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Soutenabilité de la dette publique

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La soutenabilité de la dette exprime la capacité d'un État à rembourser ses emprunts et donc sa solvabilité. Elle est liée aux recettes prévisibles qui permettront de rembourser, à moyen terme, la dette et l'ensemble des frais associés, ainsi que les intérêts qui s'y rattachent. Cette soutenabilité peut être évaluée mathématiquement.

Calcul de la soutenabilité

L'équation de soutenabilité de la dette d'un État est la suivante :

Avec :

  • T le taux d'intérêt
  • le taux de croissance nominale du PIB, à l'instant t,
  • le taux d'inflation nominale, à l'instant t,
  • le solde budgétaire primaire (solde budgétaire hors paiement des intérêts de la dette), à l'instant t.

L'endettement public est donc stabilisé à son niveau pour .

Le niveau des taux d'intérêt ou les notes accordées par les agences de notation aux états sont guidés par la perception de la soutenabilité de l'endettement d'un pays. Le modèle décrit ci-dessus est une partie du modèle de la dynamique de la dette[1],[2],[3].

Ce modèle général peut toutefois être affiné avec le modèle de Domar en financement ouvert[4] ou fermé[5]. Dans le modèle de financement dit fermé, le taux de financement est presque stable sur une longue période, car la dette est financée majoritairement par une banque d'État (exemple du Japon) ou à cause des interventions de la banque centrale (exemple des États-Unis, au travers de la politique de quantitative easing). Cependant, quel que soit le mode de financement utilisé, la variable pour déterminer si d'une année sur l'autre une dette publique a augmenté est le solde primaire budgétaire, calculé avant paiement des intérêts de la dette. Ainsi, pour stabiliser l'endettement l'année t, si > [6], il faut :

Stabilisation de l'endettement

Solde budgétaire public stabilisant[7],[8] doit être supérieur à

ou, de façon équivalente, solde primaire budgétaire au moins égal au solde primaire stabilisant

étant la dette par rapport au PIB l'année t-1, le taux de financement nominal de la dette l'année t (inflation comprise), est le taux de croissance nominal du PIB l'année t (inflation comprise, soit somme de la croissance en volume et de l'inflation). Si un État vise le solde primaire stabilisant dans son projet de budget, les valeurs de et sont en réalité estimées car elles ne seront connues de façon certaine que l'année t+1.

On a aussi est le solde budgétaire de l'année . On retrouve la valeur du solde budgétaire public stabilisant en écrivant que dans cette dernière égalité.

En réalité, varie peu d'une année sur l'autre car la variation de taux s'applique uniquement à la nouvelle dette contractée dans l'année. Ainsi, dans le cas français, on peut considérer que est égal à la moyenne des taux des six dernières années et de celui de l'année t, si les levées obligataires sont à peu près égales d'une année sur l'autre[9]. On peut aussi prendre l'approximation : .(taux constaté l'année t).

Les principaux facteurs déterminant le solde primaire budgétaire sont, d'après l'égalité encadrée ci-dessus : le taux d'inflation, la croissance en volume et le taux de financement obligataire de l'encours de dette. En zone euro, l'inflation varie peu car elle doit rester aux environs de 2 % par les statuts de la BCE. Les taux obligataires des pays fluctuent suivant les cours déterminés sur les marchés de dette, du fait de la politique d'indépendance de la BCE. Les taux de croissance en volume sont faibles, en particulier si le pacte budgétaire est appliqué à partir de 2013, qui obligera à des consolidations budgétaires sans, de fait, prendre en compte le cycle économique (TSCG, article 4, voir infra).

