[Ebooks PDF] download MongoDB in Action Covers MongoDB version 3 0 2nd Edition Kyle Banker full chapters
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IN ACTION
SECOND EDITION
Kyle Banker
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MongoDB in Action
Second Edition
KYLE BANKER
PETER BAKKUM
SHAUN VERCH
DOUGLAS GARRETT
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SHELTER ISLAND
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and to all those who work for these ideals
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brief contents
PART 1 GETTING STARTED . ......................................................1
1 ■ A database for the modern web 3
2 ■ MongoDB through the JavaScript shell 29
3 ■ Writing programs using MongoDB 52
vii
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contents
preface xvii
acknowledgments xix
about this book xxi
about the cover illustration xxiv
Scaling 14
1.3 MongoDB’s core server and tools 15
Core server 16 JavaScript shell
■
16 ■
Database drivers 17
Command-line tools 18
1.4 Why MongoDB? 18
MongoDB versus other databases 19 ■
Use cases and
production deployments 22
1.5 Tips and limitations 24
1.6 History of MongoDB 25
ix
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x CONTENTS
4 Document-oriented data 73
4.1 Principles of schema design 74
4.2 Designing an e-commerce data model 75
Schema basics 76 ■
Users and orders 80 ■
Reviews 83
4.3 Nuts and bolts: On databases, collections,
and documents 84
Databases 84 ■
Collections 87 ■
Documents and insertion 92
4.4 Summary 96
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CONTENTS xi
5 Constructing queries 98
5.1 E-commerce queries 99
Products, categories, and reviews 99 ■
Users and orders 101
5.2 MongoDB’s query language 103
Query criteria and selectors 103 ■
Query options 117
5.3 Summary 119
6 Aggregation 120
6.1 Aggregation framework overview 121
6.2 E-commerce aggregation example 123
Products, categories, and reviews 125
User and order 132
6.3 Aggregation pipeline operators 135
$project 136 $group 136 $match, $sort,
■ ■
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xii CONTENTS
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CONTENTS xiii
11 Replication
11.1
296
Replication overview 297
Why replication matters 297 ■ Replication use cases
and limitations 298
11.2 Replica sets 300
Setup 300 How replication works
■
307
Administration 314
11.3 Drivers and replication 324
Connections and failover 324 Write concern ■
327
Read scaling 328 Tagging 330
■
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xiv CONTENTS
collections 341
12.4 Building a sample shard cluster 343
Starting the mongod and mongos servers 343 ■ Configuring
the cluster 346 Sharding collections 347
■ ■ Writing to a
sharded cluster 349
12.5 Querying and indexing a shard cluster 355
Query routing 355 Indexing in a sharded cluster 356
■
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mon service d’emmener des voyageurs, même gratis pro Deo.
J’aimerais pas que le secrétaire il vienne me faire une observation.
Ils prirent tous place sur le large siège, et le camion reprit sa
marche. Il ne s’en allait pas à une allure de circuit, et il n’était pas
question de battre des records. Mais il avançait tout de même. On
venait à bout de tous les piétons, et l’on dépassa même un curé à
bicyclette, plus très jeune il est vrai.
La conversation du conducteur n’était pas précisément un feu
roulant. Ils manquaient tous trois de relations communes, sur qui on
aurait pu clabauder. Les grandes questions de politique extérieure,
toujours pendantes, ne comptaient pas sur eux pour être résolues.
— La route est bonne, finit par dire le conducteur. Ils l’ont refaite
l’automne dernier. Mais, avec ce qui passe ici de voitures de charge,
et les pluies et l’hiver en supplément, la saison prochaine on
recommencera à cahoter. Sans compter que les usines d’autos du
pays, ça envoie ici des châssis en essais. Les gaillards qui sont au
volant se débinent comme de vrais sauvages, pour faire rendre tant
que ça peut à la bagnole. Les cailloux sautent en l’air quand ils
passent. Je me demande si c’est fameux pour l’entretien.
En somme, il en avait assez dit, et ces considérations dont il
régalait ses auditeurs, jointes à ce trimbalage à l’œil, tout cela
suffisait amplement à attester sa sociabilité.
De la Patte-d’Oie à la ville, où se rendaient Planchet et Catherine,
comme ils seraient allés autre part, il y avait encore une heure de
marche. Depuis pas mal de temps, leur déjeuner était bien
descendu… Or, le cabas d’osier ne contenait plus que du linge, une
paire de bottines, un peigne et une brosse, objets d’une faible
comestibilité. La bouteille, complètement à sec, aurait pu être
promenée à la main, sans crainte de procès-verbal, en pleine rue de
New-York, Chicago, ou de telle autre ville de l’Amérique dry.
O surprise ! Une vache, une vraie vache, là-bas, à l’ombre,
derrière ce buisson ! Un bout de corde attache la bête à une racine.
La personne qui accompagne dans le monde cette notabilité bovine
s’est éloignée on ne sait où…
Traire les vaches, c’est du rayon de Catherine, et ça ne regarde
pas la direction des grandes affaires (chef de service : M. Horace
Planchet). Le litre en main, agenouillée auprès de la généreuse
ruminante, Catherine voit avec satisfaction le blanc niveau s’élever
dans la bouteille.
Ce lait est une pure merveille. Ils se passent la bouteille et
boivent à la régalade, chacun sa gorgée : distribution équitable et
polie, sans sacrifice de part ni d’autre.
Cependant, cet excellent lait une fois bu, M. Planchet s’avise qu’il
faudrait le payer. Il a encore sur lui deux francs.
