Loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels
Pays | France |
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Type | Projet de loi |
Branche | Droit du travail |
Législature | XIVe |
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Gouvernement | Valls II |
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Le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s est un projet de loi français présenté en 2016 par la ministre du Travail Myriam El Khomri au nom du gouvernement Valls[1]. Il est souvent surnommé « loi travail » ou « loi El Khomri ».
Dévoilé le , le projet vise à réformer le Code du travail afin, selon le gouvernement, de « protéger les salariés, favoriser l'embauche, et donner plus de marges de manœuvre à la négociation en entreprise »[2].
Le projet de loi fait l'objet d'un important mouvement de contestation de la part des syndicats, d'organisations étudiantes et d'une partie de la gauche qui considèrent que les réformes proposées font « revenir des années en arrière » les droits des salariés[3]. Le texte, après avoir été remanié par le gouvernement, est adopté sans vote en première lecture par l'Assemblée nationale à la suite de l'engagement de la responsabilité du gouvernement.
Contexte
Précédentes réformes du droit du travail
Depuis la mise en place des 35 heures par le gouvernement de gauche de Lionel Jospin en 1998 et 2000, la question du droit du travail est récurrente dans le débat politique français et plusieurs réformes ont été adoptées afin d'assouplir les règles encadrant le temps de travail et les licenciements[4].
La droite, opposée à la réduction du temps de travail, revient au pouvoir en 2002 et fait adopter le une première loi d'assouplissement de la règle des 35 heures par l'annualisation du temps de travail[5]. Un nouvel assouplissement est adopté en 2005[6].
La même année est créé le contrat nouvelles embauches (CNE), un contrat à durée indéterminée (CDI) réservé aux petites entreprises et qui permet à l'employeur de licencier le salarié par simple lettre recommandée pendant les deux premières années suivant l'embauche[7]. Souvent reconverti en CDI classique par les tribunaux sur le fondement des conventions de l'Organisation internationale du travail, le contrat nouvelles embauches est finalement abrogé en 2008. Début 2006 est adopté le contrat première embauche (CPE) destiné aux jeunes de moins de 26 ans et qui, comme le CNE, permettait un licenciement sans motif pendant deux ans. Face à une très forte contestation, le CPE est abrogé dès .
En 2007, la loi TEPA défiscalise les heures supplémentaires. Cette disposition est abrogée en 2012, jugée responsable par le gouvernement de la destruction de 40 000 à 80 000 emplois[8].
En 2008 est créée la « rupture conventionnelle » qui permet à un employeur et un salarié de mettre fin à un CDI par accord[9] alors que le recours aux heures supplémentaires est assoupli[10].
En 2013, un accord national interprofessionnel qui, tout en accordant de nouvelles garanties aux salariés (compte personnel de formation, droits « rechargeables » à l'assurance chômage, encadrement du temps partiel), allège le recours au licenciement économique collectif et réduit les délais durant lesquels un salarié peut contester son licenciement[11].
Mesures similaires en Europe
Le projet de réforme proposé par Myriam El Khomri s'inspire en partie de mesures similaires prises par plusieurs pays de l'Union européenne, « Italie, Espagne et Allemagne en tête », selon le quotidien économique Les Échos[12]. Ainsi, les licenciements économiques ont été assouplis en Allemagne et en Espagne et les indemnités réduites[13],[14],[15],[16]. En Italie, un contrat dit « à protection croissante » a été introduit[17]. Les indemnités pour licenciement économique ont également été réduites au Royaume-Uni[18],[19].
Les effets sur le taux de chômage de ces mesures d'assouplissement des contrats de travail ont toutefois à ce jour été très peu évalués de façon précise et sembleraient montrer un effet limité[20],[21],[22].
Contexte politique
Le projet de loi s'inscrit dans une volonté d'assouplissement du droit du travail annoncé depuis plusieurs mois par le gouvernement de Manuel Valls[23].
Le texte présenté par la ministre du Travail Myriam El Khomri fait suite à un rapport rédigé en par une commission présidée par Robert Badinter qui préconisait une refonte du Code du travail, jugé « illisible », au profit d'une législation centrée autour de « principes essentiels » notamment le contrat à durée indéterminée, la durée légale du travail et la rémunération minimum[24]. Il reprend en outre, avec des modifications, le plafonnement des indemnités prud'homales versées aux salariés en cas de licenciement abusif qui avait été adopté dans le cadre de la loi Macron de mais censuré par le Conseil constitutionnel[25].
