ancre donc dans la matière, sa complexité et ses modifications.

Histoire

Modèle:Époques philosophiques

Le terme est inventé par Leibniz en 1702, et revendiqué pour la première fois par La Mettrie vers 1748. Pourtant et donc rétrospectivement, les premiers matérialistes, dits mécanistes, sont des philosophes de l'Antiquité : Héraclite, Démocrite, Leucippe, Diogène, Épicure, Lucrèce. La philosophie classique a longtemps réduit le matérialisme des philosophes de l'Antiquité à des questions de physique sur la continuité de la matière (y a-t-il des grains de matière ? les atomes évoluent-ils dans le vide ? etc.). Toutefois, en consultant Diogène Laërce, on constate que les ouvrages écrits par les penseurs matérialistes de l'Antiquité sont pour la plupart des ouvrages d'éthique. Ainsi, dès l'Antiquité, les matérialistes prônent l'utilisation de la matière et du réel comme base fondamentale pour expliquer les phénomènes, philosopher et produire le savoir. Pour les matérialistes, il n'y a que de la matière et le fonctionnement du monde ne peut être compris qu'en partant de ce qui est observable ou le sera. C'est donc le principe fondamental du développement des connaissances en sciences (au sens large) que l'on retrouve au cœur du matérialisme. En cela, l'opposition est radicale avec Parménide, Platon, les stoïciens, puis les pères de l'Église chrétienne, et enfin l'idéalisme allemand, avec Kant et Hegel, pour lesquels le monde véritable et parfait existe en dehors de toute matière et de toute réalité observable. La vérité du monde ne peut être atteinte que par la pensée, la réalité du monde et sa matière n'étant qu'une représentation et une approximation imparfaite de la vérité. Cette différence fondamentale qui existe depuis l'antiquité peut être prise comme la distinction irréductible entre le courant idéaliste et le courant matérialiste.

Acceptions possibles

Il existe plusieurs acceptions au terme matérialisme suivant les contextes.

Le matérialisme éthique

Il désigne une disposition de pensée qui consiste à se ramener au réel sur les questions de morale. Aucune valeur morale n'est transcendante ou universelle puisqu'elles sont toutes issues des cultures humaines et des caractères innés de l'espèce. Une valeur morale est donc un phénomène que l'on peut étudier comme on étudie une molécule en physique ou un langage en philologie. La valeur morale est une conséquence humaine dépendant des contextes, des histoires individuelles et collectives, etc. Elle n'a pas d'existence "en soi". Il n'y a donc pas d'universalisme en matière de morale. Sur ce terrain, des penseurs comme Spinoza ou Nietzsche travailleront à échapper au relativisme en matière de valeurs en cherchant des moyens de distinguer les valeurs morales qui sont propices ou néfastes à la vie. Pour les matérialistes, l'homme en tant qu'individu est "au-dessus" de ses valeurs morales, il en est le créateur. Cette pensée s'oppose directement à la pensée idéaliste pour laquelle les valeurs morales existent de toute éternité dans le fonctionnement de l'Univers, l'humanité n'ayant qu'à appliquer ces règles de vie. La fracture avec l'idéalisme se fait sur ce point. Historiquement, l'enjeu de cette différence a été et demeure colossal : les régimes politiques ont toujours favorisé l'orientation idéaliste puisqu'elle incline l'individu à suivre simplement des règles édictées. À l'inverse, l'orientation matérialiste ramène l'individu à sa responsabilité personnelle quant à ses choix et sa façon de vivre quotidiennement. « Responsabilité personnelle » n’étant pas à confondre avec « libre arbitre » antinomique du déterminisme matérialiste.

Le matérialisme scientifique

Pour le matérialisme scientifique, la pensée se ramène à des faits purement matériels ou en constitue un épiphénomène. La constitution du savoir scientifique repose toujours sur la comparaison : théorie-expérience ou théorie-observation, c'est cette comparaison qui valide ou invalide une théorie. En ce sens, l'idée du monde est soumise à ce qu'est réellement le monde, d'où l'orientation matérialiste qui est le fondement de tout savoir. C'est cette condition qui permet de rejeter toute forme de savoir fondé sur l'imagination détachée de toute réalité (Terre plate, création du monde il y a 6000 ans, cœur comme organe fabriquant le sang, etc.).