Paradoxalement plus le solde budgétaire public stabilisant est bas, plus on peut améliorer le déficit budgétaire, car les rentrées fiscales sont importantes du fait d'une croissance élevée. Plus le solde stabilisant est élevé, plus il est difficile et assez peu efficient sur la totalité du cycle économique de vouloir se maintenir au-dessus, car les rentrées fiscales sont moindres du fait d'une croissance faible (à taux d'inflation constant). Ceci explique l'intérêt de la politique conjoncturelle. Pour stabiliser l'endettement, on peut distinguer pour simplifier deux types de politiques: restrictive, ou expansionniste. La première essaye de faire passer le solde budgétaire au-dessus du solde stabilisant (consolidations budgétaires pratiquées en zone euro), ce qui diminue nécessairement en rebond les taux de croissance, in fine la croissance potentielle et à donc tendance à augmenter le seuil du solde budgétaire stabilisant. La seconde essaye plutôt de diminuer le solde stabilisant (politiques de croissance et/ou inflationiste pratiquées outre atlantique, mandat[10] de la FED), sans fixer d'objectif très précis de niveau de déficit budgétaire[11],[12]. À contrario, dans ce cas l'endettement a plutôt tendance, au moins à court terme, à augmenter (relance ou soutien de la croissance par le déficit).

Soldes stabilisants, critères de convergence

Contrairement à ce qui est souvent avancé, le seuil de déficit budgétaire maximum fixé à 3 %[13] (critères de convergence) par le traité de Maastricht ne garantit pas une stabilisation de l'endettement public. Ainsi, on peut diminuer l'endettement avec un déficit budgétaire supérieur à 3 % (exemple de l'Italie en 2003)[14] ou l'augmenter s'il est inférieur à 3 % (Italie en 2008)[15]. Le seuil a été conçu au début des années 1980, sur des bases assez arbitraires[16], et il peut s'interpréter[17] comme le déficit stabilisant, obtenu à partir des valeurs théoriques: taux d'endettement de 60 %, croissance en volume de 3 %, taux d'inflation de 2 %:

On peut calculer le solde budgétaire public stabilisant l'endettement. Ainsi par exemple pour 2012, dans le cas de la France, sur la base d'un taux de croissance de 0 %[18] et d'une inflation à 2,2 %, de d'un endettement de 90,2% [19] on peut évaluer . Sur la base du montant des intérêts payés en 2011, on peut estimer . Comme , le solde primaire stabilisant vaut (encadré ci-dessus). Le solde budgétaire public stabilisant aurait été proche de . On peut calculer directement ce solde  : (encadré ci-dessus). Avec 4,8 % de déficit budgétaire en 2012 et 2,2 % de croissance nominale (inflation comprise), le taux d'endettement aurait du être fin 2012 de: [20]. Cependant, à cause des nouveaux besoins liés au financement du FESF, de recapitalisation de la banque Dexia, et de provisions de charges, la prévision d'endettement était au-delà de 90,2 % fin 2012[18],[21], tandis qu'à postériori l'endettement s'est élevé à 91,7% à la fin du premier trimestre 2013[22].

Il faut toutefois relativiser la valeur de ce solde car il est calculé après une diminution du déficit budgétaire, ce qui a diminué la croissance potentielle. Le véritable solde stabilisant devrait être calculé à partir de la croissance potentielle (avant impulsion budgétaire) et est donc probablement plus proche de (le taux d'endettement est prévu à 95% fin 2014 [23]). Ce dernier solde signifie donc, sauf nouvelle crise économique, une stabilisation de l'endettement en France au début 2017. La prévision de déficit budgétaire est en effet inférieure au seuil stabilisant à cette échéance.

En appliquant le même calcul pour l'Italie en 2013: dette de 133% du Pib [24], inflation de 1,2%[25], croissance potentielle de 0,5%[26], on en déduit que le déficit budgétaire ne devait pas dépasser en 2013 pour au moins stabiliser la dette, alors qu'il a atteint 3% [27].

Par comparaison le solde budgétaire stabilisant des États-Unis était en 2011, plus faible qu'en zone Euro : taux d'inflation de 3 %[28], taux de croissance nominal de 1,5 %[29], taux d'endettement de 100 %[30], donnant un solde stabilisant de -. Le déficit budgétaire n'a toutefois pas permis en 2011 de stabiliser la dette car il a atteint -8,7 %[31].Cependant le déficit américain sera probablement supérieur au solde stabilisant en 2013[32], aux environs de 4%.