En outre, ce débat a lieu dans un contexte où la majorité de gauche apparaît divisée, notamment sur la politique économique et sociale de François Hollande.
Ainsi, des députés frondeurs ont contesté plusieurs mesures depuis 2012 (pacte budgétaire européen[26], réforme des retraites[27], programme de stabilité[28], etc.). En , les frondeurs contestent plusieurs dispositions du projet de loi du ministre de l'Économie Emmanuel Macron, notamment sur la question de l'élargissement du travail du dimanche et certains annoncent leur intention de voter contre. Le Premier ministre Manuel Valls décide alors d'engager la confiance du gouvernement sur ce texte via l'article 49, alinéa 3 de la Constitution[29].
La contestation au sein de la majorité se fait plus forte fin 2015 et début 2016 autour de la question de la déchéance de nationalité proposée par François Hollande[30].
Contenu du projet de loi
Le projet de loi est présenté par le gouvernement de Manuel Valls comme visant à « protéger les salariés, favoriser l'embauche, et donner plus de marges de manœuvre à la négociation en entreprise »[2]. Concrètement, il laisse plus de libertés aux entreprises pour fixer le temps de travail de leurs salariés ou pour procéder à des licenciements.
Une version remaniée est présentée le .
Temps de travail
Le projet de loi maintient la durée légale du temps de travail à 35 heures par semaine[31]. La majoration salariale des heures supplémentaires reste par défaut de 25 % pour les huit premières heures supplémentaires, 50 % ensuite mais peut être inférieure en cas d'accord d'entreprise ou de branche avec le plancher d'une majoration de 10 %. Le projet de loi instaure toutefois une primauté de l'accord d'entreprise sur l'accord de branche (qui ne s'applique plus qu'en l'absence d'accord d'entreprise)[32]. Par ailleurs, alors qu'aujourd'hui les heures supplémentaires peuvent être décomptées sur une année maximum, le projet de loi autorise un calcul sur trois ans en cas d'accord de branche (la première version du projet prévoyait qu'un accord d'entreprise pouvait suffire)[31].
Une entreprise peut, par dérogation, instaurer une semaine de travail de 60 heures dans la limite d'une moyenne maximum de 44 heures sur douze semaines. En cas d'accord collectif, ce plafond peut être porté à 46 heures, toujours sur 12 semaines (la première version du projet de loi portait cette durée à 16 semaines)[31].
Le projet de loi maintient le maximum de dix heures de travail par jour mais prévoit qu'un accord collectif ou une autorisation administrative peut porter ce plafond à douze heures[31].
Dans la première version du texte, les entreprises de moins de 50 salariés pouvaient proposer à leurs salariés de passer au forfait jour, même sans accord collectif[31]. Dans la version rectifiée, l'accord devient nécessaire[33].
Licenciements
Le projet de loi précise et élargit les conditions dans lesquelles un employeur peut procéder à un licenciement économique : baisse des commandes ou du chiffre d'affaires pendant plusieurs trimestres, pertes d'exploitation pendant plusieurs mois, importante dégradation de la trésorerie, mutations technologiques, réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité[31]. La version remaniée du texte prévoit que « les difficultés économiques créées artificiellement » excluent un licenciement économique[34].
Le périmètre d'appréciation des difficultés économiques d'une entreprise reste celui actuel, fixé par la jurisprudence, avec une appréciation au niveau international. Le projet initial prévoyait de restreindre le périmètre aux filiales françaises pour un groupe, mais un amendement déposé pendant l'examen du texte à l'Assemblée nationale a supprimé cette disposition.[35]
Dans le projet de loi initial un salarié qui refuse un accord collectif de modulation du temps de travail et des salaires pourrait être licencié « motif personnel »[31]. Dans la version adoptée en première lecture, le salarié refusant l'accord fera l'objet d'un licenciement pour « cause réelle et sérieuse » qui suivra la procédure d'un licenciement individuel pour motif économique, mais sans les mesures de reclassement[3],[35].
Le projet de loi introduisait dans sa première version un plafonnement des dédommagements que reçoivent les personnes qui ont été licenciées abusivement[31]. Ces plafonds deviennent « indicatifs » dans la version du 17 mars[33] mais le plancher d'indemnisation, supprimé dans la première version, n'est pas rétabli[36].