Mais où est la caisse ? Le vacher ou la vachère restent invisibles…
M. Planchet pourrait déposer à terre, à côté de la bête passive, sa
pièce de quarante sous. Hélas ! c’est toute sa fortune… D’autre part,
il ne s’est jamais, au cours d’une existence parfois difficile, rendu
coupable du délit de grivèlerie… Bien sûr, il doit à l’hôtel de Bront-
les-Eaux une quarantaine de francs… Mais, tôt ou tard, il trouvera
moyen de régler cette petite dette, que divers cas de force majeure
l’ont empêché d’acquitter.
— Il faut tout de même payer ce lait, répète-t-il, à l’étonnement
de Catherine…
En fouillant à nouveau dans son gousset, il sent un petit morceau
de papier roulé… C’est un timbre… Un timbre-poste de vingt-cinq
centimes… Sans hésiter, il le colle sur le flanc de la vache. Puis il
s’éloigne, la conscience tranquille, suivi de Catherine qui n’en revient
pas…
C’est à compter de ce moment que la jeune campagnarde
commence à le regarder avec respect, comme un individu d’une
autre condition, un monsieur peut-être, enfin un être pourvu de
scrupules de luxe…
Mais cette déférence muette de Catherine n’augmente en aucune
façon la situation matérielle de M. Planchet. Quand ils font leur
entrée dans Belfort, le patrimoine dudit Horace ne s’est pas accru
d’un centime. Par exemple, l’appétit de ces deux jeunes gens ne
s’atténue pas… Le jeton de deux francs est entamé pour acheter du
pain et du fromage, qu’ils vont manger sur un banc d’une
promenade publique, réfectoire sans tralala, qui menace, sauf
variation subite de la fortune, de devenir également leur chambre à
coucher.
M. Planchet, même dans la belle saison, n’avait jamais aimé
dormir sur un banc. Il proposa donc à Catherine la combinaison de
camping qui lui avait déjà réussi une fois et qui lui avait valu
indirectement l’avantage de faire la connaissance de la jeune fille. Il
s’agissait de trouver dans Belfort un garage bien achalandé… Bien
achalandé ? Pour les touristes du genre de M. Planchet, les garages
bien achalandés ont ce désavantage d’être troublés par des allées et
venues qui empêchent la clientèle non payante de profiter de
l’hospitalité des limousines… Ils passèrent discrètement devant trois
garages, mais chaque fois ils eurent l’ennui d’y voir des intrus en
train qui de laver des voitures, qui de remonter des pneus, qui de se
livrer à d’oiseuses conversations qu’ils auraient bien pu continuer
chez le bistro voisin. De garage en garage, le hasard de leurs
recherches les amena sur la place de la station. Planchet, qui avait
son idée, entraîna sa compagne vers les salles d’attente. Mais, dans
cette gare vigilante, un employé, inflexible d’apparence, se tenait sur
le seuil et ne laissait entrer dans les salles que les voyageurs munis
de billets.
Si les salles d’attente étaient bien défendues, il n’en était pas de
même de la consigne des bagages, où M. Planchet avait jeté un
regard explorant. Il vit contre le mur un tas de sacs qui lui parurent
moelleux. Le tas semblait décroître en se rapprochant du mur. Il y
avait un endroit sans doute où l’on pouvait se glisser entre le mur et
le sommet du tas : ce dernier formerait ainsi une sorte de parapet
qui vous masquait à la vue (M. Planchet avait une petite expérience
de la guerre de tranchée). Le comptoir, qui fermait la consigne,
offrait pour le moment une brèche, grâce au relèvement passager de
la porte horizontale. Le préposé, en disparaissant momentanément,
avait négligé d’abaisser ce couvercle de trappe. Vraiment, s’il n’y
avait pas de préposés négligents, la terre serait inhabitable. M.
Planchet avait encore sur lui sa boîte de pilules soporifiques ; il en
offrit une à Catherine qui n’en avait jamais usé. Mais il lui fit
comprendre que c’était une drogue très précieuse quand on avait
une nuit à passer dans une consigne des bagages.
Hélas ! les sacs, si moelleux d’apparence, étaient des sacs de
pommes de terre, et si efficace qu’il fût d’ordinaire, « l’Écrasol »
pouvait difficilement lutter contre de telles conditions d’inconfort. Il
opéra beaucoup plus sur Catherine. M. Planchet — cela valait peut-
être mieux ainsi — s’éveilla au petit jour, secoua sa compagne… Et
tous deux quittèrent leur gîte sans troubler le sommeil profond du
préposé.
La gare et ses abords étaient heureusement déserts. Mais, de
l’autre côté de la place, un établissement sans faste, déjà ouvert,
offrait des cafés à vingt centimes et des petits pains à trois sous. Il
semblait que le patron eût pris la mesure des disponibilités
budgétaires de M. Planchet. Les quatorze sous y passèrent tout
entiers. Cependant le café, bien que de qualité ordinaire, avait
fortement ragaillardi nos voyageurs.
Certes, la situation de ce couple eût pu être plus favorable. Mais
Catherine avait maintenant confiance dans Planchet et Planchet dans
Catherine. Et puis, ils étaient contents d’être ensemble, et cette
satisfaction n’était pas moins grande du fait qu’elle ne s’était pas
formulée.
Ils s’en allaient à travers la ville comme deux touristes qui n’ont
rien à faire et qui sont libérés de tout souci, au moins jusqu’à l’heure
du déjeuner. Il était évident qu’à partir de midi, et peut-être avant,
de nouveaux problèmes allaient surgir dans leur estomac. Pour le
moment, il n’était encore question de rien.
