Si un auteur pouvait avoir quelque droit d’influer sur la disposition d’esprit des lecteurs qui ouvrent son livre, l’auteur des Contemplations se bornerait à dire ceci : Ce livre doit être lu comme on lirait le livre d’un mort.
Vingt-cinq années sont dans ces deux volumes. Grande mortalis oevi spatium. L’auteur a laissé, pour ainsi dire, ce livre se faire en lui. La vie, en filtrant goutte à goutte à travers les événements et les souffrances, l’a déposé dans son cœur. Ceux qui s’y pencheront retrouveront leur propre image dans cette eau profonde et triste, qui s’est lentement amassée là, au fond d’une âme.
Qu’est-ce que les Contemplations ? C’est ce qu’on pourrait appeler, si le mot n’avait quelque prétention, les Mémoires d’une âme.
Ce sont, en effet, toutes les impressions, tous les souvenirs, toutes les réalités, tous les fantômes vagues, riants ou funèbres, que peut contenir une conscience, revenus et rappelés, rayon à rayon, soupir à soupir, et mêlés dans la même nuée sombre. C’est l’existence humaine sortant de l’énigme du berceau et aboutissant à l’énigme du cercueil ; c’est un esprit qui marche de lueur en lueur en laissant derrière lui la jeunesse, l’amour, l’illusion, le combat, le désespoir, et qui s’arrête éperdu « au bord de l’infini ». Cela commence par un sourire, continue par un sanglot, et finit par un bruit du clairon de l’abîme.
Une destinée est écrite là jour à jour.
Est-ce donc la vie d’un homme ? Oui, et la vie des autres hommes aussi. Nul de nous n’a l’honneur d’avoir une vie qui soir à lui. Ma vie est la vôtre, votre vie est la mienne, vous vivez ce que je vis ; la destinée est une. Prenez donc ce miroir, et regardez-vous-y. On se plaint quelquefois des écrivains qui disent moi. Parlez-nous de nous, leur crie-t-on. Hélas ! Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous. Comment ne le sentez-vous pas ? Ah ! Insensé, qui crois que je ne suis pas toi !
Ce livre contient, nous le répétons, autant l’individualité du lecteur que celle de l’auteur. Homo sum. Traverser le tumulte, la rumeur, le rêve, la lutte, le plaisir, le travail, la douleur, le silence ; se reposer dans le sacrifice, et, là, contempler Dieu ; commencer à Foule et finir à Solitude, n’est-ce pas, les proportions individuelles réservées, l’histoire de tous ?
On ne s’étonnera donc pas de voir, nuance à nuance, ces deux volumes s’assombrir pour arriver, cependant, à l’azur d’une vie meilleure. La joie, cette fleur rapide de la jeunesse, s’effeuille page à page dans le tome premier, qui est l’espérance, et disparaît dans le tome second, qui est le deuil. Quel deuil ? Le vrai, l’unique : la mort ; la perte des êtres chers.
Nous venons de le dire, c’est une âme qui se raconte dans ces deux volumes : Autrefois, Aujourd’hui. Un abîme les sépare, le tombeau.
V. H.
Guernesey, mars 1856.
AUTREFOIS : 1830-1843
Livre premier – Aurore
- I : À ma fille
- II : Le poëte s’en va dans les champs
- III : Mes deux filles
- IV : Le firmament est plein de la vaste clarté
- V : À André Chénier
- VI : La Vie aux champs
- VII : Réponse à un acte d’accusation
- VIII : Suite
- IX : Le poème éploré se lamente
- X : À Madame D. G. de G.
- XI : Lise
- XII : Vere novo
- XIII : À propos d’Horace
- XIV : À Granville, en 1836
- XV : La Coccinelle
- XVI : Vers 1820
- XVII : À M. Froment Meurice
- XVIII : Les Oiseaux
- XIX : Vieille chanson du jeune temps
- XX : À un poëte aveugle
- XXI : Elle était déchaussée, elle était décoiffée
- XXII : La Fête chez Thérèse
- XXIII : L’Enfance
- XXIV : Heureux l’homme, occupé de l’éternel destin
- XXV : Unité
- XXVI : Quelques mots à un autre
- XXVII : Oui, je suis le rêveur ; je suis le camarade
- XXVIII : Il faut que le poëte, épris d’ombre et d’azur
- XXIX : Halte en marchant
Livre deuxième – L’âme en fleur
- I : Premier mai
- II : « Mes vers fuiraient, doux et frêles »
- III : Le Rouet d’Omphale
- IV : Chanson
- V : Hier au soir
- VI : Lettre
- VII : « Nous allions au verger cueillir des bigarreaux »
- VIII : « Tu peux, comme il te plaît, me faire jeune ou vieux »
- IX : En écoutant les oiseaux
- X : « Mon bras pressait la taille frêle »
- XI : « Les femmes sont sur la terre »
- XII : Eglogue
- XIII : « Viens ! – une flûte invisible »
- XIV : Billet du matin
- XV : Paroles dans l’ombre
- XVI : L’Hirondelle au printemps
- XVII : Sous les arbres
- XVIII : « Je sais bien qu’il est d’usage »
- XIX : N’envions rien
- XX : Il fait froid
- XXI : « Il lui disait : Vois-tu, si tous deux nous pouvions »
- XXII : « Aimons toujours ! aimons encore »
- XXIII : Après l’hiver
- XXIV : « Que le sort, quel qu’il soit, vous trouve toujours grande »
- XXV : « Je respire où tu palpites »
- XXVI : Crépuscule
- XXVII : La Nichée sous le portail
- XXVIII : Un soir que je regardais le ciel
Livre troisième – Les luttes et les rêves
- I : Écrit sur un exemplaire de la « Divina Commedia »
- II : Melancholia
- III : Saturne
- IV : Écrit au bas d’un crucifix
- V : Quia pulvis es
- VI : La Source
- VII : La Statue
- VIII : « Je lisais. Que lisais-je ? Oh ! le vieux livre austère »
- IX : « Jeune fille, la grâce emplit tes dix-sept ans »
- X : Amour
- XI : ?