Accords
Les accords collectifs qui prévoient une modulation temporaire du temps de travail et des salaires et qui, jusque là, étaient réservés aux entreprises en difficulté, seraient ouverts dans un but « de développement de l’emploi », c'est-à-dire aux entreprises qui cherchent par exemple à conquérir un marché nouveau. Une fois conclu, un tel accord prime sur le contrat de travail des salariés et ceux qui le refusent peuvent être licenciés[31].
Alors que des organisations syndicales majoritaires peuvent actuellement y opposer un veto, le projet ouvre en outre la possibilité pour des syndicats minoritaires représentant au moins 30 % des salariés de demander la tenue d'un référendum auquel les organisations syndicales ne pourront plus s'opposer[31],[37].
Nouveaux droits
Le projet de loi précise le contenu du compte personnel d'activité qui doit permettre à tous les actifs de conserver leurs droits en matière de formation ou de pénibilité tout au long de leur carrière[31].
La version rectifiée introduit en outre un compte épargne-temps et relève le plafond du compte personnel de formation. La garantie jeunes deviendrait un droit pour les jeunes sans emploi ni formation[33].
Historique
Calendrier législatif
Conseil d'État | Conseil des ministres | Première lecture | Commission mixte paritaire | Conseil constitutionnel | Président | ||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Assemblée | Sénat | Assemblée + Sénat | |||||||
Texte | Avis | Dépôt | Engagement de la responsabilité du gouvernement | Motion de censure (rejetée) | Vote | Résultat | Contrôle | Promulgation | |
11 mai 2016 | |||||||||
Avant-projet Saisine rectificative Exposé des motifs |
Avis du Conseil d'État | Compte-rendu | Projet de loi déposé par le gouvernement Dossier législatif |
Texte retenu par le gouvernement | Texte de la motion | Dossier législatif |
Avant-projet
Le , le gouvernement transmet le texte du projet de loi au Conseil d'État[38] et dévoile le texte dans la presse[39]. Dans une interview aux Échos, Myriam El Khomri annonce que l'objectif du projet est d'« améliorer la compétitivité des entreprises, développer et préserver l’emploi, réduire la précarité du travail et améliorer les droits des salariés[40] ».
Le gouvernement reçoit le soutien de Pierre Gattaz, président du MEDEF, qui juge que « Ce projet de loi va dans le bon sens », le texte présenté par le gouvernement reprenant plusieurs propositions défendues par le MEDEF[41],[42].
Au PS, le pôle des « Réformateurs » soutient le projet initial, notamment par la voix Christophe Caresche pour qui « Il faut continuer à réformer, il faut avancer, c'est une bonne réforme. Tous les partis sociaux-démocrates en Europe ont fait ce type de réforme[43]. » Jean-Marie Le Guen juge qu'un « certain nombre d'esprits chagrins sont là pour essayer de bloquer la poussée réformiste du gouvernement[44] ».
Des élus Les Républicains comme Benoist Apparu, Alain Juppé, Bruno Le Maire ou François Fillon soutiennent également le projet[45] qui, selon une tribune d'universitaires publiée dans Le Monde, pourrait contribuer à diminuer les rigidités de marché du travail et favoriser l'appréhension des employeurs à l'embauche avec pour effet de favoriser l'emploi[46].
Toutefois, le projet de loi suscite très rapidement un vif débat, que l'exécutif semble avoir sous-estimé[47],[48].
Opposition sur Internet
Le projet de loi de Myriam El Khomri donne lieu, dès son dévoilement, à une opposition sur Internet qualifiée de « jamais vue »[49],[50].
Dès le , une pétition en ligne demandant le retrait du projet est lancée par la militante Caroline De Haas, avec un site internet loitravail.lol. Selon Change.org, qui héberge la pétition, c'est la pétition française qui « s'est lancée avec le plus grand nombre de signatures le jour de son lancement […] et qui obtient le plus de signatures par jour, avec 73 000 signatures en moyenne[49]. » Cet engouement est le signe, selon De Haas, « d'un malaise très fort et du début d’une grande mobilisation »[51]. La pétition atteint le cap des 1 000 000 de signatures[52] le 4 mars 2016[53].
Le , un collectif de youtubeurs dont Usul, Dany Caligula ou le Stagirite lance une vidéo et invite les internautes à utiliser le hashtag « On vaut mieux que ça » afin de décrire leurs expériences d'un monde du travail « précarisé et flexibilisé à l'extrême, loin de l'image renvoyée par le MEDEF »[49].
