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{{Article détaillé|Critique de la psychanalyse}}
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De nombreux documents sur la vie et l'œuvre de Freud, comme certains déposés à la [[Bibliothèque du Congrès]] à Washington, sont un certain temps restés inaccessibles et donc inexploités. Longtemps, la plupart des ouvrages ayant fait suite à la biographie de Freud par [[Ernest Jones]], critiquée pour des aspects [[hagiographie|hagiographiques]] qui n'enlèvent rien à leur valeur, avaient le défaut d'être au service d'une démonstration de leur auteur : il s'agissait soit de prouver que Freud était le plus grand penseur de tous les temps, soit qu'il était un charlatan. Après les critiques de [[PierreJanet|Janet]], celles du philosophe [[Popper]] puis les nouvelles recherches historiques initiée par [[Henri Ellenberger]]<ref>[[Henri Ellenberger]], ''À la découverte de l'inconscient'', SIMEP, 1974, (ISBN 2-85334-097-X), réédition ''Histoire de l'inconscient'', Fayard, 2001, 975 pages, (ISBN 2-213-61090-8)</ref> puis relayée par des autres auteurs comme [[Mikkel Borch-Jacobsen]]<ref>[[Mikkel Borch-Jacobsen]] & Sonu Shamdasani, ''Le dossier Freud. Enquête sur l'histoire de la psychanalyse'', Les Empêcheurs de penser en rond, 2006, 440 pages, (ISBN 2-84671-132-1)</ref>, a finalement conduit à revoir l'histoire et la portée de l'œuvre de Freud. Ce ce dernier n'en reste pas moins un des esprits les plus marquants et influents du {{XXe siècle}}.
De nombreux documents sur la vie et l'œuvre de Freud, comme certains déposés à la [[Bibliothèque du Congrès]] à Washington, sont un certain temps restés inaccessibles et donc inexploités. Longtemps, la plupart des ouvrages ayant fait suite à la biographie de Freud par [[Ernest Jones]], critiquée pour des aspects [[hagiographie|hagiographiques]] qui n'enlèvent rien à leur valeur, avaient le défaut d'être au service d'une démonstration de leur auteur : il s'agissait soit de prouver que Freud était le plus grand penseur de tous les temps, soit qu'il était un charlatan. Après les critiques de [[PierreJanet|Janet]], celles du philosophe [[Popper]] puis les nouvelles recherches historiques initiée par [[Henri Ellenberger]]<ref>[[Henri Ellenberger]], ''À la découverte de l'inconscient'', SIMEP, 1974, (ISBN 2-85334-097-X), réédition ''Histoire de l'inconscient'', Fayard, 2001, 975 pages, (ISBN 2-213-61090-8)</ref> puis relayée par des autres auteurs comme [[Mikkel Borch-Jacobsen]]<ref>[[Mikkel Borch-Jacobsen]] & Sonu Shamdasani, ''Le dossier Freud. Enquête sur l'histoire de la psychanalyse'', Les Empêcheurs de penser en rond, 2006, 440 pages, (ISBN 2-84671-132-1)</ref>, a finalement conduit à revoir l'histoire et la portée de l'œuvre de Freud. Ce dernier n'en reste pas moins un des esprits les plus marquants et influents du {{XXe siècle}}.


Les critiques de Freud, à son époque comme aujourd'hui, mettent en cause la scientificité de sa démarche : son manque de rigueur méthodologique (auto-analyse, absence de validation expérimentale par un faible nombre de cas et une absence d'études cliniques), l'aspect spéculatif des théories psychanalytiques.
Les critiques de Freud, à son époque comme aujourd'hui, mettent en cause la scientificité de sa démarche : son manque de rigueur méthodologique (auto-analyse, absence de validation expérimentale par un faible nombre de cas et une absence d'études cliniques), l'aspect spéculatif des théories psychanalytiques.

Version du 28 février 2010 à 18:45

Modèle:Infobox Psychologue Sigmund Freud (né Sigismund Schlomo Freud le à Freiberg, Moravie, Autriche [aujourd'hui Příbor, République tchèque] et mort le à Londres) est un médecin neurologiste, fondateur de la psychanalyse.

Paul Ricœur le situe aux côtés de Karl Marx et de Friedrich Nietzsche comme l'un des trois grands « maîtres du soupçon »[1], qui ont induit le doute dans la conception philosophique classique du sujet (Descartes, Kant, etc.). Outre les psychanalystes (fidèles à Freud comme Karl Abraham, Sándor Ferenczi ; les innovateurs comme Melanie Klein, Jacques Lacan ; les dissidents comme Wilhelm Reich), son influence se fait aussi sentir sur l'ethnologie (Géza Róheim, l'ethnopsychanalyse), l'anthropologie et les sciences juridiques (Pierre Legendre) le marxisme (les tentatives de freudo-marxisme, Herbert Marcuse), les sciences politiques, la philosophie (Deleuze, Derrida), et même sur l'art (le surréalisme, André Breton[2], la « méthode paranoïaque-critique » de Salvador Dali, etc.).

L'histoire de sa vie, celle de la création de la psychanalyse et de ses postérités sont et ont été largemment débattues et ont fait l'objet de mults polémiques comme nous le verrons plus bas dans la partie "critique".

Enfance et études

Fichier:FGSchweden.jpeg
Freiberg, ville natale de Freud.

Sigmund Freud naît le 6 mai 1856 à Freiberg en Moravie. Troisième fils de Jakob Freud, modeste négociant, il est le premier enfant de son dernier mariage[3]. Après quelques déménagements, la famille Freud s'installe dans le quartier juif de Vienne, ancien ghetto de la ville[4]. Brillant élève, premier de sa classe pendant ses sept dernières années de scolarité (collège et lycée)[5], il hésite quant aux études qu'il doit faire entre le droit, la médecine et la philosophie. Ayant choisi la médecine, il mettra du temps à terminer ses études : il en profitera pour assister aux cours de Franz Brentano[6], travailler dans le laboratoire de Carl Claus d'abord et d'Ernst Brücke ensuite. Il est docteur en médecine en 1881, et Brücke lui conseille de commencer à pratiquer en hôpital pour se faire une situation. Freud se fiance en juin 1882, et étant assez pauvre, doit penser à son avenir plus qu'au plaisir de la recherche en laboratoire.

Déroulement des travaux de Freud

Freud a très tôt le projet général de constituer une psychologie scientifique à partir de trois principes de fonctionnements psychiques (« dynamique, topique, économie», selon ses termes). Il poursuit cet objectif jusqu’à la fin de sa vie, et dans la dernière période, il élargit son propos aux conséquences d’une telle vision de la psychologie dans le champ de l’anthropologie.

À plusieurs reprises, il va donc élaborer des modèles (au sens moderne) de l’appareil psychique et les confronter à sa pratique thérapeutique, incessante pendant plus de cinquante ans.