À l'inverse, le conte, le mythe, le dogme ou la science fiction ne s'occupe pas de savoir si les idées proposées sont en concordance avec la réalité.

La conception matérialiste de l'histoire

La conception matérialiste de l'histoire (parfois appelée matérialisme historique ou nouveau matérialisme) est une vision d'origine marxiste d'analyse de l'histoire, des luttes sociales et des évolutions économiques et politiques fondée sur leurs causes matérielles : l'histoire des classes sociales, de leurs rapports, et de leur évolution. Elle a été définie et mise en œuvre notamment par Karl Marx (Les Luttes de classe en France, Le 18 brumaire de Louis Bonaparte, Le Capital), Rosa Luxemburg (Grève de masse, partis et syndicats, La Révolution russe) et Anton Pannekoek (Le Matérialisme historique). Les historiens matérialistes attachent par contre beaucoup moins d'importance aux dynasties ou aux religions par exemple, considérés comme des produits de leur époque et de leurs rapports sociaux et non comme des évènements influant profondément sur le cours de l'histoire. Le sociologue Max Weber travaillera beaucoup sur ces aspects. De même Pierre Bourdieu qui prolongera la notion de capital pour la rendre plus apte à rendre compte des rapports sociaux et luttes entre groupes sociaux. Leurs travaux montrent que si le matérialisme historique d'origine marxiste est une grille d'analyse puissante et demeure incontestablement une avancée spectaculaire dans l'étude économique et sociale, il demeure incomplet car négligeant tout facteur ne relevant pas directement de la possession de capital économique. C'est ce qui amènera Pierre Bourdieu à qualifier le matérialisme marxiste de matérialisme "court" ou "réducteur".

Le matérialisme consumériste

Dans le sens vulgaire, le terme de matérialisme est employé pour désigner l'attitude générale ou le comportement de celui qui s'attache avec jouissance aux biens matériels, aux valeurs monétaires et aux plaisirs matériels. La possession et l'accumulation des biens à la mode est un trait de caractère prépondérant chez une personne "matérialiste" (au sens vulgaire du terme). Dans le domaine artistique, le matérialisme est une inclination à donner aux choses une représentation réaliste et sensuelle.

Voir aussi le concept moderne de "Matérialisme culturel" par Marvin Harris.

Principe

Le matérialisme est une hypothèse de travail, un postulat de fonctionnement pour la constitution du savoir. Tout savoir se constitue à partir de l'observation ou de l'expérimentation du réel. L'être humain a toujours constaté des phénomènes (et des épiphénomènes) autour de lui et proposé des explications dans le but de comprendre le fonctionnement de son environnement et du monde observable en général (tout ceci dans le but de faciliter et favoriser son existence). Le matérialisme propose deux fondements pour la constitution du savoir :

  • il faut tâcher d'expliquer les phénomènes avec le minimum d'hypothèses extérieures possible, d'où l'option de toujours réduire les explications à des phénomènes ayant pour origine la matière (par exemple, la conscience est un phénomène ayant pour origine le fonctionnement du cerveau humain). On appelle souvent théorie les explications proposées lorsqu'elles proposent un cadre et des concepts pour expliquer les phénomènes.
  • toute hypothèse explicative formulée (ou théorie) doit être vérifiée et validée par confrontation avec l'observation ou l'expérience.

Constitution du savoir (ou de la science) dans le cadre du matérialisme

Pour le matérialisme la confrontation entre :

est un point fondamental. Confronter les théories avec le réel est un point crucial de la progression de toute forme de savoir sur le fonctionnement du monde (désigné aussi par science). On appelle souvent cette confrontation : validation.

Expliquer un phénomène a pour but de proposer un savoir solide et valable. C’est-à-dire un savoir que l'on puisse transposer et utiliser par la suite dans d'autres situations de même type, voire dans d'autres domaines si cela est possible. L'idée est qu'une explication qui n'est pas vérifiée ne sert à rien au sens où elle n'est qu'une conjecture possible parmi des milliers d'autres que tout un chacun peut imaginer et inventer. Si elle n'est pas validée, une théorie ne sert à rien (notamment, elle ne peut pas servir à faire progresser le savoir ou la science) ; on ne peut pas se fier à elle pour expliquer davantage de choses simplement parce que l'on n'est pas sûr qu'elle rende effectivement compte des phénomènes observés et du fonctionnement de la réalité. Elle peut n'être qu'une proposition farfelue que seule la validation permet de consolider.

