Aller au contenu

Vénus endormie (Giorgione)

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 1 août 2021 à 19:20 et modifiée en dernier par Adonia60 (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.
Vénus endormie
Artiste
Date
1508 - 1510
Type
Technique
Huile sur toile
Dimensions (H × L)
108,5 × 175 cm
Inspiration
Mouvements
Propriétaire
No d’inventaire
Gal.-Nr. 185Voir et modifier les données sur Wikidata
Localisation

La Vénus endormie (Venere dormiente), également connue sous le nom de Vénus de Dresde ( Venere di Dresda), est traditionnellement attribuée au peintre de la Renaissance italienne Giorgione, réalisée vers 1510. L'œuvre est conservée à la Gemäldegalerie Alte Meister de Dresde. Il est généralement accepté que Titien y a également travaillé.

Attribution

Les historiens d'art estiment que le tableau a été commandé par Girolamo Marcello, membre d'une des grandes familles vénitiennes, à l'occasion de son mariage en 1507.

Il est également admis que le tableau a été terminé par Titien, élève de Giorgione. Le paysage et le ciel sont généralement acceptés comme étant principalement de lui[1], mais même après analyse approfondie de la toile, les experts ne savent pas attribuer des parties du tableau à l'un ou l'autre de ces deux peintres. Au XXIe siècle, beaucoup d'opinions savantes ont encore changé, pour voir la figure nue de Vénus comme également peinte par Titien, laissant la contribution de Giorgione incertaine[2].

Histoire

Titien, Jupiter et Antiope, détail de la Vénus du Prado, 1551.

Selon le récit habituel, le tableau est inachevé au moment de la mort de Giorgione. Le paysage et le ciel sont ensuite terminés par Titien, qui en 1534 a peint la Vénus d'Urbin, une œuvre similaire, et plusieurs autres nus féminins allongés, tels que ses compositions répétées de Vénus et Musicien et de Danaé, toutes deux à partir des années 1540. D'autres éléments sont réutilisés par Titien : les montagnes à l'horizon à gauche, qui réapparaissent dans La Madone gitane (vers 1511, Vienne (Autriche)) et les bâtiments à droite, visibles dans le Noli me tangere, vers 1514 ( National Gallery)[3].

Le tableau est généralement identifié avec celui avec Cupidon, décrit dans la collection de Girolamo Marcello en 1525 par Marcantonio Michiel, un patricien vénitien intéressé par l'art, qui a laissé des notes compilées entre 1521 et 1543 environ sur les peintures qu'il a vues. Il décrit le tableau comme de Giorgione, mais avec le paysage complété par Titien, et jusqu'à très récemment, cette double attribution était généralement acceptée, bien que les historiens de l'art savaient que les « Giorgiones » étaient déjà rares et surattribués même à cette date précoce. Au moins au moment où Carlo Ridolfi a vu le tableau de Marcello, environ un siècle plus tard, Cupidon tenait un oiseau, alors que dans le tableau de Dresde (vu aux rayons X), il semble pointer son arc, peut-être vers le spectateur, bien que sa pose soit difficile à déchiffrer. Il reste possible que le tableau de Marcello ne soit pas en fait celui qui se trouve actuellement à Dresde, ou qu'il le soit, mais que les informations que Michiel a données quant à sa paternité soient incorrectes[4].

Marcello s'est marié en 1507, et il a été suggéré qu'il ait commandé le tableau pour célébrer l'évènement ; la pertinence d'un nu couché comme image de mariage a également été explorée en relation avec la Vénus d'Urbin[5].

Le tableau a été acheté à un marchand français pour Auguste II de Saxe en 1695 en tant que Giorgione, mais en 1722, il a été décrit dans un catalogue comme la « célèbre Vénus couchée dans un paysage de Titien ». Au début du XIXe siècle, on pensait qu'il s'agissait d'une copie d'après Titien. Il n'a pas été identifié avec le tableau que Michiel a vu avant le XIXe siècle, lorsque Giovanni Morelli l'a suggéré, après quoi l'attribution de Michiel à Giorgione, avec un paysage du Titien, a été largement acceptée pendant plus d'un siècle. Le dessin sous-jacent a été perdu lorsque la peinture a été transférée sur une nouvelle toile, probablement au début du XIXe siècle[6].

Après la Seconde Guerre mondiale, le tableau fut brièvement en possession de l'Union des républiques socialistes soviétiques.

Iconographie

Le tableau, l'une des dernières œuvres de Giorgione (s'il en est), représente une femme nue dont le profil semble faire écho aux contours ondulants des collines en arrière-plan. C'est le premier nu couché connu dans la peinture occidentale, et avec le Le Concert champêtre (Titien) du Louvre, une autre peinture disputée entre Titien et Giorgione[7], il a établi « le genre de la pastorale mythologique érotique »[8], avec des nus féminins dans un paysage, accompagné dans ce cas de mâles vêtus[9]. Une seule femme nue dans n'importe quelle position est un sujet inhabituel pour un grand tableau à cette date, bien qu'il devienne populaire pendant les siècles suivants car « le nu féminin allongé est devenu un trait distinctif de la peinture vénitienne »[10].

Il y avait à l'origine une figure assise de Cupidon à côté des pieds de Vénus, qui a été repeinte au XIXe siècle[11]. Au cours de sa réalisation, le paysage a également été modifié des deux côtés, tout comme la coloration de la draperie, et la tête de Vénus était à l'origine vue de profil, ce qui la rend très similaire à la Venus du Prado de Titien plus tardive[12]. Grâce à une série de radiographies réalisées au XXe siècle, les chercheurs ont pu dire de manière concluante que cette peinture contenait différents éléments peints. Les raisons ayant entrainé ces changements ultérieurs sont encore inconnues bien qu'elles aient pu être suggérées par le commanditaire[13].

