International Economics 4th Edition Feenstra Solutions Manual
International Economics 4th Edition Feenstra Solutions Manual
International Economics 4th Edition Feenstra Solutions Manual
1. In this problem you will use the World Development Indicators (WDI) database from the
World Bank to compute the comparative advantage of two countries in the major sectors of
gross domestic product (GDP): agriculture, industry (which includes manufacturing, mining,
construction, electricity, and gas), and services. Go to the WDI website at
http://wdi.worldbank.org, and choose “Online tables,” where you will be using the sections
on “People” and on the “Economy.”
a. In the “People” section, start with the table “Labor force structure.” Choose two
countries that you would like to compare, and for a recent year write down their total
labor force (in millions) and the percentage of the labor force that is female. Then
calculate the number of the labor force (in millions) who are male and the number who
are female.
Answer:
b. Again using the “People” section of the WDI, now go to the “Employment by sector”
table. For the same two countries that you chose in part (a) and for roughly the same year,
write down the percent of male employment and the percent of female employment in
each of the three sectors of GDP: agriculture, industry, and services. (If the data are
missing in this table for the countries that you chose in part (a), use different countries.)
Use these percentages along with your answer to part (a) to calculate the number of male
workers and the number of female workers in each sector. Add together the number of
male and female workers to get the total labor force in each sector.
Answer:
France 4 2 31 10 65 88
Thailand 44 39 23 18 33 43
c. In the “Economy” section, go to the table “Structure of output.” There you will find
GDP (in $ billions) and the % of GDP in each of the three sectors: agriculture, industry,
and services. For the same two countries and the same year that you chose in part (a),
write down their GDP (in $ billions) and the percentage of their GDP accounted for by
agriculture, by industry, and by services. Multiply GDP by the percentages to obtain the
dollar amount of GDP coming from each of these sectors, which is interpreted as the
value-added in each sector, that is, the dollar amount that is sold in each sector minus the
cost of materials (not including the cost of labor or capital) used in production.
Answer:
2014 GDP (billion $) Agriculture (%) Industry (%) Service (%)
France 2829.2 2 19 79
Thailand 404.8 20 37 53
d. Using your results from parts (b) and (c), divide the GDP from each sector by the labor
force in each sector to obtain the value-added per worker in each sector. Arrange these
numbers in the same way as the “Sales/Employee” and “Bushels/Worker” shown in
Table 2-2. Then compute the absolute advantage of one country relative to the other in
each sector, as shown on the right-hand side of Table 2-2. Interpret your results. Also
compute the comparative advantage of agriculture/industry and agriculture/services (as
shown at the bottom of Table 2-2), and the comparative advantage of industry/services.
Based on your results, what should be the trade pattern of these two countries if they
were trading only with each other?
Answer:
Comparative
Advantage
Thailand has a comparative advantage in both Service and Industry. Suppose that a farmer
spends 1,000 hours per year in agriculture production. Multiplying the marginal product of an
hour of labor in agriculture by 1,000, to obtain the marginal production of labor per year and
dividing by the marginal production of labor in Service gives us the opportunity cost of Service.
In France, this ratio is 0.63, indicating that $0.63 must be foregone to obtain an extra dollar of
sales in Agriculture. In Industry, the ratio is 0.73 in France. These ratios are much smaller in
Thailand, only 0.35 for Service and 0.27 for Industry. As a result, Thailand has a lower
opportunity cost of both Industry and Service. Therefore, if assuming the two countries are
trading only with each other, France will export Agriculture while Thailand will export Service
and Industry.
2. At the beginning of the chapter, there is a brief quotation from David Ricardo; here is a
longer version of what Ricardo wrote:
Nous avons voulu vivre avec eux, connaître, par tout ce qui était eux,
l’ordonnance de leurs vies et la trame de leurs pensées. Mais les noirs
tiennent à garder jalousement leurs secrets. Certaines coutumes qui
touchent au passé le plus profond de la race resteront toujours ignorées
ou mal connues. Malgré toutes les ruses que nous emploierons, les
pratiques de la sorcellerie, les cérémonies de l’excision qui est pratiquée
dans tous les pays que nous avons visités, les détours compliqués du
code indigène, ne nous seront jamais dévoilés. A cet égard, les Bayas
font le désespoir des enquêteurs. Quand ils ne se taisent pas, ils mentent
par système et par parti pris. C’est peu de dire qu’ils mentent. Cela
tendrait à admettre qu’ils sont susceptibles de dire la vérité. Disons plutôt
qu’ils ignorent toute distinction entre le vrai et le faux. Le mensonge est
chez eux une attitude naturelle, et même, une nécessité d’existence. Peu
armés, nullement faits pour la guerre, nous voulons dire pour la guerre
ouverte et le corps à corps, le mensonge leur sert de défense et de
protection. C’est par lui qu’ils tâchent de limiter la conquête du blanc ;
c’est par lui qu’ils arrêtent nos indiscrétions quand nous voulons aller
trop avant dans la connaissance de leurs mœurs et même dans la
connaissance géographique de leur pays.