  • Exemple : on a cru pendant très longtemps que le cœur créait le sang, qu'il était une machine divine qui produisait le sang à l'infini. Cette supposition est à la base des techniques de saignées dans la médecine ancienne en occident : le sang mauvais et malade était éliminé par saignées pour faciliter la production de sang sain par le cœur. Pour des raisons qui ne concernent pas le sujet présent, il a été longtemps interdit de vérifier si oui ou non cette hypothèse du cœur créateur du sang était valide. Lorsque l'on a enfin pu observer le corps humain pour regarder comment l'organisme fonctionne réellement, il a été possible de dire que l'explication du cœur créateur de sang était fausse. Le cœur est une pompe. La confrontation avec l'observation du fonctionnement du corps a permis d'infirmer une hypothèse et de confirmer le cœur comme pompe.
  • Exemple : les Égyptiens connaissaient déjà le diamètre de notre planète (en pas de chameaux !). Dans le haut Moyen Âge, l'occident se représentait la Terre comme plate. Cette représentation n'avait pas d'impact direct sur l'organisation sociale, à cette époque où la culture était le fait des monastères chrétiens. Cependant, avec cette hypothèse, les techniques de localisation des navires ne pouvaient pas progresser. Dans le Bas Moyen Âge, le développement de la navigation à partir du XIIe siècle a nécessité de passer à l'hypothèse de la rotondité. La représentation d'une Terre ronde chez Ptolémée et Aristote, qui était adoptée par les géographes et les astronomes islamiques, s'accordait avec les relevés géographiques des navigateurs qui se sont lancés dans les grandes découvertes de la Renaissance. Aussi, parmi toutes les explications possibles d'un phénomène, la science moderne propose de ne garder que celles que l'on peut vérifier par l'expérience et/ou l'observation humaines. Si une théorie est validée, les explications qu'elle fournit s'avèrent en principe capables d'expliquer d'autres phénomènes et de révéler de nouvelles modalités de fonctionnement qui sont à même d'aider la compréhension de nouveaux phénomènes, et ainsi de suite. On peut donc s'en servir pour faire progresser le savoir. Le savoir permet quant à lui de soigner, de lancer des fusées, de construire des voitures, de protéger l'environnement, de construire des maisons, etc. Une théorie qui n'est pas validée est une hypothèse qu'il faudra vérifier. Une théorie qui n'est pas validée parce qu'elle n'est pas en accord avec la réalité (expérience ou observation) doit être modifiée pour tenir compte de ce qu'elle ne prend pas en compte. C'est le processus de progression du savoir.

Ce mode de constitution du savoir est celui qui a été retenu pour définir ce qui est une science : une science moderne est un domaine où les hypothèses se confrontent avec la réalité, pour constituer le fondement des connaissances (sciences dites dures, sciences humaines, sciences du vivant, etc.). Les derniers développements des sciences et des techniques ont montré que la validation d'une théorie est un processus très complexe, dans lequel l'obtention d'une certitude scientifique est devenue plus difficile à saisir. En effet, compte tenu du fond chrétien dans la pensée occidentale, on a longtemps considéré comme évidentes l'unicité et l'universalité de la description scientifique d'un phénomène (le mouvement scientiste à la fin du XIXe siècle sera par bien des égards l'apogée de cette pensée fausse). Heureusement, les révolutions scientifiques du début du XXe siècle ont apporté la notion de domaine de validité d'une théorie scientifique qui explique qu'une théorie scientifique n'est valide que dans certaines conditions qui indiquent dans quels cas il est possible d'utiliser telle ou telle théorie. Sorti de ces conditions d'utilisation, les résultats d'une théorie n'ont aucun rapport avec le réel puisque la théorie est employée n'importe comment. On n'aura pas idée de faire la cuisine avec une perceuse, c'est la même chose en science : un outil scientifique (une théorie est un outil scientifique) doit être utilisée dans son cadre d'application. Par exemple :