Le temps est vraiment un élément sans mesure fixe. Trois jours
de répit, trois heures même, c’est une éternité pour les gens
habitués à la mâle vie d’expédients, tandis que le bon rentier, passif
héritier de ses ancêtres, voit avec terreur arriver, à dix ans devant
lui, la minute où sa situation peut être modifiée par une baisse
possible des cours.
L’enseigne : Bureau de placement, aperçue au tournant d’une
rue, ne provoqua chez M. Planchet aucun sursaut de surprise. Et
cependant il était sûr que c’était pour eux le salut. Mais il estimait
parfois que la Providence était à son service et ne s’étonnait pas
que, bien stylée, elle se trouvât là à point nommé pour le tirer
d’affaire.
La patronne du bureau semblait appartenir, par son âge et ses
proportions, à l’époque reculée des mammouths. Elle avait dû être
installée, bien avant sa complète croissance, entre ce mur et cette
table échancrée, et sans doute elle s’était développée sur place,
comme ces poires qui poussent et grandissent dans des bouteilles
où elles n’auraient jamais pu entrer autrement, étant donné leurs
dimensions et l’étroitesse du goulot.
A l’entrée des nouveaux venus, la dame souleva péniblement la
moins lourde de ses paupières. Un grondement d’asthme se fit
entendre en elle, comme en un volcan en demi-activité. Puis il sortit
de ses lèvres une petite voix inattendue, alerte et toute jeune…
Qu’est-ce que cette petite voix faisait donc dans ce corps-là ?
— Vous ne me croirez pas ? Mais, à l’instant même, — il n’y a pas
dix minutes, — on me demande pour la même maison deux
personnes. Un monsieur, en arrivant de voyage, a flanqué à la porte
une miss et un valet : il les avait trouvés saouls perdus, vous
imaginez-vous ? Et, à huit heures du matin, le monsieur a fait un
tour dans sa cave et a constaté que ses casiers étaient bien
dégarnis. Il s’est rendu compte — ce n’était pas sorcier — où avaient
passé ses bouteilles. Dare-dare, il m’a lancé un coup de téléphone…
Pensez-vous que vous ferez l’affaire ?
— Est-ce que ces personnes ne préfèreraient pas une femme de
chambre et un précepteur ? allait dire le jeune Planchet. Mais il retint
sa langue, pour ne pas « louper » la combinaison. Catherine, qui
commençait à entrevoir ce que l’on attendait d’elle, tourna vers son
compagnon un œil affolé ; mais M. Planchet la regarda avec une telle
autorité qu’il la ramena à une soumission aveugle. La nouvelle règle
de conduite de M. Planchet — au moins depuis vingt-quatre heures
— c’est qu’il ne faut pas discuter avec le Destin et le prendre
carrément au mot, quand il est en humeur de vous proposer quelque
chose.
Il se demandait, d’autre part, — car la vie continuait à l’instruire
— comment allait se régler une autre question importante : celle des
certificats… Mieux valait prendre les devants…
— Je dois vous prévenir tout de suite, dit-il à la mandataire du
Destin, que nous n’avons pas de certificats…
— Oh ! oh ! pas de certificats ?
— Voici pourquoi… Mademoiselle, ici présente, a toujours vécu
dans sa famille… à travailler ses examens… C’est la première fois
qu’elle se place…
— Ça n’en vaut peut-être que mieux, dit l’énorme dame… Elle n’a
pas eu le temps de prendre de mauvaises habitudes. Mais, pour le
valet de chambre, le manque de certificats, c’est plus embêtant…
M. Planchet ne songea pas un instant à indiquer, comme source
de renseignements, la maison Lenormand fils et Normand, où l’on
n’aurait guère pu célébrer que sa compétence en organisation de
courses d’escargots. Mais il avait pris la forte résolution de mentir, et
c’est étonnant, une fois le petit apprentissage achevé, quelles
ressources cela peut donner dans la vie…
— … J’ai servi trois ans chez le marquis… le marquis de Saint-
Nicolas. Mon maître était très content de moi et il m’aurait gardé à
son service jusqu’à sa mort. Mais il a été nommé consul dans
l’Amérique du Sud. Il m’a promis un bon certificat, qu’il a sans doute
oublié de m’envoyer dans la bousculade du départ… Je le recevrai
certainement d’un jour à l’autre.
La placeuse garda quelques instants le silence.
— Si vous étiez des aventuriers, dit-elle, vous auriez
probablement des certificats bien en règle… J’en ai fait quelquefois
l’expérience. Mais, jeune homme, vous m’inspirez confiance…
C’était la première fois que M. Planchet recevait un témoignage
aussi amical, et ceci se passait le jour même où il avait fait le
premier mensonge sérieux de sa vie…
Cependant la placeuse avait appuyé sur un timbre…
— Mon neveu va prendre ma petite voiture et il vous conduira
chez les personnes en question. Il sait où c’est. C’est à deux
kilomètres de la ville. En attendant, vous pouvez aller prendre vos
bagages.
Depuis que M. Planchet s’était résolument lancé dans la voie
féconde du mensonge, il ne risquait plus d’être pris au dépourvu. Il
avait à sa disposition, pour les amateurs, un grand choix de contre-
vérités.
— Nos bagages, nous ne les avons pas encore. Il y a dû avoir
une erreur d’enregistrement et nos malles n’étaient pas dans le
fourgon (cela, au moins, était scrupuleusement exact : les malles
n’étaient pas dans le fourgon).
Il ajouta avec philosophie :
— Elles arriveront quand elles arriveront.
— Vous pourrez demander une indemnité à la Compagnie, dit la
placeuse.