1883-1893 : de l'hypnose à la méthode cathartique

Jeune médecin, jeune neurologue, jeune chercheur et jeune psychiatre (avant la lettre), Freud se trouve confronté à une énigme scientifique. Le champ des névroses commence à être distingué du champ des maladies avec lésions et de la simulation : il existe des troubles fonctionnels sans lésion, provoquant une réelle douleur psychique pour le patient.

Quelle est l’origine de ces troubles névrotiques, et du plus exemplaire d’entre eux, le plus spectaculaire aussi, l’hystérie ? Freud connaissant l’anatomie et la physiologie cérébrales, saines ou pathologiques, ou même soumises à des toxiques (la cocaïne par exemple), se tourne vers Charcot puis Hippolyte Bernheim, membre avec Ambroise Liébeault de l'école de Nancy, pour comprendre le cas d’Anna O., dont il a eu connaissance par son maître Joseph Breuer (psychiatre), ainsi que du traitement que celui-ci avait engagé, et dont les explications ne satisfont pas Freud.

À Paris, Charcot et ses disciples de l'École de la Salpêtrière disent que l’hystérie a souvent à voir avec le sexuel ou le génital (origine supposée et discutée depuis Hippocrate, utérus donnant l’étymologie d’hystérie). Ainsi, dès 1881, Paul Richer explique que la crise hystérique reproduit souvent un traumatisme psychique, notamment d'ordre sexuel[7]. Par quel processus la sexualité peut-elle conduire à l’hystérie, d’autant que l’on sait depuis Charcot que l’hystérie masculine existe aussi (cf. conférence de Freud en 1886) ?

L’hypnose permet à Charcot de démontrer que les troubles hystériques ne sont pas lésionnels, puisqu'ils disparaissent sous hypnose. Bernheim essaye d’utiliser celle-ci pour soigner, en énonçant que l’hystérie est un trouble psychologique. Pourtant, l’hypnose n’est pas toujours efficace et les théories (mal dégagées du mesmérisme) n’expliquent pas son fonctionnement. Hippolyte Bernheim théorise la suggestion comme explication de l’origine du trouble et comme moyen thérapeutique. Freud conduit une de ses patientes Emmy von N. chez Bernheim pour traiter son hystérie : c'est un échec, confirmé par la patiente, qui demande à Freud de cesser toute hypnose et toute suggestion, mais de l’écouter.

Le cas d'Emmy von N. permet à Freud de poser, d'une part, l’hypothèse que l’hystérie est la conséquence d’un traumatisme sexuel subi pendant l’enfance et, d’autre part, qu'en faciliter l’évocation consciente permet de guérir les symptômes hystériques. Aucun des prédécesseurs de Freud n’avait émis cette hypothèse et n’en avait tiré une pratique thérapeutique reproductible, sans hypnose, sans suggestion, par l’évocation des traumatismes sexuels infantiles grâce à la parole et à la mise en conscience.

Freud fondait du même coup un champ d’étude psychologique sur une réalité psychique dégagée de la neurologie (aux causes héréditaires ou de dégénérescences, Joseph Babinski renommera l’hystérie en pithiatisme pour l’exclure du champ scientifique de la neurologie, mais en la rejetant ainsi vers la simulation) ou de la psycho-philosophie de Pierre Janet.

1893-1905 : l'invention de la psychanalyse

Les thérapies engagées par Freud sur la base de ces hypothèses le conduisent à découvrir que tous ses patients n’ont pas subi de réels traumatismes sexuels dans leur enfance : ils évoquent des « fantasmes », ils racontent un roman familial, auxquels ils croient. Simultanément, il découvre que certains patients ne « souhaitent » pas vraiment guérir. Ils résistent et transposent des sentiments anciens vers leur thérapeute : c’est ce que Freud appellera le transfert. Freud crée alors le terme de psychanalyse pour désigner tout son champ de pratiques thérapeutiques et d’études théoriques.

Freud se lance alors dans la description d’un appareil psychique qui, par son fonctionnement, peut rendre compte de ces faits. L’inconscient apparaît alors comme la racine commune à ces phénomènes. Le préconscient joue le rôle d'interface entre conscient et inconscient. Il permet aux événements inconscients de venir à la conscience – par le travail thérapeutique, mais également au travers des rêves et de leur interprétation (« voie royale » pour accéder à l'inconscient), des lapsus, actes manqués, jeux de mots, etc. – ou d'être refoulés dans l’inconscient et produire des effets, à longs termes parfois, sous forme de symptômes.

La vie mentale prend ainsi une forme plus complète où Freud articule le dualisme des pulsions sexuelles, qui tendent à la conservation de l’espèce, et des pulsions du moi, qui tendent à la conservation de l’individu. L’appareil psychique a pour fonction la réduction des tensions (concept d’économie de l’énergie psychique, que Freud utilise régulièrement), en particulier celles qui sont déplaisantes (par décharge ou par refoulement dans un processus de défense). Le conscient n’est plus qu’une partie de cet appareil psychique dont la partie inconsciente, les tendances refoulées, se fraye un chemin dans les rêves ou les symptômes de la névrose.

La source profonde des névroses est à trouver dans cette configuration que traverse tout enfant au cours de son développement psychique, la situation œdipienne (attirance pour le parent de sexe opposé et hostilité pour le parent de même sexe). Le conflit œdipien est plus ou moins dépassé au cours du développement de l'enfant. S'il ne l'est pas, il va perdurer sous forme de complexe, le complexe d’Œdipe. Freud pense cette situation universelle ou quasiment. Durant cette période, Freud se sert de son « autoanalyse » pour approfondir les rapports entre souvenirs d’enfance, rêves et troubles névrotiques.

Freud parlera de la psychanalyse pour la première fois publiquement en 1904, à une chaire universitaire américaine. En témoignage de reconnaissance, il y déclarera que le mérite de l'invention de la psychanalyse revenait à Joseph Breuer. Plus tard, il précisera que, bien qu'il soit lui-même réellement l'inventeur de la psychanalyse, il considérait que le « procédé cathartique » de Breuer constituait une phase préliminaire à son invention.

Cette période se conclut par la publication des Trois essais sur la théorie sexuelle (1905) qui rassemblent les hypothèses de Freud sur la place de la sexualité et son devenir dans le développement de la personnalité, et par le Cas Dora, qui introduit de manière détaillée et illustre le concept de transfert. Ce transfert, par lequel le patient crée une névrose (la névrose de transfert) dans la relation établie avec son thérapeute, en quelque sorte « expérimentale », est à analyser. En analysant cette névrose, les origines de la névrose initiale se trouvent dévoilées, voire les causes dénouées.