Ceci, à vrai dire, ne nous paraît pas une chose indifférente. C’est le
signe d’une volonté de se maintenir dans une tradition chère, de
s’enfermer dans un système compact de traditions et d’habitudes, de
« permaner », malgré la conquête du sol et l’envahissement du blanc.
Ici, les hommes parlent peu. Le soir, on les rencontre sur les chemins,
la sagaie haute, se hâtant vers les villages, avec tout le mystère de
l’impénétrable brousse dans leurs grands yeux étonnés. On ne sait d’où
ils viennent, ce qu’ils font, moins encore leurs sentiments et leurs
pensées secrètes. Derrière la simplicité de vie du sauvage, derrière la
rudesse apparente des mœurs, se cache une extrême complication de
sentiments, point du tout primitifs, mais rattachés, au contraire, par des
racines profondes, à tout un passé obscur et lointain.
Encore que le sud du pays baya ait été sillonné par les voyageurs un
peu dans tous les sens, nous ignorons tout des grands drames qui se sont
joués sur cette terre, des idéals inexprimés, peut-être à demi conscients,
qui travaillent ces cerveaux de rêveurs, des mystérieuses alchimies des
consciences. Chose plus grave, nous ignorons cela, parce que les Bayas
veulent que nous l’ignorions. Ils entendent ne pas se livrer, ne nous
montrer d’eux-mêmes que ce qu’ils désireront nous en montrer.
Nous savons que leurs cœurs ont des tendresses insoupçonnées.
Rarement pourtant ils ont ces épanchements soudains par où l’essence
même de l’être se trahit et s’affirme.
VI
Vers la fin du mois de mai 1907, nous redescendions des hauteurs des
monts Yadé vers la vallée calme et verdoyante de la Mambéré. Près de
cent porteurs bayas nous accompagnaient, avec des tirailleurs bambaras
et des bouviers foulbés.
Dès qu’on a quitté les entassements granitiques de Yadé, et qu’on a
franchi l’Ouam qui en est à deux jours de marche, on sent une douceur
exquise circuler dans l’air plus clément. On aime la vie, à revoir, parmi
les brumes du matin, parmi les brouillards des crépuscules, les lointaines
collines, si pâles qu’elles semblent arachnéennes, à franchir encore les
petits torrents dont l’eau smaragdine est si froide à la bouche, à
retrouver, après tant d’excès et d’aventures, ces aspects oubliés, calmes
comme les paysages du Morvan, dont un seul suffirait à remplir toute
une existence d’un impérissable parfum de poésie.
Dans les lointains, des cases palpitent et les villages apparaissent,
propres et nets, au détour des chemins.
Et, de nouveau, ce sont les longues soirées, fraîches parfois, où les
heures s’écoulent vite dans l’absolu oubli de tout ; de nouveau, les
chansons bayas et les brouillards emplis d’indistincts murmures. C’est le
retour à Mambéré.
Le Baya est très attaché à sa terre ; il aime son pays, sa patrie, c’est-
à-dire son village et sa case. Loin de chez lui, il a la nostalgie de son ciel
gris, de ses champs de manioc, de sa « bandja » où il fait si bon
s’accroupir pendant des heures à ne rien faire, à ne rien dire, à ne rien
penser. Il regrette sa femme, et sa « nana », sa mère, et son fils qui
bientôt subira la grande initiation, le Labi. Il ne faut pas lui parler des
Lakas, des M’boums, des Moundangs ; ce sont des « sauvages ». Chez
l’étranger, il est malade, incapable de se plier au climat nouveau, aux
exigences nouvelles de la vie. Mais c’est son cœur aussi qui est malade,
du regret de la Mambéré perdue.