M. Planchet, par une moue, semblait dire qu’il n’aimait pas se
lancer dans une procédure tracassière.
— C’est votre affaire, dit la placeuse.
Cependant, un neveu, grand et penché comme un peuplier
fragile, était apparu dans l’embrasure de la porte.
— Tu vas conduire ce jeune homme et cette jeune fille à l’adresse
que je mets sur cette lettre… Comme je ne peux vous accompagner
moi-même, il faut que je vous remette un petit mot pour le patron,
où j’expliquerai que vous n’avez pas de certificats et où je prendrai
ça sur moi. Il me connaît et il sait que je ne lui enverrais pas des
indésirables.
Planchet aurait peut-être été gêné en d’autres circonstances
d’usurper ainsi la confiance d’une brave dame. Mais la nécessité
toute-puissante le débarrassait de ses scrupules. D’ailleurs, il se
rendait compte qu’il était un simple menteur et n’avait rien d’une
dangereuse fripouille.
Il n’était pas tranquille, cependant, sur la suite de l’aventure. Car,
s’il se croyait en état de faire un valet de chambre passable, il
doutait fort des qualités de Catherine comme éducatrice de la
jeunesse et maîtresse de français. Bien qu’elle se laissât entraîner
plus passivement vers l’inconnu, la fille de l’aubergiste, elle non plus,
n’était pas trop rassurée. Comme une vitre protectrice les séparait
du neveu qui conduisait la voiture, Catherine put parler à demi-voix
à M. Planchet de ses appréhensions.
Il répondit hardiment :
— Vous en faites pas.
Cette réponse indique moins une solution de la difficulté que son
ajournement. Il s’en rendit compte et chercha tout de même le
moyen de parer aux événements.
— Voilà, dit-il au bout d’un instant. On va probablement vous
demander vos diplômes. Vous répondrez : « J’ai mon brevet
supérieur. » On vous dira de donner la leçon…
— C’est effrayant, dit Catherine… Si on retournait chez papa ?…
— Je veux bien, dit Planchet. Mais, là-bas, il y a des gendarmes.
A moins que vous soyez disposée à y retourner toute seule…
Elle se serra contre lui très gentiment : geste d’attachement plus
facile que des paroles, beaucoup plus expressif tout en étant moins
gênant. La question se trouvait réglée.
— Si on vous demande de donner la leçon, dit Planchet, voici ce
que vous ferez : les enfants auront bien des livres d’étude,
d’arithmétique, de dictées, de fables, d’histoire et de géographie.
Vous leur donnerez des leçons à apprendre et, le lendemain, vous
leur ferez réciter leurs leçons en suivant dans les livres. Jusqu’à quel
âge avez-vous été à l’école ?
— Jusqu’à treize ans. Mais je n’y allais pas tous les jours…
— … Oui… Vous noterez les leçons que vous avez donné à
apprendre. Et nous trouverons bien un moment pour que je vous
explique, à vous, ce que cela veut dire, afin que vous puissiez leur
refiler mes explications, si les parents sont là. Si les parents ne sont
pas là, les enfants s’en fichent… Je sais ça, je vous dirai, parce qu’un
été j’ai été précepteur pendant quinze jours…
— Oui, mais vous, vous êtes savant, dit Catherine.
— Possible, dit Planchet. Mais le peu de science que j’ai dans la
tête, au bout de ces quinze jours, il n’en avait pas passé beaucoup
dans la tête des enfants.
Cependant, la voiture était arrivée à l’entrée d’une grande allée.
Une porte s’ouvrait dans une belle grille, et le neveu efflanqué entra
par une courbe aisée dans l’avenue, comme si la résidence, que l’on
apercevait au fond, avait été de tout temps le domaine de ses pères.
Les visiteurs devaient être attendus avec une certaine
impatience. Un monsieur et une dame, âgés l’un et l’autre, se
tenaient sur le perron. Planchet et sa compagne furent examinés de
la tête aux pieds. Puis le monsieur lut avec attention la lettre de la
placeuse… Au fond, les gens qui cherchent des domestiques sont
comme ceux qui se marient : ils ne demandent qu’à avoir confiance.
Mais Planchet, lui, avait de moins en moins de foi dans le succès de
l’aventure. Il avait eu deux heures d’aplomb… C’était beaucoup pour
lui. Il commençait à se sentir abandonné par son courage.
Le vieux monsieur prit la parole :
— Mademoiselle aura à s’occuper de ma petite-fille, la fille de
mon fils aîné. Ses parents sont en voyage et on nous l’a confiée. Elle
a douze ans et je crois qu’elle est déjà très instruite pour son âge…
… La tâche de l’institutrice se trouvait peut-être simplifiée du fait
que l’élève était plus forte qu’elle. Mais Catherine allait avoir auprès
d’elle un juge un peu dangereux.
— Quant à vous, dit la maîtresse de maison à M. Planchet, il
faudra vous préparer pour servir à table ce soir. Et je voudrais que
vous vous mettiez sans retard aux carreaux de la salle à manger.
— Mme Bourru, dit le monsieur, m’écrit qu’il n’a pas sa malle. Vous
aviez probablement votre habit dans votre malle ?
Planchet fit un signe affirmatif. Le monsieur déclara :
— Je lui donnerai, en attendant, un vieil habit à moi, qui est
encore très frais.
Tout semblait s’arranger le mieux du monde, mais la sécurité
n’habitait pas l’âme de Planchet.