Les premières publications de Freud sont utilisées par des médecins germanophones pour développer leurs pratiques thérapeutiques. Ceux-ci entrent en relation avec Freud et engagent avec lui de longs échanges critiques sur les résultats pratiques et les hypothèses à explorer. C’est le début de la psychanalyse en tant que mouvement.

1905-1920 : l'institution psychanalytique

À partir de ces hypothèses considérablement enrichies et structurées, Freud s’interroge pendant toute cette période sur la pratique de la cure, ses indications, sa conduite, ses limites, sa fin et sur les conduites de l’enseignement et de la formation des psychanalystes.

Il publie des articles, par exemple À propos de la psychanalyse dite sauvage, où il critique les médecins qui s’autorisent une pratique psychanalytique sans avoir expérimenté par eux-mêmes le parcours d’une cure. Il défend aussi l’idée que des non médecins, formés à la psychanalyse, pourraient assurer des cures. A ce sujet, Freud parle de psychanalyse « laïque » ou « profane ».

La « direction » des revues et des travaux théoriques, des séminaires, va l’occuper considérablement dans cette période, d’autant que parmi ceux qui travaillent avec lui, certains sont en rivalité personnelle, d’autres font des innovations théoriques ou pratiques que Freud n’admet pas, mais les débats restent ouverts car il n’a pas de réel pouvoir d’interdiction. Jung, Adler, Ferenczi, Rank, Tausk et d’autres vont ainsi à la fois apporter des contributions de valeur, des critiques pertinentes et des inflexions que Freud va discuter pied à pied, d’où qu’elles viennent. Il intégrera, en cohérence avec ses théories, certaines d’entre elles dans ses hypothèses, des années après. Ainsi, il refuse la mise en avant de l’agressivité par Adler, car il considère que cette introduction se fait au prix de la réduction de l’importance de la sexualité. Il refuse également la mise en avant de l’inconscient collectif au détriment des pulsions du moi et de l’inconscient individuel, et la non-exclusivité des pulsions sexuelles dans la libido que propose Jung.

Freud publie de nombreux ouvrages de synthèse, donne des leçons qu’il publie ensuite, et fait des conférences dans divers pays où il est accueilli de manières très diverses.

En 1915, il se lance dans la rédaction d’une nouvelle description de l’appareil psychique dont il ne conservera que quelques chapitres. Ce qu’il prépare est en fait une nouvelle conception de l’appareil psychique : en 1920, il commence à rédiger Au-delà du principe de plaisir qui introduit les pulsions agressives, nécessaires pour expliquer certains conflits intrapsychiques.

1920-1939 : extension de la psychanalyse

Cette période débute par l’élaboration de ce qui a été appelé la seconde topique, composée du Moi, du Ça et du Surmoi. La seconde topique se superpose à la première (inconscient, préconscient, conscient).

Le développement de la personnalité et la dynamique des conflits sont alors interprétés en tant que défenses du Moi contre des pulsions et des affects, plutôt que comme conflits de pulsions (les pulsions en cause sont les pulsions de mort).

L’ambivalence et la rage étaient perçues dans la première topique comme consécutive de la frustration et subordonnées à la sexualité. Cette nouvelle conception évoque la lutte active qui se déroule entre les pulsions de vie (sexualité, libido, éros) et les pulsions de mort et d’agression (que d'autres analystes ont appelé thanatos). Plus fondamentales que les pulsions de vie, les pulsions de mort tendent à la réduction des tensions (retour à l’inorganique, répétition qui atténue la tension) et ne sont perceptibles que par leur projection au-dehors (paranoïa), leur fusion avec les pulsions libidinales (sadisme, masochisme) ou leur retournement contre le Moi (mélancolie). Encore une fois, Freud défend une vision duelle de l'esprit [8].

La censure qui provoquait le refoulement dans la première topique agit de manière inconsciente. L’inconscient n’est donc pas composé uniquement de refoulé.

Cette seconde topique induit des conséquences importantes sur la pratique de la cure : l’interprétation des conflits, qui ne sont pas des conflits actuels, ne sont pas non plus des conflits de pulsions, mais des défenses du Moi contre des pulsions ou des affects. Les pulsions sont des pulsions sexuelles et des pulsions agressives. Cette conception de la psychanalyse est beaucoup plus riche et complexe que sa réduction au pansexualisme.

Dans les dernières années de sa vie, Freud a essayé d’extrapoler les concepts psychanalytiques à la compréhension de l’anthropologie. Il avait déjà rédigé un certain nombre de textes dans ce sens, en particulier sur la religion comme illusion ou névrose.

Son existence, avec tous les drames qui l’ont atteint, n’est probablement pas étrangère au pessimisme foncier qui se dégage de son œuvre. C’est la partie la plus « risquée » de son travail et celle où les soubassements philosophiques de sa pensée émergent le plus (biologisme en dernier recours parfois, visions politiques qui sont des « projections » de la dynamique individuelle sur la société, etc.).

Les conceptions freudiennes

Résumé des principaux concepts freudiens

Le conscient et l'inconscient

L'appareil psychique selon les deux topiques. On remarque que, contrairement aux idées reçues, le moi ne relève pas que de la conscience.

Freud introduit une conception tout à fait neuve de l'inconscient. En effet, depuis longtemps, on avait remarqué que certains phénomènes échappent à la conscience : Leibniz[9] observait déjà que lorsque l'on passe quelque temps près d'une cascade, on est d'abord gêné par le bruit pour l'oublier ensuite tout à fait. Les phénomènes d'ivresse ou de transe donnaient eux aussi des exemples d'abolition de la conscience. L'inconscient qu'introduit Freud n'est pas simplement ce qui ne relève pas de la conscience. Par inconscient, Freud entend à la fois un certain nombre de données, d'informations, de vœux tenus hors de la conscience, mais il entend aussi l'ensemble des processus qui empêchent certaines données de parvenir à la conscience, et permettent aux autres d'y accéder, comme le refoulement, le principe de réalité, le principe de plaisir, la pulsion de mort. Ainsi, Freud pose l'inconscient comme origine de la plupart des phénomènes conscients eux-mêmes.

