Revenu citoyen
Le revenu citoyen, concept politique non stabilisé, est une proposition de revenu accordé à tous les individus d'une zone donnée, basée sur l'idée qu'une partie de la richesse de cette zone, due tant à la nature qu'à l'activité humaine, appartient à tous ceux qui l'occupent, autrement dit ses citoyens (voir Bien commun), et que ses revenus devraient ainsi être répartis entre tous.
Il serait composé par exemple de paiements réguliers (des dividendes) récoltés par l'État, par exemple par la vente ou la mise à la disposition de ressources naturelles à des personnes privées.
Le concept est différent de ceux du revenu minimum ou de l'allocation universelle, basés sur des idées de générosité et de redistribution par l'État des revenus des citoyens.
Le revenu citoyen est présenté sous de multiples appellations selon ses proposants : revenu citoyen | revenu de citoyenneté | dividende citoyen | dividende universel | revenu social garanti | revenu universel | allocation universelle | revenu d'existence | revenu d'existence inconditionnel, individuel et substantiel | salaire universel,..
Précurseurs de l'idée
Voltaire
Dans son conte L'homme aux quarante écus, Voltaire imagine la valeur locative de l'ensemble des arpents du royaume réparti entre tous ses sujets, et tombe sur la somme de quarante écus. Son héros se débrouille tant bien que mal pour vivre avec cette somme : pauvre, certes, mais libre puisqu'affranchi de tout travail.
Victor Hugo
Victor Hugo va plus loin, dans un de ses discours politiques, en considérant qu'une rente à laquelle aurait droit tout citoyen provient d'un capital implicite créé par le travail des générations précédentes. En conséquence, quiconque serait expulsé du territoire doit pouvoir selon lui, comme le fils prodigue de la parabole, « réclamer sa part d'héritage ». Cette proposition crée de vifs remous y compris chez ses amis républicains.
Réalisations pratiques
L'Alaska (un des État des États-Unis) a déjà mis en place un tel revenu, payé par le Fonds Permanent de l'Alaska (Alaska Permanent Fund), qui détient des ressources minières, notamment du pétrole. En 2003, chaque citoyen d'Alaska (incluant les enfants) a reçu une somme d'environ 1000 euros, et 850 euros en 2004. On notera qu'il s'agit d'un territoire peu peuplé et riche en ressources naturelles. Un projet de ce type existe au Brésil. Enfin le gouvernement de l'Alberta (État du Canada) va en 2006 verser 400 dollars canadiens à chacun de ses résidents, financés par les licences pétrolières qu'il a accordées.
Les diverses approches théoriques
Le revenu citoyen au sens propre, n'est pas un impôt, comme il est parfois présenté, mais un revenu d'existence. Proposé par certains économistes libéraux, comme Hayek, cette mesure
- matérialiserait le fait que le patrimoine commun d'un territoire n'est pas propriété de la collectivité, mais celui inaliénable de ses citoyens, qui doivent en recevoir un « dividende ».
- éviterait l'effet pervers de la solution – dirigiste, bureaucratique et peu transparente dans ses utilisations – d'un empilement d'allocations sociales créant un esprit d'assistanat, voire de mendicité, plutôt que de matérialiser un droit inhérent de la personne.
Aux États-Unis, l'idée serait apparue dans un essai de Thomas Paine, qui est considéré comme une des plus anciennes propositions de mettre en place un système de sécurité sociale aux États-Unis. Selon lui, « les hommes n'ont pas créé la Terre. C'est la valeur des améliorations uniquement, et non la Terre elle-même, qui doit être la propriété individuelle. Chaque propriétaire doit payer à la communauté un loyer pour le terrain qu'il détient. »
Le financement
Certains assimilent ce concept à un impôt, sans en expliquer le mode de prélèvement, simplement en disant que le revenu citoyen devrait dépendre de la valeur des ressources naturelles utilisées.
