
TÉMOIGNAGE - Il y a un an, je tenais une boutique de vêtements dans une petite ville de Vendée. Avant cela, j’étais auxiliaire parentale mais je n’avais pas trouvé de contrat qui me plaisait après avoir déménagé dans cette région et j’étais donc devenue commerçante.
Éloïse s’est installée dans le local en face du mien. Un jour, nous avons échangé pour une histoire de clef et, très vite, les conversations sont passées de la logistique à « je viens de me faire larguer, on prend un verre ? », et autres « J’ai envie de me raser la tête, tu crois que c’est une bonne idée ? ». C’était un vrai coup de foudre amical, et nous sommes devenues inséparables. Au point qu’aujourd’hui, Éloïse, sa fille Zélie et moi nous définissons comme une famille.
« Elle a dormi chez moi et n’est jamais repartie »
Tout s’est enchaîné rapidement, mais de manière très naturelle. Un soir, Éloïse a dormi chez moi et elle n’est jamais repartie. Elle avait des problèmes avec son appartement et dans le même temps, on s’est rendu compte que c’était très facile d’être ensemble au quotidien. On s’est rapidement rendu compte qu’on était très compatibles : on arrivait à se parler des choses négatives sans que les tensions ne deviennent des engueulades, on riait beaucoup ensemble, on ne ressentait pas le besoin de s’éloigner l’une de l’autre, bref, c’était un équilibre très plaisant.
À ce moment-là, Éloïse vivait seule avec sa fille de 2 ans, Zélie – que nous surnommons Zouzou. Le père de sa fille ne fait pas partie de l’équation. Nous avons beaucoup parlé de nos rapports à la parentalité : mon envie très forte de maternité, mon idée de faire une PMA solo pour ne pas avoir à dépendre de ma vie amoureuse pour ce projet, son rapport à l’éducation de sa fille, les valeurs que nous avions envie de transmettre… C’était la première fois que je rencontrais quelqu’un qui avait la même vision que moi de la famille, et de la manière d’aider un enfant à grandir.
Une vie commune qui est plus qu’une colocation
Quand le contrat d’Éloïse avec la nounou de Zélie s’est terminé, nous avons passé beaucoup de temps toutes les trois. C’est là que nous avons commencé à projeter de vivre ensemble, sur un format un peu différent de celui de la colocation : plutôt que de seulement partager l’espace de vie, nous avons décidé de voir notre vie commune comme celle d’une famille. Pour nous, ce terme veut à la fois dire éduquer les enfants, mais aussi prendre soin de l’autre, se protéger mutuellement, se tirer l’une et l’autre vers le haut…
Dans la pratique, nous avons emménagé dans un nouvel appartement toutes les trois, et je suis devenue la nounou officielle de Zélie. Nous avons signé un contrat qui me rémunère pour sa garde. C’est la vie idéale pour nous deux : Éloïse peut s’investir autant qu’elle le souhaite dans sa carrière, et je peux m’occuper de Zélie et de la maison sans avoir à attendre qu’un homme veuille bien m’apporter cette vie. Évidemment, le fait que je sois auxiliaire parentale et que j’aie une formation (et une appétence) pour prendre soin des enfants a beaucoup pesé dans la balance. Ça n’aurait certainement pas été possible de la même manière sans mon métier ! Pour le reste, nous divisons les charges par deux et faisons les courses ensemble.
Pas une deuxième mère, mais une parente
Je ne veux pas être une deuxième maman pour Zélie, mais je veux être un pilier aussi bien pour elle que pour sa mère. Je suis sa « tata », une adulte de référence sur qui elle peut compter à long terme et qui est là quand elle en a besoin. Je suis un parent pour elle dans ce sens-là, c’est pour ça que nous disons que nous sommes co-parentes, et pas deux mamans.
C’est un modèle dans lequel nous nous projetons ensemble à très long terme. Je veux des enfants, je sais qu’Éloïse aimerait en avoir d’autres mais peu importe que nous croisions ou non des hommes qui ont envie de faire ces projets avec nous, nous ne serons jamais seules. C’est aussi un soulagement de se dire que nous n’avons pas à faire peser ces projets d’avoir une famille sur nos vies amoureuses.
Il n’y a aucune sensualité, aucun sentiment amoureux entre elle et moi – c’est une question fréquente à laquelle on fait face, au point que certains de nos proches ont cru que nous étions secrètement en couple. Mais non, nous fonctionnons juste particulièrement bien en tant qu’amies qui partagent un quotidien.
La famille « Chaussettes »
On nous dit souvent « attention, quand l’une de vous rencontrera un mec, ça ne marchera plus ». Mais pour nous, ça n’a rien changé : il y a quelques mois, j’ai rencontré quelqu’un. Il est gentil, très doux, très ouvert d’esprit. Nous nous sommes très bien entendus immédiatement, et il n’a eu aucun problème à comprendre qu’Éloïse, Zélie et moi étions un « package ». Heureusement, d’ailleurs, car à choisir, je sais que je les ferai toujours passer avant mes désirs de couple. Il a accepté notre fonctionnement sans soucis, et s’y est très bien intégré.
Ma famille aussi s’est très bien adaptée à notre vie à trois. Même si je tiens à ne pas être une maman pour Zélie, mes parents, eux, jouent le rôle de grands-parents pour elle. Et désormais, aux repas de famille, nous venons à quatre : mon copain, Éloïse, Zélie, et moi.
Nous n’aurons jamais le même nom de famille, mais nous nous sommes baptisées officieusement la famille « Chaussettes ». Pour nous, c’est très représentatif. Nous sommes des chaussettes perdues dans la machine à laver qui avons décidé de faire une paire, même si elles sont dépareillées. Nous y voyons aussi une référence à Harry Potter et à la chaussette qui rend libre Dobby, l’elfe de maison. Et on peut avoir autant de chaussettes qu’on veut, pareilles, pas pareilles, ça prend tout le monde en compte !
Il y a peu, nous avons commencé à poster des bribes de notre vie sur les réseaux sociaux. On a envie de partager notre histoire pour montrer qu’il n’y a pas qu’une seule manière de fonder et d’entretenir une famille. On peut avoir l’impression d’être seule, puis rencontrer les bonnes personnes, on peut aussi choisir de faire passer ses amitiés avant le couple amoureux. Moi, j’ai tellement attendu qu’un homme m’offre la famille dont je rêvais, et au final, je l’ai créée avec ma meilleure amie. J’en suis comblée !
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