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Trois compositions hagiographiques grecques datables des IVe et Ve siècles ont pour héros le magicien Cyprien, qui se repent, devient clerc et même évêque et finit en martyr : il s'agit de la ''Conversion de Cyprien'', intitulée également (et plus justement) ''Actes'' [Πρᾶξις τοῦ ἀγίου Κυπριανοῦ |
Trois compositions hagiographiques grecques datables des IVe et Ve siècles ont pour héros le magicien Cyprien, qui se repent, devient clerc et même évêque et finit en martyr : il s'agit de la ''Conversion de Cyprien'', intitulée également (et plus justement) ''Actes'' [Πρᾶξις τοῦ ἀγίου Κυπριανοῦ = BHG 452]<ref>Édition : Th. Zahn (1872), p. 139-153 ; L. Radermacher (1927), p. 76-112</ref>, de la ''Confession de Cyprien'' [Μετάνοια] [BHG 453] |
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<ref>Édition : ''Acta sanctorum'', ''Septembris'' VII (1760), p. 222-241.</ref> et de la ''Passion de Cyprien'' |
<ref>Édition : ''Acta sanctorum'', ''Septembris'' VII (1760), p. 222-241.</ref> et de la ''Passion de Cyprien'' [BHG 455]<ref>Édition : ''Acta sanctorum'', ''Septembris'' VII (1760), p. 242-245.</ref>. Les deux premiers de ces textes existaient avant 379, puisque [[Grégoire de Nazianze]] y fait allusion<ref>Grégoire de Nazianze, ''Laudatio'' [BHG 457], ''Patrologia Graeca'', tome 35, col. 1169-1193. Grégoire confond Cyprien de Carthage et Cyprien d'Antioche, mais, à partir du chapitre IX de son Homélie (col. 1177 C), il raconte clairement l'histoire du Cyprien magicien et de Justine en suivant de près la trame de BHG 452 et de BHG 453.</ref>, et le troisième dut être rédigé entre la fin du {{s-|IV}} et le début du {{s-|V}}, puisque Eudocie († 471/472) l'exploite. Les pièces de ce cycle furent ensuite traduites en latin et dans d'autres langues. La matière en fut reprise dans le poème d'Eudocie [BHG 458-459] et passa ensuite dans maintes collections occidentales dont ''[[La Légende dorée]]'' de [[Jacques de Voragine]]. |
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Voici le résumé de la ''Conversion de Cyprien'' |
Voici le résumé de la ''Conversion de Cyprien'' [BHG 452]. La jeune Justine, issue d'une famille noble et païenne d'Antioche de Syrie, est fascinée en entendant chaque matin, de sa fenêtre, le [[diacre (christianisme)|diacre]] Praylios prêcher l'[[Évangile]], et aspire à embrasser cette religion si attirante<ref>Souvenir évident des ''Actes de Paul et Thècle'' [BHG 1710-1713], 7-8 : de sa fenêtre, Thècle entend Paul prêcher et est séduite par sa parole.</ref>. Elle s'en ouvre à ses parents, qui non seulement respectent son désir mais encore la suivent dans son choix. Sans délai, Justine et ses parents se font baptiser. Le père de Justine devient prêtre et meurt pieusement un an et demi après son ordination. Lors de ses allées et venues permanentes entre sa demeure et l'église, Justine est remarquée par le noble et riche scholasticos Aglaïdas, qui tombe aussitôt amoureux d'elle. Il la demande en mariage et est éconduit. Il tente de l'agresser mais se fait rosser par la vaillante vierge<ref>Autre imitation des |
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''Actes de Paul et Thècle'' |
''Actes de Paul et Thècle'' [BHG 1710-1713], 27 : Thècle neutralise son agresseur Alexandre.</ref>. Pour arriver à ses fins, le soupirant malheureux s'adresse alors à un magicien fameux nommé Cyprien. Celui-ci tente d'ensorceler Justine, d'abord pour servir Aglaïdas, puis pour son propre compte, car il s'est épris lui aussi de la belle jeune fille. Il invoque un ou plusieurs démons, mais comme la vierge se prémunit en faisant le [[signe de croix]], l'assaut diabolique échoue. C'est au contraire Justine qui obtient la conversion de Cyprien. |