Les différences , pour la période 2008-2011, ont été négatives pour toutes les économies de la zone euro[33]. La croissance moyenne de la zone euro a été au cours de la période 2000-2010 de l'ordre de 1 % (inflation déduite), et de 3 % en valeur nominale ()[34]. Sur la même période, les taux des obligations à 10 ans des quatre plus grands pays de la zone ont été aux environs de 4 %, avec une divergence, depuis la fin 2009, vers 6 % pour l'Espagne et l'Italie[35]. Ainsi, en 2010, aucun pays de la zone euro n'a eu un solde primaire lui permettant de stabiliser son endettement[36].

Quelques études prospectives

Une étude du Crédit agricole montre que, si les pays de la zone euro souhaitent revenir à un taux d'endettement de 60 % en 2030, il faudra qu'ils dégagent un solde primaire requis (SPR) qui, sur la base des taux de croissance et de dette de la dernière décennie, semble difficilement atteignable par les grands pays européens[37]. Pour la France, compte tenu d'une charge annuelle des intérêts de la dette de l'ordre de 2,5 % du PIB, cela signifierait un excédent budgétaire jusqu'en 2030. Une étude de la Commission européenne, réalisée en 2009, arrive à des conclusions voisines[38]. À titre de comparaison, sur les 32 pays de l'OCDE et pour la période 2006-2011, seuls deux pays ont eu six années consécutives d'excédent budgétaire (la Suisse et la Norvège)[39] tandis que le dernier budget en équilibre pour la France remonte à 1974[40]. Une étude de l'OCDE donne des contraintes budgétaires plus restrictives. D'après elle, l'objectif de réduction du déficit à 60 % en 2025 n'est atteignable que par le Luxembourg, l'Autriche, et le Danemark[41]. D'après cette dernière étude, pour la France, cela supposerait sur cette période un excédent budgétaire moyen d'environ 7 %, jusqu'en 2025.

Les déficits budgétaires seront à partir de 2013, en zone euro et dans 25 pays de l'union européenne, réglementés par le TSCG. Le traité est-il susceptible, à long ou à court terme, de rendre les dettes des pays signataires soutenables?

Traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG)

Le nouveau traité[42],[43], signé le , par 25 des 27 pays de l'Union européenne (le Royaume-Uni et la République tchèque ne l'ont pas signé), renforçant le précédent Pacte de stabilité et de croissance, est entré en application au , après sa ratification en octobre 2012 par plus de 12 pays situés en zone Euro. Il vise entre autres à limiter le déficit structurel (déficit corrigé du cycle économique[44]) à 0,5 % du PIB (art. 3). Le traité est contraignant puisque qu'un état ne respectant pas les nouveaux critères peut subir une amende comprise entre 0,1 % et 0,5 % de son PIB[45]. La clause conditionnant l'accès au MES à l'adoption du traité est une très forte incitation à ratifier le traité pour les pays les plus endettés. Ces derniers sont en effet ceux pour lesquels la contrainte budgétaire sera la plus forte. On constate par ailleurs que:

