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Trou noir de Schwarzschild

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Animation de la déformation subie par un anneau de particules au passage de l'horizon d'un trou noir de Schwarzschild, et causée par sa force de marée gravitationnelle. Vue stylisée. La "surface" du trou noir est ici modélisée par une caténoïde.

En astrophysique, le trou noir de Schwarzschild[1] est le plus simple[2] modèle de trous noirs[3],[4],[5]. Il consiste, par définition, en un trou noir :

Plus formellement, c'est le trou noir obtenu en résolvant l'équation d'Einstein de la relativité générale, pour une masse immobile, sphérique, qui ne tourne pas et sans charge électrique. La métrique satisfaisant à ces conditions est alors appelée la métrique de Schwarzschild.

Le trou noir de Schwarzschild s'interprète comme l'« état fondamental » — c'est-à-dire comme l'« état de plus basse énergie possible » — d'un trou noir de masse donnée[7]. Il représente l'état final d'un trou noir de Kerr de l'ergorégion duquel toute l'énergie de rotation aurait été extraite par processus de Penrose[8],[9],[10].

L'éponyme[11] du trou noir de Schwarzschild[12] est l'astronome allemand Karl Schwarzschild (-).

Le terme de trou noir "black hole" est inventé en 1967 par le physicien américain John Wheeler. Il avait déjà été imaginé au XVIIIe siècle par Laplace : « Un astre lumineux de même diamètre que la Terre, dont la densité serait deux cent cinquante fois plus grande que celle du Soleil, ne laisserait en vertu de son attraction, parvenir aucun de ses rayons jusqu’à nous ». Cette idée n’a rien à voir ni avec la relativité générale ni avec Schwarzschild puisque prévu par la mécanique newtonienne.

La métrique de Schwarzschild, de laquelle dérivent les solutions de l'équation d'Einstein qu'on identifie aux trous noirs de Schwarzschild, a été obtenue la première fois par Schwarzschild, peu après la publication de la théorie de la relativité générale par Albert Einstein en 1915.

Propriétés

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L'espace-temps, dont la métrique de Schwarzschild décrit la géométrie, ne contient un trou noir que si la masse est strictement positive (m > 0) et le vide (Tμν = 0) s'étend jusqu'au rayon de Schwarzschild[13],[14].

La masse d'un trou noir de Schwarzschild est un nombre réel positif non nul : , soit [15]. En effet, avec une masse négative, la métrique de Schwarzschild exhibe une singularité nue[15].

La masse d'un trou noir de Schwarzschild est égale à la masse irréductible d'un trou noir de Kerr[16].

Dernière orbite circulaire stable

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Le rayon de la dernière orbite circulaire stable (rISCO) sur laquelle une particule massive peut se mouvoir autour d'un trou noir de Schwarzschild est donnée par[17],[18] :

.

Horizon des événements

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L'aire de l'horizon des événements (AH) d'un trou noir de Schwarzschild est celle d'une sphère (AH = 4πr2) dont le rayon aréolaire (r = AH / 4π) est, par définition, le rayon de Schwarzschild (RS = 2GM / c2)[19],[20],[21] :

.

L'horizon des événements d'un trou noir de Schwarzschild coïncide avec d'autres horizons :

L'horizon des événements d'un trou noir de Schwarzschild est dit surface de décalage infini vers le rouge : des photons émis par une source statique juste à l'extérieur de l'horizon ont une longueur d'onde infinie quand elle est mesurée par des observateurs statiques à l'infini[13].

Il est aussi dit limite statique : il ne peut pas exister d'observateurs statiques à l'intérieur de l'horizon[13].

À l'horizon des événements, la gravité de surface (κH) est donnée par[23] :

.

Singularité

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La singularité gravitationnelle, localisée au-delà de l'horizon, est ponctuelle, future, du genre espace[24].

Absence d'ergorégion

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Dans un espace-temps stationnaire, l'ergorégion est la région où le champ de Killing associé à la stationnarité devient de genre espace[25]. Dans le cas d'un trou noir de Schwarzschild, la limite de l'ergorégion coïncide avec l'horizon des événements[25]. Ainsi, nulle ergorégion ne s'étend à l'extérieur d'un trou noir de Schwarzschild[25].

Théorème de Birkhoff

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Un théorème remarquable dû à Birkhoff affirme que la métrique de Schwarzschild est l'unique solution aux équations d'Einstein dans le vide possédant la symétrie sphérique. Comme la métrique de Schwarzschild est également statique, ceci montre qu'en fait dans le vide toute solution sphérique est automatiquement statique[N 1].

Ce théorème a une conséquence importante :

Un trou noir de Schwarzschild dans le vide, n'étant pas soumis à une quelconque interaction, ne peut pas émettre d'onde gravitationnelle.

Théorème de calvitie

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Le théorème d'unicité d'Israel[N 2] ou, en forme courte, le théorème d'Israel[N 3] est le théorème qui établit l'unicité du trou noir de Schwarzschild[27],[28]. Il est le premier des théorèmes d'unicités relatifs aux trous noir[29],[30]. Son éponyme est Werner Israel (-) l'a présenté en [29],[31]. Antérieurement, Georges Darmois (-) avait conjecturé l'unicité du trou noir de Schwarzschild[32]. La preuve du théorème a été améliorée par Müller zum Hagen et al. en [33] et et par Robinson en et [34]. De nouvelles preuves du théorème ont été apportées par Simon en , par Bunting et Masood ul Alam en et par celui-ci en [34].