Réactions syndicales et politiques
Neuf syndicats se réunissent le (CFDT, CFE-CGC, CGT, FSU, Solidaires, Unsa, UNEF, UNL, FIDL) et demandent notamment « le retrait de la barémisation des indemnités prudhommales »[54]. La CFDT juge le texte « très déséquilibré » : si le syndicat se félicite de certaines mesures dont la « sanctuarisation des principes fondamentaux du droit du travail », il dénonce « l'augmentation du pouvoir unilatéral de l’employeur »[37],[55]. La CGT, la FSU et Solidaires sont favorables à l'organisation de manifestations[51]. William Martinet, président de l'Union nationale des étudiants de France (UNEF) s'oppose au projet et accuse le gouvernement d'avoir « déclenché une offensive sans précédent contre les jeunes et les salariés »[56].
Au sein du Parti socialiste, le texte est notamment critiqué par les frondeurs[57] mais aussi, plus largement, notamment par Martine Aubry qui, dans une tribune, avec 17 personnalités dont Daniel Cohn-Bendit, lance une violente charge contre les orientations gouvernementales[58] dénonçant non seulement le projet de loi El Khomri mais également le « pacte [de responsabilité] avec le Medef qui se révéla un marché de dupes », le « désolant débat sur la déchéance de nationalité », « la meurtrissure de l’indécent discours de Munich » de Manuel Valls sur l’accueil des réfugiés[59]. Le président du Mouvement des jeunes socialistes Benjamin Lucas juge qu'il est « urgent de stopper la dérive libérale [alors que] la remise en cause du Code du travail marque une volonté de rupture »[60].
Pour Gérard Filoche, lui aussi membre du Parti socialiste, le projet institue une nouvelle hiérarchie des normes dans le droit du travail en inversant le principe de faveur car le résultat moins favorable d'une négociation collective pourra prévaloir sur la loi[61].
Pierre Joxe juge que le texte est un « avant-projet provocateur » et qu'il est « significatif d’une volonté politique qui s’est déjà manifestée dans le domaine social avec la loi Macron ». « On dirait que ce gouvernement veut réécrire à l’envers les conquêtes sociales historiques de la gauche. Contrairement à ce que raconte Valls, la gauche ne peut pas mourir, mais elle peut tomber très malade précise-t-il[62]. »
Antoine Lyon-Caen, membre de la commission présidée par Robert Badinter avec qui il a coécrit un livre sur le droit du travail[63] se désolidarise du projet de loi, jugeant certaines mesures « purement opportunistes […] Elles ne profitent qu'aux grandes entreprises »[64].
D'après un sondage Odoxa du , 67 % des personnes interrogées sont opposées au projet de loi[65].
Réaction d'experts (juristes, économistes)
Le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle émet un avis négatif sur le texte, soulignant des « mesures [qui] sont particulièrement défavorables aux femmes[66] ».
Parallèlement, des universitaires spécialisés en droit du travail, dont Emmanuel Dockès, présentent à la presse un projet de code du travail alternatif « plus court, plus clair, plus protecteur et mieux adapté aux difficultés de notre temps »[67],[68].
Début mars, trente économistes parmi lesquels Jean Tirole, Hélène Rey, Alain Trannoy, Pierre-Olivier Gourinchas, défendent le projet de loi, le qualifiant d'avancée pour les plus fragiles. Ils soulignent qu'une loi similaire adoptée en 2012 en Espagne a permis « un surcroit de 300 000 embauches en CDI dès l'année suivante »[69]. Selon eux la crainte d'un conflit prudhommal incite les entreprises à ne pas embaucher en contrat à durée indéterminée[70]. Le , Charles Wyplosz reprend les mêmes thèmes que Jean Tirole concernant l'incertitude liée aux jugement prud'homaux et les clauses relatives aux licenciements économiques qui constituent selon lui de puissants freins à l'embauche[71].
Report, manifestations et modifications du projet
Le , en réponse à la contestation, François Hollande presse son conseiller social Michel Yahiel de reprendre la main sur le projet[72] puis, le , Manuel Valls annonce reporter de deux semaines sa présentation en conseil des ministres, initialement prévue le , afin de relancer le dialogue sur certaines dispositions envisagées[73].
Le , des manifestations partout en France rassemblent entre 224 000 et 500 000 personnes contre le projet de loi[74].