Dès que l’on a dépassé les Monts Yadé par le 7e parallèle Nord, et
que l’on entre dans le pays M’boum, le baya ne se nourrit plus. Privé de
manioc, il ne peut s’habituer au mil qui est l’unique culture de tous les
pays du Logone. Il dépérit comme une fleur transplantée et se laisse, sans
résistance, incliner vers la mort. Sur les routes, on les entend souvent
murmurer les syllabes chères : Mambéré… Mambéré… L’un des nôtres,
un homme du village de Gougourtha, me décrivait un jour sa case. Ce
que j’ai compris de son discours m’a touché jusqu’au fond de l’âme :
— Ma case, disait-il, est tout près de la case de Gougourtha ; tu vois :
ici, ma case ; ici, la case de Gougourtha. A côté, c’est la case de Moussa
qui est mon camarade, mais je n’ai pas beaucoup de camarades. Moi, je
ne sais pas être camarade avec les autres. Je suis mauvais, mauvais.
Quand j’étais petit et que Gougourtha m’appelait, je me sauvais ; alors il
m’attrapait et me donnait des gifles. Il est méchant, Gougourtha.
N’est-ce pas d’une émotion délicieuse, ce petit récit que je viens de
traduire fidèlement, mais sans pouvoir rendre le charme particulier de
cette langue baya, si souple, si nuancée, si chantante ?
Quand nos porteurs reconnurent le parfum de leur terre et la divine
pâleur de leur ciel, leurs faces enfantines s’illuminèrent de tous les
bonheurs retrouvés, de toutes les tendresses ressuscitées, et du souvenir
des paresses antérieures. Les charmes du sol natal assiégèrent les âmes
longtemps navrées, et le soir, autour de la flamme qui tentait le vol
tournoyant de sphinxs monstrueux, pendant des heures, on chanta la
litanie du retour, lente et monotone, ce thrène harmonieux qu’on ne
saurait oublier quand on l’a entendu une seule fois.
Parmi nos Bayas, quelques-uns étaient du village d’Ouannou, situé à
quelques lieues de Carnot. Nous arrivions à Ouannou le 9 juin. C’est un
tout petit bourg, quelques toits perdus dans la verdure et qui semblent
des joujoux d’enfants délaissés. Un enclos en paille tressée recèle cinq
ou six cases disposées en cercle autour d’une place de sable fin. C’est le
« tata » du chef. La fortune de ce village, ce sont ses bananiers. Ils en
font l’unique ornement. Mais la chair de leurs fruits, toujours fraîche,
procure une sorte de bien-être capiteux dont aucune caresse ne saurait
passer la douceur animale.
Dans le tata du chef, les hommes d’Ouannou retrouvaient leurs
femmes, leurs mères, leurs enfants, leurs amis restés au foyer. Ce fut une
minute d’intense émotion. J’eus le sentiment de quelque chose d’intime,
de profond, d’inexprimable. Les hommes avaient les yeux humides de
larmes : des femmes, à genoux sur le sol, baisaient ardemment les mains
de leurs fils. Peu de paroles, mais quels gestes ardents et passionnés ! Un
beau garçon passa ; il avait un petit enfant dans chaque bras et son regard
allait de l’un à l’autre, béatement. Dans le fond du tata, des groupes
s’abandonnaient ; des époux, enlacés, se baisaient longuement sur la
bouche. Il y avait un peu de gravité dans tout ce bonheur, quelque chose
de contenu et de noble dans ces effusions. Il y avait là surtout beaucoup
d’humanité, et de notre humanité, toute faite de faiblesse et d’abandon
du cœur.
Tout à coup, d’un groupe serré, s’éleva un chant monotone et
monocorde, toujours cette même complainte obsédante où l’on dirait que
les Bayas ont mis toute leur âme, et son essence la plus intime. Ce fut
alors l’expression subite et sans apprêt de la joie. Il y eut une sorte
d’exaltation. Deux tambours faisaient rage et aussi cette double cloche
en airain, sorte de gong, instrument de musique cher aux Bayas, qui jette,
parmi la voix crépusculaire des chœurs, des notes de clarté, doucement
mystiques et religieuses.
