Loyer : des locataires à Moncton évitent de justesse une hausse de 94 %
Le propriétaire de cet immeuble au centre-ville de Moncton, abrite des commerces au rez-de-chaussée et des appartements à l’étage, impose des hausses de loyer considérables à ses locataires de l’étage.
Photo : Radio-Canada / Pierre Fournier
Deux locataires à Moncton qui paient un loyer de 900 $ par mois ont sursauté le 1er janvier quand ils ont lu une lettre de leur propriétaire qui leur annonçait son intention d’augmenter leur loyer à 1750 $ plus tard cette année, ce qui aurait été une hausse de 94 %.
Mon partenaire et moi avons vu cela et nous nous sommes dit que ça ne pouvait pas être légal
, affirme Mme Wallace. C’était choquant.
Le propriétaire, l’homme d’affaires Stephen Gallant, est revenu sur sa décision qui, dit-il durant une entrevue, était une erreur de jugement de sa part. Il compte toujours exiger une hausse du loyer de 53 % (1375 $ par mois).
Stephen Gallant a annoncé d’importantes hausses de loyer aux locataires de son immeuble de la rue Robinson à Moncton, dont une de 94 %, puis il les a révisés à la baisse (archives).
Photo : Radio-Canada / Michel Nogue
Selon lui, une hausse de 94 % aurait augmenté le loyer aux taux du marché dans la ville, mais il reconnaît que c’était beaucoup d’un seul coup.
En affaires, vous ne prenez pas toujours la bonne décision
, dit-il.
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Le gouvernement du Nouveau-Brunswick a mis fin le 1er janvier au plafond de 3,8 % imposé pendant un an aux hausses de loyer dans la province. Cette mesure devait protéger les locataires de hausses excessives.
Fredericton compte maintenant sur les conditions du marché, sur les propriétaires, sur de nouvelles règles et sur des pouvoirs accrus accordés aux médiateurs des loyers pour que les hausses soient justes. Mais tout cela se déroule dans le contexte d’une forte inflation et d’une faible disponibilité de logements.
« Est-ce que je vais être sans abri le mois prochain? »
Leigh Johnson, une voisine de Mme Wallace qui loue un appartement dans le même immeuble, a tout d’abord reçu une lettre de M. Gallant lui annonçant une hausse de 41 % (de 800 $ à 1125 $). Elle dit aussi que c’était choquant.
Nous allons continuer de voir les prix augmenter encore et encore, et c’est très effrayant. Ce n’est qu’un autre exemple, comme : "Oh, mon Dieu, est-ce que je vais être sans abri le mois prochain?"
, affirme Mme Johnson.
Leigh Johnson et sa soeur Bailey louent chacune un appartement dans l’immeuble en question. Elles ont envisagé de déménager après avoir été informées d’une importante hausse du loyer, mais elles y réfléchissent à nouveau, car la hausse a été réduite.
Photo : Radio-Canada / Vanessa Blanch
Elle a immédiatement communiqué avec le Tribunal sur la location de locaux d’habitation. Elle dit que personne ne l’a rappelée à ce sujet, mais qu’entre-temps, M. Gallant lui a présenté des excuses en personne et qu’il a plutôt annoncé une hausse de 175 $ à compter de l’été prochain. C'est une hausse de 22 %.
Les nouvelles règles permettent aux médiateurs des loyers d'exiger que le propriétaire répartisse la hausse sur deux ans si elle est deux fois plus élevée que le taux d’inflation, ou sur trois ans si elle est au moins trois fois plus élevée.
Mais il peut y avoir des exceptions. Si une hausse fait en sorte que le loyer demeure plus faible que celui d’autres appartements similaires dans le même secteur, une hausse importante peut avoir lieu d’un seul coup.
Le dilemme d'accepter ou de contester
Un coup d’oeil au marché locatif à Moncton a convaincu Leigh Johnson que son loyer demeurera inférieur à d’autres dans la ville même après la hausse de 22 %. Ce fait et l’absence de réponse de la part du Tribunal l'amènent à envisager d’accepter cette hausse.
C’est un coupe-gorge!
Melanie Wallace et son partenaire doivent aussi décider s’ils acceptent ou s’ils contestent la hausse de 53 % dans leur cas.
Un tribunal surchargé
Jael Duarte, avocate de la Coalition pour les droits des locataires au Nouveau-Brunswick, craint qu’il y ait toute une vague de hausses de loyer à la suite de l’abolition du plafond.
Le Tribunal sur la location de locaux d’habitation est surchargé et il prend ainsi plus de temps pour répondre aux demandes, explique-t-elle.
Jael Duarte est défenseure des locataires pour la Coalition pour les droits des locataires du Nouveau-Brunswick.
Photo : Coalition pour les droits des locataires du Nouveau-Brunswick
Le Tribunal a reçu 44 demandes d’aide en décembre, ce qui constitue une hausse de 29 % comparativement à novembre. Me Duarte s’attend à voir ce nombre augmenter encore.
En vertu des nouvelles règles, les propriétaires doivent informer leurs locataires d’une hausse de loyer six mois au préalable et les locataires disposent de 60 jours pour demander au Tribunal de la réviser.
Des hausses « immorales »
Matthew Hayes, porte-parole de la Coalition pour les droits des locataires du Nouveau-Brunswick est choqué de constater les effets de l'abandon du plafond sur la hausse des loyers.
Ça devrait être illégal. À mon avis, c’est complètement immoral.
Il remarque un sentiment de peur chez les locataires, qui se demandent si leur prochaine augmentation les forcera à quitter leur logement.
Matthew Hayes presse les différents palliers de gouvernement d'accélérer la construction de logements abordables. (archives)
Photo : Radio-Canada
Selon lui, il faut que le gouvernement améliore rapidement l'accès à des loyers abordables.
Ça devient de plus en plus grave pour toute la population. On a besoin d’avoir accès à des logements abordables. Ce parc [de logements abordables] disparaît beaucoup plus rapidement qu’on est en train de le construire
, croit-il.
D’après un reportage de Robert Jones, de CBC, avec des informations de l'émission La matinale d'ICI Acadie