  • On a longtemps cru à l'universalité de la mécanique de Newton (Newton l'a 'modestement' baptisé : "Loi Universelle de la Gravitation"), mais les résultats ont mis en évidence qu'elle n'est valide qu'a de faibles vitesses et pour des masses peu importantes. C’est-à-dire que sous ces conditions, les prédictions qu'elle permet d'obtenir sont en bon accord avec les résultats des observations (on peut l'utiliser pour des voitures, des chutes de corps sur Terre, etc.). Mais à de grandes vitesses et pour des masses très importantes, les résultats et les observations commencent à être différents (on le constate lorsque l'on étudie le mouvement des planètes dans le système solaire). Lorsque l'on étudie des phénomènes avec des masses énormes (étoile à neutron par exemple) ou des vitesses supérieures à 1/10e de la vitesse de la lumière, les prédictions données par la théorie de Newton n'ont alors plus rien à voir avec les résultats des observations : on est sorti du domaine de validité de la mécanique de Newton.
  • Certains modèles de turbulence en thermohydraulique sont des théories valables dans certaines conditions (sur les fluides considérés, les températures, les pressions, etc.).
  • La lumière peut être décrite par une théorie ondulatoire mais aussi par une théorie corpusculaire. Les deux sont valides et l'emploi de l'une ou l'autre des deux théories va dépendre des phénomènes étudiés, donc du domaine de validité qu'il faut considérer.

La règle est simple : Si on ne respecte pas le domaine de validité d'une théorie scientifique, on peut lui faire dire n'importe quoi. Typiquement, l'apparition de la statistique en physique moderne avec la mécanique quantique pour décrire le comportement atomique et sub-atomique de la matière a permis à nombre de personnes ignorantes de dire que le "hasard" revenait dans la vie de tous les jours. Sauf qu'il ne s'agit pas de "hasard" puisque la mécanique quantique calcule très précisément des probabilités d'interaction (et que la validité de ces résultats est très bien vérifiée) et que cette théorie scientifique ne fonctionne qu'à l'échelle microscopique (atomique et sub-atomique), et qu'elle est complètement inutilisable à l'échelle macroscopique (autrement dit : à notre échelle).

Discussion

Point de vue sur la pensée matérialiste (voir article Pensée)

Pour avancer dans les connaissances comment faire autrement qu'imaginer des notions qui vont nécessairement précéder la recherche, la guider tant que possible, jusqu'à ce qu'on les abandonne pour d'autres hypothèses. Il faut donc éviter les blocages, pour cela il faut raisonner en pondérant les hypothèses (de façon asymptotique) d'une valeur toujours inférieure à 100%, plutôt qu'en croyances qui sont des hypothèses dont le poids est d'office 100% sans démonstration dans l'absolu.

La pensée fonctionne selon le principe du dictionnaire. C'est-à-dire que toutes les définitions font appel aux mots, qui eux-mêmes ont une définition qui fait appel aux autres mots, et ainsi de suite, c'est un cercle vicieux. Si l'utilisateur n'avait pas de référence externe il ne pourrait rien comprendre aux définitions du dictionnaire. Chaque être humain utilise son système nerveux pour définir le monde, mais tout ce qui est en lui vient du monde précédemment perçu, et qui va lui servir à définir les nouveaux éléments qu'il perçoit. La seule manière qu'a l'être humain de croire qu'il peut se sortir de ce cercle vicieux est le consensus avec les autres humains. En fait peu de gens se posent la question, c'est aussi une manière de se sortir d'un embarras que de ne pas se poser de question.

1 - Rationaliser la méthode d'étude: Quand on veut expliquer un phénomène (l'univers, la pensée, l'automobile) il est inutile de rajouter un élément (les dieux, l'âme, la sorcellerie) ça ne fait que compliquer l'explication finale.

Contre : La suppression des éléments inutiles n'est pas une méthode proprement matérialiste : par exemple, Guillaume d'Ockham l'utilise.

Pour : C'est une façon rationnelle de débuter un exercice que de commencer les explications avec les éléments observés plutôt que d'en rajouter. De mêmes éléments peuvent être utiles à plusieurs théories qui s'opposent dans leur finalité, mais pour la compréhension de la démonstration on se doit de les poser. Et il faut donc évoquer cette clause quelle que soit la théorie employée.

2 - Attention aux impressions subjectives: L'impression que la pensée est un phénomène non corporel (esprit) vient de la disjonction entre le mécanisme (matière) et la sensation « cryptée » par ce mécanisme.

Contre : La disjonction entre le mécanisme (la matière) et la sensation introduit un dualisme au cœur même du matérialisme.