Les trois instances de l’appareil psychique

Dans la seconde topique[10]proposée par Freud, notre comportement est le résultat d’une subtile équation entre trois instances distinctes :

  • Le Ça : présent dès la naissance, il s’agit de manifestations somatiques[11] (agressives, sexuelles ; aspect instinctif et animal). Si le Ça est inaccessible à la conscience, les symptômes de maladie psychique et les rêves permettent d’en avoir un aperçu. Le Ça obéit au principe de plaisir et recherche la satisfaction immédiate. Il s'agit d'une sorte de marmite où bouillonnent tous nos vœux refoulés, soit nos pulsions de vie et de mort.
  • Le Moi : le Moi est en grande partie conscient, il est le reflet de ce que nous sommes en société, il cherche à éviter les tensions trop fortes du monde extérieur, à éviter les souffrances, grâce, notamment, aux mécanismes de défense (refoulement, régression, rationalisation, etc.) se trouvant dans la partie inconsciente de cette instance. Le Moi est l’entité qui rend la vie sociale possible. Il suit le principe de réalité.
  • Le Surmoi : depuis la naissance jusqu'à cinq ans, l’enfant hérite de l’instance parentale, groupale et sociale, il emmagasine quantité de règles de savoir-vivre à respecter. Le Surmoi se développe lorsque le complexe d'Œdipe est résolu. Du fait des pressions sociales, en intériorisant les règles morales ou culturelles de ses parents et du groupe, l’enfant, puis l'adulte pratiquent le refoulement. En effet, le Surmoi punit le Moi pour ses écarts par le truchement du remords et de la culpabilité. Il apparaît donc, comme un "policier" interne.

Les rêves

Selon Freud, son travail sur les rêves est le plus important de tous, celui qui devrait survivre à tout. Il écrivait que l'interprétation des rêves est la voie royale qui mène à l'inconscient. Il s'est ouvert à Wilhelm Fliess d'un vœu, celui d'une plaque posée sur sa maison et qui dise :

C'est dans cette maison que le 24 juillet 1895 le mystère du rêve fut révélé au Dr Sigmund Freud.

Cette plaque figure actuellement devant le 19 Berggasse à Vienne. La date correspond à l'un de ses rêves, celui de "l'injection faite à Irma".

Pour Freud, les rêves seraient des représentations de vœux (désirs) refoulés dans l’inconscient par la censure interne (le surmoi de sa seconde topique). Les désirs se manifesteraient dans le rêve de manière moins réprimée qu'à l'état de veille. Le contenu manifeste du rêve est le résultat d'un travail intrapsychique qui vise à masquer le contenu latent, par exemple un désir œdipien. En cure de psychanalyse, le travail repose sur l'interprétation à partir du récit (contenu manifeste) du rêve. Les associations du patient sur son rêve permettent de révéler son contenu latent.

Le travail du rêve reposerait sur quatre procédés :

- Le rêve condense, comme s'il obéissait à un principe d'économie. En une seule représentation seront concentrées plusieurs idées, plusieurs images, parfois des désirs contradictoires.
- Le rêve est décentré, le désir déformé sera fixé sur un autre objet que celui qu'il vise, ou sur de multiples objets jusqu'à l'éparpillement, le rêve dilue parfois. Il y a un déplacement de l'accent affectif.
- Le rêve est une illustration (figuration) du désir en ce qu'il ne l'exprime, ni en mots, ni en actes, mais en images ; ici joue le symbole : la représentation substitutive de l'objet et du but du désir est parfois typique et d'usage universel.
- Enfin, le rêve est aussi le produit d'une activité également inconsciente, mais très proche de l'activité vigile en ce qu'elle s'efforce de lui donner une apparence de vraisemblance, d'organisation, de logique interne. C'est l'élaboration secondaire.[12]

Les pulsions

Les pulsions prennent leur source dans une excitation corporelle. Au contraire d'un stimulus, la pulsion ne peut être évitée ou fuie. Elle demande à être déchargée dans le conscient. Il existe plusieurs moyens de décharger une pulsion : le rêve, le fantasme et la sublimation. Une pulsion qui n'est pas déchargée est refoulée. Freud distingue deux principaux types de pulsions : la pulsion de vie (éros) et la pulsion de mort (thanatos).

Éros représente l’amour, le désir et la relation, tandis que Thanatos représente la mort, les pulsions destructrices et agressives. Thanatos tend à détruire tout ce qu’Éros construit (la perpétuation de l’espèce par exemple). Le masochisme en est un exemple typique.

Le complexe d’Œdipe

Pour Freud, la structure de la personnalité se crée en rapport avec le complexe d’Œdipe et la fonction paternelle. Le complexe d’Œdipe intervient au moment du stade dit "phallique". Cette période se termine par l’association entre la recherche du plaisir et une personne extérieure, la mère. Le père devient le rival de l’enfant ; ce dernier craint d’être puni, en conséquence de son désir pour la mère, par la castration par le père. L’enfant refoule donc ses désirs et alimente son Surmoi, avec la naissance en lui de la culpabilité et de la pudeur, entre autres.

Les cinq stades du développement psychoaffectif

  • Le stade oral (de la naissance à environ 6 mois) : durant cette période, la zone érogène privilégiée est la bouche, notamment à travers l'action de l'allaitement. Le bébé prend plaisir à téter le sein de la mère ; puis à sucer son pouce. Il découvre le plaisir de manger et - imaginairement - "d'être mangé".
  • Le stade anal (de 18 mois à 3 ans) : l'enfant se focalise sur la région anale et rectale, le plaisir est généré par le fait de retenir les matières fécales (rétention) ou de les expulser (défécation). C'est aussi à ce moment que l'enfant entre en opposition avec son entourage. (Du fait de l'affirmation de son agressivité, Karl Abraham a donné à ce stade le nom de stade "sadique-anal".)
  • Le stade phallique (de 3 ans à environ 7-8 ans) : voir complexe d'Œdipe ci-dessus.
  • Le stade (ou période) de latence (d'environ 7-8 ans à la puberté) : période calme, de grande pudeur et de désintérêt pour la sexualité, durant laquelle l'enfant accorde beaucoup d'importance aux apprentissages intellectuels et à la socialisation.
  • Le stade génital (de la puberté à l'âge adulte) : l'intérêt pour la sexualité, pour la vie affective en général, donc pour la rencontre avec l'autre, prend une place centrale dans l'économie psychique du sujet, qui se consacre à "aimer et travailler".

Les trois blessures narcissiques

Freud constatait que l'humanité avait déjà subi deux "blessures narcissiques" du fait de la recherche scientifique : Nicolas Copernic montre qu'elle n'est pas au centre de l'univers, et Charles Darwin qu'elle est issue d'une branche du règne animal. Freud estimait que la psychanalyse apporte un troisième démenti en montrant que l'homme n'est pas véritablement maître de ses agissements, du fait de l'existence de l'inconscient : "le Moi n'est pas maître dans sa maison".

La cure psychanalytique

Culture, nature et interactions

La culture désigne les pensées, la raison, le langage, les sciences, les religions, les arts, tout ce qui a été créé par l'être humain.

La nature correspond aux émotions, aux instincts, pulsions et besoins.