  • La limitation à 0,5 % du déficit structurel est contestable économiquement car elle équivaut à interdire le financement de l'investissement par l'emprunt[46].
  • L'obligation de réduire de 120 par an l'excès de dette au-delà de 60 % (article 4) rend caduc la prise en compte d'un cycle économique mentionné dans l'article 3 à travers la notion de déficit structurel. En effet, l'article 4 est plus contraignant que l'article 3, en termes de niveau de déficit budgétaire autorisé, dés que l'endettement dépasse 60 %[47],[48]. La formulation non ambigüe du pacte aurait donc du être : si le niveau de déficit est inférieur à 60 % l'article 3 s'applique, sinon c'est l'article 4[49]. Cet article rend presque impossible l'utilisation de toute politique conjoncturelle, alors qu'elle a été largement utilisée avant 2013, en zone Euro[50]. La composante cyclique du déficit budgétaire peut en effet être très importante en proportion du déficit[51]. La plupart des médias mettent en avant la règle d'or (article 3) alors qu'elle ne s'appliquera de fait qu'en dessous d'un taux d'endettement de 60 %, c'est-à-dire probablement pas avant 2033, sauf période de croissance importante inattendue.
  • L'article 4 entraine un risque récessif[52],[53] en zone euro d'autant plus grand que les consolidations budgétaires menées simultanément dans un espace économique ouvert augmentent les diviseurs keynésiens de croissance de chacune des économies, à travers la baisse des exportations[54] et que les réductions budgétaires sont faites à contretemps[55] du cycle économique. Si le traité avait été appliqué en 2008-2009, les plans de relance décidés par la majorité des pays de la zone euro n'auraient alors pu être mis en œuvre, sinon en payant une amende budgétaire[56]. On observe, ainsi depuis 2009, que dans la zone Euro prise dans son ensemble, pour 1 % de réduction du déficit budgétaire, la croissance est diminuée de plus de 1 %[57].
  • L'article 3 pourrait éventuellement être une source de contentieux entre la Commission européenne et les gouvernements signataires. En effet, le mode de calcul du déficit structurel est sujet à débat[58],[59],[60], ce qui pourrait rendre difficile son application. Cet éventuel sujet de contentieux ne viendra cependant pas en débat, très probablement avant une vingtaine d'année, pour la majorité des pays signataires, l’article 4 étant le plus contraignant, tant que le déficit reste supérieur à 60 %[61].

Déficits budgétaires autorisés à partir de 2013

L'article 4 du pacte budgétaire européen, impose implicitement l'équilibre budgétaire[62]. Si cette condition n'est pas remplie, la Commission européenne aura tout pouvoir pour imposer une amende budgétaire , comprise entre 0,1 et 0,5 % du Pib[63], soit pour la France de 2 à 10 milliards d'euros. Cependant d'après une simulation de l'OFCE, réalisée en juillet 2012, l'équilibre budgétaire ne serait pas atteint, en l'absence de variations économiques externes imprévues (augmentation du prix des matières premières, variation du taux de change, augmentation de la participation au FESF, baisse des exportations), avant 2017[64]. Dans le cas de l'Italie et de l'Espagne il apparait également très improbable que l'article 4 (volet réduction de la dette) puisse être appliqué en 2013, les prévisions de croissance y étant négatives[65]. Ainsi pour 2013, en Italie, sur la base d'une prévision de croissance à -0,3 %[66] et d'une inflation à 2 %, la réduction de 120 de la dette signifie un excédent budgétaire de 1 % en 2013[67], alors que la prévision est à un déficit budgétaire de 1,3 %.

Vers une période récessive en zone euro ?

  • Dans le cas de la France, pour 2013, sur la base d'une croissance potentielle de 1,4 % [68] [69] [70], et d'un multiplicateur de 0,85 on ne peut avoir d'impulsion budgétaire négative de plus de 1,4/0,85=1,64 %, sans entrer en récession. À partir d'une croissance constatée de 0,3%, on peut en déduire a posteriori que le multiplicateur pour 2013 s'est élevé à 0,85[71] et l'élasticité budgétaire à 0,9[72], à partir d'une impulsion budgétaire négative de 1,3%. En effet: et , aux arrondis près.

La valeur de cette dernière élasticité budgétaire, de 0,9 bien que voisine de la valeur moyenne observée ces dix dernières années [73], confirme cependant en 2013 la tendance d'une diminution des bases des recettes fiscales de l'état, en particulier pour l'impôt sur les sociétés[74] [75] et la Tva[76] .