Les femmes se mirent à pousser des cris stridents et à courir comme
des possédées dans toute la longueur du tata. Beaucoup prenaient la
précaution de changer le petit paquet de feuilles qui les habille, contre un
paquet de feuilles plus gros et plus décent. D’autres venaient se rouler
dans la poussière, à nos pieds. Une vieille prit ma main et la baisa avec
frénésie… Puis des hommes armés de sagaies, de boucliers, de couteaux
de jet firent irruption dans le tata et commencèrent la danse de guerre.
Nulle parole ne saurait dire la beauté parfaite de leurs attitudes de
bataille. Un genou en terre, le torse et le chef renversés en arrière, la
haste haute, ils restaient en arrêt, immobiles comme des statues d’athlète
antique. D’un bond, ils se relevaient et sautaient à pieds joints par-dessus
leur bouclier tenu dans la main gauche. Et alors ils rampaient,
s’avançaient avec des souplesses félines contre l’ennemi imaginaire.
Je ne pense pas que cette danse soit fantaisiste. Les poses des
combattants sont hiératiques et apprises. Elles signalent, plus que le
caractère guerrier de la race, le sens obscur de la beauté, l’art peut-être
inconscient, mais sûrement étudié, de la plastique, de l’harmonie des
lignes dans le mouvement. Elles sont un avertissement de ce qui
remplace, pour ce peuple baya, notre statuaire immuable et malhabile.
Nous ne savons pas goûter la joie parfaite des corps s’ébattant dans de la
lumière. C’est là pourtant la seule jouissance esthétique de ces hommes
pour qui l’image n’est rien, sans l’étincelle de la vie…
Cependant la musique cessa. Les danseurs et les musiciens sortirent
du tata. Les femmes rentrèrent dans les cases. Et, dans les coins, il y
avait encore des hommes et des femmes qui s’enlaçaient et
s’embrassaient sur la bouche, insatiablement.
VII
Au Nord de Ouantonou.
Les Bayas sont couchés sur le sol. Cercles noirs autour des feux qui
s’éteignent, dans la nuit sombre. Quelques-uns dorment. D’autres sont là,
immobiles, étendus sur le dos, les yeux ouverts. Tout à coup, un chant
s’élève, et il emplit mon âme à en mourir. O le souvenir de cette
obsédante lamentation ! Son endormante tristesse ! Il n’y a pas de paroles
à cet air. C’est une gamme en mineur qui commence haut, par une note
éclatante, et s’achève en sourdine, par une note traînée et basse, comme
un soupir de détresse. Ceux qui chantent s’arrêtent subitement, et
d’autres reprennent, avec des voix lasses et blanches qui font mal.
Un homme est à mes pieds près d’un feu solitaire. Je le reconnais :
c’est Sama. Il ne chante pas et semble ne rien entendre, couché sur le
côté, un coude sur la terre, ses yeux semblables à deux pierres dures
perdues dans le vide.
C’est un enfant, Sama. Comme sa pose est gracieuse et délicate ! Il
est tout nu ; son corps est mince, comme celui des Adonis antiques. Sa
face me plaît infiniment ; il n’a pas le nez épaté et la lèvre lippue, selon
l’idée que l’on se fait des noirs en France. Il a deux grands yeux
énormes, toujours ouverts, presque immobiles. Je le regarde longtemps ;
je voudrais épier tous ses gestes. C’est si peu, un « sauvage », et je suis si
loin de lui ! Il est pour moi un mystère que jamais je ne déchiffrerai…
Il se soulève pour mettre quelques branches dans le feu. Sa figure,
parfaitement ovale au-dessus de son cou trop long d’adolescent,
s’illumine tout à coup à la flamme ranimée. Puis il se recouche, tandis
que la chanson baya s’égrène dans la nuit, plus lente, plus lasse encore
que tout à l’heure. Alors une grande pitié m’envahit. Comment ! il porte
une caisse, ce gamin ; il fait nos rudes étapes avec une caisse sur la tête,
ce petit être si fin, aux gestes si purs ; il fait ce dur métier, sans révolte et
sans murmure. Quelle misère et quelle tristesse !
Je lui dis en baya :
— Sama, tu ne porteras plus ; demain, tu prendras mon fusil et tu
marcheras avec moi.
Sama se tourne vers moi. Ses grands yeux me regardent dans la
pénombre et il sourit doucement en montrant ses deux rangées de dents
blanches et saines.
III
Pensées du matin.
Des hommes sont venus, non point ceux du village où nous avons
campé, mais ceux d’un village voisin. Ils parlent une langue rude et
rauque, mais ils parlent peu et ne semblent pas disputeurs. Noirs comme
la terre, et vraiment les fils de la terre.