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Passé au christianisme, l'ancien sorcier devient évêque, soit directement, soit après avoir été d'abord diacre puis prêtre. La ''Confession de Cyprien'' [BHG 453]<ref>Le texte de BHG 453 a été traduit par Pierre Grimal dans ''Romans grecs et latins''. Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1958, p. 1389-1413.</ref> est le récit autobiographique détaillé de son itinéraire religieux : le sorcier repenti y raconte ses multiples voyages et ses initiations à divers cultes et rites païens, son commerce avec le diable, son installation finale à Antioche où il devient un sorcier renommé, sa rencontre avec Aglaïdas et sa tentative manquée de séduction de Justine, jusqu'à sa renonciation à la magie (il brûle alors publiquement ses grimoires) et sa conversion au christianisme ainsi que sa pénitence. |
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Justine et Cyprien subissent le [[martyre]] en [[304]] à [[Nicomédie]] dans la [[province romaine]] de [[Bithynie et Pont]]. Ce martyre est narré dans la ''Passion'' BHG 455, aussi dépourvue d'autorité que les deux pièces précédentes du cycle cyprianique. |
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== Transmission et postérité de la légende == |
== Transmission et postérité de la légende == |
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L'histoire de Justine et Cyprien constitue le début de la première partie du poème en hexamètres de style homérique |
L'histoire de Justine et Cyprien constitue le début de la première partie du poème en hexamètres de style homérique [BHG 458-459]<ref>Texte grec dans ''Patrologia Graeca'', tome 85, col. 831-864, ou mieux éd. A. Ludwig, Leipzig, 1897, p. 24-79.</ref> de l'impératrice [[Eudoxie (épouse de Théodose II)|Eudocie]] (vers 439-471/472) consacré à Cyprien d'Antioche/Nicomédie<ref>{{Lien web|titre=Saint Cyprien : roman en vers de l'impératrice Eudocie (vers 439-471/472)(bAthénaïs|site=utqueant.org|url=http://www.utqueant.org/net/pdf/careudocie.pdf|consulté le=9 mai 2020}}.</ref>{{,}}<ref>{{Chapitre|auteur=Danièle Béranger-Auserve|titre=Cyprien, personnage romanesque dans la ''Conversion de saint Cyprien''|titre ouvrage=Les personnages du roman grec : actes du colloque de Tours (18-20 novembre 1999)|lieu=Lyon|éditeur=Maison de l'Orient et de la Méditerranée|date=2001|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/mom_0151-7015_2001_act_29_1_1400|consulté le=9 mai 2020}}.</ref>. |
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Elle est reprise en latin, dans les années 1260, par [[Jacques de Voragine]] dans sa ''[[La Légende dorée|Légende dorée]]'', sous la rubrique « de sainte Justine vierge »<ref>Jacques de Voragine, ''Legenda aurea'', cap. CXLII (137), ''De sancta Iustina uirgine'', éd. Th. Graesse, 3e éd., 1890, anast. 1969, p. 632-636. Traduction fr. : Jacques de Voragine, ''La légende dorée'', Paris, Garnier Flammarion {{ISBN|2-08-070133-9}}, t. II, {{p.|222-226}}.</ref>. |
Elle est reprise en latin, dans les années 1260, par [[Jacques de Voragine]] dans sa ''[[La Légende dorée|Légende dorée]]'', sous la rubrique « de sainte Justine vierge »<ref>Jacques de Voragine, ''Legenda aurea'', cap. CXLII (137), ''De sancta Iustina uirgine'', éd. Th. Graesse, 3e éd., 1890, anast. 1969, p. 632-636. Traduction fr. : Jacques de Voragine, ''La légende dorée'', Paris, Garnier Flammarion {{ISBN|2-08-070133-9}}, t. II, {{p.|222-226}}.</ref>. |
Version du 10 juillet 2024 à 10:44
Cyprien et Justine | |
Icônes bulgares de Cyprien et Justine. | |
Saints, martyrs | |
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Naissance | IIIe siècle Antioche, province romaine de Cœlé-Syrie |
Décès | 304 Nicomédie, province romaine de Bithynie et Pont |
Vénéré par | Église catholique, Église orthodoxe orientale, Église copte orthodoxe |
Fête | 26 septembre |
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Cyprien et Justine d'Antioche (lieu d'origine) ou Cyprien et Justine de Nicomédie (lieu du martyre) sont deux saints chrétiens étroitement associés dans l'hagiographie. Leur historicité est plus que douteuse, et leurs romanesques aventures (fortement influencées, entre autres, par les Actes de Paul et Thècle) sentent la fiction édifiante. Ils auraient subi le martyre ensemble à Nicomédie pendant la persécution de Dioclétien. Cyprien d'Antioche a été confondu à date ancienne avec Cyprien de Carthage et un sort similaire advint beaucoup plus tard à Justine, confondue avec Justine de Padoue.