- XII : Explications
- XIII : La Chouette
- XIV : À la mère de l’enfant mort
- XV : Épitaphe
- XVI : Le Maître d’études
- XVII : Chose vue un jour de printemps
- XVIII : Intérieur
- XIX : Baraques de la foire
- XX : Insomnie
- XXI : Écrit sur la plinthe d’un bas-relief antique
- XXII : « La clarté du dehors ne distrait pas mon âme »
- XXIII : Le Revenant
- XXIV : Aux arbres
- XXV : « L’enfant, voyant l’aïeule à filer occupée »
- XXVI : Joies du soir
- XXVII : « J’aime l’araignée et j’aime l’ortie »
- XXVIII : Le Poëte
- XXIX : La Nature
- XXX : Magnitudo parvi
AUJOURD’HUI : 1843-1855
Livre quatrième – Pauca Meae
- I : « Pure innocence ! Vertu sainte »
- II : 15 février 1843 – 4 septembre 1843
- III : Trois ans après
- IV : « Oh ! je fus comme fou dans le premier moment »
- V : « Elle avait pris ce pli dans son âge enfantin »
- VI : « Quand nous habitions tous ensemble »
- VII : « Elle était pâle, et pourtant rose »
- VIII : « À qui donc sommes-nous ? Qui nous a ? qui nous mène ? »
- IX : « Ô souvenirs ! printemps ! aurore ! »
- X : « Pendant que le marin, qui calcule et qui doute »
- XI : « On vit, on parle, on a le ciel et les nuages »
- XII : À quoi songeaient les deux cavaliers dans la forêt
- XIII : Veni, vidi, vixi
- XIV : « Demain, dès l’aube, à l'heure où blanchit la campagne »
- XV : À Villequier
- XVI : Mors
- XVII : Charles Vacquerie
Livre cinquième – En marche
- I : À Aug. V.
- II : Au fils d’un poëte
- III : Écrit en 1846 – Écrit en 1855
- IV : « La source tombait du rocher »
- V : A Mademoiselle Louise B.
- VI : À vous qui êtes là
- VII : « Pour l’erreur, éclairer, c’est apostasier »
- VIII : À Jules J.
- IX : Le Mendiant
- X : Aux Feuillantines
- XI : Ponto
- XII : Dolorosae
- XIII : Paroles sur la dune
- XIV : Claire P.
- XV : À Alexandre D.
- XVI : Lueur au couchant
- XVII : Mugitusque boum
- XVIII : Apparition
- XIX : « Au poète qui m’envoie une plume d’aigle »
- XX : Cérigo
- XXI : À Paul M., auteur du drame « Paris »
- XXII : « Je payai le pêcheur qui passa son chemin »
- XXIII : Pasteurs et troupeaux
- XXIV : « J’ai cueilli cette fleur pour toi sur la colline »
- XXV : « Ô strophe du poëte, autrefois, dans les fleurs »
- XXVI : Les Malheureux
Livre sixième – Au bord de l’infini
- I : Le Pont
- II : Ibo
- III : « Un spectre m’attendait dans un grand angle d’ombre »
- IV : « Écoutez. Je suis Jean. J’ai vu des choses sombres »
- V : Croire, mais pas en nous
- VI : Pleurs dans la nuit
- VII : « Un jour, le morne esprit, le prophète sublime »
- VIII : Claire
- IX : À la fenêtre, pendant la nuit
- X : Éclaircie
- XI : « Oh ! par nos vils plaisirs, nos appétits, nos fanges »
- XII : Aux anges qui nous voient
- XIII : Cadaver
- XIV : « Ô gouffre ! l’âme plonge et rapporte le doute »
- XV : À celle qui est voilée
- XVI : Horror
- XVII : Dolor
- XVIII : « Hélas ! tout est sépulcre. On en sort, on y tombe »
- XIX : Voyage de nuit
- XX : Religio
- XXI : Spes
- XXII : Ce que c’est que la mort
- XXIII : Les Mages
- XXIV : En frappant à une porte
- XXV : Nomen, numen, lumen
- XXVI : Ce que dit la bouche d’ombre
FIN