Ils sont très grands, carrés d’épaule, au front court, aux yeux petits et
légèrement bridés. Ce sont de vrais sauvages, durs comme les mots
qu’ils disent, puissants et fauves. Leur costume est une peau de bête
pendue à leur derrière, qu’ils ramènent par devant et tiennent serrée entre
leurs cuisses. Sur le sommet de leur tête, se dresse une touffe de
cheveux ; leurs dents sont pointues, signe qu’ils mangent les hommes.
Mais ils n’ont ni tatouages, ni bijoux, ni ornements. De vrais fils de la
terre, perdus là, dans les replis sinistres de la montagne, parmi les
éboulements de roches, dans de sombres profondeurs. Hommes durs, et
graves, sur la plus dure des terres, inféconde et sèche, avec des puits
seulement, de temps en temps, dans les villages.
Les M’boums n’ont pas intéressé Sama. Il dit avec mépris : « Ça,
c’est sauvages ». Et toi, Sama, n’es-tu pas un sauvage et serais-tu mon
ami, si tu n’étais pas sauvage ?
Nous avons marché vers la plaine, et nous avons trouvé un grand
fleuve, tout bleu parmi des plages de sables d’or. Le Logone… Puis la
plaine encore.
De loin en loin, une grande montagne de pierres, quelques cases au
pied de la montagne, et puis la plaine, immobile sous l’ardent soleil de la
saison sèche, sous le ciel sans nuages, toujours sans nuages. Nous avons
vu Pao, Kao-Guienn, et Bem, quelques toits pointus dans un cirque de
rochers noirs.
Après, nos cartes ne nous disaient plus rien ; elles nous montraient
des routes vers le Logone, vers Laï, et nous allions dans le Nord-Ouest, à
Léré.
Alors, nous avons cheminé dans l’inconnu, menés de village en
village par les Lakas, cherchant toujours l’endroit où le soleil se couche,
perdus quelque part, dans cette grande tache blanche des cartes
d’Afrique, entre le 8e et le 10e parallèles, sur la rive gauche du Logone.
VI
C’est une chose douce que de se sentir ainsi perdu parmi la fabuleuse
Afrique. On ne pense plus au but, mais chaque heure éblouit ; chaque
minute emplit l’âme comme si elle était la plus belle et la plus pure et il
ne reste plus après qu’une petite anxiété très suave de ne pas savoir du
tout quand et où cela finira…
Les fermes lakas s’égrènent dans la clarté des routes.
Elles sont pareilles : quelques cases pointues reliées par des couloirs
en nattes dures, un grand panier pour le mil, de grandes jarres pansues,
gonflées de grains, et, autour, une clôture en paille tressée — et elles sont
loin les unes des autres, de sorte que parfois les villages se touchent
presque… Habi, Nakanndi, Tohan, Gasa, Gaki — et tant d’autres,
entrevus à peine dans notre marche rapide vers le Nord-Ouest.
Quelle détresse inexprimable, je me rappelle, que cette grande
équipée. Sama, lui, ne pense pas ; il n’est pas triste, il n’est pas gai ; il
attend demain sans hâte, avec le seul regret de ne pouvoir rester une
journée entière à jouer du bandjo et à chanter comme autrefois.
Car le Baya n’est pas résigné et fataliste comme le musulman ; il veut
jouir des biens de la vie ; il a la passion de la vie et il jouit d’elle
intensément. Mais il ignore le temps et l’angoisse de sa fuite. Sama,
petite âme enveloppée, ami des mauvais jours, ton être me devient
familier, comme un objet auquel on s’accoutume. C’est le plaisir des
yeux, la paix du cœur…
La brousse est un jardin d’automne. Les feuilles mortes chantent. Les
arbres se pressent, la plupart dénudés, mais beaucoup encore sont verts.
Pas un pli de terrain, pas un sommet, pas une vallée. Il m’en souvient…
L’air est un cercle de clarté. La terre sommeille, il semble qu’à chaque
pas on la réveille un peu, et, à chaque pas, l’on est un cœur qui s’éveille
un peu. Les paysages ont des aspects finis, et c’est une volupté si
incertaine et fugitive et infinie !…
Avant de quitter Carnot — dernier point où les lettres parviennent
encore — j’ai reçu une carte d’un ami, chrétien fervent et mystique. Il