Anammox
Oxydation anaérobie de l'ammonium
L’oxydation anaérobie de l’ammonium ou l’« anammox[note 1]» est une voie métabolique microbienne importante du cycle de l'azote au cours de laquelle l’énergie chimique du nitrate NO3− et de l’ammonium NH4+ est utilisée par certaines bactéries pour fixer le dioxyde de carbone. Ces bactéries qui réalisent ce processus ont été identifiées en 1999 et ont constitué à l'époque une surprise pour la communauté scientifique. Ce type de réactions se déroule dans de nombreux milieux naturels. Une méthode d'élimination de l'ammonium développée par l'université technique de Delft est également commercialisée sous le nom d'anammox.
Observation in vivo
Dans le processus biologique, le cation ammonium NH4+ est oxydé par l'anion nitrite NO2− pour donner du diazote N2. La réaction globale s'écrit :
Ce processus contribue à hauteur de 50 % du diazote produit dans l'océan[réf. nécessaire], consommant assez d'azote assimilable (ammonium et nitrite) pour limiter la production primaire des eaux[réf. nécessaire].
Les bactéries qui effectuent le processus d'anammox appartiennent au phylum bactérien des planctomycètes, dont les genres les mieux connus sont Planctomyces et Pirellula. Actuellement, cinq genres de bactéries anammox ont été (provisoirement) définis : Brocadia, Kuenenia, Anammoxoglobus et Jettenia concernant les espèces d'eau douce, ainsi que Scalindua pour ce qui est des espèces marines.
Spécificités des bactéries anammox
Les bactéries anammox sont caractérisés par plusieurs propriétés remarquables.
- Elles possèdent toutes un anammoxosome, grand compartiment lié à la membrane à l'intérieur du cytoplasme, où se déroule le catabolisme anammox[1].
- En outre, les lipides constituant les membranes de ces bactéries contiennent une forte proportion d'acides gras de type ladderane[2], tels que l'acide pentacycloanammoxique[3], jusqu'à présent uniques en biologie.
- L'hydrazine N2H4 et l'hydroxylamine NH2OH, toxiques pour la plupart des êtres vivants, sont chez elles des intermédiaires métaboliques du processus d'anammox.
- Enfin, une caractéristique frappante de ces bactéries est leur taux de croissance extrêmement lent, leur temps de doublement étant de près de deux semaines.
Températures de l'eau
Le processus d'anammox avait été initialement observé à des températures comprises entre 20 °C et 43 °C[4], mais des publications de 2009 ont rapporté des observations, dans des sources chaudes à des températures comprises entre 36 °C et 52 °C[5], et dans des sources hydrothermales situées le long de la dorsale médio-atlantique à des températures comprises entre 60 °C et 85 °C[6].
Application au traitement des eaux usées
Le procédé anammox intervient dans l'élimination de l'ammonium dans le traitement des eaux usées et se compose de deux processus distincts. La première étape est la nitrification partielle (nitrosation) de la moitié de l'ammonium en nitrite par des bactéries telles que Nitrosomonas :
Des bactéries anammox peuvent alors convertir l'ammonium NH4+ et le nitrite NO2− en diazote N2 et environ 15 % de nitrate NO3− :
Les deux processus peuvent se dérouler dans un réacteur unique où les deux guildes de bactéries forment des granules compacts[7].
Le procédé anammox représente une alternative aux techniques conventionnelles d'élimination de l'azote mises en œuvre dans les stations d'épuration, tels que l'attestent plusieurs brevets déposés dans le domaine. À l'inverse de la flore microbienne présente dans les étapes de traitement biologique d'une station d'épuration des eaux usées, les bactéries du genre Brocadia anammoxidans sont en mesure de se dispenser d'oxygène et même de consommer du dioxyde de carbone (gaz à effet de serre). L'aération des bassins peut être diminuée, réduisant ainsi les coûts de traitement et les émissions de CO2 jusqu'à 88 %. Le développement des nouveaux procédés se base sur les travaux de recherche accomplis dans les années 1990, portant sur l'activité microbienne lors des processus de nitrification/dénitrification, et en particulier sur les mécanismes affectant la disponibilité des espèces azotées réactives. Les travaux réalisés à Vienne (Nowak et Svardal, 1993; Nowak, 1996), Delft (van Niel et al., 1993; van Loosdrecht et Jetten, 1998) et Hanovre (Abeling, 1994; Hippen, 1999) méritent ici d'être cités. Ces découvertes trouvent leur application à Rotterdam depuis début 2006. En Allemagne, les procédés anammox sont appliqués depuis l'an 2000 dans différentes stations d'épuration, se limitant cependant au traitement d'une partie des effluents (liqueur de boues). Divers systèmes sont disponibles sur le marché pour cette application particulière. La multiplication des expériences dans des installations grandeur nature pourrait montrer dans quelle mesure les exigences technico-économiques du fonctionnement d'une station d'épuration sont rencontrées. L'application du procédé anammox à l'ensemble des eaux pré-traitées ne fait l'objet à ce jour que d'une unique application en Autriche, au sein de la station d'épuration de Strass (Val de Ziller). L'intérêt réside ici également dans la réduction des besoins d'oxygénation et l'évitement des émissions de CO2. Le défi à relever dans ce cas est de rassembler les conditions idéales à la croissance des bactéries anammox (comme par exemple, la température des eaux traitées, l'âge des boues…).