Le , après avoir rencontré les syndicats de salariés et les organisations étudiantes, le gouvernement annonce avoir modifié le texte. Parmi les principaux changements, le barème des indemnisations prud'homales ne serait plus qu'« indicatif » et l'allongement du temps de travail des apprentis sans autorisation préalable est supprimé, un compte épargne-temps serait créé et la « garantie jeune », actuellement en essais, serait généralisée[75]. Ces modifications sont critiquées par le MEDEF et la CGPME mais saluées par la CFDT. La CGT, FO et l'UNEF continuent de demander le retrait du projet[75].
Le , entre 69 000 et 150 000 personnes défilent contre le projet à l'appel d'organisations de jeunesse[76]. La contestation prend de l'ampleur le : à l'appel des syndicats de salariés et des organisations de jeunesse, les manifestations rassemblent entre 390 000 et 1,2 million de personnes[77].
À la suite de cette manifestation naît le mouvement « Nuit debout », présenté comme citoyen et pacifiste, qui occupe la place de la République à Paris. Le mouvement se poursuit les nuits suivantes à Paris et s'étend à d'autres villes (25 le )[78].
Le , une nouvelle journée de manifestations voit 209 cortèges comptant entre 170 000 (selon la police) et 500 000 manifestants (selon la CGT)[79]. Des violences ont lieu, plus importantes que lors des précédentes journées de mobilisation, particulièrement à Paris (24 policiers blessés, dont 3 grièvement, et 124 personnes sont interpellées[79]) et Rennes (2 policiers blessés et 38 manifestants blessés, dont 10 gravement - l'un d'entre eux perd totalement la vision d'un œil à la suite d'un tir de flash-ball[80])[81]. Le bilan officiel du ministère de l'Intérieur parle de 78 policiers blessés et 214 individus interpellés sur l'ensemble du territoire, dont 1 policier et 1 manifestant gravement blessés[82]. L'agence de médias Acrimed critiquera l'absence de bilan des manifestants blessés hors de Rennes[83], et signalera qu'à Paris plusieurs manifestants ont été hospitalisés en urgence sans qu'il y ait eu une couverture médiatique de cela[83] - et dont le nombre d'hospitalisations est donc inconnu. Le ministre de l'Intérieur et les syndicats condamnent les violences.
La majorité parlementaire nécessaire pour faire voter la Loi Travail n'étant pas assurée, le Premier Ministre Manuel Valls décide, le 10 mai 2016, de la faire passer en utilisant l'article 49-3 de la Constitution française. Dans l'après-midi, plusieurs centaines de manifestants, dont ceux de Nuit debout, viennent occuper le pont de la Concorde, face à l'Assemblée nationale[84]. Dans plusieurs villes - notamment Lyon, Toulouse, Montpellier, Grenoble et Nantes - des manifestations spontanées se mettent en place[84]. Dans d'autres villes, comme à Chalon-sur-Saône[85], où les rassemblements de Nuit debout ne sont pas forcément quotidiens, des « Nuits debout exceptionnelles »[85] se prévoient pour le soir même. À Paris et Toulouse se produisent des heurts entre les manifestants et la police[84].
Le 15 mai, la manifestation Global Debout mobilise 300 villes en France[86]. A Paris, entre 1500 et 2000 personnes y participent[87]. Les autres rassemblements restent de taille modeste[88] (entre 200[88] et 600[89] personnes à Toulouse selon la source), voire très modeste (une vingtaine de personnes à Marseille[88]).
Le 15 mai est également la date de départ d'une période qui connaît des manifestations anti-Loi Travail tous les jours[90] - sauf la manifestation de policiers du 18 mai qui proteste "contre la haine anti-flic"[91]. Le mouvement anti Loi Travail semble s'essouffler dans un premier temps, puis se relance à partir du 19 mai, jour où entre 128.000 et 400.000 personnes défilent[92].
Le 19 mai est aussi le début d'un mouvement de grève des routiers, grève des cheminots de la SNCF, et de blocage des raffineries de pétrole, des aéroports et des ports industriels[93]. La mobilisation obtient des premiers résultats le 21 mai, puisque les routiers arrivent à obtenir la promesse du gouvernement que la Loi Travail ne modifiera pas leur régime spécial d'heures supplémentaires[94], ce qui encourage les syndicats à poursuivre leur action[94]. Le 23 mai, entre les raffineries de pétrole bloquées, et la tendance des automobilistes à stocker de l'essence, un début de pénurie se fait sentir au Nord-Ouest de la France et à Paris, et 1500 des 12000 stations-services de France métropolitaine se retrouvent en rupture partielle ou totale[92]. Le 24 mai, le gouvernement fait intervenir les CRS pour débloquer la raffinerie et le dépôt pétrolier de Fos-sur-Mer[95], qui font face à la résistance d'environ 200 syndicalistes de la CGT, dont plusieurs sont blessés par la charge des CRS[95] ; cependant, malgré le déblocage du site, à la date du 24 mai les huit raffineries de France métropolitaine restent toutes en arrêt total ou partiel[96], et près de 2 200 stations essence sont en manque de carburant voire à sec sur l’ensemble du territoire[96], soit 20 % des stations essence en France [96](localisées en Pays de la Loire, Bretagne, Normandie, Hauts-de-France et Ile-de-France avec une extension dans le Centre, Rhône-Alpes, Auvergne et PACA), dont 188[96] en rupture totale[96].