Pour : La sensation est le résultat du processus mécanique et s'« affiche » à travers moi qui suis de la matière. Il dépend essentiellement de la provenance perceptive et met en jeu les types de capteurs incriminés ainsi que les réseaux neuronaux, jusqu'au système moteur. (Il faut d'abord tenter de résoudre les problèmes avec ce que l'on a sous la main avant de supposer qu'un phénomène plus complexe entre en jeu. Rasoir d'Occam.)

3 - Mécanismes et localisation : La pensée nécessite des mécanismes, comprenant support et mouvement, puisqu'elle a besoin d'être organisée. Elle est donc localisée.

Contre : La localisation de la pensée n'est pas une thèse proprement matérialiste, c'est une question qui est posée dans le platonisme par exemple. Si la pensée a besoin de mécanismes, il ne s'ensuit pas qu'ils soient matériels.

Pour : Il faut également l'évoquer pour les besoins de la thèse. Les mécanismes sont produits par le matériel, et s'« affichent » à l'aide du matériel, donc ils sont matériels. La matière humaine est-elle quelque chose de si vile, (matières fécales, sang, boyaux…) pour qu'on la récuse comme mécanisme de la pensée?

4 - Mémoire et apprentissage : La pensée nécessite à la fois stabilité et instabilité, pour permettre la mémoire et l'apprentissage.

Contre : Ce n'est pas, non plus, une thèse proprement matérialiste.

Pour: Il faut également évoquer stabilité et instabilité, mémoire et apprentissage, dans tous les cas, matérialisme ou pas, pour comprendre le cheminement de cette thèse.

5 - Notre origine cellulaire : Nous sommes nés d'une seule cellule (phylogenèse et ontogenèse).

Contre : L'hypothèse biologiste ne prouve pas le matérialisme de la pensée.

Pour : Rasoir d'Occam : Il vaut mieux aller au plus simple avant de faire des postulats qui augmentent la difficulté de compréhension. Et surtout les postulats devraient rester des postulats, pour ne pas être des prétextes à des guerres idéologiques. Cette thèse n'est pas une preuve, ce n'est qu'une tentative de description pour engager la discussion, et permettre à ceux qui veulent chercher dans ce sens d'essayer de réaliser un algorithme de la pensée sur les bases matérielles. Comment chercher si on refuse la recherche en la supposant hors de portée sans preuve. Les informaticiens pourraient-ils faire des recherches en intelligence artificielle ou conscience artificielle?

6 – Hasard : C'est le hasard qui a mis en place ce mécanisme.

Contre : Invoquer le hasard comme cause, c'est reconnaître que l'on ne sait pas comment est née la pensée.

Pour : Le hasard est un mécanisme déterminé mais trop complexe pour qu'on puisse le décrire exactement (exp. : la météo). Si on ne connaît pas l'origine dans le temps d'un phénomène cela ne signifie pas que l'on ne peut connaître les mécanismes utilisés. Pour connaître parfaitement la météo il faudrait connaître la position de toutes les particules intéressées dans le phénomène, et surtout pouvoir le reproduire à l'avance dans toute sa complexité.

7 - Pensée et sensations : Un mécanisme complexe (ordinateur) peut résoudre des problèmes sans nécessiter de sensation. La pensée, elle, s'appuie sur les sensations (colorée, sonore, etc.).

Contre : Si la pensée a besoin de la sensation, elle ne se réduit pas à un mécanisme semblable à un calcul informatique.

Pour : Un calcul informatique utilise de la matière, pourtant on parle de logiciel ou de software en anglais pour l'opposer au matériel ou hardware. Comment décrire le processus du calcul informatique? La sensation étant un processus issu de la matière, il y a de fortes chances pour que l'on puisse reproduire des sensations à partir de mécanismes autres que biologiques. Mais il y a un point sur lequel il faut insister, c'est que nous ne saurons jamais si un mécanisme éprouve des sensations. Nous n'aurons jamais que la parole des êtres biologiques ou mécaniques pour prétendre qu'ils ont des sensations. À moins bien entendu que l'on démontre preuve à l'appui ce que sont les mécanismes des sensations. Pour l'instant nous admettons uniquement de manière consensuelle que nous possédons des sensations, et c'est encore une supposition de dire que nos sensations (colorées, sonores, etc.) sont identiques entre individus. La sensation est un processus difficile à concevoir, mais pas la pensée une fois qu'on en a extrait les sensations. La pensée gère les sensations. Il faut bien sûr différencier la pensée des sensations, sinon on ne peut pas comprendre. Les sensations sont statiques, ce sont des processus que probablement tous les animaux ayant un système nerveux connaissent. La pensée n'est pas un mécanisme agissant, mais un mécanisme résultant.