On lui demanda son prénom. Faute d’en trouver tout de suite un
autre, il sortit le sien : Horace, qui étonna le monsieur et la dame,
mais les flatta un peu. Ils annoncèrent qu’ils ne déjeunaient pas là, à
la grande satisfaction de Planchet qui préférait ne pas commencer
tout de suite son métier de serveur. Miss, déclara madame,
déjeunerait dans sa chambre et serait servie par Horace.
Puis, comme il restait un bon moment avant de s’en aller
déjeuner en ville, on décida de faire entrer Catherine tout de suite
en fonctions.
Le bon grand-père alla dans une pièce voisine chercher l’élève,
qui apparut sous les traits d’une trop grande fille, aux cheveux raides
et d’un blond pâle. Un binocle lui donnait un air studieux un peu
inquiétant.
— Olga, dit la dame, voici ta nouvelle maîtresse.
La grande petite fille, d’une secousse polie, fléchit rapidement les
genoux. Catherine ne savait pas si elle devait saluer de cette façon.
Dans le doute, elle ne salua pas du tout.
Cependant, les grands-parents avaient quitté la pièce…
— Quand l’autre demoiselle m’a donné la première leçon, dit avec
gravité la petite fille, nous étions en train de lire les Aventures de
Télémaque. Nous en étions à la page 120. Je lisais tout haut et,
chaque fois qu’il y avait un mot que je ne comprenais pas,
mademoiselle me l’expliquait. Est-ce que nous ferons de même,
mademoiselle ?
Le visage de Catherine ressembla assez, à ce moment, au visage
éploré d’une personne qui nage mal et à qui on propose de faire une
petite partie de natation dans un lac de soixante mètres de
profondeur. Heureusement, derrière la petite fille, les yeux chavirants
de l’institutrice rencontrèrent ceux du valet de chambre, qui, d’un
rapide clignement, firent signe qu’il fallait accepter. Catherine
accepta, la voix défaillante.
Pendant que la petite fille allait chercher son livre…
— Voilà, dit Planchet, écoutez-moi bien. Vous allez lui dire que
vous avez une méthode de travailler à vous…
— Je ne saurai jamais dire ça…
— Alors ne parlez pas de méthode. Dites-lui simplement :
« Mademoiselle, je ne répondrai pas tout de suite à vos questions.
Chaque fois que vous aurez un mot que vous ne comprendrez pas,
vous l’inscrirez sur une feuille de papier. Vous tâcherez de trouver
vous-même le sens sur un dictionnaire… »
— J’ai compris, dit Catherine qui n’était pas une petite bête…
— Dites-lui de faire deux listes, une pour elle, une pour vous. La
liste pour vous, bien entendu, vous me la donnerez et je trouverais
bien un moment pour vous expliquer les mots. Je vais d’ailleurs vous
dire ce qui va se passer. Les enfants — mon élève était comme ça —
aiment beaucoup interrompre la lecture pour poser des questions.
Mais, du moment que ce sera un travail pour elle et qu’il faudra se
donner la peine d’écrire des mots, surtout à double exemplaire, vous
verrez qu’elle s’arrêtera beaucoup moins et qu’elle fera semblant de
comprendre bien des mots qui lui échapperont.
Catherine, malgré ces excellentes directives, n’était pas du tout
rassurée. Elle regarda Planchet et celui-ci vit qu’elle avait des larmes
tout près des yeux. Alors, il lui mit sur le front un bon baiser de frère
protecteur. Et très gentiment, avec le plus grand naturel, elle le baisa
sur la joue…
Évidemment, avec son petit air de ne pas les gâter, le Destin leur
envoyait de bonnes compensations.
On devait lire, avec Olga, une demi-heure de Fénelon. Mais,
premier succès de la combinaison Planchet, dès que Catherine, tant
bien que mal, eut exposé à son élève sa manière de donner la leçon,
le zèle de la jeune Olga se trouva un peu refroidi, et en faisant
remarquer qu’il était tard et qu’elle n’avait plus beaucoup de temps
avant de partir avec ses grands-parents, elle demanda à sa
maîtresse de remettre la première leçon au lendemain ; ce qui lui fut
accordé généreusement par Catherine, qui remarqua avec
satisfaction que son élève n’était pas aussi studieuse qu’elle en avait
l’air.
On vint chercher en auto Monsieur, Madame et la petite fille.
C’était la voiture des gens chez qui ils allaient déjeuner. La placeuse
avait bien dit à Planchet que ses nouveaux maîtres avaient une auto.
Mais Planchet ne se demandait pas où était cette voiture. Il avait vu,
en entrant dans l’allée, un garage fermé et il ne savait pas si ce
garage contenait ou non une auto. Comme il se tenait à la portière
de la limousine, qui s’était arrêtée devant le perron, il entendit son
maître dire au chauffeur :
— Heureusement que nous vous avons pour nous transporter :
mon chauffeur m’a envoyé un télégramme pour me dire qu’il était
immobilisé à quelques lieues d’ici. J’espère que, d’ici ce soir, il aura
pu réparer. Je ne sais pas au juste ce qui lui est arrivé…
M. Planchet ne prêta à ces paroles qu’une attention distraite. Le
Destin néglige de souligner au crayon rouge les réflexions ou les
incidents qui devraient nous intéresser d’une façon particulière.
Cependant Catherine était installée dans sa chambre, où M.