D'autres considèrent qu'il devrait être alimenté par un prélèvement le plus neutre possible économiquement, en particulier pour ne pas peser de façon trop ciblée sur le coût du travail, afin de préserver la compétitivité de la zone concernée
La version altermondialiste : le « revenu social garanti », ou « revenu d'existence »
Pour le mouvement altermondialiste, ce type de revenu devrait dépendre non seulement des ressources naturelles, mais aussi de « l’idée que la capacité productive d’une société est le résultat de tout le savoir scientifique et technique accumulé par les générations passées ». Certains dans ce mouvement ont politisé et repris ce thème sous l'appellation « revenu social garanti ». Ignacio Ramonet[1] a cité succinctement, sans analyse des modalités et de la faisibilité, la nécessité d'« établir un revenu de base inconditionnel pour tous ». Toni Negri et Yann Moulier-Boutang, directeur de la revue Multitudes, le présentent un moyen de lutte contre la pauvreté pour un nouveau projet de société solidaire[2].
Positions politiques en France
Concernant les organisations politiques françaises :
- Le Parti fédéraliste français indique à l'article 1er de sa charte [3] « Considérant que toute personne a droit à un revenu minimum vital, nous sommes partisans de la mise en place d'un revenu universel de citoyenneté ».
- L'écologiste Yves Cochet a inscrit l'établissement d'un revenu d'existence dans la profession de foi de sa candidature à l'investiture pour l'élection présidentielle française de 2007[4].
- Il s'agit d'une des propositions majeures d'Alternative libérale, qui reprend dans ses grandes lignes la conception hayekienne.
- Diverses organisations étudiantes françaises développent des approches dans ce domaine basées sur l'impôt. Toutefois celle de SUD Étudiant et de l'association pour une solidarité syndicale étudiante appelée « salaire social » est basée sur les cotisations sociales[5] proche du travail de Bernard Friot.
- Le Dividende Universel est une proposition prioritaire du programme politique de Christine Boutin. La formule était "du berceau à la tombe" [6]
Une variante particulière : l'allocation universelle
L'allocation universelle fait moins référence à la propriété des citoyens et est plus proche d'une allocation de type classique que d'autres type de revenus citoyens, bien que ses caractéristiques soient très proches.
Bibliographie
- Yoland Bresson, L'Après-Salariat, une nouvelle approche de l'économie, Economica, 1993.
- Jean-Marc Ferry, L'Allocation Universelle : pour un revenu de citoyenneté, Cerf, 1995.
- André Gorz, Misères du présent. Richesse du possible, Galilée, 1998.
- Félix Guattari, Les trois écologies, Galilée, 1989.
- Laurent Geffroy, Garantir le revenu : Histoire et actualité d'une utopie concrète, La Découverte, 2002.
- Christian Marazzi, « Pauvreté, mémoire et éthique métonymique » in Pierre Gilliand (dir.), Pauvretés et sécurité sociale, Réalités sociales, 1990.
- Jérémy Rifkin, La fin du travail, La Découverte, 1995.
- Nicole Thé, « Renvenu garanti : quelques interrogations malvenues », Temps maudits, n°11, 2001.
- Philippe Van Parijs, Refonder la solidarité, Cerf, 1996.
- Carlo Vercellone, « Rapports non-marchands, division du travail et revenu de citoyenneté » in Jean-Claude Delaunay (dir.), La Mondialisation en question, L'Harmattan, 1999.
Numéros thématiques de revues
- « Vers un revenu minimum inconditionnel ? », Revue du MAUSS semestrielle, n°7, 1996.
- « Garantir le revenu », Multitudes, n°8, 2002.
- « Le revenu social garanti en ligne de mire », EcoRev', n°23, 2006.
- « Questions ouvertes sur le revenu garanti », Multitudes, n°27, 2007.
Voir aussi
Notes et références
Liens internes
Liens externes
- Le site de l'A.I.R.E. (site personnel)