En réitérant le calcul pour 2014, sur la base d'un multiplicateur anticipé de 0,85 , on pourrait prévoir à partir d'une croissance potentielle égale à 1,4%, et d'une impulsion budgétaire négative de 0,9% [77], une croissance réelle de 0,63% (O,63=1,4-O,9*0,85). Ce dernier chiffre est probablement à majorer en particulier du fait des effets de relance induits par le Cice et le pacte de responsabilité [78], donnant pour la prévision de croissance en 2014 l'intervalle [0,65%;1%][79] [80]. Si le déficit budgétaire 2014 s'établit à 4,4%, l'inflation à 0,4% [81] et la croissance à 0,5%[82], l'endettement fin 2014 sera de 96,27%=92,7%/1,009+4,4%, à un niveau assez proche de la prévision de 95,1% du gouvernement [83].

  • Pour la zone euro, avec un taux d'endettement de 85 %, en 2010[84], et une croissance moyenne en volume de la zone de l'ordre de 1 % au cours de la période 2000-2010[85],[86], l'article 4 du TSCG impose implicitement l'équilibre budgétaire pour chaque pays de la zone[87].

Or depuis 2009, dans la zone euro prise dans son ensemble, pour 1 % de réduction du déficit budgétaire, la croissance est diminuée en moyenne de 1,25 %[57],[88],[89]. Pour arriver au niveau moyen de déficit budgétaire de 1,24 %, on ne peut pas viser une réduction du déficit budgétaire moyen de plus de 1/1,25=0,8 %, sans mettre la zone en récession, ce qui est déjà le cas depuis 2012[90],[91]. À partir de cette impulsion budgétaire moyenne négative, le déficit budgétaire annuel sera réduit de 0,8%*-0,55*1%= 0,25%, où 0,55 est le coefficient d'élasticité budgétaire. Ce dernier coefficient semble présenter une grande variabilité suivant la nature du système fiscal, des recettes, et de la position dans le cycle économique (phase de croissance ou récession) des pays de la zone[92],[93]. Si le coefficient d'élasticité budgétaire moyen est supérieur[94], cela repousserait davantage l'échéance de retour sous la barre de 60 % d'endettement. On peut aussi espérer que les futurs plans de réduction des déficits mis en place dans les pays de la zone pourront avoir individuellement des multiplicateurs faisant baisser la valeur moyenne de 1,25 observée et que les réformes structurelles appliquées puissent avoir un impact négatif limité à court terme sur la croissance.

Cependant il est probable que toute tentative, pour satisfaire l'article 4, de réduire les déficits budgétaires de la zone euro à un rythme supérieur à celui offert par la croissance potentielle, la conduirait vers une spirale récessive.

Dette française

Une étude historique sur la dette française, réalisée par la Banque de France, indique par ailleurs qu'« il ne suffit pas d'améliorer les soldes structurels pour faire baisser [durablement] le ratio de la dette »[95],[96]. La même étude économétrique indique aussi que « la variation en sens opposé des deux soldes conjoncturel et structurel reflète les politiques d'orthodoxie budgétaire, les gouvernements procédant à des consolidations budgétaires en dépit de la dégradation de la conjoncture »[97] (cas de l'Italie en 2010).

Une précédente modélisation du CNRS, réalisée en novembre 2009, indique qu'en l'absence d'une politique active de la BCE (prêteur du FESF ou MES, acheteur sur le marché primaire ou secondaire[98], prêteur en dernier ressort[99]) visant à stabiliser les taux obligataires et d'une modification de l'écart entre le taux de dépenses et de recettes[100], la dette française serait proche de 106 % en 2019[101]. Ce n'est cependant pas la voie qui a été prise depuis 2009, année où les prélèvements obligatoires ont pris une voie ascendante[102]. Le projet gouvernemental, laisse envisager une stabilisation de l'endettement en 2016, avec une prévision de déficit budgétaire voisine du solde stabilisant. Ce dernier scenario garde une certaine part d'incertitude, compte tenu par exemple des récessions en Italie et Espagne[103] et de leurs effets de contagion en zone Euro ou encore du nouveau mode de financement des allocations familiales.