8 - Redéfinir les termes : Pensée, intelligence, conscience, attention, sensation, perception sont des mécanismes inextricablement liés. Ces mots anciens appartiennent au langage courant, on ne peut faire confiance d'emblée en leurs définitions, ni en leurs mécanismes supposés. Il faut attendre pour preuve des modèles valables.

Contre : En conséquence, les thèses matérialistes sont prématurées.

Pour : Ces mécanismes sont inextricablement liés parce que mal analysés. Il faut donc les réanalyser, pour démêler les nœuds fait par nos prédécesseurs. Pour progresser dans la connaissance il vaut mieux faire des suppositions, des hypothèses. Les hypothèses précèdent toujours la recherche et donc les résultats, ils ne peuvent donc être que « prématurées ».

9 – Évolution : La pensée résulte de l'Évolution, corporelle et cellulaire. Les cellules évoluent dans le milieu qu'est le corps. Le corps évolue dans le milieu qu'est la nature.

Contre : Dire que la pensée résulte de l'évolution est une pétition de principe.

Pour : Le point de vue de cette thèse est que la pensée ne se situe pas à un niveau inférieur à celui des réseaux neuronaux. Donc il est utile de rappeler que les principes de l'Évolution interviennent à la fois au niveau macroscopique et au niveau microscopique (cellulaire), mais que la pensée s'est mise en place au cours des temps et a favorisé le corps dans son entier, et non pas précisément pour favoriser la survie ou la longévité de chaque type de cellules. Certaines de nos cellules vivent quelques heures, d'autres plusieurs mois, et même plusieurs années.

10 – Globalité : La pensée est un mécanisme global, qui une fois mis en place, a permis de résoudre des problèmes macroscopiques. Elle a ainsi fourni à l'assemblage de cellules (le corps) des moyens de se préserver du milieu agressif. La pensée prise dans ce sens diffère à peine de l'intelligence.

Contre : Si la pensée est un mécanisme global, elle ne se réduit donc pas à ce mécanisme et à ses composants puisqu'il est supposé que la pensée a permis à cette assemblage de résoudre des problèmes.

Pour : Afin de résoudre un problème venant de l'extérieur j'ai besoin de le percevoir (capteurs appropriés) et de réagir adéquatement (système musculaire). Il suffit d'un mécanisme de liaison entre les deux, c'est-à-dire un système d'adressage, plus ou moins sophistiqué selon la réponse à apporter, donc de la perception vers la cible musculaire. Cette sophistication deviendra ce que nous appelons la pensée selon la complexité des systèmes nerveux au cours de l'Évolution.

11 - Le corps humain est un organe : Il n'y a pas de raison de supposer que la pensée soit située dans un organe interne particulier, plutôt que dans le système nerveux dans son entier qui peut être pris comme un organe en soi. Les explications valables pour l'un le seraient pour l'autre, mais il faut tenir compte du fait que l'intelligence s'est mise en place pour aider l'ensemble et non pour une seule cellule. C'est « Moi » globalement qui pense, et non pas un organe interne. Si l'intelligence pouvait exister dans une cellule pourquoi ne se serait-elle pas manifestée depuis 3 milliards d'années chez un être monocellulaire? Si c'était faisable la probabilité jouerait fortement en cette faveur. Plus un système est complexe plus il a de possibilités: je suis un assemblage de cellules plus complexe qu'une seule cellule. Le problème est l'instabilité des systèmes complexes.

Contre : Si la pensée ne se réduit pas à un organe particulier, à quelle matière se réduira-t-elle ?

Pour : Il est précisé que le corps entier (système nerveux) est considéré comme un organe… La pensée n'est pas un organe elle est le résultat d'un travail des neurones, des perceptions et du système musculaire. La pensée ne fait rien, elle n'est pas agissante, elle est le résultat de mécanismes. La pensée est un mot pour désigner l'ensemble des mécanismes qui la constitue. Quand on aura décrit chacun des mécanismes séparément, on aura décrit la pensée. (Cette thèse est totalement matérialiste, c.a.d. ne suppose pas l'existence d'un libre arbitre qui ferait que la pensée soit agissante par l'intermédiaire de la volonté (toujours selon le principe de simplicité ou rasoir d'Occam).).