L’être humain lutte en permanence contre sa nature instinctuelle et ses pulsions, qu'il tente de réfréner afin de vivre en société, sans quoi l’égoïsme universel amènerait le chaos. Plus le niveau de la société est élevé, plus les sacrifices de ses individus sont importants. Par les règles claires qu’elle lui impose, la culture protège l'individu, même si elle exige des renoncements pulsionnels conséquents. Cela peut expliquer qu’il existe une rage et un rejet – souvent inconscients – vis-à-vis de la culture. En contrepartie, la culture offre des dédommagements aux contraintes et sacrifices qu'elle impose, à travers la consommation, le divertissement, le patriotisme…

Les fonctions de la religion

Freud est critique vis-à-vis de la religion et estime que l’Homme y perd plus qu’il n’y gagne par la fuite qu’elle propose. Selon lui, l’humanité doit accepter que la religion n’est qu’une illusion pour quitter son état d’infantilisme, et rapproche ce phénomène de l’enfant qui doit résoudre son complexe d’Œdipe.

« … Envisageons la genèse psychique des représentations religieuses. Ces idées, qui professent d’être des dogmes, ne sont pas le résidu de l’expérience ou le résultat final de la réflexion : elles sont des illusions, la réalisation des désirs les plus anciens, les plus forts, les plus pressants de l’humanité ; le secret de leur force est la force de ces désirs. Nous le savons déjà : l’impression terrifiante de la détresse infantile avait éveillé le besoin d’être protégé – protégé en étant aimé – besoin auquel le père a satisfait ; la reconnaissance du fait que cette détresse dure toute la vie a fait que l’homme s’est cramponné à un père, à un père cette fois plus puissant. L’angoisse humaine en face des dangers de la vie s’apaise à la pensée du règne bienveillant de la Providence divine, l’institution d’un ordre moral de l’univers assure la réalisation des exigences de la justice, si souvent demeurées irréalisées dans les civilisations humaines, et la prolongation de l’existence terrestre par une vie future fournit les cadres de temps et de lieu où ces désirs se réaliseront. » [13]

Néanmoins, Freud reconnaît que son point de vue a une limite : il existerait un noyau de vérité dans les religions, les superstitions et ce qu'il nomme l'occultisme. Freud élabora des expériences de télépathie (en particulier avec les premiers psychanalystes Jung et Ferenczi) et écrivit plusieurs articles sur cette question.[réf. nécessaire] Il fut longtemps membre des Sociétés anglaises et grecques pour la Recherche Psychique. [14].

Freud et la cocaïne

On venait de découvrir l'alcaloïde la plante de coca dont Freud a été le premier à chercher des applications thérapeutiques vers la fin du XIXe siècle. Les laboratoires Merck lui en avaient confié à fin d'expérimentation en 1884. Avant de créer la psychanalyse, il avait étudié ce produit et pensé pouvoir lui prêter toutes sortes d'indications médicales avant que la cocaïne ne révèle comme la dangereuse drogue dont on connaît les ravages aujourd'hui. Il l'avait épisodiquement essayé sur lui-même entre 1884 et 1887 et avait rédigé un texte: [15], [16].

C'est notamment après la dramatique cure que Freud avait suggéré à son ami Ernest von Fleischl-Marxrow qu'il commença à douter et à revenir à des positions qui - aujourd'hui - passent pour plus réalistes. L'épisode est raconté en détail par Ernest Jones dans sa monumentale biographie de Freud. Voulant le soulager des souffrances d'une addiction à la morphine contracté après une amputation du pouce, il avait proposé de la remplacer par de la cocaïne. Comme on peut aujourd'hui aisément l'imaginer, une toxicomanie en avait ainsi remplacé une autre et finalement von Fleischl s'est suicidé [17]. Il est vrai que von Fleischl s'était mis à en consommer des quantités énormes, se ruinant, etc. Entre temps, les moments d'enthousiasme thérapeutique de Freud pour la cocaïne commençaient à faire débat au sein de la communauté médicale qui anticipait les dangers que Freud avait probablement négligés. Des toxicomanies à la cocaïne s'étaient déclarées dans d'autres pays, en Allemagne ou un autre médecin le Dr Wallé en vantait sans prudence les mérites. Dans un article datant de 1886, un autre médecin le Dr Erlenmeyer écrivit un article où il mettait en garde la communauté en termes précis, il parla du troisième fléau de l'humanité. Il y vante les qualités littéraires de Freud dans son essai sur la coca mais ajoute . L'auteur recommande sans réserve l'emploi de la cocaïne dans le traitement du morphinisme... Face aux critiques devenues de plus en plus nombreuses, c'est Arthur Schnitzler qui "rompit alors une lance" pour défendre Freud [18]. Freud s'est lui notamment défendu en affirmant que la cocaïne ne produisait pas d'accoutumance et même si cet argument ne convainquit pas grand monde, il est cocasse de noter qu'il est encore souvent utilisé aujourd'hui lorsqu'on opère une distinction entre "dépendance physique" et "dépendance psychique". Il affirmait que c'était le sujet qui était prédisposé et pas la drogue qui entraînait la toxicomanie...

Freud était par contre passé de justesse à côté de la découverte des propriétés anesthésiantes locale de cette drogue qu'un confrère et ami, Carl Koller, a pu mettre en évidence. Cet épisode est à prendre avec le recul historique nécessaire mais il a permis à certains d'y chercher de nouvelles raisons de ternir la réputation du créateur de la psychanalyse. En fait on connaissait bien une addiction de Freud, c'était celle du cigare auquel il n'arrivait pas à se résoudre à renoncer. On saiut aussi par son médecin personnel qu'il refusait de prendre des opiacés lorsque pourtant ses douleurs à la mâchoire l'auraient largement justifiés [19], [20], [21].

Freud face à l'antisémitisme

Le rôle de l'antisémitisme dans la vie et la carrière de Freud a été discuté sous plusieurs angles. Le parcours des juifs dans l'Empire, leur accès ou non selon les époques à la fonction de médecin et à celle d'un poste à responsabilité, notamment en politique et à l'Université. Vienne avant Freud, la Galicie d'où il avait émigré avec sa famille, etc. sont des éléments indissociables de l'histoire de l'antisémitisme en Europe est un sujet qui ne relève pas de l'opinion d'auteurs isolés, partisans et/ou adversaires de la psychanalyse. Ce qu'il y a de sûr et certain, c'est que l'antisémitisme existait à Vienne avant la venue de Freud dans cette ville, qu'il a connu des hauts et des bas et qu'il a été déterminant dans la fin de sa vie et notamment celle de ses quatre soeurs qui sont mortes en camps. En 1933, les oeuvres de Freud ont été brûlées par les nazis du fait qu'ils les voyaient comme exposant une "science juive" "contre l'esprit allemand" (autodafé). Ceci s'est passé quelques années avant l'invasion de l'Autriche par l'Allemagne.