Le théorème de calvitie dit la chose suivante :

Un trou noir est entièrement décrit par trois paramètres essentiels, qui à eux seuls, permettent de retrouver tous les autres :
  • la masse
  • la charge électrique
  • sa rotation (son moment angulaire)

Lorsqu'une étoile s'effondre en un trou noir, les valeurs des paramètres cités au-dessus sont conservées. Ce qui veut dire qu'un trou noir de Schwarzschild, de masse M, de charge nulle et de moment angulaire nul est né à partir d'une étoile ayant un moment angulaire nul, de charge nulle et ayant la même masse.

La nécessité d'avoir une étoile de charge et de moment angulaire nuls font que, dans l'absolu, ce genre de trou noir est plus théorique qu'autre chose. Cependant, en pratique, ce modèle reste satisfaisant pour la plupart des trous noirs d'origine stellaire, la charge réelle d'une étoile étant faible et sa vitesse de rotation négligeable par rapport à la vitesse de la lumière.

Tous les autres paramètres que les trois cités au-dessus, comme la température, sa pression... disparaissent. On ne peut donc, à partir d'un trou noir dont on connaît masse, charge et moment angulaire, retrouver les autres paramètres de l'étoile génitrice.

Notes et références

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  1. Précisons toutefois que ce théorème s'applique uniquement dans un espace à quatre dimensions. Si l'espace-temps possède plus de dimensions alors il est possible de trouver des solutions sphériques et non statiques en général.
  2. En anglais, Israel's uniqueness theorem[26].
  3. En anglais, Israel theorem[27].

Références

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  1. Entrée « trou noir de Schwarzschild », dans Richard Taillet, Pascal Febvre et Loïc Villain, Dictionnaire de physique, Bruxelles, De Boeck Université, , XII-741 p. (ISBN 978-2-8041-0248-7, BNF 42122945), p. 561, lire en ligne
  2. Guidry 2019, chap. 13, introduction, p. 243.
  3. Kriele 1999, chap. 7, sec. 7.2, p. 322.
  4. O'Neil 1983, chap. 13, introduction, p. 364.
  5. Prugovečki 1995, chap. 2, sec. 2.7, p. 54-55.
  6. Éric Gourgoulhon, Relativité générale, Paris, Observatoire de Paris, universités Paris-VI, Paris-VII et Paris-XI, École normale supérieure, (lire en ligne [PDF]), p. 134
  7. Guidry 2019, chap. 17, sect. 17.3, § 17.3.5, p. 386.
  8. Chow 2007, chap. 6, sect. 6.4,§ 6.4.2, p. 93.
  9. Ferrari, Gualtieri et Pani 2020, chap. 2, sect. 20.1, p. 450.
  10. Ohanian et Ruffini 2013, chap. 8, sect. 8.5, p. 354.
  11. Ridpath 2012, s.v.black hole, p. 57.
  12. Taillet, Villain et Febvre 2013, s.v.trou noir de Schwarzschild, p. 700, col. 2.
  13. a b et c Baumgarte et Shapiro 2010, chap. 1er, sec. 1.2, p. 10.
  14. Woodhouse, chap. 9, sec. 9.1, p. 122.
  15. a et b Choquet-Bruhat 2008, chap. IV, sect. 5, p. 78.
  16. Deruelle et Uzan 2018, liv. 2, part. II, chap. 9, § 9.1, p. 494.
  17. Maggiore 2018, § 14.2.2, p. 227.
  18. Shäfer 2015, § 7.2, p. 611.
  19. Alekseev, Polychronakos et Smedbäck 2003, p. 296, col. 1.
  20. Chow 2007, chap. 6, sect. 6.4, § 6.4.2, p. 93.
  21. Romero et Vila 2013, chap. 3, § 3.2, p. 84.
  22. a et b Deruelle et Uzan 2018, liv. 3, partie II, chap. 7, sec. 7.3, p. 477.
  23. Kiefer 2012, chap. 1er, sect. 1.1, § 1.1.5, p. 14.
  24. Taillet, Villain et Febvre 2013, s.v.singularité (2), p. 627, col. 2.
  25. a b et c Maggio, Pani et Raposo 2022, p. 1157.
  26. Poisson et Will, chap. 5, sec. 5.6, introduction, p. 264.
  27. a et b Choquet-Bruhat 2008, chap. XIV, sec. 10, § 10.1, p. 475.
  28. Robinson 1997.
  29. a et b Frolov et Zelnikov 2011, chap. 10, sec. 10.2, § 10.2.5, p. 359.
  30. Mazur 1987, introduction, p. 131.
  31. Israel 1967.
  32. Choquet-Bruhat 2008, chap. XIV, sec. 7, introduction, p. 466.
  33. Müller zum Hagen, Robinson et Seifert 1973.
  34. a et b Heusler 1998, sec. 2, p. 160.

Bibliographie

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Dictionnaires

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Ouvrages fondamentaux

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Théorème d'Israel

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Articles connexes

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Liens externes

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