Autre pour : Le matérialisme identité considère bien la pensée, toujours dans le cadre matérialiste, comme cause agissante, non seulement résultat (de plusieurs causes) mais cause elle-même. Il s'agit d'une fonction biologique sélectionnée par l'évolution et donc d'un matériau déterminé ET déterminant. La pensée peut par ailleurs bien se trouver liée à des réseaux neuronaux plus qu'à d'autres.
Le comportement de la matière explique seul le comportement (rien ne se crée, il n'y a pas de pensée qui se convertirait en action sur le monde).

12 - Liaisons cellulaires : Le mécanisme de la pensée doit résulter de liaisons entre cellules puisque le corps humain est un ensemble de cellules associées. Il ne peut pas être à l'intérieur des cellules, même si le mécanisme propre des cellules intervient dans les aléas de la pensée, c.a.d. dans le traitement des connexions.

Contre : Si le mécanisme de la pensée doit résulter de liaisons entre cellules puisque le corps humain est un ensemble de cellules associées, elle ne se réduit pas à la seule matière, et l'on réintroduit un dualisme de la forme classique forme/matière, qui n'est en lui-même ni spiritualiste ni matérialiste.

Pour : La forme sans l'action ne sert à rien. Il faut donc que l'influx nerveux circule, et que les neuromédiateurs franchissent les synapses. Ce qui est bien le fonctionnement du matériel, comme l'électron dans un conducteur. Le tracé d'un réseau de neurones est la mémoire, et tant que l'influx ne circule pas il ne se passe rien que la vie propre des cellules. Et là où intervient le hasard d'une pensée, c'est quand une cellule déclenche d'elle-même l'influx nerveux sans autre cause que son propre fonctionnement ou un fonctionnement différé, ce qui provoque par exemple un tic, un acouphène, une hallucination, une évocation, etc.

13 - Réseaux neuronaux : La pensée est un mécanisme résultant des liaisons entre cellules nerveuses, plus particulièrement liaisons partant de la perception, passant par les neurones, pour aboutir à la motricité.

Contre : Les liaisons supposent la perception pour expliquer la pensée, il s'agit donc d'une forme de pétition de principe.

Pour : Comme plus haut, il s'agit de préciser dans cette thèse que la pensée n'est pas le résultat d'un travail se produisant à un niveau inférieur, mais bien au niveau des réseaux neuronaux. C'est-à-dire à cette échelle particulière. La pensée est le résultat d'un travail d'adressage uniquement. Aucune information de type objets mentaux ne circule dans le système nerveux. Les objets mentaux sont déclenchés quand les circuits sont actifs.

14 - Pensée et support : Il ne faut pas confondre la pensée et son support. Le support peut exister sans pensée, mais la pensée ne peut exister sans support et sans mouvement. La pensée est un processus résultant des mécanismes globaux. C'est-à-dire concernant à la fois la perception, le système moteur et la liaison par les réseaux neuronaux.

Contre : On ne peut prouver l'existence d'une inexistence; de plus, puisqu'il a été dit que la pensée est plus un mécanisme qu'une matière, la possibilité de cette existence immatérielle, quoique non prouvée elle-même, n'a rien d'absurde.

Pour : Rasoir d'Occam : Ce n'est pas absurde mais pour l'instant inutile, tant qu'on n'a pas été jusqu'au bout de cette recherche matérialiste (terre à terre), et bien évidemment la plus simple à démontrer si elle est effectivement démontrable. Mais il serait bon que les personnes intéressées par une hypothèse spiritualiste de la pensée, développent leur thèse conjointement à cette thèse matérialiste. Si les scientifiques qui font des recherches dans cette voie pouvaient s'exprimer… (Voir article Spiritualisme).

15 - La pensée verbale : La pensée verbalisée est une inclusion dans la pensée auditive.

Contre : La pensée comme parole n'est pas une thèse proprement matérialiste (cf. Platon) ; en outre le matérialisme n'explique pas le sens des mots, leur intellection.