L'objectif de réduction du déficit est difficile à atteindre, à cause de la baisse de la croissance qu'il implique. En effet, comme l'a souligné Patrick Artus dans une conférence à la Coface en janvier 2012[104], une réduction simultanée et trop brutale des dépenses publiques en zone euro accroîtrait globalement les dettes publiques au lieu de les réduire (principe du multiplicateur budgétaire[105],[106],[107],[108]). Si tous les pays de la zone euro font en même temps des plans de réduction de leurs dépenses publiques (principe du pacte de stabilité et de croissance) en oubliant toute politique conjoncturelle, pour 1 % de réduction des déficits, on obtient en proportion une réduction comprise entre 0,6 % et 1 % de la croissance. Ceci se vérifie en particulier dans les pays où le PIB est majoritairement assis sur la dépense publique (en France, plus de 56 % du PIB est créé par de la dépense publique[109],[110]). À l'inverse, l'élasticité budgétaire montre que pour la France, si on observe une réduction de 1 % de la croissance, alors en moyenne le déficit budgétaire s'aggrave au moins de 0,55 %[111],[112], avec toutefois une grande variabilité qui peut aller jusqu'à une baisse de 4,2 % comme en 2009[113]. Un projet de réduction du budget de 1 % l'année N donnerait donc une réduction du déficit budgétaire comprise entre 1 %-[1;1,66%]*0,55=[0,55%;0,91%] l'année N+1, du fait de la diminution de la croissance et des recettes attachées[114], voire une augmentation si l'on est en récession et que l'élasticité budgétaire devient supérieure à 1. Compte tenu d'une croissance tendancielle en volume de 1 % en zone euro pour la décennie 2000-2010, il apparait donc assez illusoire -si le multiplicateur retenu est de 0,8- d'espérer obtenir une réduction tendancielle du déficit budgétaire de plus de 0,7 % par an en zone euro, sauf avec un taux de croissance supérieur ou en ciblant un éventail – toutefois limité – de dépenses ou de recettes ayant peu d'influence sur la croissance . Par ailleurs, le déficit structurel français (hors déficit conjoncturel) a été estimé, pour 2009, à 5 %[115].

Le choix entre l'augmentation des recettes ou la baisse des dépenses pour diminuer le déficit public, donne à court terme, dans le cas de la France, une meilleure rentabilité pour l'augmentation des recettes. En effet, pour 1 % de baisse des dépenses, on obtiendrait en moyenne entre 0,6 % et 0,8 % de baisse de la croissance, tandis qu'une augmentation des recettes ne donnerait au plus qu'une diminution de 0,4 %[116],[117]. Cependant, dans le cas d'une amélioration du solde majoritairement par augmentation des recettes, les taux obligataires moyens demandés sur la dette seraient plutôt plus élevés que dans le cas d'une diminution des dépenses[118]. Au-delà du cas français, l'arbitrage entre ces deux options varie suivant les pays, sans doute plus en fonction des a priori politiques que des multiplicateurs keynesiens associés à chacune d'elles[119]. Les plans de consolidation français et allemands de 2011, confirme cependant cette préférence pour les recettes[120].

Bibliographie

  • Croissance et politique économique, Philippe Darreau, Ed. De Boeck, 2002 (ISBN 9782804139926)
  • La soutenabilité des finances publiques après la crise : quelle contribution de la réforme des retraites ?, direction générale du Trésor, Trésor-Éco no 91, juillet 2010[121]
  • Guillaume Guichard, « La dette publique augmente fortement au début de l'année 2012 », Le Figaro,‎ (lire en ligne)

