Ööfrreut la chouette

Illustré par Clémence Monnet · Le Seuil 2020

La première fois que j’ai fait attention à elle, c’était il y a quatre couvées, deux tours de soleil ou deux ans comme disent les humains. Cette fois-là, elle est entrée dans la forêt avec ses parents… Normal, les parents accompagnent toujours les petits quand ils ne savent pas encore chasser. Ils la tenaient par la main et éblouissaient les troncs d’arbres à coup de ces sortes de bâtons lumineux que portent les humains qui ne savent pas ouvrir grand leurs yeux dans le noir. Ils faisaient de drôles de bruits avec leur gorge, ces hi hi hi qui montrent qu’ils sont heureux.

Ööfrreut la chouette, page 2

La nature et une amitié

Une enfant solitaire, une maison de vacances à l’orée de la forêt. Et Ööfrreut la chouette. En général, Ööfrreut ne se préoccupe pas des humains, mais cette fille-là n’est pas comme les autres. Elle sait marcher la nuit dans la forêt, elle n’a pas peur, et elle prend le temps de saluer les arbres, d’écouter le moindre bruissement, le plus petit furtif battement d’ailes. Et puis Ööfrreut se sent seule, ses oisillons ont quitté le nid… Elle finit par attendre ce moment, tous les soirs, quand la fille la cherche des yeux entre les branches. Alors quand la petite va trop loin et qu’elle se met en danger, Ööfrreut fonce pour la sauver…

« Elle marche sans frémir aux gémissements des troncs… Elle sait écouter la nuit. »

Une chouette, encore…

L’histoire de Ööfrreut est un écho de celle de la Walïlü, dans mon roman Filles de la Walïlü. Les trémas sur les voyelles sont un clin d’œil à cette parenté. J’ai commencé les deux projets en même temps, dans une maison dont le jardin s’ouvre sur la forêt. La nuit, j’entendais une chouette hululer. Comme une fenêtre entrouverte sur les mystères et la force de la nature. Ööfrreut et la Walïlü rendent hommage à cette chouette, une hulotte (j’ai depuis appris à reconnaître les cris des chouettes…). J’espère qu’elles vous donneront envie de marcher dans la forêt, les yeux ouverts sur sa nuit, les oreilles grandes ouvertes sur ses bruissements magiques.

Dans les coulisses

Ööfrreut, esquisses

La réalisation d’un album est toujours une aventure en soi. Il y a les moments de découverte du projet, en trio autrice – illustratrice – éditrice (un très beau travail mené par Céline Ottenwælter !), les directions qu’on a envie de prendre, toujours ensemble. Jusqu’aux dernières images, puis l’attente de la maquette, de l’impression. Clémence a réalisé ses dernières images pendant le printemps 2020, les chouettes les plus hardies devaient rester chez elles, confinées. De peur de manquer de papier, Clémence a récupéré des dessins, elle les a découpés, collés… Et il y a eu aussi ce début d’été aux ciels roses, là-bas, dehors. Et la Lune. La beauté essentielle de la nature. L’univers de Ööfrreut s’est enrichi de ce moment si étrange, de ce temps qui donne encore plus de prix à la nature et à la liberté. Ööfrreut a les ailes saupoudrées de cette envie, de ce besoin de liberté.

Toutes les images © Clémence Monnet 2020