«Cela fait 31 ans que j'attends votre venue» : et enfin, la petite martyre de l'A10 eut un nom
ENQUÊTE SUR L’INCONNUE DE L’A10 (3/3) - Une soudaine correspondance ADN bouleverse les investigations. Trente ans plus tard, les parents de la fillette abandonnée sur le bas-côté de l’A10 sont identifiés.
- Le corps mutilé de la petite inconnue de l'A10, découvert en 1987 dans le Loir-et-Cher, a hanté plusieurs générations de gendarmes et de magistrats. Chacun a fait de cette enfant la leur. Ils étaient tenus par l'espoir tenace qu'un jour «la petite», qui n'a jamais été réclamée, aurait un nom. Au travers d'archives, de témoignages de personnages clés et d'informations exclusives, Le Figaro lève le voile sur l'une des plus célèbres affaires criminelles françaises.
Une tente a été érigée au-dessus de la concession «129 section C» dans l’allée des enfants du cimetière de Suèvres. Dans un froid glacial cet après-midi de décembre 1995, garde champêtre, maire, juge d’instruction, gendarmes, médecin légiste sont réunis afin d’exhumer le corps de «l’ange de l’A10» pour de nouveaux examens. De la fenêtre du premier étage de la mairie, Raphaël Pilleboue nous montre le bâtiment adjacent qui servait d'atelier municipal où ont été pratiqués les prélèvements, hors d’atteinte des regards indiscrets de la presse. Il était alors adjoint au maire et avait été appelé «en catastrophe»: «Il a fallu trouver un nouveau petit cercueil car le sien avait souffert avec le temps». Les années s’écoulent et la nature, indéniablement, reprend ses droits. Mais chacun refuse de s’avouer vaincu, persuadé qu’un jour, la persévérance finira par payer.
Les prélèvements sont envoyés au professeur Jean-Paul Moisan, pionnier dans la recherche génétique. Si la dégradation de l’échantillon empêche d’isoler l’ADN nucléaire de la fillette, le généticien extrait le génome mitochondrial, transmis uniquement par la mère. En comparant la séquence avec un autre prélèvement, il sera désormais possible de déterminer un lien de parenté. Les gendarmes ne le savent pas encore, mais cette avancée constituera bientôt un tournant décisif dans l’enquête. La science vient de nouveau au secours de l’enquête en 2007, alors que le délai de prescription, déjà repoussé, arrive bientôt à son terme. Des analyses inédites réalisées par le docteur Moisan, qui a entre-temps fondé l’Institut génétique Nantes-Atlantique (IGNA), attestent que la fillette était originaire d’Afrique du Nord.
Cette découverte vient confirmer une intuition qui habitait déjà, en 1987, Georges Domergue, le premier juge d'instruction à hériter du dossier. Les traits méditerranéens de l’enfant avaient incité le magistrat à envoyer un signalement auprès d’Interpol et de journaux du Maghreb, dans l’espoir d’une correspondance. À l’époque, cette tentative était restée vaine. Les généticiens du professeur Moisan ne s’arrêtent pas là. Ils extraient deux nouveaux profils sur le maillot de corps de la fillette ainsi que sur la couverture bleue dans laquelle elle était enveloppée. Un ADN féminin et masculin, celui de sa mère et de son père. La petite inconnue de l’A10 n’était pas une orpheline. Ces résultats sont un véritable coup d’éclat…