Notes et références

  1. "Wikipedia: Un élément essentiel de la dynamique du taux d'endettement : l'écart entre taux d'intérêt et taux de croissance"
  2. "Rapport CHAMPSAUR-COTIS, Annexe II, Méthodologie employée, page 9"
  3. "La soutenabilité des finances publiques après la crise : quelle contribution de la réforme des retraites ?:2.2, p. 4"
  4. "Dynamique du Ratio Dette sur PIB en Financement ouvert, Ekoris dot org"
  5. "Dynamique du Ratio Dette sur PIB en Financement Fermé, Ekoris dot org"
  6. "Natixis, Patrick Artus, Contraintes de Solvabilité"
  7. "Cndp le service de la dette"
  8. Les Cahiers Lasaire n° 41 – octobre 2010 « Dette publique et crise », P7
  9. "AFT : Durée vie moyenne de la dette"
  10. « Wikipedia, mandat de la Fed »
  11. "Ofce, doit-on oublier la politique budgétaire: p. 73"
  12. "Ofce, octobre 2011: Mathieu-Sterdyniak: faut-il des règles budgétaires"
  13. « Traité de Maastricht, critères création de l'Euro »
  14. "Italie, Graphique 3, 2003, page 2/5"
  15. « Italie, Graphique 3, 2008, page 2/5 »
  16. « La tribune, octobre 2010, Seuil de déficit de 3 % »
  17. "Thèse Mines de Paris: p. 218"
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  19. "Journal Libération, mars 2013"
  20. « Les Cahiers Lasaire no 41 – octobre 2010, dette publique et crise, p. 43, équation 3 »
  21. « LCI, 28-09-12: la dette publique dépasse 91 % au deuxième trimestre »
  22. "Insee montant de la dette publique, 1er trimestre 2013"
  23. "Journal Le Monde, septembre 2013: La dette française risque d'atteindre un niveau record en 2014"
  24. "Europa forum, chiffres Eurostat"
  25. "Taux d'inflation en Europe, données Ocde"
  26. "Artus, Natixis, croissance potentielle"
  27. "Daily Bourse, déficit Italie 2014"
  28. « Statistiques économiques 2011 »
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  30. endettement 2011 « Aout 2011,Le figaro, la dette américaine dépasse les 100 % »
  31. "L'express, déficit budgétaire Américain en 2011"
  32. "Artus, Graphique 1a, Natixis septembre 2013"
  33. "Natixis, Patrick Artus, 24 février 2012, page 3, Tableau 1"
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  37. "Commission Européenne, Crédit agricole, Solde primaire requis (SPR), Page 6/7"
  38. "Commission européenne, Sustainability Report 2009: Required primary balance, p. 39"
  39. "Public Deficit by Country 2006-2013"
  40. "Wikipedia, courbe des déficits budgétaires, France"
  41. « Ocde, ASSAINISSEMENT BUDGÉTAIRE..: Graphique 4.1, p. 254 »
  42. « Observatoire des politiques économiques en Europe : Le renforcement de la discipline budgétaire dans la zone euro, gouvernance contre gouvernement économique »
  43. "Conseil européen:Signature du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance"
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  46. "Natixis, Patrick Artus, aout 2011: quelle est la bonne règle budgétaire?"
  47. "Ofce, Conseil européen, Jerome Creel, juin 2012 : wait and sink, Annexe"
  48. « Cahiers Lassaire, OMBRES ET PERILS DU TRAITÉ Merkel-Sarkozy: p. 34 »
  49. "Cahiers Lassaire, OMBRES ET PERILS DU TRAITÉ Merkel-Sarkozy: p. 34"
  50. « OFCE : Les politiques budg"taires sont-elles contra-cycliques en zone Euro? »
  51. "Ocde, EFFICACITÉ ET AMPLEUR DE LA RELANCE BUDGÉTAIRE, Graphique3.1, p. 112"
  52. "Ofce, Qui sème le restriction récolte la récession: P17"
  53. "Ofce, Jérôme Creel: Fallait-il renforcer le Pacte de stabilité et de croissance ? "
  54. « Cahiers Lasaire : OMBRES ET PERILS DU TRAITÉ Merkel-Sarkozy QUELQUES SIMULATIONS, Annexe6, p. 35 »
  55. « Ofce : des politiques budgétaires à contretemps »