Légende primitive
Trois compositions hagiographiques grecques datables des IVe et Ve siècles ont pour héros le magicien Cyprien, qui se repent, devient clerc et même évêque et finit en martyr : il s'agit de la Conversion de Cyprien, intitulée également (et plus justement) Actes [Πρᾶξις τοῦ ἀγίου Κυπριανοῦ = BHG 452][1], de la Confession de Cyprien [Μετάνοια] [BHG 453] [2] et de la Passion de Cyprien [BHG 455][3]. Les deux premiers de ces textes existaient avant 379, puisque Grégoire de Nazianze y fait allusion[4], et le troisième dut être rédigé entre la fin du IVe siècle et le début du Ve siècle, puisque Eudocie († 471/472) l'exploite. Les pièces de ce cycle furent ensuite traduites en latin et dans d'autres langues. La matière en fut reprise dans le poème d'Eudocie [BHG 458-459] et passa ensuite dans maintes collections occidentales dont La Légende dorée de Jacques de Voragine.
Voici le résumé de la Conversion de Cyprien [BHG 452]. La jeune Justine, issue d'une famille noble et païenne d'Antioche de Syrie, est fascinée en entendant chaque matin, de sa fenêtre, le diacre Praylios prêcher l'Évangile, et aspire à embrasser cette religion si attirante[5]. Elle s'en ouvre à ses parents, qui non seulement respectent son désir mais encore la suivent dans son choix. Sans délai, Justine et ses parents se font baptiser. Le père de Justine devient prêtre et meurt pieusement un an et demi après son ordination. Lors de ses allées et venues permanentes entre sa demeure et l'église, Justine est remarquée par le noble et riche scholasticos Aglaïdas, qui tombe aussitôt amoureux d'elle. Il la demande en mariage et est éconduit. Il tente de l'agresser mais se fait rosser par la vaillante vierge[6]. Pour arriver à ses fins, le soupirant malheureux s'adresse alors à un magicien fameux nommé Cyprien. Celui-ci tente d'ensorceler Justine, d'abord pour servir Aglaïdas, puis pour son propre compte, car il s'est épris lui aussi de la belle jeune fille. Il invoque un ou plusieurs démons, mais comme la vierge se prémunit en faisant le signe de croix, l'assaut diabolique échoue. C'est au contraire Justine qui obtient la conversion de Cyprien.
Passé au christianisme, l'ancien sorcier devient évêque, soit directement, soit après avoir été d'abord diacre puis prêtre. La Confession de Cyprien [BHG 453][7] est le récit autobiographique détaillé de son itinéraire religieux : le sorcier repenti y raconte ses multiples voyages et ses initiations à divers cultes et rites païens, son commerce avec le diable, son installation finale à Antioche où il devient un sorcier renommé, sa rencontre avec Aglaïdas et sa tentative manquée de séduction de Justine, jusqu'à sa renonciation à la magie (il brûle alors publiquement ses grimoires) et sa conversion au christianisme ainsi que sa pénitence.
Justine et Cyprien subissent le martyre en 304 à Nicomédie dans la province romaine de Bithynie et Pont. Ce martyre est narré dans la Passion BHG 455, aussi dépourvue d'autorité que les deux pièces précédentes du cycle cyprianique.
Transmission et postérité de la légende
L'histoire de Justine et Cyprien constitue le début de la première partie du poème en hexamètres de style homérique [BHG 458-459][8] de l'impératrice Eudocie (vers 439-471/472) consacré à Cyprien d'Antioche/Nicomédie[9],[10].
Elle est reprise en latin, dans les années 1260, par Jacques de Voragine dans sa Légende dorée, sous la rubrique « de sainte Justine vierge »[11].