Planchet avait été chargé de disposer une petite table pour faire
manger l’institutrice. La cuisinière lui montra où étaient les serviettes
et l’argenterie. Cette cuisinière, heureusement pour M. Planchet,
était une femme taciturne qui, à la suite de déceptions conjugales
ou autres, avait pris le parti de vivre seule avec sa pensée. Elle aida
le nouveau valet de chambre à préparer le panier de l’institutrice,
avec le linge de table, les couverts et plusieurs assiettes doubles,
abritant l’une des œufs, l’autre une tranche de jambon et de la
salade de haricots rouges, l’autre un morceau de gruyère et un fruit,
le tout accompagné d’une bouteille de vin blanc et d’un verre. Estelle
(la cuisinière) voulut bien ajouter qu’avec l’autre institutrice une
bouteille devait faire deux repas. Elle dédaigna de dire aussi que la
personne renvoyée compensait ce rationnement par de sournoises
visites au cellier.
Planchet, chargé de victuailles, monta l’escalier avec beaucoup
de précautions. On pense bien que Catherine l’aida à disposer sa
table, si toutefois on peut appeler aider le fait d’accomplir la besogne
tout entière, pendant que la personne à qui on donne un coup de
main est tranquillement assise sur un fauteuil et vous regarde
travailler avec une extase sympathique.
Il fallut que le serveur acceptât un œuf et un petit morceau de
jambon, bien qu’il protestât et qu’il affirmât que son tour allait venir
à l’office.
Le repas des domestiques rassemblait ce jour-là cinq convives :
la cuisinière déjà nommée, une courte fille de cuisine, boulotte et la
plus tachée de rousseurs de tout le département. Adèle, la femme
de chambre, était une brune sans personnalité. Le cinquième
convive, c’était un jardinier terreux à qui on ne pouvait reprocher,
étant donné son métier rude, d’avoir les ongles noirs, mais que l’on
était prêt à dispenser de la vaine entreprise d’essayer d’en améliorer
l’aspect avec la pointe de son couteau.
La conversation ne fut pas animée. M. Planchet mangeait, ce qui
l’aidait à garder une prudente réserve. La cuisinière fit simplement
allusion au dîner du soir : on attendait une dizaine d’invités. « Pour
un jour où il y avait un nouveau domestique, ce n’était vraiment pas
trouvé. » Ce fut aussi l’avis tout intérieur de M. Planchet.
L’après-midi, en l’absence des maîtres, fut assez paisible, M.
Planchet, sur une échelle, nettoya les carreaux de la salle à manger,
guidé discrètement dans son travail par la nouvelle maîtresse de
français.
Vers cinq heures, la voiture ramena les patrons et la petite fille.
Comme elle n’avait pas suffisamment pris d’exercice, on envoya Olga
faire un tour dans la verte campagne, accompagnée de Catherine,
qui lui donna, chemin faisant, une très bonne leçon de botanique
pratique, en lui apprenant le nom usuel d’un certain nombre de
végétaux.
Planchet s’était retiré dans sa chambre mansardée. Il s’étendit
sur son lit : c’était sa posture habituelle de méditation. Il était rare
que cette méditation n’apportât pas quelque remède passager aux
ennuis de l’heure présente en envoyant le méditant dans l’indulgent
pays des songes…
A six heures, il fut réveillé par la femme de chambre, qui lui remit
le costume de gala sous lequel il devait servir à table et qui n’était
autre que le frac de mariage, glorieux trente-cinq ans auparavant,
du maître de la maison.
La table — de seize couverts, ma foi — fut disposée par la
femme de chambre et M. Planchet, sous l’œil souverain de la
patronne. M. Planchet avait assez souvent dîné dans le monde pour
ne pas se montrer trop profane au cours de ces préparatifs. Jusqu’à
ce moment, il n’avait pas trop d’anxiété, mais il n’osait penser à la
question du service : il savait qu’il n’était pas spécialement « adroit
de ses mains ».
Il apprit avec ennui que, la jeune fille mangeant à table,
l’institutrice figurerait également parmi les convives, pour faire un
nombre pair. A cet effet, la garde-robe de la patronne fut également
mise à contribution, et une robe de faille noire, peut-être un peu
ample pour elle, fut octroyée à la jeune Catherine.
Vers huit heures seulement, les invités commencèrent à arriver.
Trois ou quatre chargements amenèrent l’effectif complet dans
des torpédos, des cabriolets et des limousines.
M. Planchet attendait avec anxiété le moment où il annoncerait
que le dîner était servi. Derrière la porte du salon, il était comme le
poilu guettant le signal de l’Heure. La ceinture un peu large de son
pantalon ne l’inquiétait pas, car elle était soutenue par de fortes
bretelles. Mais il rentrait, le plus qu’il pouvait, ses poignets dans ses
manches trop courtes. Ses gants, de son prédécesseur, étaient un
peu larges et trop longs. Il restait au bout de chaque doigt une
petite poche inoccupée.
Enfin, la femme de chambre, déléguée spécialement par la
cuisinière, baissa le drapeau du départ. M. Planchet ouvrit la porte à
deux battants et lança un « Madame est servie ! » peut-être un peu
vigoureux. Mais tous ces gens avaient faim et pensaient à autre
chose qu’à faire des critiques d’intonation.
Il fallait apporter des assiettes de potage, aux dames d’abord, en
commençant par la maîtresse de maison. M. Planchet se disait que la
femme de chambre, qui remplissait les assiettes sur le dressoir, y
mettait un niveau de potage un peu élevé au gré d’un homme dont
les doigts de fil blanc sont plutôt longs. D’autant que la première
assiette fut refusée d’abord par les premières dames pour des
questions de régime, puis par la pauvre Catherine, toute engoncée
dans sa faille noire et qui n’osait pas ne pas faire comme les autres,
enfin par la jeune Olga, ravie de « couper » à la soupe à la faveur de
la distance qui la séparait de ses ascendants. Cette première assiette
errante fit le grand tour de la table et vint échouer devant M. le
conseiller Frapotte, placé à la droite de la maîtresse de maison. Il
était temps, car ces refus successifs avaient fini par alarmer M.