De nombreux psychanalystes ont dû cesser leur pratique, émigrer ou ont été tués et/ou envoyés dans des camps de concentration parce qu'ils étaient juifs. La ségrégation s'est d'abord passée en Hongrie sous le régime fasciste, en Allemagne dès les années vingt puis en Autriche sans parler des pogroms en Russie tzariste. Dès lors, la plupart de ceux qui ont survécus ont émigrés en Grande-Bretagne, en France, en Amérique du Sud et aux USA sans parler de ceux qui, commeMax Eitingon ont émigrés en Palestine bien avant la création de l'état d'Israël. Il est dès lors difficile d'affirmer, comme le font certains, que Freud n'a pas subi d'antisémitisme avant son exil forcé. L'Europe était enflammée par ce phénomène depuis des lustres et pas plus les médecins de Vienne, que ceux de Berlin ou de Budapest n'ont pu y échapper totalement malgré quelques périodes d'accalmie provisoires.

Reste la question de savoir comment ce "fond" antisémite a joué ou pas dans la carrière de Freud et se ce dernier aurait pu utiliser cet argument pour justifier des déboires dans des nominations comme il est devenu maintenant coutumier de le dire. Le médecin et historien autodidacte proche de Carl Gustav Jung, Henri Ellenberger [22] a fait une étude très documentée sur la situation des juifs dans l'ensemble de la région et a - entre autres - pu affirmer que Freud avait exagéré l'impact du fait qu'il était juif dans sa non-nomination à un poste universitaire de Professeur extraordinaire. Il argumente sa thèse de manière documentée [23] mais pour d'autres historiens, et bien qu'Ellenberger n'a jamais il n'ait été soupçonné ou accusé d'antisémitisme (à la différence de Jung),- considèrent qu'il a minimisé le phénomène à Vienne [24]. Il n'est donc pas prouvé que, pour l'exemple cité par lui, il ait eu raison ou tort, en partie ou totalement.

Un exemple parmi mille autres permet d'illustrer la haine qui animait certains envers les juifs, Freud et la psychanalyse. Il s'agit d'extraits d'un texte de 1933 d'un médecin, le Prof. Martin Staemmler de Chemnitz [25] qui a écrit ce qui suit dans la Revue de sexologie. Le titre de l'article est Le judaïsme dans la médecine (Das Judentum in der Medissin). Il résume d'abord la place des médecins dans la médecine de l'antiquité et du moyen-âge : (...) Tantôt le Talmud interdit au malade de consulter les médecins (parce qu'on considère la maladie comme envoyée par Dieu) tantôt il est prescrit de ne pas habiter dans une ville qui n'aurait pas de médecin). (...)Au moyen-âge, les médecins juifs se rencontrèrent tout d'abord principalement dans le milieu arabe. (..)Pour autant que l'on sache, ils n'ont guère eu d'activité scientifique qui leur fût propre. Ils s'entendaient comme toujours, à emprunter et à répandre le patrimoine scientifique des autres, etc. Plus loin, après avoir cité un médecin, Goldmann qui en 1916 déplorait l'influence des juifs sur le peuple alllemand, il déplore à son tour que 80% des médecins à Vienne, 52 % de Berlin et 27% à Cologne, etc. sont juifs, il ne peut manquer que l'esprit juif, la manière juive de penser et de sentir s'étendent de plus en plus au sein de la condition médicale. Il est plus préoccupant encore que les Facultés de Médecine des universités connaissent un degré critique de judaïsation. Quelques longs paragraphes du même esprit plus loins : La psychanalyse freudienne constitue un exemple typique de la dysharmonie interne de la vie de l'âme entre Juifs et Allemands. (..) Et lorsque on va encore plus loin et que l'on fait entrer dans la sphère sexuelle chaque mouvement de l'esprit et chaque inconduite de l'enfant, lorsque que comme l'écrivait le pédiatre de Chemnitz, Oxenius, l'être humain n'est pour le psychanalyste plus rien d'autre qu'un organe sexuel autour duquel le corps végète, alors nous devons avoir le courage de refuser ces interpétations de l'âme allemande et de dire à ces Messieurs de l'entourage de Freud qu'ils n'ont qu'à faire leurs expérimentations psychologiques sur un matériel humain (sic) qui appartienne à leur race. [26]

Postérité et critiques

Plaque commémorative de Sigmund Freud.

Critiques envers Freud

De nombreux documents sur la vie et l'œuvre de Freud, comme certains déposés à la Bibliothèque du Congrès à Washington, sont un certain temps restés inaccessibles et donc inexploités. Longtemps, la plupart des ouvrages ayant fait suite à la biographie de Freud par Ernest Jones, critiquée pour des aspects hagiographiques qui n'enlèvent rien à leur valeur, avaient le défaut d'être au service d'une démonstration de leur auteur : il s'agissait soit de prouver que Freud était le plus grand penseur de tous les temps, soit qu'il était un charlatan. Après les critiques de Janet, celles du philosophe Popper puis les nouvelles recherches historiques initiée par Henri Ellenberger[27] puis relayée par des autres auteurs comme Mikkel Borch-Jacobsen[28], a finalement conduit à revoir l'histoire et la portée de l'œuvre de Freud. Ce dernier n'en reste pas moins un des esprits les plus marquants et influents du XXe siècle.

Les critiques de Freud, à son époque comme aujourd'hui, mettent en cause la scientificité de sa démarche : son manque de rigueur méthodologique (auto-analyse, absence de validation expérimentale par un faible nombre de cas et une absence d'études cliniques), l'aspect spéculatif des théories psychanalytiques.


Certains de ces points ont fait partie des controverses appelées les « Freud Wars ».

L’influence du freudisme et du mouvement psychanalytique

[29]


Avec l'inconscient, Freud a permis une nouvelle compréhension des névroses et, au-delà, de l'âme humaine. Les travaux historiques d'Ernest Jones et, plus récemment, d'Henri F. Ellenberger rappellent que le concept d'inconscient est antérieur à Freud, mais précisent que ce dernier est un précurseur par sa manière de théoriser l'inconscient, dans sa première topique puis seconde topique[30]. Le mouvement psychanalytique s'est développé. En 1967, les psychanalystes de la « troisième génération » Jean Laplanche et Jean-Bertrand Pontalis isolent environ quatre-vingt-dix concepts strictement freudiens à l'intérieur d'un vocabulaire psychanalytique contemporain composé de quatre cent trente termes[31].