Intérêt écologique
La nitrification/dénitrification (transformation par étapes de l'ammoniaque en nitrites puis en nitrates puis en azote atmosphérique par le biais de l'activité bactériologique en condition anoxique) a longtemps été considérée comme la seule source de libération de l'azote de l'air. La découverte de l'oxydation de l'ammonium par des bactéries anaérobiques a donc de larges conséquences sur la compréhension scientifique du cycle de l'azote. Le procédé anammox donne une nouvelle dimension au cycle de l'azote dans les océans.
Note
- Abréviation de anaerobic ammonium oxidation » en anglais.
Références
- (en) Laura A. van Niftrik, John A. Fuerst, Jaap S.Sinninghe Damsté, J.Gijs Kuenen, Mike S.M. Jetten et Marc Strous, « The anammoxosome: an intracytoplasmic compartment in anammox bacteria », FEMS Microbiology Letters, vol. 233, no 1, , p. 7-13 (lire en ligne) DOI 10.1016/j.femsle.2004.01.044
- (en) Jaap S. Sinninghe Damsté, Marc Strous, W. Irene C. Rijpstra, Ellen C. Hopmans, Jan A. J. Geenevasen, Adri C. T. van Duin, Laura A. van Niftrik et Mike S. M. Jetten, « Linearly concatenated cyclobutane lipids form a dense bacterial membrane », Nature, vol. 419, , p. 708-712 (lire en ligne) DOI 10.1038/nature01128
- (en) Vincent Mascitti et E. J. Corey, « Enantioselective Synthesis of Pentacycloanammoxic Acid », Journal of the American Chemical Society, vol. 128, no 10, , p. 3118-3119 (lire en ligne) DOI 10.1021/ja058370g
- (en) Marc Strous, J. Gijs Kuenen et Mike S. M. Jetten, « Key Physiology of Anaerobic Ammonium Oxidation », Applied and Environmental Microbiology, vol. 65, no 7, , p. 3248–3250 (lire en ligne)
- (en) A. Jaeschke, J. J. Op den Camp, H. Harhangi, et al., « 16S rRNA gene and lipid biomarker evidence for anaerobic ammonium-oxidizing bacteria (anammox) in California and Nevada hot springs », FEMS Microbiology Ecology, vol. 67, no 3, , p. 343-350 (lire en ligne)
- (en) Nathalie Byrne, Marc Strous, Valentin Crepeau, Boran Kartal, Jean-louis Birrien, Markus Schmid, Françoise Lesongeur, Stefan Schouten, Andrea Jaeschke, Mike Jetten, Daniel Prieur et Anne Godfroy, « Presence and activity of anaerobic ammonium-oxidizing bacteria at deep-sea hydrothermal vents », The ISME journal (Multidisciplinary Journal of Microbial Ecology), vol. 3, no 1, , p. 117-123 (lire en ligne) DOI 10.1038/ismej.2008.72
- (en) B. Kartal, J. G. Kuenen et M. C. M. van Loosdrecht, « Sewage Treatment with Anammox », Science, vol. 328, no 5979, , p. 702-703 (lire en ligne) DOI 10.1126/science.1185941
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- Cherh Yih Ma & al. (2019) The short- and long-term inhibitory effects of Fe (II) on anaerobic ammonium oxidizing (anammox) process ; Water Sci. Technol. wst2019188. | June 03 | https://doi.org/10.2166/wst.2019.188