Pour : Le sens des mots provient uniquement des apprentissages. Quand vous apprenez le sens du mot arbre, vous l'apprenez par tous les types de perceptions. Des liaisons s'établissent entre les perceptions quand elles sont activées simultanément ou consécutivement. Ainsi s'établissent des connexions entre les perceptions de la sonnerie du téléphone, l'image du téléphone, le sens tactile, le mot téléphone lui-même, et tout ce qui concerne le téléphone et que vous apprenez petit à petit. Quand vous entendez le mot téléphone la connexion avec les autres éléments auxquels il est lié s'effectue si vous êtes en présence du téléphone. Si vous entendez la sonnerie isolée, la connexion s'établira dans votre système nerveux, et vous saurez de quoi il s'agit, le mot sera sans doute évoqué sous sa forme verbale. Le système musculaire étant lui-même corrélé, vous agirez dans le sens qui vous conviendra selon l'instant et vos besoins. Quand vous entendez le mot arbre, selon que vous avez plus ou moins fréquenté les arbres, vous en savez plus ou moins sur la question. Le sens total du mot, c'est l'ensemble de vos apprentissages. (Si le téléphone sonne dans un tiroir dans un arbre, c'est qu'un tableau surréaliste est en train de s'animer!). Mais nous n'avons jamais l'ensemble du sens présent « à l'esprit », car toutes les liaisons ne s'établissent pas nécessairement. Il n'y a pas de boîte à significations standard chez tous les humains à la naissance. Ces significations s'apprennent, s'induisent progressivement. Les significations ne sont probablement jamais les mêmes d'un instant à l'autre. Il suffit de faire une thèse pour s'en rendre compte, et voir ainsi son évolution dans le temps.

16 - S'entendre parler : Je pense en français parce que je m'entends parler en français depuis tout petit. La pensée verbalisée se met en place de cette façon rétroactive aussi « simplement ». Il n'y a pas de raison de supposer que les autres formes de la pensée ne se soient pas mises en place d'une façon mécaniquement aussi simple à expliquer.

Contre : De même : je parle en français depuis tout petit, mais je comprends cette langue : or, comment cette compréhension peut-elle être réduite à de la matière ?

Pour : Vous ne comprenez pas n'importe quelle langue si vous ne l'apprenez pas. La compréhension s'effectue progressivement. Si vous entendez un mot sans qu'il soit lié à un contexte quelconque, ce mot n'en est pas un ce n'est qu'un bruit, et même moins qu'un bruit puisque tout a un contexte nécessairement. Le son est de la matière. Le langage procède du son. Il n'y a pas de raison pour qu'un son qui affecte les capteurs de vos oreilles ne soit pas traduit sensiblement de la même façon que la lumière atteint vos rétines et que les images sont façonnées dans votre système nerveux. La compréhension, c'est comme une émotion, qu'est-elle lorsqu'elle n'est pas active? Rien, si ce n'est un schéma mémoriel de réseaux neuronaux. Et qu'est-ce que la compréhension active sinon une réponse par un état physique particulier de l'individu qui comprend. La compréhension est un apprentissage subjectif, lent, continu, qui ne laisse pas de trace précise du fait de la lenteur et la continuité. On n'a pas conscience de tous les mécanismes qui se manifestent lors de cette impression de compréhension, mais ils existent. De multiples liaisons sont établies, la chimie est active, et le corps s'en ressent, l'homéostasie se maintient sensiblement.

Conclusion :

Contre : Le matérialisme pose donc de nombreuses questions, encore de nos jours sans réponses. La plus importante est sans doute celle de savoir comment la pensée, le sens, etc., pourraient se voir ramener à ce que nous pensons de la matière.

Pour : La matière à notre époque (2004) n'est pas comprise comme elle l'était autrefois, il y a seulement cent ans en arrière. Le matérialisme doit tenir compte de ces nouvelles connaissances. Mais nous ne savons toujours pas ce qu'est la matière à la base, ce que sont les fonctions utilisées par les particules pour se mouvoir, se lier, et se séparer, et si même il y a des particules puisque toutes nos connaissances sont basées sur l'interactivité. Cette thèse matérialiste sur les mécanismes de la pensée part donc au moins d'une inconnue. Et elle en tient compte, du moins essaie. Son postulat de base est que la pensée résulte de mécanismes à une échelle supérieure au microscopique, et qu'il est donc inutile de connaître la mécanique quantique pour tenter de la résoudre par l'informatique.

Plusieurs auteurs ont écrit sur l'empirisme : voir L'Empirisme et la subjectivité de Gilles Deleuze

Bibliographie

Voir aussi

Liens externes