Le travail de pionnier de Freud a eu un impact sur la psychologie, sur la nosographie des troubles mentaux, la psychopathologie, sur la relation du patient et de son psychanalyste (transfert), sur la structure et le développement de la personnalité, sur les conflits intrapsychiques, leurs origines internes, pulsionnelles et leurs origines sociales et familiales. Freud est également considéré par certains comme ayant été celui qui a délivré la parole sur la sexualité et notamment la sexualité féminine, questions jusqu'alors méprisées par beaucoup de médecins, mais pour la subordonner à la sexualité masculine. Freud considère l'homosexualité comme une particularité au sens psychologique, et non pas comme une perversion (morale ou juridique). Selon lui, dans Trois essais sur la théorie de la sexualité (1905) notamment, l'orientation homosexuelle est présente chez tout être humain au niveau inconscient. Dans une célèbre lettre à une jeune américaine, datant de 1919, Freud est encore plus explicite : "L'homosexualité n'est ni une maladie, ni une déviance, ni une perversion". Cependant, comme chez tout auteur, des contradictions existent dans l'ensemble de l'œuvre freudienne : l'homosexualité adulte peut y être présentée comme "immature" par blocage de la libido au stade anal, repli narcissique et identification à la mère. Il a pu également affirmer que l'homosexualité résulte "d'un arrêt du développement sexuel"[32]. Elle ne nécessite ni cure, ni traitement pour les homosexuels heureux. Les homosexuels malheureux peuvent être guéris, non de leur homosexualité (qui n'est pas une maladie), mais de la souffrance qu'ils ressentent en général, au même titre que les hétérosexuels [33] .

L'influence des théories de Freud s'est étendue dans beaucoup de pays. À l'heure actuelle et dans certains courants psychiatriques ou neuroscientifiques, elle est remise en cause.

Œuvres majeures

En français, les traductions sont éparpillées entre plusieurs éditeurs ; Payot, Gallimard, PUF, Alcan. Depuis 1988, les Presses universitaires de France publient la traduction, œuvre collective sous la direction scientifique de Jean Laplanche, des Œuvres complètes de Freud / Psychanalyse [4], seize volumes publiés à ce jour. Cette traduction est controversée, du fait de ce que Laplanche définit comme "une exigence de fidélité au texte allemand", mais que ses contradicteurs voient comme un exercice formaliste, comportant des néologismes qui rendent la compréhension difficile[34]. Le volume Traduire Freud (1989) tente d'expliquer et de justifier les principes auxquels se réfère cette grande entreprise d'une nouvelle traduction des Œuvres complètes de Freud en France. Cette discorde retarde le travail nécessaire pour unifier la terminologie freudienne. En dernier ressort, c'est le lecteur qui fait son choix.

En allemand, dix-sept volumes sont parus entre 1942 et 1952 ; Gesammelte Werke.

En anglais, vingt-quatre volumes paraissent entre 1953 et 1974 ; Standard Edition. Toutes deux font actuellement autorité.

En 2010, la situation des traductions des œuvres change radicalement puisque ses écrits sont tombés dans le domaine public[35], ce qui annonce toute une série de nouvelles traductions dont on peut attendre le meilleur ou craindre le pire.[36]

Les principaux écrits de Freud traduits en français sont présentés ci-dessous, avec la première année de publication en langue allemande entre parenthèses :

Correspondances

Bibliographie générale

Études

Bibliographie des analyses et critiques de l'homme et de l'œuvre

  • Pierre Janet, La psychanalyse de Freud, 1913, (Rééd. L'Harmattan, 2004, ISBN 2-7475-7532-2)
  • Paul Ricœur, De l'interprétation, Ed. : Seuil poche, 1995, ISBN 2-02-023679-6
  • Gilles Deleuze, Félix Guattari, L'anti-Œdipe, Minuit, 1972.
  • Herbert Marcuse, Éros et civilisation, Éditions de Minuit, 1963, ISBN 2-7073-0158-2
  • François Roustang, Un destin si funeste, Éditions de Minuit, 1977, ISBN 2-7073-0142-6
  • André Haynal et Paul Roazen, Dans les secrets de la psychanalyse et de son histoire, PUF, 2005, ISBN 2-13-055300-1
  • Paul Roazen, Mes rencontres avec la famille de Freud Ed : Seuil, 1998, ISBN 2-02-018397-8
  • Marcel Gauchet, L'inconscient cérébral, Librairie XXe siècle, 1992, ISBN 2-02-013548-5
  • Henri F. Ellenberger, The discovery of the Unconscious, The History and Evolution of Dynamic Psychiatry, New York, Basic Books. Histoire de la découverte de l'inconscient, Paris, Fayard, 1994.
  • Pierre Debray-Ritzen, La psychanalyse, cette imposture, A. Michel, 1991, ISBN 2-226-05236-4
  • Hans Jürgen Eysenck, Déclin et chute de l'Empire Freudien, De Guibert, Paris, 1985.
  • Karl R. Popper, La logique de la Découverte scientifique, Payot, Paris, 1979.
  • Mikkel Borch-Jacobsen, Sonu Shamdasani, Le dossier Freud : Enquête sur l'histoire de la psychanalyse, Empêcheurs de Penser en Rond, 2006, ISBN 2-84671-132-1 ;
  • Adolf Grünbaum, La psychanalyse à l'épreuve, L'Éclat, Paris, 1993.
  • Renée Bouveresse, Les critiques de la psychanalyse, Que sais-je n°2620, Presses Universitaires de France, Paris, 1991.
  • Jacques Van Rillaer, Les illusions de la psychanalyse, Pierre Mardaga, Bruxelles, 1980.
  • Patrick J. Mahony, Freud l'écrivain, éd Belle Lettres, 1982, ISBN 2-251-33446-7
  • Frank J. Sulloway, Freud biologiste de l'esprit, Fayard, 1979.
  • Paul Roazen, La Saga freudienne, Paris, Presses Universitaires de France, 1986.
  • Sherry Turkle, La France freudienne, Fayard, 1981.
  • Catherine Meyer (dir.), Le Livre noir de la psychanalyse. Vivre, penser et aller mieux sans Freud, Les Arènes, coll. Documents, 2005. ISBN 2-912485-88-6
  • René Pommier, Sigmund est fou et Freud a tout faux. Remarques sur la théorie freudienne du rêve, éditions de Fallois, 2008.
  • Alice Miller, L'enfant sous terreur, Aubier, 1986.
  • Jacques Bénesteau, Mensonges freudiens. Histoire d'une désinformation séculaire, Pierre Mardaga, coll. Psychologie et sciences humaines, Sprimont, 2002. (Prix de la Société d'Histoire de la Médecine) ISBN 2-87009-814-6 [37] [6]

Voir aussi

Articles connexes

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Liens externes

  • Freud - Cinq leçons sur la psychanalyse
  • Freud - Psychopathologie de la vie quotidienne

Films

CD

  • Freud, dans l'intimité d'un génie (INA Les Grandes Heures / Abeille Musique)

