Karl Lagerfeld était beaucoup de choses : un ami, un artiste accompli, un paradoxe. Il était un créateur qui aimait attirer les regards, mais tenait intensément à sa vie privée. Un intellectuel, un homme éminemment cultivé, qui pourtant adorait les enivrantes lumières de la culture populaire. Son bureau était couvert de livres, de papiers, mais il disposait toujours du dernier cri en matière de technologie. Pour lui, bien sûr, la mode n’avait pas sa place dans un musée, elle se devait d’être tournée vers l’avenir, jamais figée dans le passé, dans l’Histoire. Et le voici pourtant l’objet d’une rétrospective au Costume Institute du Metropolitan Museum of Art.
Je suis néanmoins en paix avec le modeste rôle que j’ai joué dans cette ultime contradiction car je sais que cette reconnaissance lui aurait plu – et que personne ne la mérite plus que lui, tout simplement. Andrew Bolton, le brillant conservateur du Costume Institute, a conçu la nouvelle exposition “Karl Lagerfeld: A Line of Beauty” (Karl Lagerfeld : Une ligne de beauté), un titre en référence au peintre William Hogarth, pour qui une ligne serpentine, en mouvement, en constante évolution, capturait plus et mieux l’énergie et la vie qu’une ligne droite. Difficile d’imaginer meilleure métaphore pour illustrer l’impact révolutionnaire de Karl sur la mode.
Une vie comme celle de Karl, glorieuse, agitée, toujours sous l’œil public, pleine de rebondissements, de réinventions fascinantes, mérite d’être célébrée. C’est ce que nous avons voulu organiser ici. Vogue revient sur l’histoire de Karl, sur son travail pour Chanel, Chloé, Fendi et pour sa propre marque. Rafael Pavarotti a magnifiquement photographié ses créations, et Amanda Harlech, amie, muse et collaboratrice de Karl, a écrit pour les accompagner un texte magique en sa mémoire, qui convoque son souvenir de la plus précise des manières – un geste de mémoire pour lequel je ne saurais être plus reconnaissante.
Aller de l’avant, toujours, tout en contemplant le passé : c’était ça, Karl. Dans le cadre de cette célébration, un second portfolio projette ainsi son héritage dans l’avenir. Un projet d’une complexité et d’une ambition folles que Karl aurait approuvées. Nous avons demandé à dix créateurs d’imaginer des looks inspirés de son travail, puis nous avons amené toutes ces incroyables créations au Grand Palais à Paris, un lieu où Karl a maintes fois présenté ses collections Chanel, mais qui est actuellement en pleine rénovation. Qu’à cela ne tienne, Annie Leibovitz, le rédacteur de mode Alex Harrington, et des mannequins comme Shalom Harlow, Naomi Campbell, Kendall Jenner et bien d’autres encore se sont retrouvés au beau milieu des échafaudages – casque obligatoire ! – au cœur de la splendeur Beaux-Arts. Annie a su capturer dans les images qui en résultent quelque chose de très Karl : une mode inoubliable, un sens du spectacle, une notion de cette collision entre passé et avenir. Ses photos possèdent une ampleur toute cinématographique, mais aussi une dimension intime forcément émouvante à mes yeux. Car ces mannequins, ces créatrices et ces créateurs (sans parler de cette célèbre petite chatte) connaissaient Karl – parfois très bien – et toutes et tous ont eu le privilège de son amitié, de son soutien et de ses conseils, de sa joie et de sa curiosité, de son impatient appétit pour le monde qui l’entourait. Rendre hommage à Karl, c’est rendre hommage à la vie elle-même, une célébration de sa forme la plus pure. À tous, il manque énormément.
Traduction par Hervé Loncan
Article initialement publié sur vogue.com
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