Le personnage du sorcier Cyprien, surtout tel que le présentent les Actes ou Confession [BHG 453] (où le repenti décrit sa soif de connaissances interdites et son commerce avec le démon), a été, avec Simon le Magicien et aux moins deux autres personnages hagiographiques, l'une des sources d'inspiration de la figure du Faust légendaire (celui du Faustbuch de 1587 et aussi, en quelque manière, celui de Goethe).
L'histoire de Cyprien et Justice fut adaptée par le dramaturge espagnol Pedro Calderón de la Barca (1600-1681) dans son drame hagiographique intitulé El mágico prodigioso (1637).
Le martyre de Justine et Cyprien est rapporté par la mystique Maria Valtorta, dans la vision qu'elle eut le 29 mars 1944 (Les Cahiers de 1944).
Culte
Peu connu en Europe, Cyprien est aujourd'hui vénéré par les occultistes et les sorciers de la Santeria qui est une religion originaire des Caraïbes (croyance aux esprits), comme un esprit protecteur et puissant. Sa couleur symbolique est le pourpre (mauve), comme la couleur de son manteau.
Le Livre de Saint Cyprien (portugais : Livro de São Cipriano ; espagnol : Libro de San Cipriano) fait référence à différents grimoires des XVIIe siècle, XVIIIe et XIXe siècles, populaires dans le monde hispanophone et lusophone, et attribués pseudépigraphiquement à Cyprien[12].
Notes et références
- Édition : Th. Zahn (1872), p. 139-153 ; L. Radermacher (1927), p. 76-112
- Édition : Acta sanctorum, Septembris VII (1760), p. 222-241.
- Édition : Acta sanctorum, Septembris VII (1760), p. 242-245.
- Grégoire de Nazianze, Laudatio [BHG 457], Patrologia Graeca, tome 35, col. 1169-1193. Grégoire confond Cyprien de Carthage et Cyprien d'Antioche, mais, à partir du chapitre IX de son Homélie (col. 1177 C), il raconte clairement l'histoire du Cyprien magicien et de Justine en suivant de près la trame de BHG 452 et de BHG 453.
- Souvenir évident des Actes de Paul et Thècle [BHG 1710-1713], 7-8 : de sa fenêtre, Thècle entend Paul prêcher et est séduite par sa parole.
- Autre imitation des Actes de Paul et Thècle [BHG 1710-1713], 27 : Thècle neutralise son agresseur Alexandre.
- Le texte de BHG 453 a été traduit par Pierre Grimal dans Romans grecs et latins. Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1958, p. 1389-1413.
- Texte grec dans Patrologia Graeca, tome 85, col. 831-864, ou mieux éd. A. Ludwig, Leipzig, 1897, p. 24-79.
- « Saint Cyprien : roman en vers de l'impératrice Eudocie (vers 439-471/472)(bAthénaïs », sur utqueant.org (consulté le ).
- Danièle Béranger-Auserve, « Cyprien, personnage romanesque dans la Conversion de saint Cyprien », dans Les personnages du roman grec : actes du colloque de Tours (18-20 novembre 1999), Lyon, Maison de l'Orient et de la Méditerranée, (lire en ligne).
- Jacques de Voragine, Legenda aurea, cap. CXLII (137), De sancta Iustina uirgine, éd. Th. Graesse, 3e éd., 1890, anast. 1969, p. 632-636. Traduction fr. : Jacques de Voragine, La légende dorée, Paris, Garnier Flammarion (ISBN 2-08-070133-9), t. II, p. 222-226.
- (en) José Leitão, The Book of St. Cyprian - The Sorcerer's Treasure, Hadean press, (ISBN 9781907881329).
Bibliographie
Theodor Zahn, Cyprian von Antiochien und die deutsche Faustsagen. Erlangen, 1882.
Ludwig Radermacher, Griechische Quellen zur Faustsage. Der Zauberer Cyprianus. Die Erzählung des Helladius. Theophilus. Wien & Leipzig, 1927.
Liens externes
- (en) Sts. Cyprian and Justina, Gabriel Meier, Catholic Encyclopedia, Vol. 4, New York, Robert Appleton Company, 1908, New Advent
- (it) Santi Cipriano, Giustina e Tectisto Martiri, Gaia Corrao et Agostino Amore, Santi e Beati
- Sainte Justine, vierge, La Légende dorée sur bibliotheque-monastique.ch
- Les différentes saintes Justine, L'Évangile au Quotidien