Notes et références

  1. Paul Ricœur, De l'interprétation. Essai sur Sigmund Freud, Seuil, 1965.
  2. Jean-Bertrand Pontalis : Les vases non communicants. Le malentendu André Breton - Freud, in Sigmund Freud House Bulletin, vol. 2, no 1, Vienne, 1978 (texte déjà paru dans Nouvelle Revue Française après une conférence du 24 nov. 1977. [1]
  3. Il n'est pas sûr qu'il s'agisse du deuxième ou troisième mariage du père de Freud. Il était courant à cette époque de se remarier rapidement après un veuvage. Voir Freud : Une vie, Peter Gay, Hachette, Paris, 1991, 901 p., (ISBN 2010136764).
  4. Freud résidera toute sa vie dans cette ville, jusqu'à ce qu'il parte du fait de l'invasion nazie de 1938.
  5. Freud : Une vie, Peter Gay, Hachette, Paris, 1991, 901 p., (ISBN 2010136764).
  6. C'est d'ailleurs celui-ci qui recommandera Freud à l'éditeur des œuvres complètes de John Stuart Mill; Freud traduira le douzième tome en allemand pour s'occuper pendant son service militaire.
  7. Paul Richer, Études cliniques sur l'hystéro-épilepsie ou grande hystérie, 1881
  8. Ernest Jones : La plupart de ceux qui ont étudié Freud ont été impressionnés par ce que l'on pourrait appeler son dualisme insistant. S'il avait été philosophe, il n'aurait certainement pas été moniste, pas plus qu'il n'aurait partagé l'univers pluraliste de William James. Tout au long de son œuvre, on remarque ce que Heinz Hartmann appela "une pensée dialectique singulière qui tend à fonder ses théories à partir de l'interaction de deux forces opposées". C'est naturellement dans les classifications fondamentales de Freud que cette pensée apparaît le plus clairement : amour - faim, moi - sexualité, auto-érotisme - hétéro-érotisme, éros - pulsion de mort, vie-mort, etc. (...) Comme s'il avait été difficile pour Freud de concevoir des sujets sans les diviser en deux. L'existence, dans la pensée humaine, d'un conflit fondamental entre deux forces opposées était pour lui à la base de tout
  9. Leibniz, Nouveaux essais sur l'entendement humain, Paris : Flammarion, 1982, 1990, 441 p., (ISBN 2080705822).
  10. Modèle théorique de représentation du fonctionnement psychique proposée par Freud en 1920 qui distinguait trois instances : l'inconscient, le préconscient et le conscient ; la seconde, en 1920, comprenait le ça, le moi et le surmoi.)
  11. Qui concerne le corps (par opposition à psychique).
  12. Francis Pasche in Les rêves, la voie royale de l'inconscient, Tchou, 1979 ISBN 2-7107-0157-X
  13. Sigmund FREUD, L’avenir d’une illusion, section VI.
  14. Christian Moreau, Freud et l'Occultisme, Payot, 1976 et le commentaire de Bertrand Méheust
  15. Sigmund Freud, Préfaces de Charles Melman, Jean-Louis Chassaing : Un peu de cocaïne pour me délier la langue, Max Milo Editions, 2005, Coll.: Essais et documents, ISBN 2914388764
  16. Jean-Louis Chassaing, Jacques Beraud, Olivier Bezy, Paul Claveirole: Cocaïne, Aphasies : Etudes des textes préanalytiques de Freud Ed.: Erès, 2006, Coll.: Les dossiers du JFP, ISBN 2749206685
  17. Ernest Jones: La vie et l'œuvre de Sigmund Freud : Tome 1, Les jeunes années 1856-1900, Ed.: Presses Universitaires de France, 2e éd., 2006, Coll.: Quadrige Grands textes, ISBN 2130556922
  18. Arthur Schnitzler : in Internationale Klinische Rundschau, 1888, vol. III p. 23
  19. Max Schur: La mort dans la vie de Freud, Ed.: Gallimard, 1982, Coll.: Tel, ISBN 2070257940
  20. Ernest Jones: La vie et l'œuvre de Sigmund Freud : Tome 1, Les jeunes années 1856-1900, Ed.: Presses Universitaires de France, 2e éd., 2006, Coll.: Quadrige Grands textes, ISBN 2130556922
  21. Alain de Mijolla, Bernard Golse, Sophie de Mijolla-Mellor, Roger Perron : "Dictionnaire international de la psychanalyse", 2 vol, Hachette, Éd. revue et augmentée, 2005, ISBN 2-01-279145-X
  22. Henri Ellenberger : A la découverte de l'inconscient, SIMEP, 1974, (ISBN 285334097X), réédité sous le titre Histoire de l'inconscient, Fayard, 2001, 975 pages, (ISBN 2213610908)
  23. A la découverte de l'inconscient, SIMEP, 1974, (ISBN 285334097X) p. 377 -378 -379) réédité sous le titre Histoire de l'inconscient, Fayard, 2001, 975 pages, (ISBN 2213610908)
  24. Collectif: Antijudaïsme et antisémitisme en Autriche du 17e au 20e siècle, in Austriaca, N° 57 Décembre 2003, Ed.: PU Rouen, 2005, ISBN 2877753832
  25. Gereon Schäfer und Dominik Groß: Martin Staemmler – Pathologe und Hochschullehrer im Dienst der nationalsozialistischen rassenpolitik
  26. cité et traduit par un collectif édité pour la France sous la dir.: Alain De Mijolla: "- Ici, la vie continue d'une manière fort surprenante..." : Contribution à l'Histoire de la Psychanalyse en Allemagne., Ed.: Association internationale d'histoire de la psychanalyse, 1987, ISBN 2854801539
  27. Henri Ellenberger, À la découverte de l'inconscient, SIMEP, 1974, (ISBN 2-85334-097-X), réédition Histoire de l'inconscient, Fayard, 2001, 975 pages, (ISBN 2-213-61090-8)
  28. Mikkel Borch-Jacobsen & Sonu Shamdasani, Le dossier Freud. Enquête sur l'histoire de la psychanalyse, Les Empêcheurs de penser en rond, 2006, 440 pages, (ISBN 2-84671-132-1)
  29. Alain de Mijolla: Freud et la France, 1885-1945, Ed.: Presses Universitaires de France, 2010, ISBN 2130545157
  30. Marcel Gauchet: L'inconscient cérébral, Seuil, 1999, Coll. Librairie du XXIe siècle, ISBN 2-02-013548-5
  31. Le Vocabulaire de la psychanalyse.
  32. Correspondance de Freud 1873-1939, Gallimard, 1967, p. 461.
  33. Sigmund Freud, Correspondance, Paris, Gallimard, 1979, pp.461-462.
  34. Patricia Cotti, Théo Leydenbach, Bertrand Vichyn. Quelle traduction pour la Traumdeutung ? Le Champ Psychosomatique 2003 ; (31) : 25-45. Abstract
  35. Freud dans le domaine public
  36. Guerre des traducteurs
  37. [2] [3]Une polémique


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