  56. « La finance pour tous : La Règle d’or des finances publiques »
  57. a et b "Natixis, P. Artus, aout 2012: Multiplicateur constate en zone Euro, p. 5"
  58. "Rapports du sénat: Estimations et prévisions du solde structurel (2000-2005)"
  59. « Les dessous de Bruxelles: l'austérité à marche forcée »
  60. « Les Cahiers Lasaire no 41 – octobre 2010, p. 14 »
  61. « Cahiers Lassaire, OMBRES ET PERILS DU TRAITÉ Merkel-Sarkozy : p. 34 »
  62. "Tscg et déficit budgétaire"
  63. "Journal le Monde, 18-09-12: Six questions clés sur le traité budgétaire européen"
  64. "Ofce: À propos du programme présidentiel 2012-2017, Tableau 2, P13"
  65. "Actu Forex: Prévisions économiques du FMi pour 2013"
  66. "Les Echos: ENQUÊTE-Italie/Contraction du PIB en 2012 et 2013"
  67. « Les Cahiers Lasaire no 41 – octobre 2010, dette publique et crise », p. 43, équation 3
  68. "Natixis, juillet 2013, Artus: Quelle est la croissance potentielle de la France?"
  69. "Usine Nouvelle, juin 2013"
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  71. "Artus, Natixis, Multiplicateur France"
  72. "Ofce, Ajustements graduels, Heyer p 33/60"
  73. "Cour des comptes: Analyse de l'execution du budget 2012, p21/69 "
  74. "Cour des comptes: Analyse de l'execution du budget 2012, p32/69"
  75. "Secret bancaire, rapport France"
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  81. "Insee, prévision inflation 2014"
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  91. « Mariane Courbe d'évolution des Pib depuis 2007, en zone Euro »
  92. "Natixis, P.Artus, aout 2012: graphiques 6a-6e
  93. « Cndp, France:Elasticité des recettes fiscales »
  94. « Commission européenne, juillet 2012: Fiscal Multipliers and Public Debt Dynamics in Consolidations P8 »
  95. "Banque de France: Comment réduire la dette publique française? Une analyse historique de 1890 à 2009, p. 16"
  96. Banque de France : Comment réduire la dette publique française? Une analyse historique de 1890 à 2009, fig. 12b, p. 21
  97. "Banque de France: Comment réduire la dette publique française? Une analyse historique de 1890 à 2009, p. 36"
  98. "Déclaration, président Obama, sommet de l’OTAN à Chicago, en 2012".
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  101. CNRS, novembre 2009, Pourra-t-on maîtriser la dette publique en France, tableau2, page 12
  102. Les Échos, 16/05/2011
  103. "J. Sapir, Tribune libre : l'Espagne et l'Italie au bord du gouffre"
  104. "Conférence de la Coface, janvier 2012".
  105. "P Artus, octobre 2010, Natixis, peut-on estimer empiriquement le multiplicateur budgétaire".
  106. "septembre 2011, à propos du multiplicateur budgétaire".
  107. "Rapport du sénat: Projet de loi de finances pour 2010".
  108. « OFCE, page 5, Multiplicateurs budgétaires.Tableau 6, page 17. Xavier Timbeau, Qui sème la restriction récolte la récession ».
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  112. "Sénat, le système fiscal français à l'épreuve de la crise"
  113. "Cndp, Elasticité des recettes fiscales"
  114. Natixis, Patrick Artus, août 2012, graphiques 6a, 6b, 6e
  115. La Dette publique, synthèse des débats, page 3
  116. OCDE, Perspectives économiques, mars 2009, tableau 3.8, page 144
  117. "Cndp, p. 5"
  118. FMI, Perspectives de l'économie mondiale, graphique 3.6, p. 109
  119. Banque de France, Documents et débats, p. 81 : composition des plans d'assainissement budgétaire
  120. "Insee, resserrement budgétaire ne Europe, quels effets p. 26/47 "
  121. La soutenabilité des finances publiques après la crise : quelle contribution de la réforme des retraites ?

Voir aussi