Description et style

Critiques

Selon Sydney Freedberg, les implications érotiques sous-jacentes sont dues au bras levé de Vénus et au placement de sa main gauche sur son aine. Les draps sont peints en argent, une couleur froide, plutôt qu'avec les tons chauds les plus couramment utilisés pour le linge de maison. Ils ont un aspect rigide par rapport à ceux représentés dans des peintures similaires de Titien ou de Diego Vélasquez. Le paysage imite les courbes du corps de la femme et cela, à son tour, ramène le corps humain à être un objet naturel et organique.

L'historien de l'art Michael Paraskos a suggéré que le tableau pourrait être une allégorie de l'île de Chypre, qui a été cédée à Venise par la reine Catherine Cornaro en 1489, le tableau ayant été créé sous l'influence de la cour en exil du Royaume de Chypre que le Sénat vénitien a autorisé à s'établir à Asolo en Vénétie, évoquant un sentiment de perte et de désir de revenir. En plus de suggérer que le corps de Vénus est censé ressembler à la forme de l'île, Paraskos affirme que les caractéristiques géographiques qui l'entourent ressemblent à celles que l'on pouvait voir en voyageant du palais d'été de Lusignan à Potamia dans le sud-est de Chypre, vers le Massif du Troodos à l'ouest[14].

Influences

La pose de la figure a été reliée à l'une des illustrations de Xylographie d'Hypnerotomachia Poliphili de 1499[15], mais un nu de cette taille, en tant que sujet unique, était sans précédent dans la peinture occidentale, et dans une large mesure détermine le traitement du type de figure pour les siècles à venir, à l'exclusion, par exemple, du traitement plus explicite dans les gravures contemporaines de Giovanni Battista Palumba. Bien que les estampes de vieux maître aient contenu beaucoup plus de figures féminines nues, les deux célèbres peintures de Sandro Botticelli, La Naissance de Vénus et le Printemps, sont les précédents les plus proches de la peinture. L'attitude contemplative envers la nature et la beauté de la figure est typique de Giorgione.

La composition de cette peinture fut très influente malgré l'affichage souvent restreint pendant quelques siècles de telles images. L'influence de cette peinture ou des peintures qu'elle a influencées peut être retracée dans un certain nombre de nus allongés ultérieurs tels que la Vénus du Prado et la Vénus d'Urbin du Titien, la Vénus à son miroir de Velázquez, La Maja nue de Francisco de Goya et Olympia d'Édouard Manet, et d'autres œuvres de Jean-Auguste-Dominique Ingres et Pierre Paul Rubens, pour n'en citer que quelques-unes.

Articles connexes

Bibliographie

  • (it) Alessandra Fregolent, Giorgione : il genio misterioso della luce e del colore, Milan, Electa, , 143 p. (ISBN 88-8310-184-7)
  • (it) Pierluigi De Vecchi et Elda Cerchiari, I tempi dell'arte, vol. 2, Milan, Bompiani, (ISBN 88-451-7212-0)
  • (it) Francesco Valcanover, L'opera completa di Tiziano, Milan, Rizzoli, .
  • Malcolm Bull, The Mirror of the Gods, How Renaissance Artists Rediscovered the Pagan Gods, Oxford UP, 2005, (ISBN 0195219236)
  • Freedburg, Sidney J.. Painting in Italy, 1500–1600, 3rd edn. 1993, Yale, (ISBN 0300055870)
  • Goffen, Rona, "Sex, Space and Social History in Titian's Venus of Urbino", in Goffen, Rona (ed), Titian's "Venus of Urbino", 1997, Cambridge University Press
  • Hale, Sheila, Titian, His Life, 2012, Harper Press, (ISBN 978-0-00717582-6)
  • Jaffé, David (ed), Titian, The National Gallery Company/Yale, p. 13, London 2003, (ISBN 1-85709-903-6)
  • Joannides, Paul, Titian to 1518: The Assumption of Genius, 2001, Yale University Press, (ISBN 0300087217), 9780300087215, google books
  • Loh, Maria H., Titian Remade: Repetition and the Transformation of Early Modern Italian Art, 2007, Getty Publications, (ISBN 089236873X), 9780892368730, google books (full view)
  • Paraskos, Michael, 'Tea Trays and Longing: Mapping Giorgione's Sleeping Venus onto Cyprus' in Jane Chick and Michael Paraskos (eds.), Othello's Island 1: Selected Proceedings of the Annual Conference on Medieval and Early Modern Studies Held at CVAR, Nicosia, Cyprus (London: Orage Press, 2019) (ISBN 9781999368005)

Références

  1. Charles Hope dans Jaffé, 13
  2. Joannides, 180-181; Hale, 96-97; Loh, 18-19
  3. Jaffé, 74, 86; Joannides, 180; Hale, 17
  4. Joannides, 184
  5. Goffen, 73, 66-82
  6. Joannides, 180-181
  7. Hale, 97-98
  8. Bull, 62 , 208-211
  9. Hale, 97
  10. Bull, 62
  11. Joannides, 184; Bull, 63, 210; Goffen, 74
  12. Joannides, 181
  13. Jaynie Anderson, Giorgione, Titian and the Sleeping Venus, Venice, Università degli studi di Venezia, [détail de l’édition] (lire en ligne), p. 232
  14. Paraskos, 280f
  15. Illustrated page 5, NGA Washington

Liens externes

Sur les autres projets Wikimedia :