Planchet, qui se demandait s’il ne devait pas les attribuer à la
proximité excessive de ses doigts de gant et de la nappe refluante
du potage, en mal constant d’horizontalité.
Le maître d’hôtel, après l’épreuve du potage, après avoir versé le
vin du Rhin dans des verres hauts de pied, voyait arriver avec
angoisse le moment où il faudrait apporter le Bourgogne ; car la
richesse et l’extrême propreté de surtouts de dentelle
l’impressionnaient et il craignait de les maculer d’un vin rouge
horriblement visible, qui gênerait les desseins de la maîtresse de
maison, au cas où elle aurait tenu à faire servir ce linge de table
pour une autre occasion. Aussi éprouva-t-il un certain soulagement,
en servant des filets de sole aux épinards, quand il vit un convive
laisser tomber en deçà de son assiette un peu de légumes verts.
Il y avait deux plats de poisson, l’un dévolu à la femme de
chambre, l’autre à M. Planchet. Celui-ci avait soigneusement étudié
son affaire ; mais il y eut une fausse manœuvre, et presque un
tamponnement, au moment où il s’agit de servir M. Chalabert,
l’industriel belfortain. La femme de chambre l’emporta et passa de la
sole à ce monsieur, tandis que Planchet, désorbité, ayant perdu le fil,
errait le plat à la main, autour de la table, à la recherche d’autres
dîneurs non pourvus.
En somme, à part ces fautes vénielles, tout semblait marcher
sans trop d’encombre. M. Planchet, au moment de la selle d’agneau,
avait acquis dans son nouvel emploi assez d’aisance et de
désinvolture pour se permettre de suivre la conversation.
Il était en train de présenter son plat à une dame, quand il
entendit le maître de la maison prononcer ces paroles :
— Mon chauffeur a eu un accident. Il vient de m’en téléphoner
les détails. Nous l’avions laissé partir seul de Bront-les-Eaux…
M. Planchet, le cœur battant, écoutait avec une telle attention,
qu’il oublia de retirer son plat et que la dame, qui avait déjà pris
trois tranches d’agneau, lui dit de guerre lasse :
— Merci, merci, c’est assez…
Il reprit donc derrière cette dame sa position verticale. Mais, le
plat à la main, il suivait anxieusement, et sans bouger, la
conversation du patron.
— Il lui est arrivé une aventure terrible, à ce pauvre Célestin.
Figurez-vous qu’un assassin s’était introduit dans la voiture. Il s’en
est aperçu à temps, au moment où il s’arrêtait dans une auberge, à
Chalezey, à quelques lieues d’ici. On a ficelé l’individu ; on l’a mis
dans une grange sous la surveillance de la fille de l’aubergiste. Cet
aubergiste et mon homme sont allés chercher les gendarmes. Mais,
quand la force publique est arrivée sur les lieux, l’apache s’était
donné de l’air, et l’on ne sait pas ce qu’est devenue la fille de
l’aubergiste. Peut-être l’a-t-il tuée…
M. Planchet regarda faiblement du côté de Catherine et vit que
sa victime supposée était devenue toute rouge et toute petite, sa
tête émergeant à peine du niveau de la table.
Puis ses yeux rencontrèrent ceux de la maîtresse de maison, qui
s’étonnait de le voir immobile et, d’un regard impatient, lui fit signe
de reprendre son service…
On a tort de raconter des histoires aussi directement émouvantes
à un valet de chambre débutant. A partir de ce moment, le plat de
M. Planchet heurta un certain nombre d’épaules nues et de dos
d’habits noirs. De la sauce foncée tomba sur des robes claires. On
s’en aperçut plus ou moins, et il n’y eut pas de scandale. Des
convives, oubliés dans la distribution de la selle d’agneau et des
taches, réclamèrent timidement, en montrant leur assiette vide, sans
savoir ce que cette légère privation de nourriture leur épargnait de
notes de dégraissage.
— Mon chauffeur ne reviendra sans doute que demain…
Cette déclaration du patron redonna un peu d’aplomb au
malheureux serveur. Il se dit qu’il avait une nuit devant lui pour s’en
aller, en compagnie de Catherine, sous des cieux plus cléments.
Il était en train de présenter un foie gras au porto à un
quinquagénaire joufflu, quand son client momentané fut interpellé
par le patron.
— Vous aurez sans doute à vous occuper de cette affaire-là,
monsieur le commissaire ?
— Je ne pense pas, car Chalezey est dans la Haute-Saône, dit ce
mandataire peu zélé de la vindicte publique.
Avant la glace pralinée, devant laquelle ne se produisit aucune
défection, après le fromage beaucoup moins couru, on passa de très
beaux fruits, ce qui donna aux convives bien élevés l’occasion de
prouver leur savante éducation, en pelant avec un couteau de
vermeil la poire duchesse adroitement piquée par la fourchette, et ce
qui détermina l’abstention de Catherine, peu experte à cet exercice
compliqué.
On se rendit au salon, où la femme de chambre avait disposé le
café et les liqueurs. La jeune Olga apportait les tasses à chaque
convive, selon un ordre protocolaire déterminé. Elle était suivie par
M. Planchet, qui tenait le sucrier… Déjà plusieurs personnes avaient
reçu leur ration, quand M. Planchet vit la femme de chambre rentrer
dans la pièce et s’approcher du maître de la maison à qui elle
murmura quelques paroles…
— Mon chauffeur est revenu, dit triomphalement le patron.
