Les jours se suivent et ne se ressemblent pas sur les Shetland ! Ce matin, nous allons prendre la route de West Mainland, une des parties les moins habitées de la grande île. Demain, ce sera le tour de Northmavine mais en attendant, nous avons une météo de circonstance pour nous accompagner : grise et bouchée. Il ne pleut pas mais les nuages font la sarabande dans le ciel. Tous ces nuages apportent une sérieuse dose dramatique et sévère au paysage.
« Mon Petit Poney aux Shetland »
C’est bien simple, pendant que nous roulons, nous n’avons pas l’impression d’être dans la même île. Seul le vert vif de l’herbe donne une touche de couleur et pour la première fois depuis le début le début du séjour, nous perdons de vue la mer. Nous voilà qui roulons dans la lande, mélancolique et déserte. Sur ses flancs, les bruyères finissent de faner et jettent leur pâle couleur, comme un acte désespéré avant de mourir. C’est étonnant comme la météo peut influer sur un paysage, sa perception et notre humeur. Nous sommes plongées, absorbées par ce panorama désolé…. Jusqu’à ce que nous approchions du hameau de Bixter et que nos regards soient attirés par de grandes taches sur la prairie. Il n’y a pas à s’y tromper : ce sont des poneys et il doit y en avoir une dizaine ! On se précipite donc vers eux et sans problèmes, ils se laissent approcher, et même viennent vers nous et commencent à nous renifler. Je regrette un peu de ne pas avoir de pain ou de carottes, les pauvres doivent être déçus ! Bientôt, nous voilà entourées par les moins timides des poneys et on a tout le temps de les photographier… et de se faire prendre en photo avec eux dans nos beaux pulls ou gilet en pure laine des Shetland achetés la veille. Avec ce ciel rempli de nuages, la prairie et la lande et une mer bleue marine au loin, c’est vraiment LE moment quintessensciellement Shetland du voyage.
Melby Beach, le choc esthétique
Nous continuons de nous enfoncer dans West Mainland. Pas très loin de Sandness, on trouve la plage de Melby Beach, qui fut l’une de mes préférées. Pourquoi ? Parce qu’elle est différente ! Fini le sable clair, blanc ou blond que nous avions vu jusqu’ici. Ici, le sable a la couleur du cuir ou du caramel. Cette belle plage fermée par une falaise à sa droite, exposée à l’Atlantique, est parsemée de petits rochers et de bois flotté. C’est donc une plage sauvage ! Il y a toute une « costal walk » dans le secteur mais nous avons opté pour marcher tout en haut de la falaise et là, j’ai un choc esthétique : le brun chaud du sable, les nuances de l’eau qui allaient du bleu-vert, au bleu pétrole en passant par le bleu marine, les nuances du vert foncé de la lande avec le vert plus tendre des prairies forment un ensemble qui ravit l’œil (d’ailleurs, j’ai décidé de rhabiller quand mon salon, quand je le pourrais, avec ces tons-là). Et les phoques sont même venus nous dire bonjour !
Jamieson’s of Shetland, l’excellence de la laine pour pull
Bien qu’ailleurs désertée, West Mainland abrite un vrai trésor : la seule filature de laine encore en activité dans les Shetland. Jamieson’s est un nom bien connu des passionnés de tricot et aucun pull shetland ne peut porter ce nom s’il n’est pas fait avec des pelotes de Jamieson’s (sauf production propre) ! Jamieson’s of Shetland a son magasin à Lerwick mais dispose aussi d’une boutique à la filature. Nous avions contacté la filature à l’avance pour pouvoir la visiter et c’est Elaine, la patronne qui va nous faire le tour du propriétaire.
Dans la partie du nettoyage et de la préparation de la laine avant de la filer, rien n’a changé depuis plus de 100 ans. Ce sont les mêmes machines ! Et c’est plutôt comique de voir que la laine circule de poste en poste via des tubes en hauteur ! Du nettoyage de la laine, en passant par la filature, l’embobinèrent et la confection (avec une machine japonaise des années 90), Jamieson’s contrôle la chaîne totale de production. Et une fois que vous avez vu comment les pelotes ‘unicolore, bicolore, chinée, etc. etc.) sont faites et devant le grand nuancier du magasin, vous aurez envie de vous y mettre. Ça tombe bien : des patrons sont en vente et vous pourrez apprendre à faire votre pull « Fair Isle » tou.te.s seul.e.s !
Le Fair Isle est un motif tricot de type jacquard. Multicolore, il est né de la nécessité d’utiliser des restes de laine de différentes couleurs. Son autre particularité, c’est qu’il s’agit d’un tricot à deux couches, le rendant chaud. C’est sur l’île du même nom que le motif est né, avant de s’étendre au Shetland. Outre le fait d’utiliser toute la laine disponible, les pulls était aussi un élément d’identification. Chaque femme de marin tricotait pour son mari un motif unique. En cas de noyage, on pouvait alors identifier le malheureux.
Le Fait Isle a acquis ses lettres de noblesses (littéralement) lorsque le Prince de Galles (et futur roi Edward VIII) pris la pose dans un pull-over avec un petit chien. Influenceur mode de son temps, le Prince ouvrit la folie du Fair Isle avant qu’il ne retombe en désuétude. Depuis les années 2010, le Fair Isle est de retour (la mode, cet éternel recommencement). Par contre, pour trouver un pull Fair Isle tricoté à la main sur l’île, il faudra aller sur place (certains artisans vendent en ligne mais leurs carnets de commande sont remplis jusque fin 2019).
Broch de Culswick, au Hauts de Hurlevent
La dernière expédition de la journée, et pour moi celle qui fut la plus sauvage, nous emmène au Dale of Walls et au point de départ de la randonnée pour le Broch de Culswick.
Lorsqu’on arrive au bout de la route, dans un paysage désolé, le mot « seules au monde » n’est pas de trop. Avec ce ciel lourd, un vent qui souffle allègrement et un paysage sévère, on a envie de se laisser aller à de grands élans de l’âme. Le sentiment d’abandon est encore renforcé lorsque l’on passe à côté de ruines de fermes. La vallée était habitée. Autrefois. Le sentier qui longue le broch est rempli de tourbe que l’on voit creusée sur plus d’un mètre. Au fur et à mesure de la balade, nous commençons à remonter doucement. Le paysage au-delà de la vallée se dévoile et le ciel aussi. Le soleil fait de son mieux pour sortir et c’est un globe pâle qui transperce des nuages devenus nacrés. Sur le loch, ses reflets apparaissent rose pâle. J’ai l’impression d’être dans un rêve étrange, à parcourir des limbes sans fin où le temps n’existe plus. L’impression est brisée lorsque nous traversons un passage en pierre qui ferme le loch. Une belle colline s’élève devant nous ; devant les ruines blanches d’une ancienne ferme, en haut, les restes circulaires du broch. On démarre la grimpette et au fur et à mesure, le paysage caché par la colline se révèle : c’est l’océan, tourmenté, qui s’offre à nous yeux. Une côte découpée, battue par les vents et la force des vagues dont le grondement nous parvient jusque-là. C’est spectaculaire et tellement prenant… Le genre de moment qui te fait sentir vivant.e. Du broc, il ne reste quasi rien Juste quelques étages de pierre de granit rose, une drôle de couleur dans un paysage aux couleurs sombres et sobres, qui répond comme un écho au soleil qui se mire dans l’océan, là très, très loin ver le Groenland.
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