Débats parlementaires
Le , Manuel Valls décide de recourir à l'article 49, alinéa 3 de la Constitution[97] qui permet de faire adopter le texte sans vote. Les Républicains et l'UDI déposent une motion de censure alors que les frondeurs socialistes tentent d'en déposer une autre avec le Front de gauche et des députés écologistes mais ne parviennent à recueillir que 56 signatures au lieu des 58 requises[98],[99].
Le , alors que de nouvelles manifestations ont lieu contre le projet, la motion de censure reçoit, à l'Assemblée nationale, l'appui de 246 députés (LR, UDI, Front de gauche et non-inscrits mais pas des frondeurs) sur les 288 requises et est donc rejetée, ce qui entraine l'adoption du projet de loi par l'Assemblée nationale en première lecture[100]. Le texte doit maintenant être examiné par le Sénat.
Notes et références
- PROJET DE LOI visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs
- « Le Vrai/Faux du Gouvernement sur la #LoiTravail », sur Gouvernement.fr (consulté le )
- « Loi Travail : non merci », sur LoiTravail.lol (consulté le )
- « Emmanuel Macron prêt à mettre fin « de facto » aux 35 heures », sur LeMonde.fr, (consulté le )
- « Loi du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l’emploi », sur Vie-publique.fr (consulté le )
- « Loi du 31 mars 2005 portant réforme de l’organisation du temps de travail dans l’entreprise », sur Vie-publique.fr (consulté le )
- « Ordonnance du 2 août 2005 relative au contrat de travail "nouvelles embauches" », sur Vie-publique.fr (consulté le )
- "Intervention de François Hollande le 9-09-2012, sur Tf1"
- « Loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail », sur Vie-publique.fr (consulté le )
- « Loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail », sur Vie-publique.fr (consulté le )
- « Accord sur la compétitivité et la sécurisation de l’emploi : des mesures à la portée encore incertaine », sur Vie-publique.fr (consulté le )
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- Isabelle Bourgeois, Le modèle social allemand en mutation (lire en ligne), p. 53
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- Cécile Thibaud, « Espagne : priorité aux accords d’entreprise », sur Les Echos,
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- Aude Bariéty, « William Martinet, président de l’Unef et héraut de la lutte contre la loi Travail », Le Figaro, 8 mars 2016
- « Les frondeurs n'excluent pas une motion de censure en cas de 49-3 », challenges.fr, (consulté le )
- Agence France Presse, « «Trop c'est trop» : Martine Aubry lance une charge contre la politique du gouvernement », liberation.fr, (consulté le )
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- Benjamin Lucas, « "Il est urgent de stopper la dérive libérale" : l'appel cinglant des Jeunes socialistes contre la politique du gouvernement », francetvinfo.fr, (consulté le )
- « Analyse détaillée du projet de loi EL KHOMRI / MACRON 2 », sur Blog de Gérad Filoche
- JDD 26 février 2016
- Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen, Le travail et la loi, Fayard (ISBN 2213686890)
- « Réforme du droit du travail : la méthode retenue est brouillonne et confuse », Le Monde, 2 mars 2016
- « Sondage pour BFMTV, du 03-03-2016, 67 % des Français sont opposés à la loi El Khomri », sur BFMTV
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- « Loi travail : échec de la motion de censure voulue par les frondeurs de gauche », Le Monde.fr, (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
- « Loi travail : la motion de censure du gouvernement échoue », sur Le Monde,
Articles connexes
- Lois Auroux, Lois Aubry, Loi Macron, Loi Rebsamen
- Code du travail, Contrat de travail, Durée du travail, Licenciement, Conseil de prud'hommes
- Présidence de François Hollande, Gouvernement Manuel Valls (2), XIVe législature de la Ve République