Plusieurs voix s’élevèrent…
— Appelez-le… Nous voulons le voir… Il faut qu’il nous raconte
son aventure !…
Ils étaient ravis de se trouver en présence d’un personnage de
faits-divers. Ils ne connaissaient pas tout leur bonheur : une vedette,
deux vedettes, encore plus intéressantes, étaient déjà dans leurs
murs.
Que se passait-il à ce moment dans l’âme de M. Planchet ?
Probablement rien. De pareils coups de massue vous vident
instantanément le cerveau et paralysent tout l’appareil moteur.
C’est là le secret de bien des attitudes héroïques.
Célestin, dès qu’il eut aperçu son assassin, un sucrier à la main,
au milieu de la pièce, fut immobilisé de la même façon. A la grande
surprise des assistants, il y eut en présence deux personnages de
cire du Musée Grévin, parfaitement imités d’ailleurs. Quant à
Catherine, elle n’avait pas bougé non plus, mais personne, même
elle, ne savait ce qu’elle était devenue.
Ce ne fut qu’au bout d’un instant qu’un des hommes de cire
revint à la vie. Célestin eut la force de tendre son bras dans la
direction de Planchet et de balbutier :
— C’est lui…
On ne comprit pas immédiatement ; mais, lorsqu’on eut compris,
ce fut un beau tapage… Les femmes poussèrent des cris stridents.
Trois brownings, un revolver d’artilleur et un trousseau de clefs se
braquèrent dans la direction de M. Planchet. Cet être, à moitié
anesthésié, possédait encore heureusement de bons réflexes qui lui
firent accomplir, presque à son insu, l’élévation rituelle des bras.
Le commissaire de police, l’affaire ayant envahi son territoire, prit
la direction des opérations.
— Montez dans sa chambre, dit-il à Célestin, et rapportez-moi
tout ce que vous y trouverez… S’il y a des engins qui vous paraissent
dangereux, ne les touchez pas. On préviendra les pompiers de
Belfort.
Cependant, le maître de la maison, dans un discours si confus et
si désordonné qu’il semblait proféré par un enfant de quatre ans,
tâchait de raconter comment ce domestique s’était présenté, sans
papiers et sans bagages, en compagnie d’une institutrice…
— Au fait, où est-elle, cette institutrice ?
On reconnut Catherine, blottie contre le bois sacré du piano. On
la dirigea avec l’index d’un revolver, dans le coin où M. Planchet était
gardé à vue.
Cependant, Célestin était revenu avec les habits de Planchet. Le
commissaire, séance tenante, procéda à l’inventaire. Il retira d’une
poche de pantalon un mouchoir propre, mais froissé, un trousseau
de clefs, probablement de fausses clefs, et une feuille de vraie
salade dont personne ne s’expliqua la destination. Il n’y avait rien
dans les poches du gilet. Dans la poche intérieure gauche de la
jaquette, une carte d’entrée pour le casino de Bront-les-Eaux…
Dans l’autre poche, enfin, une lettre non décachetée…
— Une lettre non décachetée ? fit le commissaire.
— Une lettre non décachetée ? fit M. Planchet qui ne soupçonnait
pas l’existence de ce pli, inséré par sa concierge, pendant son
sommeil, dans une poche qu’il n’utilisait jamais.
— Voulez-vous me permettre de la lire ? dit-il au commissaire.
— Elle est à vous. Décachetez-la, mais vous me la rendrez
ensuite.
Planchet ouvrit la lettre. Il commença par lire l’entête : Étude de
Me Girardinon, notaire à Paris.
On le vit poursuivre sa lecture, avec des yeux agrandis et un
souffle de plus en plus oppressé… Il tendit la lettre au commissaire
qui en fit la lecture à demi-voix.
— On vous annonce que votre oncle de Montevideo est décédé et
que vous héritez de deux millions de piastres.
M. Planchet, soudain très exalté, raconta d’affilée, mais dans un
ordre un peu bousculé, son voyage à Bront, la perte à la boule, le
soporifique, le refuge dans le garage, le départ inconscient sous les
couvertures…
— C’est un conte à dormir debout, dit le commissaire en prenant
à témoin un des convives, M. Tholozène, professeur de philosophie à
la Faculté de Besançon.
Heureusement, M. Tholozène n’était pas un esprit terre à terre et
banal…
— Il y a bien des cas, dit-il, où je crois plus à l’incroyable qu’au
croyable, pour la simple raison que le croyable se fabrique plus
aisément.
M. Planchet proposa lui-même qu’on l’enfermât dans une des
salles du château, autant que possible avec quelque nourriture, car
le repas des gens de service n’avait pas encore été entamé…
Pendant ce temps, il serait loisible à ces Messieurs de faire une
enquête sur ses dires. Il demandait seulement qu’on voulût bien
utiliser le télégraphe et le téléphone.
— Je comprends que vous teniez à vérifier ce que j’avance, avant
de classer l’affaire. En attendant, permettez-moi de vous inviter dans
trois semaines à mon mariage avec Catherine… Catherine comment ?
demanda-t-il à sa fiancée.
Elle était tellement troublée, remuée, reconnaissante, qu’elle ne
trouvait plus son nom de famille…
— … Frépillot, dit avec humeur Célestin…
ACHEVÉ D’IMPRIMER POUR
LES ÉDITIONS DES PORTIQUES,
LE 27 JUILLET 1928,
PAR L’IMPRIMERIE FLOCH,
A MAYENNE (FRANCE).
*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK DÉCADENCE ET
GRANDEUR ***
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